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Cass. com., 26 novembre 2025, n° 24-15.626

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Ducloz

Avocat général :

M. Lecaroz

Avocats :

SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers

Cass. com. n° 24-15.626

25 novembre 2025

 

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mars 2024), la société Alcatel lucent (la société Alcatel), qui a son siège social en France et dont les titres sont admis aux négociations sur le marché réglementé Euronext Paris, a conclu un contrat de dépôt avec la banque américaine JP Morgan, banque « dépositaire », en exécution duquel celle-ci, en contrepartie du dépôt d'actions de la société Alcatel dans une banque française, a émis des American Depositary Receipts (ADR), certificats libellés en dollars américains et représentant un nombre défini d'actions émises par la société Alcatel sur le marché français. Ces ADR étaient librement négociables sur le marché New-York Stock Exchange (NYSE). La société ABC arbitrage (la société ABC) a acquis des ADR ainsi émis par la banque JP Morgan.

2. Le 29 octobre 2013, le conseil d'administration de la société Alcatel, agissant sur délégation de l'assemblée générale mixte, a approuvé le principe d'une augmentation de capital avec maintien du droit préférentiel de souscription (DPS) pour les actionnaires de la société, d'un montant annuel maximum de 2,3 millions d'euros. L'opération a été initiée sur le marché Euronext Paris le 3 novembre suivant.

3. Le 5 novembre 2013, la société ABC a sollicité des informations sur les modalités d'exercice du DPS pour les détenteurs d'ADR.

4. Le 11 novembre 2013, la Bank of America Merill Lynch, chef de file des banques garantes de l'augmentation de capital, a informé la société ABC que les détenteurs d'ADR ne pouvaient se voir attribuer de DPS au titre des augmentations de capital décidées par la société Alcatel.

5. Soutenant qu'elle avait, en tant que détenteur d'ADR ayant comme sous-jacent des actions de la société Alcatel, la qualité d'actionnaire de cette société et avait été en conséquence abusivement exclue de l'exercice du DPS, la société ABC a assigné la société Alcatel en réparation de son préjudice.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

7. La société ABC fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que les actionnaires ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital ; qu'il convient, pour déterminer si le détenteur d'ADR peut être regardé comme actionnaire d'une société par actions française pour l'application du principe précité, d'examiner le contenu des accords et notamment les clauses du contrat liant l'émetteur des actions et leur dépositaire, pour déterminer si le titulaire des ADR détient les attributs et les prérogatives d'un actionnaire en droit français ; qu'en jugeant, pour refuser à la société ABC le bénéfice du droit préférentiel de souscription attaché aux actions à raison desquels les ADR dont elle était titulaire avaient été émis, que de manière générale la loi française ne reconnaissait pas la qualité d'actionnaire aux porteurs d'ADR, qui constituait un titre financier, distinct de son actif sous-jacent, et que l'actionnaire était la banque dépositaire, tandis que la qualité d'actionnaire pour l'attribution du droit préférentiel de souscription devait être reconnue à la personne qui, en vertu du contenu des accords et notamment des clauses du contrat liant la société Alcatel et le dépositaire des actions, détenait les attributs et les prérogatives d'un actionnaire en droit français, la cour d'appel a violé les articles L. 225-132 et suivants du code de commerce. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, il résulte des articles 1837 du code civil et L. 210-3 du code de commerce que la loi nationale de la société détermine, quel que soit le pays où les titres sont détenus, les conditions dans lesquelles s'acquiert, se conserve et se perd la qualité d'actionnaire de cette société.

9. En deuxième lieu, il résulte de l'article L. 228-1 du code de commerce qu'a la qualité d'actionnaire d'une société le propriétaire d'une action émise par cette société.

10. En dernier lieu, selon l'article L. 225-132 du code de commerce, les actionnaires des sociétés par actions ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital. Il résulte de ce texte que le droit préférentiel de souscription appartient aux actionnaires de la société qui procède à l'augmentation de capital.

11. Le détenteur d'ADR, qui n'a souscrit qu'à ces seuls titres de créances émis par le dépositaire, n'est juridiquement titulaire de droits qu'à l'encontre de ce dernier.

12. Il s'ensuit qu'un détenteur d'ADR ne peut revendiquer la qualité d'actionnaire pour exercer le DPS attaché aux actions représentées par ses ADR aussi longtemps qu'il n'a pas acquis la propriété de ces actions.

13. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société ABC arbitrage aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société ABC arbitrage et la condamne à payer à la société Alcatel lucent la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt-six novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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