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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 18 novembre 2025, n° 24/06500

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/06500

18 novembre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 36D

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 NOVEMBRE 2025

N° RG 24/06500 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WZJ3

AFFAIRE :

[Y] [S]

C/

[A] [N]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Septembre 2024 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 6

N° RG : 2018F01722

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY

Me Asma MZE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANT :

Monsieur [Y] [S]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 24305

Plaidant : Me Marc ARTINIAN de la SELEURL MAPG Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1759 -

****************

INTIMES :

Monsieur [A] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2474704

Plaidant : Me Victor CHAMPEY de la SELARL BERENICE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R144 -

Monsieur [G] [L]

directeur de société

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2474704

Plaidant : Me Victor CHAMPEY de la SELARL BERENICE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R144 -

S.A.R.L. [21] anciennement dénommée [12]

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2474704

Plaidant : Me Victor CHAMPEY de la SELARL BERENICE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R144 -

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Septembre 2025, Monsieur Cyril ROTH, président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,

Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,

Madame Véronique PITE, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

EXPOSE DU LITIGE

Le capital de la SARL [21], société spécialisée dans la prestation de services informatiques, était détenu à parts égales par MM. [S], [N] et [L].

Le 4 décembre 2017, en assemblée générale extraordinaire, les associés de la société ont décidé l'exclusion de M. [S].

Les 19, 20 et 23 octobre 2018, M. [S] a assigné M. [N], M. [L] et la société [21] devant le tribunal de commerce de Nanterre en contestation de cette exclusion.

Le 18 septembre 2024, par jugement contradictoire, ce tribunal a :

- débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné M. [S] à payer à MM. [N] et [L] ainsi qu'à la société [21], chacun, la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [S] aux entiers dépens.

Le 9 octobre 2024, M. [S] a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.

Par dernières conclusions du 1er septembre 2025, il demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 29 septembre 2024 ;

Et, statuant à nouveau :

A titre principal :

- dire la clause d'exclusion insérée à l'article 11.3 des statuts de la société [21] nulle et de nul effet, ou, à défaut, réputée non écrite, en ce qu'elle prévoit la possibilité d'exclure un associé pour une " raison grave " ;

- dire les clauses de remboursement des parts sociales et de réduction du capital de la société insérées aux articles 11.4 et 11.5 des statuts de la société [21] nulles et de nul effet, ou à défaut, réputées non écrites, en ce qu'elles contreviennent aux dispositions impératives de l'article L. 223-34 du code de code de commerce, et par voie de conséquence, dire que la clause 11.3 des statuts est nulle et de nul effet, ou, à défaut, réputée non écrite, eu égard à l'interdépendance des clauses de l'article 11 des statuts de [21] ;

- dire la clause de remboursement des parts sociales de l'associé ayant fait l'objet d'une décision d'exclusion insérée à l'article 11.4 des statuts de la société [21] est nulle et de nul effet ou, à défaut, réputée non écrite, en ce qu'elle ne permet pas de valoriser les parts sociales à leur valeur réelle, et à défaut, dire que la clause constitue une clause pénale ;

En conséquence, dès lors que l'une des clauses ou toutes les clauses insérées aux articles 11.3, 11.4 ou 11.5 des statuts de la société [21], sont déclarées nulles et nul effet et/ou réputées non écrite :

- prononcer la nullité de l'assemblée générale extraordinaire de la société [21] du 4 décembre 2017, et plus particulièrement la résolution relative à " l'exclusion de M. [S] " ;

- prononcer la nullité de toutes les décisions de la gérance de la société [21] liées à son exclusion et des assemblées générales subséquentes à celles du 4 décembre 2017, qui se sont tenues sans sa convocation préalable et faisant mention, à tort, d'un nombre total de 2 000 parts sociales, et notamment :

la décision de la gérance de la société [21] du 31 août 2018 constatant la réalisation définitive de réduction de capital par voie de rachat et d'annulation de ses parts sociales ;

l'assemblée générale extraordinaire de la société [21] du 25 mai 2018 (relative au changement de dénomination sociale, de nom commercial et de sigle) ;

l'assemblée générale extraordinaire de la société [21] du 4 juin 2018 (relative à la réduction de capital de la société sous réserve de l'absence d'oppositions ou du rejet de celles-ci) ;

l'assemblée générale ordinaire de la société [21] du 26 juin 2018 (relative à l'approbation des comptes clos le 31 décembre 2017) ;

l'assemblée générale extraordinaire de la société [21] du 19 septembre 2018 (relative à l'autorisation de l'apport de 1 998 parts sociales de la société [21] au profit de la société [16]) ;

- ordonner en conséquence la restitution immédiate des parts sociales qu'il détenait avant son exclusion ;

A titre subsidiaire,

- prononcer la nullité de l'assemblée générale extraordinaire de la société [21] en date du 4 décembre 2017, et plus particulièrement la résolution relative à " l'exclusion de M. [S] ", pour :

irrégularité de la procédure d'exclusion ;

à défaut, pour nullité des pouvoirs de représentation à cette assemblée par MM. [N] et [L] consentis à M. [I] et Mme [V], entrainant la nullité de toutes les résolutions votées lors de cette assemblée générale ;

à défaut, pour absence de motif grave de nature à justifier l'exclusion prononcée ;

En conséquence :

- prononcer la nullité de l'assemblée générale extraordinaire de la société [21] du 4 décembre 2017, et plus particulièrement la résolution relative à " l'exclusion de M. [S] " ;

- prononcer la nullité de toutes les décisions de la gérance de la société [21] liées à son exclusion et des assemblées générales subséquentes à celles du 4 décembre 2017, qui se sont tenues sans sa convocation préalable et faisant mention, à tort, d'un nombre total de 2 000 parts sociales, et notamment :

la décision de la gérance de la société [21] du 31 août 2018 constatant la réalisation définitive de réduction de capital par voie de rachat et d'annulation de ses parts sociales ;

l'assemblée générale extraordinaire de la société [21] du 25 mai 2018 (relative au changement de dénomination sociale, de nom commercial et de sigle) ;

l'assemblée générale extraordinaire de la société [21] du 4 juin 2018 (relative à la réduction de capital de la société sous réserve de l'absence d'oppositions ou du rejet de celles-ci) ;

l'assemblée générale ordinaire de la société [21] du 26 juin 2018 (relative à l'approbation des comptes clos le 31 décembre 2017) ;

l'assemblée générale extraordinaire de la société [21] du 19 septembre 2018 (relative à l'autorisation de l'apport de 1.998 parts sociales de la société [21] au profit de la société [16]) ;

- ordonner en conséquence la restitution immédiate des parts sociales qu'il détenait avant son exclusion ;

A titre plus subsidiaire :

- dire que la décision de la gérance de la société [21] du 31 août 2018 est nulle et de nul effet ;

En conséquence :

- dire qu'il reste propriétaire des parts sociales de la société [21] numérotées 2001 à 3 000 ;

- prononcer la nullité de toutes les assemblées subséquentes de la société [21] qui se sont tenues sans sa convocation préalable et faisant mention, à tort, d'un nombre total de 2 000 parts sociales ;

A titre très subsidiaire :

- dire que la clause de remboursement des parts sociales de la société [21], prévue à l'article 11.4 des statuts, constitue une clause pénale ;

- constater que la société [21] a frauduleusement passé des écritures dans le but de minorer la valeur de ses capitaux propres et, par voie de conséquence, la valorisation de ses parts ;

- fixer judiciairement la valeur vénale de la société [21] à la somme de 33 000 000 euros et ainsi fixer la valeur de rachat des parts sociales qu'il détenait à la somme de 11 000 000 euros ;

- condamner solidairement la société [21], MM. [N] et [L] à lui verser la somme de 10 661 007,67 euros au titre de son préjudice, outre la remise du prix des actions à hauteur de 338 992,33 euros ;

A titre infiniment subsidiaire,

- désigner tel expert qu'il lui plaira à l'effet de fixer judiciairement la valeur vénale des actions de la société [21] et son préjudice ;

En toute hypothèse,

- condamner MM. [N] et [L] in solidum à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- condamner la société [21], MM. [N] et [L] à lui verser chacun la somme de 50 000 euros au titre des frais irrépétibles visés par l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société [21], MM. [N] et [L] aux entiers dépens au titre de l'article 696 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 12 août 2025, la société [21], MM. [N] et [L] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du 18 septembre 2024 ;

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner M. [S] à leur verser, chacun, la somme de 50 000 euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner M. [S] aux entiers dépens de l'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 4 septembre 2025.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur la validité de l'article 11.3 des statuts de la société [21]

M. [S] soutient que, dans les sociétés à capital fixe, comme [21], la clause d'exclusion éventuelle doit prévoir des motifs prédéterminés avec précision, de manière objective et suffisante, à peine de nullité ; que la mention de la possibilité d'une exclusion pour " raison grave " ne répond pas à ces impératifs et porte atteinte à son droit de propriété constitutionnellement et conventionnellement garanti.

Les intimés font valoir que la Cour de cassation a jugé le 9 novembre 2022 qu'une clause d'exclusion pour " justes motifs " était licite ; que cette solution, adoptée pour les sociétés à capital variable, est transposable aux sociétés à capital fixe ; qu'à supposer la clause illicite, elle devrait être réputée non écrite et non annulée, en application de l'article 1844-10 du code civil.

Réponse de la cour

Il résulte de l'article L. 235-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 22 mai 2019 applicable au litige, que la nullité d'une clause des statuts d'une société commerciale ne peut résulter que d'une disposition expresse du livre II de ce code ou des lois qui régissent la nullité des contrats.

L'article 1844-10 du code civil, inséré dans un titre IX intitulé " De la société ", dispose en son deuxième alinéa que toute clause statutaire contraire à une disposition impérative du présent titre, dont la violation n'est pas sanctionnée par la nullité de la société, est réputée non écrite.

Selon l'article 1833 du code civil, toute société doit avoir un objet licite, être constituée dans l'intérêt commun des associés et gérée dans son intérêt social.

Aucune disposition légale, aucun principe constitutionnel ou conventionnel n'interdit la stipulation d'une clause d'exclusion dans les statuts d'une société commerciale à capital fixe, pourvu qu'elle soit conforme à l'intérêt social, à l'ordre public, et non abusive.

Ainsi, est licite la clause des statuts d'une société commerciale à capital variable stipulant que tout associé peut être exclu de la société pour justes motifs par une décision des associés réunis en assemblée générale statuant à la majorité fixée pour la modification des statuts, quand bien même cette clause ne précise pas les motifs d'exclusion (Com, 9 nov. 2022, n°21-10.540, publié).

Le 9 décembre 2022, sur QPC, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la constitution les articles L. 227-16 et L. 227-18 du code de commerce qui, dans les sociétés par actions simplifiées, permettent aux statuts de stipuler l'exclusion d'un associé (décision n° 2022-1029). Il a constaté que, si ces clauses permettaient de contraindre un associé à céder ses actions, elles n'entraînaient pas de privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (décision, §7) ni d'atteinte disproportionnée à l'exercice de son droit de propriété (décision, §12).

Ces principes sont applicables aux sociétés à responsablité limitée.

Les statuts de la SARL [12], devenue [21], sont envisagés ici dans leur version du 30 juin 2011 produite par l'appelant ; les articles 11.3, 11.4 et 11.5 critiqués sont rédigés en termes identiques à la version des statuts du 9 janvier 2017 produite par les intimés.

L'article 11 de ces statuts est intitulé " Retrait et exclusion d'associés - Remboursement ".

Leur article 11.3, intitulé " Exclusions décidées par l'assemblée générale ", prévoit que tout associé peut être exclu par décision motivée des associés réunis en assemblée générale extraordinaire, pour " raison grave " ou pour " infraction aux statuts ".

L'appelant n'invoque au soutien de sa demande d'annulation de cette clause aucune disposition expresse du livre II du code de commerce.

L'atteinte que comporte la clause critiquée au droit de propriété de l'associé qui, du fait de son exclusion, est contraint de céder ses parts, est limitée par le fait que cette exclusion n'est prévue que pour raison grave ou infraction aux statuts, qu'elle doit faire l'objet d'un vote des associés, y compris de celui dont l'exclusion est envisagée, réunis en assemblée générale extraordinaire, à leur majorité absolue, et que ces parts lui sont rachetées à un prix convenu par avance. Elle est proportionnée au principe de liberté contractuelle des associés exprimée au travers des statuts, qui est l'une des composantes de la liberté d'entreprendre. En tout cas, la mise en 'uvre de cette clause peut être soumise à un contrôle juridictionnel, ce qui est l'objet même de la présente instance.

Cette clause ne contrevient dès lors aucunement à l'ordre public, de sorte qu'elle ne saurait être déclarée nulle par application de l'article 1102 du code civil invoqué par l'appelant.

Elle n'est pas contraire à l'intérêt social ni abusive.

M. [S] n'allègue aucun vice de son consentement.

Cette clause n'encourt donc pas la nullité.

M. [S] n'invoquant aucune disposition impérative du titre IX du livre II du code civil, elle ne peut pas non plus être réputée non écrite en application de l'article 1844-10 du code civil précité.

Le jugement entrepris ne peut en conséquence qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [S] tendant à voir déclarer nul, à défaut réputé non écrit, l'article 11.3 des statuts de la société [21].

En outre, la demande tendant à ce que l'article 11.3 soit réputé non écrit en ce qu'il prévoit la possibilité d'exclure un associé pour raison grave, nouvelle en cause d'appel, doit être rejetée.

Sur la validité des articles 11.4 et 11.5 des statuts

M. [S] soutient que le mécanisme prévu par les articles 11.4 et 11.5 est illicite au regard des dispositions de l'article L. 223-34 du code de commerce en ce qu'il organise le rachat par la société de ses propres parts sociales dans le cadre d'une opération de réduction de capital non motivée par des pertes ; que le rachat de parts sociales par la société en cas de retrait forcé ou d'exclusion est interdit dans les SARL ; que l'article 11.4 doit être annulé en ce qu'il ne prévoit pas le rachat des parts sociales à leur valeur réelle, ce qui constitue une atteinte au droit de propriété de l'associé contraire aux articles 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 544 du code civil.

Les intimés rappellent qu'à supposer une clause statutaire illicite, elle serait réputée non écrite et non nulle ; que ce mécanisme supposerait une violation d'une disposition impérative du titre IX du livre III du code civil, qui n'est pas alléguée.

Ils affirment que les articles 11.4 et 11.5 des statuts n'organisent pas la réduction du capital de la société ; que la formule de calcul de la valeur des parts prévue à l'article 11.4 est valable, quoiqu'elle n'aboutisse pas à leur valeur de marché ; qu'il n'y a pas lieu à expertise sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, puisque cette valeur est déterminable.

Réponse de la cour

Aux termes du second alinéa de l'article 1844-1 du code civil, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l'exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites.

Rien n'interdit à une société commerciale d'adopter des dispositions statutaires prévoyant la détermination de la valeur des parts à une valeur nominale et non réelle pour le paiement de leur prix à un associé sortant (1ère Civ., 22 sept. 2021, n° 20-15.817, publié).

L'article L. 223-34 du code de commerce invoqué par l'appelant dispose que la réduction du capital est autorisée par l'assemblée des associés statuant dans les conditions exigées pour la modification des statuts ; qu'en aucun cas, elle ne peut porter atteinte à l'égalité des associés ; que l'achat de ses propres parts par une société est interdit ; que toutefois, l'assemblée qui a décidé une réduction du capital non motivée par des pertes peut autoriser le gérant à acheter un nombre déterminé de parts sociales pour les annuler.

En application de ce dernier texte, il est loisible à une SARL de racheter ses parts pour les annuler en cas de réduction du capital non motivée par des pertes ; tel peut être le cas en cas d'exclusion d'un associé.

L'article 11.4 des statuts de la société [21], intitulé " Remboursement ", stipule :

L'associé qui se retire ou est exclu de quelque façon que ce soit a droit au remboursement du montant nominal non amorti de ses parts sociales, augmenté ou diminué de sa quote-part dans les bénéfices, réserves et primes diverses ou dans les pertes enregistrées, selon les cas.

L'appelant n'invoque au soutien de sa demande d'annulation de cette clause aucune disposition expresse du livre II du code de commerce ; il n'allègue aucun vice de son consentement. Au soutien de sa demande tendant à la voir réputée non écrite, il n'invoque aucune disposition impérative du titre IX du livre II du code civil.

La stipulation critiquée ne constitue pas une clause léonine de " bad leaver ", qui aurait pour effet de fixer la valeur des parts de l'associé sortant à une valeur inférieure à leur valeur réelle, dès lors que, d'une part, elle s'applique indifféremment à l'associé exclu et à l'associé retrayant, d'autre part, qu'elle prévoit une variation du montant du remboursement selon les bénéfices et les pertes de l'entreprise.

La formule de valorisation des parts de l'associé sortant prévue à l'article 11.4 critiqué ne comporte pas d'atteinte, encore moins d'atteinte disproportionnée, à son droit de propriété constitutionnellement et conventionnellement garanti, dès lors, d'une part, que le montant de ce rachat, expression de la liberté contractuelle des associés ayant adopté les statuts, est connu par avance de l'associé y ayant adhéré ; d'autre part, que ce montant est stipulé variable en fonction des bénéfices et des pertes de l'entreprise.

Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelant, cet article 11.4 permet de valoriser les parts sans contrariété au principe d'égalité des actionnaires.

La demande de M. [S] tendant à voir déclarer nul, à défaut réputé non écrit, l'article 11.4 des statuts de la société [21], nouvelle en cause d'appel, ne peut en conséquence qu'être écartée.

Quant à l'article 11.5 des statuts, intitulé " Limite posée à la diminution du capital ", stipule que l'exclusion d'un associé ne peut avoir pour effet de ramener le capital à un montant inférieur à la somme de 7 500 euros. Il n'est aucunement allégué que l'exclusion de M. [S] ait eu pour effet de ramener le capital à moins de 7 500 euros. L'article 7 des statuts prévoit en effet que le capital social est fixé à 231 000 euros. Cette clause n'ayant pas joué, la demande de l'appelant tendant à son annulation, à défaut à ce qu'elle soit réputée non écrite, nouvelle en cause d'appel, est sans objet ; elle sera écartée.

De là suit que la demande tendant à voir annulé ou réputé non écrit l'article 11.3 de statuts en conséquence de l'annulation des articles 11.4 et 11.5, également nouvelle en cause d'appel, doit être rejetée.

De là suit encore qu'il convient de rejeter la demande d'annulation de l'assemblée générale du 4 décembre 2017, ainsi que la demande tendant à l'annulation " de toutes les décisions de la gérance de la société [21] liées à l'exclusion de M. [S] et des assemblées générales subséquentes ", nouvelle en cause d'appel. Il n'y a donc pas lieu à restitution à M. [S] de ses parts sociales.

Sur la régularité de la décision d'exclusion

M. [S] soutient que la décision d'exclusion votée en assemblée générale extraordinaire le 4 décembre 2017 est irrégulière comme adoptée en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ; que le formulaire de pouvoir qui lui a été adressé omettait la mention de la possibilité pour lui d'être représenté par un avocat ; que l'assemblée générale s'est déroulée dans des conditions vexatoires, en présence de deux avocats des autres associés et d'un huissier de justice, ce qui a créé sur lui une pression intolérable ; que M. [N] a cherché à écarter son avocat.

Il prétend que les pouvoirs de représentation conférés par MM. [N] et [L] à leurs avocats sont nuls, dès lors qu'ils ne pouvaient simultanément être présents et représentés par leurs avocats, ce qui emporte la nullité des résolutions votées.

Il affirme enfin que les motifs d'exclusion qui lui ont été notifiés ne figuraient pas à la convocation de l'assemblée générale extraordinaire et n'ont pas été évoqués au cours de cette assemblée.

Les intimés font valoir que la convocation de M. [S] comportait un long rappel des huit griefs justifiant l'exclusion ; qu'il a pu participer librement aux débats, dont le contenu a été retranscrit fidèlement par un huissier de justice ; qu'il a délibérément refusé de répondre aux griefs qui lui étaient faits ; qu'il était parfaitement préparé et conseillé, ayant même introduit un référé d'heure à heure pour demander l'ajournement de l'assemblée générale extraordinaire ; qu'un associé menacé d'exclusion n'a pas le droit d'imposer la présence d'un avocat à ses côtés lors de l'assemblée générale, celle-ci n'étant pas un organe juridictionnel ; que les mandats donnés par les autres associés à leurs avocats ne sont nuls au regard d'aucune disposition impérative ; que le moyen pris de cette nullité pour la première fois en appel est de toute manière irrecevable comme prescrit ; que l'impossibilité pour l'associé exclu de s'expliquer devant l'organe décidant son exclusion ou la violation des droits de la défense n'est pas une cause de nullité de la délibération, mais pourrait seulement emporter l'octroi de dommages-intérêts.

Réponse de la cour

Selon le second alinéa de l'article L. 235-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 22 mai 2019 applicable au litige, la nullité des délibérations d'une société commerciale ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du livre II de ce code ou des lois qui régissent les contrats.

Ainsi, l'impossibilité pour l'associé exclu de venir s'expliquer devant l'organe décidant son exclusion n'est pas une cause de nullité de la délibération ayant prononcé l'exclusion (Com, 13 juillet 2010, n°09-16.156, publié ; Com, 9 novembre 2010, n°10-10.150), de sorte qu'une cour d'appel n'est pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes tendant à l'annulation d'une décision d'exclusion pour non-respect des droits de la défense (Com, 17 mars 2015, n°14-12.407).

La cour n'est saisie d'aucune prétention tendant à l'irrecevabilité de la demande d'annulation qui soit formulée dans le dispositif des conclusions des intimés.

L'appelant n'invoque au soutien de cette demande d'annulation ni disposition impérative du livre II du code de commerce et ni violation du droit commun des contrats.

Le moyen pris ici par M. [S] d'un manquement aux droits de sa défense et au principe de la contradiction, tiré de ce qu'il n'aurait pas été mis en mesure de s'expliquer, lors de l'assemblée générale du 4 décembre 2017, sur les motifs de sa révocation envisagée, est partant inopérant.

Au demeurant, ce moyen est particulièrement mal fondé, dans la mesure où M. [S] a été convoqué à cette assemblée générale par une lettre recommandée avec accusé de réception du 17 novembre 2017, deux semaines avant sa tenue ; où cette lettre énumère de manière particulièrement circonstanciée huit griefs de nature à justifier sa révocation ; où, les 28 et 29 novembre 2017, il a assigné la société [21] pour tenter d'obtenir l'ajournement sine die de cette assemblée générale ; où il résulte du procès-verbal de constat dressé au cours de cette assemblée qu'il y a activement participé, a été invité à s'expliquer sur l'ensemble des griefs visés à la lettre de convocation, a voté, et que la décision d'exclusion a été prise à la majorité des associés.

L'absence de mention à la lettre de convocation ou à la formule de pouvoir qui y était jointe de la possibilité pour lui d'être représenté par un avocat à l'occasion de l'assemblée générale est indifférente, dès lors que l'associé d'une société peut toujours être représenté par un avocat à une assemblée générale et que, de surcroît, il résulte de l'assignation précitée que M. [S] a été conseillé en vue de cette assemblée générale.

Dans le dispositif de ses conclusions, M. [S] ne sollicite pas l'annulation des pouvoirs donnés en vue de cette assemblée générale par MM. [N] et [L] à leurs avocats respectifs, mais seulement l'annulation de cette assemblée générale, demande nouvelle en cause d'appel, la prétendue nullité des pouvoirs se présentant comme un moyen au soutien de cette prétention.

Au reste, seuls les mandataires désignés ont signé la feuille de présence et exprimé un vote au nom de leurs mandants.

Enfin, le verbatim de l'assemblée générale du 4 décembre 2017 consigné par un huissier de justice démontre que M. [S] n'a pas été intimidé par les personnes y ayant participé.

Sur la validité des motifs de la révocation

Au soutien de sa demande d'annulation de sa révocation, M. [S] prétend qu'elle est abusive, dès lors que les six premiers griefs l'ayant motivée sont imputables, non à lui, mais à la société [15] ; que les deux derniers correspondent à des faits de gravité mineure, tardivement invoqués par la société [21] ; que sa révocation ne peut être valablement fondée sur des griefs n'ayant pas été portés à sa connaissance dans sa convocation à l'assemblée générale du 4 décembre 2017.

Les intimés prétendent que la révocation de M. [S] était légitime, non-abusive et requise par l'intérêt social comme justifié par huit griefs extrêmement graves, précis, notamment étayés par des décisions de justice.

Réponse de la cour

En droit, l'exclusion de l'associé d'une société peut être annulée si elle est abusive (voir par exemple Com, 21 oct. 1997, n°95-13.891, publié).

L'article 11.3 des statuts de la société [21] autorise l'exclusion d'un associé pour raison grave.

Il est constant que M. [N] a créé en 2000 la société [12], devenue [21], société de services en ingénierie informatique (SSII) ; qu'en novembre 2002, MM. [L] et [S] se sont associés pour créer la société [18], devenue [15], structure de tête, qui a commencé à collaborer avec [21] ; qu'entre 2003 et 2007, MM. [L], [N] et [S] ont créé autour de cette structure de tête plusieurs SSII, les sociétés [13], [19], [10], [9], [14], [22], toutes agissant comme sous-traitantes de la société [21] sous la marque [15], mise à leur disposition sous licence par la société [18] ; qu'il s'est ainsi constitué un groupe informel appelé [15], dont les différentes entités n'avaient pas de relation capitalistique.

Au travers de la lettre de convocation qui lui a été adressée le 17 novembre 2017 en vue de l'assemblée générale du 4 décembre suivant, il a été reproché en substance à M. [S] d'avoir notamment, depuis le début de l'année 2016, au mépris des accords entre [12] [[21]] et les sociétés du groupe [15] :

1. Refusé au nom d'Excilys [anciennement [18]], dont il était gérant et l'associé majoritaire, de payer des factures présentées par [[21]] pour plus de 900 000 euros ;

2. Démarché et détourné la clientèle de [[21]], en particulier celle de [20], [17] et [11], causant une perte de chiffre d'affaires de plusieurs centaines de milliers d'euros en 2017 ;

3. Frauduleusement modifié les statuts d'Excilys pour lui permettre de concurrencer [[21]] par une décision prétendument prise à l'unanimité au cours d'une assemblée générale à laquelle les minoritaires, MM. [N] et [L], n'avaient pourtant pas été convoqués ;

4. Détourné la base de données des clients de [[21]] par l'intermédiaire de son épouse, salariée de cette société.

La lettre de convocation articule quatre autres griefs.

Il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale du 4 décembre 2017 que l'ensemble des huit griefs visés à cette lettre ont été retenus par les associés de la société [21] pour prononcer l'exclusion de M. [S].

Il a été déjà relevé que la société [18] détenait la marque [15], sous laquelle la société [21] et les autres entités constituant le groupe informel commercialisaient leurs prestations.

Il est constant que cette société [18] avait depuis 2006 pour associés MM. [N], [L] et [S] ; qu'en 2016, M. [S] détenait 70% de ses parts, MM. [N] et [L] détenant à eux deux 30% des parts, soit une minorité de blocage interdisant toute modification des statuts ; que M. [S] en était le gérant.

Il résulte des pièces produites que, jusqu'en 2016, cette société avait principalement pour objet social le conseil en stratégie et le coaching, à l'exclusion de toute prestation informatique.

Il résulte du jugement rendu le 12 juin 2018 par le tribunal de commerce de Créteil que M. [S] a, en qualité de gérant de cette société, dressé procès-verbal d'une assemblée prétendument tenue le 1er mai 2016 au cours de laquelle, à l'unanimité, les statuts auraient été modifiés pour lui permettre d'exercer une activité de prestations de services informatiques, alors que ses co-associés n'y avaient pas été convoqués et n'étaient pas présents. Le jugement du 12 juin 2018 annule cette assemblée générale ; il est irrévocable.

Ce fait, justement qualifié de frauduleux par la lettre de convocation du 17 novembre 2017, est personnellement imputable à M. [S], dont le comportement visait à tromper MM. [O] et [L], qui étaient ses co-associés tant au sein de la société [18] qu'au sein de la société [21], ce qui était contraire à l'intérêt social de cette dernière.

C'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que cette man'uvre justifiait à elle seule l'exclusion de M. [S] de la société [21].

Ainsi que l'a relevé la cour d'appel de Paris, qui a le 15 mars 2023 accueilli l'action en concurrence déloyale initiée par MM. [O], [L] et la société [21] contre M. [S] et la société [15], cette man'uvre initiale avait pour objet de permettre à la société [18], devenue [15] le 1er mai 2016, qui contrairement aux autres sociétés du groupe n'était pas liée à [21] par une clause de non-concurrence, de lui faire concurrence.

Il résulte de l'arrêt du 15 mars 2023 (pages 13 et 14) que la société [15] a par la suite détourné la clientèle de [21], en particulier celle de [17], de [20] et de [11], notamment au moyen d'informations commerciales mises à sa disposition par Mme [R] [W], épouse de M. [S], alors salariée de la société [21].

Le 15 novembre 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté par un arrêt non spécialement motivé le pourvoi n°23-15.905 formé par M. [S] et la société [15] contre cet arrêt ; il est donc désormais irrévocable, et l'argumentation de M. [S] ne tend qu'à remettre en cause l'autorité de chose jugée qui lui est attachée comme la force probante des constats opérés par la cour d'appel de Paris.

Plusieurs des détournements de clientèle ayant motivé l'exclusion contestée sont ainsi avérés. Dès lors que M. [S] avait, à l'époque de ces détournements, la qualité d'associé majoritaire et de gérant de la société [15], ces agissements dolosifs lui sont personnellement imputables.

La gravité de ces comportements, qui ont nui à l'intérêt de la société [21], est telle qu'ils justifient pleinement, à eux seuls, la décision d'exclusion critiquée.

Ainsi, cette décision d'exclusion ne procède d'aucun abus des associés majoritaires de la société [21], si bien que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a écarté la demande tendant à son annulation, ou à l'annulation de l'assemblée générale du 4 décembre 2017 elle-même.

De là suit que ce jugement doit également être confirmé en ce qu'il a écarté par voie de conséquence la demande d'annulation des assemblées générales postérieures à celles du 4 décembre 2017 fondée sur la non-participation de M. [S], associé, à leurs délibérations, ainsi que la décision de la gérance de la société [21] du 31 août 2018 constatant la réalisation définitive de la réduction de capital par voie de rachat et d'annulation de ses parts sociales ; qu'il convient de rejeter la demande, nouvelle en cause d'appel, tendant à l'annulation de toutes les décisions de la gérance de la société [21] liées à l'exclusion de M. [S]. De même, il n'y a pas lieu à restitution à M. [S] de ses parts sociales, et il convient d'écarter la demande, nouvelle en cause d'appel, visant à voir dire que M. [S] reste propriétaire de parts de la société [21].

Sur la validité de la décision du 31 août 2018

A titre subsidiaire, M. [S] prétend que la décision prise par les gérants de la société [21] le 31 août 2018 d'annuler ses parts sociales est nulle, car cette décision était conditionnée au remboursement effectif et préalable de la valeur de ses parts ; qu'il n'a en l'occurrence pas touché la somme qui lui était proposée par la société [21], dont il est par conséquent resté associé ; que cette nullité emporte la nullité en cascade des assemblées générales subséquentes des 25 mai 2018, 4 juin 2018, 26 juin 2018 et 19 septembre 2018, tenues sans qu'il ait été convoqué.

Les intimés font valoir que M. [S] a unilatéralement et de mauvaise foi refusé de percevoir la somme de 338 992,33 euros mise à sa disposition en remboursement de ses parts ; que l'article 11.4 des statuts prévoit expressément une dissociation entre la perte de la qualité d'associé et la perception de la créance de remboursement des parts de l'associé exclu ; que M. [S] n'a pas formé d'opposition à l'opération de réduction du capital social et à l'annulation corrélative de ses parts dans le délai légal d'un mois.

Réponse de la cour

L'article 11.6 des statuts de la société [21] stipule que l'exclusion d'un associé prend effet à l'issue de l'assemblée générale extraordinaire l'ayant décidée ; que cependant, afin de permettre, le cas échéant, de déterminer la somme à retenir à l'associé sortant à titre de participation dans les pertes, les exclusions ne prennent effet pécuniairement qu'au jour de l'exercice en cours duquel ils ont eu lieu.

En application de cette clause statutaire, dont la validité n'est pas discutée, M. [S] a perdu la qualité d'associé le 4 décembre 2017, jour de l'assemblée générale extraordinaire ayant décidé de son exclusion.

C'est donc à bon droit que, le 31 août 2018, MM. [N] et [L], co-gérants de la société, ont constaté la réalisation définitive de la réduction de capital consécutive à l'annulation des parts sociales de M. [S] résultant de son exclusion.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, l'absence de perception préalable du remboursement prévu à l'article 11.4 des statuts est indifférente au jeu de leur article 11.6.

La demande d'annulation de la décision du 31 août 2018, formulée par M. [S] pour la première fois en cause d'appel, doit en conséquence être rejetée.

Les demandes d'annulation des assemblées générales subséquentes seront écartées par voie de conséquence.

Sur la qualification de l'article 11.4 des statuts

M. [S] soutient que l'article 11.4 des statuts de la société [21] constitue une clause pénale qui doit pouvoir être modulée à la hausse, sauf à organiser la spoliation de l'associé exclu ; qu'il convient en conséquence de fixer la valeur de l'entreprise à la somme de 33 000 000 euros et la valeur de rachat de ses parts à la somme de 11 000 000 euros et de condamner les intimés à lui verser la somme de 10 661 007,67 euros au titre de son préjudice, outre la remise du prix des actions, soit 338 992,33 euros.

Les intimés exposent que la clause statutaire d'exclusion et de remboursement ne sanctionne pas une inexécution contractuelle et ne fixe pas une indemnité réparatrice d'un préjudice ; qu'elle permet de déterminer à l'avance le montant du remboursement des parts d'un associé exclu ; qu'elle s'impose aux parties, dès lors qu'il est licite que la contrepartie versée à l'associé exclu puisse ne pas correspondre à la valeur de marché de ses parts au jour de l'exclusion, mais être fixée de manière forfaitaire ou nominale ; qu'au demeurant, l'évaluation faite par M. [S] de la valeur de l'entreprise est fantaisiste.

Réponse de la cour

A l'évidence, l'article 11.4 des statuts de la société [21] n'est pas une clause pénale au sens de l'article 1231-5 du code civil, dès lors qu'il n'a pas pour objet de sanctionner une inexécution contractuelle. La demande tendant à cette qualification, présentée pour la première fois en cause d'appel, ne peut qu'être écartée.

Les statuts étant licites en ce qu'ils déterminent de manière forfaitaire le montant du remboursement dû à un associé exclu, c'est à juste titre que le tribunal a écarté les demandes tendant à la fixation de la valeur des parts de M. [S] à un autre montant que celui qui lui a été proposé par la société [21], dont les pièces versées aux débats montrent qu'il est conforme aux stipulations de l'article 11.4 précité.

De là suit que la demande tendant à la condamnation de la société [21], de MM. [N] et [L] à verser à M. [S] la " somme de 10 661 007,67 euros au titre de son préjudice, outre la remise du prix des actions à hauteur de 338 992,33 euros " a été justement écartée par le tribunal.

Sur la demande de désignation d'un expert

Le montant du remboursement dû à M. [S] étant déterminable à partir de l'article 11.4 des statuts de la société, sa demande subsidiaire en désignation d'un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil doit être rejetée par confirmation du jugement entrepris ; au reste, le pouvoir de désigner un expert chargé de l'évaluation de droits sociaux en application de ce texte appartient au seul président du tribunal, à l'exclusion de la cour d'appel (1ère Civ., 7 oct. 2015, n°14-20.696, publié).

Sur la demande en indemnisation d'un préjudice moral

M. [S] soutient que son exclusion en assemblée générale extraordinaire s'est déroulée dans des conditions vexatoires ; qu'elle a été décidée de manière abusive et que les droits de sa défense ont été bafoués ; que son humiliation est d'autant plus grande que c'est lui qui a créé le groupe [15].

Les intimés soulignent que l'exclusion était légitime, qu'elle n'a été accompagnée d'aucune circonstance vexatoire et que M. [S] ne produit aucune preuve de son prétendu préjudice.

Réponse de la cour

Il a été retenu que le principe de la contradiction avait été respecté au cours du processus ayant abouti à la décision d'exclusion du 4 décembre 2017 ; que cette décision n'était pas abusive. Il ne ressort d'aucune des pièces versées aux débats qu'elle ait été accompagnée par des vexations.

La faute alléguée n'est donc pas démontrée.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [S] en indemnisation d'un prétendu préjudice moral.

Sur les demandes accessoires

Selon l'article 700 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 25 février 2022, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.

En l'absence de production de notes d'honoraires, l'équité commande d'allouer aux intimés les trois indemnités de procédure forfaitairement prévues au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Rejette les prétentions formulées pour la première fois en cause d'appel par M. [S] ;

Condamne M. [S] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [S] à payer à la société [21], à M. [N] et à M. [L] la somme de 25 000 euros chacun au titre des frais non compris dans les dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT,

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