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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 18 novembre 2025, n° 23/02294

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 23/02294

18 novembre 2025

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 18/11 /2025

Me Alexis DEVAUCHELLE

Me Adeline JEANTET - COLLET

la SELARL BERGER-TARDIVON-GIRAULT-SAINT-HILAIRE

ARRÊT du : 18 NOVEMBRE 2025

N° : - 25

N° RG 23/02294 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G3TP

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 11] en date du 06 Juillet 2023

PARTIES EN CAUSE

APPELANTES :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265294152502226

La SMABTP, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège,

[Adresse 6]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Delphine COUSSEAU, avocat au barreau d'ORLEANS,

S.A.S. ETABLISSEMENTS MALARD, SAS, immatriculée au RCS sous le n°

Paris 410 543 409, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié es-qualité au siège,

[Adresse 1]

[Localité 3]

ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Delphine COUSSEAU, avocat au barreau d'ORLEANS,

D'UNE PART

INTIMÉES :

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265296720945632

La société MAAF ASSURANCES SA, immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le N° B 542 073 580 - Entreprise régie par le Code des Assurances, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicillié en cette qualité au siège

[Adresse 8]

[Localité 5]

représentée par Me Edouard BARBIER SAINT HILAIRE de la SELARL BERGER-TARDIVON-GIRAULT-SAINT-HILAIRE, avocat au barreau d'ORLEANS

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265294824259430

S.A. AXA FRANCE IARD ès qualités d'assureur de la Société [W], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 7]

ayant pour avocat postulant Me Adeline JEANTET - COLLET, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Sophie BELLON de la SELARL GALDOS & BELLON, avocat au barreau de PARIS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 18 Septembre 2023.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 1er septembre 2025

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 22 Septembre 2025 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Madame Nathalie LAUER, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, en charge du rapport, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.

Lors du délibéré, au cours duquel Madame Nathalie LAUER, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, ont rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:

Madame Nathalie LAUER, Présidente de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Monsieur Xavier GIRIEU, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 18 novembre 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Le ministère de la défense, par la voie de l'établissement du service d'infrastructure de la défense de [Localité 12] (ESID), a fait réhabiliter des bâtiments situés à [Localité 10] (45). Un marché de travaux du 13 octobre 2005 a été confié à un groupement solidaire constitué des sociétés Etablissements Malard et BTPO, assurées auprès de la SMABTP au titre de la garantie décennale.

Le lot plomberie sanitaire a été sous-traité par la société Malard à la société [W], qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire avec clôture pour insuffisance d'actif suivant jugement du 29 décembre 2015, et qui était assurée auprès de la société Axa France Iard. Des travaux de carrelage et de faïence ainsi que d'étanchéité dans les douches ont également été sous-traités à la société SNMC assurée auprès de la société Maaf assurances.

Suite à la survenance de fuites d'eau, une expertise a été ordonnée par le tribunal administratif d'Orléans. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 18 septembre 2018.

Les 23 et 24 septembre 2019, la SMABTP et la société Etablissements Malard ont fait assigner les sociétés Maaf assurances et Axa France Iard, aux fins d'indemnisation des travaux de reprise des désordres.

Le 16 mars 2020, la SMABTP et la société Établissements Malard ont conclu un accord transactionnel avec le ministère de la défense stipulant le versement d'une indemnité totale de 192 743,52 euros.

Par jugement du 6 juillet 2023, le tribunal judiciaire d'Orléans a :

- débouté la société Maaf Assurances de sa fin de non-recevoir ;

- débouté la SMABTP et la société Etablissements Malard de leurs demandes formées à l'encontre de la société Axa France Iard ;

- débouté la SMABTP et la société Etablissements Malard de leurs demandes formées à l'encontre de la société Maaf Assurances ;

- condamné la société SMABTP et la société Etablissements Malard à payer à la société Axa France la somme de 3 000 euros et à la société Maaf Assurances la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société SMABTP et la société Etablissements Malard à payer les dépens de l'instance ;

- accordé à la SCP Le Metayer et associés, et de Maître Thierry Girault membre de la SCP Thierry Girault, le droit de recouvrer directement contre les sociétés SMABTP et Etablissements Malard ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

- rejeté toute demande des parties plus amples ou contraire.

Par déclaration du 18 septembre 2023, la SMABTP et la société Etablissements Malard ont interjeté appel des tous les chefs du jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Maaf Assurances de sa fin de non-recevoir.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 11 juillet 2025, la SMABTP et la société Etablissements Malard demandent à la cour de :

- déclarer la Maaf assurances irrecevable en sa fin de non-recevoir et en tout cas l'en débouter ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a : débouté la SMABTP et la société Malard de leurs demandes formées à l'encontre de la société Axa France Iard et de la société Maaf assurances ; condamné la société SMABTP et la société Etablissements Malard à payer à la société Axa France la somme de 3 000 euros et à la société Maaf assurances la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la société SMABTP et la société Etablissements Malard à payer les dépens de l'instance ; accordé à la SCP Le Metayer et Maître Thierry Girault le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile ; rejeté toute demande de la société SMABTP et la société Etablissements Malard plus amples ou contraire ;

Statuant à nouveau :

- condamner la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société [W] à verser à la SMABTP (au titre de sa garantie apportée à la société Malard, et au titre de la franchise remboursée par cette dernière), les sommes globales suivantes :

' Au titre de la réparation de fuites sur les réseaux : 51 511,94 euros

' Au titre des travaux de peinture : 9 374,77 euros

' Au titre des frais d'expertise (43 %) : 19 979,49 euros

- condamner la société Maaf assurances, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société SNMC à verser à la SMABTP (au titre de sa garantie apportée à la société Malard, et au titre de la franchise remboursée par cette dernière), les sommes globales suivantes :

' Au titre des reprises d'étanchéité des douches : 73 895,64 euros

' Au titre des frais d'expertise (28 %) : 12 892,69 euros

- débouter la société Axa France Iard et la société Maaf assurances de toutes demandes plus amples ou contraires ;

- rejeter les conclusions d'appel incident de la société Maaf assurances et toutes les demandes, fins et conclusions dirigées par cette dernière et par la société Axa France Iard à leur encontre ;

- condamner solidairement (ou chacune par moitié) la société Axa France Iard et la Maaf assurances à verser à la SMABTP la somme globale de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 12 août 2025, la société Axa France Iard demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- dire que ses garanties ne sont pas susceptibles d'être mobilisées ;

- la mettre hors de cause ;

- dire la société Malard et la SMABTP son assureur, mal fondées en leurs demandes, fins et conclusions, telles que formulées en cause d'appel à son encontre et les en débouter ;

Y ajoutant,

- condamner la SMABTP et les Etablissements Malard ou tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Cesareo, qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Très subsidiairement,

- ramener les demandes de la société Malard et la SMABTP à de plus justes proportions, compte tenu notamment de la quote-part de responsabilité imputable à la société Malard ;

- dire et juger qu'elle ne peut être tenue que dans les termes et limites de sa police ;

- la déclarer bien fondée à opposer le montant de ses franchises contractuelles ;

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Le Metayer et associés, qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 14 août 2025, la société Maaf assurances demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa fin de non-recevoir ;

Statuant à nouveau, y ajoutant,

- déclarer irrecevables et mal fondées la SMABTP et la société Etablissements Malard de leurs demandes ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

En conséquence,

- la mettre hors de cause ;

- debouter la SMABTP et la société Etablissements Malard de leurs demandes formées à son encontre ;

Y ajoutant,

- débouter la société Axa France de toutes demandes formulées à son encontre ;

A titre infiniment subsidiaire,

- réduire les demandes de la société Etablissements Malard et de la SMABTP à de bien plus justes proportions ;

- déclarer opposable sa franchise contractuelle ;

En tout état de cause,

- condamner in solidum la SMABTP et la société Etablissements Malard, ou tout autre succombant, à lui payer une somme de 6 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la SMABTP et la société Etablissements Malard, ou tout autre succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Edouard Saint-Hilaire, membre de la SELARL Berger Tardivon Girault Saint-Hilaire, qui pourra les conserver conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

I- Sur le recours subrogatoire à l'encontre de la société Maaf assurances

A- Sur la recevabilité des demandes

Moyens des parties

La société Maaf assurances soutient que c'est à tort que les premiers juges ont fixé le point de départ du délai de l'article 2224 du code civil à la date de dépôt du rapport d'expertise pour juger que les demandes formées à son encontre n'étaient pas prescrites ; qu'en application des dispositions de l'article 1792-4-1 du code civil, la présomption de responsabilité qui repose sur le constructeur en vertu des dispositions de l'article 1792 du même code prend fin à l'expiration du délai de 10 ans à compter de la réception des travaux ; que la tranche ferme concernant les bâtiments numéro 002 et 003 a été réceptionnée sans réserve le 8 février 2007 ; que les tranches conditionnelles pour le bâtiment 004 ont été réceptionnées avec réserve en février 2008, les réserves étant levées par une décision du 22 octobre 2008 ; que la seconde tranche conditionnelle bâtiment 005 a été réceptionnée avec réserve le 12 février 2009 ; que la réserve ayant été levée par une décision en date du 12 novembre 2009 ; que la troisième tranche concernant le bâtiment 006 a été réceptionnée avec réserve le 10 février 2010 ; que l'assignation lui a été délivrée le 24 septembre 2019, soit plus de 10 ans après la réception de l'ouvrage, en tout cas pour la tranche ferme et les deux premières tranches conditionnelles ; que l'expert judiciaire a, dans son rapport, expressément précisé que les désordres portaient sur le bâtiment 11 qui ne fait pas partie des actes d'engagement de la société SNMC ; qu'aucun acte d'interruption de la prescription n'est ni ne peut être allégué par la SMABTP et la société Etablissements Malard ; que ce ne sont pas elles qui ont sollicité l'extension des opérations l'égard de la société SNMC, dont il est rappelé qu'elle était radiée depuis deux années avant cette extension, mais l'expert judiciaire ; que la suspension de la prescription ne peut bénéficier qu'à la partie qui avait sollicité le prononcé d'une expertise ; qu'en retenant simplement comme point de départ la date du 18 septembre 2018, date du dépôt du rapport, pour retenir que la forclusion tirée de la prescription de l'article 2224 du code civil n'était pas acquise, le tribunal n'a pas tiré les conséquences de ses constatations ; que la prescription décennale était déjà acquise à l'égard de la SNMC, radiée, et de son assureur au jour du dépôt du rapport ; que si le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l'article 2224 du code civil, et se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, il est constant que c'est au plus tard l'assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal qui met en cause la responsabilité de ce dernier et constitue le point de départ du délai de son action récursoire à l'encontre des sous-traitants ; qu'en l'espèce, les désordres étaient manifestement connus avant la requête introductive saisissant le tribunal administratif, pour laquelle elle n'a jamais été mise en cause, de sorte la prescription est acquise à son égard ; que le jugement sera, de ce chef, infirmé, en ce que c'est à tort qu'il a retenu que le point de départ de la prescription se trouvait « au plus tôt » à la date du 18 septembre 2018, avec toutes conséquences de droit.

Les appelantes soutiennent que la société Maaf assurances n'a jamais saisi le juge de la mise en état ; que le tribunal a excédé sa compétence en statuant sur la fin de non-recevoir échappant à sa compétence ; que depuis la loi du 17 juin 2008, mais surtout depuis son interprétation par la Cour de cassation, l'action entre coobligés est soumise à l'article 2224 du code civil ; que ce délai de cinq ans ne court pas à compter de l'assignation en référé expertise, mais à compter de la demande comportant la reconnaissance d'un droit ne serait-ce que par provision soit le plus souvent une action au fond ; que le délai décennal s'applique au seul maître d'ouvrage et est inapplicable dans les relations entre une entreprise et son sous-traitant ; que seule la signature du protocole est de nature à déclencher le délai ; le protocole d'accord ayant été régularisé le 16 mars 2020, elles ont largement agi dans les délais ; que les demandes ne sont donc pas prescrites.

Réponse de la cour

Lors de l'introduction de l'instance devant le tribunal, le 23 septembre 2019, le juge de la mise en état n'avait pas le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir. Ce pouvoir a été introduit à l'article 789 6° du code de procédure civile par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

Si ce décret prévoit en son article 55-1 qu'il entre en vigueur le 1er janvier 2020 et est applicable aux instances en cours à cette date, l'article 55-II prévoit que par dérogation au I, les dispositions du 6° de son article 789 sont applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

Il s'ensuit que le tribunal judiciaire avait seul le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir dans le cas d'espèce, de sorte que le tribunal n'a pas excédé ses pouvoirs en statuant sur la demande d'irrecevabilité tiré de la prescription des demandes des sociétés Etablissements Malard et SMABTP.

L'article L.121-12 du code des assurances, dans les assurances de dommages, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Celui qui est subrogé dans les droits de la victime d'un dommage ne dispose que des actions bénéficiant à celle-ci, de sorte que son action contre le responsable est soumise à la prescription applicable à l'action directe de la victime, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (1re Civ., 4 février 2003, pourvoi n° 99-15.717, Bull. 2003, I, n° 30 ; 2e Civ., 15 mars 2007, pourvoi n° 06-11.509 ; 1re Civ., 2 février 2022, pourvoi n° 20-10.855).

Il s'ensuit que le point de départ de la prescription de l'action du subrogé est identique à celui de l'action du subrogeant (1re Civ., 2 février 2022, pourvoi n° 20-10.855).

Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l'article 2224 de code civil et se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915).

Le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution de l'obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l'application de la prescription extinctive, avant l'introduction des demandes principales, de sorte que l'assignation en référé-expertise, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action en garantie du constructeur, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305 ; 3e Civ., 23 novembre 2023, pourvoi n° 22-20.490).

En l'espèce, la SMABTP en qualité d'assureur de garantie décennale du constructeur, la société Etablissements Malard, a indemnisé le maître d'ouvrage, et exerce un recours subrogatoire à l'encontre de l'assureur du sous-traitant, la société SNMC.

L'action en responsabilité du constructeur, la société Etablissements Malard, à l'encontre de la société SNMC, est donc soumise au délai de prescription de l'article 2224 du code civil prévoyant que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La saisine de la juridiction administrative par le ministère de la défense aux fins d'expertise, qui n'était pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, n'a pu permettre de faire courir le délai de prescription de l'action de la société Etablissements Malard. Le dépôt du rapport d'expertise par M. [B] le 18 septembre 2018 n'a pas plus manifesté la volonté du maître d'ouvrage de voir mettre en oeuvre la garantie décennale due par la société Etablissements Malard.

Le ministère de la défense n'a pas agi en paiement d'indemnités à l'encontre de la société Etablissements Malard et de la SMABTP, mais les parties se sont rapprochées et ont conclu un protocole d'accord transactionnel le 16 mars 2020, manifestant ainsi la mise en oeuvre de la garantie décennale du constructeur.

Le point de départ du délai de prescription du recours subrogatoire de la SMABTP à l'encontre du sous-traitant de son assuré, doit donc être fixé au 16 mars 2020. À cette date, la société Etablissements Malard et la SMABTP avaient déjà introduit l'instance, avant subrogation, à l'encontre de la société Maaf assurances en qualité d'assureur de la société SNMC et conclu aux fins d'indemnisation des désordres.

En conséquence, les demandes de la société Etablissements Malard et de la SMABTP à l'encontre de la société Maaf assurances ne sont pas prescrites et doivent être déclarées recevables. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Maaf Assurances de sa fin de non-recevoir.

B- Sur le bien-fondé des demandes

Moyens des parties

La société Etablissements Malard et la SMABTP soutiennent que l'assureur qui, en connaissance des résultats de l'expertise (dès le début de la procédure au fond), a eu la possibilité d'en discuter les conclusions ne peut, sauf s'il y a eu fraude à son encontre, soutenir qu'elle lui est inopposable et ne peut notamment exciper du fait que l'assuré n'a pas été lui-même appelé ou représenté aux opérations d'expertise ; que la société SNMC, assurée de la Maaf, était bien visée, en tant que partie, à l'encontre desquelles les opérations d'expertise ont été étendues par ordonnance du 28 juillet 2016 ; que l'expert n'a jamais fait état d'une difficulté de réception des convocations ; que les opérations d'expertise ont donc été menées au contradictoire de la société SNMC et il n'est pas inutile de relever que tant la société SNMC que son assureur et son conseil ont été destinataires du rapport d'expertise judiciaire ; que s'agissant de l'opposabilité des rapports d'expertise, qu'ils soient judiciaires ou amiables, la jurisprudence de la Cour de cassation déroge au principe d'inopposabilité dès lors que les conclusions du rapport ont été soumis à la contradiction des parties et sont corroborés par d'autres pièces, comme c'est le cas en l'espèce au travers du rapport Socabat ; qu'en exerçant une action subrogatoire, le solvens est substitué dans les droits du créancier et se place dans la même situation que ce dernier vis-à-vis de son débiteur ; que la SMABTP bénéficie d'une double subrogation et se place dans les droits de son assuré en lien contractuel vis-à-vis de son sous-traitant et dans les droits du maître d'ouvrage sans lien contractuel avec ce dernier ; qu'elle agit ainsi sur le terrain de la responsabilité contractuelle étant rappelé que le sous-traitant est tenu à l'égard de l'entrepreneur principal d'une obligation de résultat d'exécution des travaux exempt de vices dont il ne peut s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère ; que subsidiairement, elle est en mesure également de se placer dans les droits du maître d'ouvrage et de fonder ses demandes sur la responsabilité quasi-délictuelle ; que la société SNMC est intervenue en sous-traitance de la société Etablissements Malard pour la réalisation intégrale des travaux d'étanchéité dans les douches et des travaux de carrelage et de faïence dans les douches ; que les désordres portaient sur des infiltrations par les douches qui ont été identifiés comme résultant de défauts d'exécution imputables à la société SNMC ; que le rapport Socabat corrobore le rapport d'expertise judiciaire ; qu'il y a donc lieu de condamner la société Maaf assurances, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société SNMC à verser à la SMABTP les sommes de 73 895,64 euros au titre des reprises d'étanchéité des douches et de 12 892,69 euros au titre des frais d'expertise.

La société Maaf assurances réplique que l'intégralité des prétentions de la SMABTP repose sur le rapport d'expertise qui n'a pas été établi à son contradictoire, sans autre éléments de preuve ; que le juge administratif a estimé que la manoeuvre tendant à lui rendre opposables les opérations d'expertises était entreprise trop tardivement ; que les conditions requises pour permettre l'opposabilité du rapport d'expertise ne sont manifestement pas réunies ; qu'en dehors de ce rapport, il n'y a aucun élément caractérisant l'obligation pour elle d'avoir à mobiliser sa garantie ; que l'entrepreneur principal doit démontrer l'inexécution ou la mauvaise exécution de ses obligations contractuelles par le sous-traitant ; que le rapport d'expertise établit d'emblée que la responsabilité de SNMC, serait pondérée en raison d'un défaut de surveillance de l'entrepreneur principal ; que rien ne justifie que cette pondération soit majorée ; que seul un débat technique aurait été de nature à en discuter utilement, mais cela a été impossible puisque la concluante a été absente et qu'aucun dire n'a pu être produit ; que c'est à bon droit que le tribunal a précisé que la proposition de l'expert ne peut être retenue faute d'éléments de preuve corroborant ses conclusions, alors même que celles-ci viennent en contradiction avec ses propres constatations ; que le rapport d'expertise, déposé à la demande du juge administratif, en l'absence de la concluante ne peut répondre aux exigences du droit à l'égalité des armes ; qu'à l'aune de ce droit fondamental, l'opposabilité du rapport d'expertise doit être battue en brèche, en sorte que la demande principale ne peut prospérer ; que la décision sera, de ce chef, confirmée et les appelantes seront déboutées de leurs demandes à son encontre ; que l'action menée devant le tribunal administratif d'Orléans portant extension des opérations d'expertise se trouve entachée d'irrégularité ; qu'en effet, la société SNMC n'avait déjà plus, à l'époque, d'existence légale pour avoir fait l'objet d'une radiation au registre du commerce et des sociétés d'Orléans publiée au BODACC le 13 février 2014 ; qu'il convient donc, comme l'ont fait les premiers juges, d'en tirer les conséquences et de rejeter les demandes ; que les appelantes ne justifient pas de ce que le bâtiment 11, seul bâtiment concerné par les désordres d'infiltrations au niveau des douches, a été confié au titre du lot carrelage - revêtements muraux à la société SNMC ; qu'il conviendra donc de rejeter les demandes et de confirmer le jugement entrepris ; qu'aucun acte contractuel n'a été versé aux débats qui concernerait la société SNMC et les travaux du bâtiment 11, seul bâtiment sur lequel l'expert judiciaire a constaté l'existence de désordres sur les blocs sanitaires ; que le défaut d'étanchéité reproché à la société SNMC ne résulte d'aucun manquement contractuel, étant rappelé que le carrelage a été posé après la mise en oeuvre des receveurs de douche et la création de massifs en ciment par la société Malard, de sorte qu'aucune étanchéité ne pouvait ainsi plus être posée ; qu'il est d'ailleurs probable que c'est la société Malard qui devait se charger de ladite étanchéité puisqu'elle était contractante générale et en charge notamment du lot gros-oeuvre ; que les appelantes verront donc l'ensemble de leurs demandes rejetées ; que les rapports juridiques régissant la société Malard et la société SNMC ne sauraient reposer sur la garantie décennale des constructeurs ; que le principe d'opposabilité de la franchise aux tiers s'applique dès lors que la société SNMC est sous-traitante ; que la franchise contractuelle prévue au contrat sera déclarée opposable.

Réponse de la cour

La société SNMC a été radiée au registre du commerce et des sociétés d'Orléans le 3 février 2014, suite à une opération de fusion-absorption réalisée par la société JPE Polybat.

Par ordonnance du 28 juillet 2016, le juge des référés du tribunal administratif a étendu les opérations d'expertise à la société SNMC. Or, celle-ci ayant été absorbée par la société JPE Polybat, elle ne pouvait pas participer aux opérations d'expertise. Aucune pièce n'établit que la société absorbante aurait été invitée à participer aux opérations d'expertise en lieu et place de la société SNMC. Il s'ensuit que le rapport d'expertise n'a pas été établi au contradictoire du sous-traitant, SNMC, absorbé par la société JPE Polybat.

En application de l'article 16 du code de procédure civile, lorsqu'une partie à laquelle un rapport d'expertise est opposé n'a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut refuser d'examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve (2e Civ., 30 novembre 2023, pourvoi n° 21-25.640, 22-24.526, 22-10.297).

En l'espèce, l'expert désigné par la juridiction administrative a procédés aux constats suivants portant sur le bâtiment n°11 :

« Dans les douches :

- Absence d'étanchéité au sol des douches.

- Joint périphérique autour des receveurs ne permet pas un isolement total et une étanchéité absolue.

- Absence d'étanchéité sur les reliefs périphériques des douches, que ce soit sur les murs du fond ou sur les murs en extrémité latérale droite et gauche.

- Non-respect des clauses du CCTP ».

S'agissant de la cause de ces désordres, l'expert a conclu :

« 7°) - Sur la non-conformité des carrelages et revêtements muraux des douches du bâtiment n° 11 :

Le lot n° 01 gros 'uvre prévoyait dans son article 7.1 la définition du système à mettre en 'uvre pour l'étanchéité.

Il y était mentionné :

- Que l'étanchéité des niveaux intermédiaires devra assurer durablement une opposition au passage de l'eau ainsi que des phases liquides en vapeur d'eau ou la migration de celle-ci au travers des ouvrages constitutifs du bâtiment.

- Que les eaux à contenir provenaient d'installations collectives ou individuelles à usage sanitaire.

- Que le système d'étanchéité retenu serait à base de résine de synthèse multicouche avec des relevés effectués dans les mêmes conditions que l'étanchéité du sol et sur une hauteur de 2 m au droit des douches.

- Que partout ailleurs (dans les circulations) le relief sera de 20 cm.

Il y était également et clairement précisé que la localisation concerne les blocs sanitaires collectifs et les laveries.

Aucune étanchéité n'était demandée au lot carrelage :

Au cours des investigations et après sondage, l'expert a constaté qu'il n'existait aucune étanchéité sur les sols et les reliefs autour des douches. Que le joint périphérique de cette douche ne permettait pas un isolement total et une étanchéité totale à l'eau.

Si les prescriptions portées dans le lot n° 1 « gros 'uvre » avaient été appliquées, aucune fuite n'aurait été constatée dans les niveaux inférieurs comme cela est visible sur les clichés photographiques n° 37 à 40 du présent rapport d'expertise.

Les sondages effectués dans le plancher des douches montrent qu'il n'existe aucune étanchéité multicouche telle que demandée dans le CCTP.

Qu'il n'existe pas davantage d'étanchéité sur les reliefs périphériques des douches, le mur du fond, ou les murs latéraux de droite et gauche des groupes sanitaires. (les parois entre douches ayant été effectuées en éléments composites totalement imperméables et étanches à l'eau ;

C'est le non-respect des clauses du CCTP qui sont la cause des infiltrations constatées avec, pour une faible mesure, le manque d'étanchéité périphérique autour des receveurs de douche mis en place par le plombier, savoir la société [W] ».

Pour corroborer ce rapport d'expertise non-contradictoire à l'égard de la SMABTP et de son assurée, ceux-ci invoquent une note émise par la société Socobat le 16 octobre 2017 à la demande de l'assureur, et ainsi rédigée :

« Nous y avons donc eu accès et avons constaté :

- Principalement une absence de calfeutrement entre le bac douche et la plage avant

- L'absence d'étanchéité sous carrelage sur la plage avant en mortier

- La pose d'une paroi de douche mobile fragile voire cassée, mal fermée et mal jointoyée qui ne permet pas d'arrêter convenablement l'eau, et qui inonde la plage avant

- La faïence est posée sur des plaques Placo-Cem résistantes à l'eau (adaptées). La faïence est fortement collée et il n'est visuellement pas possible de déterminer si une protection à l'eau sous faïence a été appliquée comme demandé dans l'avis technique du procédé. L'expert af'rme qu'il n'y a pas de protection à l'eau sous faïence. [...]

La cause des passages d'eau :

est à notre avis l'absence de calfeutrement entre le bac à douche et la plage, l'absence d'étanchéité sous carrelage de la plage associé à une paroi de douche fragile et inef'cace.

La présence ou non de protection sous faïence n'est à notre avis pas causale bien que non conforme, de même pour l'absence d'étanchéité sous carrelage de Vallée centrale, ou l'absence de trappe de visite des siphons ».

Outre que cette note ne comporte pas les mêmes conclusions sur la cause des désordres que le rapport d'expertise, elle ne mentionne aucune analyse des responsabilités encourues et de l'imputabilité des désordres, de sorte qu'elle est ne peut corroborer le rapport d'expertise de M. [B]. Aucun autre élément n'est invoqué par la SMABTP pour corroborer les conclusions de l'expert désigné par la juridiction administrative.

Il s'ensuit qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre de la société Maaf assurances, assureur de la société SNMC, sur le fondement du seul rapport d'expertise non-contradictoire de M. [B]. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Etablissements Malard et la SMABTP de leurs demandes formées à l'encontre de la société Maaf assurances.

II- Sur le recours subrogatoire à l'encontre de la société Axa

Moyens des parties

Les sociétés Etablissements Malard et SMABTP soutiennent qu'aux termes de l'article 113-17 du code des assurances, l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès ; que les dires adressés par la société Axa France Iard à l'expert judiciaire attestent d'une telle prise de direction du procès par la discussion du quantum au travers de la transmission d'une note de vérification par un économiste, par la discussion des quotes-parts de responsabilité au travers de l'invocation de la responsabilité de l'équipe de maîtrise d'oeuvre ; que les pièces contractuelles ayant été produites, la société Axa France Iard avait nécessairement connaissance du dépassement du coût global de l'opération de construction qu'elle prétend leur opposer et doit donc être réputée y avoir renoncé ; que le tribunal ne pouvait valablement leur opposer les stipulations de l'article I des conditions générales, de sorte que le jugement sera infirmé au visa de l'article L.113-7 du code des assurances ; que lorsque les conditions particulières et les conditions générales contiennent des dispositions contradictoires, il convient de faire prévaloir les conditions particulières ; qu'au cas particulier, les conditions particulières ne comportent aucune restriction de garantie liée au coût de l'opération de construction, de sorte qu'il y a lieu de faire prévaloir celles-ci ; que la clause prévue par l'article 1 des conditions générales, soumettant l'objet du contrat d'assurance à la condition d'intervention de l'assuré sur des chantiers dont le coût global de l'opération de construction n'est pas supérieur à 9 200 000 euros HT ne figure pas aux conditions particulières de sorte qu'elle ne leur pas opposable ; que la société Axa France Iard ne conteste pas la souscription d'un contrat « multi garanties entreprise de construction » par la société [W] et faute de justification des limites du contrat, la garantie est présumée ; que le montant global des travaux sous traités à la société [W] représente une somme de 901 804,53 euros de sorte que la somme de 9 200 000 euros HT est loin d'être atteinte ; que la SMABTP bénéficie d'une double subrogation et se place dans les droits de son assuré en lien contractuel vis-à-vis de son sous-traitant et dans les droits du maître d'ouvrage sans lien contractuel avec ce dernier ; qu'elle agit ainsi sur le terrain de la responsabilité contractuelle étant rappelé que le sous-traitant a une obligation de résultat vis-à-vis de son donneur d'ordre ; que les travaux réalisés se sont avérés affectés d'un vice de construction mettant en cause la responsabilité de l'assurée de la société Axa France Iard ; que la cour ne pourra qu'infirmer le jugement et faire droit à l'action subrogatoire à l'encontre de la société Axa France Iard ; que si la cour devait opposer aux concluantes les conditions générales d'assurances, la sanction ne peut être l'absence de garantie mobilisable, mais la réduction proportionnelle ; qu'il appartiendra à la cour de faire application des dispositions de l'article L.113-9 du code des assurances ; que dans ce cadre, la société Axa sera autorisée à leur opposer une réduction de son indemnité en proportion du taux de la prime annuelle payée par rapport à celui de la prime qui aurait été due si la mission avait été déclarée.

La société Axa France Iard fait valoir que la direction du procès par l'assureur pour le compte de l'assuré signifie et suppose que l'assureur prend en charge les frais de défense de l'assuré, mandate un avocat pour le représenter, et conduise le procès à sa place, ce qui n'est aucunement le cas en l'espèce ; que la société [W] étant en liquidation judiciaire, c'est le liquidateur de la société [W] qui a été assigné par la SMABTP, et elle a ensuite été attraite aux opérations d'expertise judiciaire comme assureur de la société [W] ; que c'est pour son unique et propre compte qu'elle s'est fait représenter à l'expertise ; que le fait que l'assureur dans le cadre de sa participation aux opérations d'expertise discute les quotes-parts de responsabilité et le quantum ne caractérisent en rien une direction de procédure pour le compte de l'assuré, cette discussion s'entendant comme une défense des intérêts propres de l'assureur ; qu'il en est de même de la constitution de l'avocat dans les seuls intérêts de la société Axa France et des moyens soulevés au soutien de ses intérêts dans le cadre des instances judiciaires ; que la direction de procédure n'est aucunement caractérisée, et le jugement ne pourra être infirmé sur ce moyen ; qu'aux termes du contrat souscrit, les parties ont expressément convenu de délimiter l'objet du contrat et singulièrement l'objet de la garantie, aux interventions de l'assuré sur des chantiers dont le coût global de l'opération de construction n'est pas supérieur à 9 200 000 euros HT ; que cette clause, détermine contractuellement l'objet du contrat, son champ d'application et par conséquent l'assiette de la garantie ; que les conditions de la garantie précitées n'ont nullement vocation à être reproduites dans les conditions particulières, sauf à considérer que les conditions particulières doivent être la copie conforme des conditions générales ; qu'il n'y a donc aucune contradiction entre les conditions générales et particulières par le fait de ne pas réitérer, dans les conditions particulières, une clause claire et précise des conditions générales, en rapport avec l'objet de la garantie ; que le coût global de la construction n'excédant pas 9 200 000 euros constitue bien une condition de délivrance de la garantie ; que les conditions de délivrance de la garantie n'étant pas réunies, le contrat d'assurance ne peut s'appliquer ; que le volet du contrat d'assurance garantissant l'activité de sous-traitant de l'assuré [W] est une assurance facultative, qui n'est nullement soumise au régime de l'assurance obligatoire ; que la cour ne pourra donc que confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Etablissements Malard et la SMABTP de leurs demandes au motif que les garanties du contrat souscrit par la société [W] ne peuvent trouver application ; qu'au besoin, cette confirmation interviendra par substitution de motifs, consacrant que la clause invoquée constitue une condition de garantie ; qu'il n'est pas contesté que le coût global de l'opération de construction s'élevait à la somme de 11 094 413,70 euros HT, soit à un coût dépassant la limite fixée pour définir l'objet même de la garantie prévue à l'article 1 du contrat d'assurance ; que l'argument de la SMABTP et de son assurée, qui tentent de soutenir que le montant du marché de la société [W] devrait être pris en compte, plutôt que le coût global de l'opération, pour déterminer si l'intervention de l'assuré entre dans l'objet de la garantie, est dénué de toute pertinence et ne pourra qu'être écarté ; qu'en effet, il est expressément fait référence au contrat d'assurance au coût global de l'opération de construction ; qu'à titre subsidiaire, la société Malard, dans le cadre des obligations qui étaient les siennes, devra donc supporter une part de responsabilité dans la survenance des désordres qui sont survenus sur les réseaux, à hauteur de 20 % ; qu'il y aura également lieu de juger qu'elle est bien fondée à opposer les limites de sa police, laquelle prévoit une franchise de 1 000 euros.

Réponse de la cour

L'article L.113-17 du code des assurances dispose que l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès.

Ce texte conditionne donc la renonciation aux exceptions dont l'assureur avait connaissance à la prise effective de la direction du procès par celui-ci qui peur se déduire de son comportement.

En l'espèce, l'assureur de la société [W] n'est pas intervenue volontairement dans le cadre de l'instance de référé-expertise qui a été dirigée à l'encontre du liquidateur judiciaire de la société [W]. La société Axa France Iard a seulement ensuite été assignée en intervention forcée en qualité d'assureur de la société [W]. Il n'apparaît donc pas que l'assureur aurait pris la direction du procès intenté en référé aux fins de prononcé d'une mesure d'expertise.

S'agissant des opérations d'expertise, la société [W] était représentée par le liquidateur judiciaire, et la société Axa France Iard était représentée par son propre avocat. Les dires adressés par le conseil de la société Axa France Iard ne portent pas sur la responsabilité de la société [W], mais se bornaient à communiquer à l'expert une note d'un économiste pour vérifier les devis, et à solliciter que le maître d'oeuvre soit attrait aux opérations d'expertise. En conséquence, la nature des dires adressés à l'expert n'établit pas que l'assureur avait pris la direction du procès. Enfin, il convient de rappeler que la société [W] ne figurait pas au procès devant le tribunal dès lors qu'elle avait fait l'objet d'une clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif. Il résulte de ces éléments que le moyen tiré de la direction du procès par la société Axa France Iard doit être rejeté.

Aux termes des conditions particulières du contrat d'assurance souscrit par la société [W] auprès de la société Axa France Iard, il est rappelé : « Ces Conditions Particulières jointes aux Conditions Générales et aux annexes référencées ci-dessous, dont le souscripteur reconnaît avoir reçu un exemplaire, constituent le contrat d'Assurance ».

Les conditions particulières énoncées les déclarations du souscripteur en particulier quant aux activités exercées, les garanties souscrites, les garanties non accordées, les plafonds et montants de garantie, et la franchise applicable. Les conditions précises de garantie sont stipulées dans les conditions générales sans que l'assureur ait à les reprendre dans les conditions particulières d'assurance.

L'article 0.1 des conditions générales d'assurances détermine l'objet du contrat comme suit :

« L'objet du contrat est de délivrer :

- au profit de l'assuré,

- exclusivement lorsqu'il exerce l'activité d'entreprise précisée aux conditions particulières,

- à propos de travaux de bâtiment ou de génie civil, dans le cadre de marchés publics ou privés, au titre d'un contrat de louage d'ouvrage (article 1789 du Code civil) ou d'un contrat de sous-traitance (loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975), avec des produits et selon des procédés de technique courante,

- pour des interventions de l'assuré sur des chantiers dont le coût global de l'opération de construction n'est pas supérieur à 9 200 000 euros hors taxes,

Si l'assuré participe à des opérations de construction dont le coût unitaire excède ce montant, les garanties du présent contrat pourront toutefois, à sa demande, être délivrées chantier par chantier, après examen d'un dossier technique transmis à l'assureur et accord de l'assuré sur les conditions de garantie proposées par l'assureur,

- celles des garanties définies au titre II que les conditions particulières indiquent acquises, selon les modalités mentionnées par celles-ci ».

L'article 0.1 prévoit donc une condition de la garantie de l'assuré tendant à ce que le coût global de l'opération de construction n'excède pas 9 200 000 euros hors taxes, et cette clause n'est pas en contradiction avec les conditions particulières qui renvoient aux conditions générales pour les conditions et modalités de la garantie. Il s'ensuit que cette clause est pleinement opposable au tiers lésé qui sollicite l'application de la garantie de l'assureur de la société [W].

Aux termes des conditions générales d'assurance, l'opération de construction est définie comme l'ensemble des travaux à caractère immobilier exécutés entre les dates d'ouverture de chantier et de réception de cette opération. En conséquence, il convient de se référer au coût global de l'opération de construction à laquelle la société [W] a participé afin de déterminer si la garantie de l'assureur peut être déclenchée, et non au seul montant du marché confié à la société [W].

Or, en l'espèce, le coût global de l'opération de construction s'élevait à la somme de 11 094 413,70 euros HT, excédant le seuil mentionné à l'article 0.1 des conditions générales d'assurance de sorte que les travaux réalisés par la société [W] ne sont pas couverts par la société Axa France Iard. Les appelantes ne justifient pas que l'assureur aurait donné son accord à son assuré, pour la couvrir nonobstant le montant de l'opération de construction, ce qui supposait que la société [W] présente un dossier technique à l'assureur, que celui-ci formule une proposition de garantie, et que les modalités de garantie aient été acceptées par l'assurée.

Au regard de ces éléments, les appelantes doivent être déboutées de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de la société Axa France Iard, et le jugement sera confirmé de ce chef.

III- Sur les frais de procédure

Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.

La SMABTP et la société Etablissements Malard, seront condamnées in solidum aux dépens d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à chacune des intimées une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT :

CONDAMNE in solidum la SMABTP et la société Etablissements Malard aux entiers dépens d'appel ;

AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement et à leur profit, contre la partie condamnée aux dépens, ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision ;

CONDAMNE in solidum la SMABTP et la société Etablissements Malard à payer à la société Maaf assurances la somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la SMABTP et la société Etablissements Malard à payer à la société Axa France Iard la somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Nathalie LAUER, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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