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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 18 novembre 2025, n° 25/02789

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 25/02789

18 novembre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 18 NOVEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 25/02789 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QVQ2

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 MAI 2025

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2025005392

APPELANT :

Monsieur [S] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Andie FULACHIER substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants

représneté par Me Jean-Baptiste ROYER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMES :

Maître [U] [W] ès-qualités de mandataire judiciaire de M. [S] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

non constituée

signification de la déclaration d'appel le 16 juillet 2025 à personne habilitée

MINISTERE PUBLIC

en son Parquet Cour d'Appel

[Localité 3]

Organisme URSSAF DE LANGUEDOC ROUSSILLON

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Denis CLERMONT substituant Me François BORIE de la SCP DORIA AVOCATS, avocats au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de révocation de clôture et de nouvelle clôture le 08 Octobre 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 906-5 et 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Octobre 2025,en chambre du conseil, devant M. Fabrice VETU, conseiller, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

M. Fabrice VETU, conseiller

Greffier lors des débats : Mme Elodie CATOIRE

Ministère public :

L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis écrit le 06 octobre 2025.

ARRET :

- réputé contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, greffière.

FAITS ET PROCEDURE :

Par exploit du 21 mars 2025, l'URSSAF du Languedoc Roussillon a assigné M. [S] [P] aux fins de voir constater son état de cessation des paiements, et prononcé son redressement judiciaire.

Par jugement réputé contradictoire du 16 mai 2025, le tribunal de commerce de Montpellier a :

constaté l'état de cessation des paiements et prononcé l'ouverture du redressement judiciaire à l'égard de M. [S] [P] ;

dit qu'il sera fait application des articles L. 631-1 et suivants du code de commerce et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 21 mars 2025 ;

désigné M. Pascal Hebrard en qualité de juge commissaire, M. Jean-Pierre Aurières et M. Bernard Smila en qualité de juges commissaires suppléants et Mme [U] [W] en qualité de mandataire judiciaire ;

dit que l'affaire sera rappelé en chambre du conseil ;

ordonné la désignation de la SCP Bernard de Latour et Jean-Christophe Giuseppi, commissaire de justice, pour réaliser l'inventaire et la prisée prévue à l'article L. 622-6 du code de commerce ;

invité, s'il y a lieu, les salariés de l'entreprise à désigner leur représentant dont le nom sera communiqué sans délai au greffe ;

fixé à 18 mois le délai d'établissement de la liste des créances déclarées ;

dit que la publicité de présent jugement sera effectuée sans délai nonobstant toute voie de recours ;

rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

et employé les dépens en frais privilégié du redressement judiciaire.

Par déclaration du 26 mai 2025, M. [S] [P] a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 6 octobre 2025, il demande à la cour, au visa des articles L. 631-1 et suivants du code de procédure civile, de :

ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture ;

juger son appel recevable et bien fondé ;

réformer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

juger qu'il n'y a pas lieu à l'ouverture d'une procédure de redressement judicaire ;

débouter l'URSSAF du Languedoc Roussillon de l'ensemble de ses demandes ;

et le condamner à payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 11 août 2025, l'URSSAF du Languedoc Roussillon demande à la cour, au visa des articles L. 631-1, R. 631-2 du code de commerce et des articles L. 244-9 et R. 133-3 du code de la sécurité sociale, de :

débouter M. [S] [P] de l'ensemble de ses demandes ;

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

et statuer ce que de droit sur les dépens.

Par avis du 6 octobre 2025, communiqué aux autres parties par RPVA, le ministère public fait valoir :

que sur la motivation du jugement, il est fait référence aux pièces produites et aux informations recueillies par le tribunal et que, sans que cela soit suffisant, le débiteur était non comparant à l'audience de sorte, qu'au vu des pièces produites par le demandeur en première instance, la motivation est valable au sens des articles 455, et 456 du code de procédure civile ;

et que l'état de cessation des paiements est caractérisé au vu des créances et des mesures d'exécution vaines à ce jour (neuf contraintes, cinq saisies-attribution, deux saisies-vente).

À l'audience des plaidoiries du 8 octobre 2025, les parties ayant donné leur accord, l'ordonnance de clôture a été révoquée et nouvelle clôture a été prononcée.

MOTIFS

Sur la nullité du jugement

1. M. [S] [P] fait valoir qu'à la lecture du jugement, il ne peut même pas savoir de quelle créance l'URSSAF a estimé devoir se prévaloir pour obtenir l'ouverture d'une procédure collective, l'existence de l'état de cessation des paiements procédant d'une simple affirmation, sans aucune étude de pièces produites, ni aucune application d'une quelconque règle.

2. L'URSSAF du Languedoc Roussillon objecte qu'en constatant l'état de cessation des paiements, le premier juge a motivé de façon circonstanciée sa décision au sens des dispositions des articles 455 et 458 du code de procédure civile cités par l'appelant.

Sur ce, la cour,

3. L'article 542 du code de procédure civile dispose que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

4. En application des dispositions des articles 455 et 458 du code de procédure civile, le jugement doit être motivé, à peine de nullité.

5. L'article L. 631-1 du code de commerce dispose notamment que la procédure de redressement judiciaire est ouverte à tout débiteur en cessation des paiements, définie comme l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

6. La motivation d'un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit ainsi caractériser cette situation.

7. Il ressort des motifs du jugement déféré que le premier juge, pour décider l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, s'est déterminé par des motifs généraux, au regard des « débats et dossier », dont il n'évoque pas le contenu et dont il n'a pas fait l'analyse, de sorte qu'il ne satisfait pas aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

8. Il sera fait droit à la demande d'annulation.

9. En application de l'article 562 du code de procédure civile prévoyant que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement, la cour doit néanmoins statuer sur l'ensemble du litige au fond.

Sur le redressement judiciaire

10. L'actif disponible, au sens de l'article L. 631-1 du code de commerce précité, est constitué des sommes, valeurs et fonds dont l'entreprise peut immédiatement disposer pour régler immédiatement ses dettes exigibles. Il comprend ainsi toutes les liquidités de l'entreprise, ainsi que les actifs réalisables immédiatement ou à bref délai.

11. Pour apprécier l'actif disponible, il convient de se placer au jour où la cour statue. Ainsi, tout nouvel apport de fonds effectué postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire doit être pris en compte dans le calcul de l'actif disponible.

12. Le passif exigible comprend l'ensemble des dettes certaines, liquides et exigibles, soit, en principe, toutes les dettes échues au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective. Seul doit être pris en compte le passif exigible, sans qu'il soit besoin d'être exigé.

13. Le créancier qui assigne son débiteur en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire doit rapporter les éléments de preuve de nature à caractériser la cessation des paiements de ce dernier.

14. Les procédures civiles d'exécution forcée engagées en vain contre le débiteur, établissant l'absence d'actif disponible peuvent parfaitement faire office de démonstration, contrairement à ce que soutient l'appelante.

15. Dans l'hypothèse où le débiteur opposerait un refus de paiement pour quelques motifs que ce soit, lequel se distingue comme le souligne à juste titre l'appelante de la cessation des paiements, il lui appartient alors de justifier des motifs de ce refus conformément à l'article 1353 du code civil.

16. En l'espèce, M. [S] [P] fait valoir qu'une déclaration de créance ne justifie en rien d'une créance mais, seulement, d'une déclaration et qu'il se réserve évidemment la possibilité de contester les déclarations de créances à son passif. Il plaide encore que lorsque ces créances seront connues, il justifiera pouvoir régler chacune d'elles.

17. Mais, la créance de l'URSSAF du Languedoc Roussillon, d'ores et déjà déclarée, est connue et, en outre, M. [S] [P] qui conteste le montant dû à l'intimée en raison d'un relevé d'une situation comptable au 5 septembre 2025 et qui expose détenir la somme de 7 500 euros déposée sur un compte CARPA, outre celle de 6 000 euros et, enfin, un compte courant créditeur de 2 686,12 euros de son entreprise, ouvert dans les livres du Crédit Agricole, n'explique pas son refus, maintes fois réitérés, de payer la créance de l'URSSAF, laquelle est pourtant certaine, liquide et exigible pour avoir été constatée par neuf contraintes pour un montant, à l'origine, de 27 613,70 euros.

18. Il y a lieu ainsi de constater l'état de cessation des paiements, et de prononcer l'ouverture du redressement judiciaire à l'égard de M. [S] [P].

PAR CES MOTIFS

La cour,

Prononce la nullité du jugement déféré,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute M. [S] [P] de ses demandes,

Constate l'état de cessation des paiements au jour du présent arrêt et prononce l'ouverture du redressement judiciaire de M. [S] [P],

Dit qu'il sera fait application des articles L. 631-1 et suivants du code de commerce et fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 21 mars 2025,

Désigne M. Pascal Hebrard en qualité de juge-commissaire et M. Jean-Pierre Aurieres et M. Bernard Smila en qualité de juge-commissaire suppléants ainsi que Me [U] [W], ès qualités de mandataire judiciaire,

Ordonne la désignation de SCP Bertrand de Latour et Jean-Christophe Giuseppi, commissaires de justice, pour réaliser l'inventaire et la prisée prévue à l'article L. 622-6 du code de commerce,

Fixe à 18 mois le délai d'établissement de la liste des créances déclarées,

Ordonne publication du présent arrêt,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective,

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente

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