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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 18 novembre 2025, n° 25/02564

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 25/02564

18 novembre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 18 NOVEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 25/02564 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QVCQ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 30 AVRIL 2025

TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS

N° RG 2025000888

APPELANT :

Monsieur [S] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Andie FULACHIER substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants

Représenté par Me Jean-Baptiste ROYER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMES :

Maître [Z] [D] ès qualités de Mandataire Judiciaire de Monsieur [S] [P]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représenté par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Organisme URSSAF DE LANGUEDOC ROUSSILLON

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Denis CLERMONT substituant Me François BORIE de la SCP DORIA AVOCATS, avocats au barreau de MONTPELLIER

MINISTERE PUBLIC

EN SON PARQUET

COUR D'APPEL

[Localité 2]

Ordonnance de clôture du 1er Octobre 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 906-5 et 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Octobre 2025,en audience publique, devant M. Fabrice VETU, conseiller, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

M. Fabrice VETU, conseiller

Greffier lors des débats : Mme Elodie CATOIRE

Ministère public :

L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis écrit le 21 août 2025 et s'en rapporte.

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, greffier

FAITS ET PROCEDURE

Par lettre du 2 octobre 2024, l'URSSAF du Languedoc Roussillon a mis en demeure M. [S] [P], entrepreneur individuel et employeur, de lui payer la somme totale de 11 213,26 euros au titre de son compte indépendant n° [Numéro identifiant 6]et de son compte employeur n° [Numéro identifiant 5].

Par exploit du 14 février 2025, l'URSSAF du Languedoc Roussillon a assigné M. [S] [P] aux fins de voir constater son état de cessation des paiements et obtenir l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Par jugement contradictoire du 30 avril 2025, le tribunal de commerce de Béziers a :

donné acte à M. [S] [P] de ce qu'il a déclaré ne pas avoir de dette personnelle ;

dit que conformément aux dispositions de l'article L. 681-2 II du code de commerce la procédure s'appliquera donc uniquement sur le patrimoine professionnel du débiteur ;

ouvert à l'égard de M. [S] [P] une procédure de redressement judiciaire ;

fixé provisoirement au 5 mars 2024 la date de cessation des paiements ;

nommé Mme Chantal Roncero en qualité de juge commissaire, M. Patrick Giovannoni en qualité de juge commissaire suppléant et La SELARL [Z] [D], prise en la personne de M. [Z] [D], en qualité de mandataire judiciaire ;

désigné la SAS [T] [R] et [J] [G], commissaires de justice, pour procéder à l'inventaire et à la prisée du patrimoine de [S] [P] ainsi que des garanties qui le grèvent ;

ouvert la période d'observation de 6 mois prévue par les dispositions d l'article L. 621-3 du code de commerce ;

autorisé la continuation de l'exploitation commerciale jusqu'au 18 juin 2025 date à laquelle le tribunal statuera sur l'opportunité d'autoriser ladite continuation s'il apparaît que M. [S] [P] dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes ;

dit que conformément aux dispositions de l'article L. 631-15 du code de commerce l'affaire sera rappelée ;

conformément aux dispositions de l'article L. 621.4 du code de commerce, invité les salariés de l'entreprise à designer un représentant, et ce, dans les dix jours du prononcé du jugement ;

dit que le procès-verbal d'élection sera déposé au greffe du tribunal ;

enjoint à M. [S] [P] d'avoir à fournir sous délai de huitaine au mandataire judiciaire sus désigné la liste de ses créanciers avec leur adresse et le montant des sommes dues, et ce, par application des dispositions de l'article R. 822-5 alinéa 2 -du code de commerce ;

dit que le mandataire judiciaire déposera ladite liste au greffe de notre tribunal, et ce, conformément aux dispositions de l'article R. 622-5 du code de commerce ;

dit que par application des dispositions des articles L. 624-1 et R. 622-5 du code de commerce, le mandataire judiciaire déposera la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant le juge commissaire dons un délai d'un an à compter du prononce du jugement ;

ordonné sans délai à M. [S] [P] de communiquer au greffe du tribunal tout changement d'adresse de son domicile personnel afin de pourvoir être joint à tout moment pour les besoins de la procédure ;

rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

et déclaré les dépens frais privilégiés de redressement judiciaire.

Par déclaration du 14 mai 2025, M. [S] [P] a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 23 septembre 2025, il demande à la cour, au visa des articles 9, 455, 458 du code de procédure civile et des articles L. 631-1 et suivants du code de commerce, de :

juger nul le jugement entrepris ;

l'infirmer ;

En tout état de cause,

Statuant à nouveau,

juger qu'il n'y a pas lieu à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ;

débouter l'URSSAF du Languedoc Roussillon et toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes ;

et condamner tout succombant à payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 22 septembre 2025, la SELARL [Z] [D], prise en la personne de M. [Z] [D], ès qualités de mandataire au redressement judiciaire de M. [S] [P], demande à la cour, au visa de l'article L. 631-1 du code de commerce, de :

lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la justice ;

et statuer ce que de droit sur les dépens.

Par conclusions du 29 septembre 2025, l'URSSAF du Languedoc Roussillon demande à la cour, au visa des articles L. 244-9, R. 133-3 du code de la sécurité sociale et des articles L. 631-1 et R. 631-2 du code de commerce, de :

Dans l'hypothèse où la cour de céans considérerait qu'elle n'aurait pas efficacement procédé à la déclaration de ses créances au passif du redressement judiciaire de M. [S] [P],

surseoir à statuer, dans l'attente qu'elle soit relevée de forclusion et ait pu déclarer ses créances entre les mains de M. [Z] [D], ès qualités, au passif du redressement judiciaire de monsieur [P] ;

Au fond,

débouter M. [S] [P] de l'ensemble de ses demandes, ;

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

et statuer ce que de droit sur les dépens.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Par avis du 21 août 2025, communiqué aux parties par RPVA, le ministère public s'en rapporte à l'appréciation de la cour.

L'ordonnance de clôture est datée du 1er octobre 2025.

MOTIFS

Sur la nullité du jugement

1. M. [S] [P] fait valoir qu'à la lecture du jugement, l'existence de l'état de cessation des paiements n'est pas démontrée mais procède d'une simple affirmation, le tout, sans aucune étude de pièces produites, ni aucune application d'une quelconque règle.

2. L'URSSAF du Languedoc Roussillon répond qu'en constatant l'état de cessation des paiements, le premier juge a motivé de façon circonstanciée sa décision au sens des dispositions des articles 455 et 458 du code de procédure civile.

Sur ce, la cour,

3. L'article 542 du Code de procédure civile dispose que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

4. En application des dispositions des articles 455 et 458 du code de procédure civile, le jugement doit être motivé, à peine de nullité.

5. L'article L. 631-1 du code de commerce dispose notamment que la procédure de redressement judiciaire est ouverte à tout débiteur en cessation des paiements, définie comme l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

6. La motivation d'un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit ainsi caractériser cette situation.

7. Le premier juge, à l'appui de sa décision d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, a relevé que de nombreuses contraintes avaient été émises et que des procédures d'exécution et, notamment, une dernière saisie-attribution datée du 28 janvier 2025, s'étaient révélées infructueuses, avant de juger que cette situation caractérisait la cessation des paiements.

8. Cette motivation satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

9. Il y a lieu, dès lors, de débouter l'appelant de sa demande d'annulation du jugement.

Sur le redressement judiciaire

10. M. [S] [P] plaide, d'une part, que la créance de l'URSSAF n'est pas justifiée, une taxation d'office devant être rectifiée après envoi des revenus pour la période considérée, ce qui a été réalisée par ses soins, d'autre part, que l'intimée n'aurait pas déclaré les créances dont elle se prévaut.

11. L'URSSAF du Languedoc Roussillon objecte qu'il y a nécessairement lieu de prendre en compte sa déclaration de créances qui, pour rappel, est constatée par des contraintes définitives qui revêtent tous les effets d'un jugement exécutoire et qu'elle justifie par ailleurs avoir produit ses deux créances (pièces n°14 et 15).

Sur ce, la cour,

12. L'actif disponible, au sens de l'article L. 631-1 du code de commerce précité, est constitué des sommes, valeurs et fonds dont l'entreprise peut immédiatement disposer pour régler immédiatement ses dettes exigibles. Il comprend ainsi toutes les liquidités de l'entreprise, ainsi que les actifs réalisables immédiatement ou à bref délai.

13. Pour apprécier l'actif disponible, il convient de se placer au jour où la cour statue. Ainsi, tout nouvel apport de fonds effectué postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire doit être pris en compte dans le calcul de l'actif disponible.

14. Le passif exigible comprend l'ensemble des dettes certaines, liquides et exigibles, soit, en principe, toutes les dettes échues au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective. Seul doit être pris en compte le passif exigible, sans qu'il soit besoin d'être exigé.

15. Le créancier qui assigne son débiteur en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire doit rapporter les éléments de preuve de nature à caractériser la cessation des paiements de ce dernier.

16. La cour ne statue pas en qualité de juge-commissaire de la procédure mais en qualité de juge de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de M. [S] [P] de sorte qu'elle ne peut « nécessairement » prendre en compte la déclaration de créance de l'intimée, contrairement à ce qu'elle sollicite.

17. La SELARL [Z] [D], en sa qualité de mandataire judiciaire fait valoir dans ses écritures, qu'au jour où la cour statue, le passif exigible, au vu des déclarations de créances réceptionnées, ressort à la somme de 703,49 euros, et s'en rapporte donc sur l'état de cessation des paiements et l'ouverture d'une procédure collective.

18. Le ministère public ne dérive pas davantage l'état de cessation des paiements.

19. C'est donc cette somme qui sera retenue au titre du passif exigible. Dès lors qu'en l'état des productions il n'est pas justifié que M. [S] [P] ne puisse pas régler cette somme à l'aide de son actif disponible, la cessation des paiements n'est pas caractérisée.

20. Le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déboute l'appelant de sa demande de nullité du jugement,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Déboute l'URSSAF du Languedoc Roussillon de sa demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. [S] [P],

Condamne l'URSSAF du Languedoc Roussillon aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente

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