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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 18 novembre 2025, n° 22/04592

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Kompai Robotics (SAS)

Défendeur :

Easymile (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Michel

Conseillers :

M. Breard, Mme Lamarque

Avocats :

Me Le Marrec, Me Bouzidi, Me Fonrouge, Me de Gaulle

TJ Bordeaux, 1re ch., du 23 août 2022, n…

23 août 2022

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

1- La société Robosoft Services Robots (ci-après RSR), créée le 14 février 1985 par M. [B], spécialiste des algorithmes, ayant pour activité l'étude, la réalisation, et la commercialisation de tout produit ayant trait à la robotique de service a fait l'objet d'un redressement judiciaire puis d'une liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de commerce de Bayonne le 3 avril 2017. M. [B] avait été révoqué de ses fonctions en décembre 2015.

2- Le 24 mai 2017, par acte sous seing privé, la société RSR, représentée par son administrateur judiciaire au redressement judiciaire, a cédé le fonds de commerce à la sas Kompaï Robotics, prise en la personne de son représentant légal, M. [B], comprenant notamment au titre des éléments incorporels le logiciel '[Localité 6]' (professional universal robot engine) : codes sources du logiciel bas niveau, sous Windows CE et Linux.

L'acte de cession précise en ce compris, droits d'auteurs, d'utilisation, d'exploitation, de reproduction, de représentation, et de modification, pour le prix de 35.000 euros.

3 - La société EasyMile absorbant la société Robosoft Driveless Solutions (ci-après RDS) et changeant de dénomination pour EasyMile ont été créées en 2014 et sont détenues par la société Wiles Venture, également entrée au capital de la RDS en 2014 et par le groupe Ligier automobiles. M. [B] a été président et salarié de la RDS et a été révoqué de ses fonctions en décembre 2015. Le représentant légal actuel est M. [Z] [Y].

4 - Le 21 juin 2017, à l'occasion de l'acquisition aux enchères d'un lot intitulé 'robot, table, divers' comprenant un robot dénommé Engy, dans le cadre de la liquidation de la société RSR, la sas Kompaï Robotics a découvert que ce robot utilisait la majeure partie du code source du logiciel '[Localité 6]' dans un logiciel 'Rapidash', édité par la sas EasyMile.

5 - Par ordonnance sur requête du 3 mai 2018, la sas Kompaï Robotics a obtenu une autorisation de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société EasyMile. Le 19 juin 2018 a été dressé un procès-verbal de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société EasyMile.

6 - Par exploit d'huissier en date du 18 juillet 2018, la sas Kompaï Robotics a assigné la sas EasyMile devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale parasitaire.

Par ordonnance du 16 décembre 2019, le juge de la mise en état a rejeté la demande d'expertise sollicitée par la sas Kompaï Robotics.

7- Par jugement du 23 août 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- dit que le tribunal est compétent pour ordonner une expertise,

- rejeté la demande tendant à voir écarter des débats les pièces 17 à 22, 24 à 27, 30 et 35,

- rejeté les fins de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir et du défaut d'intérêt à agir,

- dit que le logiciel [Localité 6] est protégeable au titre du droit d'auteur,

- rejeté toutes les demandes formées au titre de la contrefaçon de droit d'auteur,

- rejeté toutes les demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

- rejeté la demande indemnitaire au titre d'une procédure abusive,

- condamné la sas Kompaï Robotics à payer à la sas EasyMile la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la sas Kompaï Robotics aux dépens,

- rejeté la demande d'exécution provisoire.

8 - Par déclaration électronique du 7 octobre 2022, la sas Kompaï Robotics a interjeté appel du jugement du 23 août 2022 du tribunal judiciaire de Bordeaux, en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société Kompaï Robotics au titre de la contrefaçon de droit d'auteur et au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.

9 - Par jugement du 25 juillet 2024, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la sas EasyMile et a désigné d'une part la scp Cbf associés en qualité d'administrateur judiciaire, prise en la personne de Me [C], et d'autre part la selarl Benoît et associés, en qualité de mandataire judiciaire, prise en la personne de Me [I].

Par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 20 janvier 2025, la société Kompaï Robotics a été placée en redressement judiciaire, désignant la SELAS [A] et associées, prise en la personne de Me [D], en qualité de mandataire judiciaire.

10 - Par exploits d'huissiers en date du 28 mars 2025, la société Kompaï Robotics a assigné en intervention forcée la scp Cbf associés, prise en la personne de Me [C], en qualité d'administrateur judiciaire, et la selarl Benoît et associés, en qualité de mandataire judiciaire, prise en la personne de Me [I], de la sas EasyMile.

11 - Par dernières conclusions notifiées par RPVA en date du 1er avril 2025, la société Kompaï Robotics représentée par la SELAS [A] et associés prise en la personne de Me [R] [D] es qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Kompaï Robotics demande à la cour d'appel de Bordeaux de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel de l'exposante,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées par l'exposante au titre de la contrefaçon de droit d'auteur et au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

- le confirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire et juger que les actes commis par la société EasyMile par la détention, l'usage et la reproduction des codes et du matériel de conception préparatoire du logiciel [Localité 6] constituent une contrefaçon du droit d'auteur appartenant à la société Kompaï Robotics,

- ordonner à la société EasyMile de communiquer, par écrit et sous une forme appropriée, tout document ou information permettant de déterminer l'ampleur de la contrefaçon du droit d'auteur appartenant à la société Kompaï Robotics,

- interdire à la société EasyMile la poursuite des actes de contrefaçon notamment l'utilisation, la présentation, la promotion et toute autre mise à disposition par tout moyen et sous quelque forme et manière que ce soit, du logiciel [Localité 6] et de son matériel de conception préparatoire,

- assortir cette interdiction d'une astreinte de 10.000 euros par infraction constatée dès la signification de la décision à intervenir,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que les agissements de la société EasyMile sont constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Kompaï Robotics,

- interdire à la société EasyMile l'utilisation, la présentation, la promotion et toute autre mise à disposition par tout moyen et sous quelque forme et manière que ce soit, du logiciel [Localité 6] et de son matériel de conception préparatoire

- assortir cette interdiction d'une astreinte de 10.000 euros par infraction constatée dès la signification de la décision à intervenir,

En tout état de cause,

- inscrire la créance de la société Kompaï Robotics au passif de la société EasyMile pour la somme de 1.873.773,61 euros à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire,

- ordonner à la société EasyMile la suppression définitive de l'ensemble des fichiers constituant le code source du logiciel [Localité 6] et du matériel de conception préparatoire, sous le contrôle d'un commissaire de justice, et en justifier dans les 8 jours de la décision à intervenir par la production d'un procès-verbal de constat,

- ordonner la publication en intégralité de la décision à intervenir, aux frais exclusifs de la société EasyMile, sur la page d'accueil de son site internet, et ce, quelle que soit l'adresse permettant d'y accéder, de façon visible et en toutes hypothèses au-dessus de la ligne de flottaison, sans mention ajoutée et en police Arial 14 points au moins, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre 'condamnation judiciaire' en police Arial 16 points au moins, pendant un délai de 6 mois,

- assortir cette injonction d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir,

- autoriser la société Kompaï Robotics à publier le jugement à intervenir dans trois revues ou journaux de son choix, aux frais exclusifs de la société EasyMile,

- condamner la société EasyMile à verser à la société Kompaï Robotics la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, en ce compris ceux de première instance et ceux de la procédure de saisie contrefaçon.

12. Par dernières conclusions notifiées par RPVA en date du 31 janvier 2024, la société EasyMile demande à la cour d'appel de Bordeaux de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- rejeté toutes les demandes formées au titre de la contrefaçon de droit d'auteur,

- rejeté toutes les demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

- condamné la sas Kompaï Robotics à payer à la société EasyMile la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi aux entiers dépens,

- infirmer pour le surplus le jugement entrepris en particulier,

- en ce qu'il a considéré que le logiciel [Localité 6] est protégeable au titre du droit d'auteur,

- en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire au titre d'une procédure abusive,

Statuant à nouveau,

A titre reconventionnel,

- condamner la société Kompaï Robotics à payer à la société EasyMile la somme de 50.000 euros pour procédure abusive,

En tout état de cause,

- débouter la société Kompaï Robotics de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société EasyMile,

- condamner la société Kompaï Robotics à payer à la société EasyMile la somme de 80.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Kompaï Robotics aux entiers dépens de la présente instance.

La scp Cbf associés en qualité d'administrateur judiciaire de la société EasyMile, prise en la personne de Me [C], et d'autre part la selarl Benoît et associés, en qualité de mandataire judiciaire de la société EasyMile, prise en la personne de Me [I], régulièrement constituées n'ont pas conclu.

13 - L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 7 octobre 2025. L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 23 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

14 - L'appel de la cour est limité par le jeu des appels principal et incident à l'infirmation du jugement déféré qui a reconnu que le logiciel '[Localité 6]' était protégeable au titre du droit d'auteur et partant, il est demandé à la cour d'interdire à la société EasyMile de poursuivre les actes de contrefaçons sous astreinte et subsidiairement de les interdire en ce que les actes de la société sont constitutifs de concurrence déloyale et parasitisme.

I - Sur l'action en contrefaçon de droits d'auteur :

15 - Il est constant que le logiciel est susceptible d'appropriation au titre des droits d'auteur.

De même, le logiciel en open source ou accès libre dont la particularité est de permettre aux utilisateurs, sous réserve de la signature électronique d'un contrat de licence, d'accéder au code source, de l'utiliser voire de le modifier, est protégeable au titre des droits d'auteur.

Le titulaire des droits sur un tel logiciel est ainsi recevable à agir en contrefaçon, sous réserve d'en démontrer l'originalité qui le rend accessible à la protection au titre des droits d'auteur, l'existence d'actes contrefaisants et un préjudice en lien de causalité, la contrefaçon étant caractérisée en la matière par le non respect des termes du contrat de licence qui fixe les conditions d'accès à un logiciel libre.

Le litige porte ici sur la titularité, l'originalité du logiciel, l'existence d'actes de contrefaçon ainsi que le préjudice.

Sur la titularité des droits cédés

16 - Le jugement a retenu l'originalité du logiciel '[Localité 6]', dont la matérialité dans sa forme perceptible antérieure à la cession était attestée par la remise des codes sources sur une clef USB auprès d'un commissaire de justice deux ans avant sa cession.

17 - L'intimée conteste la qualité pour agir de l'appelante en ce qu'elle ne démontrerait ni la matérialité de la cession, ni la titularité de ses droits sur le logiciel '[Localité 6]' par la seule production de l'acte portant cession du fonds de commerce. Elle remet en cause l'identification même du logiciel, l'expert de l'appelante se basant sur une version du 9 juin 2015, dont il n'est pas démontré que c'était la version acquise par Kompaï Robotics, qui n'était pas encore créée à cette date, la société RSR non encore liquidée.

18 - Au soutien de la confirmation du jugement, l'appelante rappelle le processus de création du logiciel '[Localité 6]' par la société Robosoft, puis RSR, et l'acte de cession du 24 mai 2017 qui le mentionne clairement, la version d Kompaï Robotics u code source mise sous séquestre le 9 juin 2015 par la société RSR et celle détenue par Kompaï remise également sous séquestre à l'huissier chargé de la saisie contrefaçon le 25 mai 2018.

Sur ce

19 - Selon l'article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version modifiée par la loi du 1er août 2006 applicable au présent litige, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre d'un droit de propriété opposable à tous.

Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code.

Selon l'article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d'auteur appartient sauf preuve contraire à celui sous le nom duquel l'oeuvre est divulguée. En dehors des contrats de representation, d'édition et de production audiovisuelle, la loi n'exige pas que la cession des droits sur une oeuvre soit constatée par écrit, ce sont les dispositions des articles 1341 à 1348 du code civil qui s'appliquent.

20 - En l'espèce, il est démontré que la société RSR était bien l'auteur du logiciel '[Localité 6]' par la production de différentes pièces versées aux débats que sont le devis du 4 septembre 2014 adressé au collège de [5], des échanges avec des clients et RSR sur le développement du logiciel et des travaux de M. [B] et des salariés de Robosoft entre 2008 et 2015, devenu RSR.

21 - S'agissant de la détention par Kompaï Robotics, le rapport d'expertise privé réalisé par M. [F] le 24 février 2020 soumis à la contradiction des parties dans le cadre des débats de première instance et d'appel, est complété par son analyse des fichiers codes sources ayant fait l'objet d'une mise sous séquestre par la société RSR chez un commissaire de justice le 9 juin 2015 sur une clef USB avant cession du logiciel comme bien immatériel dans le cadre de la cession du fonds de commerce le 24 mai 2017 de cette société en liquidation judiciaire, mais également par les fichiers codes sources détenus par la société Kompaï Robotics suite à la cession du fonds de commerce dont mention est faite du logiciel '[Localité 6]' et remis le 25 mai 2018 entre les mains du commissaire de justice [J] ayant procédé à la saisie contrefaçon des fichiers argués de contrefaçon au sein de la société EasyMile le 19 juin 2018.

22 - Contrairement à ce que soutient l'intimée, les codes sources du logiciel ont bien été produits et placés sous séquestre entre les mains de Me [J], l'expert [F] ayant ainsi pu les examiner et les comparer aux seuls fichiers saisis comme argués de contrefaçon.

23 - L'expert après analyse des fichiers en déduit qu'ils ont été extraits du logiciel de suivi de version du code source du 9 juin 2015, le support du logiciel dans la clef au moment de la cession étant la contre-partie de la cession des droits immatériels sur celui-ci. Le dépôt du logiciel '[Localité 6]' dans une clef USB par la société Kompaï le 25 mai 2018, de manière conforme au contenu de la clef USB versé entre les mains d'un précédent huissier le 9 juin 2015 par la société RSR avant la cession de ces droits à la société Kompaï Robotics la rend titulaire du logiciel '[Localité 6]' et le support permet son identification.

24 - Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit la société Kompaï Robotics titulaire des droits sur le logiciel '[Localité 6]' à compter du 24 mai 2017.

Sur l'originalité du logiciel [Localité 6]

25 - Le jugement a retenu l'originalité du logiciel '[Localité 6]', en ce que l'auteur du logiciel avait fait des choix dépassant une simple logique automatique et contraignante avec des arbitrages sur des choix.

26 - L'intimée, par appel incident sollicite l'infirmation du jugement sur l'originalité du logiciel, mettant en cause l'impartialité du rapport expertal.

Elle met en doute la comparaison faite entre les codes objets de la saisie contrefaçon et le logiciel cédé en 2017 en ce que le logiciel objet du procès verbal du 25 mai 2018 n'est désigné par aucun nom, il concerne des robots Kompaï Robotics destinés à accompagner les personnes à mobilité réduite et leurs aidants alors que Kompaï soutient que son logiciel '[Localité 6]' est contrefait pour des véhicules autonomes, que le code source aurait été développé par Kompaï Robotics alors que '[Localité 6]' a été acquis de RSR lors de sa liquidation judiciaire.

Elle conteste par ailleurs toute originalité du logiciel argué de contrefaçon, d'une part en ce que la société Kompaï Robotics ne produit pas les codes sources, l'originalité ne sachant se déduire du seul processus de recherche dont elle fait état et d'autre part, en ce que Kompaï Robotics fait état uniquement de caractéristiques techniques et banales impropres à caractériser une quelconque originalité du logiciel.

L'intimée rappelle que contrairement à ce qu'a indiqué le premier juge, l'expert privé ne pouvait avoir eu accès aux codes sources du logiciel 'RAPIDASH' de la société EasyMile alors que pour autant il en a fait la comparaison, faisant ainsi preuve d'impartialité. Ne pouvant se baser sur ce rapport ni sur l'examen du code source qui n'est pas fourni, l'intimée rappelle que ni la fonctionnalité d'un programme d'ordinateur ni le langage de programmation et le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d'un programme d'ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions ne constituent une forme d'expression de ce programme.

De même, que la surcharge de l'opérateur, aux fins d'inversion ou de transposition de matrice, si elle peut sembler particulièrement complexe pour un néophyte ne serait en réalité qu'une méthode extrêmement courante, répondant à de simples besoins pratiques de simplicité de codage et les choix opérés par RSR étant les choix les plus évidents, même chose pour le choix de la méthode Gauss-Joran qui est un basique dans le codage des logiciels.

En tout état de cause, ces choix ne reflètent pas la personnalité de l'auteur qui a choisi de mettre en oeuvre des solutions classiques et logiques, issues de l'état technique de l'époque et que le logiciel '[Localité 6]' ne serait que la mise en oeuvre logique et fonctionnelle des connaissances antérieures.

27 - L'appelante au contraire soutient que le logiciel '[Localité 6]' est une oeuvre originale en ce que sa création a fait l'objet de longs échanges internes entre 2009 et 2014, après un premier prototype sorti avant 2007 et faisant référence au rapport de l'expert [F] qu'elle a mandaté, le juge de la mise en état ayant refusé d'ordonner une expertise judiciaire qui s'est fait communiqué le code source du logiciel '[Localité 6]' qui était séquestré avant la saisie contrefaçon.

Elle affirme sur la base de ce rapport que le logiciel '[Localité 6]' a été modifié pour la dernière fois en 2015 avant la cession du fonds de commerce et a identifié les choix de l'auteur lors de la conception du code source pour 5 extraits. Elle confirme l'impartialité de l'expert, qui a eu accès au seul procès verbal de l'huissier ayant pratiqué la saisie contrefaçon sans exploiter le code source du logiciel 'RAPIDASH' de la société intimée. Enfin sur l'originalité, elle se rapporte aux conclusions de l'expert reprises par le jugement déféré dont elle sollicite la confirmation.

Sur ce :

28 - Est originale l'oeuvre qui est empreinte de la personnalité de son auteur et dont les choix techniques ou artistiques ne sont pas guidés par une logique contraignante traduisant au contraire un véritable effort de création. En matière de logiciel, l'originalité est définie par rapport aux solutions de développement qui doivent traduire un effort de personnalisation, l'auteur ayant opéré des choix s'échappant de la contrainte ou d'une logique informatique automatique, étant précisé, ainsi que l'a justement observé le tribunal, que l'originalité ne se confond pas avec la nouveauté.

Par ailleurs, le code source qui correspond au développement du logiciel en langage informatique est protégeable au titre des droits d'auteur, au contraire de l'idée ou de la fonctionnalité que seule la traduction en langage informatique permet de protèger si elle est originale.

Selon une jurisprudence établie, il appartient à celui qui se prévaut de l'originalité d'un logiciel de rapporter la preuve de l'existence d'un apport intellectuel et d'un effort personnalisé de la personne l'ayant élaboré, en identifiant les éléments originaux de la création de l'oeuvre revendiquée, l'apport intellectuel se traduisant par les choix opérés par l'auteur-concepteur du logiciel, lesquels doivent aller au-delà d'une logique automatique et contraignante.

29 - En l'espèce, le rapport d'expertise privé réalisé par M. [F] le 24 février 2020 dont la cour a relevé le caractère contradictoire pour avoir été soumis à la contradiction des parties dans le cadre des débats de première instance et d'appel, et être complété par l'analyse des 408 fichiers codes sources représentant 34.038 lignes dont 2.336 lignes relatives à des commentaires, ayant fait l'objet d'une mise sous séquestre chez un commissaire de justice par la société Kompaï Robotics le 25 mai 2018 portent tous comme date de dernière modification le 9 juin 2015, comme correspondant à la date de mise sous séquestre du logiciel '[Localité 6]' auprès du commissaire de justice par la société RSR, et sur lesquelles l'appelante détient des droits corporels et incorporels depuis le 24 mai 2017.

30 - L'intimée ne démontre pas que la société Kompaï Robotics aurait acquis le logiciel remis en juin 2015 de manière frauduleuse alors même que le logiciel a fait l'objet d'une cession expresse dans l'acte de cession des actifs à celle-ci.

31 - Pour contester l'impartialité de l'expert, l'intimée soutient que l'expert [F] privé ne pouvait avoir accès aux codes sources du logiciel 'RAPIDASH' de la société EasyMile, mais à la lecture du rapport, il apparaît que ce dernier n'a en réalité eu accès qu'au seul constat du commissaire de justice [J], dépositaire du code source 'RAPIDASH', qui a, dans son PV de saisie contrefaçon identifié la présence de fichiers dont le nom est identique à certains fichiers du logiciel '[Localité 6]' dans le système de suivi de version du logiciel 'RAPIDASH' et qui présente des extraits de ces fichiers portant la mention '[Localité 6]', sans qu'il y ait eu exploitation du code source 'RAPIDASH'. Cette remise de la copie écran des codes sources ressemblant à ceux de '[Localité 6]' est attesté par la mission de l'expert et par le procès verbal de constat de Me [J] en date du 19 juin 2020 attestant de la remise du code source de '[Localité 6]' identifié dans son précédent procès verbal de constat du 25 mai 2018, mais aucunement des codes sources du logiciel 'RAPIDASH'. Contrairement à ce que soutient l'intimée, les codes sources du logiciel ont bien été produits et placés sous séquestre entre les mains de Me [J], l'expert [F] ayant ainsi pu les examiner et les comparer aux seuls fichiers saisis comme argués de contre façon, soit 'HybridFilter', 'Buffers' et 'Matrix'.

32 - Les codes sources développés par Kompaï Robotics visaient à accompagner les personnes à mobilité réduite ainsi que leurs aidants, l'intimée rappelant au demeurant que RSR a du recentrer son activité sur cette activité ainsi que sur les robots militaires, mais à partir des mêmes travaux de recherches informatiques, dont le logiciel '[Localité 6]', visant à développer des véhicules autonomes par EasyMile, de sorte que l'objet final d'utilisation des codes sources de 2015 et 2018 ne sauraient avoir une incidence sur leur identité ni sur leur utilisation par les deux sociétés pour un même système de robot autonome.

33 - Ces conclusions expertales sont donc recevables au soutien de l'argumentation relative à l'originalité et il convient par conséquent de s'y référer.

34 - L'expert [F] conclut en synthèse de son rapport que :

'- Le logiciel '[Localité 6] ' vise à permettre de faire fonctionner tout type de robot autonome.

- Le développement modulaire du logiciel '[Localité 6] ' vise à permettre d'exploiter ce logiciel à différents types de robots tels que des robots munis de 2 roues motrices dépourvus de direction, des robots types « voiture » dotés d'un moteur ou plusieurs moteurs de traction par roues et d'un ou plusieurs moteurs de direction.

Nous avons préalablement rappelé :

- Qu'un robot mobile autonome a pour objet de réaliser un déplacement de manière autonome d'un point A (point de départ) vers un point B (point de destination) sans heurter d'obstacles.

- Pour réaliser un déplacement autonome, le code source analysé matérialise notamment la composition des traitements suivants numérotés de 1 à 6 :

1. Traitement de la direction et de la vitesse.

2. Traitement de la position.

3. Traitement du déplacement de A vers B.

4. Traitement des données issues des capteurs. Ceci afin d'adapter constamment le déplacement initialement défini lors du traitement 3 : évitement des obstacles lors du déplacement.

5. Traitements dédiés aux bras manipulateurs du robot.

6. Traitements de la commande manuelle du déplacement du robot. '

Notre analyse permet d'établir que le code source du logiciel '[Localité 6]' matérialise des développements spécifiques à son auteur selon une structure, une architecture et une écriture singulière du code source.

Il apparaît notamment que les séquences de codes sources ont été composées selon des

choix de développement expliqués dans notre note, qui auraient pu être tout autres

comme cela a été illustré.

Le code source ainsi analysé parait pouvoir répondre aux critères d'originalité. '

35 - Dans sa note et pour les 5 fichiers examinés sur les 408 présents, il précise les choix du développeur de créer des matrices sans utiliser d'allocation dynamique de la mémoire (fichiers Matrix.cpp' et 'Matrix.h'), optant pour des paramètres statiques, et 'témoignant à nouveau d'une volonté de simplifier l'écriture du code source', en ayant choisi d'implémenter la fonction transposition ou inversion. L'expert détaille que l'opérateur aurait pu opter pour une allocation dynamique, de sorte que ce choix n'était pas purement fonctionnel et qu'il a renoncé à la faculté de traiter des matrices de grandes dimension. Il précise même que 'l'auteur a choisi de surcharger des opérateurs C++ ne correspondant pas aux standards habituels de l'utilisation de matrice'.

S'agissant des fichiers 'HybridFilter.h' et HybridFilter.cpp', l'expert fait état de choix de développement permettant de travailler avec une mémoire fixe pour traiter le temps réel alors qu'il aurait décider de ne pas composer de codes sources relatifs à des contrôles de cohérence, traiter ou réordonner les commandes, mais cette volonté de réaliser un contrôle de cohérence apparaît comme une touche personnelle.

S'agissant des fichiers 'Buffers.h' et Buffers.cpp', l'expert met en lumière les choix opérés lors des travaux de conception puis de composition du code source en spécifiant le mot clé 'explicit', traduisant le choix du développeur de mettre en oeuvre une fonctionnalité donnant accès à chacun des éléments gérés par la classe Fifo sans pour autant retirer cet élément ni limiter cet accès au premier élément de la file, il a ainsi fait le choix d'effectuer cette opération par un mécanisme de surcharge de l'opérateur. Il précise enfin que 'l'auteur imprime la marque de sa personnalité sous forme d'un commentaire, qui indique dans un anglais comportant quelques fautes de syntaxe ('one element more that' au lieu de 'one more element than') : 'ceci n'est probablement pas une bonne idée pour un usage général' ('[Localité 7] is probably not a good idea for a general use')'.

S'agissant des fichiers 'Cfg.h', 'en développant ce code source, l'auteur témoigne du choix de développer un langage de paramétrage permettant de mettre en 'uvre le logiciel '[Localité 6]' sur différents types de robots distincts.'

L'expert conclut ainsi que le code source du logiciel '[Localité 6]' matérialise des développements spéficiques à son auteur selon une structure, une architecture et une écriture singulière du code source.

36 - Ces éléments ainsi décrits correspondent bien à la définition jurisprudentielle de l'originalité, basée sur des choix effectués à contre-courant de la logique informatique automatique ou contraignante, traduisant la personnalité de son auteur et les efforts intellectuels opérés, peu important que les choix arbitraires opérés fassent appel à des technologies existantes puisque la nouveauté n'est pas requise.

37- Il résulte du rapport d'expertise qu'à l'examen des 5 codes sources, il a été décelé les choix opérés par l'auteur du logiciel mais également précisé qu'il aurait pu faire d'autres choix, qu'il a choisi de ne pas faire, soucieux d'imprimer sa personnalité au logiciel, permettant d'écarter la simple contrainte technique ou fonctionnelle dans le codage de '[Localité 6]' et permettant de retenir son originalité.

38 - Le jugement déféré sera confirmé.

Sur les actes de contrefaçon

39 - Le jugement déféré a relevé que la société Kompaï Robotics procédait par simple affirmation et n'apportait aucun élément probant permettant d'établir que le logiciel '[Localité 6]' serait utilisé pour la commercialisation de robots par reproduction du code source, la simple détention dans les serveurs de la société EasyMile des codes sources du logiciel '[Localité 6]', sans qu'aucun acte de représentation ou de reproduction ne soit démontré étant insuffisante pour caractériser la matérialité d'actes de contrefaçon.

40 - Au soutien de l'infirmation du jugement déféré, la société Kompaï Robotics soutient que la société EasyMile est responsable d'actes de contrefaçon par reproduction à l'identique d'une grande partie du code source du logiciel '[Localité 6]', dans le logiciel 'RAPIDASH' qui sert de base au robot développé par la société EasyMile, mettant en avant les ressemblances entre les deux logiciels, l'implémentation du logiciel '[Localité 6]' dans la navette EZ10 et la modification du logiciel '[Localité 6]' par EasyMile après la cession

41 - L'intimée sollicite la confirmation du jugement, contestant que les éléments originaux du logiciel '[Localité 6]' aient été repris dans 'RAPIDASH', contestant l'implémentation du '[Localité 6]' dans l'EZ 10 alors qu'elle a développé un partenariat avec le groupe Ligier et que les travaux sur EZTRAM ont été abandonnés avant la cession du logiciel à l'appelante.

Sur ce :

42 - Aux termes de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur

ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.

Les articles L. 335-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, applicables à l'ensemble des oeuvres de l'esprit, indiquent que la contrefaçon se caractérise par l'atteinte portée aux droits exclusifs de l'auteur par, notamment, la reproduction sans autorisation des éléments qui caractérisent l'originalité de son oeuvre.

Il sera rappelé que l'acte de concurrence déloyale est celui qui, contraire à la morale des affaires, fausse le jeu de la libre concurrence, engageant la responsabilité civile de son auteur. Il se caractérise par une faute, un préjudice et un lien de causalité entre eux.

43 - En l'espèce, les actes argués de contrefaçon par Kompaï Robotics reposent sur l'achat aux enchères par l'appelante le 21 juin 2017, d'un lot intitulé 'robot, table, divers', comprenant un robot dénommé 'Engy', qui l'a amenée à découvrir que la majeure partie du code source du logiciel '[Localité 6]' était reproduite dans ce robot faisant partie des actifs liquidés de la société RSR. Certains codes sources présents dans le logiciel 'RAPIDASH', propriété de l'intimée, portent la mention 'COPYRIGHT (C) ROBOSOFT 2016", étant rappelé que Robosoft est l'ancienne dénomination de la société RSR, dont la majorité des actifs dont le logiciel '[Localité 6]' a été cédé à la société KOMPAÏ ROBOTICS après sa liquidation judiciaire en mai 2017.

44 - Il convient tout d'abord de circonscrire la période arguée de contrefaçon, l'appelante ne détenant de droits de propriété intellectuelle sur le logiciel '[Localité 6]' que depuis le 24 mai 2017, la privant ainsi de qualité pour agir en contrefaçon pour des actes supposés antérieurs à cette cession.

L'acte de cession ne comportait en effet aucune clause autorisant le cessionnaire à agir en contrefaçon pour des faits antérieurs à cette cession.

45 - Le procès verbal de contrefaçon du 19 juin 2018 mentionne notamment prendre copie de l'ensemble des versions 'rapidash-eztram', de quare versions de 'rapidash-ez-10", de deux versions de 'rapidash' qui lui sont présentées comme ancienne et mentionnent les robots 'EZ-10" et 'RSR-AGV', de deux versions de 'prod-EZ-10-image' qui lui sont présentées comme la nouvelle modality de déploiement du o=logiciel, ainsi que la copie du journal de construction de 'jenkins' qui lui est indiqué comme correspondre à la version '18.06 RAPIDASH complete'.

46 - L'appelante s'appuie sur le rapport de l'expert [F] qui a relevé l'originalité des fichiers notamment 'Matric.cpp.o' et 'Buffers.cpp.o' et 'HybridFilter.cpp.o' qui font partie intégrante de [Localité 6], et dont la présence se retrouve dans le code source de RAPIDASH comme il est attesté par les captures d'écran de l'huissier lors de la saisie contrefaçon et rappelle que ce sont des modules pour la navigation autonome les plus critiques et les plus difficiles à développer, qui ont nécessité des années de recherche & développement.

En effet, le rapport de l'expert [F] du 24 février 2020 mentionne notamment que 'les écrans font notamment apparaître des répertoires de code source portant la mention des termes 'pure', 'libfusion' et 'rapidash'' (p.5), des 'extraits du code source dans le répertoire de code source rapidash', 'correspondant aux mots clés 'Matrix', 'HybridFilter' et 'Buffers'' (p.9) et 'l'analyse des éléments d'originalité du logiciel [Localité 6] présentée dans le présent rapport a notamment porté sur les fichiers de codes sources ' hybridfilter', 'buffers ' et 'matrix ' présentant des ressemblances avec ceux recueillis dans le cadre de la saisie contrefaçon opérée le 19/06/2018 dans les locaux de la société EasyMile ' (p.65).

47 - Il n'est pas contesté que l'architecture du logiciel 'RAPIDASH' de la société EasyMile ressemble à celle de '[Localité 6]', détenu depuis le 24 mai 2017 par Kompaï, l'appelante démontrant par la production du rapport de M. [F] que ces ressemblances porteraient sur des éléments originaux du logiciel [Localité 6], et que le filtre Karman Libfusion dont elle soutient être l'auteur aurait été recopié et repris sous une forme Robfusion, par la simple production des captures d'écran du dossier RAPIDASH retrouvé dans le calculateur du robot Engy.

48 - Toutefois, l'appelante indique que le logiciel permettant d'équiper le robot Engy a été originellement vendu par RDS à RSR, le robot ayant été vendu le 21 juin 2017 dans le cadre de la liquidation judiciaire de RSR, elle y retrouve des éléments du logiciel '[Localité 6]' développé par RSR et déposé entre les mains d'un huissier le 9 mai 2015.

49 - En tout état de cause, elle verse la capture écran du dossier 'rapiadsh-ws' retrouvé dans le robot Engy, la recherche ayant été faite à partir de deux termes 'HybridFilter' qui est retrouvé modifié par EasyMile et '[Localité 6]', les deux termes se retrouvant dans les fichiers exécutables de 'RAPIDASH', tout en reconnaissant que ces deux codes datent d'avant le rachat, de sorte qu'elle ne peut tirer aucune conséquence de la présence de ces codes avant la date de cession.

50 - En effet, comme le fait remarquer l'intimée, sans être contredite par des éléments probants par l'appelante, les fichiers génériques 'hybridfilter.h', 'Matrix.cpp' dans ses serveurs liées au dossier EZTRAM, expérimentation d'un garage autonome d'un tramway dans le dépôt RATP à [Localité 9] d'octobre 2016 à avril 2017 a pris fin avant la cession du logiciel [Localité 6] à Kompaï Robotics.

51 - S'agissant de l'implémentation du logiciel '[Localité 6]' dans l'EZ-10, l'appelante procède par affirmation à partir de déclaration de M. [T] à ses salariés en 2014 indiquant qu'il utiliserait le travail de RSR, de celles faites dans les journaux en 2016 dans lequel EasyMile reconnaît avoir utilisé les logiciels mis au moment par Robosoft, elle ne démontre pas que EasyMile n'avait pas la capacité de développer le logiciel 'RAPIDASH', alors que l'intimée démontre au contraire avoir réuni les ressources humaines et techniques pour ce faire, ayant fait appel à un spécialiste du filtre de Karman, la technologie du groupe Ligier et le ROS issu de la plateforme logicielle en open-source versant également l'attestation d'un salarié du groupe Ligier selon laquelle le code bas niveau sur les premiers EZ-10 est bien issu des protos de IPA upgradé par l'équipe Ligier, et amélioré ensuite par RDS.

L'intimée démontre en effet de son partenariat avec Ligier notamment pour le projet EZ-10, et aux investissements importants faits par les actionnaires de EasyMile.

52 - Il est toutefois reconnu que les sources afférentes aux fichiers 'Matrix', 'Buffer' et 'Hybdridfilter', qui constituent le filtre de kalman dans '[Localité 6]', ont été mis en commun au temps du partenariat entre RDS et RSR et que EZ-10 a été implémenté avec les solutions logicielles de Robosoft devenue RSR. Selon le procès verbal de saisie, le serveur 'bitbucket' d'EasyMile contient ainsi les répertoires et codes sources utilisés sur ses robots relatifs à '[Localité 6]', 'Libfusion', M. [P] ancien salarié de RSR devenu salarié de EasyMile atteste au commissaire de justice que son 'supérieur hiérarchique, a transféré les logiciels [Localité 6] et RobuBox sur le compte Bitbucket de RDS depuis le serveur SVN de RSR', le serveur 'bitbucket' permet donc d'accéder directement au logiciel '[Localité 6]', mais avant cession, expliquant la libre utilisation du logiciel entre les sociétés. Bitbucker a en effet été créé précisément pour héberger de façon mutualisée pour toutes les sociétés du groupe les logiciels utilisés pour les projets de l'époque et EasyMile (anciennement RDS) n'a donc pas téléchargé les fichiers en fraude des droits de Kompaï.

53 - Comme relevé par le premier juge, il est donc attesté d'une collaboration antérieure au 24 mai 2017 pouvant être datée de 2014 entre la société RSR, la société Wiles Ventures venant la soutenir financièrement par une prise de participation et la société RDS créée le 30 juin 2014 , société de joint venture entre Wiles Venture et le groupe automobile Ligier, la société RSR étant ensuite liquidée et ses actifs en partie rachetés par Kompaï et RDS, qui deviendra EasyMile en 2016 par fusion absorption de RDS. Ces sociétés RSR/RDS/EasyMile ont décidé à partir de décembre 2014/janvier 2015 de mutualiser leurs ressources informatiques dans le but d'accroître l'efficacité et la gestion en matière de développement logiciel, acté dans un memorendum en mars 2015.

54 - Toutefois, l'appelante verse les sources afférentes aux fichiers 'Matrix', 'Buffer' et 'Hybdridfilter' qui constituent le filtre de kalman dans '[Localité 6]', la mutualisation acceptée au temps du partenariat, ne pouvait se poursuivre après la cession des droits comme en attestent les ressemblances dans les fichiers des codes sources des deux logiciels et des modifications intervenues en octobre 2017 et avril 2018.

55 - L'appelante démontre que les ressemblances qui se trouvent dans les deux logiciels avant la cession des droits à Kompaï n'ont pas été simplement conservés à titre d'archive par EasyMile, mais ont été utilisés, reproduits, ou commercialisés dans EZ-10 attestant au surplus de deux modifications constatées par le procès verbal de saisies sur les dates des 10 octobre 2017 et 26 avril 2018 lequel a noté l'ouverture modification des modules 'Hybridfilter.h' et 'Buffer.cpp' à ces dates.

56 - Si l'intimée soutient avoir effectué une simple maintenance sur le réseau, n'utilisant plus les fichiers ainsi modifiés, l'appelante verse un procès-verbal de constat du 10 janvier 2024 produit pour la première fois en appel, établissant que' la mention d'une date dans 'bibucket' ne peut ressortir d'une simple opération de maintenance, qui n'aurait présenté aucun intérêt si le logiciel était obsolète mais d'une modification du code source ayant nécessité l'activation de la fonction 'commit'', les captures d'écran des fichiers saisies lors de la saisie contrefaçon et celles des même fichiers correspondant au logiciel acheté en 2017 montrant que les fichiers 'Hybridfliter.h' ont été ouverts pour être modifiés dans ses lignes 15 et 16, nécessitant l'ouverture du code source.

57 - Elle démontre ainsi que ce sont les solutions logiciel les de RSR rachetées par elle qui ont été implémentées dans l'EZ-10 et modifiées après la cession.

58 - Ainsi, si avant la cession, la société RDS a pu bénéficier d'une mise en commun des ressources de RSR, cela ne lui a pas pour autant conféré de droits de propriété intellectuelle sur le logiciel '[Localité 6]'. L'appelante démontre ainsi que les certains fichiers de codes sources de '[Localité 6]' étaient présents sur le logiciel 'RAPIDASH' d'EasyMile et que faute d'autorisation, l'accès à ces fichiers par modification et l'utilisation du code source litigieux en dehors de toute licence est constitutive de contrefaçon.

59 - Le jugement déféré sera infirmé de ce chef sans qu'il soit nécessaire d'examiner la demande relative au parasitisme.

III - Sur l'indemnisation

60 - L'appelante sollicite l'indemnisation de son préjudice économique, soutenant qu' EasyMile a vendu au moins 80 robots avec les codes sources contrefaits et sans avoir investi dans la recherche pour le développement de ces robots. Elle retient une rémunération comprise entre 4 et 10% des appareils qui ont engrangé un total de 16.000.000 euros.

Elle sollicite également l'indemnisation de son préjudice moral, l'intimé n'ayant jamais cité les travaux de RSR dans la réussite de la navette EZ-10, l'intimée ayant ainsi porté atteinte à son image.

Elle se base enfin sur l'immobilisation des frais de développement par RSR sur l'année 2016 de la somme de 813.773,61 euros sous l'intitulé 'Robubox' correspondant aux investissements consacrés au développement du logiciel '[Localité 6]'.

61 - L'intimée s'y oppose, rappelant que le fonds de commerce RSR a été partiellement acquis par Kompaï le 24 mai 2017 pour un prix de 35.000 euros, le logiciel '[Localité 6]' représentant une quote part de ce prix global, qu'elle évalue à 10% (3.500 euros).

Elle souligne que l'achat de ROBUBOX en 2009 , pour un prix de 813.773,61 euros, dont la correspondance avec '[Localité 6]' n'est pas démontrée a été amorti en 5 ans. Pour voire dire disproportionnées les demandes financières de l'appelante, elle rappelle que le prix d'une licence sur le logiciel 'RAPIDASH' est facturée 16.000 euros par an. Elle se base sur l'attestation du directeur administratif et financier d'EasyMile de janvier 2019 pour attester qu'elle est déficitaire sur ce produit compte tenu des investissements très importants effectués.

Sur ce

62 - L'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit la fixation des dommages et intérêts compte tenu des critères suivants :

'- Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée,

- Le préjudice moral causé à cette dernière,

- Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts, une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droit qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée'.

63 - La cour relève que l'appelante, pour voir fixer le préjudice économique ne peut établir avec certitude le taux de la rémunération de l'intimée ni le prix de chaque robot qu'elle évalue à 80.000 euros et qu'il ne peut être tenu compte des frais d'immobilisation supportés par la société RSR sur une période antérieure à la cession dont le préjudice subi par Kompaï rachetant la société le 24 mai 2017.

64 - Les conséquences économiques ne sauraient correspondre à la seule redevance indemnitaire tendant à la modification de certains fichiers du code source '[Localité 6]', le robot EZ-10 ne rentrant pas dans le champ opératoire de la société Kompaï qui développe des aides aux personnes à mobilité réduite et n'a donc pas subi de perte économique dans la vente de robot de conduite autonome de véhicule.

En revanche, le préjudice peut s'analyser en la perte du prix qu'aurait du s'acquitter le contrefacteur s'il avait sollicité une autorisation. S'agissant du préjudice moral, il se limite à la perte de chance de retombée économique pour la société Kompaï Robotics si l'intimé avait mentionné le rôle de Kompaï dans le développement des robots EZ-10.

65 - il n'y a donc pas lieu d'ordonner à la société intimée de communiquer, les éléments permettant de déterminer l'ampleur de la contrefaçon comme sollicité par l'appelante.

66 - Pour la fixation du montant de ces préjudices à laquelle la cour est tenue et en l'absence d'éléments financiers précis produits par chacune des parties, il sera alloué à la société Kompaï Robotics la somme de 80.000 euros correspondant à un pourcentage de 1% sur la commercialisation de 80 robots, dont le nombre n'est pas contesté par l'intimée outre la somme de 1 euro au titre du préjudice moral, sommes qui seront fixées à la créance de la procédure en redressement judiciaire de l'intimée.

67 - Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

IV - Sur les mesures complémentaires

68 - L'appelante sollicite la suppression du code source litigieux de tout support détenu par l'intimée en ce compris l'ensemble des serveurs, dans les 8 jours du prononcé de la décision sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard, sous le contrôle d'un commissaire de justice.

L'appelante sollicite également la publication de la décision sur le site internet de la société intimée et trois publications de son choix.

69 - La société EasyMile est en redressement judiciaire mais ne peut se fonder sur les propos de son responsable informatique déclarant au commissaire de justice chargé du procès verbal de saisie contrefaçon de ce que '[Localité 6]' n'était plus exploité depuis un an et demi et avait été supprimé de l'ensemble du code depuis avril 2017.

70 - Il convient en conséquence d'interdire la commercialisation de robot ou navette utilisant le logiciel contrefait, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte.

71 - la publication de la présente décision ou de ses extraits n'est en outre pas pertinente eu égard tant à la situation de redressement judiciaire de chacune des parties en cause que de la période de contrefaçon et du montant du préjudice retenu.

72 - La société Kompaï Robotics sera déboutée de cette demande.

V - Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive

73 - La société EasyMile sollicite la condamnation de la société Kompaï Robotics à lui verser 50.000 euros en raison de son comportement dilatoire en ayant engagé la procédure.

74 - Le droit d'agir en justice et d'exercer une voie de recours ne dégénère en abus qu'en cas de faute caractérisée par l'intention de nuire de son auteur, sa mauvaise foi ou sa légèreté blâmable, qui ne résultent pas du seul caractère infondé des prétentions formulées.

75 - l'intimée sera déboutée de sa demande dès lors que la société Kompaï Robotics est au moins partiellement accueilli dans ses prétentions.

VI- Sur les dépens et les frais irrépétibles

76 - La société EasyMile partie perdante sera condamnée aux dépens outre le versement à la société Kompaï Robotics de la somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a reconnu le droit d'agir de la société Kompaï Robotics en contrefaçon et qu'il a statué sur l'originalité du logiciel '[Localité 6]' ,

L'infirme pour le surplus, y compris sur les dépens et les frais irrépétibles

Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmé,

Condamne la société EasyMile au titre de la détention, l'usage et la reproduction des codes et du matériel de conception préparatoire du logiciel '[Localité 6]' à compter du 24 mai 2017 en ce qu'ils constituent des actes de contrefaçon portant atteinte aux droits patrimoniaux et moraux de la société Kompaï Robotics

Ordonne à la société EasyMile l'interdiction de la vente de tout produit utilisant les fichiers contrefaits du code source '[Localité 6]',

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

Déboute la société Kompaï Robotics de sa demande de communication par la société EasyMile d'éléments permettant de déterminer l'ampleur de la contrefaçon,

Fixe la créance de la société Kompaï Robotics au passif de la procédure collective de la société EasyMile pour les sommes de :

- 80.000 euros, au titre des préjudices (hors préjudice moral) relatifs aux actes de contrefaçon,

- 1 euro au titre du préjudice moral relatif aux actes de contrefaçon,

Déboute la société EasyMile de sa demande au titre de la procédure abusive,

Dit n'y avoir lieu à la publication de la présente décision,

Fixe à 7.000 euros la créance de la société Kompaï Robotics représentée par la SELAS [A] et associés prise en la personne de Me [R] [D] es qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire au titre des frais irrépétibles, au passif de la société EasyMile, représentée par la scp Cbf associés en qualité d'administrateur judiciaire, prise en la personne de Me [C], et d'autre part la selarl Benoît et associés, en qualité de mandataire judiciaire, prise en la personne de Me [I].

Dit que les dépens de la présente instance seront pris en frais privilégiés de la procédure collective,

Le présent arrêt a été signé par Laurence MICHEL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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