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Décisions

CA Chambéry, 1re ch., 18 novembre 2025, n° 24/01607

CHAMBÉRY

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CA Chambéry n° 24/01607

18 novembre 2025

GS/SL

N° Minute

[Immatriculation 3]/650

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 18 Novembre 2025

N° RG 24/01607 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HTUZ

Décision attaquée : Ordonnance du Juge de la mise en état d'[Localité 11] en date du 20 Septembre 2024

Appelant

M. [J] [Y], demeurant [Adresse 2] (SUISSE)

Représenté par Me Annelieke GILLOTOT, avocat au barreau d'ANNECY

Intimés

Mme [U] [M], demeurant [Adresse 1]

Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELEURL SELARLU CABINET COHEN, avocats plaidants au barreau de PARIS

Me [K] [E], demeurant [Adresse 6]

Représenté par la SELARL VAILLY BECKER & ASSOCIES, avocats au barreau d'ANNECY

S.A.S. 3G IMMO-CONSULTANT, dont le siège social est situé [Adresse 7]

Représentée par la SCP LE RAY BELLINA DOYEN, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL OPEX AVOCATS, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE

S.A. SARF, dont le siège social est situé [Adresse 4]

Représentée par Me Bérangère HOUMANI, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par Me Valentine NAVARRO, avocat plaidant au barreau de NICE

MJ ALPES, agissant en sa qualité de liquidateur de la SCI LA POTERIE, dont le siège social est situé [Adresse 5] / FRANCE

Représentée par la SELARL VALLERAND BERTHET AVOCATS, avocats au barreau d'ANNECY

Commune [Localité 11], dont le siège social est situé [Adresse 12]

Sans avocat constitué

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 08 Septembre 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 octobre 2025

Date de mise à disposition : 18 novembre 2025

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Composition de la cour :

- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

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Faits et procédure

Par acte notarié en date du 9 décembre 2002, Mme [U] [M] et M. [J] [Y], alors concubins, ont constitué ensemble la SCI La Poterie, ayant notamment pour objet l'administration et l'exploitation d'un bien immobilier sis au [Adresse 10]).

Ce bien constituait le seul actif de la société, dont ils étaient respectivement porteurs de 51 et 49 % des parts.

Suite à la séparation des concubins, intervenue au cours de l'année 2005, M. [Y] a occupé seul les locaux à usage d'habitation appartenant à la SCI à compter du mois d'août 2006.

Une assemblée générale ordinaire du 8 décembre 2014 a autorisé la vente de l'immeuble, pour un prix minimum de 500.000 euros, confié tous pouvoirs à Mme [M] pour réaliser cette opération, et révoqué M. [Y] de ses fonctions de co-gérant.

Suivant jugement du 6 juillet 2017, le tribunal de grande instance d'Annecy a notamment jugé que la révocation de M. [Y] était fondée et rejeté la demande de ce dernier tendant à voir fixer ses droits dans la SCI à hauteur de 250.000 euros.

Par un second jugement rendu le même jour, le tribunal de grande instance d'Annecy a ordonné l'expulsion de M. [Y] et l'a condamné au paiement d'une indemnité d'occupation de 97.900 euros au titre de son occupation privative de l'immeuble du 17 février 2010 au 10 août 2017.

Ces deux décisions ont été confirmées par la présente juridiction le 5 février 2019.

Le 10 octobre 2017, Mme [M] a donné mandat de vente de l'immeuble à l'agence 3G Immo-Consultant et le 17 janvier 2018, un compromis de vente a été conclu entre la SCI La Poterie et la SCI Titane & Yaya.

Par acte notarié des 5 et 6 juillet 2018 établi par Me [E], notaire à Annecy, la commune d'Annecy, exerçant son droit de préemption, a acquis de la SCI La Poterie le bien immobilier sis au [Adresse 8] pour le prix principal de 500.000 euros, outre une commission de 20.000 euros au profit de l'agence 3G Immo Consultant.

Suivant exploits d'huissier en date des 20, 21, 26 septembre, 3 et 22 octobre 2018, M. [Y], arguant de ce que la vente aurait été réalisée en fraude de ses droits, a fait assigner la SCI La Poterie, Mme [M], la commune d'Annecy, Me [E], la société 3G Immo Consultant et la SCI Titane & Yaya devant le tribunal de grande instance d'Annecy notamment aux fins de voir annuler le mandat de la société 3G Immo Consultant, le compromis de vente du 17 janvier 2018 et la vente des 5 et 6 juillet 2018.

Par acte du 23 janvier 2019, M. [Y] a fait également assigner la Société Accréditée de Représentation Fiscale (Sarf) afin d'obtenir l'annulation du mandat donné à cette dernière.

Ces deux procédures ont été jointes le 19 juin 2020.

Parallèlement, le tribunal de grande instance d'Annecy a, par jugement du 2 octobre 2019, à la demande de M. [Y], prononcé la dissolution de la SCI La Poterie et nommé la SELARL MJ Alpes en qualité de liquidateur judiciaire, qui est intervenue à l'instance.

Suivant conclusions en date du 4 octobre 2023, M. [Y] a saisi le juge de la mise en état d'un incident tendant à voir :

- déclarer irrecevables les conclusions de la commune nouvelle d'[Localité 11] ;

- condamner Mme [M] à restituer de manière provisionnelle au liquidateur, et sous astreinte, la somme de 317.397 euros, qu'elle aurait détournée du prix de cession de l'immeuble ;

- ordonner la remise à son profit de 49 % de cette somme soit directement par Mme [M], soit par le liquidateur.

Par ordonnance du 20 septembre 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Annecy a :

- Constaté que la péremption de l'instance n'est pas acquise ;

- Débouté Mme [M] de sa demande tendant à déclarer l'instance éteinte pour cause de péremption ;

- Constaté l'existence d'une contestation sérieuse au regard de la demande de provision ;

- Débouté M. [Y] de sa demande de condamnation de Mme [M] au paiement d'une provision à hauteur de 314.890,36 euros ;

- Rejeté la fin de non-recevoir tenant au défaut de qualité à agir du maire d'[Localité 11] au nom de la commune nouvelle d'[Localité 11] ;

- Condamné Mme [M] aux entiers dépens de l'instance ;

- Condamné Mme [M] au paiement de la somme de 500 euros au profit de chacune des parties suivantes : la SELARL MJ Alpes en qualité de liquidateur de la SCI La Poterie, la commune d'Annecy prise en la personne de son maire en exercice, la société SARF, Me [E], la société 3G Immo Consultant et M. [Y], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté Mme [M] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- Renvoyé la procédure à l'audience de mise en état électronique du 7 novembre 2024 pour conclusions au fond de Mme [M].

Au visa principalement des motifs suivants :

' les conclusions notifiées le 23 octobre 2023 par la société 3G Immo Consultant ont valablement interrompu le délai de péremption ;

' dès lors qu'il existe une discussion quant au montant des sommes réclamées par M. [Y] et quant à l'origine des fonds versés sur le compte courant d'associé appartenant à Mme [M], une contestation sérieuse est caractérisée, qui fait obstacle à l'octroi d'une provision ;

' la commune nouvelle d'[Localité 11] produit la délibération du conseil municipal en date du 4 juillet 2020 qui en son article 16, autorise le maire à défendre la commune dans les actions intentées contre elle ou d'intervenir au nom de la commune dans les actions où elle y a intérêt et notamment devant les juridictions de l'ordre judiciaire.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel du 2 décembre 2024, M. [Y] a interjeté appel de cette décision à l'encontre de Mme [M] et de la Selarl Mj Alpes en ce qu'elle a :

- Constaté l'existence d'une contestation sérieuse au regard de la demande de provision ;

- Débouté M. [Y] de sa demande de condamnation de Mme [M] au paiement d'une provision à hauteur de 314.890,36 euros.

Suivant exploit en date du 7 avril 2025, Mme [M] a formé un appel incident provoqué à l'égard de la commune d'[Localité 11], Me [E], la société 3G Immo Consultant et la société Sarf.

Prétentions et moyens des parties

Aux termes de ses dernières écritures du 10 février 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [Y] sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- Condamner Mme [M] à restituer provisionnellement entre les mains de la SELARL MJ Alpes en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI La Poterie la somme de 317.397 euros détournée par ses soins du prix de cession de l'immeuble de la SCI La Poterie avec intérêts moratoires à compter du 10 octobre 2019 et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- Ordonner la remise à M. [Y] de 49 % de cette somme soit directement par Mme [M] soit par le liquidateur selon la restitution qui lui sera faite des sommes détournées par elle au titre de sa quote-part dans le capital social ;

- Condamner Mme [M] à lui payer la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses prétentions, il fait notamment valoir que :

' le produit de la vente de l'immeuble a été détourné par Mme [M], qui n'a reversé au liquidateur que la somme de 117.767, 64 euros ;

' Mme [M] s'est versée le 19 juillet 2018 une somme de 217.317, 68 euros en arguant d'un compte courant d'associé dont elle ne justifie nullement ;

' elle a également fait payer par la société diverses sommes dont elle ne démontre pas qu'elles auraient été engagées dans l'intérêt social ;

' la discussion qui oppose les parties ne porte pas sur le principe de l'obligation, mais uniquement sur son montant, de sorte que sa demande de provision ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Par dernières écritures du 28 avril 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme [M] demande de son côté à la cour de :

- Confirmer l'ordonnance rendue le 20 septembre 2024 par le Juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Annecy (RG n°23/01796) en ce qu'elle a constaté l'existence d'une contestation sérieuse au regard de la demande de provision et débouté M. [Y] de sa demande de condamnation au paiement d'une provision à hauteur de 314.890,36 euros ;

- Débouter M. [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Infirmer l'ordonnance rendue le 20 septembre 2024 par le Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire d'Annecy (RG n°23/01796) en ce qu'elle a :

- Condamné Mme [M] aux entiers dépens de l'instance ;

- Condamné Mme [M] au paiement de la somme de 500 euros au profit de chacune des parties suivantes : la SELARL MJ Alpes, es qualité de liquidateur de la SCI La Poterie, la commune d'Annecy prise en la personne de son maire en exercice, la société SARF, Me [E], la société 3G Immo Consultant et M. [Y] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- et l'a débouté de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- Débouter la SELARL MJ Alpes, es qualité de liquidateur de la SCI La Poterie, la commune d'Annecy prise en la personne de son maire en exercice, la société Sarf, Me [E], la société 3G Immo-Consultant et M. [Y] de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;

- Condamner M. [Y] à lui payer une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des sommes exposées en première instance et en appel,

- Le condamner aux entiers dépens d'instance.

Au soutien de ses prétentions, elle fait notamment valoir que :

' les accusations de détournement de fonds qui sont formulées par son ex-associé sont dépourvues du moindre fondement ;

' elle a communiqué l'ensemble des justificatifs dans le cadre de la procédure de liquidation et le liquidateur n'a formulé aucune observation ;

' le solde de son compte courant a été validé par l'expert-comptable de la société et un rapport d'expertise établi par M. [G] dans le cadre d'une précédente instance évaluait déjà ce solde à 216.445, 64 euros à la fin mai 2014 ;

' son compte courant a en outre été approuvé par l'assemblée générale des associés du 25 juin 2018 et cette décision n'a pas été contestée par M. [Y] ;

' elle a en effet été contrainte d'avancer pendant des années des fonds pour le compte de la SCI au titre du remboursement du prêt, et du paiement des charges et impôts divers, alors que de son côté, M. [Y] a occupé seul les locaux sans bourse délier ;

' c'est à tort que le juge de la mise en état l'a condamnée aux dépens et au paiement de plusieurs sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors qu'elle n'était pas à l'initiative de l'incident.

Par dernières écritures du 6 juin 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Me [E] demande à la cour de :

- Confirmer l'ordonnance rendue le 20 septembre 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Annecy en ce qu'elle a :

- Condamné Mme [M] au paiement de la somme de 500 euros au profit de Me [E] ;

- Condamné Mme [M] aux entiers dépens de l'instance ;

- Lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à justice quant au surplus ;

- Rejeter toute demande à son encontre ;

Y ajoutant et en tout état de cause,

- Condamner Mme [M], ou qui mieux le devra, à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Mme [M], ou qui mieux le devra, aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Par dernières écritures du 20 mai 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société 3G Immo Consultant demande à la cour de :

- Confirmer l'ordonnance rendue le 20 septembre 2024 par le Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire d'Annecy en ce qu'elle a condamné Mme [M] au paiement de la somme de 500 euros à son profit ;

Statuant à nouveau,

- Condamner tout succombant à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner tout succombant aux entiers dépens de l'instance, sur le fondement des articles 695 et suivants du code de procédure civile, dont distraction au profit de la SELARL Opex Avocats sur son affirmation de droit.

Par dernières écritures du 6 juin 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Sarf demande à la cour de :

- Juger recevable sa constitution ;

- La juger recevable et bien fondée dans ses demandes, fins et conclusions ;

- Donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la justice quant aux demandes des parties adverses ;

- Confirmer la décision rendue par le Juge de la mise en état près le tribunal judiciaire d'Annecy en ce qu'il a :

- Condamné Mme [M] au paiement de la somme de 500 euros au profit de chacune des parties suivantes : la SELARL MJ Alpes en qualité de liquidateur de la SCI La Poterie, la commune d'Annecy prise en la personne de son maire en exercice, la société SARF, Me [E], la société 3G Immo Consultant et M. [Y], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause,

- Condamner tout succombant à lui verser la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner tout succombant aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières écritures du 30 avril 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SELARL MJ Alpes demande à la cour de :

- Déclarer ce que la société SELARL MJ Alpes en qualité de liquidateur de la SCI La Poterie s'en rapporte à justice eu égard à l'appel interjeté par M. [Y] ;

- Confirmer l'ordonnance rendue le 20 septembre 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Annecy en ce qu'elle a condamné Mme [M] au paiement de la somme de 500 euros au profit de la SELARL MJ Alpes en qualité de liquidateur de la SCI La Poterie ;

- Condamner tout succombant à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Citée à sa personne, la commune d'[Localité 11] n'a pas constitué avocat en appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance du 8 septembre 2025 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été retenue à l'audience du 14 octobre 2025.

Motifs de la décision

L'article 789 3° du code de procédure civile permet au juge de la mise en état

d'accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

M. [Y] soutient en l'espèce que son ex-associée, abusant de ses fonctions de gérante de la SCI La Poterie, aurait détourné la somme de 317.397 euros sur le prix de vente de l'immeuble sis au [Adresse 10]), qui constituait le seul actif de la société, dont ils étaient respectivement porteurs de 51 et 49 % des parts.

Il se déduit du décompte établi par le notaire suite à cette vente qu'après paiement de la facture Sarf de 1.470 euros, de l'impôt sur la plus-value de 63.365 euros, et de la taxe foncière de 2 507 euros, le solde disponible au profit de la SCI s'élevait à 432.658 euros. Il est constant, par ailleurs, que Mme [M] n'a reversé au liquidateur que la seule somme de 117.767, 64 euros, par virement en date du 25 octobre 2019. Il appartient dans cette optique à l'intéressée, qui occupait les fonctions de gérante de la SCI avant sa liquidation, de justifier de l'emploi qu'elle a fait du prix de vente avant d'en reverser le solde au liquidateur.

Il est établi, tout d'abord, que Mme [M] s'est reversé le 19 juillet 2018 une somme de 217.317, 68 euros en remboursement d'un compte courant d'associé, que M. [Y] estime non justifié.

Si l'appelant soutient que la gérante ne disposait d'aucun titre pour procéder à un tel versement, il est de jurisprudence constante que l'associé qui a consenti à la société une avance en compte courant à durée indéterminée a le droit d'en obtenir le remboursement à tout moment (voir sur ce point notamment : Cour de cassation, Com, 15 juillet 1982, n°81-10.535 et Com, 10 mai 2011, n°10-18.749).

En l'espèce, Mme [M] justifie de ce que le montant de son compte courant d'associé, arrêté à la date du 30 juin 2018, a été validé par l'expert-comptable de la société à hauteur de cette somme de 271.317, 68 euros.

Ce compte courant, non rémunéré, a en outre fait l'objet d'un rapport spécial de la gérance au titre des conventions réglementées visées à l'article L. 612-5 du code de commerce, qui a été approuvé par l'assemblée générale ordinaire des associés de la SCI le 25 juin 2018 et il est constant qu'aucune action en nullité de cette décision n'a été engagée par M. [Y].

Il convient d'observer, surtout, que le solde créditeur du compte à la date de son versement au profit de Mme [M] apparaît en cohérence avec le rapport d'expertise établi par M. [T] [G] en juillet 2014. En effet, cet expert, qui avait été notamment missionné, aux termes d'une ordonnance de référé du 14 octobre 2013, pour mettre à jour la comptabilité de la société, a constaté, après examen des justificatifs fournis par Mme [M], que son compte courant était déjà créditeur, à la fin du mois de mai 2014, à hauteur d'une somme de 216.445, 64 euros.

Il se déduit par ailleurs de l'examen de ce rapport d'expertise, ainsi que des jugements rendus par le tribunal de grande instance d'Annecy le 6 juillet 2017 et des arrêts confirmatifs du 5 février 2019, que Mme [M] a été contrainte de supporter, pendant plusieurs années, pour le compte de la SCI, les mensualités de l'emprunt contracté pour financer l'acquisition de l'immeuble sis au [Adresse 9], ainsi que l'ensemble des charges afférentes.

Ces éléments sont de nature à rapporter la preuve de l'existence d'un compte courant dont Mme [M] était fondée à obtenir le remboursement suite à la vente.

Interrogée par le liquidateur sur le différentiel entre le prix de vente et la somme reversée à la SCI, Mme [M] a expliqué par le biais de son conseil, le 17 janvier 2020, que tous les justificatifs des dépenses effectuées depuis la perception du prix de vente avaient été transmis à l'expert-comptable de la société, mais que ce dernier refusait de lui communiquer ces justificatifs au motif qu'il n'avait pas été intégralement payé de ses honoraires. Elle a justifié en outre de ce refus de communication de pièces auprès du liquidateur. Ce dernier a donc relancé le 17 janvier 2020 l'expert-comptable de la SCI aux mêmes fins, qui a réitéré son refus tant qu'il n'était pas payé.

La Selarl MJ Alpes a donc sollicité l'accord de M. [Y] et de Mme [M] pour que les honoraires de l'expert-comptable soient honorés, permettant d'obtenir les pièces justificatives manquantes. Or, si Mme [M] a exprimé son accord en ce sens, M. [Y] s'est opposé à un tel paiement.

Force est de constater que dans le cadre de la procédure de liquidation en cours de la SCI La Poterie, c'est ainsi bien M. [Y] qui fait obstacle à ce que les pièces justificatives détenues par l'expert-comptable soient transmises au liquidateur. Or, seules ces pièces permettraient de vérifier les dépenses exposées par la société et de déterminer la consistance exacte du compte courant d'associé de Mme [O].

Et en l'absence de tels justificatifs, la présente juridiction ne peut de toute évidence se prononcer ni sur le principe, ni sur le montant de la créance dont se prévaut l'appelant.

Il convient d'observer, en outre, que M. [Y] se contente de reprocher à son ancienne associée de ne pas justifier des sommes venant en déduction du prix de vente, sans pointer de manière précise les postes exacts qu'il conteste, ni préciser le motif de ses contestations.

Ces circonstances sont de nature à caractériser l'existence d'une contestation sérieuse faisant obstacle au versement d'une provision à ce titre. L'ordonnance du 20 septembre 2024 ne pourra donc qu'être confirmée de ces chefs.

En tout état de cause, la vérification des comptes sera opérée dans le cadre de la liquidation judiciaire, et le liquidateur sera ainsi conduit, le cas échéant, à réclamer à Mme [M] les sommes qu'elle aurait indûment perçues.

S'agissant des mesures accessoires, c'est à juste titre que Mme [M] reproche au premier juge de l'avoir condamnée aux dépens et à payer à M. [Y] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors qu'elle n'était pas à l'initiative de l'incident, qui avait été introduit par M. [Y], et auquel elle n'a fait que répondre.

La décision entreprise devra donc être infirmée de ce chef.

En tant que partie perdante, M. [Y] sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à chacune des parties suivantes :

- Mme [M] ;

- la SELARL MJ Alpes en qualité de liquidateur de la SCI La Poterie ;

- la société SARF ;

- Me [E] ;

- la société 3G Immo Consultant.

La demande formée à ce titre par l'appelant sera enfin rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,

Infirme l'ordonnance de référé rendue le 20 septembre 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Annecy en ce qu'elle a :

- condamné Mme [M] aux entiers dépens de l'instance ;

- condamné Mme [M] au paiement de la somme de 500 euros au profit de chacune des parties suivantes : la SELARL MJ Alpes en qualité de liquidateur de la SCI La Poterie, la commune d'Annecy prise en la personne de son maire en exercice, la société SARF, Me [E], la société 3G Immo Consultant et M. [Y], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Mme [M] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [J] [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Condamne M. [J] [Y] à payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à chacune des parties suivantes :

- Mme [U] [M] ;

- la SELARL MJ Alpes en qualité de liquidateur de la SCI La Poterie ;

- la société Sarf ;

- Me [K] [E] ;

- la société 3G Immo Consultant,

Rejette la demande formée à ce titre par M. [J] [Y],

Confirme la décision entreprise en ses autres dispositions.

Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 18 novembre 2025

à

Me Annelieke GILLOTOT

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY

la SELARL VAILLY BECKER & ASSOCIES

la SCP LE RAY BELLINA DOYEN

Me Bérangère HOUMANI

la SELARL VALLERAND BERTHET AVOCATS

Copie exécutoire délivrée le 18 novembre 2025

à

Me Annelieke GILLOTOT

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY

la SELARL VAILLY BECKER & ASSOCIES

la SCP LE RAY BELLINA DOYEN

Me Bérangère HOUMANI

la SELARL VALLERAND BERTHET AVOCATS

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