Cass. com., 26 novembre 2025, n° 24-15.730
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Dzeta partners
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme de Lacaussade
Avocats :
SCP Spinosi, SCP Duhamel
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 avril 2024), le 15 avril 2015 la société Dzeta Partners a racheté, à l'occasion d'une opération d'achat à effet de levier (LBO), à travers une holding, la société Nerim Group, constituée à cet effet, la société Financière Castellet, dont M. [C] était dirigeant et actionnaire, et la société Castellet Management, détentrices respectivement de 99 % et 1 % des actions de la société Nerim.
2. A l'issue de cette opération, les associés de la société Nerim Group étaient, notamment, la société Dzeta Partners à hauteur de 61,15 % représentant 56,31 % des droits de vote, M. [C] à hauteur de 17,94 % représentant 25,86 % des droits de vote, la société Indigo Capital et la société BNP Paribas développement.
3. Le 30 juillet 2015, M. [C] a été démis de son mandat social de président de la société Nerim Group au profit de M. [L], président directeur général de la société Dzeta Partners et président du conseil de surveillance de la société Nerim Group.
4. Ce dernier a confié au cabinet Ernst & Young une mission d'analyse détaillée de la situation financière de la société Nerim Group, lequel a conclu à l'impossibilité pour la société de faire face aux premières échéances de sa dette financière prévues le 15 octobre 2015, ce qu'a confirmé le commissaire aux comptes.
5. Le 20 octobre 2015, M. [C] a été licencié.
6. Une provision de 22 millions d'euros sur les titres de la société Financière Castellet, seul actif inscrit au bilan de la société Nerim Group, a été comptabilisée dans les comptes de la société Nerim Group clos, le 31 décembre 2015, en raison des irrégularités dans les comptes de la société Nerim, mises à jour par le cabinet Ernst and Young. Les capitaux propres de la société Nerim Group sont alors devenus négatifs.
7. Par un protocole de conciliation signé le 25 juillet 2016 et homologué le 4 octobre 2016, les sociétés Dezna Partners et Nerim Group ont réaménagé, avec leurs créanciers, la dette financière et prévu la réduction du capital social de la société Nerim Group, à hauteur de 26 950 970 euros, par voie d'annulation de l'ensemble des actions, pour le ramener à zéro par voie de compensation à due concurrence avec les pertes reportées au 31 décembre 2015, suivie de trois augmentations de capital, dont une réservée.
8. Le 18 octobre 2016, l'assemblée générale a voté la résolution portant sur la réduction à zéro du capital et adopté la mise en oeuvre de trois opérations d'augmentation de capital.
9. Le 3 avril 2017, M. [C], dont la participation dans le capital de la société Nerim Group est alors passée de 17,94 % à 0,01 %, ayant contesté l'opération, une expertise de gestion portant, notamment sur l'analyse de la dépréciation des titres de la société Financière Castellet, a été ordonnée afin de déterminer si l'opération était justifiée.
10. Le 13 mars 2019, la société Nerim Group a cédé les sociétés opérationnelles du Groupe Nerim.
11. Le 6 octobre 2020, M. [C], soutenant ne pas avoir été informé de la passation de la provision, du protocole de conciliation et du « coup d'accordéon », et contestant la provision de 22 millions d'euros, a assigné, notamment, les sociétés Dzeta Partners, Indigo Capital et BNP Paribas Développement en indemnisation.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième branches du premier moyen, les deuxième et troisième moyens
12. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
13. La société Dzeta Partners fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [C] la somme de 2 523 591 euros au titre du préjudice subi du fait de l'abus de majorité et celle de 300 000 euros en réparation de son préjudice moral, alors « qu'une décision sociale prise en exécution d'une obligation prévue dans un protocole de conciliation homologué en application de l'article L. 611-8 du code de commerce, de nature à assurer la pérennité de la société, est nécessairement conforme à l'intérêt social ; qu'en retenant le contraire au motif impropre que "le fait qu'une procédure de conciliation ait été ouverte, qu'elle ait été menée à terme et que l'accord de conciliation ait été homologué est [
] indifférent à la solution du présent litige qui a trait à la discussion du bien-fondé de la provision de 22 millions passée dans les comptes de la société Nerim Group", quand il résultait de ses propres constatations que le protocole de conciliation du 25 juillet 2016 homologué par jugement du tribunal de commerce de Paris du 19 septembre 2016 imposait à la société Nerim la réduction de son capital social à zéro sous condition suspensive de son augmentation subséquente en contrepartie d'un réaménagement de ses dettes, ce dont il s'évinçait qu'à défaut d'exécution de cette obligation la société s'exposait au risque de faillite, la cour d'appel a violé les articles 1240 et 1833 du même code »
Réponse de la Cour
14. Ayant, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, retenu que le protocole de conciliation prévoyant l'opération de réduction de capital suivie d'une augmentation de capital en partie réservée avait été conclu sur le fondement d'une présentation erronée de la situation financière de la société Nerim Group, la cour d'appel a pu en déduire que, nonobstant l'homologation par le tribunal du protocole de conciliation, l'opération litigieuse, qui avait été décidée dans le seul dessein de favoriser les majoritaires au détriment des minoritaires, n'était pas conforme à l'intérêt de la société et caractérisait en conséquence un abus de majorité de la part de la société Dzeta Partners.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Dzeta Partners aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Dzeta Partners et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt-six novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.