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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 18 novembre 2025, n° 25/02231

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 25/02231

18 novembre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 18 NOVEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 25/02231 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QUM5

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 25 FEVRIER 2025

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

APPELANT :

Monsieur [U] [T]

né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 14]

de nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES - PY - MOLINA - BOSC BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEES :

Madame [X] [T]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A.R.L. [7] prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 07 octobre 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 octobre 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de:

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

M. Fabrice VETU, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Gaëlle DELAGE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Gaëlle DELAGE, greffière.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE :

Le 7 février 2017, le [9] (GAEC) [Adresse 11] a été juridiquement transformé en S.A.R.L [Adresse 8], M. [U] [T] et son frère M. [M] [T], cogérants, détenant chacun 180 parts sociales constituant les 360 parts du capital social.

Le 31 janvier 2019, M. [M] [T] a démissionné de son mandat de cogérant et sa fille, Mme [X] [T], est devenue cogérante de la société à compter du 1er février 2019.

Le 30 septembre 2020, M. [U] [T] a également démissionné de son mandat de cogérant faisant suite à son départ à la retraite, Mme [X] [T] se retrouvant ainsi seule gérante de la société [7] à compter du 1er octobre 2020.

Par exploit du 4 juin 2024, M. [U] [T] a assigné la société [Adresse 8] et Mme [X] [T] en annulation des assemblées générales tenues en 2021 et en révocation de la gérante s'estimant exclu de la gestion de la société depuis la nomination de cette dernière, ne pouvant plus obtenir des informations sur son compte courant d'associé et estimant que les terres et cultures étaient à l'abandon.

Par jugement contradictoire du 25 février 2025, le tribunal de commerce de Perpignan a :

débouté M. [U] [T] de l'ensemble de ses demandes ;

débouté Mme [X] [T] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;

et condamné M. [U] [T] à payer la somme de 2 000 euros au titre de de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration du 24 avril 2025, M. [U] [T] a relevé appel limité de ce jugement.

Par conclusions du 24 septembre 2025, il demande à la cour, au visa des articles 1851 et 1856 du code civil, de :

infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Mme [B] [T] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;

prononcer l'annulation des assemblées générales qui se sont tenues en 2021 vu les graves manquements de la gérante dans la gestion de la société [7] et vu son absence de convocation aux assemblées générales ;

constater la mise en péril des terres et cultures qui sont confiées à la société [Adresse 8] ;

prononcer la révocation de la gérance vu les graves manquements dans la gestion de la comptabilité ;

nommer un administrateur avec pour objet d'assurer la gestion de la société [7], puis organiser une assemblée générale dans le but de faire nommer un nouveau gérant ;

désigner tel expert qu'il plaira à la cour, spécialisé en comptabilité, dans le but de reprendre la comptabilité de la société [Adresse 8] depuis le 1er janvier 2020, corriger les erreurs et anomalies, afin de la rendre conforme ;

ordonner à Mme [B] [T] d'avoir à remettre à l'expert qui sera désigné la totalité de la comptabilité et des pièces comptables pour que l'expert puisse mener à bien sa mission ;

la condamner à payer la somme de 3 000 euros à titre de dommage et intérêts pour résistante abusive ;

rejeter toutes conclusions contraires ainsi que l'ensemble de ses demandes ;

et la condamner à payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 6 octobre 2025, la société [7] et Mme [B] [T] demandent à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil et de l'article L. 235-1 du code de commerce, de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [U] [T] de ses demandes ;

juger que les assemblées générales tenues en 2021 sont conformes aux dispositions en vigueur et donc régulières ;

juger de l'absence de mise en péril des terres et cultures qui sont confiées à la société [Adresse 8] ;

juger qu'il n'y a pas eu de manquement dans la gestion de la société et de la comptabilité ;

juger qu'il n'y a pas lieu de révoquer la gérance ;

juger qu'il n'y a pas lieu de désigner un administrateur pour assurer la gestion de la société en vue d'organiser une assemblée générale pour nommer un nouveau gérant ;

juger qu'il n'y a pas lieu de nommer un expert en comptabilité pour reprendre la comptabilité de la société depuis le 1er janvier 2020 ;

juger qu'il n'y a pas lieu de condamner Mme [B] [T] pour résistance abusive ;

débouter M. [U] [T] de l'ensemble de ses demandes ;

À titre reconventionnel,

le condamner à payer à Mme [B] [T] et à la société [7] chacune la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la demande abusive ;

et le condamner à leur payer à chacune la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est datée du 7 octobre 2025.

MOTIFS :

Sur la demande d'annulation de l'assemblée générale du 4 juin 2021

M. [U] [T] sollicite l'annulation de l'assemblée générale de la société du 4 juin 2021 en indiquant qu'il n'y a pas participé ; et que la signature apposée sur la feuille de présence n'est pas la sienne et qu'elle a été imitée.

Cependant, M. [U] [T] déniant sa signature, en application des dispositions des articles 287 et 288 du code de procédure civile, la cour observe que l'exemplaire de sa signature apposée sur la feuille de présence de l'assemblée générale du 4 juin 2021 est en tous points identique à celles apposées sur les autres feuilles de présence des assemblées générales de la société produites (en date des 25 août et 30 septembre 2020, et 30 juin et 19 juillet 2022), dont il ne conteste pas l'authenticité.

Les statuts de la société prévoient en leur article 20-2° que « l'action en nullité n'est pas recevable lorsque tous les associés étaient présents ou représentés », ce qui a donc été le cas en l'espèce, « et que la feuille de présence a été signée par tous les associés », ce qui est également le cas en l'espèce.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] [T] de sa demande d'annulation de l'assemblée générale du 4 juin 2021.

Sur la demande de révocation de la gérante

L'article 1851 alinéa 2 du code civil dispose que « le gérant est également révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé».

Sur l'abandon de certaines parcelles de culture

M. [U] [T] soutient que des parcelles d'amandiers et d'oliviers sont laissées à l'abandon, et que « même si la comptabilité laisse toujours apparaître un bénéfice, un meilleur entretien des cultures permettrait d'accroître bien entendu le chiffre d'affaires » (page 8 de ses conclusions).

Il produit un procès-verbal de constat établi par Maître [H] [J], commissaire de justice à [Localité 13], en date du 23 septembre 2022, duquel il ressort principalement qu'une partie de la parcelle cadastrée A [Cadastre 6] située au lieu-dit [Adresse 10] est envahie d'herbes folles, que par endroit les systèmes d'arrosage sont décrochés de leur câble, et que les oliviers ne sont pas traités.

Or, les intimées répondent que la parcelle est exploitée en agriculture biologique, qu'elle est régulièrement entretenue, mais qu'elle a fait l'objet d'une dégradation inexpliquée et localisée de son système d'arrosage, et qu'il n'est invoqué par l'appelant aucune insuffisance quant au rendement de ladite parcelle.

Il en résulte qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun manquement sur ce point, Mme [B] [T] justifiant des factures d'achat de produits pour l'exploitation des cultures en agriculture biologique.

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur la mauvaise gestion de la société

Mme [B] [T] justifie d'une augmentation du chiffre d'affaires de la société au cours de la période 2021 à 2024 ainsi que d'une hausse du résultat d'exploitation et du résultat net.

Par ailleurs, alors que l'appelant soupçonne une utilisation non conforme des biens de la société, les intimées justifient que les fruits de la location d'un hangar sont portés dans la comptabilité de la société.

En outre, les affirmations contenues dans l'attestation de Mme [O] s'agissant notamment du travail dissimulé de certaines personnes ne sont

corroborées par aucune pièce, et ce alors que les appelantes justifient de ce que

les personnes mentionnées à ce titre dans l'attestation ont bien été déclarées auprès de la [12].

De plus, M. [U] [T] ne rapporte pas la preuve de la vente d'un véhicule de marque Mercedes d'un kilométrage de 150 000 euros à vil prix.

Enfin, il n'est non plus démontré la réticence de la part de la gérante dans la communication des comptes de la société, dont il est par ailleurs établi que M. [U] [T] a eu connaissance en participant à toutes les assemblées générales de la société au cours desquelles les comptes ont été soumis à l'approbation des associés, M. [U] [T] votant systématiquement contre une telle approbation.

En conséquence, aucune défaillance dans la gestion de la société n'est démontrée par l'appelant, et le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur le compte courant d'associé de M. [U] [T]

M. [U] [T] soutient qu'il existe des anomalies dans le bilan comptable de la société pour l'exercice de l'année 2022 s'agissant de son compte courant d'associé, et sollicite en conséquence que soit ordonnée une mesure d'expertise comptable.

Toutefois, M. [U] [T] qui soutient qu'il n'a pas accès à la comptabilité de la société, est pourtant en possession d'un extrait de son compte courant d'associé pour l'exercice de l'année 2022, qu'il a en outre reçu le rapport de la gérance pour l'approbation des comptes de l'année 2022, qu'il a été convoqué et qu'il a participé à l'assemblée générale ordinaire de la société du 15 juin 2023 au cours de laquelle il a voté contre l'approbation des comptes.

Ainsi, sa demande d'expertise comptable est dépourvue de fondement. Son questionnement relatif aux opérations qui ont été portées sur son compte courant d'associé, relève en définitive d'explications de la part de l'expert-comptable en charge des comptes de la société, qu'il lui appartient de solliciter.

M. [T] sera dès lors débouté de sa demande de ce chef.

Sur les autres demandes

La demande de M. [T] formée dans le dispositif de ses écritures de condamnation des intimées à lui payer une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, qui ne fait l'objet d'aucun développement dans le corps de ses écritures, et compte tenu du sens du présent arrêt, ne peut qu'être rejetée, et le jugement également confirmé de ce chef.

Le jugement sera en outre également confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] [T] et la société [Adresse 8] de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive, étant rappelé que l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol, ce qu'elles ne démontrent pas en l'espèce.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Dit n'y avoir lieu d'ordonner une mesure d'instruction,

Condamne M. [U] [T] aux dépens d'appel,

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [U] [T], et le condamne à payer à la S.A.R.L [7] et à Mme [B] [T], ensemble, la somme de 3 000 euros.

La greffière La présidente

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