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Décisions

CA Pau, 2e ch. 1 sect., 18 novembre 2025, n° 24/01923

PAU

Autre

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cofidis (SA), Ekip (SELARL)

Défendeur :

Cofidis (SA), Ekip (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pellefigues

Conseillers :

M. Darracq, Mme Baylaucq

Avocats :

Me Vilain-Elgart, Me Crepin, SELARL LX Pau-Toulouse, SELARL Interbarreaux Paris - Lille HKH Avocats

JCP [Localité 10], du 4 juin 2024

4 juin 2024

Par jugement réputé contradictoire du 04 juin 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dax a :

DECLARE recevable la demande en paiement formée par la société COFIDIS,

PRONONCE la nullité des contrats de vente souscrits entre Monsieur et Madame [N] et la société ENR & CO,

PRONONCE par conséquent la nullité des contrats de crédit affectés souscrits entre Monsieur et Madame [N] et la société COFIDIS,

CONDAMNE solidairement Monsieur et Madame [N] à payer à la société COFIDIS les sommes suivantes :

8500 € au titre du prêt du 20 octobre 2021,

6000 € au titre du prêt du 7 janvier 2022,

DEBOUTE les parties du surplus de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu a application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement Monsieur et Madame [N] aux dépens.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 04 juillet 2024, Monsieur [R] [N] et Madame [L] [Y] épouse [N] ont relevé appel de cette décision.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 10 septembre 2025.

Dans leurs dernières conclusions du 23 juillet 2024, Monsieur [R] [N] et Madame [L] [N] ont demandé à la cour de :

Vu le Jugement du Tribunal Judiciaire de DAX en date du 4 Juin 2024,

Vu la Jurisprudence citée et les dispositions des articles L312-44 à L312-56 du Code de la Consommation ;

Il est demandé à la Cour de :

Recevoir Monsieur et Madame [R] [N] de leur appel,

Les déclarer bien fondés et y faisant droit ;

Infirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de DAX en date du 4 Juin 2024 en ce qu'il a :

- Condamné Monsieur et Madame [R] [N] à payer à la SA COFIDIS la somme de 8.500 euros au titre du prêt du 20 Octobre 2021 ;

- Condamné Monsieur et Madame [R] [N] à payer à la SA COFIDIS la somme de 6.000 euros au titre du prêt du 7 Janvier 2022 ; - Les a déboutés de leurs demandes fondées sur le dispositif de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

En tout état de cause,

Condamner la SA COFIDIS au paiement d'une indemnité de 3.600 €uros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner la SA COFIDIS aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 octobre 2024, la société Cofidis a demandé à la cour de :

A titre principal,

Déclarer COFIDIS recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions.

Y faisant droit,

Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

Y ajoutant :

Condamner solidairement Monsieur [R] [N] et Madame [L] [N] née [Y] à payer à la SA COFIDIS la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Condamner solidairement Monsieur [R] [N] et Madame [L] [N] née [Y] aux entiers dépens.

La SA COFIDIS conclut à :

A titre principal,

Déclarer COFIDIS recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions.

Y faisant droit,

Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

Y ajoutant :

Condamner solidairement Monsieur [R] [N] et Madame [L] [N] née

[Y] à payer à la SA COFIDIS la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article

700 du CPC.

Condamner solidairement Monsieur [R] [N] et Madame [L] [N] née

[Y] aux entiers dépens.

La Selarl Ekip', prise en sa qualité de liquidateur de la SAS Enr&Co Developpement n'a pas constitué avocat

SUR CE

Selon bon de commande en date du 20 octobre 2021, Monsieur [R] [N] et Madame [L] [N] née [Y] ont fait l'acquisition auprès de la SAS Enr&Co Developpement d'une batterie de stockage d'électricité destinée à équiper une installation photovoltaïque, moyennant un prix de 8 500 euros TTC.

Le même jour, afin de financer l'acquisition du matériel Monsieur [R] [N] et Madame [L] [N] ont signé un contrat de prêt affecté auprès de la SA Cofidis d'un montant de 8500 euros, portant intérêt au taux nominal annuel de 3, 33%, remboursable en 56 mensualités.

Les fonds ont été débloqués au profit du vendeur par virement du 08 novembre 2021.

Selon bon de commande en date du 07 janvier 2022, Monsieur [R] [N] et Madame [L] [N] ont fait l'acquisition auprès de la même société d'une centrale pilotage Comwatt, moyennant un prix de 6 000 euros HT.

Le même jour, afin de financer l'acquisition de ce second matériel Monsieur [R] [N] et Madame [L] [N] ont signé un contrat de prêt affecté auprès de la SA Cofidis d'un montant de 6 000 euros, portant intérêt au taux nominal annuel de 3, 23%, remboursable en 40 mensualités.

Les fonds ont été débloqués au profit du vendeur par virement du 1er février 2022.

Des échéances des crédits étant demeurées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme des deux contrats, après avoir vainement mis en demeure les débiteurs.

Suivant acte de commissaire de justice du 17 juin 2022, la société Cofidis a assigné Monsieur et Madame [N] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dax en paiement des échéances impayées.

Suivant acte de commissaire de justice du 13 décembre 2023, Monsieur et Madame [N] ont assigné la Selarl Ekip' en intervention forcée, en sa qualité de liquidateur de la société Enr&Co Developpement.

Les consorts [N] soutiennent que la SA Cofidis a commis plusieurs manquements lors de la libération des fonds, la privant dès lors de sa créance de restitution.

Ils reprochent à banque de ne pas avoir vérifié la complète et bonne exécution du contrat principal.

Ils relèvent que les bons de livraison ont été signés par Monsieur [R] [N] seul alors que les bons de commande et les contrats de prêt ont été signés par les deux époux.

Ils font valoir par ailleurs que la banque n'a pas procédé aux vérifications nécessaires lui permettant de se rendre compte de l'irrégularité du bon de commande au regard des dispositions du code de la consommation. Elle expose que la date de naissance de Monsieur [R] [N] figurant sur le premier bon de commande est erronée et qu'elle n'a pas été renseignée sur le second bon de commande.

Enfin, ils affirment que les bons de commande et de livraison ont été signés le même jour.

En réponse, la société Cofidis soutient n'avoir commis aucun manquement lors de la libération des fonds qui la priverait de sa créance de restitution.

Elle fait valoir, en se fondant sur un arrêt rendu par la Cour de cassation le 06 juin 2018, que la banque n'est pas tenue de s'assurer de la mise en service de l'installation avant la libération des fonds, sauf si elle s'y est engagée contractuellement, ce qui, selon elle, n'était pas le cas en l'espèce.

Elle argue en outre que s'agissant d'une opération non complexe, dans la mesure où celle-ci n'a pas nécessité l'intervention d'une entreprise tierce, les attestations de livraison signées par les emprunteurs suffisaient à permettre la libération des fonds. Elle précise qu'il importe peu que les attestations aient été signées par un seul des co-emprunteurs puisque ces derniers se sont engagés solidairement à rembourser les prêts litigieux.

Le prêteur fait valoir par ailleurs que le bon de commande n'était entaché d'aucune irrégularité de nature à justifier son annulation sur le fondement des dispositions du code de la consommation. Il considère que l'erreur sur la date de naissance de Monsieur [N] ne constitue qu'une simple erreur matérielle, d'autant que cette mention n'est pas imposée à peine de nullité par le code de la consommation. Il ajoute que le droit de rétractation des consorts [N] a été respecté, l'attestation de livraison et la libération des fonds ayant été réalisées postérieurement à l'expiration du délai de rétractation de 14 jours.

Cela posé, en droit, selon l'article L.312-55 du code de la consommation le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est judiciairement résolu ou annulé.

Il en résulte que l'annulation ou la résolution du contrat de crédit, consécutive à celle du contrat principal, emporte, en principe, restitution par l'emprunteur au prêteur du capital, que celui-ci a versé au vendeur à la demande de l'emprunteur.

Toutefois, la Cour de cassation juge de manière constante que le banquier commet une faute en consentant le crédit affecté sans avoir vérifié la régularité du contrat principal au regard des dispositions du code de la consommation ou en ne s'assurant pas de la complète exécution du contrat principal.

Ces fautes peuvent priver en toute ou partie le prêteur de sa créance de restitution dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

Selon, L. 221-5 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, le contrat conclu hors établissement comprend, à peine de nullité, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L.111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L.221-25 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L.221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Dans le cas d'une vente aux enchères publiques telle que définie par le permie alinéa de l'article L.321-3 du code de commerce, les informations relatives à l'identité et aux coordonnées postales, téléphoniques et électroniques du professionnel prévues au 4° de l'article L. 111-1 peuvent être remplacées par celles du mandataire.

En l'espèce, il convient de rappeler, qu'à hauteur d'appel, le débat porte sur la responsabilité de la SA Cofidis dans la libération des fonds, au regard, d'une part, de son obligation quant à la vérification de la régularité formelle du bon de commande par rapport aux dispositions du code de la consommation et, d'autre part, de celle relative à la vérification de la complète exécution du contrat. La nullité des contrats principaux et des crédits affectés n'est pas remise en cause.

L'article L. 221-5 du code de la consommation susvisé liste les informations que doit comporter le contrat conclu hors établissement à peine de nullité. Ces informations sont destinées, principalement, à permettre au consommateur de connaître précisément l'objet et l'étendue de son engagement et ainsi de consentir de manière éclairée. La mention de la date de naissance de l'acquéreur n'étant pas prescrite à peine de nullité, son omission ou son inexactitude ne saurait constituer qu'une simple erreur matérielle, insusceptible d'entacher le contrat de nullité ou de porter atteinte au consentement du consommateur. En conséquence la banque n'a pas manqué à son devoir de vérification de la régularité formelle du bon de commande.

En outre, la banque est obligée, avant de libérer les fonds, de s'assurer de la complète exécution du contrat. Les deux bons de commande litigieux portaient sur la livraison et la pose de matériels ; une « Batterie ENPHASE 1,2 KW » pour le premier et une « Centrale de pilotage Comwatt » pour le second. Les attestations de livraison et d'installation pré-imprimées afférentes à chacun des contrats ont été transmises à la SA Cofidis. Dans ces documents, Monsieur [R] [N], en cochant les cases prévues à cet effet, à confirmer « avoir obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises » et a constaté « expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés ». Il a en outre signé ladite attestation, en la précédant de la mention « bon pour accord sans réserve ». Ces documents sont donc clairs et dépourvus d'ambiguïté, de nature à convaincre la banque de la livraison et de l'installation effective des équipements conformément aux prestations convenues.

Il ne saurait dès lors lui être reprochée de ne pas avoir mené d'investigations supplémentaires, d'autant plus qu'il s'agit d'équipements et non d'une installation photovoltaïque complète, laquelle implique une opération d'une complexité supérieure, nécessitant des travaux menés souvent par plusieurs intervenants et une véritable mise en service. Par ailleurs, le fait que Monsieur [I] ait signé seul les attestations de livraison et d'installation est indifférent dès lors que les crédits souscrits par Monsieur [R] [N] et son épouse Madame [L] [N], en qualité de co-emprunteurs, engagent ces derniers de façon solidaire et indivisible à l'égard du prêteur.

Enfin, l'affirmation des consorts [N] selon laquelle les bons de commande et les attestations d'installation et de livraison ont été signés le même jour, au jour de la signature des bons de commande, repose sur de simples allégations, ils ne rapportent pas la preuve de ce que lesdites attestations ont été antidatées. En tout état cause, sauf connivence, seule la faute du vendeur aurait pu être recherchée, puisque les attestations communiquées à la banque sont postérieures à l'expiration du délai de rétractation.

Il résulte de ce qu'il précède que la SA Cofidis n'a commis aucun manquement susceptible de la priver sa créance de restitution.

En conséquence, les consorts [N] seront déboutés de leurs demandes et le jugement de première instance sera confirmé en toutes ses dispositions.

La somme de 1000 € sera allouée à la SA COFIDIS correspondant aux frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu par défaut en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne solidairement [R] [N] et [L] [Y] épouse [N] à payer à la SA COFIDIS la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.Dit les époux [N] tenus solidairement aux dépens.

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