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Cass. com., 15 novembre 2011, n° 10-26.511

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Favre

Cass. com. n° 10-26.511

14 novembre 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 7 septembre 2010) et les productions, que la société X... mécanique (la SDM) fabrique des pièces d'avion, notamment pour la société Airbus ; que le 2 octobre 2003, les cinq cent quatre actions représentant son capital social ont été cédées par M. Jean-Louis X..., Mme Christiane X... (M. et Mme X...), MM. Jean-François et Nicolas X... à la société Maripa investissements, la cession étant assortie d'une garantie d'actif et de passif consentie par M. et Mme X... et de la fourniture par ces derniers d'une garantie à première demande d'une banque française ; que reprochant à M. et Mme X... d'avoir manqué à leurs engagements contractuels et de lui avoir volontairement dissimulé des informations essentielles lors de la cession, la société Maripa investissements a mis en oeuvre la garantie à première demande ; que les sociétés Maripa investissements et SDM ont assigné M. et Mme X... en paiement de certaines sommes en exécution de la garantie d'actif et de passif, à titre de dommages-intérêts et en remboursement de factures prises en charge par la SDM ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Maripa Investissements et SDM font grief à l'arrêt de les avoir déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts et de les avoir condamnées au remboursement du montant de la garantie à première demande, alors, selon le moyen :

1°/ que le dol est caractérisé lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties à la convention ont été déterminantes, c'est-à-dire lorsque sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes ; que dès lors, si le juge constate qu'une partie a été victime d'une réticence dolosive, cela implique qu'en l'absence de dissimulation, elle aurait, à tout le moins, conclu la convention litigieuse à d'autres conditions, de sorte que le silence du cocontractant lui a nécessairement causé un préjudice ; que la cour d'appel a relevé que les époux X... avaient « sciemment caché à l'acquéreur des éléments déterminants de son consentement », et en a déduit que le cessionnaire des parts sociales de la SDM avait été victime d'une réticence dolosive ; qu'en jugeant pourtant que ce dol n'avait pas préjudicié à la société Maripa investissements, quand il résultait nécessairement de ses propres constatations que la société Maripa investissements n'aurait pas, à tout le moins, contracté aux mêmes conditions sans les manoeuvres frauduleuses des époux X..., l'arrêt attaqué a violé les articles 1116 et 1382 du code civil ;

2°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la cour d'appel a constaté que M. X... avait dissimulé à la société Maripa investissements des informations importantes sur la pérennité des relations de la SDM avec Airbus ; que dans le protocole de cession du 2 octobre 2003, la société Maripa investissements avait fait de la garantie donnée par M. X... sur la pérennité de ces relations « une condition essentielle et déterminante de son consentement sans laquelle elle n'aurait pas contracté », ce qu'au demeurant constate l'arrêt ; qu'en considérant pourtant que les dissimulations de M. X... n'avaient causé aucun préjudice à la société Maripa investissements, les juges du fond ont violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que le juge ne peut refuser d'indemniser un préjudice dont il a constaté l'existence en son principe ; qu'en déboutant la société Maripa investissements de sa demande de réparation au motif qu'elle n'établissait pas avoir subi un préjudice, lorsqu'il résultait de leurs propres constatations que les dissimulations de M. X... lui avaient nécessairement causé un préjudice, les juges du fond, à qui il appartenait d'évaluer ce préjudice au besoin en ordonnant une expertise, ont violé l'article 4 du code civil ;

Mais attendu que la victime du dol ne peut se voir attribuer des dommages-intérêts qu'à la condition de rapporter la preuve du préjudice que les manoeuvres dolosives lui ont fait subir ; que l'arrêt constate qu'à la suite des courriers échangés courant juin et juillet 2002 entre les sociétés Airbus et SDM, aucune déréférencement n'a été pratiqué ; qu'il relève que la perte de valeur alléguée de la SDM consécutivement à l'annonce par la société Airbus d'une réduction du nombre de ses sous-traitants n'est pas démontrée, dès lors que la SDM a pu maintenir son activité et faire progresser son chiffre d'affaires en constituant avec d'autres sous-traitants une nouvelle société ayant désormais accès aux contrats avec la société Airbus pour un volume de production beaucoup plus important ; qu'il relève encore que le cessionnaire avait été informé d'une baisse des prix imposée par Airbus en 2005 et 2006 et qu'une aggravation de cette baisse due à des facteurs conjoncturels postérieurs de trois années à la date de la vente ne saurait être imputée à faute à M. et Mme X... ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que les dissimulations reprochées à ces derniers n'ont causé aucun préjudice à leur cocontractant, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que les sociétés Maripa investissements et SDM font encore grief à l'arrêt de les avoir déboutées également de leur demande tendant au remboursement des factures émises par la société BTC et par le cabinet Legis Conseils, alors, selon le moyen :

1°/ que les conventions légalement formées tiennent de loi à ceux qui les ont faites ; que dans la garantie de passif et d'actif du 2 octobre 2003, M. et Mme X... avaient certifié que depuis le 1er janvier 2003, il n'était apparu « aucune dette ou obligation à l'égard de tiers, autre que celle résultant d'une gestion normale et courante des affaires et n'ayant pas de conséquences financières défavorables » pour la société SDM (protocole de cession du 2 octobre 2003, article 12, H, p. 20) ; qu'en considérant que s'agissant de la facture émise par le cabinet d'avocats Legis Conseils, du 2 juin 2003, il ne lui appartenait pas « de s'immiscer dans la gestion de la société SDM, d'apprécier le bien fondé des prestations en cause et le montant facturé », lorsqu'il lui incombait précisément d'examiner si cette convention passée par la société SDM résultait, quant à la prestation et au prix, « d'une gestion normale et courante des affaires », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

2°/ que le dirigeant d'une société par actions simplifiée répond à l'égard de celle-ci des fautes commises dans sa gestion ; qu'en refusant « d'apprécier le bien fondé des prestations du cabinet Legis Conseils et le montant facturé », les juges du fond n'ont pas recherché si M. X..., en tant que dirigeant de la société SDM, avait commis une faute de gestion en passant cette convention avec le cabinet Legis Conseils et, partant, ils ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 227-8 du code de commerce ;

3°/ que les conventions légalement formées tiennent de loi à ceux qui les ont faites ; que dans la garantie de passif et d'actif du 2 octobre 2003, M. et Mme X... avaient certifié que depuis le 1er janvier 2003, il n'était apparu « aucune dette ou obligation à l'égard de tiers, autre que celle résultant d'une gestion normale et courante des affaires et n'ayant pas de conséquences financières défavorables » pour la société SDM (protocole de cession du 2 octobre 2003, article 12, H, p. 20) ; qu'en se contentant de relever que la prestation de la société BTC présentait un intérêt pour la société SDM pour justifier que cette dernière s'acquitte de l'intégralité du prix de la prestation, sans rechercher si, dès lors que l'intervention de la société BTC présentait aussi un intérêt pour la SCI Les Corriaux, il n'appartenait pas à M. X..., dirigeant des sociétés SDM et SCI Les Corriaux, au titre d'une gestion normale, d'organiser un partage du prix, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

4°/ que le dirigeant d'une société par actions simplifiée répond à l'égard de celle-ci des fautes commises dans sa gestion ; qu'en ne recherchant pas à tout le moins si M. X... n'avait pas commis une faute dans la gestion de la société SDM en n'exigeant pas que la SCI Les Corriaux, dont il était aussi le dirigeant, contribue au paiement du prix de la prestation de la société BTC, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 227-8 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt constate que la facture émise par le cabinet d'avocats Legis Conseils portait sur des actes et prestations qui ont été effectués au bénéfice de la SDM avant la cession des actions de cette dernière et dont la rémunération consistait en des honoraires librement négociés entre la société et son conseil ; qu'il relève encore que les prestations accomplies par la société BTC avaient pour objet l'extension d'un atelier de mécanique aéronautique pour la SDM, laquelle était concernée au premier chef par cette extension, et à qui il incombait donc de prendre en charge la dépense correspondant aux études préalables réalisées dans son intérêt ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, faisant ressortir que les factures litigieuses acquittées par la SDM peu avant la cession résultaient d'une gestion normale et courante des affaires, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une action en responsabilité de l'ancien dirigeant social pour faute de gestion, et n'avait dès lors pas à effectuer la recherche visée par les deuxième et quatrième branches, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Maripa investissements et X... mécanique aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. et Mme X... la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille onze.

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