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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 18 novembre 2025, n° 25/00173

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 25/00173

18 novembre 2025

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°342

N° RG 25/00173 - N° Portalis DBVL-V-B7J-VQ2V

(Réf 1ère instance : 23/01518)

S.E.L.A.R.L. MJO PRISE EN LA PERSONNE DE ME [C]

C/

M. [S] [F]

Mme [X] [F] NÉE [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me CHAUDET

Me PRENEUX

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à : TJ de [Localité 6]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,

Assesseur : Mme Constance DESMORAT, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Septembre 2025

devant Madame Sophie RAMIN, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. MJO

prise en la personne de Me [C] es qualités de mandataire liquidateur de la société EARL LOIRE VALLEE désigné par jugement en date du 23 novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de Nantes

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me François-Xavier NIHOUARN de la SELARL TORRENS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉS :

Monsieur [S] [F]

[Adresse 4]

[Localité 2].

Représenté par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Marie ROBINEAU de la SELARL KACERTIS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Madame [X] [F] NÉE [O]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Marie ROBINEAU de la SELARL KACERTIS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

L'EARL Loire Vendée a pour associés M. [F] et Mme [O] épouse [F].

Par jugement du 27 avril 2022, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de l'EARL Loire Vallée et M. [U] a été désigné mandataire judiciaire.

Par jugement du 3 décembre 2013, un plan de redressement a été arrêté au profit de l'EARL Loire Vallée. M. [U] a été désigné commissaire à l'exécution du plan, remplacé postérieurement par M. [C].

Par jugement du 23 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Nantes a résolu le plan et ouvert une procédure de liquidation judiciaire de l'EARL Loire Vallée. La société [V] [C] - MJO, prise en la personne de M. [C], a été désignée liquidateur judiciaire.

Le 27 mars 2023, la société MJO ès qualités a assigné M. et Mme [F] devant le tribunal judiciaire de Nantes aux fins de remboursement de leurs comptes courants d'associé débiteurs pour une somme totale de 1 109 782,73 euros.

Par conclusions d'incident du 9 octobre 2023, M. et Mme [F] ont saisi le juge de la mise en état aux fins d'irrecevabilité de l'action du liquidateur judiciaire motif pris de sa prescription.

Par ordonnance du 14 novembre 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nantes a :

- déclaré irrecevable la demande formée par la société [V] [C] - MJO à l'encontre de [S] [F] et [X] [F],

- condamné la société [V] [C] - MJO à payer à [S] [F] et [X] [F] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [V] [C] - MJO aux dépens.

Par déclaration du 8 janvier 2025, la société MJO ès qualités a interjeté appel de cette ordonnance mettant fin à l'instance.

La proposition de médiation du président de la chambre commerciale de la cour d'appel a été refusée par l'appelante.

Les dernières conclusions de l'appelante ont été déposées le 7 juillet 2025 ; celles des intimés, le 21 mai 2025.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 septembre 2025.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

La société MJO ès qualités demande à la cour de :

- Infirmer en son intégralité l'ordonnance, en ce qu'elle a :

- déclaré irrecevable la demande formée par la société [V] [C] - MJO à l'encontre de [S] [F] et [X] [F],

- condamné la société [V] [C] - MJO à payer à [S] [F] et [X] [F] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [V] [C] - MJO aux dépens.

- Jugeant à nouveau,

- juger que le point de départ de la prescription de l'action en recouvrement des comptes courants d'associés débiteurs de M. et Mme [F] dans la comptabilité de la société EARL Loire Vallée est matérialisé par la clôture desdits comptes-courants, soit lors de la liquidation judiciaire de l'EARL le 23 novembre 2021,

- juger l'action introduite par la société MJO ès qualités comme étant recevable car introduite le 27 mars 2023, soit dans le délai de 5 ans prévu à l'article 2224 du code civil, et non prescrite,

- débouter M. et Mme [F] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement M. et Mme [F] à payer à la société MJO ès qualités la somme de 2 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l'incident de première instance,

- condamner solidairement M. et Mme [F] à verser à la société MJO ès qualités la somme de 5 000 € au visa de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel.

M. et Mme [F] demandent à la cour de :

- Confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

- déclaré irrecevable la demande formée par la société [V] [C] - MJO à l'encontre de [S] [F] et [X] [F],

- condamné la société [V] [C] - MJO à payer à [S] [F] et [X] [F] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [V] [C] - MJO aux dépens,

- condamner la société [V] [C] - MJO à payer à M. et Mme [F] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société [V] [C] - MJO aux dépens.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.

DISCUSSION

La société MJO ès qualités fait valoir que le point de départ de la prescription se situe au jour de l'exigibilité d'une créance et que l'exigibilité du compte courant débiteur d'associé intervient soit au jour de sa clôture, au moment de l'ouverture de la liquidation judiciaire, date à laquelle il ne peut plus être crédité par l'associé, soit au jour de la demande en paiement.

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa

demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 2224 du code civil dispose :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

Le point de départ de la prescription d'une action en paiement est le jour où le créancier a su que la créance était devenue exigible.

La simple connaissance par le liquidateur judiciaire, la société elle-même ou l'ancien mandataire judiciaire, de l'existence des comptes courants d'associé débiteurs est sans incidence quant au point de départ de la prescription.

Si le remboursement du compte courant d'associé débiteur peut être sollicité à tout moment, il ne devient exigible qu'à compter de la clôture du compte ou d'une demande en paiement.

Si l'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur interdit à un associé de se faire rembourser son compte courant créditeur, elle n'empêche pas le remboursement par l'associé de son compte courant débiteur. Il en résulte que l'ouverture de la liquidation judiciaire n'entraîne pas de manière automatique la clôture du compte courant d'associé débiteur.

L'ouverture de la liquidation judiciaire de l'EARL Loire Vallée n'a pas entraîné la clôture automatique des comptes courants d'associé débiteurs des époux [F].

L'exigibilité des comptes courants d'associé débiteurs des époux [F] résulte en revanche de la demande en paiement.

Il n'est pas invoqué par les intimés l'existence d'une demande en paiement par l'EARL Loire Vallée elle-même, le mandataire judiciaire ou le liquidateur judiciaire, antérieure à l'assignation des époux [F] en paiement devant le tribunal judiciaire par le liquidateur judiciaire le 27 mars 2023, de sorte que la prescription n'a pu courir avant cette date.

L'action du liquidateur judiciaire ès qualités n'est pas prescrite.

En conséquence, la société MJO ès qualités est recevable en son action.

Il convient d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état.

Dépens et frais irrépétibles

Succombant à l'incident, les époux [F] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de ne pas faire droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nantes du 14 novembre 2024 (23/01518) en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevable la société [V] [C] - MJO, prise en la personne de M. [C], en qualité de liquidateur judiciaire de l'EARL Loire Vallée, en son action en paiement des comptes courants d'associé débiteurs formée à l'encontre de M. [S] [F] et de Mme [X] [O] épouse [F],

Condamne in solidum M. [S] [F] et de Mme [X] [O] épouse [F] aux dépens de l'incident de première instance et de l'instance d'appel,

Rejette toute autre demande,

Le Greffier, Le Président,

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