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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 18 novembre 2025, n° 25/02254

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 25/02254

18 novembre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 18 NOVEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 25/02254 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QUON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 22 JANVIER 2025

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2022007388

APPELANT :

Monsieur [V] [F]

né le [Date naissance 3] 1983 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Andie FULACHIER substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur [J] [C]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Emily APOLLIS substituant Me Julie BORJA de la SELAS AGN AVOCATS MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROU SSILLON

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Camille CALAUDI substituant Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI-BEAUREGARD-CALAUDI-BENE, avocats au barreau de MONTPELLIER

S.A.S. TWO BIO

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Emily APOLLIS substituant Me Julie BORJA de la SELAS AGN AVOCATS MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 1er Octobre 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 906-5 et 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Octobre 2025,en audience publique, devant M. Fabrice VETU, conseiller, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

M. Fabrice VETU, conseiller

Greffier lors des débats : Mme Elodie CATOIRE

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, greffière.

FAITS ET PROCEDURE :

La SAS Two Bio a souscrit plusieurs prêts professionnels et ouvert un compte courant auprès de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon (ci-après la Caisse d'Epargne), à savoir :

- le 2 août 2019 d'un montant de 110 940 euros au taux de 0,90% l'an remboursable en 84 mensualités aux fins de racheter un prêt et de financer des travaux d'aménagement sur le fonds de commerce ;

- le 1er octobre 2019 d'un montant de 25 000 euros au taux de 0,70% l'an remboursable en 60 mensualités aux fins de refinancer l'agencement du fonds de commerce ;

- le 30 avril 2020, un prêt garanti par l'Etat (PGE) d'un montant de 150 000 euros au taux de 0,25% l'an remboursable en 72 mensualités.

M. [V] [F], président de la société Two Bio, s'est porté caution personnelle au titre de plusieurs actes :

- le 2 août 2019, un cautionnement solidaire du prêt du même jour, dans la limite de 144 222 euros et pour une durée de 132 mois ;

- le 1er octobre 2019, un cautionnement solidaire du prêt du même jour, dans la limite de 32 500 euros et pour une durée de 108 mois.

Le 1er mars 2021, M. [V] [F] a cédé 100 % des parts de la société Two Bio qu'il détenait dans la société à M. [J] [C].

Par assemblée générale du 17 mai 2021, M. [V] [F] a démissionné de son mandat de président de la société Two Bio et M. [J] [C] l'a remplacé.

Par lettre du 17 novembre 2021, la Caisse d'Epargne a mis en demeure la société Two Bio de lui régler la somme de 152 110,48 euros au titre du PGE du 30 avril 2020, puis a prononcé la déchéance du terme le 13 janvier 2022.

Par lettre du 25 novembre 2021, la Caisse d'Epargne a prononcé la clôture du compte courant de la société Two Bio, le solde débiteur s'élevant à la somme de 30 464,81 euros.

Par lettre du 13 décembre 2021, la Caisse d'Epargne a mis en demeure la société Two Bio et M. [F] de lui régler la somme de 95 087,27 euros au titre du prêt professionnel du 2 août 2019 et la somme de 19 633,65 euros au titre du prêt professionnel du 1er octobre 2019, puis prononcé la déchéance du terme de ces prêts le 13 janvier 2022.

Par exploit du 6 avril 2022, la Caisse d'Epargne a assigné la société Two Bio et M. [V] [F] en paiement.

Par exploit du 23 janvier 2023, M. [F] a assigné M. [C] en garantie de ses engagements personnels.

Par jugement contradictoire du 22 janvier 2025, le tribunal de commerce de Montpellier a :

rejeté la fin de non-recevoir tirée de la nullité de l'assignation faite à M. [V] [F] ;

condamné solidairement la société Two Bio et M. [V] [F] au paiement à la CEPLR de la somme principale de 95 087,27 euros au titre du prêt souscrit le 2 août 2019, et de la somme principale de 19 633,65 euros au titre du prêt souscrit le 1er octobre 2019 ;

débouté la CEPLR de sa demande de paiement des intérêts et pénalités de 2 prêts susvisés ;

condamné la société Two Bio au paiement à la CEPLR de la somme de 152 110,48 euros avec intérêts au taux de 3,25 % sur la somme de 151 300,30 euros du 9 mars 2022, jusqu'à parfait paiement au titre du PGE et de la somme de 30 464,81 euros intérêts au taux légal à compter de l'assignation jusqu'à parfait paiement au titre du solde débiteur du compte courant ;

débouté la société Two Bio et M. [V] [F] de leurs autres demandes ;

condamné la société Two Bio et M. [V] [F], dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l'exécution forcée devait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, au paiement à la CEPLR du montant retenu par celui-ci ;

dit que toutes les sommes susceptibles d'être versées par le requis sur les sommes susvisées s'imputeront tout d'abord sur les intérêts dus si le règlement n'est pas intégral ;

rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

condamné solidairement la société Two Bio et M. [V] [F] à payer à la CEPLR la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

et ordonné que conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus de ces montants, qui seraient dus depuis au moins une année entière, produiront eux-mêmes intérêts.

Par déclaration du 28 avril 2025, M. [V] [F] a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 11 août 2025, il demande à la cour, au visa des articles 1345-5, 1347 et suivants du code civil et de l'ancien article L. 332-1 du code de la consommation, de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il débouté la Caisse d'Epargne de sa demande de paiement des intérêts et pénalités des deux prêts ;

l'infirmer en ce qu'il l'a condamné solidairement avec la société Two Bio à payer à la Caisse d'Epargne la somme principale de 95 087,27 euros au titre du prêt souscrit le 2 août 2019 et la somme principale de 19 633,65 euros au titre du prêt souscrit le 1er octobre 2019, l'a débouté de ses autres demandes et l'a condamné solidairement avec la société Two Bio à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

À titre principal,

juger que la Caisse d'Epargne n'a pas exécuté son devoir de mise en garde de la caution non avertie à son égard ;

la condamner à lui payer les sommes de 95 087,27 euros au titre du prêt souscrit le 2 août 2019 et de 19 633,65 euros au titre du prêt souscrit le 1er octobre 2019, assorties des intérêts légaux à titre de dommages et intérêts et sauf meilleur calcul ;

ordonner la compensation des créances réciproques à concurrence de leurs quotités respectives entre les sommes dont les cautions s'avéreraient redevable et le préjudice qu'elles ont subi et ce, en application des dispositions des articles 1347 et suivants du code civil ;

À titre subsidiaire,

juger que ses engagements de caution conclus les 2 août 2019 et 1er octobre 2019 sont manifestement disproportionnés ;

juger que la Caisse d'Epargne ne peut s'en prévaloir ;

À titre très subsidiaire,

lui accorder les délais de paiement les plus larges possibles en application de l'article 1343-5 du code civil ;

Et, en tout état de cause,

débouter la Caisse d'Epargne de l'intégralité de ses demandes ;

condamner M. [C] à le relever et garantir de toutes condamnation prononcée à son encontre au bénéfice de la Caisse d'Epargne ;

le condamner à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

et condamner solidairement M. [J] [C] et la société Two Bio à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 5 août 2025, formant appel incident, la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon demande à la cour de :

débouter M. [F] de son appel principal et le débouter de l'ensemble de ses demandes ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de paiement des intérêts et pénalités des 2 prêts et le confirmer pour le surplus ;

accueillir son appel incident ;

condamner solidairement la société Two Bio et M. [F] à lui payer les sommes de :

95 087,27 euros avec intérêts au taux de 3,90 % sur la somme de 89 977,01 euros (7 049,35 euros + 82 927,66 euros) du 9 mars 2022 jusqu'à parfait paiement et au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 janvier 2022 jusqu'à parfait paiement sur la somme de 4 499,88 euros ;

19 633,65 euros avec intérêts au taux de 3,70 % sur la somme de 18 580,22 euros (2 173,70 euros + 16 406,52 euros) du 8 mars 2022 jusqu'à parfait paiement et au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 janvier 2022 jusqu'à parfait paiement sur la somme de 929,20 euros ;

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance ainsi que les entiers dépens de première instance ;

condamner la société Two Bio à lui payer, pour les causes sus énoncées, les sommes de :

152 110,48 euros avec intérêts au taux de 3,25 % sur la somme de 151 300,30 euros du 9 mars 2022 jusqu'à parfait paiement ;

30 464,81 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation jusqu'à parfait paiement ;

et condamner M. [V] [F] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Par conclusions du 29 juillet 2025, la société Two Bio et M. [J] [C] demandent à la cour, au visa des articles 1343-5 et 1199 du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [F] de l'ensemble de ses demandes à l'égard de M. [C] ;

- prononcer l'octroi des plus larges délais de paiement pour la société Two Bio soit deux années concernant les sommes dont elle est débitrice auprès de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon ;

- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes ;

- et, en tout état de cause, le condamner au paiement de la somme 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens d'instance et les frais irrépétibles qu'il a dû exposer.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est datée du 1er octobre 2025.

MOTIFS :

Sur la disproportion manifeste des engagements de caution de M. [V] [F]

1. Il résulte de l'article L. 341-4, devenu l'article L. 332-1 du code de la consommation, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

2. La disproportion manifeste du cautionnement doit être évaluée lors de la conclusion du contrat, au regard du montant de l'engagement et en fonction des revenus et du patrimoine de la caution déclarés par celle-ci, en prenant également en considération l'endettement global de celle-ci, dont le créancier avait ou pouvait avoir connaissance, y compris l'endettement résultant d'autres engagements de caution souscrits antérieurement.

3. Néanmoins, la limitation de l'appréciation au patrimoine tel que déclaré par la caution n'empêche pas le créancier de prouver que des éléments d'actif ont été omis, notamment des parts sociales que la caution n'avait pas mentionnées dans sa fiche patrimoniale, mais dont le créancier parvient à établir a posteriori l'existence.

4. La charge de la preuve du caractère disproportionné de l'engagement incombe à la caution qui l'invoque. Le créancier est quant à lui en droit de se fier aux informations qui lui ont été fournies dans la fiche de renseignements, sans avoir, en l'absence d'anomalies apparentes l'affectant, à en vérifier l'exactitude et la caution n'est pas admise à établir, devant le juge, que sa situation était, en réalité, moins favorable que celle qu'elle avait déclarée à la banque.

5. En l'espèce, la banque invoque le cautionnement du 2 août 2019 en garantie du prêt du même jour, dans la limite de 144 222 euros, et le cautionnement du 1er octobre 2019 en garantie du prêt du même jour dans la limite de 32 500 euros.

6. Il convient d'apprécier s'il y a disproportion manifeste à l'égard de chacun des engagements de caution souscrits.

7. M. [F] a rempli deux « questionnaires confidentiels caution » les 19 mars et 24 septembre 2019 avec la mention manuscrite suivante « certifié sincère et véritable », soit, à des dates antérieures et contemporaines de ses engagements, de sorte que le créancier peut les lui opposer.

8. Il a précisé être célibataire et avoir un enfant à charge.

9. Au titre de son patrimoine, il a mentionné être propriétaire de sa résidence principe à hauteur de 50%, acquise en septembre 2016 financé à l'aide d'un prêt de 324 000 euros, évaluée à la somme de 350 000 euros.

10. Au titre de ses revenus, il a indiqué sur sa fiche patrimoniale de mars 2019 percevoir des revenus à hauteur de 1 800 euros par mois de Pôle emploi, puis sur sa fiche patrimoniale de septembre 2019, percevoir des revenus à hauteur de 1 700 euros par mois en sa qualité de gérant de la société Two Bio.

11. Il n'a mentionné aucune charge ou emprunt. Néanmoins, il y a lieu d'ajouter au passif de ses déclarations, le montant de ses précédents engagements de caution souscrits au bénéfice de la société One Bio le 28 mai 2019 dans la limite de 120 250 euros auprès de la Caisse d'Epargne, cette dernière en ayant nécessairement connaissance.

12. Cependant, M. [F] ne conteste pas, comme le démontre la banque, avoir été également gérant d'une SCI Myse Voltaire, immatriculée le 24 juin 2013, et d'une SARL IT Solutions, immatriculée le 21 novembre 2017 ainsi qu'associé unique de la SAS One Bio. M. [F] ne verse aux débats cependant aucun document comptable relatif auxdites sociétés.

13. Il en résulte que celui-ci ne démontre pas que ses engagements de caution étaient manifestement disproportionnés à ses revenus, charges et patrimoine lorsqu'il les a souscrits ; il n'y a dès lors pas lieu de rechercher si son patrimoine, au moment où il a été appelé, lui permet de satisfaire à ses obligations.

14. Par conséquent, la Caisse d'Epargne peut se prévaloir de ces engagements de caution.

Sur le manquement de la Caisse d'Epargne à son devoir de mise en garde

15. Le caractère averti d'une caution ne peut être déduit des seules fonctions de dirigeant et associé de la société débitrice principale. Cette qualité s'apprécie non seulement au regard de son âge et de son expérience des affaires, mais aussi de la complexité de l'opération envisagée et de son implication personnelle dans l'affaire.

16. La preuve du caractère averti incombe à la banque.

17. Or, il ne peut être retenu que M. [F] serait une caution avertie, son expérience professionnelle en qualité de gérant de plusieurs sociétés étant insuffisante à cet égard, à défaut de toute compétence particulière en matière d'opérations bancaires même si celles principalement en cause ne constituaient pas un montage financier particulièrement complexe.

18. En cas de crédit excessif, la banque engage sa responsabilité contractuelle à l'égard d'une caution non avertie pour ne pas l'avoir mise en garde du risque d'endettement qu'elle encourt du fait de son engagement, ou si l'opération financée était manifestement inadaptée aux capacités financières de l'emprunteur.

19. Cependant, M. [F] ne rapporte pas la preuve de ce que les prêts souscrits les 2 août et 1er octobre 2019 par la société Two Bio aux fins de financer des travaux d'aménagement du fonds de commerce auprès de la Caisse d'Epargne, auraient été inadaptés aux capacités financières de cette société, laquelle a remboursé sans difficulté ces prêts pendant deux années.

20. Il a en outre déjà été dit que M. [F] ne rapportait pas la preuve du caractère disproportionné de ses engagements de caution lors de leur souscription.

21. Les prêts consentis à la société Two Bio étaient adaptés aux capacités financières de cette dernière, et la banque n'a donc pas engagé sa responsabilité en n'alertant pas son client sur les risques des opérations envisagées.

22. En conséquence, les demandes d'indemnisation, formées par la caution, seront rejetées. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'information de la caution

23. Les dispositions des articles L. 333-2 et L. 343-6 du code de la consommation, ayant été abrogées à compter du 1er janvier 2022 par l'article 37 de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, il convient de faire application des dispositions des articles 2302 et 2303 du code civil, dont les dispositions sont entrées en vigueur à cette date, y compris aux cautionnements constitués antérieurement.

24. Selon l'article 2303 du code civil, le créancier professionnel est tenu d'informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en a été informée. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.

25. M. [F] n'a pas été avisé dans le mois de l'exigibilité suivant le premier incident de paiement non régularisé survenu le 5 septembre 2021 puisque la banque verse aux débats une lettre recommandée datée du 17 novembre 2021 concernant le prêt n°2396E et une lettre recommandée datée du 13 décembre 2021 concernant le prêt n°29622E. Ainsi, la banque encourt une déchéance des intérêts.

26. Selon l'article 2302 du même code, le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu'à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.

27. La banque doit non seulement justifier de l'envoi, avant le 31 mars de chaque année, de la lettre d'information, mais aussi de son contenu destiné à faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie ; cette obligation d'information pesant sur la banque perdure jusqu'à l'extinction de la dette.

28. Or, en l'espèce, la banque ne démontrant pas avoir réalisé cette information annuelle, de sera déchue de son droit aux intérêts contractuels et pénalités échus pour non-respect de ses obligations d'information à l'égard uniquement de la caution.

29. Concernant le prêt du 2 août 2019, selon le plan de remboursement et le décompte versé par la banque, la créance de la société Two Bio s'élève à 89 977,01 euros au principal et la déchéance aux intérêts et pénalités échus est d'un montant de 1 444,28 euros.

30. Dès lors, au titre du prêt du 2 août 2019, M. [F] est redevable de la somme de 88 532,73 euros.

31. Concernant le prêt du 1er octobre 2019, selon le plan de remboursement et le décompte versé par la banque, la créance de la société Two Bio s'élève à 18 580,22 euros au principal et la déchéance aux intérêts et pénalités échus est d'un montant de 320,37 euros.

32. Dès lors, au titre du prêt du 1er octobre 2019, M. [F] est redevable de la somme de 18 259,85 euros.

33. Le jugement déféré sera confirmé, sauf sur le montant des condamnations de M. [F] et de la société Two Bio, non concernée par la déchéance des intérêts et pénalités de retard dues en cas de manquement aux obligations d'information dues à la caution.

Sur les demandes de M. [F] dirigées contre M. [J] [C]

34. M. [F] fait valoir qu'il doit être relevé et garanti du montant de ses condamnations en raison de l'acte de cession prévoyant la reprise de ses engagements de caution par M. [C], cessionnaire et qu'au surplus, à défaut pour ce dernier d'avoir réalisé les formalités pour obtenir la levée des cautions, il est en droit de lui réclamer la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

35. L'acte de cession des parts de la société Two Bio à M. [J] [C] daté du 1er mars 2021 stipule que « M. [C] [J] s'engage à reprendre les cautions bancaires de M. [F] [V] dans la société Two Bio. Cette reprise de caution n'étant en l'état pas possible, il est convenu que M. [C] [J] verse ce jour 15 000 euros à titre de dépôt de garantie à M. [F] [V]. Cette somme, non productive d'intérêts sera restituée à M. [C] [J] dès que la levée de caution bancaire de M. [F] [V] sera possible ».

36. Selon l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

37. M. [C] démontre avoir réalisé un virement de 15 000 euros à M. [F] le 26 février 2021. Par ailleurs, il verse aux débats une lettre de la Caisse d'Epargne datée du 5 avril 2023 précisant qu'elle n'a pas été en mesure de répondre favorablement à la demande de substitution de caution.

38. Or, il ne peut être imputable à faute de M. [C] de ne pas avoir réussi à obtenir l'accord de la banque, cette dernière étant libre d'y consentir ou non. De surcroît, cette impossibilité de reprise était déjà mentionnée dans l'acte de cession justifiant le dépôt de garantie.

39. L'appelant soutient également que M. [C] ne s'est pas assuré de ce que la société Two Bio honore ses prêts et qu'il ignore si les indemnités touchées en raison d'un sinistre sur le local ont été reversées à la banque. Néanmoins, il n'apporte aucun commencement de preuve concernant le supposé sinistre ou concernant une faute de gestion de M. [C] engageant sa responsabilité.

40. En outre, M. [F] ne justifiant pas de ce que le comportement de M. [C] serait le fruit de la malice, la mauvaise foi ou le résultat d'une erreur grossière et qu'ayant dégénéré en abus, sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive sera encore rejetée.

41. Par conséquent, sa demande de condamner M. [J] [C] à le relever et le garantir de toutes ses condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la Caisse d'Epargne sera rejetée.

42. Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur les délais de paiement

43. L'article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement de sommes dues.

44. Outre que la société Two Bio et M. [F] ont, de fait, bénéficié de longs délais de paiement, ils ne produisent aucun élément sur leur situation financière actuelle, notamment comptables. Ils ne justifient pas davantage que leur situation financière leur permettrait d'honorer une dette échelonnée sur 24 mois.

45. Par conséquent, le jugement qui les a déboutés de leur demande de délais de paiement sera également confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement la société Two Bio et M. [V] [F] au paiement à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon de la somme principale de 95 087,27 euros au titre du prêt souscrit le 2 août 2019, et de la somme principale de 19 633,65 euros au titre du prêt souscrit le 1er octobre 2019 et débouté la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon de sa demande de paiement des intérêts et pénalités des deux prêts susvisés ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant,

Condamne la SAS Two Bio à payer à la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon les sommes suivantes :

- 95 087,27 euros avec intérêts au taux de 3,90 % sur la somme de 89 977,01 euros du 9 mars 2022 jusqu'à parfait paiement et au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 janvier 2022 jusqu'à parfait paiement sur la somme de 4 499,88 euros ;

- 19 633,65 euros avec intérêts au taux de 3,70 % sur la somme de 18 580,22 euros du 8 mars 2022 jusqu'à parfait paiement et au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 janvier 2022 jusqu'à parfait paiement sur la somme de 929,20 euros ;

Condamne solidairement M. [V] [F] à payer à la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2022, date de la mise en demeure, et ce, dans la limite de ses engagements de caution :

- 88 532,73 euros au titre du prêt du 2 août 2019 ;

- 18 259,85 euros au titre du prêt du 1er octobre 2019 ;

Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente

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