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Décisions

CA Colmar, ch. 3 a, 21 octobre 2024, n° 24/00952

COLMAR

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

FABREGUETTES

Vice-président :

LAETHIER

Conseiller :

DESHAYES

CA Colmar n° 24/00952

20 octobre 2024

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Selon contrat signé le 13 mai 2013, Monsieur [N] [K] et Madame [V] [D] épouse [K] ont donné à bail à Monsieur [R] [I] et Madame [S] [Y] un logement sis [Adresse 5] à [Localité 4]. Madame [J] [H] s'en est portée caution solidaire par acte du 27 mai 2013.

Par ordonnance rendue le 2 mai 2016, le juge du tribunal d'instance de Sélestat, statuant en référé, a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail et a condamné les preneurs, solidairement avec leur caution, à payer aux époux [K] la somme provisionnelle de 4 074,43 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 2015 sur la somme de 2 122,01 euros et du 1er février 2016 pour le surplus, outre les indemnités d'occupation.

Par requête du 7 décembre 2022, Monsieur et Madame [K] ont entendu intervenir à la procédure de saisie des rémunérations ouverte depuis le 25 juillet 2022 à l'encontre de Madame [J] [H] à la demande de la Sa Bnp Paribas Personal Finance sous référence n°2022/28.

Par ordonnance rendue le 30 décembre 2022, le juge du tribunal de proximité de Sélestat a autorisé cette intervention pour le recouvrement de la somme de 1 652,88 euros et rejeté le surplus de leur demande.

Par courrier réceptionné le 7 février 2023, Madame [J] [H] a contesté cette décision, estimant ne rien devoir et soulignant l'ancienneté de la dette, qui aurait était réglée par les consorts [I]-[Y], par le biais notamment de saisies dirigées contre ces derniers.

Monsieur et Madame [K] ont soulevé l'irrecevabilité de cette contestation, faute d'assignation et de preuve du respect du délai d'un mois, et conclu au fond au débouté, rappelant bénéficier d'un titre exécutoire et avoir déjà déduit les sommes perçues par ailleurs.

Par jugement contradictoire rendu le 12 février 2024, le juge de l'exécution délégué du tribunal de proximité de Sélestat a :

déclaré recevable la requête de Madame [J] [H] contestant l'intervention des époux [K] à la procédure de saisie des rémunération en cours ;

constaté l'extinction de la dette de Monsieur [R] [I] et Madame [S] [Y], avec la caution solidaire de Madame [J] [H], en vertu du contrat de bail signé le 13 mai 2013 ;

rejeté l'intervention de Monsieur [N] [K] et Madame [V] [D] épouse [K] à la procédure de saisie des rémunérations perçues par Madame [J] [H] ouverte à la demande de la Sa Bnp Paribas Personal Finance ;

condamné Monsieur et Madame [K] aux dépens de l'instance ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Pour ce faire, le premier juge a essentiellement retenu que l'intervention d'un nouveau créancier pouvait être contestée à tout moment de la procédure de saisie et ne devait être engagée par assignation que pour les demandes excédant 5 000 euros ce qui n'était pas le cas ; que, sur le fond, un procès-verbal de conciliation avait été signé le 16 décembre 2021 entre Monsieur [R] [I], représenté par Madame [J] [H], et les créanciers prévoyant un apurement de la dette alors calculée à la somme de 613,77 euros par le biais de mensualités de 150 euros par mois jusqu'à complet paiement ; que le décompte produit faisait ressortir des versements pour un montant total de 750 euros entre janvier et octobre 2022 de sorte que la dette des consorts [I]-[Y] était éteinte et que l'intervention était rejetée.

Par déclaration enregistrée le 23 février 2024, Monsieur et Madame [K] ont formé appel sur l'ensemble de ces dispositions.

L'examen de l'affaire a été fixé à bref délai par ordonnance du 19 mars 2024.

Par conclusions notifiées le 16 juillet 2024, Monsieur [N] [K] et Madame [V] [D] épouse [K] demandent à la cour de déclarer leur appel recevable et bien fondé, d'infirmer en conséquence le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

rejeter la contestation de Madame [J] [H] en totalité,

la débouter de l'ensemble de ses demandes, 'ns et conclusions,

autoriser la poursuite de la mesure de saisie des rémunérations de Madame [J] [H],

la condamner aux entiers frais et dépens, ainsi qu'à une indemnité de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de leur contestation, les époux [K] exposent que l'huissier poursuivant (désormais dénommé commissaire de justice) a ouvert plusieurs dossiers aux fins de recouvrement des diverses sommes dues par les parties (indemnité au titre des frais irrépétibles, frais de la procédure d'expulsion, frais taxés, arriéré locatif arrêté à janvier 2016 inclus, indemnités d'occupation de février 2016 à mars 2018) dont certains sont clos (dont celui cité par Madame [J] [H] qui concerne les frais irrépétibles) et d'autres encore ouverts, étant rappelé que les parties ont, selon les sommes, été condamnées solidairement ou in solidum entre elles. Ils soulignent que chaque partie reste redevable des frais d'exécution menés à son encontre et que la dette envers Madame [J] [H] n'est pas éteinte.

Ils arguent de l'absence d'autorité de chose jugée du procès-verbal de conciliation intervenu entre eux et Monsieur [R] [I] et de ce que le premier juge ne pouvait donc pas ramener la dette à la somme de 613,77 euros telle que fixée dans la procédure de saisie des rémunérations de ce dernier. Ils estiment que, non seulement, la nature du procès-verbal de conciliation ne constitue pas une décision de justice susceptible de revêtir l'autorité de chose jugée, mais qu'en tout état de cause, les conditions de l'autorité de chose jugée ne sont pas réunies puisque les parties à la procédure sont distinctes ainsi que son objet.

Les appelants soutiennent que leur demande est parfaitement justifiée en droit et en fait, puisque se fondant sur un titre exécutoire et échappant à toute prescription, au vu des règlements régulièrement effectués en novembre 2016, février, août, septembre et octobre 2017 et de la délivrance d'un commandement de payer le 14 mai 2019, portant interruption de la prescription des intérêts.

Ils précisent que les locataires n'ayant quitté les lieux qu'en septembre 2018, le solde de leur dette s'élevait, au 23 février 2024, à la somme de 5 196,42 euros, leur réclamation actuelle n'ayant porté que sur le principal de la dette, augmenté des intérêts, sans tenir compte des indemnités d'occupation, dette réduite par le juge de la saisie des rémunérations ayant initialement ordonné l'intervention après avoir écarté la solidarité des frais d'exécution.

Ils s'opposent à la prise en charge de frais irrépétibles, et ce d'autant que la partie adverse ne saurait cumuler une telle indemnité et celle liée à l'aide juridictionnelle, le tout à rapprocher de l'intérêt du litige.

Par conclusions notifiées le 17 mai 2024, Madame [J] [H] demande à la cour de :

déclarer l'appel des consorts [K] mal fondé ; en conséquence, le rejeter et confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

y ajoutant :

condamner les consorts [K] à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner les consorts [K] aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel, y compris l'intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de l'arrêt à intervenir par voie d'huissier, et en particulier tous les droits de recouvrement ou d'encaissement visés par le décret n° 2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice, sans exclusion des droits de recouvrement ou d'encaissement à la charge du créancier.

Madame [J] [H] souligne en premier lieu que, bien que l'appel porte sur le jugement, y compris en ce qu'il a déclaré sa requête recevable, les appelants n'ont pas conclu à ce sujet en appel, ce point devant donc être confirmé.

En réplique, sur le fond, elle conteste les arguments adverses et notamment la jurisprudence citée en ce que l'arrêt de la Cour de cassation du 26 janvier 2017 visé porte sur l'absence d'autorité de chose jugée d'un procès-verbal de non-conciliation et non sur un procès-verbal de conciliation, lequel revêt l'autorité de chose jugée en ce qui concerne, en l'espèce, le montant de la créance des époux [K].

Elle se prévaut de son droit, en qualité de caution, d'opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur et rappelle les pouvoirs du juge de la saisie des rémunérations de vérifier l'existence et le montant de la créance.

Elle soutient enfin que les époux [K] ont reconnu, dans le cadre d'un aveu extra-judiciaire, qu'elle avait soldé sa dette en lui adressant, par le commissaire de justice poursuivant, un décompte de créance avec un solde dû nul à la date du 3 août 2018.

Elle sollicite l'octroi d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1 200 euros et qui ne saurait, en tout état de cause, être inférieure au montant dont bénéficierait son conseil par application de l'aide juridictionnelle totale (soit 1 123,20 euros).

MOTIFS

Il résulte des articles 562 et 954 du code de procédure civile que, dans la limite des chefs de jugement critiqués, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, que le dispositif récapitule les prétentions et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions ainsi énoncées au dispositif.

Il ne suffit donc pas, pour que la cour soit saisie, de conclure à l'infirmation d'un chef de jugement mais il convient, en outre, de formuler expressément une prétention à cet égard dans le dispositif des écritures, étant précisé qu'une demande de rejet est considérée comme une prétention.

En l'absence de prétention relative au chef de jugement critiqué, la cour n'est saisie d'aucune demande et ne peut que confirmer le jugement entrepris.

En l'espèce, si les époux [K] sollicitent infirmation de l'ensemble de la décision contestée, ils ne sollicitent pas de la cour qu'elle déclare la demande de Madame [J] [H] irrecevable. Par suite, la cour ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable sa contestation.

Conformément aux dispositions de l'article R3252-1 du code du travail, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant l'existence d'une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des sommes dues à titre de rémunération par un employeur à son débiteur.

En l'espèce, par ordonnance de référé rendue le 2 mai 2016, Madame [J] [H] a été condamnée au paiement de :

solidairement avec Monsieur [R] [I] et Madame [S] [Y] :

la somme de 4 074,43 euros représentant les loyers et charges impayés au 15 janvier 2016, outre intérêts au taux légal à compter du 3 août 2015 sur la somme de 2 122,01 euros et à compter du 1er février 2016 pour le surplus,

les indemnités d'occupation d'un montant égal à celui du loyer et des charges dus si le bail s'était poursuivi, soit 583,41 euros, majoré des charges, indexation incluse, et ce jusqu'à libération effective des lieux et remise des clés,

in solidum avec les consorts [I]-[Y], la somme de 350 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

avec les consorts [I]-[Y], les entiers dépens dont le coût du commandement de payer et sa dénonce à la caution.

Les époux [K] disposent bien d'un titre exécutoire à l'encontre de Madame [J] [H] dont ils peuvent poursuivre le recouvrement.

C'est de manière inopérante que la débitrice argue de l'autorité de la chose jugée du procès-verbal de conciliation signé le 16 décembre 2021 entre les époux [K] et Monsieur [R] [I] alors que la présente procédure est intentée entre des parties distinctes, peu important à cet égard que Madame [J] [H] ait été présente à l'audience en qualité de représentante de Monsieur [R] [I].

Il ne saurait y avoir autorité de chose jugée entre la procédure de saisie des rémunérations diligentée à l'encontre de Monsieur [R] [I] et celle diligentée à l'encontre de Madame [J] [H] faute d'identité de parties, de causes et d'objet.

Il est toutefois constant que Madame [J] [H] ayant été condamnée en sa qualité de caution, elle peut, conformément aux dispositions des articles 2296 et 2313 du code civil dans leur rédaction applicable à la date de son engagement, opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette, à l'exclusion des exceptions purement personnelles au débiteur. Son engagement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur.

Or, le procès-verbal signé entre le débiteur principal et les créanciers le 16 décembre 2021 s'analyse en un titre exécutoire, tel que prévu à l'article 131 du code de procédure civile, et vaut transaction, laquelle produit effet extinctif dès lors qu'elle a été intégralement exécutée.

Madame [J] [H] est donc bien fondée à se prévaloir des effets de ce procès-verbal sur le montant de la dette.

Il résulte des constatations du premier juge, non discutées sur ce point, que Monsieur [R] [I] a effectué des versements à hauteur de 750 euros en exécution du procès-verbal de conciliation arrêtant sa dette à la somme de 613,77 euros. Il a donc pu en déduire que la dette principale était éteinte et par suite, le cautionnement, qui en constitue l'accessoire.

Il entre toutefois dans les pouvoirs du juge de l'exécution, statuant en matière de saisie des rémunérations, de vérifier le montant de la créance en principal, intérêts et frais.

Or, si au jour où la requête en intervention a été présentée, Madame [J] [H] ne pouvait être tenue à aucune somme au titre du principal et des intérêts de la créance, qui avaient déjà été réglés par Monsieur [R] [I], il résulte du jugement précité fondant titre exécutoire que l'intéressée était également tenue des dépens et des frais d'exécution afférents au recouvrement de sa dette, conformément aux dispositions de l'article L111-8 du code des procédures civiles d'exécution.

Le décompte établi par le commissaire de justice fait ressortir, au titre des frais d'exécution des mesures diligentées uniquement à l'encontre de Madame [J] [H], une somme de 662,05 euros, dès lors que c'est à juste titre qu'avaient été écartés, lors de l'intervention, les frais afférents aux actes diligentés à l'encontre des codébiteurs.

La débitrice ne saurait arguer d'un quelconque aveu judiciaire des créanciers résultant du décompte daté du 3 août 2018 et portant mention d'un solde nul alors que ce décompte ne portait que sur le recouvrement des frais irrépétibles et non sur le principal, pour lequel le commissaire de justice a ouvert un dossier distinct et dressé un décompte séparé.

La persistance d'un arriéré au titre des indemnités d'occupation dues entre 2016 et 2018 est tout aussi indifférent à l'issue du présent litige puisqu'un autre dossier de recouvrement est ouvert par le commissaire de justice et qu'elles n'étaient pas mises en compte lors de la requête en intervention.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est à tort que le premier juge a considéré que les époux [K] n'avaient aucune créance envers Madame [J] [H] et a rejeté leur demande d'intervention.

Le jugement sera donc infirmé et l'intervention acceptée à hauteur de la somme de 662,05 euros.

Au vu de l'issue du litige, les dépens tant de première instance que d'appel seront mis à la charge de Madame [J] [H].

La condamnation des époux [K] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera infirmée, l'équité commandant de condamner Madame [J] [H] à leur verser une indemnité de procédure de 700 euros au titre de ces mêmes dispositions et de rejeter sa propre demande.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu le 12 février 2024 par le juge de l'exécution du tribunal de proximité de Sélestat sauf en ce qu'il a déclaré recevable la requête présentée par Madame [J] [H] ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

AUTORISE l'intervention de Monsieur [N] [K] et de Madame [V] [D] épouse [K] à la procédure de saisie des rémunérations ouverte à l'encontre de Madame [J] [H] sous référence n°2022/28 à la demande de la Bnp Paribas Personal Finance ;

DIT que cette intervention porte recouvrement de la somme de 662,05 euros ;

CONDAMNE Madame [J] [H] aux dépens de première instance ;

Y ajoutant :

DEBOUTE Madame [J] [H] de ses demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [J] [H] à verser à Monsieur [N] [K] et à Madame [V] [D] épouse [K], en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

CONDAMNE Madame [J] [H] aux frais et dépens de la procédure d'appel.

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