CA Pau, 1re ch., 18 novembre 2025, n° 24/01270
PAU
Arrêt
Autre
PC/ND
Numéro 25/3135
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 18/11/2025
Dossier : N° RG 24/01270 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I2VN
Nature affaire :
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
Affaire :
[V] [I]
C/
[O] [G], S.A. ALLIANZ IARD
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Novembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 16 Septembre 2025, devant :
M. Patrick CASTAGNE, Président
Mme France-Marie DELCOURT, Conseillère
Mme Anne BAUDIER, Conseillère
assistées de Mme Hélène BRUNET, Greffière, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [V] [I]
née le 25 Juin 1952 à [Localité 8]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Jérôme MARBOT, avocat au barreau de Pau
INTIMES :
Monsieur [O] [G]
né le 11 janvier 1958 à [Localité 7] (60)
de nationalité française
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Olivier ROUVIERE, avocat au barreau de Pau
La société ALLIANZ IARD
société anonyme entreprise régie par le code des assurances
immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le n° 542 110 291
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
recherchée en sa qualité d'assureur de responsabilité de la SARL Ma Renov Habitat
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Isabelle ETESSE de la SELARL ETESSE, avocat au barreau de Pau
sur appel de la décision
en date du 19 MARS 2024
rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 11]
RG numéro : 22/01220
FAITS ET PROCEDURE
Mme [V] [I] est propriétaire d'un appartement au sein de la résidence [Adresse 10] située à [Localité 11] (64).
Au mois de mai 2018, son appartement a été inondé en raison d'un débordement du réseau des eaux pluviales de l'immeuble dû à un développement racinaire.
La SARL Ma Rénov Habitat, gérée par M. [O] [G], et assurée auprès de la SA Allianz IARD, a procédé à la pose de nouveaux parquets flottants sur une surface de 36m² dans l'appartement de Mme [I] et a édité, le 11 janvier 2019, une facture d'un montant de 3 178,47 € TTC
Deux semaines après la pose du parquet intervenue en décembre 2018, Mme [I] a constaté qu'il se soulevait dans une des chambres de son appartement.
La SARL Ma Rénov Habitat est intervenue pour remédier au désordre.
Le 26 mai 2019, Mme [I] a constaté que le parquet se soulevait dans toutes les pièces dans lesquelles il avait été changé.
Une expertise amiable a été diligentée par l'assureur protection juridique de Mme [I] à l'issue de laquelle un rapport a été établi le 3 septembre 2019.
Par acte du 8 octobre 2020, Mme [I] a fait assigner la SARL Ma Rénov Habitat devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Pau aux fins d'expertise judiciaire.
Par ordonnance du 18 novembre 2020, le juge des référés a fait droit à cette demande, et a désigné M. [C] [Z] pour procéder à l'expertise.
Par délibération du 22 janvier 2021, les associés de la SARL Ma Rénov Habitat ont décidé de sa dissolution anticipée et de sa mise en liquidation amiable.
Par délibération du 28 février 2021, la clôture des opérations de liquidation a été prononcée et l'avis de liquidation a été publié dans un journal d'annonces légales le 17 mars 2021.
La SARL Ma Rénov Habitat a été radiée du RCS de [Localité 11] le 6 avril 2021.
L'expert judiciaire a déposé le 2 juillet 2021 un rapport au terme duquel il retient l'existence de désordres affectant le parquet flottant litigieux, en impute la responsabilité à la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat et évalue à 9 048,60 € T.T.C. le coût des travaux de réfection.
Par actes du 30 juin 2022, Mme [I] a fait assigner M. [G], pris en son nom personnel, et la SA Allianz IARD, assureur de la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat devant le tribunal judiciaire de Pau aux fins d'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement contradictoire du 19 mars 2024, le tribunal judiciaire de Pau a :
- débouté Mme [I] de ses demandes,
- débouté la SA Allianz IARD de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [I] aux entiers dépens.
Au soutien de sa décision, le tribunal a retenu :
- que la réception des travaux peut être fixée au 11 janvier 2019 dès lors qu'à cette date, ils ont été intégralement réglés et que Mme [I] a pris possession des lieux,
- que les désordres affectant le parquet flottant, considéré comme un élément adjoint à l'existant et non destiné à fonctionner, relèvent de la responsabilité contractuelle du constructeur,
- qu'il est établi que les désordres sont apparus dans l'année suivant la fin des travaux de sorte qu'ils relèvent de la garantie de parfait achèvement qui pèse sur la SARL Ma Rénov Habitat, et non de la garantie des dommages intermédiaires qui ne peut en tout état de cause être recherchée qu'une fois que la garantie de parfait achèvement est expirée,
- que la pose de parquet n'entre pas dans les activités déclarées de la SARL Ma Rénov Habitat auprès de la SA Allianz IARD, de sorte que cette dernière ne doit aucune garantie,
- que Mme [I] ne peut rechercher la garantie responsabilité civile d'exploitation souscrite par la SARL Ma Rénov Habitat, laquelle n'a pas vocation à garantir les défauts d'exécution des ouvrages,
- que la SA Allianz IARD n'est pas responsable d'un manquement de son assurée à son obligation de déclaration, de sorte qu'il ne peut lui être reproché un manquement à son devoir de renseignement du fait de l'imprécision de l'attestation d'assurance qui engagerait sa responsabilité extracontractuelle à son égard,
- que l'ensemble des garanties de la SA Allianz IARD ne s'applique qu'aux activités déclarées par l'assurée, quelque soit le régime juridique de responsabilité recherchée,
- que la faute déclarative de M. [G] n'est pas à l'origine du dommage subi par Mme [I] dès lors que les désordres relèvent de la garantie de parfait achèvement et ne peuvent être garantis,
- que le fait de faire valoir ses droits à la retraite ne saurait constituer une faute imputable à M. [G], de nature à engager sa responsabilité personnelle, ni le fait d'avoir procédé aux opérations de clôture de la liquidation de sa société sans en avoir avisé précisément Mme [I].
Mme [V] [I] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 29 avril 2024 (RG n°24/01270), critiquant le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et condamnée aux entiers dépens.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Au terme de ses conclusions notifiées le 25 juillet 2024, Mme [V] [I] demande à la cour:
à titre principal:
- d'annuler le jugement déféré et statuant à nouveau:
> à titre principal, de condamner la SA Allianz IARD, assureur de la SARL Ma Rénov Habitat, à lui payer la somme de 11 930,83 € (à parfaire au jour de la décision) tous chefs de préjudices confondus en réparation des préjudices subis, la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire,
> à titre subsidiaire, de condamner M. [O] [G] à lui verser la somme de 11 930,83 € (à parfaire au jour de la décision) tous chefs de préjudices confondus en réparation des préjudices subis, la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire,
à titre subsidiaire:
d' infirmer le jugement par lequel le tribunal judiciaire de Pau a l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et statuant à nouveau:
> à titre principal, de condamner la SA Allianz IARD, assureur de la SARL Ma Rénov Habitat, à lui verser la somme de 11 930,83 € (à parfaire au jour de la décision) tous chefs de préjudices confondus en réparation des préjudices subis et la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire,
> à titre subsidiaire, de condamner M. [O] [G] à lui verser la somme de 11 930,83 € (à parfaire au jour de la décision) tous chefs de préjudices confondus en réparation des préjudices subis, la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire,
Au soutien de ses demandes, elle fait valoir, au visa des articles 1240, 1792 et 1792-1 du code civil, et L. 124-3 du code des assurances :
- que le jugement doit être annulé pour défaut de motivation, le tribunal n'ayant pas répondu au moyen selon lequel la clause d'exclusion des dommages apparus pendant l'année suivant la réception devait être réputée non écrite, lequel était pourtant de nature à influer sur la solution du litige,
- que la SARL Ma Rénov Habitat a engagé sa responsabilité contractuelle de droit commun à son égard, dès lors que le parquet flottant qu'elle a installé est affecté de désordres et est un élément adjoint à l'existant, non destiné à fonctionner,
- qu'il en résulte que la SA Allianz IARD, assureur de la SARL Ma Rénov Habitat au titre des dommages intermédiaires, doit être condamnée à garantir son assurée des préjudices résultant de ces désordres, même s'ils sont apparus durant l'année suivant la réception,
- que l'exclusion, par la police d'assurance, de toute garantie pendant la période de la garantie de parfait achèvement n'est pas limitée et vide de sa substance la garantie des dommages intermédiaires, de sorte qu'elle doit être réputée non écrite,
- que les activités professionnelles listées dans l'attestation d'assurance ne concernent que l'assurance responsabilité décennale obligatoire,
- que l'attestation d'assurance est imprécise sur les conditions de la garantie au regard des activités garanties, de sorte que si les travaux de parquet ne sont pas considérés comme garantis par le contrat d'assurance, la SA Allianz IARD a engagé sa responsabilité extracontractuelle du fait de l'imprécision de cette attestation qu'elle a délivrée,
- qu'en tout état de cause, l'absence de garantie pour des travaux de parquet engagerait la responsabilité personnelle pour faute détachable de ses fonctions de M. [G] qui a accepté de les réaliser sans être assuré, puisque s'il n'est pas à l'origine des désordres, il est à l'origine du refus de prise en charge du sinistre par l'assureur et partant de l'absence de réparation de ses préjudices,
- que M. [G] a commis une faute détachable de ses fonctions en procédant à la clôture de la liquidation de sa société, pendant les opérations d'expertise judiciaire, alors même qu'il avait connaissance que sa responsabilité allait être engagée,
- qu'elle a subi un préjudice de jouissance, résultant de l'impossibilité d'utiliser normalement son appartement, ainsi qu'un préjudice moral, constitué par l'anxiété liée au risque de chute et aux inquiétudes sur l'état de son bien et sur la longueur de la procédure judiciaire.
* Par conclusions notifiées le 23 octobre 2024, M. [O] [G], intimé, demande à la cour:
- à titre principal, de confirmer le jugement et de débouter en conséquence Mme [V] [I] de l'ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire,
> de réduire sa condamnation au profit de Mme [V] [I] à la somme de 5 000 €,
> de condamner la SA Allianz IARD à le garantir et relever indemne de toute condamnation au profit de Mme [V] [I],
> de débouter Mme [V] [I] du surplus de ses demandes,
> de débouter la SA Allianz IARD de ses demandes formulées à son encontre,
- en tout état de cause, de condamner Mme [V] [I] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir, au visa des articles L. 241-1 du code des assurances et 1792 du code civil :
- que le jugement n'encourt pas la nullité dès lors que le tribunal a répondu aux moyens invoqués par Mme [I],
- que tant le caractère dissociable du parquet que le fait qu'il ne s'agit pas d'un équipement impliquant que la responsabilité décennale n'est pas mobilisable, de sorte que la SARL Ma Rénov Habitat n'était pas tenue de souscrire à une assurance décennale au titre de l'activité de pose de parquet,
- que le défaut de souscription à une assurance responsabilité contractuelle de droit commun ne constitue pas une faute détachable de ses fonctions en ce qu'elle n'est pas obligatoire,
- qu'il a procédé, dans le cadre de la clôture de la liquidation de sa société suite à son départ à la retraite, aux mesures de publicité obligatoires, de sorte qu'aucune faute séparable de ses fonctions de gérant ne peut être retenue à son encontre à ce titre,
- qu'à titre subsidiaire, le quantum des demandes de Mme [I] est excessif,
- que Mme [I] ne verse aucune pièce permettant d'établir la réalité du préjudice moral et du préjudice de jouissance qu'elle invoque,
- qu'il ne peut être tenu au paiement d'une franchise qui n'est due que par le souscripteur de l'assurance, soit la SARL Ma Rénov Habitat,
- qu'en cas de condamnation prononcée à son encontre, il doit être garanti par la SA Allianz IARD en application de l'assurance responsabilité souscrite par la SARL Ma Rénov Habitat, qui couvre la responsabilité des représentants légaux de la personne morale assurée (article 3.1 des dispositions générales), sans qu'il ne puisse lui être opposé la prescription, dès lors qu'il a bien formulé ses demandes dans le délai de deux ans suivant le recours de Mme [I] du 30 juin 2022.
* Dans ses dernières conclusions notifiées le 7 janvier 2025, la SA Allianz IARD, assureur de la SARL Ma Rénov Habitat, intimée, demande à la cour :
- à titre principal:
> de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [V] [I] et M. [O] [G] de toutes leurs demandes dirigées à son encontre,
> de débouter Mme [V] [I] et M. [O] [G] recherché en sa qualité d'ancien gérant de la SARL Ma Rénov Habitat de toutes leurs demandes formées à son encontre,
> de la mettre hors de cause sans frais ni dépens,
> de condamner Mme [V] [I] à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel,
- subsidiairement:
> en cas d'improbable mobilisation de la garantie des dommages intermédiaires, de déduire la franchise contractuelle applicable à la garantie des dommages intermédiaires d'un montant de 10 % de l'indemnité avec un minimum de 3 200 € et un maximum de 10 000 € qui serait mise à sa charge,
> en cas d'improbable mobilisation de la garantie des dommages immatériels consécutifs, de déduire la franchise contractuelle applicable à la garantie des dommages immatériels consécutifs et à la garantie de bon fonctionnement d'un montant de 10 % de l'indemnité avec un minimum de 800 € et un maximum de 3 200 € qui serait mise à sa charge.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :
- que le tribunal a répondu aux moyens soulevés par Mme [I] et a motivé sa décision en analysant les termes du contrat d'assurance qui lui étaient soumis,
- que l'activité correspondant aux travaux de parquet n'a pas été déclarée par la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat, de sorte que la police d'assurance est inapplicable, pour l'ensemble des garanties proposées, sans besoin d'examiner au fond les conditions d'application des différentes garanties souscrites et la validité des clauses d'exclusion qu'elle comporte,
- que l'attestation d'assurance est claire et lisible sur les activités garanties,
- qu'elle n'est pas responsable d'un manquement de son assurée à ses obligations déclaratives et n'a donc pas commis de manquement à son devoir de renseignement,
- que les désordres sont apparus dans toute leur ampleur et leurs conséquences dans l'année suivant la réception tacite des travaux, de sorte qu'ils relèvent de la garantie légale de parfait achèvement et à défaut d'intervention de la SARL Ma Rénov Habitat, de sa responsabilité contractuelle de droit commun,
- qu'elle ne garantit pas les dommages intermédiaires survenus dans l'année de parfait achèvement conformément à l'article 6.2.1 des conditions générales, ni ceux qui affectent un ouvrage non soumis à obligation d'assurance, tel que c'est le cas d'un parquet flottant,
- que l'article 6.2.1 n'est pas une clause d'exclusion de garantie mais la conséquence de l'objet même de la garantie des dommages intermédiaires définie à l'article 6.2,
- que même si cet article constituait une clause d'exclusion, celle-ci est limitée et donc valable, qu'en effet, la garantie des dommages intermédiaires est une garantie facultative de sorte que les parties demeurent libres de la restreindre aux seuls dommages survenus postérieurement à l'année de parfait achèvement,
- que la garantie de l'article 3 des conditions générales (garantie B) est inapplicable puisqu'elle est recherchée pour l'indemnisation d'un dommage qui trouve son siège dans des travaux réalisés à l'occasion d'une activité non déclarée ; qu'en tout état de cause, elle n'a pas vocation à indemniser le maître de l'ouvrage des conséquences de désordres portant sur des travaux réalisés dans le cadre de l'activité professionnelle de l'assuré,
- que Mme [I] ne démontre pas la réalité de son préjudice moral, mais qu'en toute hypothèse, ni le préjudice de jouissance ni le préjudice moral ne sont garantis par le contrat d'assurance, la garantie des dommages immatériels n'étant mobilisable qu'à la suite d'un dommage matériel garanti, et les préjudices allégués en l'espèce ne correspondent pas à la définition contractuelle du dommage immatériel puisqu'ils ne revêtent aucune dimension pécuniaire,
- qu'à titre subsidiaire, les franchises concernant les garanties recherchées sont opposables erga omnes et doivent donc être déduites des condamnations qui seraient mises à sa charge.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état du 2 juillet 2025.
MOTIFS
Sur la demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement :
Mme [I] soutient, au visa des articles 455 et 458 du C.P.C. que le jugement doit être annulé pour n'avoir pas répondu au moyen par elle soulevé, selon lequel la clause d'exclusion des dommages apparus pendant l'année suivant la réception devait être réputée non-écrite en raison de son caractère non limité.
Outre le fait que le jugement déféré ne fait pas état du moyen que Mme [I] prétend avoir soulevé devant lui et que celle-ci ne produit pas ses conclusions de première instance permettant de vérifier la réalité même de son assertion, force est de constater qu'ayant écarté le principe même de toute garantie, quel qu'en soit le fondement, due par la S.A. Allianz Iard en raison du défaut de déclaration à l'assureur de l'activité de pose de parquet dans le cadre de laquelle les désordres sont survenus, le premier juge n'était en toute hypothèse pas tenu de répondre à la contestation de la validité de la clause d'exclusion de garantie des dommages apparus pendant l'année de réception.
Mme [I] sera en conséquence déboutée de ce chef de demande.
Sur la demande principale de Mme [I] contre la S.A. Allianz IARD
Ne contestant pas que les désordres affectant le parquet flottant posé par la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat, élément d'équipement installé en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituant pas en soi un ouvrage, relèvent exclusivement de la responsabilité contractuelle de droit commun du locateur d'ouvrage, quel que soit leur degré de gravité, Mme [I] entend voir mobiliser la garantie d'Allianz Iard au titre de la garantie des dommages intermédiaires stipulée à l'article 6-2 des conditions générales de la police souscrite par la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat (nous garantissons les dommages matériels affectant l'ouvrage soumis à obligation d'assurance ... dès lors qu'ils surviennent postérieurement à la période de garantie de parfait achèvement, lorsque la responsabilité vous en incombe en vertu d'une décision de justice sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun).
La S.A. Allianz Iard oppose à cette demande:
- l'absence de couverture de l'activité de pose de parquet flottant, non déclarée par l'assurée,
- la non-garantie des désordres relevant de la garantie de parfait achèvement, de la garantie de bon fonctionnement des éléments d'équipement de l'ouvrage, de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Sur ce,
Les dispositions particulières (pièce 1) de la police d'assurance Solution BTP (pièce 2) souscrite le 14 octobre 2016 par la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat, ès qualités d'entrepreneur réalisateur de travaux de construction, (pièces 1 et 2 de la S.A. Allianz Iard) stipulent, au titre des activités garanties:
- 2710 : électricité à l'exclusion de la production d'électricité,
- 1510 : plâtrerie, staff, stuc, gypserie, réalisation de plâtrerie, cloisonnement et faux plafond à base de plâtre en intérieur. Cette activité comprend ... les travaux accessoires ou complémentaires de menuiseries intégrées aux cloisons, revêtement en carreaux et panneaux de faïence, ravalement et réfection de souches hors combles, réalisation de conduits de fumée et de ventilation à usage domestique,
- 1910 : plomberie.
Ce document énonce par ailleurs les garanties souscrites:
- garantie A : dommages matériels à l'ouvrage et aux biens sur chantiers avant réception,
- garantie B + C : responsabilité civile de l'entreprise, défense pénale et recours suite à accident,
- garantie D : responsabilité pour les dommages de nature décennale,
- garantie E : garanties complémentaires à la responsabilité décennale.
L'attestation d'assurance produite par Mme [I] (pièce 11) est ainsi rédigée (en substance) :
Préambule
- activités déclarées et assurées: 2710 électricité, 1510 plâtrerie, staff, stuc, gypserie 1910 plomberie,
- si votre entreprise exerce ou projette d'exercer de nouvelles activités, il convient de vous rapprocher de votre interlocuteur Allianz pour examiner les conditions d'assurance de cette situation,
Assurance de responsabilité décennale obligatoire
Les garanties s'appliquent aux activités suivantes: 2710 électricité, 1510 plâtrerie, staff, stuc, gypserie 1910 plomberie
Par la notion de travaux complémentaires, il faut entendre la réalisation de travaux indispensables et nécessaires à l'exécution des travaux relevant de l'activité principale définie.
Autres garanties en cas de dommages causés à l'ouvrage
1 - périmètre et conditions d'application : les dispositions précédemment décrites concernant les activités.. sont applicables pour l'ensemble des ouvrages couverts au titre de la présente attestation,
2 - garanties souscrites: dommages matériels à l'ouvrage et aux biens sur chantier avant réception, garantie de responsabilité du sous-traitant en cas de dommages de nature décennale, garantie responsabilité civile décennale facultative, garanties complémentaires à la responsabilité décennale,
Garantie des dommages causés aux tiers
Ces garanties s'appliquent aux activités professionnelles précédemment décrites, responsabilité civile de l'entreprise, défense pénale et recours suite à accident.
Tableau récapitulatif des garanties
Garantie E : garanties complémentaires à la responsabilité décennale pour les ouvrages soumis à obligation d'assurance : dommages matériels relevant de la garantie de bon fonctionnement des éléments d'équipement, dommages immatériels consécutifs à un sinistre décennal, dommages intermédiaires (matériels et immatériels consécutifs) défaut de performance énergétique.
Il doit être considéré :
- que l'activité de pose de parquet flottant n'a pas été déclarée par la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat et qu'elle est sans lien avec les activités déclarées dont elle ne peut être considérée comme une activité complémentaire,
- que le devoir d'information, de conseil et de mise en garde auquel l'assureur est tenu notamment lors de la phase précontractuelle trouve ses limites dans l'obligation pour l'assuré de répondre avec sincérité aux questions posées par l'assureur en matière de déclaration des risques, de sorte qu'il n'appartient pas à l'assureur de vérifier l'exactitude des déclarations du candidat à l'assurance et qu'il n'est pas responsable de la non-déclaration par ce dernier de l'ensemble des activités qu'il exerce,
- que les dispositions de l'attestation d'assurance (conformes aux exigences de l'article A 243-3 du code des assurances) sont en l'espèce univoques, limitant aux seules activités déclarées l'ensemble des garanties souscrites ('assurance de responsabilité décennale obligatoire', 'autres garanties en cas de dommages causés à l'ouvrage''garanties des dommages causés aux tiers'),
- qu'aucun manquement de l'assureur à son devoir d'information en termes de contenu de l'attestation d'assurance n'est caractérisé,
- que l'argumentation soutenue par Mme [I] selon laquelle les travaux litigieux, en ce qu'ils remplissent les autres conditions de mobilisation des garanties (comme ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la période de validité du contrat, ayant été réalisés en France, ne dépassant pas 15 000 000 € et étant des travaux de technique courante) devraient être considérés comme couverts, priverait de tout sens et de toute portée la déclaration d'activités qui fixe le périmètre de la garantie en termes de nature des travaux couverts,
- que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second moyen soulevé par Mme [I] du chef de la non-limitation de la clause d'exclusion de garantie stipulée à l'article 6.2 1° des conditions générales, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes dirigées contre la S.A. Allianz Iard .
Sur la demande subsidiaire formée par Mme [I] contre M. [G]
Mme [I] sollicite, à titre subsidiaire, sur le fondement des articles 1240 du code civil et L. 223-22 du code de commerce, la condamnation de M. [G] (gérant de la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat) à l'indemniser de ses divers préjudices en soutenant que celui-ci aurait commis des fautes détachables de l'exercice de ses fonctions :
- en s'abstenant de souscrire une assurance responsabilité décennale/responsabilité contractuelle de droit commun pour l'activité de pose de parquet,
- en procédant à la liquidation amiable de la société pour échapper à toutes poursuites de sa part et alors même qu'une expertise judiciaire était pendante sur les désordres affectant les travaux réalisées par la société à son domicile
M. [G] conclut au débouté de Mme [I] en soutenant en substance :
- que le défaut de souscription à une assurance responsabilité contractuelle de droit commun ne constitue pas une faute détachable de ses fonctions en ce qu'elle n'est pas obligatoire,
- qu'il a procédé, dans le cadre de la clôture de la liquidation de sa société suite à son départ à la retraite, aux mesures de publicité obligatoires, de sorte qu'aucune faute séparable de ses fonctions de gérant ne peut être retenue à son encontre à ce titre,
Sur ce,
La faute détachable ou séparable des fonctions susceptible d'engager la responsabilité personnelle du gérant d'une S.A.R.L. à l'égard des tiers est une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.
S'agissant de l'absence de couverture de l'activité de pose de parquet flottant, non déclarée à l'assureur, il convient de considérer :
- que le gérant d'une société qui ne souscrit pas au nom de celle-ci l'assurance responsabilité décennale obligatoire commet une faute intentionnelle constituant le délit prévu par l'article L. 243-3 du code des assurances et engage sa responsabilité personnelle à l'égard des tiers auxquels cette situation a porté préjudice,
- que s'agissant d'une activité de pose de parquet flottant, élément d'équipement adjoint à l'existant et non destiné à fonctionner, la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat n'était pas tenue de souscrire une assurance responsabilité décennale et demeurait libre de souscrire, ou non, une assurance responsabilité civile de droit commun et de déclarer cette activité à son assureur,
- qu'il n'est ni allégué ni établi que la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat a induit en erreur Mme [I] sur l'étendue des garanties assurantielles alors même que celle-ci s'est vu remettre une attestation d'assurance explicite et univoque sur ce point,
- qu'aucune faute détachable de ses fonctions de gérant n'est caractérisée de ce chef à l'encontre de M. [G].
S'agissant de la liquidation anticipée de la société, il doit être considéré :
- que le seul fait de réunir l'assemblée générale en vue de prononcer la dissolution de la société n'est pas, en soi, une faute détachable des fonctions du gérant au sens de l'article L. 223-22 du code de commerce dans la mesure où la décision de dissolution incombe aux seuls associés, fut-il un associé unique également gérant de la société,
- qu'en l'espèce, il est justifié de l'intérêt légitime de procéder à la liquidation amiable de la société dont le gérant, M. [G], a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er février 2021,
- que les publicités légales (avis de dissolution, avis de liquidation) ont été effectuées, permettant aux créanciers de la société d'exercer toutes actions pour faire valoir leurs droits (opposition à la décision de dissolution devant le tribunal de commerce, assignation dans l'année de la clôture des opérations de liquidation avec demande de désignation d'un mandataire ad hoc), étant observé qu'à la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire (2 juillet 2021), une action était toujours possible à l'encontre de la S.A.R.L. Ma Renov Habitat),
- qu'aucune faute détachable de ses fonctions de gérant n'est de ce chef caractérisée à l'encontre de M. [G].
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] de ses demandes contre M. [G].
Sur les demandes accessoires :
Mme [I] qui succombe dans l'ensemble de ses prétentions sera condamnée aux entiers dépens d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux entiers dépens de première instance.
L'équité commande de condamner Mme [I], en application de l'article 700 du C.P.C., à payer à la S.A. Allianz Iard, d'une part et à M. [G], d'autre part, la somme de 1 200 € chacun au titre des frais irrépétibles par eux exposés en cause d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du C.P.C. en première instance.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort :
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Pau du 19 mars 2024,
Déboute Mme [V] [I] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement déféré,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant:
Condamne Mme [I] aux entiers dépens d'appel,
Condamne Mme [I], en application de l'article 700 du C.P.C., à payer à la S.A. Allianz Iard, d'une part et à M. [G], d'autre part, la somme de 1 200 € chacun au titre des frais irrépétibles par eux exposés en cause d'appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Patrick CASTAGNE, Président, et par Mme Hélène BRUNET, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière, Le Président,
Numéro 25/3135
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 18/11/2025
Dossier : N° RG 24/01270 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I2VN
Nature affaire :
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
Affaire :
[V] [I]
C/
[O] [G], S.A. ALLIANZ IARD
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Novembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 16 Septembre 2025, devant :
M. Patrick CASTAGNE, Président
Mme France-Marie DELCOURT, Conseillère
Mme Anne BAUDIER, Conseillère
assistées de Mme Hélène BRUNET, Greffière, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [V] [I]
née le 25 Juin 1952 à [Localité 8]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Jérôme MARBOT, avocat au barreau de Pau
INTIMES :
Monsieur [O] [G]
né le 11 janvier 1958 à [Localité 7] (60)
de nationalité française
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Olivier ROUVIERE, avocat au barreau de Pau
La société ALLIANZ IARD
société anonyme entreprise régie par le code des assurances
immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le n° 542 110 291
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
recherchée en sa qualité d'assureur de responsabilité de la SARL Ma Renov Habitat
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Isabelle ETESSE de la SELARL ETESSE, avocat au barreau de Pau
sur appel de la décision
en date du 19 MARS 2024
rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 11]
RG numéro : 22/01220
FAITS ET PROCEDURE
Mme [V] [I] est propriétaire d'un appartement au sein de la résidence [Adresse 10] située à [Localité 11] (64).
Au mois de mai 2018, son appartement a été inondé en raison d'un débordement du réseau des eaux pluviales de l'immeuble dû à un développement racinaire.
La SARL Ma Rénov Habitat, gérée par M. [O] [G], et assurée auprès de la SA Allianz IARD, a procédé à la pose de nouveaux parquets flottants sur une surface de 36m² dans l'appartement de Mme [I] et a édité, le 11 janvier 2019, une facture d'un montant de 3 178,47 € TTC
Deux semaines après la pose du parquet intervenue en décembre 2018, Mme [I] a constaté qu'il se soulevait dans une des chambres de son appartement.
La SARL Ma Rénov Habitat est intervenue pour remédier au désordre.
Le 26 mai 2019, Mme [I] a constaté que le parquet se soulevait dans toutes les pièces dans lesquelles il avait été changé.
Une expertise amiable a été diligentée par l'assureur protection juridique de Mme [I] à l'issue de laquelle un rapport a été établi le 3 septembre 2019.
Par acte du 8 octobre 2020, Mme [I] a fait assigner la SARL Ma Rénov Habitat devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Pau aux fins d'expertise judiciaire.
Par ordonnance du 18 novembre 2020, le juge des référés a fait droit à cette demande, et a désigné M. [C] [Z] pour procéder à l'expertise.
Par délibération du 22 janvier 2021, les associés de la SARL Ma Rénov Habitat ont décidé de sa dissolution anticipée et de sa mise en liquidation amiable.
Par délibération du 28 février 2021, la clôture des opérations de liquidation a été prononcée et l'avis de liquidation a été publié dans un journal d'annonces légales le 17 mars 2021.
La SARL Ma Rénov Habitat a été radiée du RCS de [Localité 11] le 6 avril 2021.
L'expert judiciaire a déposé le 2 juillet 2021 un rapport au terme duquel il retient l'existence de désordres affectant le parquet flottant litigieux, en impute la responsabilité à la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat et évalue à 9 048,60 € T.T.C. le coût des travaux de réfection.
Par actes du 30 juin 2022, Mme [I] a fait assigner M. [G], pris en son nom personnel, et la SA Allianz IARD, assureur de la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat devant le tribunal judiciaire de Pau aux fins d'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement contradictoire du 19 mars 2024, le tribunal judiciaire de Pau a :
- débouté Mme [I] de ses demandes,
- débouté la SA Allianz IARD de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [I] aux entiers dépens.
Au soutien de sa décision, le tribunal a retenu :
- que la réception des travaux peut être fixée au 11 janvier 2019 dès lors qu'à cette date, ils ont été intégralement réglés et que Mme [I] a pris possession des lieux,
- que les désordres affectant le parquet flottant, considéré comme un élément adjoint à l'existant et non destiné à fonctionner, relèvent de la responsabilité contractuelle du constructeur,
- qu'il est établi que les désordres sont apparus dans l'année suivant la fin des travaux de sorte qu'ils relèvent de la garantie de parfait achèvement qui pèse sur la SARL Ma Rénov Habitat, et non de la garantie des dommages intermédiaires qui ne peut en tout état de cause être recherchée qu'une fois que la garantie de parfait achèvement est expirée,
- que la pose de parquet n'entre pas dans les activités déclarées de la SARL Ma Rénov Habitat auprès de la SA Allianz IARD, de sorte que cette dernière ne doit aucune garantie,
- que Mme [I] ne peut rechercher la garantie responsabilité civile d'exploitation souscrite par la SARL Ma Rénov Habitat, laquelle n'a pas vocation à garantir les défauts d'exécution des ouvrages,
- que la SA Allianz IARD n'est pas responsable d'un manquement de son assurée à son obligation de déclaration, de sorte qu'il ne peut lui être reproché un manquement à son devoir de renseignement du fait de l'imprécision de l'attestation d'assurance qui engagerait sa responsabilité extracontractuelle à son égard,
- que l'ensemble des garanties de la SA Allianz IARD ne s'applique qu'aux activités déclarées par l'assurée, quelque soit le régime juridique de responsabilité recherchée,
- que la faute déclarative de M. [G] n'est pas à l'origine du dommage subi par Mme [I] dès lors que les désordres relèvent de la garantie de parfait achèvement et ne peuvent être garantis,
- que le fait de faire valoir ses droits à la retraite ne saurait constituer une faute imputable à M. [G], de nature à engager sa responsabilité personnelle, ni le fait d'avoir procédé aux opérations de clôture de la liquidation de sa société sans en avoir avisé précisément Mme [I].
Mme [V] [I] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 29 avril 2024 (RG n°24/01270), critiquant le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et condamnée aux entiers dépens.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Au terme de ses conclusions notifiées le 25 juillet 2024, Mme [V] [I] demande à la cour:
à titre principal:
- d'annuler le jugement déféré et statuant à nouveau:
> à titre principal, de condamner la SA Allianz IARD, assureur de la SARL Ma Rénov Habitat, à lui payer la somme de 11 930,83 € (à parfaire au jour de la décision) tous chefs de préjudices confondus en réparation des préjudices subis, la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire,
> à titre subsidiaire, de condamner M. [O] [G] à lui verser la somme de 11 930,83 € (à parfaire au jour de la décision) tous chefs de préjudices confondus en réparation des préjudices subis, la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire,
à titre subsidiaire:
d' infirmer le jugement par lequel le tribunal judiciaire de Pau a l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et statuant à nouveau:
> à titre principal, de condamner la SA Allianz IARD, assureur de la SARL Ma Rénov Habitat, à lui verser la somme de 11 930,83 € (à parfaire au jour de la décision) tous chefs de préjudices confondus en réparation des préjudices subis et la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire,
> à titre subsidiaire, de condamner M. [O] [G] à lui verser la somme de 11 930,83 € (à parfaire au jour de la décision) tous chefs de préjudices confondus en réparation des préjudices subis, la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire,
Au soutien de ses demandes, elle fait valoir, au visa des articles 1240, 1792 et 1792-1 du code civil, et L. 124-3 du code des assurances :
- que le jugement doit être annulé pour défaut de motivation, le tribunal n'ayant pas répondu au moyen selon lequel la clause d'exclusion des dommages apparus pendant l'année suivant la réception devait être réputée non écrite, lequel était pourtant de nature à influer sur la solution du litige,
- que la SARL Ma Rénov Habitat a engagé sa responsabilité contractuelle de droit commun à son égard, dès lors que le parquet flottant qu'elle a installé est affecté de désordres et est un élément adjoint à l'existant, non destiné à fonctionner,
- qu'il en résulte que la SA Allianz IARD, assureur de la SARL Ma Rénov Habitat au titre des dommages intermédiaires, doit être condamnée à garantir son assurée des préjudices résultant de ces désordres, même s'ils sont apparus durant l'année suivant la réception,
- que l'exclusion, par la police d'assurance, de toute garantie pendant la période de la garantie de parfait achèvement n'est pas limitée et vide de sa substance la garantie des dommages intermédiaires, de sorte qu'elle doit être réputée non écrite,
- que les activités professionnelles listées dans l'attestation d'assurance ne concernent que l'assurance responsabilité décennale obligatoire,
- que l'attestation d'assurance est imprécise sur les conditions de la garantie au regard des activités garanties, de sorte que si les travaux de parquet ne sont pas considérés comme garantis par le contrat d'assurance, la SA Allianz IARD a engagé sa responsabilité extracontractuelle du fait de l'imprécision de cette attestation qu'elle a délivrée,
- qu'en tout état de cause, l'absence de garantie pour des travaux de parquet engagerait la responsabilité personnelle pour faute détachable de ses fonctions de M. [G] qui a accepté de les réaliser sans être assuré, puisque s'il n'est pas à l'origine des désordres, il est à l'origine du refus de prise en charge du sinistre par l'assureur et partant de l'absence de réparation de ses préjudices,
- que M. [G] a commis une faute détachable de ses fonctions en procédant à la clôture de la liquidation de sa société, pendant les opérations d'expertise judiciaire, alors même qu'il avait connaissance que sa responsabilité allait être engagée,
- qu'elle a subi un préjudice de jouissance, résultant de l'impossibilité d'utiliser normalement son appartement, ainsi qu'un préjudice moral, constitué par l'anxiété liée au risque de chute et aux inquiétudes sur l'état de son bien et sur la longueur de la procédure judiciaire.
* Par conclusions notifiées le 23 octobre 2024, M. [O] [G], intimé, demande à la cour:
- à titre principal, de confirmer le jugement et de débouter en conséquence Mme [V] [I] de l'ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire,
> de réduire sa condamnation au profit de Mme [V] [I] à la somme de 5 000 €,
> de condamner la SA Allianz IARD à le garantir et relever indemne de toute condamnation au profit de Mme [V] [I],
> de débouter Mme [V] [I] du surplus de ses demandes,
> de débouter la SA Allianz IARD de ses demandes formulées à son encontre,
- en tout état de cause, de condamner Mme [V] [I] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir, au visa des articles L. 241-1 du code des assurances et 1792 du code civil :
- que le jugement n'encourt pas la nullité dès lors que le tribunal a répondu aux moyens invoqués par Mme [I],
- que tant le caractère dissociable du parquet que le fait qu'il ne s'agit pas d'un équipement impliquant que la responsabilité décennale n'est pas mobilisable, de sorte que la SARL Ma Rénov Habitat n'était pas tenue de souscrire à une assurance décennale au titre de l'activité de pose de parquet,
- que le défaut de souscription à une assurance responsabilité contractuelle de droit commun ne constitue pas une faute détachable de ses fonctions en ce qu'elle n'est pas obligatoire,
- qu'il a procédé, dans le cadre de la clôture de la liquidation de sa société suite à son départ à la retraite, aux mesures de publicité obligatoires, de sorte qu'aucune faute séparable de ses fonctions de gérant ne peut être retenue à son encontre à ce titre,
- qu'à titre subsidiaire, le quantum des demandes de Mme [I] est excessif,
- que Mme [I] ne verse aucune pièce permettant d'établir la réalité du préjudice moral et du préjudice de jouissance qu'elle invoque,
- qu'il ne peut être tenu au paiement d'une franchise qui n'est due que par le souscripteur de l'assurance, soit la SARL Ma Rénov Habitat,
- qu'en cas de condamnation prononcée à son encontre, il doit être garanti par la SA Allianz IARD en application de l'assurance responsabilité souscrite par la SARL Ma Rénov Habitat, qui couvre la responsabilité des représentants légaux de la personne morale assurée (article 3.1 des dispositions générales), sans qu'il ne puisse lui être opposé la prescription, dès lors qu'il a bien formulé ses demandes dans le délai de deux ans suivant le recours de Mme [I] du 30 juin 2022.
* Dans ses dernières conclusions notifiées le 7 janvier 2025, la SA Allianz IARD, assureur de la SARL Ma Rénov Habitat, intimée, demande à la cour :
- à titre principal:
> de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [V] [I] et M. [O] [G] de toutes leurs demandes dirigées à son encontre,
> de débouter Mme [V] [I] et M. [O] [G] recherché en sa qualité d'ancien gérant de la SARL Ma Rénov Habitat de toutes leurs demandes formées à son encontre,
> de la mettre hors de cause sans frais ni dépens,
> de condamner Mme [V] [I] à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel,
- subsidiairement:
> en cas d'improbable mobilisation de la garantie des dommages intermédiaires, de déduire la franchise contractuelle applicable à la garantie des dommages intermédiaires d'un montant de 10 % de l'indemnité avec un minimum de 3 200 € et un maximum de 10 000 € qui serait mise à sa charge,
> en cas d'improbable mobilisation de la garantie des dommages immatériels consécutifs, de déduire la franchise contractuelle applicable à la garantie des dommages immatériels consécutifs et à la garantie de bon fonctionnement d'un montant de 10 % de l'indemnité avec un minimum de 800 € et un maximum de 3 200 € qui serait mise à sa charge.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :
- que le tribunal a répondu aux moyens soulevés par Mme [I] et a motivé sa décision en analysant les termes du contrat d'assurance qui lui étaient soumis,
- que l'activité correspondant aux travaux de parquet n'a pas été déclarée par la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat, de sorte que la police d'assurance est inapplicable, pour l'ensemble des garanties proposées, sans besoin d'examiner au fond les conditions d'application des différentes garanties souscrites et la validité des clauses d'exclusion qu'elle comporte,
- que l'attestation d'assurance est claire et lisible sur les activités garanties,
- qu'elle n'est pas responsable d'un manquement de son assurée à ses obligations déclaratives et n'a donc pas commis de manquement à son devoir de renseignement,
- que les désordres sont apparus dans toute leur ampleur et leurs conséquences dans l'année suivant la réception tacite des travaux, de sorte qu'ils relèvent de la garantie légale de parfait achèvement et à défaut d'intervention de la SARL Ma Rénov Habitat, de sa responsabilité contractuelle de droit commun,
- qu'elle ne garantit pas les dommages intermédiaires survenus dans l'année de parfait achèvement conformément à l'article 6.2.1 des conditions générales, ni ceux qui affectent un ouvrage non soumis à obligation d'assurance, tel que c'est le cas d'un parquet flottant,
- que l'article 6.2.1 n'est pas une clause d'exclusion de garantie mais la conséquence de l'objet même de la garantie des dommages intermédiaires définie à l'article 6.2,
- que même si cet article constituait une clause d'exclusion, celle-ci est limitée et donc valable, qu'en effet, la garantie des dommages intermédiaires est une garantie facultative de sorte que les parties demeurent libres de la restreindre aux seuls dommages survenus postérieurement à l'année de parfait achèvement,
- que la garantie de l'article 3 des conditions générales (garantie B) est inapplicable puisqu'elle est recherchée pour l'indemnisation d'un dommage qui trouve son siège dans des travaux réalisés à l'occasion d'une activité non déclarée ; qu'en tout état de cause, elle n'a pas vocation à indemniser le maître de l'ouvrage des conséquences de désordres portant sur des travaux réalisés dans le cadre de l'activité professionnelle de l'assuré,
- que Mme [I] ne démontre pas la réalité de son préjudice moral, mais qu'en toute hypothèse, ni le préjudice de jouissance ni le préjudice moral ne sont garantis par le contrat d'assurance, la garantie des dommages immatériels n'étant mobilisable qu'à la suite d'un dommage matériel garanti, et les préjudices allégués en l'espèce ne correspondent pas à la définition contractuelle du dommage immatériel puisqu'ils ne revêtent aucune dimension pécuniaire,
- qu'à titre subsidiaire, les franchises concernant les garanties recherchées sont opposables erga omnes et doivent donc être déduites des condamnations qui seraient mises à sa charge.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état du 2 juillet 2025.
MOTIFS
Sur la demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement :
Mme [I] soutient, au visa des articles 455 et 458 du C.P.C. que le jugement doit être annulé pour n'avoir pas répondu au moyen par elle soulevé, selon lequel la clause d'exclusion des dommages apparus pendant l'année suivant la réception devait être réputée non-écrite en raison de son caractère non limité.
Outre le fait que le jugement déféré ne fait pas état du moyen que Mme [I] prétend avoir soulevé devant lui et que celle-ci ne produit pas ses conclusions de première instance permettant de vérifier la réalité même de son assertion, force est de constater qu'ayant écarté le principe même de toute garantie, quel qu'en soit le fondement, due par la S.A. Allianz Iard en raison du défaut de déclaration à l'assureur de l'activité de pose de parquet dans le cadre de laquelle les désordres sont survenus, le premier juge n'était en toute hypothèse pas tenu de répondre à la contestation de la validité de la clause d'exclusion de garantie des dommages apparus pendant l'année de réception.
Mme [I] sera en conséquence déboutée de ce chef de demande.
Sur la demande principale de Mme [I] contre la S.A. Allianz IARD
Ne contestant pas que les désordres affectant le parquet flottant posé par la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat, élément d'équipement installé en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituant pas en soi un ouvrage, relèvent exclusivement de la responsabilité contractuelle de droit commun du locateur d'ouvrage, quel que soit leur degré de gravité, Mme [I] entend voir mobiliser la garantie d'Allianz Iard au titre de la garantie des dommages intermédiaires stipulée à l'article 6-2 des conditions générales de la police souscrite par la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat (nous garantissons les dommages matériels affectant l'ouvrage soumis à obligation d'assurance ... dès lors qu'ils surviennent postérieurement à la période de garantie de parfait achèvement, lorsque la responsabilité vous en incombe en vertu d'une décision de justice sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun).
La S.A. Allianz Iard oppose à cette demande:
- l'absence de couverture de l'activité de pose de parquet flottant, non déclarée par l'assurée,
- la non-garantie des désordres relevant de la garantie de parfait achèvement, de la garantie de bon fonctionnement des éléments d'équipement de l'ouvrage, de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Sur ce,
Les dispositions particulières (pièce 1) de la police d'assurance Solution BTP (pièce 2) souscrite le 14 octobre 2016 par la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat, ès qualités d'entrepreneur réalisateur de travaux de construction, (pièces 1 et 2 de la S.A. Allianz Iard) stipulent, au titre des activités garanties:
- 2710 : électricité à l'exclusion de la production d'électricité,
- 1510 : plâtrerie, staff, stuc, gypserie, réalisation de plâtrerie, cloisonnement et faux plafond à base de plâtre en intérieur. Cette activité comprend ... les travaux accessoires ou complémentaires de menuiseries intégrées aux cloisons, revêtement en carreaux et panneaux de faïence, ravalement et réfection de souches hors combles, réalisation de conduits de fumée et de ventilation à usage domestique,
- 1910 : plomberie.
Ce document énonce par ailleurs les garanties souscrites:
- garantie A : dommages matériels à l'ouvrage et aux biens sur chantiers avant réception,
- garantie B + C : responsabilité civile de l'entreprise, défense pénale et recours suite à accident,
- garantie D : responsabilité pour les dommages de nature décennale,
- garantie E : garanties complémentaires à la responsabilité décennale.
L'attestation d'assurance produite par Mme [I] (pièce 11) est ainsi rédigée (en substance) :
Préambule
- activités déclarées et assurées: 2710 électricité, 1510 plâtrerie, staff, stuc, gypserie 1910 plomberie,
- si votre entreprise exerce ou projette d'exercer de nouvelles activités, il convient de vous rapprocher de votre interlocuteur Allianz pour examiner les conditions d'assurance de cette situation,
Assurance de responsabilité décennale obligatoire
Les garanties s'appliquent aux activités suivantes: 2710 électricité, 1510 plâtrerie, staff, stuc, gypserie 1910 plomberie
Par la notion de travaux complémentaires, il faut entendre la réalisation de travaux indispensables et nécessaires à l'exécution des travaux relevant de l'activité principale définie.
Autres garanties en cas de dommages causés à l'ouvrage
1 - périmètre et conditions d'application : les dispositions précédemment décrites concernant les activités.. sont applicables pour l'ensemble des ouvrages couverts au titre de la présente attestation,
2 - garanties souscrites: dommages matériels à l'ouvrage et aux biens sur chantier avant réception, garantie de responsabilité du sous-traitant en cas de dommages de nature décennale, garantie responsabilité civile décennale facultative, garanties complémentaires à la responsabilité décennale,
Garantie des dommages causés aux tiers
Ces garanties s'appliquent aux activités professionnelles précédemment décrites, responsabilité civile de l'entreprise, défense pénale et recours suite à accident.
Tableau récapitulatif des garanties
Garantie E : garanties complémentaires à la responsabilité décennale pour les ouvrages soumis à obligation d'assurance : dommages matériels relevant de la garantie de bon fonctionnement des éléments d'équipement, dommages immatériels consécutifs à un sinistre décennal, dommages intermédiaires (matériels et immatériels consécutifs) défaut de performance énergétique.
Il doit être considéré :
- que l'activité de pose de parquet flottant n'a pas été déclarée par la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat et qu'elle est sans lien avec les activités déclarées dont elle ne peut être considérée comme une activité complémentaire,
- que le devoir d'information, de conseil et de mise en garde auquel l'assureur est tenu notamment lors de la phase précontractuelle trouve ses limites dans l'obligation pour l'assuré de répondre avec sincérité aux questions posées par l'assureur en matière de déclaration des risques, de sorte qu'il n'appartient pas à l'assureur de vérifier l'exactitude des déclarations du candidat à l'assurance et qu'il n'est pas responsable de la non-déclaration par ce dernier de l'ensemble des activités qu'il exerce,
- que les dispositions de l'attestation d'assurance (conformes aux exigences de l'article A 243-3 du code des assurances) sont en l'espèce univoques, limitant aux seules activités déclarées l'ensemble des garanties souscrites ('assurance de responsabilité décennale obligatoire', 'autres garanties en cas de dommages causés à l'ouvrage''garanties des dommages causés aux tiers'),
- qu'aucun manquement de l'assureur à son devoir d'information en termes de contenu de l'attestation d'assurance n'est caractérisé,
- que l'argumentation soutenue par Mme [I] selon laquelle les travaux litigieux, en ce qu'ils remplissent les autres conditions de mobilisation des garanties (comme ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la période de validité du contrat, ayant été réalisés en France, ne dépassant pas 15 000 000 € et étant des travaux de technique courante) devraient être considérés comme couverts, priverait de tout sens et de toute portée la déclaration d'activités qui fixe le périmètre de la garantie en termes de nature des travaux couverts,
- que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second moyen soulevé par Mme [I] du chef de la non-limitation de la clause d'exclusion de garantie stipulée à l'article 6.2 1° des conditions générales, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes dirigées contre la S.A. Allianz Iard .
Sur la demande subsidiaire formée par Mme [I] contre M. [G]
Mme [I] sollicite, à titre subsidiaire, sur le fondement des articles 1240 du code civil et L. 223-22 du code de commerce, la condamnation de M. [G] (gérant de la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat) à l'indemniser de ses divers préjudices en soutenant que celui-ci aurait commis des fautes détachables de l'exercice de ses fonctions :
- en s'abstenant de souscrire une assurance responsabilité décennale/responsabilité contractuelle de droit commun pour l'activité de pose de parquet,
- en procédant à la liquidation amiable de la société pour échapper à toutes poursuites de sa part et alors même qu'une expertise judiciaire était pendante sur les désordres affectant les travaux réalisées par la société à son domicile
M. [G] conclut au débouté de Mme [I] en soutenant en substance :
- que le défaut de souscription à une assurance responsabilité contractuelle de droit commun ne constitue pas une faute détachable de ses fonctions en ce qu'elle n'est pas obligatoire,
- qu'il a procédé, dans le cadre de la clôture de la liquidation de sa société suite à son départ à la retraite, aux mesures de publicité obligatoires, de sorte qu'aucune faute séparable de ses fonctions de gérant ne peut être retenue à son encontre à ce titre,
Sur ce,
La faute détachable ou séparable des fonctions susceptible d'engager la responsabilité personnelle du gérant d'une S.A.R.L. à l'égard des tiers est une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.
S'agissant de l'absence de couverture de l'activité de pose de parquet flottant, non déclarée à l'assureur, il convient de considérer :
- que le gérant d'une société qui ne souscrit pas au nom de celle-ci l'assurance responsabilité décennale obligatoire commet une faute intentionnelle constituant le délit prévu par l'article L. 243-3 du code des assurances et engage sa responsabilité personnelle à l'égard des tiers auxquels cette situation a porté préjudice,
- que s'agissant d'une activité de pose de parquet flottant, élément d'équipement adjoint à l'existant et non destiné à fonctionner, la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat n'était pas tenue de souscrire une assurance responsabilité décennale et demeurait libre de souscrire, ou non, une assurance responsabilité civile de droit commun et de déclarer cette activité à son assureur,
- qu'il n'est ni allégué ni établi que la S.A.R.L. Ma Rénov Habitat a induit en erreur Mme [I] sur l'étendue des garanties assurantielles alors même que celle-ci s'est vu remettre une attestation d'assurance explicite et univoque sur ce point,
- qu'aucune faute détachable de ses fonctions de gérant n'est caractérisée de ce chef à l'encontre de M. [G].
S'agissant de la liquidation anticipée de la société, il doit être considéré :
- que le seul fait de réunir l'assemblée générale en vue de prononcer la dissolution de la société n'est pas, en soi, une faute détachable des fonctions du gérant au sens de l'article L. 223-22 du code de commerce dans la mesure où la décision de dissolution incombe aux seuls associés, fut-il un associé unique également gérant de la société,
- qu'en l'espèce, il est justifié de l'intérêt légitime de procéder à la liquidation amiable de la société dont le gérant, M. [G], a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er février 2021,
- que les publicités légales (avis de dissolution, avis de liquidation) ont été effectuées, permettant aux créanciers de la société d'exercer toutes actions pour faire valoir leurs droits (opposition à la décision de dissolution devant le tribunal de commerce, assignation dans l'année de la clôture des opérations de liquidation avec demande de désignation d'un mandataire ad hoc), étant observé qu'à la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire (2 juillet 2021), une action était toujours possible à l'encontre de la S.A.R.L. Ma Renov Habitat),
- qu'aucune faute détachable de ses fonctions de gérant n'est de ce chef caractérisée à l'encontre de M. [G].
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] de ses demandes contre M. [G].
Sur les demandes accessoires :
Mme [I] qui succombe dans l'ensemble de ses prétentions sera condamnée aux entiers dépens d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux entiers dépens de première instance.
L'équité commande de condamner Mme [I], en application de l'article 700 du C.P.C., à payer à la S.A. Allianz Iard, d'une part et à M. [G], d'autre part, la somme de 1 200 € chacun au titre des frais irrépétibles par eux exposés en cause d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du C.P.C. en première instance.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort :
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Pau du 19 mars 2024,
Déboute Mme [V] [I] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement déféré,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant:
Condamne Mme [I] aux entiers dépens d'appel,
Condamne Mme [I], en application de l'article 700 du C.P.C., à payer à la S.A. Allianz Iard, d'une part et à M. [G], d'autre part, la somme de 1 200 € chacun au titre des frais irrépétibles par eux exposés en cause d'appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Patrick CASTAGNE, Président, et par Mme Hélène BRUNET, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière, Le Président,