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Cass. crim., 26 novembre 2025, n° 24-84.035

COUR DE CASSATION

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Cassation

Cass. crim. n° 24-84.035

26 novembre 2025

N° P 24-84.035 F-B

N° 01542

ECF
26 NOVEMBRE 2025

CASSATION PARTIELLE
REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 NOVEMBRE 2025

MM. [E] [N], [M] [X] et [L] [B], ainsi que le syndicat [4], partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Papeete, chambre correctionnelle, en date du 16 mai 2024, qui a condamné le premier, pour recel, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, le deuxième, pour recel, à trois ans d'emprisonnement avec sursis et 10 000 000 francs CFP d'amende, le troisième, pour corruption active, faux et usage, à trois ans d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction professionnelle et de gérer, 10 000 000 francs CFP d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [L] [B], les observations de la SCP Spinosi, avocat de MM. [E] [N] et [M] [X], les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat du syndicat [4], et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 octobre 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.

2. Le 9 novembre 2009, le procureur financier près la chambre territoriale des comptes a informé le procureur de la République, d'une part, d'anomalies dans la gestion de la société d'économie mixte [3] ([3]), dirigée par M. [F] [G] et ayant pour objet l'étude et la réalisation d'opérations de traitement des ordures ménagères ou industrielles, d'autre part, des conditions avantageuses consenties par cette société à des sociétés du groupe [1] dirigé par M. [L] [B].

3. A l'issue de l'information ouverte sur ces faits, M. [B] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, d'une part, des chefs de corruption active, pour avoir remis des espèces des sociétés du groupe [1] à M. [G] afin d'obtenir de ce dernier la passation de contrats commerciaux entre la [3] et ces diverses sociétés, d'autre part, des chefs de faux et usage, pour avoir contrefait la signature d'un tiers sur deux bons de commande et en avoir fait usage. MM. [E] [N] et [M] [X] ont été renvoyés devant ce même tribunal du chef de recel de détournement de fonds publics, pour avoir fait bénéficier la société [2], dont ils étaient notamment actionnaires, d'une somme de 37 000 000 francs CFP provenant de l'achat injustifié par la [3] d'un matériel industriel de tri de déchets.

4. Les juges du premier degré ont relaxé M. [N], déclaré les deux autres prévenus coupables et jugé irrecevable la constitution de partie civile du syndicat [4].

5. MM. [B], [X], le syndicat [4] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Sur le premier moyen en tant qu'il est proposé pour M. [X], les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième moyens proposés pour MM. [N] et [X], les troisième, septième, huitième moyens et le neuvième moyen, pris en ses trois premières branches, proposés pour M. [B]

6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen en tant qu'il est proposé pour M. [N] et les premier et deuxième moyens proposés pour M. [B]

Enoncé des moyens

7. Le moyen proposé pour M. [N] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer par une décision immédiate sur les exceptions et incidents et a joint les exceptions et incidents au fond, alors :

« 1°/ que d'une part, la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et respecter les droits de la défense ; qu'en exigeant des conseils des prévenus qu'ils plaident d'abord et uniquement sur la question de la jonction au fond des exceptions et incidents qu'ils avaient soulevés et en refusant ainsi qu'ils soutiennent oralement leurs arguments de nullité avant qu'elle ne se retire pour délibérer sur la question de leur jonction au fond, la cour d'appel a méconnu les principes du respect des droits de la défense et du contradictoire protégés par les articles 16 de la Constitution, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale ;

2°/ que d'autre part, le juge ne peut joindre au fond les incidents et exceptions dont il est saisi lorsqu'une décision immédiate sur l'incident ou sur l'exception est commandée par une disposition qui touche à l'ordre public ; qu'une décision immédiate sur l'exception tirée de la prescription de l'action publique est commandée par des dispositions qui touchent à l'ordre public, de sorte que cette exception ne peut être jointe au fond ; qu'en l'espèce, en joignant au fond l'exception tirée de la prescription de l'action publique, cependant qu'une décision immédiate sur cette exception était commandée par des dispositions qui touchaient à l'ordre public, la cour d'appel a méconnu les articles 459 et 512 du code de procédure pénale. »

8. Le premier moyen proposé pour M. [B] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer par une décision immédiate sur les exceptions et incidents et a joint les exceptions et incidents au fond, alors :

« 1°/ que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et respecter les droits de la défense ; qu'en exigeant de l'avocat de l'exposant qu'il plaide d'abord et uniquement sur la question de la jonction au fond des exceptions et incidents qu'il avait soulevés et en refusant ainsi qu'il soutienne oralement ses arguments de nullité avant qu'elle ne se retire pour délibérer sur la question de leur jonction au fond, la cour d'appel a méconnu les principes du respect des droits de la défense et du contradictoire protégés par les articles 16 de la Constitution, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale ;

2°/ que le juge ne peut joindre au fond les incidents et exceptions dont il est saisi lorsqu'une décision immédiate sur l'incident ou sur l'exception est commandée par une disposition qui touche à l'ordre public ; qu'une décision immédiate sur l'exception tirée de ce que l'imprécision de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel met le prévenu dans l'impossibilité de se défendre, est commandée par des dispositions qui touchent à l'ordre public, de sorte que cette exception ne peut être jointe au fond ; qu'en l'espèce, en joignant au fond l'exception tirée de ce que l'imprécision de l'ordonnance de renvoi mettait l'exposant dans l'impossibilité de se défendre, cependant qu'une décision immédiate sur cette exception était commandée par des dispositions qui touchaient à l'ordre public, la cour d'appel a méconnu les articles 459 et 512 du code de procédure pénale. »

9. Le deuxième moyen proposé pour M. [B] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer par une décision immédiate sur les exceptions et incidents et a joint les exceptions et incidents au fond, alors « que le juge ne peut joindre au fond les incidents et exceptions dont il est saisi lorsqu'une décision immédiate sur l'incident ou sur l'exception est commandée par une disposition qui touche à l'ordre public ; qu'une décision immédiate sur l'exception tirée de la prescription de l'action publique est commandée par des dispositions qui touchent à l'ordre public, de sorte que cette exception ne peut être jointe au fond ; qu'en l'espèce, en joignant au fond l'exception tirée de la prescription de l'action publique, cependant qu'une décision immédiate sur cette exception était commandée par des dispositions qui touchaient à l'ordre public, la cour d'appel a méconnu les articles 459 et 512 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

10. Les moyens sont réunis.

11. Pour rejeter les demandes de MM. [B] et [N] tendant à obtenir de la cour d'appel une décision immédiate sur les exceptions de prescription et de nullité de l'ordonnance de règlement, et joindre ces exceptions au fond l'arrêt attaqué énonce, s'agissant de l'ordonnance de règlement, qu'elle a été rendue conformément aux dispositions de l'article 184 du code de procédure pénale et ne porte atteinte à aucune disposition d'ordre public et notamment aux droits de la défense, puisque les parties ont été mises en mesure de présenter leurs observations à la fois après le réquisitoire de renvoi et après ladite ordonnance.

12. Ils précisent, s'agissant de la prescription, que ce moyen d'extinction de l'action publique nécessite l'examen au fond des éléments du litige pour déterminer le point de départ du délai pour agir, de sorte qu'il n'est pas susceptible de faire l'objet d'une décision immédiate distincte de celle portant sur la culpabilité.

13. Ils en concluent que les prévenus n'invoquent pas un cas d'impossibilité absolue de statuer par un seul et même jugement au sens de l'article 459 du code de procédure pénale et qu'ils ont pu développer leur argumentation respective sur les exceptions présentées dans leurs conclusions écrites.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes et principes invoqués aux moyens.

15. En effet, d'une part, la décision par laquelle la juridiction correctionnelle joint au fond une exception ou un incident constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est susceptible d'aucun recours.

16. D'autre part, les prévenus ne sauraient se faire un grief de ce que, faute pour leurs avocats d'avoir été autorisés à plaider sur les exceptions avant que la cour d'appel ne se retire pour délibérer sur leur jonction au fond, ils n'ont pu démontrer qu'une décision immédiate sur ces exceptions était commandée par une disposition d'ordre public au sens du dernier alinéa de l'article 459 du code de procédure pénale, dès lors que les exceptions prises de la prescription de l'action publique et de la nullité de l'ordonnance de règlement n'entrent pas dans les prévisions de ce texte.

17. Dès lors, les moyens doivent être écartés.

Sur le quatrième moyen proposé pour M. [B]

Enoncé du moyen

18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception tirée du dépassement du délai raisonnable et a déclaré M. [B] coupable de corruption active, de faux et usage, alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable ; que la durée excessive d'une procédure doit être prise en considération par la juridiction de jugement lors de l'appréciation de la culpabilité du prévenu, et il lui appartient notamment d'apprécier, par des motifs exempts d'insuffisance, en considération des spécificités de la procédure, que sa durée ne présente pas en l'espèce de caractère excessif au regard des critères posés par le droit interne et conventionnel en recherchant, in concreto, si cette durée ne compromet pas irrémédiablement l'équité du procès et le respect des droits de la défense ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour écarter le caractère déraisonnable de la procédure visant les prévenus, dont les faits poursuivis datent d'il y a dix-sept ans et dont l'information judiciaire avait duré plus de dix ans, à reprocher aux parties de ne pas indiquer « en quoi l'information judiciaire en question est jugée dans un délai déraisonnable », que le jugement de l'affaire a été « retardé en raison de la pandémie mondiale du Covid 19 et de l'impossibilité pour les avocats parisiens de certains prévenus de se déplacer en Polynésie française », qu'à « hauteur d'appel, il a fallu tenir compte pour l'audiencement, des impératifs des avocats parisiens mandatés pour venir plaider à la cour d'appel de Papeete » et qu'ils « n'ont déposé leurs conclusions que quelques jours avant l'audience et à l'audience même, ce qui induit qu'ils n'étaient pas prêts depuis une période très antérieure », motifs impropres à satisfaire à l'exigence de prise en compte concrète de l'éventuel dépérissement des preuves imputable au temps écoulé depuis la date des faits, et l'impossibilité qui pourrait en résulter, pour les parties, d'en discuter la valeur et la portée et partant, sans rechercher concrètement si cette durée ne rendait pas impossible la tenue du procès dans des conditions conformes au procès équitable, la cour d'appel a méconnu son office au regard des articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, préliminaire, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale ; qu'en conséquence, l'arrêt encourt l'annulation. »

Réponse de la Cour

19. Pour écarter le moyen arguant de la nullité de la procédure en raison du dépassement du délai raisonnable de la procédure, l'arrêt attaqué énonce que l'information ne pouvait prospérer qu'après que l'auteur principal, M. [G], a été entendu sous le régime de la garde à vue puis par le juge d'instruction dans le cadre de sa mise en examen le 29 janvier 2011.

20. Les juges ajoutent que Mme [D] [Z], à la suite des investigations nécessaires sur les déclarations de M. [G] qui était alors son époux, a été entendue sous le régime de la garde à vue à partir du 27 janvier 2011 puis dans le cadre de l'information ouverte le 29 janvier suivant, et mise en examen le 14 mai 2014 après la réalisation des actes d'enquête la concernant.

21. Ils précisent que, s'agissant essentiellement de recherches comptables ou auprès de compagnies aériennes ou d'une manière générale en rapport avec les dépenses frauduleuses effectuées par M. [G], la durée de l'information n'avait rien d'excessif.

22. Ils retiennent encore, d'une part, qu'après l'ordonnance de règlement rendue le 7 décembre 2018, l'affaire a été audiencée devant le tribunal correctionnel, mais que son jugement a été retardé en raison de la pandémie mondiale de la Covid 19 et de l'impossibilité pour les avocats parisiens de certains prévenus de se déplacer en Polynésie française, d'autre part, que le dossier a été évoqué à la première audience utile, le 10 octobre 2022, puis mis en délibéré au 22 novembre 2022, ce qui est particulièrement diligent pour un dossier de cette ampleur.

23. Les juges relèvent également qu'en cause d'appel, la date d'audience a été choisie en fonction des impératifs des avocats parisiens mandatés pour venir plaider à Papeete et que ces derniers n'ont déposé leurs conclusions que quelques jours avant l'audience et à l'audience même, ce dont il résulte qu'ils n'étaient pas prêts à le faire antérieurement.

24. En se déterminant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine du déroulement de l'ensemble de la procédure, la cour d'appel, qui n'avait pas à s'expliquer davantage sur l'éventuel dépérissement des preuves qu'elle ne devait apprécier que dans le cadre de l'examen au fond de l'affaire, a justifié sa décision.

25. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Mais sur le cinquième moyen proposé pour M. [B]

Enoncé du moyen

26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception prise de la prescription de l'action publique s'agissant des faits de corruption active, alors :

« 1°/ que le délit de corruption n'est pas une infraction occulte par nature, de sorte que le juge ne peut reporter le point de départ de la prescription au jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique sans caractériser la dissimulation de l'infraction ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'exception de prescription des faits de corruption active antérieurs au 18 novembre 2006 reprochés à l'exposant, dont le premier acte interruptif de prescription était le soit-transmis du procureur de la République du 18 novembre 2009, la cour d'appel ne pouvait reporter le point de départ de la prescription au jour où ces faits avaient été portés à la connaissance du procureur de la République (soit en 2009), sans caractériser que lesdits faits avaient été dissimulés, ce qui était contesté par l'exposant; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 8 du code de procédure pénale dans sa rédaction en vigueur à la date des faits. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 8 et 9-1 du code de procédure pénale et 432-1 du code pénal :

27. Le délit de corruption active est une infraction instantanée qui se prescrit à compter de la perception du dernier versement effectué en exécution du pacte litigieux, mais le délai de prescription de l'action publique ne commence à courir, en cas de dissimulation, qu'à partir du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique.

28. Pour rejeter le moyen pris de la prescription des faits de corruption active, l'arrêt attaqué énonce que, le 18 novembre 2009, le procureur de la République, informé par le procureur financier des malversations de M. [G] dans l'usage des biens de la [3] et de sa complaisance douteuse à l'égard des sociétés du groupe de M. [B], a ouvert une enquête par un soit-transmis concernant M. [G] et tous ses coauteurs.

29. Les juges ajoutent que ces faits ont nécessité des investigations qui ont rapidement déterminé qu'il pouvait s'agir d'actes occultes pouvant constituer l'infraction de corruption, passive pour M. [G], active pour M. [B].

30. Ils précisent que le seul fait que les retraits d'espèces soient mentionnés en comptabilité ne confère pas à la corruption active reprochée à M. [B] un caractère apparent puisque le pacte qui le liait à M. [G] n'a été révélé qu'à l'issue de longues investigations ayant notamment nécessité le rapprochement avec les contrats passés entre la [3] et le groupe [1] ainsi qu'avec les déplacements de M. [B] en Polynésie française.

31. Ils en concluent que c'est à partir de 2009 que les faits ont été portés à la connaissance du procureur, que seule l'information a mis en évidence que les actes corruptifs avaient commencé en 2002 et que les soit-transmis et réquisitoires successifs ont interrompu le cours de la prescription, en particulier celui portant sur les faits de corruption, en date du 14 août 2013.

32. En statuant ainsi, alors que le délit de corruption active n'étant pas occulte, il lui appartenait de caractériser une dissimulation des actes irréguliers de nature à retarder le point de départ de la prescription, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

33. La cassation est dès lors encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.

Et sur le sixième moyen proposé pour M. [B]

Enoncé du moyen

34. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception prise de la prescription de l'action publique s'agissant des faits de faux et usage, alors :

« 1°/ que pour les faits de faux commis antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017, la prescription de l'action publique court à compter de la date de l'établissement de l'écrit argué de faux et non de la découverte de son existence ; qu'en l'espèce, l'exposant faisait valoir que les écrits argués de faux avaient prétendument été établis courant 2007 et courant 2008, de sorte que ces faits étaient prescrits lorsque le procureur de la République avait pris ses réquisitions supplétives le 31 janvier 2012 ; qu'en rejetant cette exception de prescription, au motif que l'infraction de faux n'avait été révélée qu'au moment où la personne dont la signature avait été imitée avait été entendue le 28 février 2012 sur les pièces saisies lors de la perquisition effectuée chez elle le 22 novembre 2011, la cour d'appel a méconnu l'article 8 du code de procédure pénale, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits, par refus d'application, et l'article 9-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 27 février 2017, par fausse application ;

2°/ que pour les faits d'usage de faux commis antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017, la prescription de l'action publique court à compter du dernier usage de la pièce arguée de faux et non de la découverte par la victime de la falsification ; qu'en l'espèce, en fixant le point de départ de la prescription des faits d'usage de faux à la date de leur révélation par l'audition de la victime le 28 février 2012 sur les pièces saisies lors de la perquisition effectuée chez elle le 22 novembre 2011, au lieu de celle – indéterminée – du dernier usage par l'exposant des pièces arguées de faux, la cour d'appel a méconnu l'article 8 du code de procédure pénale, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits, par refus d'application, et l'article 9-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 27 février 2017, par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 8 et 441-1 du code pénal :

35. Les délit de faux et usage constituent des infractions instantanées dont la prescription commence à courir du jour de l'établissement du faux ou de celui de son dernier usage délictueux.

36. Pour rejeter le moyen pris de la prescription des faits de faux et usage, l'arrêt attaqué énonce que ces infractions n'ont été révélées qu'au moment où la personne dont la signature a été imitée a été entendue, le 28 février 2012, sur les pièces saisies lors de la perquisition effectuée chez elle le 22 novembre 2011 et que le réquisitoire supplétif sur ces faits date du 31 janvier 2012.

37. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

38. La cassation est dès lors encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.

Et sur le moyen proposé pour le syndicat [4]

Enoncé du moyen

39. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du syndicat [4] pour défaut de préjudice personnel direct causé par l'infraction, alors :

« 3°/ que, en toute hypothèse, un syndicat mixte ouvert peut valablement déléguer à son président le droit d'ester en justice pour l'ensemble du contentieux du syndicat ; que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile du syndicat Mixte ouvert [4], l'arrêt attaqué énonce que la délibération du 20 août 2020, produite en cours de délibéré devant le tribunal, était générale et ne constituait pas un pouvoir spécial dont le président du syndicat aurait dû justifier en application de l'article L 2122-22 du code général des collectivités territoriales, rendu applicables aux EPCI par l'article L. 5211-1 du même code ; qu'en statuant ainsi, cependant que la délégation produite autorisait le président à ester en justice tant en demande qu'en défense et « dans tous les cas où le syndicat mixte ouvert est amené à se constituer partie civile devant les juridictions pénales », de sorte qu'il n'était nul besoin de délibération spéciale, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L 2122-22 du code précité et les article 2 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2122-22, 16°, et L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales et 593 du code de procédure pénale :

40. Il résulte des deux premiers de ces textes que l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale peut légalement déléguer à son président, pendant la durée de son mandat, le droit d'ester en justice pour l'ensemble du contentieux de cet établissement.

41. Il résulte du troisième que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

42. Pour confirmer le jugement ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile du syndicat [4], syndicat mixte ouvert pour la gestion, la collecte, le traitement et la valorisation des déchets en Polynésie française, l'arrêt attaqué énonce que le tribunal a constaté que le président de cet établissement public n'avait pas justifié d'un pouvoir d'ester en justice avant le terme des débats.

43. Les juges ajoutent que la délibération du 20 août 2020, communiquée au tribunal en cours de délibéré, est une délibération générale qui ne constitue pas le pouvoir spécial d'intenter une action en justice dont le président d'un tel établissement doit justifier en vertu notamment de l'article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales qui a rendu applicable aux établissements publics de coopération intercommunale l'article L. 2122-22 du même code.

44. Ils précisent que si le syndicat produit devant eux une délibération spéciale prise le 14 septembre 2023 pour confirmer l'autorisation d'ester en justice dans l'affaire de la [3] contre M. [G] et autres, cette production est tardive et ne peut régulariser pour la première fois en appel le vice touchant au défaut de pouvoir d'ester en justice.

45. En se déterminant ainsi, alors que la recevabilité de la constitution de partie civile du syndicat n'était pas subordonnée à la présentation d'une autorisation spéciale, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

46. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus du neuvième moyen proposé pour M. [B], la Cour :

Sur les pourvois de MM. [E] [N] et [M] [X] :

Les REJETTE

Sur les autres pourvois :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Papeete, en date du 16 mai 2024, mais en ses seules dispositions relatives à M. [B] et au syndicat [4], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

Fixe à 2 500 euros la somme que MM. [N] et [X] devront payer in solidum au syndicat [4] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

DIT n'y avoir lieu à autre application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Papeete et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt-cinq.

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