Cass. soc., 3 mai 2012, n° 11-10.501
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Lacabarats
Rapporteur :
Linden
Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2010), que Mme X..., comédienne, a été engagée le 12 juin 2007 en vertu d'un contrat à durée déterminée par la Société nouvelle du théâtre de Marigny (la société Marigny) pour interpréter au théâtre Marigny le rôle d'Elvire dans la pièce Dom Juan, de Molière, mise en scène par M. Y... ; que le contrat de travail prévoyait que l'artiste avait priorité de droit pour une éventuelle tournée, les conditions générales, notamment financières, devant faire l'objet d'un contrat ultérieur avec le ou les producteurs de la tournée ; que les représentations au théâtre Marigny ont pris fin le 31 décembre 2007 ; qu'une tournée ayant été organisée en septembre 2008 par une autre société sans la participation de Mme X..., celle-ci a saisi la juridiction prud'homale de demandes à l'encontre de la société Marigny ;
Attendu que la société Marigny fait grief à l'arrêt de requalifier les demandes de la comédienne en une demande de dommages-intérêts et de la condamner à lui payer des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un contrat ne saurait faire naître un droit au profit ou à l'encontre d'un tiers ; que seules les parties au contrat peuvent devenir créanciers ou débiteurs par l'effet de celui-ci ; que l'article 9 du contrat conclu le 12 juin 2007 entre le théâtre Marigny et Mme X... prévoyait que : « l'artiste ayant créé le rôle pour lequel elle est engagée a priorité de droit pour une éventuelle tournée, sachant que les conditions générales, notamment financières, feront l'objet d'un contrat ultérieur avec le ou les producteurs de la tournée. Il est entendu que les conditions de l'engagement de l'artiste seront négociées d'un commun accord et de bonne foi. » ; qu'il en résultait que le droit de priorité de Mme X... ne pouvait s'appliquer que si le théâtre Marigny était le producteur de la tournée ; que la clause précitée n'avait aucun effet sur les producteurs d'une tournée, non parties au contrat, qui ne pouvaient devenir débiteurs d'une obligation envers Mme X... ; qu'en affirmant que le droit de priorité de Mme X..., contractuellement fixé entre cette dernière et l'exposant, devait s'appliquer «avec le ou les producteurs de la tournée» peu importe que la tournée soit réalisée par le théâtre Marigny ou par un autre producteur, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil ;
2°/ à titre subsidiaire, l'article 9 du contrat conclu le 12 juin 2007 entre le théâtre Marigny et Mme X... stipulait que : «l'artiste ayant créé le rôle pour lequel elle est engagée a priorité de droit pour une éventuelle tournée, sachant que les conditions générales, notamment financières, feront l'objet d'un contrat ultérieur avec le ou les producteurs de la tournée. Il est entendu que les conditions de l'engagement de l'artiste seront négociées d'un commun accord et de bonne foi.» ; que la clause précitée n'avait aucun effet sur les producteurs d'une tournée, non parties au contrat, qui ne pouvaient devenir débiteurs d'une obligation envers Mme X... ; qu'il en résultait que le droit de priorité de Mme X... ne pouvait s'appliquer que si le théâtre Marigny était le producteur de la tournée ; qu'en affirmant que le droit de priorité de Mme X..., contractuellement fixé entre cette dernière et le théâtre, devait s'appliquer «avec le ou les producteurs de la tournée» peu importe que la tournée soit réalisée par le théâtre Marigny ou par un autre producteur, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la clause précitée en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°/ à titre encore plus subsidiaire, à supposer que Mme X... ait une priorité de droit pour le rôle lorsque la tournée est réalisée par un autre producteur que le théâtre Marigny, et que celui-ci doive faire respecter le droit de priorité de l'artiste, indépendamment de sa qualité de producteur de la tournée, la seule obligation pouvant peser sur lui était d'informer l'artiste du nom du producteur de la tournée pour qu'il fasse valoir son droit de priorité auprès de ce producteur ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le théâtre Marigny n'avait pas respecté ses obligations contractuelles en informant Mme X... dès le mois de janvier 2008, du nom du producteur de la tournée, la société Pascal Legros productions, à qui l'agent de l'artiste s'adressait dès le 8 février 2008 afin de solliciter la mise en oeuvre du droit de priorité de son artiste, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
4°/ qu'en tout état de cause, en condamnant le théâtre Marigny sur le fondement de l'article 1134 du code civil au paiement de dommages-intérêts sans rechercher, comme elle y était invitée, en quelle qualité il était débiteur d'une obligation contractuelle envers Mme X... quand le contrat de travail le liant à cette dernière avait pris fin le 31 décembre 2007 et qu'il était étranger à l'organisation de la tournée de «Dom Juan», n'étant pas le producteur de la tournée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
5°/ que la cassation d'une disposition attaquée par un moyen s'étend aux dispositions de l'arrêt attaqué qui sont unies par un lien de dépendance nécessaire avec le chef de dispositif censuré ; que la censure du premier moyen de cassation justifie la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;
6°/ qu'en tout état de cause, le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; que le théâtre Marigny soutenait dans ses conclusions que Mme X... avait été informée dès le mois de janvier 2008 par M. Y... de ce qu'elle ne serait pas retenue pour la tournée ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de l'exposant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la société Marigny s'était engagée à ce que Mme X... bénéficie d'une priorité de droit sur son rôle pour une éventuelle tournée quel que soit le producteur, sans autres conditions, et que le producteur de la tournée n'avait pas ratifié cet engagement, en a exactement déduit que la société Marigny, tenue par un engagement s'analysant en une promesse de porte-fort, n'avait pas satisfait à son obligation de résultat ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société nouvelle du théâtre de Marigny aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société nouvelle du théâtre de Marigny à payer à Mme X..., la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille douze.