Livv
Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 18 novembre 2025, n° 22/02849

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Masson, Mme Vallée

Avocats :

Me Raffy, Me Bloch, Me Lasserre, Me Levy, Me Fonrouge, Me Naveilhan, Me Trassard

Bordeaux, du 21 mars 2019, n° 13/04309

21 mars 2019

EXPOSE DU LITIGE:

1. La SCEA [14] avait pour associés :

- M. [N] [I], propriétaire de 30 parts sociales (30%),

- M. [A] [U], propriétaire de 37 parts sociales (37 %),

- La Selarl [17], propriétaire de 22 parts sociales (22 %),

- M. [H] [C], propriétaire de 7 parts sociales (7 %),

- Mme [W] [R], propriétaire de 2 parts sociales (2 %),

- M. [O] [S], propriétaire de 2 parts sociales (2 %).

Par jugement en date du 14 mai 2004, le tribunal de grande instance de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SCEA [14].

Un plan de redressement par continuation a été homologué par jugement en date du 24 juin 2005.

Par jugement en date du 27 novembre 2009, le tribunal de grande instance de Bordeaux a prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la SCEA [14] ; la SCP [F] [12] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

2. Par acte du 28 janvier 2013, la SCP [F] [12] es-qualités a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, les associés de la SCEA [14] à savoir M. [N] [I], M. [A] [U], la SELARL [17], M. [H] [C], Mme [W] [R] et M. [O] [S] en sollicitant leur condamnation à contribuer aux pertes, sur le fondement de l'article 1832 du code civil.

3. Par jugement mixte du 2 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Bordeaux a déclaré nulle l'assignation du 28 janvier 2013 de Mme [R], a déclaré recevable les actions dirigées contre MM. [I], [C], [U], [S] et la société [17], et avant dire droit a ordonné une expertise avec pour mission, notamment, d'analyser l'état de créances définitif du 18 octobre 2012, de déterminer les créances figurant en double emploi sur cet état pour chiffrer le montant du passif effectif, préciser le montant des actifs réalisés dans le cadre de la liquidation judiciaire de la Scea [14], et donner tout élément de nature à chiffrer le montant de la perte sociale en prenant en considération les apports des associés ajoutés au passif ainsi retraité, puis diminué du montant de la réalisation des actifs, et donner tout élément de nature à chiffrer le montant des paiements effectués par chaque associé auprès des créanciers de la SCEA [14].

L'expert M. [Z] a déposé son rapport le 17 février 2017.

4. Par jugement rendu le 21 mars 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de Mme [E] [I] ;

- rappelé que le jugement du 2 juillet 2015 a constaté la nullité de l'assignation à l'égard de Mme [W] [R],

- condamné M. [N] [I] à payer à la SCP [F]-[12] en sa qualité de liquidateur de la SCEA [14] la somme de 557 759,70 euros,

- condamné M. [A] [U] à payer à la SCP [F]-[12] en sa qualité de liquidateur de la SCEA [14] la sormne de 684 716,45 euros,

- condamné la Selarl [17] à payer à la SCP [F]-[12] en sa qualité de liquidateur de la SCEA [14] la somme de 409 023,78 euros,

- condamné M. [H] [C] à payer à la SCP [F]-[12] en sa qualité de liquidateur de la SCEA [14] la somme de 130 143,93 euros,

- condamné M. [O] [S] à payer à la SCP [F]-[12] en sa qualité de liquidateur de la SCEA [14] la somme 37 183,98 euros,

- dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- condamné M. [N] [I], M. [A] [U], la Selarl [17], M. [H] [C] et M. [O] [S] à payer chacun à la SCP [F]-[12] en sa qualité de liquidateur de la SCEA [14] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné M. [N] [I], M. [A] [U], la Selarl [17], M. [H] [C] et M. [O] [S] aux dépens y compris les frais d'expertise judiciaire à proportion de leur part dans le capital social, dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.

5. Par déclaration en date du 6 mai 2019, M. [H] [C] a relevé appel de cette décision, M. [N] [I] et Mme [E] [L] épouse [I] ont également formé appel par déclaration en date du 9 mai 2019,en intimant M. [A] [U], M. [O] [S] et la SCP [F]-[12] es qualités de mandataire liquidateur de la SCEA [14].

La jonction des dossiers suivis sous les numéros RG 19/02548, 19/02604 et 19/02606 a été ordonnée le 5 mars 2021.

6. Par arrêt rendu par défaut le 15 novembre 2021, la cour d'appel de Bordeaux a :

- confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 21 mars 2019 en toutes ses dispositions, sauf sur le quantum de la condamnation de M. [C] ;

Statuant à nouveau sur ce seul point :

- condamné M. [H] [C] à payer à la SCP [F]-[12] en sa qualité de liquidateur de la SCEA [14] la somme de 80.337,93 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

Y ajoutant,

- dit n'y avoir lieu à condamnation, en application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [N] [I], M. [A] [U], la Selarl [17], et M. [O] [S] aux entiers dépens, et autorise leur recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

7. Par déclaration notifiée au greffe de la cour le 13 juin 2022, M. [A] [U], non-comparant en première instance, a formé opposition à cet arrêt, en concluant sur le fond à la rétractation de l'arrêt rendu le 15 novembre 2021 par la cour d'appel de Bordeaux, et au rejet de l'intégralité des demandes formées par la SCP [F]-[12].

8. Par ordonnance du 27 octobre 2023, le conseiller de la mise en état de la quatrième chambre commerciale de la cour d'appel de Bordeaux, saisi par la société [F]-[12] ès qualité, a :

- rejeté la fin de non-recevoir,

- déclaré recevable l'opposition formée par M. [A] [U], le 13 juin 2022, à l'encontre de l'arrêt rendu par défaut par la cour d'appel de Bordeaux le 15 novembre 2021,

- condamné la SCP [F]-[12], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SCEA [14] à payer à M. [A] [U] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par la SCP [F]-[12], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SCEA [14],

- condamné la SCP [F]-[12], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SCEA [14], aux dépens de l'incident.

La société [F]-[12] es qualités a formé requête en déféré le 3 novembre 2023.

9. Par arrêt du 26 janvier 2024, la cour a :

- constaté le désistement de la société [F]-[12] ès qualité de son désistement de la requête en déféré.

- l'a condamnée en cette qualité à payer à M.[U] une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- rejeté les autres demandes formées au même titre;

- condamné la SCP [F]-[12] agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SCEA [14] aux dépens de déféré.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

10. Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 29 septembre 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [A] [U] demande à la cour de :

Vu les articles 571 et suivants, 696, 700 du code de procédure civile,

- déclarer l'opposition formée par M. [U] recevable et bien fondée ;

En conséquence,

- rétracter l'arrêt rendu par la quatrième chambre de la cour d'appel de Bordeaux le 15 novembre 2021 (RG n°19/02548) ;

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 21 mars 2019 en ce qu'il a :

- condamné M. [A] [U] à payer à la SCP [F]-[12] en sa qualité de liquidateur de la SCEA [14] la somme de 684 716,45 euros ;

- dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement,

- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- condamné M. [I], M. [U], la Selarl [17], M. [C] et M. [S] à payer chacun à la SCP [F]-[12] en sa qualité de liquidateur de la SCEA [14] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la créance de 304 898 euros produite par M. [U] à titre de caution n'a pas été décaissée et n'a donc pas à être retenue dans l'état définitif des créances et qu'en conséquence le montant de 304 898 euros se déduit de l'état définitif des créances ;

- constater l'abandon par les associés de la SCEA [14] de leurs comptes courants d'associés soit 1 577 967 euros ;

- dire et juger que le montant de 1 577 967 euros représentant les comptes courants des associés figurant dans l'état des créances définitif du 18 octobre 2012, doit être déduit du passif ;

- juger en conséquence que M. [U] ne serait être tenu à un quelconque comblement de passif ;

- débouter la SCP [F]-[12] prise en sa qualité de liquidateur de la SCEA [14] de l 'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner la SCP [F]-[12] aux entiers dépens de l'instance à verser à M. [U] une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCP [F]-[12] aux entiers dépens de l'instance ;

11. Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 26 septembre 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, les consorts [I] et la [17] demandent à la cour de :

Avant dire droit, en tant que de besoin :

- ordonner une expertise comptable.

- désigner M. [Z] pour qu'il complète les termes de son rapport du 14 février 2017

Au fond

- infirmer le jugement du 21 mars 2019 en ce qu'il a condamné M. [I] et la société [17] au comblement du passif de la liquidation judiciaire de la SCEA [14].

- limiter la contribution au comblement du passif de la liquidation judiciaire de la SCEA [14] de la manière suivante :

- soit pour M. [I] : 84 370 euros

- soit pour la société [17] : - 93 091 euros

- compenser ces montants avec d'éventuels abandons de créances à intervenir,

- juger en conséquence que M. et Mme [I], de même que la société [17], ne sont pas tenus à un quelconque comblement de passif.

- condamner le liquidateur aux entiers frais et dépens de la procédure ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

12. Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 21 mai 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [C] demande à la cour de :

- rétracter l'arrêt de la Cour de céans du 15.11.2021,

- dire et juger que la créance de M. [U] n'a pas été décaissée et n'a donc pas à être retenue dans l'état définitif des créances,

- constater l'abandon par les associés de la SCEA [14] de leur compte courant d'associés,

- dire et juger en conséquence que le montant de 1 577 967 euros représentant les comptes courants des associés doit être déduit du passif,

- débouter la SCI [F] [12] de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner aux dépens.

13. Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 17 juin 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société [F]-[12] ès qualité demande à la cour de :

Vu les articles 571 et suivants du code de procédure civile,

Vu l'article L. 622-7 du code de commerce,

Vu les articles 1193 et suivants du code civil,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées aux débats,

- débouter M. [A] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, à l'égard de la SCP [F] [12], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SCEA [14] ;

- rejeter l'opposition ;

- débouter M. [H] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, à l'égard de la SCP [F] [12], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SCEA [14] ;

- débouter M. [N] [I], Madame [E] [L], épouse [I], et la SELARL [17] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, à l'égard de la SCP [F] [12], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SCEA [14] ;

En conséquence,

- dire n'y avoir lieu à rétracter l'arrêt prononcé qui produira son plein et entier effet ;

- condamner M. [A] [U] au paiement de la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Trassard et Associes en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamner M. [H] [C] au paiement de la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Trassard et Associés en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum M. [N] [I], Madame [E] [L], épouse [I], et la SELARL [17] au paiement de la somme de 3 000 euros chacun par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Trassard et Associés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [O] [S] n'a pas constitué avocat dans le cadre de l'instance sur opposition.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 septembre 2025.

Par message électronique du 29 septembre 2025, le conseil de la SCP [F]-[12] es-qualités a demandé à la cour de déclarer irrecevables les conclusions et pièces notifiées par M.et Mme [I] ainsi que par la Selarl [17] le 26 septembre 2025.

Par message électronique en réponse du 8 octobre 2025, le conseil de M.et Mme [I] et de la Selarl [17] a répliqué que ses dernières conclusions avaient été déposées avant la clôture et ne pouvaient donc être déclarées irrecevables, qu'il appartenait à la SCP [F]-[12] es-qualités de solliciter en temps utile le report de la clôture au jour des plaidoiries.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la recevabilité de l'opposition de M. [A] [U]:

14. Par ordonnance du 27 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir opposé par la SCP [F]-[12] et a déclaré irrecevable l'opposition formée par Monsieur [A] [U] le 13 juin 2022, à l'encontre de l'arrêt rendu par défaut par la cour d'appel de Bordeaux le 15 novembre 2021.

Cette ordonnance est devenue définitive puisque par arrêt du 26 janvier 2024, la cour d'appel de Bordeaux a constaté le désistement de la SCP [F]-[12] agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SCEA [14] de sa requête en déféré.

La demande maintenue devant la cour statuant au fond, tendant à voir déclarer recevable l'opposition formée par M.[A] [U], est donc sans objet.

Sur la recevabilité des conclusions déposées et notifiées le 26 septembre 2025 par M. et Mme [I] et par la Selarl [17]:

15. Selon les dispositions de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

16. En l'espèce, les parties ont été avisées le 30 mai 2025 par le greffe que l'affaire était fixée à l'audience collégiale du 14 octobre 2025 et que la clôture interviendrait le 30 septembre 2025.

Le mandataire liquidateur a conclu le 17 juin 2025.

Par message électronique du 26 septembre 2025, M.et Mme [I] et la Selarl [17] ont notifié des conclusions n°3 qui contiennent une demande nouvelle aux fins d'expertise, ainsi qu'une argumentation concernant:

- le montant du passif de la liquidation,

-'l'inexistence' de la créance de la [11] et de la société [13] du fait des paiements reçus de la part des cautions solidaires, disposées à abandonner leur créance,

- une déduction à opérer sur le passif de la liquidation.

Toutefois, ces conclusions du 26 septembre 2025 n'appelaient pas nécessairement de réponse de la part de la SCP [F]-[12] es-qualités, qui s'était déjà expliquée de manière complète dans ses conclusions sur le montant du passif définitif, sur le passif payé et le solde en compte à la Caisse des Dépôts et Consignations, en réponse aux conclusions de M. [U], opposant.

En toutes hypothèses, la SCP [F]-[12] es-qualités, qui n'a pas sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture, ne justifie pas de l'impossibilité dans laquelle elle aurait été de répondre brièvement avant la clôture du 29 septembre 2025, aux dernières conclusions des époux [I] et de la Selarl [17] en date du 26 septembre 2025.

17.Il n'y a donc pas lieu d'écarter les conclusions n°3 des époux [I] et de la Selarl [17].

Sur le bien-fondé de l'opposition:

18. Il doit être rappelé à titre liminaire que selon les dispositions de l'article 572 alinéa 1er du code de procédure civile, l'opposition remet en question, devant le même juge, les points jugés par défaut pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.

Les prétentions formulées dans le cadre de l'instance sur opposition, par les associés autres que M. [U], dont elles avaient été déboutées par l'arrêt rendu par défaut, sont néanmoins recevables dès lors qu'elle sont indissociables de celles de l'opposant, et tendent d'ailleurs aux mêmes fins.

Moyens des parties:

19. M. [U] soutient qu'il ne serait être tenu à un quelconque comblement de passif dès lors qu'il y a lieu de déduire de l'état définitif des créances de la liquidation judiciaire (d'un montant de 3 756 079,48 euros) la somme de 840 168 euros au titre de règlements réalisés par les cautions, ainsi que le montant du produit des actifs réalisés pendant le cours de la liquidation judiciaire, soit une somme totale de 1 056 709 euros et les abandons de créance en compte courant des associés, d'un montant de 1 577 969 euros. Il ajoute que doit être également déduite la somme de 304 898,03 euros au titre des cautions appelées et qui n'ont pas fait l'objet de décaissement.

Il expose en outre que les époux [I] ont procédé à des abandons complémentaires de créances pour la somme de 470 271,00 euros et 68 350,00 euros, de sorte que plus aucun montant ne pourrait être dû.

Il conteste les affirmations du mandataire liquidateur, selon lesquelles le protocole d'abandon de compte courant serait frauduleux.

20. Les consorts [I] et la [17] exposent que la participation aux pertes était basée sur une perte de 1 859 199 euros; qu'à la suite du protocole d'abandon de créances des comptes courants d'associés régularisé entre les parties et à l'annulation de la créance de Mme [R] en raison de la vacance de sa succession, le passif résiduel de la liquidation doit être réparti au prorata entre les associés, soit 84 370 euros pour les consorts [I] et 61 871 euros pour la pharmacie [17].

Ils ajoutent que la société [17] a réglé une somme de 154 962 euros au bénéfice de la société [13] qui doit être déduite par compensation, qu'en conséquence, il n'est plus possible de mettre à la charge des consorts [I] ou de la [17] une quelconque obligation au titre du comblement de passif.

Ils indiquent également leur faculté de procéder à des abandons complémentaires de créances pour la somme de 470 271,00 euros et 68 350,00 euros, de sorte que plus aucun montant ne pourrait être dû.

Ils demandent avant dire droit, en tant que de besoin, d'ordonner une expertise comptable, et de désigner M. [Z] afin qu'il complète son rapport.

21. M. [C] expose qu'il convient de déduire de l'état définitif des créances au 18 octobre 2012 (d'un montant de 3 756 079,48 euros), les sommes réglées directement aux banques à hauteur de 748 084,06 euros, ainsi que les réalisations du liquidateur et les abandons de créances, qu'il en résulte un solde de 372 317,42 euros qui doit être réduit des abandons de créances offerts par les consorts [I].

22. La société [F]-[12] ès qualité demande que M. [U] soit débouté de ses demandes de compensation avec les paiements réalisés en sa qualité de caution et les créances en compte courant d'associé.

Elle fait valoir que la compensation entre les créances des associés à l'encontre de la société et le montant de leur contribution aux pertes sociales ne peut être ordonnée qu'en cas de connexité entre les créances, conformément aux dispositions de l'article L. 622-7 du code de commerce dans sa version applicable au litige, qu'aucune compensation n'est en l'espèce possible entre les sommes dont les associés sont redevables au titre de leur contribution aux pertes et les créances qu'ils détiennent sur la société en tant que cautions.

Elle soutient également que le solde créditeur d'un compte courant d'associé ne présente aucune connexité avec l'obligation de contribuer aux pertes à la charge du même associé, puisque cette obligation dérive du contrat de société alors que la créance de compte courant résulte d'un contrat de prêt consenti à la société.

Elle soutient que le protocole d'abandon de créances en compte courant est frauduleux, et donc inopposable à la société SCEA [14], puisque conclu pour éluder les règles d'ordre public de répartition des paiements par le liquidateur, que le liquidateur n'y est pas partie de même que la succession de Mme [R] et qu'il n'est pas démontré que la condition suspensive ait été exécutée.

Elle ajoute que même si l'abandon de créances est retenu, l'insuffisance d'actif s'élève à la somme de 1 745 630,23 euros, que devront supporter les associés à proportion de leur participation au capital.

Elle demande que M. [U] soit débouté de sa demande tendant à l'enjoindre de produire les justificatifs des actifs réalisés ainsi que les justificatifs des frais liés à la liquidation judiciaire.

Réponse de la cour:

23. Selon les dispositions de l'article 1832 du code civil, les associés s'engagent à contribuer aux pertes.

24. En l'espèce, l'état définitif des créances s'élève à 3 756 079.48 euros (selon le tableau produit par le mandataire liquidateur, arrêté au 10 décembre 2024).

Ce point n'est pas discuté par les parties.

Sur la déduction des sommes payées par les cautions:

25. Il ressort du rapport d'expertise judiciaire de M. [Z] en date du 14 février 2017 que les paiements effectués par les consorts [I] et par M. [U] en qualité de cautions solidaires des financements accordés à la SCEA [14], pour un montant total de 840 168 euros ont éteints, à due concurrence, les créances des prêteurs telles que déclarées au passif.

Le tribunal en a déduit que le passif auquel les associés doivent contribuer est égal au passif admis diminué de ce que les cautions ont payé, sans risque que le créancier initial soit payé deux fois; de sorte que le passif résiduel de la liquidation judiciaire de la SCEA s'élevait donc à la somme de 3 756 079.48 - 840168 = 2 915 911 euros, arrondie à 2 915 908 euros par l'expert.

Dans le cadre de la procédure initiale d'appel, la SCP [F]-[12] es-qualité avait admis le raisonnement des premiers juges en sollicitant, par conclusions du 1er octobre 2019, la confirmation du jugement rendu sur cette base et elle sollicite désormais le rejet de l'opposition à l'arrêt rendu le 15 novembre 2021.

Il convient en conséquence de retenir, comme le tribunal, un passif résiduel de 2 915 908 euros.

Sur les avances en compte courant:

26. Comme l'avait fait le tribunal, la SCP [F]-[12] es qualité rappelle à juste titre que les dispositions d'ordre public de l'article L.622-7 du code de commerce (dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008), interdisent le paiement par compensation de deux créances non connexes, ce qui est le cas de la créance de restitution liée aux avances consenties à la société en compte courant d'associé (qui s'analysent en un prêt) et l'obligation faite à chaque associé de contribuer aux pertes sociales, qui résulte du contrat de société.

27. La position des associés a évolué puisqu'ils ne prétendent plus à une compensation, mais invoquent un abandon de créances.

A la suite de l'arrêt du 15 novembre 2021 frappé d'opposition, M. [N] [I], Mme [E] [L] épouse [I], la Selarl [17], M. [H] [C] et M. [A] [U] ont, par acte acte sous seing privé signé le 15 février 2022, convenu entre eux d'un protocole aux termes duquel:

- M [N] [I] abandonne la créance de 717 346.42 euros déclarée au passif de la SCEA [14], au titre de son compte courant d'associé,

- la Selarl [17] abandonne la créance de 381'020 euros, déclarée au passif de la SCEA [14], au titre de son compte courant d'associée,

- M. [H] [C] abandonne la créance de 16'007 euros déclarée au passif de la SCEA [14], au titre de son compte courant d'associé,

- M. [A] [U] abandonne la créance de 446'825 euros déclarée au passif de la SCEA [14].

28. La preuve n'est pas rapportée d'une intention des associés de frauder ainsi aux droits de la liquidation judiciaire de la SCEA, contrairement à ce que soutient la société [F]-[12] es qualité, et en toutes hypothèses, celle-ci n'a pas sollicité la nullité de l'acte.

29. Toutefois, en application de l'article 1134 du code civil, sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu article 1103 du code civil, cet acte du 15 février 2022, valant acte de remise et libérant la SCEA de son obligation de restitution des avances en compte courant, était susceptible de modifier le montant du passif de la procédure de liquidation judiciaire, de modifier les modalités de répartition ultérieures des paiements et d'affecter le régime des avances en comptes courant d'associés au sein de la société, qui constituaient des prêts.

Cet acte ne pouvait donc être opposable au mandataire liquidateur de la SCEA que s'il en était également signataire.

Tel n'étant pas le cas, cet acte est inopposable à la SCP [F]-[12] es-qualités.

30. Sans nécessité d'expertise préalable, il convient en conséquence de confirmer le jugement sauf sur le montant de la condamnation mise à la charge de M. [C], pour tenir compte de la somme de 49806 euros déjà versée par ce dernier au titre de sa contribution aux dettes de la SCEA en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 18 mai 2011, ce qui ramène sa contribution à la somme de 80 337.93 euros.

Sur les demandes accessoires:

31. Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt de défaut et en dernier ressort :

Rejette la demande de la SCP Sivestri-[12], es qualité, tendant à voir écarter des débats les conclusions n°3 des époux [I] et de la Selarl [17], notifiées le 26 septembre 2025,

Constate le caractère définitif de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 27 octobre 2023 ayant déclaré recevable l'opposition formée par M. [U],

Déclare en conséquence sans objet la demande de M. [U] tendant aux mêmes fins, maintenue devant la cour,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 21 mars 2019 en toutes ses dispositions, sauf sur le quantum de la condamnation de M. [C] ;

Statuant à nouveau sur ce seul point :

Condamne M. [H] [C] à payer à la SCP [F]-[12] en sa qualité de liquidateur de la SCEA [14] la somme de 80.337,93 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

Y ajoutant,

Rejette les autres demandes,

Condamne M. [N] [I], M. [A] [U], la Selarl [17], M. [H] [C] et M. [O] [S] à payer chacun à la SCP [F]-[12] en sa qualité de liquidateur de la SCEA [14] la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [N] [I], M. [A] [U], la Selarl [17], et M. [O] [S] aux entiers dépens, et autorise leur recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site