CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 12 novembre 2025, n° 23/16305
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2025
(n° , 23 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16305 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIKWK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Septembre 2023 - Tribunal de Commerce de Meaux - RG n°
APPELANT
M. [B] [W]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Assisté par Me Alice BON, avocate au barreau de PARIS, toque : D1900
INTIMÉE
S.E.L.A.R.L. [S] [14]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Immatriculée au RCS de MEAUX sous le n° [N° SIREN/SIRET 2]
Représentée par Me Marc TOULON de la SELARL CALCADA-TOULON-LEGENDRE, avocat au barreau de MEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Raoul CARBONARO, Président de chambre
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Raoul CARBONARO, président, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
M. [W] [B] était le président de la SASU [15]. Cette société a été créée le 24 septembre 2019 par son associé unique et avait pour activité les prestations de formation professionnelle et d'accompagnement vers l'emploi, en permettant notamment le suivi de formation CACES et la délivrance de la certification correspondante. Bien que ses premiers résultats aient été bons, cette société a rapidement connu des difficultés. Pour poursuivre ses actions de formation, la société devait bénéficier d'une certification. Celle-ci a été octroyée par le certificateur [12] le 16 septembre 2020, soit près d'un an après le début d'activité. Elle a toutefois été suspendue par ce même organisme le 15 mars 2021. Cette suspension n'a été levée qu'en octobre 2022. Malgré cette suspension, l'activité de formation de la société s'est poursuivie un temps.
Le 12 juillet 2021, par l'intermédiaire de la société [9] au sein de laquelle il est associé égalitaire avec son épouse et dont il est le président, M. [W] [B] a créé la SAS [16] Conseils et Examens dont la présidente est la société holding. Cette structure a repris intégralement l'activité de formation de la SASU [15]. Le 10 août 2021, un contrat de prestation de services a été signé entre les deux sociétés. Ce contrat consistait principalement dans la mise à disposition par la SASU [15] de 12 de ses collaborateurs au profit de la société [16], et ce, afin de permettre à cette dernière de faire passer différents types de CACES. La société [16] n'ayant pas payé les factures émises par la SASU [15], cette dernière a été placée en redressement judiciaire par jugement d'ouverture du 20 juin 2022 du Tribunal de commerce de Meaux. Maître [K] a été désigné en qualité d'administrateur. La SARL [S] - [14], en la personne de Maître [F] [S] en qualité de mandataire judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 13 mai 2022.
Le préfet d'Île-de-France a initié un contrôle aux termes duquel il a décidé de condamner la SASU [15] à payer au Trésor Public :
- 384 496,89 euros au titre de l'inexécution des actions de formation ;
- 177 884,05 euros, solidairement avec son dirigeant de droit ou de fait, au titre des dépenses non rattachables à l'activité de formation,
soit un montant total de condamnations de 562 380,94 euros prononcé le 11 octobre 2022.
La procédure de redressement judiciaire a alors été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 23 janvier 2023. La SARL [S] - [14], en la personne de Maître [F] [S] en qualité de mandataire judiciaire a été nommée aux fonctions de Liquidateur.
Les comptes de la liquidation sont les suivants :
- Passif admis : 2 697 000 euros ;
- Actif réalisé : 39 000 euros ;
- Insuffisance d'actif : 2 658 000 euros.
Les comptes de la liquidation de la société [16] à qui la procédure a été étendue sont les suivants :
- Passif admis : 411 000 euros ;
- Actif réalisé : 37 000 euros ;
- Insuffisance d'actif : 374 000 euros ;
soit une insuffisance d'actif globale de 3 032 000 euros.
L'insuffisance d'actif est donc substantielle pour une activité qui n'aura duré que 3 ans (et même seulement 18 mois si l'on tient compte de la période de suspension).
Les organes de la procédure ont estimé qu'il existait un faisceau d'indices prouvant tant l'existence de flux financiers anormaux entre la société liquidée et les sociétés [9] et [16] qu'une mise en cause de la responsabilité de M. [W] [B] en sa qualité de dirigeant.
Par jugement en date du 20 septembre 2023, le Tribunal de commerce de Meaux :
- Dit recevables et bien fondées les demandes de la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société [15],
- Condamne M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 900 000 euros, au titre de l'insuffisance d'actif de la SASU [15],
- Prononce à l'encontre de M. [W] [B] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 10] (Algérie), de nationalité algérienne, une mesure de faillite personnelle emportant une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de 10 ans,
- Condamne M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 500,00 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rappelle que l'exécution est de droit conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile,
- Dit qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce.
Par déclaration formée par voie électronique le 3 octobre 2023, M. [W] [B] a interjeté appel, visant les dispositions suivantes du jugement :
- « Condamne M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 900 000 euros, au titre de l'insuffisance d'actif de la SASU [15],
- Prononce à l'encontre de M. [W] [B] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 10] (Algérie), de nationalité algérienne, une mesure de faillite personnelle emportant une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de 10 ans,
- Condamne M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 500,00 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. »
Dans ses premières conclusions notifiées par RPVA le 3 janvier 2024, M. [W] [B] demande à la cour de :
- Constater que M. [W] [B] présente des moyens sérieux d'annulation du jugement rendu le 18 septembre 2023 par le Tribunal de commerce de Meaux,
- Constater qu'il existe un motif sérieux d'annulation ou de réformation du jugement du 18 septembre 2023 par le Tribunal de commerce de Meaux,
En conséquence,
- Prononcer l'annulation du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Meaux le 18 septembre 2023 en ce qu'il a :
o Condamné M. [W] [B] à payer à la SELARL [S] - [14], es qualité, la somme de 1.900.000 euros (un million neuf cent mille euros), au titre de l'insuffisance d'actif de la société [15] SASU ;
o Prononcé à l'encontre de M. [W] [B] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 10] (ALGERIE), de nationalité algérienne, une mesure de faillite personnelle emportant une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de 10 ans ;
o Condamné M. [W] [B] à payer à la SARL [S] - [14], es qualité, la somme de 1 500 euros (mille cinq cent euros), au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
o Dit qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au fichier nationale des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce ;
o Ordonné l'emploi des frais, honoraires et dépens y compris ceux du greffe d'un montant de 158,09 euros TTC en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;
En tout état de cause ;
- Condamner la SARL [S] - [14], agissant es-qualité de liquidateur de la Société [15] à payer à M. [W] [B] la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la SARL [S] - [14], agissant es-qualité de liquidateur de la Société [15] aux entiers dépens de la présente instance.
Dans ses ultimes conclusions n° 4 notifiées par le RPVA le 11 juin 2025, M. [W] [B] demande à la cour de :
- Juger et déclarer l'appel de M. [W] [B] recevable et bien fondé ;
- Juger qu'elle est valablement saisie des demandes d'annulation et de réformation du jugement rendu le 18 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Meaux (RG 2023002260) ;
A titre principal :
- Annuler le jugement rendu le 18 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Meaux (RG 2023002260), en ce qu'il :
o « Condamne M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 900 000 euros, au titre de l'insuffisance d'actif de la SASU [15],
o Prononce à l'encontre de M. [W] [B] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 10] (Algérie), de nationalité algérienne, une mesure de faillite personnelle emportant une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de 10 ans,
Et statuant à nouveau :
- Exonérer M. [W] [B] de toute condamnation ;
- Débouter la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société [15] de l'ensemble de ses fins, demandes et prétentions ;
- Ou, à tout le moins, réduire le quantum de ses demandes en de notables proportions ;
A titre subsidiaire :
- Infirmer le jugement rendu le 18 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Meaux (RG 2023002260), en ce qu'il :
o « Condamne M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 900 000 euros, au titre de l'insuffisance d'actif de la SASU [15],
o Prononce à l'encontre de M. [W] [B] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 10] (Algérie), de nationalité algérienne, une mesure de faillite personnelle emportant une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de 10 ans, »
Et statuant à nouveau :
- Exonérer M. [W] [B] de toute condamnation ;
- Débouter la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société [15] de l'ensemble de ses fins, demandes et prétentions,
- Ou, à tout le moins, réduire le quantum de ses demandes en de notables proportions :
En tout état de cause,
- Condamner la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société [15] à payer à M. [W] [B] la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société [15] aux entiers dépens de la présente instance.
Par conclusions n° 3 notifiées par le RPVA le 12 août 2025, la SARL [S] - [14], en la personne de Maître [F] [S] demande à la cour de :
À titre principal
- Juger que, la déclaration d'appel ne mentionnant aucune demande d'annulation du jugement, l'effet dévolutif de l'appel ne peut opérer sur ce dernier point, quand bien même cette demande figure dans les conclusions de l'appelant ;
- Juger en outre que, les 1ères conclusions de l'appelant ne sollicitant pas l'infirmation du jugement, la décision de première instance ne peut qu'être confirmée, la demande d'infirmation n'ayant été formulée pour la 1ère fois que le 01/07/2024, soit près de 6 mois au-delà du terme imposé par l'article 908 du code de procédure civile dans sa version applicable au cas présent ;
En conséquence,
- Débouter M. [W] [B] de sa demande d'annulation ;
- Déclarer la demande d'infirmation du jugement irrecevable au regard des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente espèce ;
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux en toutes ses dispositions ;
- Déclarer irrecevable car tardive la demande d'infirmation du jugement ;
À titre subsidiaire :
- Juger que M. [W] [B] a commis de nombreuses fautes de gestion ;
En conséquence,
- Rejeter les demandes de M. [W] [B] ;
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux en toutes ses dispositions ;
En tout état de cause :
- Condamner M. [W] [B] à payer à la SARL [S] ' [14] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le Ministère public, par conclusions communiquées contradictoirement aux parties par RPVA le 15 mai 2025, demande la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Meaux du 18 septembre 2023 en ce qu'il a condamné M. [B] [W] au comblement de l'insuffisance d'actif de la société [15] à hauteur de 1 900 000 euros, et en ce qu'il a prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 ans.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 septembre 2025.
SUR CE
- Sur la nullité du jugement :
Moyens des parties :
M. [W] [B] expose que le liquidateur, intimé, soutient que la cour d'appel ne serait pas valablement saisie des demandes d'annulation et d'infirmation du Jugement en raison des termes de la déclaration d'appel du 3 octobre 2023 et des premières conclusions d'appelant ; l'article 901 du code de procédure civile fait l'obligation à l'appelant de mentionner, dans sa déclaration d'appel, « les chefs du jugement critiqués », mais pas l'objet, la finalité de l'appel (annulation/réformation) ; que les chefs du jugements critiqués par la déclaration d'appel reprennent l'intégralité des condamnations prononcées par le Jugement (hors condamnations formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile), de sorte que la différence soulignée par le Liquidateur entre « appel limité » et « appel général » est artificielle ; par un arrêt du 14 septembre 2023, la Cour de cassation a jugé que « lorsque la déclaration d'appel vise l'ensemble des chefs de dispositif du jugement, l'appelant a la faculté de solliciter dans ses conclusions, soit la réformation, soit l'annulation de cette décision » ; cet arrêt n'interdit pas à l'appelant de soulever les deux possibilités posées par cette alternative ; en application de la jurisprudence de la Cour de Cassation, la cour d'appel devra statuer sur le fond, quelle que soit sa décision sur la nullité du jugement.
Il ajoute que le jugement devra être annulé en ce qu'il a été rendu à l'issue d'une procédure au cours de laquelle le principe du contradictoire n'a pas été respecté puisqu'il n'a pu exposer sa défense.
La SARL [S] - [14], en la personne de Maître [F] [S] réplique que le cadre maximum de l'appel est fixé par la déclaration d'appel ; que si ce cadre peut être limité par l'appelant par le biais de ses conclusions, l'inverse n'est pas autorisé ; les conclusions de l'appelant ne peuvent donc étendre l'objet de l'appel ; en l'espèce, l'appel critique le jugement sur la condamnation de M. [W] [B] à payer l'insuffisance d'actif et sur l'interdiction de gérer de 10 ans ; à aucun moment il n'est mentionné une demande d'annulation du jugement ; dans ses conclusions déposées le 3 janvier 2024, l'appelant ne demande pas l'infirmation du jugement mais exclusivement son annulation ; une demande d'annulation du jugement équivaut à un appel général ; cette situation n'est pas régularisable au regard des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile ; il ne demande pas l'infirmation du jugement sur ces points dans ses 1ères écritures, lesquelles tendent exclusivement à solliciter l'annulation du jugement, la cour ne pourra que débouter l'appelant de ses demandes et confirmer le jugement du Tribunal de commerce ; la demande d'infirmation a été présentée pour la 1ère fois postérieurement au délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile dans sa version applicable au cas d'espèce, qui expirait le 3 janvier 2024 par conclusions notifiées par RPVA le 1er juillet 2024.
Elle ajoute qu'il n'y a aucun élément sérieux justifiant l'annulation du jugement et le 1er Président l'a lui-même constaté dans son ordonnance du 30 janvier 2024 ; M. [W] [B] a sollicité un renvoi fondé - non pas sur son état de santé - mais sur l'existence de recours administratifs venant d'être introduits par ses clients contre la décision administrative ayant privé la société [15] de son agrément ; il expliquait notamment que l'issue de ce recours était essentielle pour démontrer l'absence de faute ; le document qu'il invoque aujourd'hui n'était même pas joint à sa demande de renvoi, laquelle ne comportait en annexe que les recours administratifs ; ce document n'a pas été communiqué à l'audience et tout le monde a compris qu'il concernait M. [W] [B] et non son conseil ; il doit être constaté que la procédure de première instance révèle l'existence d'un 1er renvoi à 2,5 mois, l'absence de demande de réouverture des débats et l'absence de demande d'autorisation de produire une note en délibéré.
Le Ministère public conclut que M. [B] [W], qui n'a pas comparu, a été valablement convoqué à l'audience du 5 juin 2023 et qu'il a disposé d'un délai raisonnable pour pouvoir présenter une écriture en défense ; il n'y a pas eu de violation du contradictoire.
Réponse de la cour :
Il résulte des articles 562 et 901, 4° du code de procédure civile que la déclaration d'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Il résulte en outre des articles 542 et 954 du code de procédure civile que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ou l'annulation du jugement.
Ainsi, la déclaration d'appel qui mentionne les chefs de dispositif du jugement critiqués délimite l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel quand les conclusions, par l'énoncé dans leur dispositif, de la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement déterminent, quant à elles, la finalité de l'appel, qui tend à l'annulation ou à la réformation du jugement, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d'appel.
Lorsque la déclaration d'appel vise l'ensemble des chefs de dispositif du jugement, l'appelant a la faculté de solliciter dans ses conclusions, soit la réformation, soit l'annulation de cette décision.
Dès lors qu'en l'espèce, l'acte d'appel a porté sur l'ensemble du dispositif du jugement attaqué, la demande d'annulation formée par les premières conclusions de l'appelant est recevable.
En outre, lorsqu'un appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité (2e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-11.387).
La cour est donc saisie de la demande de réformation.
La faculté d'accepter ou de refuser le renvoi à une audience ultérieure d'une affaire fixée pour être plaidée relève du pouvoir discrétionnaire du juge, dès lors que les parties ont été mises en mesure d'exercer leur droit à un débat oral (Ass. Plén.24 novembre 1989, Bull. AP, n°3, Soc. 31 mars 2004, pourvoi n° 01-456). En cas d'empêchement d'un avocat pour une circonstance exceptionnelle, il appartient à la juridiction de mettre en mesure son client de se présenter devant elle pour faire valoir ses moyens.
En la présente espèce, le dossier de première instance a été évoqué une première fois le 20 mars 2023 et a été renvoyé à l'audience du 5 juin 2023 à laquelle il a été mis en délibéré. Le jugement déféré a été rendu en l'absence de l'appelant, dont l'avocat plaidant ne s'est pas présenté. À cet égard, il avait prévenu le greffe du tribunal le 31 mai 2023 de son absence à cette audience en précisant qu'il avait reçu de nombreuses pièces financières et contractuelles tout en arguant de la procédure de recours devant le tribunal administratif de Melun à l'encontre de la décision du préfet. Il a en outre allégué d'un rendez-vous en urgence à [Localité 11] dont son correspondant a justifié à l'audience.
Ce second avocat s'est présenté pour demander le renvoi pour cause de problème de santé de son confrère, qui a été retranscrit comme concernant l'appelant. Il a indiqué ne pas connaître le dossier et ne pas être en état de le plaider. Le renvoi a été refusé.
Dès lors que l'avocat plaidant a justifié de son empêchement, caractérisant une circonstance exceptionnelle, la juridiction, nonobstant l'intervention d'un avocat correspondant, devait informer M. [W] [B] de ce qu'elle entendait néanmoins retenir le dossier et lui demander de comparaître à l'audience.
En ne l'ayant pas fait, elle a violé l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme.
Le jugement doit donc être annulé.
- Sur le fond :
L'article L. 651-1 du code de commerce dispose que :
« Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective, ainsi qu'aux personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales, aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée et aux entrepreneurs individuels relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V. »
L'article L. 651-2 du même code énonce que :
« Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée. Lorsque la liquidation judiciaire concerne une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ou, le cas échéant, par le code civil applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et non assujettie à l'impôt sur les sociétés dans les conditions prévues au 1 bis de l'article 206 du code général des impôts, le tribunal apprécie l'existence d'une faute de gestion au regard de la qualité de bénévole du dirigeant.
Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté.
Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à l'égard d'un entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V du présent code, le tribunal peut également, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine personnel.
L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés. »
L'article L 653-1 du même code dispose, s'agissant de la sanction de la faillite personnelle et des autres mesures d'interdiction, en outre que :
« .-Lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du présent chapitre sont applicables :
1° Aux personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux agriculteurs et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;
2° Aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;
3° Aux personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales définies au 2°.
Ces mêmes dispositions ne sont pas applicables aux personnes physiques ou dirigeants de personne morale, exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce titre, soumises à des règles disciplinaires. »
- Sur la qualité de dirigeant de M.
Par jugement du 18 septembre 2023, le Tribunal de commerce de Meaux prononce l'extension de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS [15] à la SAS [16] Conseils & Examens et à la SAS [9]. Il procède au constat de flux financiers anormaux qui sont intervenus entre les trois sociétés. Il constate l'absence de recouvrement de la somme de 810 304,41 euros due par [16] à [15], l'absence de trace du matériel acheté grâce à un prêt de 300 000 euros souscrit auprès de la [7], l'achat d'un véhicule Renault Master pour 50 000 euros par [15], revendu 5 354 euros, l'absence de paiement de la facture 21.12-2377 du 31 décembre 2021 pour un montant de 401 412,50 euros dans les relations [15] et [16] et de la facture 21-.12-2378 du 31 décembre 2021 pour le loyer courant de septembre à décembre 2021 pour 38 852,93 euros. Il en a conclu à un transfert d'activité de la première société vers la seconde. Ce jugement est définitif.
Dès lors que M. [W] [B] était le président de [15] et le président de la société unique actionnaire et dirigeante de [16], sa responsabilité pour l'insuffisance d'actif des deux sociétés peut être recherchée de même qu'une mesure de faillite ou d'interdiction est susceptible d'être prononcée à raison de faits commis dans les deux sociétés.
- Sur l'omission de la déclaration de cessation des paiements :
Moyens des parties :
M. [W] [B] expose que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif vise exclusivement à sanctionner le comportement du dirigeant antérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective, et seules les fautes de gestion antérieures à cette date peuvent être retenues pour engager sa responsabilité ; lorsqu'une procédure de liquidation judiciaire est ouverte sur conversion d'une procédure de redressement judiciaire, il est considéré que les procédures de redressement et de liquidation judiciaire sont une seule et même procédure ; seules les fautes antérieures à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire peuvent fonder une action en responsabilité en insuffisance d'actif, soit en l'espèce, celles qui auraient été commises avant le 20 juin 2022 ; la jurisprudence impose de se référer exclusivement à la date de cessation des paiements fixée par le jugement d'ouverture de la procédure collective ou par la décision postérieure qui aurait remonté dans le temps le date de cessation des paiements, soit en l'espèce le 13 mai 2022 ;
Relativement à l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal, il expose que la date de cessation des paiements de [15] est aujourd'hui définitivement fixée au 13 mai 2022 ; aucune action n'ayant été menée pour la reporter à une date antérieure dans le délai obligatoire d'un an à compter du jugement d'ouverture du redressement judiciaire (article L. 631-8 du code de commerce) ; la faute constituée par une omission de déclarer l'état de cessation des paiements s'apprécie au regard de la seule date de cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture de la procédure ou dans un jugement de report ; cette faute n'est donc pas caractérisée.
Relativement aux relations entre [15] et [16], il ajoute que le 10 août 2021, [16] et [15] ont conclu un contrat de prestation de services ; les sociétés [15] et [16] n'avaient pas les mêmes activités que l'activité d'[15] était de dispenser des formations de courte durée certifiantes, alors qu'[16] avait vocation à dispenser des formations de longue durée et diplômantes ; lorsque son agrément CACES a été suspendu (15 mars 2021), [15] a, dans un premier temps, fait appel à des sociétés tierces, auxquelles elle a sous-traité la réalisation des tests de certification passés par ses stagiaires à l'issue de leur formation ; à compter du mois d'août 2021, les tests de certification ont été exécutés par [16], dans le cadre du Contrat du Prestation de Services ; à cette période, consécutivement aux contrôles de la DREETS, [15] a été privée de certains financements publics ; en conséquence, afin de préserver l'activité de [15], [16], qui n'était pas touchée par cette subvention, est devenue le co-contractant des stagiaires ; en d'autres termes, [16] sous-traitait la formation de ses apprenants à [15], et leur faisait passer les tests de certifications ; le contrat de prestations de services n'est pas un contrat de mise à disposition de personnel ; [15] refacturait des prestations de formation ; il n'y avait aucune raison qu'elle facture à [16] une partie de son loyer ou des frais de mise à disposition d'engins ; contrairement à ce que prétend le Liquidateur, la rémunération des prestations de [15] ' bien que non fixée par le Contrat de Prestation de Services - était conforme au prix du marché ; de décembre 2021 à février 2023, [16] a payé à [15] la somme de 923 998,52 euros ;
Il précise que la facture en pièce adverse n° 18 b démontre que la « remise » de 240 000 euros n'est pas stricto sensu une remise mais constitue une déduction du montant de 3 factures (22-000542, 22-000079 et 22-000201), le montant indiquant un solde exigible de 89.240,81 euros ; cela démontre donc que les prestations du premier semestre 2022 avaient déjà fait l'objet d'une facturation à hauteur d'un montant de 240 000 euros, qui avait été réglé, et qui est déduit du montant initial de la facture ; les factures correspondantes sont versées aux débats ; les relevés bancaires versés au débat en pièces n°8 établissent que les factures déduites de la pièce adverse n° 18 b ont été réglées.
La SARL [S] ' [14] réplique que la chambre commerciale de la Cour de cassation considère que le retard dans la déclaration de cessation des paiements est constitutif d'une faute de gestion (Com. 8 oct. 1996 n°94-14459 ; com. 11 oct. 2011 n°10-20243) ; le débiteur, qui est tenu de demander l'ouverture de la procédure collective au plus tard dans les 45 jours qui suivent la cessation des paiements n'en est pas dispensé par la délivrance d'une assignation à cette fin par un créancier (Com. 14 janvier 2014 n°12-29.807) ; en l'espèce la procédure a été ouverte sur assignation du Ministère Public en date du 21 avril 2022 ; il ressort des éléments du dossier que la société [15] était déjà en cessation des paiements depuis plus de 45 jours à cette date ; que dans le cadre du redressement judiciaire ouvert le 20 juin 2022, les déclarations de créance reçues font état de créances anciennes, dont certaines remontent au 30 juin 2020 ; ce fait ne corrobore pas la date de cessation des paiements fixée provisoirement par le Tribunal de commerce soit le 13 mai 2022 ; ce qui est reproché à M. [W] [B] n'est pas un simple retard dans la déclaration de la cessation des paiements mais le fait de ne pas avoir déclaré cet état de cessation des paiements puisque la procédure a été ouverte sur requête du ministère public ; il n'apporte la preuve d'aucun moratoire conclu avec ses créanciers, contrairement à ce qu'il affirme.
Le Ministère public conclut que la déclaration de l'état de cessation des paiements n'a pas dépassé le délai de 45 jours.
Réponse de la cour :
L'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion au sens de l'article L. 651-2 du code de commerce, s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report (Com., 4 novembre 2014, pourvoi n° 13-23.070, Bull. 2014, IV, n° 164), e y compris dans le cadre d'une action intentée contre un dirigeant social en insuffisance d'actif.
La date de cessation des paiements a été fixée par le tribunal de commerce dans son jugement du 20 juin 2022 au 13 mai 2022, sans report en amont par l'effet d'un jugement ultérieur. Cette date présente donc un caractère définitif. Le liquidateur, qui n'a pas à distinguer selon que la procédure a été ouverte sur assignation d'un créancier ou déclaration du représentant légal du débiteur, ne peut demander à la juridiction saisie d'une action pour insuffisance d'actif de modifier la date de cessation des paiements et rechercher une faute pour ne pas l'avoir déclarée dans le délai de 45 jours de sa survenance.
Toutefois, le fait qu'un créancier assigne le débiteur pour obtenir l'ouverture d'une procédure collective ne dispense pas ce dernier, ou son représentant légal, de déclarer son état de cessation des paiements (Com., 14 janvier 2014, pourvoi n° 12-29.807, Bull. 2014, IV, n° 8).
En l'espèce, la procédure a été ouverte sur l'assignation délivrée sur requête du procureur de la République le 13 mai 2022. Le jugement d'ouverture étant intervenu à 38 jours de la date de la cessation des paiements, la faute n'est pas caractérisée.
- Sur le caractère déséquilibré du contrat de prestation de service et de l'absence de recouvrement de créances :
Moyens des parties :
M. [W] [B] expose qu'il lui est reproché de ne pas avoir recouvré, ès-qualités de dirigeant de [15], une créance de 810 000 euros que cette dernière aurait détenue sur [16] ; cette créance serait constituée de plusieurs factures, dont principalement quatre factures d'un montant unitaire de 160 000 euros H.T émises le 8 novembre 2022, visiblement en rémunération de prestations accomplies par [15] au profit d'[16] au cours des mois de juillet, août, septembre et octobre 2022 ; l'ensemble des facturations objet de ce grief (absence de politique de recouvrement) ont été émises entre le 30 août et le 8 novembre 2022, soit pendant la période du redressement judiciaire de [15] ; elle ne peut constituer une faute de gestion susceptible d'engager sa responsabilité dans le cadre de la présente instance ; ces factures sont totalement artificielles et ne correspondent à aucune réalité économique ; elles ont été émises à la demande expresse de Mme [T], expert-comptable mandatée par l'Administrateur Judiciaire pendant la période d'observation d'[15], dans des circonstances particulières ; la possibilité d'établir un plan de redressement de [15] était sérieusement étudiée ; l'Administrateur Judiciaire était hostile à l'idée de réduire le personnel de la Société, et souhaitait donc, si plan de redressement il devait y avoir, qu'il soit construit à effectif constant ; à effectif constant, les charges fixes de la Société s'élevaient à environ 170 000 euros HT par mois, en ce compris environ 80 000 euros de charges de personnel ; tout projet de plan de redressement devait donc montrer la capacité de [15] à couvrir ses charges fixes a minima à hauteur de ce montant ; l'expert-comptable a construit un prévisionnel d'exploitation et de trésorerie sur cette base ; ce prévisionnel repose sur une erreur de compréhension de la part de Mme [T], à savoir qu'[15] réalisait seule un chiffre d'affaires de 180 000 euros par mois sur la fin de l'année 2022 ; ce chiffre était totalement décorrélé de la réalité, puisque cette somme correspondait au chiffre d'affaires cumulé de [15] et [16], ce qui avait échappé à Mme [T] ; il prévoit comme hypothèse la paiement par [16] à [15] le paiement d'une somme mensuelle de 160 000 euros, ce qui n'a économiquement aucun sens ; qu'[16] n'en aurait pas eu la capacité : ses comptes montrent que la Société a réalisé en 2022 un chiffre d'affaires de 1 788 793 euros, soit environ 150 000 euros par mois ; afin de convaincre de la faisabilité du plan de redressement envisagé, il fallait convaincre de la capacité de [15] à générer un chiffre d'affaires au moins égal au montant de ses charges ; c'est dans ce contexte que l'expert-comptable a pris la liberté, sans l'en aviser, de demander au comptable de la Société d'émettre des factures mensuelles de 160 000 euros, soit les quatre factures qu'il lui est reproché de ne pas avoir recouvrées auprès de [16].
La SARL [S] ' [14] réplique que la société [15] ne disposant plus de sa certification, M. [B] a eu l'idée de créer la société [16] et de faire signer un contrat de prestation de services entre les 2 structures ; ainsi qu'avait pu le remarquer l'administrateur judiciaire, ce contrat ne traite que de la mise à disposition d'une dizaine de ses collaborateurs par [15] au profit de [16] ; contrairement à ce qui aurait été fait dans le cadre d'une relation contractuelle normale, il n'est à aucun moment évoqué la question de la facturation de la mise à disposition des engins de chantiers nécessaires pour faire passer les tests et de la mise à disposition des locaux nécessaires aux enseignements théoriques ; la société [15] continuait pourtant de payer les charges afférentes (loyers, mensualités de prêt ou de locations financières) ; c'est la raison du déclin rapide de sa santé financière et économique ; que ce contrat ne comporte aucun tarif ; l'appelant fonde principalement son affirmation de paiements à concurrence de 924 000 euros sur une synthèse de virements qu'il a lui-même établie et qui n'est corroborée par aucun autre justificatif ; relativement aux virements qui sont justifiés, on ne sait pas à quoi ils correspondent dans la mesure où aucun document ne vient expliquer leur mise en 'uvre ; il convient de constater la totale aspiration du fonds de commerce de la société [15] par la société [16], laquelle aura atteint dès son 1er exercice un chiffre d'affaires de près d'1,8 millions d' euros HT ; la société [15] n'a procédé à aucune facturation de ses prestations pendant de nombreux mois ; la mise à disposition du personnel pour les mois de janvier à juin 2022 n'a ainsi été facturée que le 30 août 2022 ; cette facture laisse perplexe puisque, sur le montant global fixé à 329 420.81 euros, il est pratiqué une remise de 240 000 euros, soit 70% ; de la même manière, le loyer pour les mois de janvier à juin 2022 pour les locaux de [Localité 21] n'a été facturé que le 31 août 2022 ; aucune facturation n'était intervenue avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire le 20 juin 2022 ; les factures susmentionnées ont été faites à la « va-vite » car les organes de la procédure souhaitaient plus d'informations ; ce qui est reproché à l'appelant est précisément de ne pas avoir facturé les prestations de sa société au moment où elles auraient dû l'être, c'est-à-dire dès le début de l'année 2022, soit bien avant le jugement d'ouverture ; M. [W] [B] ne produit pas l'ensemble des factures qu'il qualifie de fictives ; les relevés prouvant les versements ne correspondent à aucune des factures ; l'appelant a fini par reconnaître que [16] était débitrice envers la société [15] de la somme astronomique de 810 000 euros ; les prestations les plus anciennes datent de janvier 2022 et sont donc dues depuis lors ; pourtant, aucune mesure de recouvrement n'a été prise par la société [15] ; dans le cadre de relations contractuelles normales, la société [15] aurait immédiatement cessé tout partenariat avec [16] tant que la situation n'aurait pas été régularisée ; cela lui était d'autant plus facile qu'elle était propriétaire de tout le matériel et qu'elle était l'employeur du personnel mis à disposition ; elle ne l'a pas fait en raison de la confusion totale entretenue par les dirigeants dans la gestion des différentes structures ; les mesures de recouvrement, si les relations entre les deux sociétés avaient été normales, auraient dû intervenir dès le début de l'année 2022, soit bien avant le jugement de redressement judiciaire.
Elle ajoute qu'en l'absence de paiement par [16], la société [15] n'a pu faire face à ses propres charges qu'en s'endettant ; c'est ainsi qu'elle a réussi à obtenir un prêt garanti par l'état de 300 000 euros auprès de la [7] ; les fonds ont été mis à disposition le 15 avril 2022, soit peu avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; il n'a été donné aucune justification sur l'utilisation des fonds octroyés dont le montant est pourtant important ; la seule explication logique est donc que ce PGE a permis de payer des dettes accumulées par [15] du fait des non-paiements de [16] ; autrement dit, [15] a purement et simplement soutenu une société tierce avec laquelle elle n'avait pourtant aucun lien capitalistique.
Le Ministère public conclut que le contrat de prestation de services conclu présente un caractère déséquilibré au détriment de la société [15] et, qu'en raison de l'absence facturation avant l'ouverture de la procédure collective, la faute de gestion est caractérisée. S'agissant de l'absence de recouvrement, il ajoute que ces faits ne constituent pas une faute susceptible d'engager la responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant.
Réponse de la cour :
Il résulte notamment de la décision du Préfet de la région d'Île-de-France du 11 octobre 2022 qu'en raison du constat que [15] ne disposait pas de la certification CACES avant le 16 septembre 2020, le certificateur [12] a suspendu officiellement le certificat pour faire passer les tests correspondant aux catégories R-485 et R-489 le 15 mars 2021 et a constaté l'absence de possibilité de faire passer les tests pour les recommandations R-482, R-486 et R-490. Pour autant, la société a continué de proposer ses formations pour obtenir les CACES correspondants.
Le 10 août 2021, la société signe un contrat de prestation de service avec [16] Conseils et Examens pour la validation des CACES et la collaboration en « Tous domaines de formation professionnelle pour lesquels PARTENAIRE ([15]) est compétent ».
Aux termes de la convention, la société [15] s'engage à former les candidats au CACES au profit de son cocontractant qui l'agrée, agrée ses documents de formation, moyennant une formation sur les process de ce partenaire. Les formateurs de [15] sont agréés.
Une tarification est prévue à l'article 6, sous forme d'annexe, modifiable chaque année.
Le contrat prévoit que [15] adresse ses factures rapidement.
Or, aucune annexe financière n'est produite pour les années 2021 et 2022, de telle sorte que l'engagement de [15] n'a aucune contrepartie visible.
Ce contrat ne prévoit aucune clause relative à la mise à disposition du matériel et des locaux pourtant utilisés par [16].
S'agissant de l'absence de facturations pour l'année 2022 qui est reprochée à M. [W] [B], il est constaté :
- Une facture 22-000642 pour les prestations de main d''uvre antérieures à compter du 1er janvier 2022, qui n'a été émise que le 30 août 2022.
- Une facture 22-000643 pour la refacturation des loyers sur la même période.
- L'existence de deux factures du 2 février 2022 (référence 22-000079) et du 10 mars 2022 (référence 22-000201) pour les formations de janvier et février pour chacune une somme de 80 000 euros. La seconde facture annonce un solde débiteur de 15 500 euros sur la précédente facture.
- Il n'est pas déposé de factures postérieures.
Il est ainsi démontré qu'en violation même des termes du contrat de partenariat, [15] n'a pas émis l'ensemble des factures pour l'ensemble de la période et couvrant l'ensemble des prestations offertes, puisque seulement deux factures sont produites. En outre, la facture 22-000642 et la facture 22-000643, hors périmètre de la convention et émises après l'ouverture de la procédure, visent pour partie une période antérieure. M. [W] [B] n'explique pas les raisons pour lesquelles il avait renoncé à facturer les loyers pour l'occupation par [16] de ses locaux. La refacturation des frais de personnels n'est pas expliquée, faute de démontrer qu'ils étaient délégués à [16] hors cadre de la convention.
S'agissant du paiement des factures, la production des comptes de janvier à juin 2022 démontre un paiement partiel de la première et de la seconde, le paiement d'autres factures, non produites, mais référencées pour l'année 2022 sur un échelonnement de plusieurs mois, de telle sorte que la seconde était partiellement impayée à l'ouverture de la procédure. Pour autant, il n'est pas réellement démontré d'absence de volonté de recouvrement, au regard des paiements constatés.
Il est donc constaté :
- l'irrégularité des facturations pour l'usage des locaux ;
- l'absence d'explications sur les coûts de fonctionnement de [15] et des bases de facturation à [16] ;
- l'absence d'annexe financière définissant les redevance dues et les prestations prises en charge,
- la part majoritaire des ressources de [15] en 2022 qui relevaient de prestations facturables à [16].
Ainsi, les prestations prévues dans le contrat de prestation de service étaient déséquilibrées et déterminent une captation de la clientèle de cette société vers [16]. Ce déséquilibre est confirmé par la critique des facturations postérieures opérées par l'administrateur judiciaire
Le rapport de l'administrateur judiciaire est ainsi confirmé en ce qu'il relève le caractère anormal des contrats, [16] utilisant les locaux, les équipements et le matériel de [15] sans qu'aucune rémunération ait été versée en 2022.
Une des conséquences de ces fautes ont été l'obligation de souscrire un prêt de trésorerie obtenu le 15 avril 2022 auprès de la [7] pour la somme de 300 000 euros.
La faute de gestion pour avoir fait des biens ou du crédit de [15] un usage contraire à l'intérêt de celle-ci pour favoriser une autre personne morale -[16], dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement, en sa qualité de porteur de part à égalité avec son épouse, est donc caractérisée.
L'octroi du prêt a retardé la date de cessation des paiements et constitue l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds. Cela a aggravé l'insuffisance d'actif.
Ces fautes sont antérieures à la cessation des paiements et ont contribué à l'insuffisance d'actif à hauteur de 300 000 euros.
Par conséquent, elles constituent une faute de gestion au sens de l'article L.651-2 du code de commerce.
- Sur la revente de matériels de [15] à [16] :
Moyens des parties :
M. [W] [B] expose que la comparaison entre les factures d'acquisition avancées et les factures de cession ne permet nullement de conclure qu'il s'agirait des mêmes matériels, bien au contraire ; ces factures ne portent pas sur des matériels identiques ; les factures d'achat produites en pièce n°15 b, c, et d sont des factures « pro-forma » établies pour l'obtention d'un prêt bancaire auprès de la [7] ; en septembre 2021, les conséquences de la crise covid continuaient à se faire sentir ; la société n'a finalement pas commandé ces matériels, compte tenu des délais de livraison ; s'agissant des véhicules (2 Renault Clio et 1 Renaut Master), ils ont été acquis par la Société en septembre et novembre 2020 aux prix hors taxes respectifs de 5 500 euros, 4 833,33 euros et 6 250 euros ; les factures de revente de ces véhicules à [16] (les plaques d'immatriculation permettent de s'assurer de la correspondance des modèles) montrent que ces cessions sont intervenues à des prix de 4.297 euros, 4.113 euros et 5.354 euros au mois de février 2022 ; toutes les factures de cession entre [16] et [15] mentionnent la valeur nette comptable des éléments cédés, qui correspond exactement à leur prix de cession.
La SARL [S] ' [14] réplique que le commissaire-priseur n'a retrouvé aucun matériel appartenant à la société ; cette dernière avait pourtant souscrit un prêt de 382 000 euros auprès de la [7] pour acheter des véhicules Renault Master, du matériel de BTP et financer différents travaux ; le solde de ce prêt fait d'ailleurs partie du passif admis à hauteur de 332 000 euros ; la société [16] semble avoir racheté l'intégralité du matériel d'exploitation pour un prix défiant toute concurrence puisqu'il s'élève à 77 000 euros ; il s'agit là d'actes de gestion tout à fait anormaux, ce, d'autant plus qu'on ne sait même pas si les factures de cession ont été payées ; l'appelant ne produit pas les factures d'acquisition du reste du matériel dont la valeur était bien supérieure à celle des véhicules qu'il évoque, les factures produites comme [17] ne portant pas cette mention.
Le Ministère public conclut qu'il ressort des éléments apportés par le liquidateur judiciaire que le commissaire-priseur n'a retrouvé aucun matériel appartenant à la société [15] ; le liquidateur soutient que la société [16] semble avoir racheté l'intégralité du matériel d'exploitation pour un prix de 77 000 euros ; toutefois, d'après les factures apportées par M. [W] [B], la société n'a pas commandé l'ensemble du matériel ; le dirigeant relève que les véhicules ont été acquis par la société au prix de 5 500 euros, 4 833 euros et 6 250 euros, et que ces véhicules ont été revendus à la société [16] au prix de 4 297 euros, 4113 euros et 5 354 euros ; au regard de ces éléments, la cour pourra apprécier l'existence d'actes de gestion anormaux.
Réponse de la cour :
Le liquidateur produit différentes factures d'achat de véhicules et de matériels, à savoir :
Cocontractant
Date facture
Bien acquis
Montant en euros
[8] 62
01 10 2021
2 Renault Master
100 000
SARL [13]
27 09 2021
Equipements
50 000,04
[19]
23 09 2021
Matériels et travaux
72 900
[20]
26 08 2021
Matériel
177 240
Ces factures ne portent aucune mention [17]. La dernière facture indique qu'elle doit être payée par virement à un mois de son émission. Ces factures ont été produites pour obtenir le déblocage d'un prêt de 382 000 euros qui a été régulièrement déclaré au passif de la procédure. En effet, la justification du prêt résulte de l'état de la créance déclarée par la [7] qui ventile le prêt de la manière suivante :
- Achat de matériel fibre optique : 45 000 euros et divers équipements, à rapprocher de la facture de la SARL [13] ;
- Achat de véhicule showroom pour 100 000 euros, à rapprocher de la facture [8] ;
- Achat de matériel pour 177 000 euros, à rapprocher de la facture [20] ;
- Travaux d'aménagement : 60 000 euros, à rapprocher de la facture [19].
Dès lors, M. [W] [B] échoue à démontrer que ce matériel n'a pas été acheté. Le commissaire-priseur n'a retrouvé aucun matériel à la date de son inventaire.
S'agissant des factures de rachat par [16] de matériels, elles ne correspondent pas aux factures présentées dans le tableau ci-dessus, mais à d'autres factures concernant la revente de deux véhicules Clio et d'un Renault Master, à un prix correspondant à la décote normale après utilisation.
La faute de gestion doit donc être retenue.
Elle caractérise en outre un détournement des actifs acquis par la société, dont il n'a pas été démontré qu'ils ont été acquis par [16].
Ces fautes sont antérieures à la cessation des paiements.
Ces fautes de gestion sont antérieures à la cessation des paiements, elles ont contribué à l'insuffisance d'actif à hauteur d'une part du montant du prêt de 382 000 euros et d'autre part du montant total du matériel disparu qui aurait été un actif susceptible de régler des créanciers.
- Sur la capacité de [15] de dispenser des stages, y compris pendant la période de suspension de sa certification CACES :
Moyens des parties :
M. [W] [B] expose que le Liquidateur lui reproche d'avoir, via [15], pris en charge des formations avant d'avoir obtenu la certification [12] (accordée en septembre 2020) et pendant la période de suspension, c'est-à-dire entre le 15 mars 2021 et le mois d'octobre 2022 ; la société aurait enfreint la loi et ce qui aurait eu pour conséquence sa condamnation à rembourser les financements obtenus pendant cette période, soit la somme de 384 496,89 euros au titre de l'inexécution des actions de formations de la société et de 177 884,05 euros, solidairement avec lui, au titre de dépenses non rattachables à l'activité de formation ; il affirme encore que 486 stagiaires n'auraient pas dû obtenir leur CACES sans que l'on sache d'où il tire ce chiffre ; les condamnations mises à la charge de la société ont été réduites de 90% par rapport aux préconisations des rapports de contrôle dont elle a fait l'objet aux mois de décembre 2020 et d'octobre 2021 ; le Liquidateur n'hésite pas à présenter l'activité de la société comme une quasi-escroquerie, sans restituer à la cour la réalité et l'intégralité des faits, à savoir que le bien-fondé de la décision du préfet est le c'ur d'un débat juridique extrêmement sérieux, dont le tribunal administratif de Paris est aujourd'hui saisi ; ce débat dure depuis 2021 ; il entend démontrer devant cette juridiction que le droit lui permettait de poursuivre les formations ; la condamnation par le tribunal judiciaire de Meaux du 1er février 2024 qui a annulé les conventions de formation de huit anciens stagiaires d'[15] résulte des caractéristiques des stagiaires, et non d'un comportement de [15], ce qui contrevient à la définition de l'article 1137 du code civil.
La SARL [S] ' [14] réplique que [12] a suspendu officiellement le certificat de [15] en date du 15 mars 2021 ; cette suspension a duré plus d'un an ; elle a été levée au mois d'octobre 2022 ; par décision du préfet en date du 11 octobre 2022, la société a été condamnée, notamment, à reverser au trésor les sommes indûment perçues à hauteur de 384 496,89 euros et 177 884,05 euros (solidairement avec le dirigeant) soit un total de 562 380,94 euros ; dans ce contexte, 486 stagiaires n'ont pas pu obtenir leur certification CACES ; il existe à ce jour, 7 instances en cours en vue de constater les man'uvres dolosives de la société [15] qui n'a pas délivré les permis CACES à l'issue des formations et de la condamner à régler des dommages et intérêts pour perte de chance de trouver un emploi ; ces fautes ne sont pas de simples négligences ; la décision du préfet relate diverses difficultés relatives à l'absence de certification de l'organisme ou de son partenaire.
Le Ministère public conclut qu'il convient de considérer au regard de ces éléments que la société [15] a exercé son activité en l'absence de certification ; un tel acte de gestion est constitutif d'une faute.
Réponse de la cour :
L'article L. 6362-6 du code du travail énonce que :
« Les organismes chargés de réaliser tout ou partie des actions mentionnées à l'article L. 6313-1 présentent tous documents et pièces établissant les objectifs et la réalisation de ces actions ainsi que les moyens mis en 'uvre à cet effet.
A défaut, celles-ci sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement au cocontractant des sommes indûment perçues. »
La décision du Préfet de la région Île-de-France rappelle que le premier rapport de contrôle effectué sur la société n'a pas permis la justification des actions de formation financées par les OPCO et la CDC. Sur observations de la société, la mission de contrôle a effectué une mission sur place. Il en ressort que du 1er janvier au 15 septembre 2020 :
- Les conventions de stage ont été signées, promettant qu'un organisme habilité délivrerait les CACES sans que n'apparaisse de contrats de sous-traitance à ce sujet.
- Le passage des tests a dû être décalé le temps ' plusieurs mois à un an - que des conventions soient signées.
- Des attestations temporaires, sans valeur juridique, ont été délivrées par [15] à plusieurs stagiaires.
- Aucun enregistrement au RNCP des CACES obtenus n'a été réalisé.
Entre le 15 septembre et le 31 décembre 2020, des conventions ont été signées et des paiements demandés. Cependant :
- Cinq certificats ont été délivrés par [16] qui n'avait pas contracté avec [15] ; il en est de même de [18] pour deux stagiaires.
- 48 certificats ont été délivrés par [15] postérieurement à la suspension de sa certification.
Des manquements similaires sont retenus pour des conventions de formations conclues avec des particuliers qui finançaient eux-mêmes leurs formations.
Le préfet relève l'absence de respect par la société des dispositions contractuelles relatives au délai de rétractation, au calendrier des paiements et au délai exagérément long entre la fin dus stage et le passage de l'épreuve de certification. Le préfet reproche notamment à [15] d'avoir fait signer des conventions de formation sans qu'aucun contrat n'ait été passé avec un organisme certificateur préalablement.
Si la décision a été déférée au Tribunal administratif de Melun, M. [W] [B] ne dépose aucune pièce susceptible de remettre en cause les constatations rapportées par la mission de contrôle, notamment les conventions de sous-traitance qui auraient été conclues avec les organismes certificateurs.
Il en résulte que la société a sciemment dissimulé sa situation aux personnes formées, qui a généré des délais importants dont elle est seule responsable. Elle a en outre délivré des certificats alors qu'elle n'était plus habilitée à le faire.
Le dol a été retenu par le tribunal judiciaire de Meaux dans son jugement du 1er février 2024 à l'égard de 8 contrats qui ont été annulés du fait qu'il n'a pas été clairement indiqué aux cocontractants que [15] n'était pas l'organisme habilité à délivrer le CACES, l'ambiguïté de la clause contractuelle étant particulièrement mise en avant dès lors qu'elle ne portait pas à la connaissance des stagiaires cette information. Selon le tribunal, ces derniers étaient donc poussés à croire que [15] était l'organisme certificateur. Le montant total des condamnations prononcées s'est élevé à 7 348 euros en principal et 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dès lors, la fraude consistant à obtenir des financements et des paiements pour une certification qu'elle ne pouvait délivrer à l'issue contractuelle de la formation, faute d'avoir contracté préalablement avec des établissements habilités à délivrer le CACES, a conduit à la poursuite d'une activité déficitaire qui ne pouvait qu'aboutir à la cessation des paiements.
Le passif réclamé est de 384 496 euros, soumis à un recours devant le tribunal administratif de Melun.
Il sera noté à cet égard, qu'antérieurement à la procédure, la société était débitrice envers la DGFIP de 94 720,84 euros ayant donné lieu à une promesse unilatérale de paiement non respectée en janvier 2022 pour des dettes d'impositions de 2020 et envers l'URSSAF de 404 854 euros pour des cotisations impayées depuis mars 2020. Le déficit constaté sur le bilan de l'année 2021 s'élève à plus de 600 000 euros. M. [W] [B] ne démontre pas l'existence d'un actif disponible pour y faire face. S'il indique que la perte d'agrément n'a été que temporaire et qu'il existait des perspectives de redressement, au regard des bilans antérieurs, aucune pièce n'en justifie.
Ces éléments démontrent une poursuite abusive de l'activité déficitaire de [15], qui était dans une situation qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, dans l'intérêt personnel de son dirigeant qui, du fait des flux financiers dirigés vers la société [16] dont il était actionnaire et dirigeant social, en profitait indirectement.
Ces fautes sont antérieures à la cessation des paiements et ont contribué à l'insuffisance d'actif à hauteur des montants des condamnations devant le tribunal judiciaire de Meaux en faveur des étudiants (9348 euros).
Elles ont aussi contribué à l'insuffisance d'actif à concurrence de la créance admise de la DRIEETS 77. En effet, nonobstant le recours devant le tribunal administratif de Meaux, cette créance a été admise pour 562 380,94 euros par ordonnance du juge commissaire du 25 avril 2024. S'agissant de la demande de condamnation au paiement de la somme de 384 496 euros au titre de la décision préfectorale ordonnant la restitution des fonds publics perçus avant la cessation des paiements, la créance est contestée devant le tribunal administratif de Melun mais uniquement par M. [W] [B] en son nom personnel, tel que cela ressort de son mémoire en réplique. Dès lors, la décision d'admission n'est plus contestable.
- Sur le quantum de l'insuffisance d'actif mise à la charge de M. [W] [B] :
Moyens des parties :
M. [W] [B] expose que l'insuffisance d'actif doit être appréciée au jour où la juridiction statue ; qu'il forme toutes réserves sur ce point, étant précisé qu'il n'a jamais été consulté dans le cadre de la vérification du passif de [16].
Il expose qu'en matière d'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, les juridictions disposent d'un pouvoir d'appréciation quant au montant des condamnations qu'elles sont susceptibles de prononcer à l'égard des dirigeants poursuivis ; elles peuvent ainsi prendre en considération les efforts consentis par celui-ci pour diminuer le passif et leur situation financière ; sa situation financière personnelle ne lui permet pas d'assumer une telle condamnation ; il n'a pas de revenus fixes ; ses comptes bancaires, à l'exception d'un seul ont été clôturés ; il est garant des engagements de la société.
La SARL [S] ' [14] réplique que si une même personne a été le dirigeant de plusieurs personnes morales, l'insuffisance d'actif que ce texte permet, aux conditions qu'il prévoit, de mettre à sa charge doit comprendre celle de l'ensemble des personnes morales dont cette personne a été le dirigeant et auxquelles la procédure de liquidation judiciaire a été étendue sur le fondement d'une confusion de patrimoines ; en l'espèce, si M. [W] [B] n'était pas le dirigeant de la société [16], il était néanmoins le directeur général de la société [9], présidente de droit de la société [16] ; la Cour de cassation s'est prononcée en faveur d'une prise en compte de la responsabilité du dirigeant personne physique de la personne morale elle-même dirigeante de la société liquidée ; la cour devra se prononcer en tenant compte de l'insuffisance d'actif globale, c'est-à-dire à la fois celle de la société [15], mais aussi celle de la société [16] ; les comptes de la liquidation sont les suivants : Passif admis : 2697 K € ; Actif réalisé : 39 K € ; Insuffisance d'actif : 2658 K € ; les comptes de la liquidation de la société [16] à qui la procédure a été étendue sont les suivants : Passif admis : 411 K € ; Actif réalisé : 37 K € ; Insuffisance d'actif : 374 K € ; l'insuffisance d'actif globale est de 3 032 000 euros parfaitement établie.
Elle ajoute que chacune des fautes reprochées à l'appelant a contribué à la constitution de ce passif, notamment :
- 810 000 euros dus au titres prestations initialement non facturées puis finalement non payées ;
- 300 000 euros au titre de la souscription d'un PGE dont on ignore à quoi il a servi si ce n'est à compenser l'absence ou le manque de paiement par [16] ;
- 332 000 euros au titre du solde du prêt d'acquisition du matériel, ce dernier ayant été revendu quelques mois plus tard pour seulement 77 000 euros ;
- 384 496 euros au titre de la condamnation à restituer les fonds publics perçus ;
- 9348 euros au titre des contrats annulés ;
Et que la demande de confirmation du jugement est donc totalement justifiée.
Le Ministère public rappelle que le passif admis s'élève à un montant de 2 748 408 euros pour un actif de 9 000 euros outre la somme de 800 000 euros à recevoir de la société [16] ; l'insuffisance d'actif de la société [15] s'élève à un montant de 1 939 048 euros ; quatre fautes de gestions peuvent être retenues à l'encontre de M. [B] [W] à savoir un déséquilibre dans le contrat de prestation, une absence de facturation des prestations, une revente de matériel et la proposition de stage sans certification ; la relation avec la société [16] a ainsi contribué à l'aggravation de l'insuffisance d'actif de la société [15].
Réponse de la cour :
Selon l'article L. 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.
Si une juridiction, faisant application de ce texte, doit apprécier le montant de la contribution du dirigeant à l'insuffisance d'actif de la société en fonction du nombre et de la gravité des fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, il n'est pas tenu de prendre en considération le patrimoine et les revenus du dirigeant fautif (Com., 1 octobre 2025, pourvoi n° 23-12.234).
L'insuffisance d'actif est égale au passif antérieur déclaré admis, moins l'actif réalisé ou la valorisation certaine de l'actif. Seules les dettes nées avant le jugement d'ouverture peuvent être prises en compte pour la détermination de l'insuffisance d'actif.
Si une même personne a été le dirigeant de plusieurs personnes morales, l'insuffisance d'actif que ce texte permet, aux conditions qu'il prévoit, de mettre à sa charge doit comprendre celle de l'ensemble des personnes morales dont cette personne a été le dirigeant et auxquelles la procédure de liquidation judiciaire a été étendue sur le fondement d'une confusion de patrimoines (Com., 8 mars 2017, pourvoi n° 15-22.337, Publié au bulletin).
Il résulte de la combinaison des articles L. 227-7, L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce que, lorsque la personne morale mise en liquidation judiciaire est une société par actions simplifiée (SAS) dirigée par une personne morale, la responsabilité pour insuffisance d'actif, prévue par le troisième texte précité, est encourue non seulement par cette personne morale, dirigeant de droit, mais aussi par le représentant légal de cette dernière, en l'absence d'obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent de la personne morale dirigeant au sein d'une SAS (Cass. Com., 13 décembre 2023, 21-14.579, Publié au bulletin).
Il en résulte d'une part que les patrimoines actifs et passifs sont confondus en une seule masse et d'autre part que si l'une des sociétés à laquelle la procédure a été étendue du fait de la confusion des patrimoines était créancière de la société placée initialement en liquidation judiciaire, la créance est éteinte par le jeu de la compensation. Dès lors la dette doit donc être retranchée du passif exigible.
Le passif de [15] s'élève à 3 739 278,88 euros, dont 2 397 220,77 euros échus, 64 639 euros contestés et 966 794,11 euros rejetés. Le passif admis est de 2 697 345,77 euros.
L'actif réalisé s'est élevé à 39 000 euros.
L'insuffisance d'actif est avérée.
Le passif de [16] s'élève à 495 489,55 euros dont 410 934,77 euros échus, et 84 554,78 euros rejetés, soit un passif admis de 410 934,77 euros. L'actif réalisé s'élève à 37 000 euros. L'insuffisance d'actif est donc caractérisée.
Le total du passif admis s'élève donc à 3 108 280,54 euros.
[15] étant débitrice de [16] pour la somme de 810 000 euros, cette dette est éteinte du fait de la confusion des patrimoines.
Comme il a été établi, les fautes admises de M. [W] [B] ont contribué directement au passif suivant :
- 300 000 euros au titre de la souscription d'un PGE afin de financer l'activité de la société [15] alors qu'elle était structurellement déficitaire, du fait du déséquilibre de la convention de prestation de services avec [16] ;
- 332 000 euros au titre du solde du prêt d'acquisition du matériel, dont l'actif a été détourné, du fait qu'il ne se retrouve pas dans les inventaires ;
- 384 496 euros au titre de la décision préfectorale ordonnant la restitution des fonds publics perçus avant la cessation des paiements du fait de la proposition de stages sans certification délivrée par [15] ;
- 9348 euros au titre de la condamnation pécuniaire au titre des contrats annulés du fait de la faute du dirigeant pour avoir fait contracter des stages sans indiquer clairement que [15] ne serait pas l'organisme certificateur.
Cette insuffisance d'actif s'élève donc à 1 025 844 euros.
La sanction tendant à mettre à la charge de M. [W] [B] doit être proportionnée au regard de la gravité des manquements exposés dans les motifs qui précèdent qui démontrent :
- une volonté de dissimulation de la situation administrative de l'entreprise,
- une gestion opérée uniquement au profit de la société [16] Conseils et Finances dans le cadre du retrait de l'habilitation et d'une convention de partenariat déséquilibrée,
- la recherche de moyens ruineux pour financer une activité structurellement déficitaire ;
- l'obtention indue de financements publics dans le cadre de prestations non effectuées dans le cadre contractuel.
Cette situation a eu pour effet la création d'un passif et des détournements d'actifs importants.
Il importe peu à cet égard que M. [W] [B] soit caution des engagements de la société.
Le montant du passif mis à la charge de M. [W] [B] sera donc fixé à la somme de 500 000 euros.
- Sur le bien-fondé de l'interdiction de gérer et la mesure de faillite personnelle prononcée :
Moyens des parties :
M. [W] [B] expose que la suspension de la certification CACES, le 15 mars 2021, a été temporaire ; qu'elle a été rétablie le 27 décembre 2021 avec effet rétroactif au 11 janvier 2021 ; la décision de sanction a été prise par le préfet de la Région Île de France le 11 octobre 2022, c'est-à-dire pendant la période d'observation de la procédure de redressement judiciaire de la société ; dès lors, il est faux d'affirmer qu'avant cette date, la société n'avait définitivement plus de perspectives ; contrairement à ce que prétend le Liquidateur, le fait que la société ait connu une perte importante en 2021 (de l'ordre de 600 000 euros), n'implique pas que son activité ne pouvait alors conduire qu'à la cessation des paiements ; l'année précédente, en 2020, la société avait réalisé un résultat positif de 400 000 euros et que 2021 a été marqué par le retrait temporaire de son agrément CACES, qui l'a considérablement affaiblie ; le caractère irrémédiable de ces difficultés n'était pas à l'époque pas établi ; il n'a ni détourné, ni dissimulé en tout ou partie l'actif ni augmenté frauduleusement le passif, la dette envers l'administration fiscale étant contestée pour les raisons exposées ; il n'est pas démontré l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, ni de volonté de ne pas déclarer la cessation des paiements.
La SARL [S] ' [14] réplique qu'au regard des fautes retenues, la sanction est justifiée.
Le Ministère public conclut à la confirmation de la sanction au regard des fautes retenues.
Réponse de la cour :
L'article L. 653-4 du code de commerce dispose que :
« Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;
2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;
3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;
5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale. »
Les fautes retenues par la cour dans les motifs qui précèdent sont des griefs susceptibles d'entraîner une condamnation pour faillite personnelle sur les motifs retenus dans les motifs qui précèdent.
Ainsi, il a été retenu à l'encontre de M. [W] [B] les faits suivants :
- avoir fait des biens ou du crédit de [15] un usage contraire à l'intérêt de celle-ci pour favoriser une autre personne morale -[16], dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement, en sa qualité de porteur de part à égalité avec son épouse, est donc caractérisée ;
- l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
- la fraude consistant à obtenir des financements et des versements pour une certification qu'elle ne pouvait délivrer à l'issue contractuelle de la formation, faute d'avoir contracté avec des établissements habilités à délivrer le CACES a conduit à la poursuite abusive, dans un intérêt personnel, d'une activité déficitaire qui ne pouvait qu'aboutir à la cessation des paiements.
Il sera précisé que si la décision du préfet est postérieure à l'ouverture de la procédure collective, la décision de suspendre la certification de [15] est antérieure. L'article L. 653-4 du code de commerce ne met pas comme condition aux faits générateurs de la sanction le caractère irrémédiable de la situation de la société.
La multiplicité des manquements sur une longue période, la confusion des patrimoines entretenue entre les deux sociétés et la recherche d'un maintien à tout prix d'activité par la recherche de crédits, la souscription de contrats dolosifs et l'obtention de financements indus et pour certains ruineux au regard de la mauvaise exécution des contrats, démontre l'incapacité de M. [W] [B] de gérer une entreprise et à gérer des fonds d'origine publique qui représentaient une part non négligeable de son chiffre d'affaires. L'accumulation d'un passif aussi important en deux ans est signe d'une absence de maîtrise des risques de la gestion. La sanction de la faillite personnelle pour une durée de 10 ans est donc adaptée.
M. [W] [B], qui succombe, sera condamné aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
ANNULE le jugement rendu le 20 septembre 2023 par le Tribunal de commerce de Meaux ;
ÉVOQUANT ;
CONDAMNE M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 500 000 euros, au titre de l'insuffisance d'actif de la SASU [15] ;
PRONONCE à l'encontre de M. [W] [B] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 10] (Algérie), de nationalité algérienne, une mesure de faillite personnelle emportant une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de 10 ans ;
CONDAMNE M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 500,00 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [W] [B] aux dépens ;
DIT qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2025
(n° , 23 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16305 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIKWK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Septembre 2023 - Tribunal de Commerce de Meaux - RG n°
APPELANT
M. [B] [W]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Assisté par Me Alice BON, avocate au barreau de PARIS, toque : D1900
INTIMÉE
S.E.L.A.R.L. [S] [14]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Immatriculée au RCS de MEAUX sous le n° [N° SIREN/SIRET 2]
Représentée par Me Marc TOULON de la SELARL CALCADA-TOULON-LEGENDRE, avocat au barreau de MEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Raoul CARBONARO, Président de chambre
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Raoul CARBONARO, président, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
M. [W] [B] était le président de la SASU [15]. Cette société a été créée le 24 septembre 2019 par son associé unique et avait pour activité les prestations de formation professionnelle et d'accompagnement vers l'emploi, en permettant notamment le suivi de formation CACES et la délivrance de la certification correspondante. Bien que ses premiers résultats aient été bons, cette société a rapidement connu des difficultés. Pour poursuivre ses actions de formation, la société devait bénéficier d'une certification. Celle-ci a été octroyée par le certificateur [12] le 16 septembre 2020, soit près d'un an après le début d'activité. Elle a toutefois été suspendue par ce même organisme le 15 mars 2021. Cette suspension n'a été levée qu'en octobre 2022. Malgré cette suspension, l'activité de formation de la société s'est poursuivie un temps.
Le 12 juillet 2021, par l'intermédiaire de la société [9] au sein de laquelle il est associé égalitaire avec son épouse et dont il est le président, M. [W] [B] a créé la SAS [16] Conseils et Examens dont la présidente est la société holding. Cette structure a repris intégralement l'activité de formation de la SASU [15]. Le 10 août 2021, un contrat de prestation de services a été signé entre les deux sociétés. Ce contrat consistait principalement dans la mise à disposition par la SASU [15] de 12 de ses collaborateurs au profit de la société [16], et ce, afin de permettre à cette dernière de faire passer différents types de CACES. La société [16] n'ayant pas payé les factures émises par la SASU [15], cette dernière a été placée en redressement judiciaire par jugement d'ouverture du 20 juin 2022 du Tribunal de commerce de Meaux. Maître [K] a été désigné en qualité d'administrateur. La SARL [S] - [14], en la personne de Maître [F] [S] en qualité de mandataire judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 13 mai 2022.
Le préfet d'Île-de-France a initié un contrôle aux termes duquel il a décidé de condamner la SASU [15] à payer au Trésor Public :
- 384 496,89 euros au titre de l'inexécution des actions de formation ;
- 177 884,05 euros, solidairement avec son dirigeant de droit ou de fait, au titre des dépenses non rattachables à l'activité de formation,
soit un montant total de condamnations de 562 380,94 euros prononcé le 11 octobre 2022.
La procédure de redressement judiciaire a alors été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 23 janvier 2023. La SARL [S] - [14], en la personne de Maître [F] [S] en qualité de mandataire judiciaire a été nommée aux fonctions de Liquidateur.
Les comptes de la liquidation sont les suivants :
- Passif admis : 2 697 000 euros ;
- Actif réalisé : 39 000 euros ;
- Insuffisance d'actif : 2 658 000 euros.
Les comptes de la liquidation de la société [16] à qui la procédure a été étendue sont les suivants :
- Passif admis : 411 000 euros ;
- Actif réalisé : 37 000 euros ;
- Insuffisance d'actif : 374 000 euros ;
soit une insuffisance d'actif globale de 3 032 000 euros.
L'insuffisance d'actif est donc substantielle pour une activité qui n'aura duré que 3 ans (et même seulement 18 mois si l'on tient compte de la période de suspension).
Les organes de la procédure ont estimé qu'il existait un faisceau d'indices prouvant tant l'existence de flux financiers anormaux entre la société liquidée et les sociétés [9] et [16] qu'une mise en cause de la responsabilité de M. [W] [B] en sa qualité de dirigeant.
Par jugement en date du 20 septembre 2023, le Tribunal de commerce de Meaux :
- Dit recevables et bien fondées les demandes de la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société [15],
- Condamne M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 900 000 euros, au titre de l'insuffisance d'actif de la SASU [15],
- Prononce à l'encontre de M. [W] [B] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 10] (Algérie), de nationalité algérienne, une mesure de faillite personnelle emportant une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de 10 ans,
- Condamne M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 500,00 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rappelle que l'exécution est de droit conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile,
- Dit qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce.
Par déclaration formée par voie électronique le 3 octobre 2023, M. [W] [B] a interjeté appel, visant les dispositions suivantes du jugement :
- « Condamne M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 900 000 euros, au titre de l'insuffisance d'actif de la SASU [15],
- Prononce à l'encontre de M. [W] [B] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 10] (Algérie), de nationalité algérienne, une mesure de faillite personnelle emportant une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de 10 ans,
- Condamne M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 500,00 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. »
Dans ses premières conclusions notifiées par RPVA le 3 janvier 2024, M. [W] [B] demande à la cour de :
- Constater que M. [W] [B] présente des moyens sérieux d'annulation du jugement rendu le 18 septembre 2023 par le Tribunal de commerce de Meaux,
- Constater qu'il existe un motif sérieux d'annulation ou de réformation du jugement du 18 septembre 2023 par le Tribunal de commerce de Meaux,
En conséquence,
- Prononcer l'annulation du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Meaux le 18 septembre 2023 en ce qu'il a :
o Condamné M. [W] [B] à payer à la SELARL [S] - [14], es qualité, la somme de 1.900.000 euros (un million neuf cent mille euros), au titre de l'insuffisance d'actif de la société [15] SASU ;
o Prononcé à l'encontre de M. [W] [B] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 10] (ALGERIE), de nationalité algérienne, une mesure de faillite personnelle emportant une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de 10 ans ;
o Condamné M. [W] [B] à payer à la SARL [S] - [14], es qualité, la somme de 1 500 euros (mille cinq cent euros), au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
o Dit qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au fichier nationale des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce ;
o Ordonné l'emploi des frais, honoraires et dépens y compris ceux du greffe d'un montant de 158,09 euros TTC en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;
En tout état de cause ;
- Condamner la SARL [S] - [14], agissant es-qualité de liquidateur de la Société [15] à payer à M. [W] [B] la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la SARL [S] - [14], agissant es-qualité de liquidateur de la Société [15] aux entiers dépens de la présente instance.
Dans ses ultimes conclusions n° 4 notifiées par le RPVA le 11 juin 2025, M. [W] [B] demande à la cour de :
- Juger et déclarer l'appel de M. [W] [B] recevable et bien fondé ;
- Juger qu'elle est valablement saisie des demandes d'annulation et de réformation du jugement rendu le 18 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Meaux (RG 2023002260) ;
A titre principal :
- Annuler le jugement rendu le 18 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Meaux (RG 2023002260), en ce qu'il :
o « Condamne M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 900 000 euros, au titre de l'insuffisance d'actif de la SASU [15],
o Prononce à l'encontre de M. [W] [B] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 10] (Algérie), de nationalité algérienne, une mesure de faillite personnelle emportant une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de 10 ans,
Et statuant à nouveau :
- Exonérer M. [W] [B] de toute condamnation ;
- Débouter la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société [15] de l'ensemble de ses fins, demandes et prétentions ;
- Ou, à tout le moins, réduire le quantum de ses demandes en de notables proportions ;
A titre subsidiaire :
- Infirmer le jugement rendu le 18 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Meaux (RG 2023002260), en ce qu'il :
o « Condamne M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 900 000 euros, au titre de l'insuffisance d'actif de la SASU [15],
o Prononce à l'encontre de M. [W] [B] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 10] (Algérie), de nationalité algérienne, une mesure de faillite personnelle emportant une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de 10 ans, »
Et statuant à nouveau :
- Exonérer M. [W] [B] de toute condamnation ;
- Débouter la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société [15] de l'ensemble de ses fins, demandes et prétentions,
- Ou, à tout le moins, réduire le quantum de ses demandes en de notables proportions :
En tout état de cause,
- Condamner la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société [15] à payer à M. [W] [B] la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société [15] aux entiers dépens de la présente instance.
Par conclusions n° 3 notifiées par le RPVA le 12 août 2025, la SARL [S] - [14], en la personne de Maître [F] [S] demande à la cour de :
À titre principal
- Juger que, la déclaration d'appel ne mentionnant aucune demande d'annulation du jugement, l'effet dévolutif de l'appel ne peut opérer sur ce dernier point, quand bien même cette demande figure dans les conclusions de l'appelant ;
- Juger en outre que, les 1ères conclusions de l'appelant ne sollicitant pas l'infirmation du jugement, la décision de première instance ne peut qu'être confirmée, la demande d'infirmation n'ayant été formulée pour la 1ère fois que le 01/07/2024, soit près de 6 mois au-delà du terme imposé par l'article 908 du code de procédure civile dans sa version applicable au cas présent ;
En conséquence,
- Débouter M. [W] [B] de sa demande d'annulation ;
- Déclarer la demande d'infirmation du jugement irrecevable au regard des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente espèce ;
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux en toutes ses dispositions ;
- Déclarer irrecevable car tardive la demande d'infirmation du jugement ;
À titre subsidiaire :
- Juger que M. [W] [B] a commis de nombreuses fautes de gestion ;
En conséquence,
- Rejeter les demandes de M. [W] [B] ;
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux en toutes ses dispositions ;
En tout état de cause :
- Condamner M. [W] [B] à payer à la SARL [S] ' [14] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le Ministère public, par conclusions communiquées contradictoirement aux parties par RPVA le 15 mai 2025, demande la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Meaux du 18 septembre 2023 en ce qu'il a condamné M. [B] [W] au comblement de l'insuffisance d'actif de la société [15] à hauteur de 1 900 000 euros, et en ce qu'il a prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 ans.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 septembre 2025.
SUR CE
- Sur la nullité du jugement :
Moyens des parties :
M. [W] [B] expose que le liquidateur, intimé, soutient que la cour d'appel ne serait pas valablement saisie des demandes d'annulation et d'infirmation du Jugement en raison des termes de la déclaration d'appel du 3 octobre 2023 et des premières conclusions d'appelant ; l'article 901 du code de procédure civile fait l'obligation à l'appelant de mentionner, dans sa déclaration d'appel, « les chefs du jugement critiqués », mais pas l'objet, la finalité de l'appel (annulation/réformation) ; que les chefs du jugements critiqués par la déclaration d'appel reprennent l'intégralité des condamnations prononcées par le Jugement (hors condamnations formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile), de sorte que la différence soulignée par le Liquidateur entre « appel limité » et « appel général » est artificielle ; par un arrêt du 14 septembre 2023, la Cour de cassation a jugé que « lorsque la déclaration d'appel vise l'ensemble des chefs de dispositif du jugement, l'appelant a la faculté de solliciter dans ses conclusions, soit la réformation, soit l'annulation de cette décision » ; cet arrêt n'interdit pas à l'appelant de soulever les deux possibilités posées par cette alternative ; en application de la jurisprudence de la Cour de Cassation, la cour d'appel devra statuer sur le fond, quelle que soit sa décision sur la nullité du jugement.
Il ajoute que le jugement devra être annulé en ce qu'il a été rendu à l'issue d'une procédure au cours de laquelle le principe du contradictoire n'a pas été respecté puisqu'il n'a pu exposer sa défense.
La SARL [S] - [14], en la personne de Maître [F] [S] réplique que le cadre maximum de l'appel est fixé par la déclaration d'appel ; que si ce cadre peut être limité par l'appelant par le biais de ses conclusions, l'inverse n'est pas autorisé ; les conclusions de l'appelant ne peuvent donc étendre l'objet de l'appel ; en l'espèce, l'appel critique le jugement sur la condamnation de M. [W] [B] à payer l'insuffisance d'actif et sur l'interdiction de gérer de 10 ans ; à aucun moment il n'est mentionné une demande d'annulation du jugement ; dans ses conclusions déposées le 3 janvier 2024, l'appelant ne demande pas l'infirmation du jugement mais exclusivement son annulation ; une demande d'annulation du jugement équivaut à un appel général ; cette situation n'est pas régularisable au regard des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile ; il ne demande pas l'infirmation du jugement sur ces points dans ses 1ères écritures, lesquelles tendent exclusivement à solliciter l'annulation du jugement, la cour ne pourra que débouter l'appelant de ses demandes et confirmer le jugement du Tribunal de commerce ; la demande d'infirmation a été présentée pour la 1ère fois postérieurement au délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile dans sa version applicable au cas d'espèce, qui expirait le 3 janvier 2024 par conclusions notifiées par RPVA le 1er juillet 2024.
Elle ajoute qu'il n'y a aucun élément sérieux justifiant l'annulation du jugement et le 1er Président l'a lui-même constaté dans son ordonnance du 30 janvier 2024 ; M. [W] [B] a sollicité un renvoi fondé - non pas sur son état de santé - mais sur l'existence de recours administratifs venant d'être introduits par ses clients contre la décision administrative ayant privé la société [15] de son agrément ; il expliquait notamment que l'issue de ce recours était essentielle pour démontrer l'absence de faute ; le document qu'il invoque aujourd'hui n'était même pas joint à sa demande de renvoi, laquelle ne comportait en annexe que les recours administratifs ; ce document n'a pas été communiqué à l'audience et tout le monde a compris qu'il concernait M. [W] [B] et non son conseil ; il doit être constaté que la procédure de première instance révèle l'existence d'un 1er renvoi à 2,5 mois, l'absence de demande de réouverture des débats et l'absence de demande d'autorisation de produire une note en délibéré.
Le Ministère public conclut que M. [B] [W], qui n'a pas comparu, a été valablement convoqué à l'audience du 5 juin 2023 et qu'il a disposé d'un délai raisonnable pour pouvoir présenter une écriture en défense ; il n'y a pas eu de violation du contradictoire.
Réponse de la cour :
Il résulte des articles 562 et 901, 4° du code de procédure civile que la déclaration d'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Il résulte en outre des articles 542 et 954 du code de procédure civile que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ou l'annulation du jugement.
Ainsi, la déclaration d'appel qui mentionne les chefs de dispositif du jugement critiqués délimite l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel quand les conclusions, par l'énoncé dans leur dispositif, de la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement déterminent, quant à elles, la finalité de l'appel, qui tend à l'annulation ou à la réformation du jugement, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d'appel.
Lorsque la déclaration d'appel vise l'ensemble des chefs de dispositif du jugement, l'appelant a la faculté de solliciter dans ses conclusions, soit la réformation, soit l'annulation de cette décision.
Dès lors qu'en l'espèce, l'acte d'appel a porté sur l'ensemble du dispositif du jugement attaqué, la demande d'annulation formée par les premières conclusions de l'appelant est recevable.
En outre, lorsqu'un appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité (2e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-11.387).
La cour est donc saisie de la demande de réformation.
La faculté d'accepter ou de refuser le renvoi à une audience ultérieure d'une affaire fixée pour être plaidée relève du pouvoir discrétionnaire du juge, dès lors que les parties ont été mises en mesure d'exercer leur droit à un débat oral (Ass. Plén.24 novembre 1989, Bull. AP, n°3, Soc. 31 mars 2004, pourvoi n° 01-456). En cas d'empêchement d'un avocat pour une circonstance exceptionnelle, il appartient à la juridiction de mettre en mesure son client de se présenter devant elle pour faire valoir ses moyens.
En la présente espèce, le dossier de première instance a été évoqué une première fois le 20 mars 2023 et a été renvoyé à l'audience du 5 juin 2023 à laquelle il a été mis en délibéré. Le jugement déféré a été rendu en l'absence de l'appelant, dont l'avocat plaidant ne s'est pas présenté. À cet égard, il avait prévenu le greffe du tribunal le 31 mai 2023 de son absence à cette audience en précisant qu'il avait reçu de nombreuses pièces financières et contractuelles tout en arguant de la procédure de recours devant le tribunal administratif de Melun à l'encontre de la décision du préfet. Il a en outre allégué d'un rendez-vous en urgence à [Localité 11] dont son correspondant a justifié à l'audience.
Ce second avocat s'est présenté pour demander le renvoi pour cause de problème de santé de son confrère, qui a été retranscrit comme concernant l'appelant. Il a indiqué ne pas connaître le dossier et ne pas être en état de le plaider. Le renvoi a été refusé.
Dès lors que l'avocat plaidant a justifié de son empêchement, caractérisant une circonstance exceptionnelle, la juridiction, nonobstant l'intervention d'un avocat correspondant, devait informer M. [W] [B] de ce qu'elle entendait néanmoins retenir le dossier et lui demander de comparaître à l'audience.
En ne l'ayant pas fait, elle a violé l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme.
Le jugement doit donc être annulé.
- Sur le fond :
L'article L. 651-1 du code de commerce dispose que :
« Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective, ainsi qu'aux personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales, aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée et aux entrepreneurs individuels relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V. »
L'article L. 651-2 du même code énonce que :
« Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée. Lorsque la liquidation judiciaire concerne une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ou, le cas échéant, par le code civil applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et non assujettie à l'impôt sur les sociétés dans les conditions prévues au 1 bis de l'article 206 du code général des impôts, le tribunal apprécie l'existence d'une faute de gestion au regard de la qualité de bénévole du dirigeant.
Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté.
Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à l'égard d'un entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V du présent code, le tribunal peut également, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine personnel.
L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés. »
L'article L 653-1 du même code dispose, s'agissant de la sanction de la faillite personnelle et des autres mesures d'interdiction, en outre que :
« .-Lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du présent chapitre sont applicables :
1° Aux personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux agriculteurs et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;
2° Aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;
3° Aux personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales définies au 2°.
Ces mêmes dispositions ne sont pas applicables aux personnes physiques ou dirigeants de personne morale, exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce titre, soumises à des règles disciplinaires. »
- Sur la qualité de dirigeant de M.
Par jugement du 18 septembre 2023, le Tribunal de commerce de Meaux prononce l'extension de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS [15] à la SAS [16] Conseils & Examens et à la SAS [9]. Il procède au constat de flux financiers anormaux qui sont intervenus entre les trois sociétés. Il constate l'absence de recouvrement de la somme de 810 304,41 euros due par [16] à [15], l'absence de trace du matériel acheté grâce à un prêt de 300 000 euros souscrit auprès de la [7], l'achat d'un véhicule Renault Master pour 50 000 euros par [15], revendu 5 354 euros, l'absence de paiement de la facture 21.12-2377 du 31 décembre 2021 pour un montant de 401 412,50 euros dans les relations [15] et [16] et de la facture 21-.12-2378 du 31 décembre 2021 pour le loyer courant de septembre à décembre 2021 pour 38 852,93 euros. Il en a conclu à un transfert d'activité de la première société vers la seconde. Ce jugement est définitif.
Dès lors que M. [W] [B] était le président de [15] et le président de la société unique actionnaire et dirigeante de [16], sa responsabilité pour l'insuffisance d'actif des deux sociétés peut être recherchée de même qu'une mesure de faillite ou d'interdiction est susceptible d'être prononcée à raison de faits commis dans les deux sociétés.
- Sur l'omission de la déclaration de cessation des paiements :
Moyens des parties :
M. [W] [B] expose que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif vise exclusivement à sanctionner le comportement du dirigeant antérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective, et seules les fautes de gestion antérieures à cette date peuvent être retenues pour engager sa responsabilité ; lorsqu'une procédure de liquidation judiciaire est ouverte sur conversion d'une procédure de redressement judiciaire, il est considéré que les procédures de redressement et de liquidation judiciaire sont une seule et même procédure ; seules les fautes antérieures à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire peuvent fonder une action en responsabilité en insuffisance d'actif, soit en l'espèce, celles qui auraient été commises avant le 20 juin 2022 ; la jurisprudence impose de se référer exclusivement à la date de cessation des paiements fixée par le jugement d'ouverture de la procédure collective ou par la décision postérieure qui aurait remonté dans le temps le date de cessation des paiements, soit en l'espèce le 13 mai 2022 ;
Relativement à l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal, il expose que la date de cessation des paiements de [15] est aujourd'hui définitivement fixée au 13 mai 2022 ; aucune action n'ayant été menée pour la reporter à une date antérieure dans le délai obligatoire d'un an à compter du jugement d'ouverture du redressement judiciaire (article L. 631-8 du code de commerce) ; la faute constituée par une omission de déclarer l'état de cessation des paiements s'apprécie au regard de la seule date de cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture de la procédure ou dans un jugement de report ; cette faute n'est donc pas caractérisée.
Relativement aux relations entre [15] et [16], il ajoute que le 10 août 2021, [16] et [15] ont conclu un contrat de prestation de services ; les sociétés [15] et [16] n'avaient pas les mêmes activités que l'activité d'[15] était de dispenser des formations de courte durée certifiantes, alors qu'[16] avait vocation à dispenser des formations de longue durée et diplômantes ; lorsque son agrément CACES a été suspendu (15 mars 2021), [15] a, dans un premier temps, fait appel à des sociétés tierces, auxquelles elle a sous-traité la réalisation des tests de certification passés par ses stagiaires à l'issue de leur formation ; à compter du mois d'août 2021, les tests de certification ont été exécutés par [16], dans le cadre du Contrat du Prestation de Services ; à cette période, consécutivement aux contrôles de la DREETS, [15] a été privée de certains financements publics ; en conséquence, afin de préserver l'activité de [15], [16], qui n'était pas touchée par cette subvention, est devenue le co-contractant des stagiaires ; en d'autres termes, [16] sous-traitait la formation de ses apprenants à [15], et leur faisait passer les tests de certifications ; le contrat de prestations de services n'est pas un contrat de mise à disposition de personnel ; [15] refacturait des prestations de formation ; il n'y avait aucune raison qu'elle facture à [16] une partie de son loyer ou des frais de mise à disposition d'engins ; contrairement à ce que prétend le Liquidateur, la rémunération des prestations de [15] ' bien que non fixée par le Contrat de Prestation de Services - était conforme au prix du marché ; de décembre 2021 à février 2023, [16] a payé à [15] la somme de 923 998,52 euros ;
Il précise que la facture en pièce adverse n° 18 b démontre que la « remise » de 240 000 euros n'est pas stricto sensu une remise mais constitue une déduction du montant de 3 factures (22-000542, 22-000079 et 22-000201), le montant indiquant un solde exigible de 89.240,81 euros ; cela démontre donc que les prestations du premier semestre 2022 avaient déjà fait l'objet d'une facturation à hauteur d'un montant de 240 000 euros, qui avait été réglé, et qui est déduit du montant initial de la facture ; les factures correspondantes sont versées aux débats ; les relevés bancaires versés au débat en pièces n°8 établissent que les factures déduites de la pièce adverse n° 18 b ont été réglées.
La SARL [S] ' [14] réplique que la chambre commerciale de la Cour de cassation considère que le retard dans la déclaration de cessation des paiements est constitutif d'une faute de gestion (Com. 8 oct. 1996 n°94-14459 ; com. 11 oct. 2011 n°10-20243) ; le débiteur, qui est tenu de demander l'ouverture de la procédure collective au plus tard dans les 45 jours qui suivent la cessation des paiements n'en est pas dispensé par la délivrance d'une assignation à cette fin par un créancier (Com. 14 janvier 2014 n°12-29.807) ; en l'espèce la procédure a été ouverte sur assignation du Ministère Public en date du 21 avril 2022 ; il ressort des éléments du dossier que la société [15] était déjà en cessation des paiements depuis plus de 45 jours à cette date ; que dans le cadre du redressement judiciaire ouvert le 20 juin 2022, les déclarations de créance reçues font état de créances anciennes, dont certaines remontent au 30 juin 2020 ; ce fait ne corrobore pas la date de cessation des paiements fixée provisoirement par le Tribunal de commerce soit le 13 mai 2022 ; ce qui est reproché à M. [W] [B] n'est pas un simple retard dans la déclaration de la cessation des paiements mais le fait de ne pas avoir déclaré cet état de cessation des paiements puisque la procédure a été ouverte sur requête du ministère public ; il n'apporte la preuve d'aucun moratoire conclu avec ses créanciers, contrairement à ce qu'il affirme.
Le Ministère public conclut que la déclaration de l'état de cessation des paiements n'a pas dépassé le délai de 45 jours.
Réponse de la cour :
L'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion au sens de l'article L. 651-2 du code de commerce, s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report (Com., 4 novembre 2014, pourvoi n° 13-23.070, Bull. 2014, IV, n° 164), e y compris dans le cadre d'une action intentée contre un dirigeant social en insuffisance d'actif.
La date de cessation des paiements a été fixée par le tribunal de commerce dans son jugement du 20 juin 2022 au 13 mai 2022, sans report en amont par l'effet d'un jugement ultérieur. Cette date présente donc un caractère définitif. Le liquidateur, qui n'a pas à distinguer selon que la procédure a été ouverte sur assignation d'un créancier ou déclaration du représentant légal du débiteur, ne peut demander à la juridiction saisie d'une action pour insuffisance d'actif de modifier la date de cessation des paiements et rechercher une faute pour ne pas l'avoir déclarée dans le délai de 45 jours de sa survenance.
Toutefois, le fait qu'un créancier assigne le débiteur pour obtenir l'ouverture d'une procédure collective ne dispense pas ce dernier, ou son représentant légal, de déclarer son état de cessation des paiements (Com., 14 janvier 2014, pourvoi n° 12-29.807, Bull. 2014, IV, n° 8).
En l'espèce, la procédure a été ouverte sur l'assignation délivrée sur requête du procureur de la République le 13 mai 2022. Le jugement d'ouverture étant intervenu à 38 jours de la date de la cessation des paiements, la faute n'est pas caractérisée.
- Sur le caractère déséquilibré du contrat de prestation de service et de l'absence de recouvrement de créances :
Moyens des parties :
M. [W] [B] expose qu'il lui est reproché de ne pas avoir recouvré, ès-qualités de dirigeant de [15], une créance de 810 000 euros que cette dernière aurait détenue sur [16] ; cette créance serait constituée de plusieurs factures, dont principalement quatre factures d'un montant unitaire de 160 000 euros H.T émises le 8 novembre 2022, visiblement en rémunération de prestations accomplies par [15] au profit d'[16] au cours des mois de juillet, août, septembre et octobre 2022 ; l'ensemble des facturations objet de ce grief (absence de politique de recouvrement) ont été émises entre le 30 août et le 8 novembre 2022, soit pendant la période du redressement judiciaire de [15] ; elle ne peut constituer une faute de gestion susceptible d'engager sa responsabilité dans le cadre de la présente instance ; ces factures sont totalement artificielles et ne correspondent à aucune réalité économique ; elles ont été émises à la demande expresse de Mme [T], expert-comptable mandatée par l'Administrateur Judiciaire pendant la période d'observation d'[15], dans des circonstances particulières ; la possibilité d'établir un plan de redressement de [15] était sérieusement étudiée ; l'Administrateur Judiciaire était hostile à l'idée de réduire le personnel de la Société, et souhaitait donc, si plan de redressement il devait y avoir, qu'il soit construit à effectif constant ; à effectif constant, les charges fixes de la Société s'élevaient à environ 170 000 euros HT par mois, en ce compris environ 80 000 euros de charges de personnel ; tout projet de plan de redressement devait donc montrer la capacité de [15] à couvrir ses charges fixes a minima à hauteur de ce montant ; l'expert-comptable a construit un prévisionnel d'exploitation et de trésorerie sur cette base ; ce prévisionnel repose sur une erreur de compréhension de la part de Mme [T], à savoir qu'[15] réalisait seule un chiffre d'affaires de 180 000 euros par mois sur la fin de l'année 2022 ; ce chiffre était totalement décorrélé de la réalité, puisque cette somme correspondait au chiffre d'affaires cumulé de [15] et [16], ce qui avait échappé à Mme [T] ; il prévoit comme hypothèse la paiement par [16] à [15] le paiement d'une somme mensuelle de 160 000 euros, ce qui n'a économiquement aucun sens ; qu'[16] n'en aurait pas eu la capacité : ses comptes montrent que la Société a réalisé en 2022 un chiffre d'affaires de 1 788 793 euros, soit environ 150 000 euros par mois ; afin de convaincre de la faisabilité du plan de redressement envisagé, il fallait convaincre de la capacité de [15] à générer un chiffre d'affaires au moins égal au montant de ses charges ; c'est dans ce contexte que l'expert-comptable a pris la liberté, sans l'en aviser, de demander au comptable de la Société d'émettre des factures mensuelles de 160 000 euros, soit les quatre factures qu'il lui est reproché de ne pas avoir recouvrées auprès de [16].
La SARL [S] ' [14] réplique que la société [15] ne disposant plus de sa certification, M. [B] a eu l'idée de créer la société [16] et de faire signer un contrat de prestation de services entre les 2 structures ; ainsi qu'avait pu le remarquer l'administrateur judiciaire, ce contrat ne traite que de la mise à disposition d'une dizaine de ses collaborateurs par [15] au profit de [16] ; contrairement à ce qui aurait été fait dans le cadre d'une relation contractuelle normale, il n'est à aucun moment évoqué la question de la facturation de la mise à disposition des engins de chantiers nécessaires pour faire passer les tests et de la mise à disposition des locaux nécessaires aux enseignements théoriques ; la société [15] continuait pourtant de payer les charges afférentes (loyers, mensualités de prêt ou de locations financières) ; c'est la raison du déclin rapide de sa santé financière et économique ; que ce contrat ne comporte aucun tarif ; l'appelant fonde principalement son affirmation de paiements à concurrence de 924 000 euros sur une synthèse de virements qu'il a lui-même établie et qui n'est corroborée par aucun autre justificatif ; relativement aux virements qui sont justifiés, on ne sait pas à quoi ils correspondent dans la mesure où aucun document ne vient expliquer leur mise en 'uvre ; il convient de constater la totale aspiration du fonds de commerce de la société [15] par la société [16], laquelle aura atteint dès son 1er exercice un chiffre d'affaires de près d'1,8 millions d' euros HT ; la société [15] n'a procédé à aucune facturation de ses prestations pendant de nombreux mois ; la mise à disposition du personnel pour les mois de janvier à juin 2022 n'a ainsi été facturée que le 30 août 2022 ; cette facture laisse perplexe puisque, sur le montant global fixé à 329 420.81 euros, il est pratiqué une remise de 240 000 euros, soit 70% ; de la même manière, le loyer pour les mois de janvier à juin 2022 pour les locaux de [Localité 21] n'a été facturé que le 31 août 2022 ; aucune facturation n'était intervenue avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire le 20 juin 2022 ; les factures susmentionnées ont été faites à la « va-vite » car les organes de la procédure souhaitaient plus d'informations ; ce qui est reproché à l'appelant est précisément de ne pas avoir facturé les prestations de sa société au moment où elles auraient dû l'être, c'est-à-dire dès le début de l'année 2022, soit bien avant le jugement d'ouverture ; M. [W] [B] ne produit pas l'ensemble des factures qu'il qualifie de fictives ; les relevés prouvant les versements ne correspondent à aucune des factures ; l'appelant a fini par reconnaître que [16] était débitrice envers la société [15] de la somme astronomique de 810 000 euros ; les prestations les plus anciennes datent de janvier 2022 et sont donc dues depuis lors ; pourtant, aucune mesure de recouvrement n'a été prise par la société [15] ; dans le cadre de relations contractuelles normales, la société [15] aurait immédiatement cessé tout partenariat avec [16] tant que la situation n'aurait pas été régularisée ; cela lui était d'autant plus facile qu'elle était propriétaire de tout le matériel et qu'elle était l'employeur du personnel mis à disposition ; elle ne l'a pas fait en raison de la confusion totale entretenue par les dirigeants dans la gestion des différentes structures ; les mesures de recouvrement, si les relations entre les deux sociétés avaient été normales, auraient dû intervenir dès le début de l'année 2022, soit bien avant le jugement de redressement judiciaire.
Elle ajoute qu'en l'absence de paiement par [16], la société [15] n'a pu faire face à ses propres charges qu'en s'endettant ; c'est ainsi qu'elle a réussi à obtenir un prêt garanti par l'état de 300 000 euros auprès de la [7] ; les fonds ont été mis à disposition le 15 avril 2022, soit peu avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; il n'a été donné aucune justification sur l'utilisation des fonds octroyés dont le montant est pourtant important ; la seule explication logique est donc que ce PGE a permis de payer des dettes accumulées par [15] du fait des non-paiements de [16] ; autrement dit, [15] a purement et simplement soutenu une société tierce avec laquelle elle n'avait pourtant aucun lien capitalistique.
Le Ministère public conclut que le contrat de prestation de services conclu présente un caractère déséquilibré au détriment de la société [15] et, qu'en raison de l'absence facturation avant l'ouverture de la procédure collective, la faute de gestion est caractérisée. S'agissant de l'absence de recouvrement, il ajoute que ces faits ne constituent pas une faute susceptible d'engager la responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant.
Réponse de la cour :
Il résulte notamment de la décision du Préfet de la région d'Île-de-France du 11 octobre 2022 qu'en raison du constat que [15] ne disposait pas de la certification CACES avant le 16 septembre 2020, le certificateur [12] a suspendu officiellement le certificat pour faire passer les tests correspondant aux catégories R-485 et R-489 le 15 mars 2021 et a constaté l'absence de possibilité de faire passer les tests pour les recommandations R-482, R-486 et R-490. Pour autant, la société a continué de proposer ses formations pour obtenir les CACES correspondants.
Le 10 août 2021, la société signe un contrat de prestation de service avec [16] Conseils et Examens pour la validation des CACES et la collaboration en « Tous domaines de formation professionnelle pour lesquels PARTENAIRE ([15]) est compétent ».
Aux termes de la convention, la société [15] s'engage à former les candidats au CACES au profit de son cocontractant qui l'agrée, agrée ses documents de formation, moyennant une formation sur les process de ce partenaire. Les formateurs de [15] sont agréés.
Une tarification est prévue à l'article 6, sous forme d'annexe, modifiable chaque année.
Le contrat prévoit que [15] adresse ses factures rapidement.
Or, aucune annexe financière n'est produite pour les années 2021 et 2022, de telle sorte que l'engagement de [15] n'a aucune contrepartie visible.
Ce contrat ne prévoit aucune clause relative à la mise à disposition du matériel et des locaux pourtant utilisés par [16].
S'agissant de l'absence de facturations pour l'année 2022 qui est reprochée à M. [W] [B], il est constaté :
- Une facture 22-000642 pour les prestations de main d''uvre antérieures à compter du 1er janvier 2022, qui n'a été émise que le 30 août 2022.
- Une facture 22-000643 pour la refacturation des loyers sur la même période.
- L'existence de deux factures du 2 février 2022 (référence 22-000079) et du 10 mars 2022 (référence 22-000201) pour les formations de janvier et février pour chacune une somme de 80 000 euros. La seconde facture annonce un solde débiteur de 15 500 euros sur la précédente facture.
- Il n'est pas déposé de factures postérieures.
Il est ainsi démontré qu'en violation même des termes du contrat de partenariat, [15] n'a pas émis l'ensemble des factures pour l'ensemble de la période et couvrant l'ensemble des prestations offertes, puisque seulement deux factures sont produites. En outre, la facture 22-000642 et la facture 22-000643, hors périmètre de la convention et émises après l'ouverture de la procédure, visent pour partie une période antérieure. M. [W] [B] n'explique pas les raisons pour lesquelles il avait renoncé à facturer les loyers pour l'occupation par [16] de ses locaux. La refacturation des frais de personnels n'est pas expliquée, faute de démontrer qu'ils étaient délégués à [16] hors cadre de la convention.
S'agissant du paiement des factures, la production des comptes de janvier à juin 2022 démontre un paiement partiel de la première et de la seconde, le paiement d'autres factures, non produites, mais référencées pour l'année 2022 sur un échelonnement de plusieurs mois, de telle sorte que la seconde était partiellement impayée à l'ouverture de la procédure. Pour autant, il n'est pas réellement démontré d'absence de volonté de recouvrement, au regard des paiements constatés.
Il est donc constaté :
- l'irrégularité des facturations pour l'usage des locaux ;
- l'absence d'explications sur les coûts de fonctionnement de [15] et des bases de facturation à [16] ;
- l'absence d'annexe financière définissant les redevance dues et les prestations prises en charge,
- la part majoritaire des ressources de [15] en 2022 qui relevaient de prestations facturables à [16].
Ainsi, les prestations prévues dans le contrat de prestation de service étaient déséquilibrées et déterminent une captation de la clientèle de cette société vers [16]. Ce déséquilibre est confirmé par la critique des facturations postérieures opérées par l'administrateur judiciaire
Le rapport de l'administrateur judiciaire est ainsi confirmé en ce qu'il relève le caractère anormal des contrats, [16] utilisant les locaux, les équipements et le matériel de [15] sans qu'aucune rémunération ait été versée en 2022.
Une des conséquences de ces fautes ont été l'obligation de souscrire un prêt de trésorerie obtenu le 15 avril 2022 auprès de la [7] pour la somme de 300 000 euros.
La faute de gestion pour avoir fait des biens ou du crédit de [15] un usage contraire à l'intérêt de celle-ci pour favoriser une autre personne morale -[16], dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement, en sa qualité de porteur de part à égalité avec son épouse, est donc caractérisée.
L'octroi du prêt a retardé la date de cessation des paiements et constitue l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds. Cela a aggravé l'insuffisance d'actif.
Ces fautes sont antérieures à la cessation des paiements et ont contribué à l'insuffisance d'actif à hauteur de 300 000 euros.
Par conséquent, elles constituent une faute de gestion au sens de l'article L.651-2 du code de commerce.
- Sur la revente de matériels de [15] à [16] :
Moyens des parties :
M. [W] [B] expose que la comparaison entre les factures d'acquisition avancées et les factures de cession ne permet nullement de conclure qu'il s'agirait des mêmes matériels, bien au contraire ; ces factures ne portent pas sur des matériels identiques ; les factures d'achat produites en pièce n°15 b, c, et d sont des factures « pro-forma » établies pour l'obtention d'un prêt bancaire auprès de la [7] ; en septembre 2021, les conséquences de la crise covid continuaient à se faire sentir ; la société n'a finalement pas commandé ces matériels, compte tenu des délais de livraison ; s'agissant des véhicules (2 Renault Clio et 1 Renaut Master), ils ont été acquis par la Société en septembre et novembre 2020 aux prix hors taxes respectifs de 5 500 euros, 4 833,33 euros et 6 250 euros ; les factures de revente de ces véhicules à [16] (les plaques d'immatriculation permettent de s'assurer de la correspondance des modèles) montrent que ces cessions sont intervenues à des prix de 4.297 euros, 4.113 euros et 5.354 euros au mois de février 2022 ; toutes les factures de cession entre [16] et [15] mentionnent la valeur nette comptable des éléments cédés, qui correspond exactement à leur prix de cession.
La SARL [S] ' [14] réplique que le commissaire-priseur n'a retrouvé aucun matériel appartenant à la société ; cette dernière avait pourtant souscrit un prêt de 382 000 euros auprès de la [7] pour acheter des véhicules Renault Master, du matériel de BTP et financer différents travaux ; le solde de ce prêt fait d'ailleurs partie du passif admis à hauteur de 332 000 euros ; la société [16] semble avoir racheté l'intégralité du matériel d'exploitation pour un prix défiant toute concurrence puisqu'il s'élève à 77 000 euros ; il s'agit là d'actes de gestion tout à fait anormaux, ce, d'autant plus qu'on ne sait même pas si les factures de cession ont été payées ; l'appelant ne produit pas les factures d'acquisition du reste du matériel dont la valeur était bien supérieure à celle des véhicules qu'il évoque, les factures produites comme [17] ne portant pas cette mention.
Le Ministère public conclut qu'il ressort des éléments apportés par le liquidateur judiciaire que le commissaire-priseur n'a retrouvé aucun matériel appartenant à la société [15] ; le liquidateur soutient que la société [16] semble avoir racheté l'intégralité du matériel d'exploitation pour un prix de 77 000 euros ; toutefois, d'après les factures apportées par M. [W] [B], la société n'a pas commandé l'ensemble du matériel ; le dirigeant relève que les véhicules ont été acquis par la société au prix de 5 500 euros, 4 833 euros et 6 250 euros, et que ces véhicules ont été revendus à la société [16] au prix de 4 297 euros, 4113 euros et 5 354 euros ; au regard de ces éléments, la cour pourra apprécier l'existence d'actes de gestion anormaux.
Réponse de la cour :
Le liquidateur produit différentes factures d'achat de véhicules et de matériels, à savoir :
Cocontractant
Date facture
Bien acquis
Montant en euros
[8] 62
01 10 2021
2 Renault Master
100 000
SARL [13]
27 09 2021
Equipements
50 000,04
[19]
23 09 2021
Matériels et travaux
72 900
[20]
26 08 2021
Matériel
177 240
Ces factures ne portent aucune mention [17]. La dernière facture indique qu'elle doit être payée par virement à un mois de son émission. Ces factures ont été produites pour obtenir le déblocage d'un prêt de 382 000 euros qui a été régulièrement déclaré au passif de la procédure. En effet, la justification du prêt résulte de l'état de la créance déclarée par la [7] qui ventile le prêt de la manière suivante :
- Achat de matériel fibre optique : 45 000 euros et divers équipements, à rapprocher de la facture de la SARL [13] ;
- Achat de véhicule showroom pour 100 000 euros, à rapprocher de la facture [8] ;
- Achat de matériel pour 177 000 euros, à rapprocher de la facture [20] ;
- Travaux d'aménagement : 60 000 euros, à rapprocher de la facture [19].
Dès lors, M. [W] [B] échoue à démontrer que ce matériel n'a pas été acheté. Le commissaire-priseur n'a retrouvé aucun matériel à la date de son inventaire.
S'agissant des factures de rachat par [16] de matériels, elles ne correspondent pas aux factures présentées dans le tableau ci-dessus, mais à d'autres factures concernant la revente de deux véhicules Clio et d'un Renault Master, à un prix correspondant à la décote normale après utilisation.
La faute de gestion doit donc être retenue.
Elle caractérise en outre un détournement des actifs acquis par la société, dont il n'a pas été démontré qu'ils ont été acquis par [16].
Ces fautes sont antérieures à la cessation des paiements.
Ces fautes de gestion sont antérieures à la cessation des paiements, elles ont contribué à l'insuffisance d'actif à hauteur d'une part du montant du prêt de 382 000 euros et d'autre part du montant total du matériel disparu qui aurait été un actif susceptible de régler des créanciers.
- Sur la capacité de [15] de dispenser des stages, y compris pendant la période de suspension de sa certification CACES :
Moyens des parties :
M. [W] [B] expose que le Liquidateur lui reproche d'avoir, via [15], pris en charge des formations avant d'avoir obtenu la certification [12] (accordée en septembre 2020) et pendant la période de suspension, c'est-à-dire entre le 15 mars 2021 et le mois d'octobre 2022 ; la société aurait enfreint la loi et ce qui aurait eu pour conséquence sa condamnation à rembourser les financements obtenus pendant cette période, soit la somme de 384 496,89 euros au titre de l'inexécution des actions de formations de la société et de 177 884,05 euros, solidairement avec lui, au titre de dépenses non rattachables à l'activité de formation ; il affirme encore que 486 stagiaires n'auraient pas dû obtenir leur CACES sans que l'on sache d'où il tire ce chiffre ; les condamnations mises à la charge de la société ont été réduites de 90% par rapport aux préconisations des rapports de contrôle dont elle a fait l'objet aux mois de décembre 2020 et d'octobre 2021 ; le Liquidateur n'hésite pas à présenter l'activité de la société comme une quasi-escroquerie, sans restituer à la cour la réalité et l'intégralité des faits, à savoir que le bien-fondé de la décision du préfet est le c'ur d'un débat juridique extrêmement sérieux, dont le tribunal administratif de Paris est aujourd'hui saisi ; ce débat dure depuis 2021 ; il entend démontrer devant cette juridiction que le droit lui permettait de poursuivre les formations ; la condamnation par le tribunal judiciaire de Meaux du 1er février 2024 qui a annulé les conventions de formation de huit anciens stagiaires d'[15] résulte des caractéristiques des stagiaires, et non d'un comportement de [15], ce qui contrevient à la définition de l'article 1137 du code civil.
La SARL [S] ' [14] réplique que [12] a suspendu officiellement le certificat de [15] en date du 15 mars 2021 ; cette suspension a duré plus d'un an ; elle a été levée au mois d'octobre 2022 ; par décision du préfet en date du 11 octobre 2022, la société a été condamnée, notamment, à reverser au trésor les sommes indûment perçues à hauteur de 384 496,89 euros et 177 884,05 euros (solidairement avec le dirigeant) soit un total de 562 380,94 euros ; dans ce contexte, 486 stagiaires n'ont pas pu obtenir leur certification CACES ; il existe à ce jour, 7 instances en cours en vue de constater les man'uvres dolosives de la société [15] qui n'a pas délivré les permis CACES à l'issue des formations et de la condamner à régler des dommages et intérêts pour perte de chance de trouver un emploi ; ces fautes ne sont pas de simples négligences ; la décision du préfet relate diverses difficultés relatives à l'absence de certification de l'organisme ou de son partenaire.
Le Ministère public conclut qu'il convient de considérer au regard de ces éléments que la société [15] a exercé son activité en l'absence de certification ; un tel acte de gestion est constitutif d'une faute.
Réponse de la cour :
L'article L. 6362-6 du code du travail énonce que :
« Les organismes chargés de réaliser tout ou partie des actions mentionnées à l'article L. 6313-1 présentent tous documents et pièces établissant les objectifs et la réalisation de ces actions ainsi que les moyens mis en 'uvre à cet effet.
A défaut, celles-ci sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement au cocontractant des sommes indûment perçues. »
La décision du Préfet de la région Île-de-France rappelle que le premier rapport de contrôle effectué sur la société n'a pas permis la justification des actions de formation financées par les OPCO et la CDC. Sur observations de la société, la mission de contrôle a effectué une mission sur place. Il en ressort que du 1er janvier au 15 septembre 2020 :
- Les conventions de stage ont été signées, promettant qu'un organisme habilité délivrerait les CACES sans que n'apparaisse de contrats de sous-traitance à ce sujet.
- Le passage des tests a dû être décalé le temps ' plusieurs mois à un an - que des conventions soient signées.
- Des attestations temporaires, sans valeur juridique, ont été délivrées par [15] à plusieurs stagiaires.
- Aucun enregistrement au RNCP des CACES obtenus n'a été réalisé.
Entre le 15 septembre et le 31 décembre 2020, des conventions ont été signées et des paiements demandés. Cependant :
- Cinq certificats ont été délivrés par [16] qui n'avait pas contracté avec [15] ; il en est de même de [18] pour deux stagiaires.
- 48 certificats ont été délivrés par [15] postérieurement à la suspension de sa certification.
Des manquements similaires sont retenus pour des conventions de formations conclues avec des particuliers qui finançaient eux-mêmes leurs formations.
Le préfet relève l'absence de respect par la société des dispositions contractuelles relatives au délai de rétractation, au calendrier des paiements et au délai exagérément long entre la fin dus stage et le passage de l'épreuve de certification. Le préfet reproche notamment à [15] d'avoir fait signer des conventions de formation sans qu'aucun contrat n'ait été passé avec un organisme certificateur préalablement.
Si la décision a été déférée au Tribunal administratif de Melun, M. [W] [B] ne dépose aucune pièce susceptible de remettre en cause les constatations rapportées par la mission de contrôle, notamment les conventions de sous-traitance qui auraient été conclues avec les organismes certificateurs.
Il en résulte que la société a sciemment dissimulé sa situation aux personnes formées, qui a généré des délais importants dont elle est seule responsable. Elle a en outre délivré des certificats alors qu'elle n'était plus habilitée à le faire.
Le dol a été retenu par le tribunal judiciaire de Meaux dans son jugement du 1er février 2024 à l'égard de 8 contrats qui ont été annulés du fait qu'il n'a pas été clairement indiqué aux cocontractants que [15] n'était pas l'organisme habilité à délivrer le CACES, l'ambiguïté de la clause contractuelle étant particulièrement mise en avant dès lors qu'elle ne portait pas à la connaissance des stagiaires cette information. Selon le tribunal, ces derniers étaient donc poussés à croire que [15] était l'organisme certificateur. Le montant total des condamnations prononcées s'est élevé à 7 348 euros en principal et 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dès lors, la fraude consistant à obtenir des financements et des paiements pour une certification qu'elle ne pouvait délivrer à l'issue contractuelle de la formation, faute d'avoir contracté préalablement avec des établissements habilités à délivrer le CACES, a conduit à la poursuite d'une activité déficitaire qui ne pouvait qu'aboutir à la cessation des paiements.
Le passif réclamé est de 384 496 euros, soumis à un recours devant le tribunal administratif de Melun.
Il sera noté à cet égard, qu'antérieurement à la procédure, la société était débitrice envers la DGFIP de 94 720,84 euros ayant donné lieu à une promesse unilatérale de paiement non respectée en janvier 2022 pour des dettes d'impositions de 2020 et envers l'URSSAF de 404 854 euros pour des cotisations impayées depuis mars 2020. Le déficit constaté sur le bilan de l'année 2021 s'élève à plus de 600 000 euros. M. [W] [B] ne démontre pas l'existence d'un actif disponible pour y faire face. S'il indique que la perte d'agrément n'a été que temporaire et qu'il existait des perspectives de redressement, au regard des bilans antérieurs, aucune pièce n'en justifie.
Ces éléments démontrent une poursuite abusive de l'activité déficitaire de [15], qui était dans une situation qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, dans l'intérêt personnel de son dirigeant qui, du fait des flux financiers dirigés vers la société [16] dont il était actionnaire et dirigeant social, en profitait indirectement.
Ces fautes sont antérieures à la cessation des paiements et ont contribué à l'insuffisance d'actif à hauteur des montants des condamnations devant le tribunal judiciaire de Meaux en faveur des étudiants (9348 euros).
Elles ont aussi contribué à l'insuffisance d'actif à concurrence de la créance admise de la DRIEETS 77. En effet, nonobstant le recours devant le tribunal administratif de Meaux, cette créance a été admise pour 562 380,94 euros par ordonnance du juge commissaire du 25 avril 2024. S'agissant de la demande de condamnation au paiement de la somme de 384 496 euros au titre de la décision préfectorale ordonnant la restitution des fonds publics perçus avant la cessation des paiements, la créance est contestée devant le tribunal administratif de Melun mais uniquement par M. [W] [B] en son nom personnel, tel que cela ressort de son mémoire en réplique. Dès lors, la décision d'admission n'est plus contestable.
- Sur le quantum de l'insuffisance d'actif mise à la charge de M. [W] [B] :
Moyens des parties :
M. [W] [B] expose que l'insuffisance d'actif doit être appréciée au jour où la juridiction statue ; qu'il forme toutes réserves sur ce point, étant précisé qu'il n'a jamais été consulté dans le cadre de la vérification du passif de [16].
Il expose qu'en matière d'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, les juridictions disposent d'un pouvoir d'appréciation quant au montant des condamnations qu'elles sont susceptibles de prononcer à l'égard des dirigeants poursuivis ; elles peuvent ainsi prendre en considération les efforts consentis par celui-ci pour diminuer le passif et leur situation financière ; sa situation financière personnelle ne lui permet pas d'assumer une telle condamnation ; il n'a pas de revenus fixes ; ses comptes bancaires, à l'exception d'un seul ont été clôturés ; il est garant des engagements de la société.
La SARL [S] ' [14] réplique que si une même personne a été le dirigeant de plusieurs personnes morales, l'insuffisance d'actif que ce texte permet, aux conditions qu'il prévoit, de mettre à sa charge doit comprendre celle de l'ensemble des personnes morales dont cette personne a été le dirigeant et auxquelles la procédure de liquidation judiciaire a été étendue sur le fondement d'une confusion de patrimoines ; en l'espèce, si M. [W] [B] n'était pas le dirigeant de la société [16], il était néanmoins le directeur général de la société [9], présidente de droit de la société [16] ; la Cour de cassation s'est prononcée en faveur d'une prise en compte de la responsabilité du dirigeant personne physique de la personne morale elle-même dirigeante de la société liquidée ; la cour devra se prononcer en tenant compte de l'insuffisance d'actif globale, c'est-à-dire à la fois celle de la société [15], mais aussi celle de la société [16] ; les comptes de la liquidation sont les suivants : Passif admis : 2697 K € ; Actif réalisé : 39 K € ; Insuffisance d'actif : 2658 K € ; les comptes de la liquidation de la société [16] à qui la procédure a été étendue sont les suivants : Passif admis : 411 K € ; Actif réalisé : 37 K € ; Insuffisance d'actif : 374 K € ; l'insuffisance d'actif globale est de 3 032 000 euros parfaitement établie.
Elle ajoute que chacune des fautes reprochées à l'appelant a contribué à la constitution de ce passif, notamment :
- 810 000 euros dus au titres prestations initialement non facturées puis finalement non payées ;
- 300 000 euros au titre de la souscription d'un PGE dont on ignore à quoi il a servi si ce n'est à compenser l'absence ou le manque de paiement par [16] ;
- 332 000 euros au titre du solde du prêt d'acquisition du matériel, ce dernier ayant été revendu quelques mois plus tard pour seulement 77 000 euros ;
- 384 496 euros au titre de la condamnation à restituer les fonds publics perçus ;
- 9348 euros au titre des contrats annulés ;
Et que la demande de confirmation du jugement est donc totalement justifiée.
Le Ministère public rappelle que le passif admis s'élève à un montant de 2 748 408 euros pour un actif de 9 000 euros outre la somme de 800 000 euros à recevoir de la société [16] ; l'insuffisance d'actif de la société [15] s'élève à un montant de 1 939 048 euros ; quatre fautes de gestions peuvent être retenues à l'encontre de M. [B] [W] à savoir un déséquilibre dans le contrat de prestation, une absence de facturation des prestations, une revente de matériel et la proposition de stage sans certification ; la relation avec la société [16] a ainsi contribué à l'aggravation de l'insuffisance d'actif de la société [15].
Réponse de la cour :
Selon l'article L. 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.
Si une juridiction, faisant application de ce texte, doit apprécier le montant de la contribution du dirigeant à l'insuffisance d'actif de la société en fonction du nombre et de la gravité des fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, il n'est pas tenu de prendre en considération le patrimoine et les revenus du dirigeant fautif (Com., 1 octobre 2025, pourvoi n° 23-12.234).
L'insuffisance d'actif est égale au passif antérieur déclaré admis, moins l'actif réalisé ou la valorisation certaine de l'actif. Seules les dettes nées avant le jugement d'ouverture peuvent être prises en compte pour la détermination de l'insuffisance d'actif.
Si une même personne a été le dirigeant de plusieurs personnes morales, l'insuffisance d'actif que ce texte permet, aux conditions qu'il prévoit, de mettre à sa charge doit comprendre celle de l'ensemble des personnes morales dont cette personne a été le dirigeant et auxquelles la procédure de liquidation judiciaire a été étendue sur le fondement d'une confusion de patrimoines (Com., 8 mars 2017, pourvoi n° 15-22.337, Publié au bulletin).
Il résulte de la combinaison des articles L. 227-7, L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce que, lorsque la personne morale mise en liquidation judiciaire est une société par actions simplifiée (SAS) dirigée par une personne morale, la responsabilité pour insuffisance d'actif, prévue par le troisième texte précité, est encourue non seulement par cette personne morale, dirigeant de droit, mais aussi par le représentant légal de cette dernière, en l'absence d'obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent de la personne morale dirigeant au sein d'une SAS (Cass. Com., 13 décembre 2023, 21-14.579, Publié au bulletin).
Il en résulte d'une part que les patrimoines actifs et passifs sont confondus en une seule masse et d'autre part que si l'une des sociétés à laquelle la procédure a été étendue du fait de la confusion des patrimoines était créancière de la société placée initialement en liquidation judiciaire, la créance est éteinte par le jeu de la compensation. Dès lors la dette doit donc être retranchée du passif exigible.
Le passif de [15] s'élève à 3 739 278,88 euros, dont 2 397 220,77 euros échus, 64 639 euros contestés et 966 794,11 euros rejetés. Le passif admis est de 2 697 345,77 euros.
L'actif réalisé s'est élevé à 39 000 euros.
L'insuffisance d'actif est avérée.
Le passif de [16] s'élève à 495 489,55 euros dont 410 934,77 euros échus, et 84 554,78 euros rejetés, soit un passif admis de 410 934,77 euros. L'actif réalisé s'élève à 37 000 euros. L'insuffisance d'actif est donc caractérisée.
Le total du passif admis s'élève donc à 3 108 280,54 euros.
[15] étant débitrice de [16] pour la somme de 810 000 euros, cette dette est éteinte du fait de la confusion des patrimoines.
Comme il a été établi, les fautes admises de M. [W] [B] ont contribué directement au passif suivant :
- 300 000 euros au titre de la souscription d'un PGE afin de financer l'activité de la société [15] alors qu'elle était structurellement déficitaire, du fait du déséquilibre de la convention de prestation de services avec [16] ;
- 332 000 euros au titre du solde du prêt d'acquisition du matériel, dont l'actif a été détourné, du fait qu'il ne se retrouve pas dans les inventaires ;
- 384 496 euros au titre de la décision préfectorale ordonnant la restitution des fonds publics perçus avant la cessation des paiements du fait de la proposition de stages sans certification délivrée par [15] ;
- 9348 euros au titre de la condamnation pécuniaire au titre des contrats annulés du fait de la faute du dirigeant pour avoir fait contracter des stages sans indiquer clairement que [15] ne serait pas l'organisme certificateur.
Cette insuffisance d'actif s'élève donc à 1 025 844 euros.
La sanction tendant à mettre à la charge de M. [W] [B] doit être proportionnée au regard de la gravité des manquements exposés dans les motifs qui précèdent qui démontrent :
- une volonté de dissimulation de la situation administrative de l'entreprise,
- une gestion opérée uniquement au profit de la société [16] Conseils et Finances dans le cadre du retrait de l'habilitation et d'une convention de partenariat déséquilibrée,
- la recherche de moyens ruineux pour financer une activité structurellement déficitaire ;
- l'obtention indue de financements publics dans le cadre de prestations non effectuées dans le cadre contractuel.
Cette situation a eu pour effet la création d'un passif et des détournements d'actifs importants.
Il importe peu à cet égard que M. [W] [B] soit caution des engagements de la société.
Le montant du passif mis à la charge de M. [W] [B] sera donc fixé à la somme de 500 000 euros.
- Sur le bien-fondé de l'interdiction de gérer et la mesure de faillite personnelle prononcée :
Moyens des parties :
M. [W] [B] expose que la suspension de la certification CACES, le 15 mars 2021, a été temporaire ; qu'elle a été rétablie le 27 décembre 2021 avec effet rétroactif au 11 janvier 2021 ; la décision de sanction a été prise par le préfet de la Région Île de France le 11 octobre 2022, c'est-à-dire pendant la période d'observation de la procédure de redressement judiciaire de la société ; dès lors, il est faux d'affirmer qu'avant cette date, la société n'avait définitivement plus de perspectives ; contrairement à ce que prétend le Liquidateur, le fait que la société ait connu une perte importante en 2021 (de l'ordre de 600 000 euros), n'implique pas que son activité ne pouvait alors conduire qu'à la cessation des paiements ; l'année précédente, en 2020, la société avait réalisé un résultat positif de 400 000 euros et que 2021 a été marqué par le retrait temporaire de son agrément CACES, qui l'a considérablement affaiblie ; le caractère irrémédiable de ces difficultés n'était pas à l'époque pas établi ; il n'a ni détourné, ni dissimulé en tout ou partie l'actif ni augmenté frauduleusement le passif, la dette envers l'administration fiscale étant contestée pour les raisons exposées ; il n'est pas démontré l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, ni de volonté de ne pas déclarer la cessation des paiements.
La SARL [S] ' [14] réplique qu'au regard des fautes retenues, la sanction est justifiée.
Le Ministère public conclut à la confirmation de la sanction au regard des fautes retenues.
Réponse de la cour :
L'article L. 653-4 du code de commerce dispose que :
« Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;
2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;
3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;
5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale. »
Les fautes retenues par la cour dans les motifs qui précèdent sont des griefs susceptibles d'entraîner une condamnation pour faillite personnelle sur les motifs retenus dans les motifs qui précèdent.
Ainsi, il a été retenu à l'encontre de M. [W] [B] les faits suivants :
- avoir fait des biens ou du crédit de [15] un usage contraire à l'intérêt de celle-ci pour favoriser une autre personne morale -[16], dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement, en sa qualité de porteur de part à égalité avec son épouse, est donc caractérisée ;
- l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
- la fraude consistant à obtenir des financements et des versements pour une certification qu'elle ne pouvait délivrer à l'issue contractuelle de la formation, faute d'avoir contracté avec des établissements habilités à délivrer le CACES a conduit à la poursuite abusive, dans un intérêt personnel, d'une activité déficitaire qui ne pouvait qu'aboutir à la cessation des paiements.
Il sera précisé que si la décision du préfet est postérieure à l'ouverture de la procédure collective, la décision de suspendre la certification de [15] est antérieure. L'article L. 653-4 du code de commerce ne met pas comme condition aux faits générateurs de la sanction le caractère irrémédiable de la situation de la société.
La multiplicité des manquements sur une longue période, la confusion des patrimoines entretenue entre les deux sociétés et la recherche d'un maintien à tout prix d'activité par la recherche de crédits, la souscription de contrats dolosifs et l'obtention de financements indus et pour certains ruineux au regard de la mauvaise exécution des contrats, démontre l'incapacité de M. [W] [B] de gérer une entreprise et à gérer des fonds d'origine publique qui représentaient une part non négligeable de son chiffre d'affaires. L'accumulation d'un passif aussi important en deux ans est signe d'une absence de maîtrise des risques de la gestion. La sanction de la faillite personnelle pour une durée de 10 ans est donc adaptée.
M. [W] [B], qui succombe, sera condamné aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
ANNULE le jugement rendu le 20 septembre 2023 par le Tribunal de commerce de Meaux ;
ÉVOQUANT ;
CONDAMNE M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 500 000 euros, au titre de l'insuffisance d'actif de la SASU [15] ;
PRONONCE à l'encontre de M. [W] [B] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 10] (Algérie), de nationalité algérienne, une mesure de faillite personnelle emportant une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de 10 ans ;
CONDAMNE M. [W] [B] à payer à la SELARL [S]-[14], es-qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 1 500,00 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [W] [B] aux dépens ;
DIT qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT