CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 18 novembre 2025, n° 25/07764
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Archibald (SELARL), BMA Restauration (SASU), Banque CIC Est (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hébert-Pageot
Conseillers :
Mme Lacheze, M. Varichon
Avocats :
Me Maris-Bonlieu, Me Lesenechal
FAITS ET PROCÉDURE:
La SAS BMA Restauration, constituée le 16 juin 2022, exploite un fonds de commerce de restaurant, débit de boissons, hôtel, dans un ensemble immobilier à usage d'hôtel-restaurant dans des locaux sis à [Localité 14] donné à bail par M.[R].
Par jugement du 28 mai 2024, le tribunal de commerce de Sens a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société BMA Restauration, procédure qui a été convertie en liquidation judiciaire le 17 septembre 2024, la SELARL Archibald, en la personne de Me [T], étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par requête du 18 décembre 2024, la SELARL Achibald, ès qualités, a saisi le juge commissaire aux fins de voir autoriser la cession du fonds de commerce dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de la société BMA Restauration. Le bailleur,
M. [R], s'est opposé à la cession.
Par ordonnance du 10 avril 2025, le juge commissaire a autorisé la vente amiable du fonds de commerce de la société BMA Restauration pour le prix payable comptant de 35.000 euros au profit de M.[C] [P], pour le compte d'une société à créer, le prix se répartissant comme suit: éléments corporels : 20 000 euros, éléments incorporels: 15.000 euros (dont 5.000 euros pour la licence IV), dit que l'entrée en jouissance interviendra au lendemain 0 heure du jour de l'ordonnance, sous réserve de la consignation du prix ainsi que de la production de la police d'assurance portant sur l'exploitation, dit que les loyers seront pris en charge par l'acquéreur dès l'entrée en jouissance, dit que si l'acte de vente n'était pas régularisé du fait de l'acquéreur dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente, M.[C] [P] devra assumer le coût des loyers afin de permettre la préservation du bail commercial, dit que sont exclus du périmètre de la reprise les actifs susceptibles d'être revendiqués, qu'en cas de défaillance du repreneur, toute somme remise au liquidateur par le candidat repreneur en vue de garantir son engagement sera conservée au profit des créanciers de la procédure, qu'en cas de défaillance du repreneur, le mandataire judiciaire pourra, en outre, agir en responsabilité à l'encontre du repreneur défaillant en vue d'obtenir réparation du préjudice subi par les créanciers, constaté que le cessionnaire a connaissance que l'ensemble des salariés de la société BMA Restauration disposent de la possibilité juridique de solliciter leur réintégration au fonds de commerce cédé.
Le 22 avril 2025, M. [R] a relevé appel de cette ordonnance.
Par ordonnance du 24 juin 2025, le juge-commissaire a constaté la résiliation de plein droit du bail.
Par dernières conclusions n°2 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 15 juillet 2025, M. [R] demande à la cour de le recevoir en son appel, l'y déclarer bien fondé, infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, rejeter la demande d'autorisation de cession amiable du fonds de commerce dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de la société BMA Restauration au profit de M. [C] [P] pour le compte d'une société qui sera créée pour réaliser cette acquisition, et ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 30 août 2025, la SELARL Archibald, en la personne de Maître [T], ès qualités, demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande formée par M. [R], et dire que les dépens seront comptés en frais privilégiés de procédure collective.
La déclaration d'appel a été signifiée le 28 mai 2025 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile à la société BMA Restauration, qui n'a pas constitué avocat.
La déclaration d'appel a été signifiée à personne le 28 mai 2025 à M.[C] [P], qui n'a pas constitué avocat.
La déclaration d'appel a été signifiée en l'étude le 5 juin 2025 à la banque CIC Est, qui n'a pas constitué avocat.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 9 septembre 2025.
SUR CE,
M.[R] expose que s'il résulte de l'article L.145-16 du code de commerce que sont réputées non écrites les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits qu'il tient, à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise, il est de jurisprudence constante que la prohibition des clauses d'interdiction à l'acquéreur du fonds de commerce ne s'applique qu'à une interdiction absolue et générale pour toutes cessions et non à de simples clauses limitatives ou restrictives. Il fait voir qu'en l'espèce, le bail commercial stipule au paragraphe 5 « cession-sous location » que : « Le preneur ne pourra, en aucun cas et sous aucun prétexte, céder son présent droit au bail, ni sous louer en tout ou en partie les locaux loués sans le consentement express et par écrit du bailleur, sauf à un successeur dans son commerce », et que la clause d'agrément n'emportant pas interdiction générale et absolue de céder le bail, mais la soumettant à l'autorisation expresse et écrite du bailleur, est valable. Il reproche en conséquence au juge commissaire d'avoir écarté l'application de cette clause d'agrément au motif qu'elle ne s'appliquerait pas à un successeur dans son commerce, cette interprétation vidant la clause de toute substance.
Il ajoute que le preneur ne peut céder le droit au bail indépendamment du fonds de commerce pour y exercer une activité autre que celle de bar tabac restaurant, qu'il ne peut y avoir succession dans le commerce que s'il y a transmission de clientèle, qu'en l'espèce, il est constant que la société BMA Restauration a cessé toute activité dans les lieux, à tout le moins depuis le jugement de liquidation judiciaire du 17 septembre 2024, et en tout état de cause, à la date du dépôt de la requête, le 18 décembre 2024, qu'ainsi la clientèle a disparu et seuls les éléments incorporels du fonds de commerce susceptibles d'être cédés sont constitués de la licence IV et des autorisations d'exploiter le débit de boissons. Il en déduit qu'il ne peut être considéré que la cession du fonds de commerce intervient à un successeur dans son commerce, faute de clientèle cédée. Il émet des réserves quant aux capacités de paiement de M. [C] [P].
Enfin, il précise que le bail commercial étant résilié en vertu d'une ordonnance du 24 juin 2025 il est désormais insusceptible de cession, tout comme le fonds de commerce, désormais dépourvu de son élément incorporel essentiel.
La SELARL Archibald, ès qualités, qui s'en rapporte, se borne à retracer l'historique du fonds de commerce et à préciser que le bail commercial a été résilié de plein droit par le juge-commissaire suivant ordonnance du 24 juin 2025, et que cette décision n'a été frappée d'aucun recours.
Il ressort des pièces aux débats que le 10 février 2025, soit antérieurement à l'ordonnance ayant autorisé la cession du fonds de commerce, le bailleur avait saisi le juge-commissaire d'une requête pour voir constater la résiliation de plein droit du bail commercial portant sur les locaux dans lequel était exploité le fonds de commerce, invoquant à cet effet un défaut de paiement des loyers postérieurs au jugement d'ouverture, s'élevant depuis octobre 2024 à un total de 20.772,80 euros.
Par ordonnance du 24 juin 2025, le juge-commissaire, constatant que le liquidateur reconnaissait ne pas disposer des fonds nécessaires pour le règlement des loyers, a, au visa de l'article L641-12,3° du code de commerce, constaté la résiliation de plein droit du bail commercial.
Le liquidateur judiciaire a précisé que cette ordonnance n'avait pas fait l'objet d'un recours.
Ainsi, le fonds de commerce de restaurant-débit de boissons, hôtel, dont la cession avait été autorisée par le juge-commissaire avant qu'il ne soit statué sur la requête en résiliation du bail, se trouve désormais privé de son droit au bail. Il s'ensuit qu'à hauteur d'appel cet élément incorporel du fonds de commerce n'existe plus et ne peut plus être cédé ce qui altère la chose vendue dans sa substance.
Dès lors, l'ordonnance doit être infirmée. La cour, statuant à nouveau, rejette la requête du liquidateur judiciaire tendant à être autorisé à céder de gré à gré le fonds de commerce de la société BMA Restauration.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS,
Infirme l'ordonnance en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la requête du liquidateur judiciaire, ès qualités, tendant à être autorisé à céder de gré à gré le fonds de commerce dépendant de l'actif de la SAS BMA Restauration au profit de M.[B] [U] pour le compte d'une société à créer,
Dit que les entiers dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.