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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 19 novembre 2025, n° 24/03547

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 24/03547

19 novembre 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 19 NOVEMBRE 2025

N° RG 24/03547 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N4MR

S.A.S. SOCIETE DES MEUBLES [K]

c/

S.C.P. AMAUGER - [J]

S.A.S. ATELIER DU [Localité 4] [K]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 11 juillet 2024 (R.G. 2024000088) par le Juge Commissaire du Tribunal de Commerce de PERIGUEUX suivant déclaration d'appel du 25 juillet 2024

APPELANTE :

S.A.S. SOCIETE DES MEUBLES [K], immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 646 380 139, agissant en la personne de son président, Monsieur [G] [K], domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]

Représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, et asssitée de Maître François DRAGEON, avocat au barreau de LA ROCHELLE

INTIMEES :

S.C.P. AMAUGER - [J], prise en la personne de Maître [Y] [J], es-qualité de mandataire judiciaire de la société ATELIER DU [Localité 4] [K], domicilié en cette qualité [Adresse 1]

SAS ATELIER DU [Localité 4] [K], immatriculée au RCS de [Localité 5] sosu le numéro 888 477 858, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

Représentées par Maître Frédéric CUIF de la SELARL LX BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître Michel PROUZERGUE, avocat au barreau de BRIVE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 juillet 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

1. Par acte sous seing-privé du 28 septembre 2020, la société par actions simplifiée [K] Ameublement a cédé à la société Atelier du [Localité 4] [K] (ci après Atelier du [Localité 4]) un fonds de commerce de travaux de bois et de fabrication de meubles rustiques.

Par acte du 28 septembre 2020, la société par actions simplifiée Meubles [K] a donné en location à la société Atelier du [Localité 4] un local commercial situé à [Localité 3] (Dordogne).

Par jugement du 7 mars 2023, le tribunal de commerce de Périgueux a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société Atelier du [Localité 4] et désigné la société Amauger [J] en qualité de mandataire judiciaire.

La société Meubles [K] a déclaré sa créance le 2 mai 2023.

2. Après vérification du passif, le mandataire judiciaire a contesté les créances produites et la société Meubles [K] a, dans les délais légaux, répondu qu'elle maintenait sa demande.

Par ordonnance du 11 juillet 2024, le juge commissaire du tribunal de commerce de Périgueux a statué ainsi qu'il suit :

- se déclare incompétent pour statuer sur l'admission des créances, objet de la présente instance ;

- invite la société Meubles [K] à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la noti'cation de la présente décision en application de l'article R624-5 du code de commerce ;

- ordonne la notification de la présente décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au créancier et au débiteur et dit que le mandataire judiciaire en sera avisé par lettre simple ;

- passe les dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Par déclaration au greffe du 25 juillet 2024, la société Meubles [K] a relevé appel de l'ordonnance énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la société Amauger [J] ès qualités et la société Atelier du [Localité 4].

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

3. Par dernières écritures notifiées le 17 juin 2025, la société Meubles [K] demande à la cour de :

Vu l'article L.624-2 du code de commerce,

Vu les pièces versées aux débats,

- Débouter la société Atelier du [Localité 4] [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Réformer entièrement l'ordonnance en date du 11 juillet 2024,

En conséquence,

- Juger que l'existence du contentieux pendant devant le tribunal judiciaire de Périgueux relatif à la production faite par la Société des meubles [K] au passif de la société Atelier du Bois [K] sera portée par mention à l'état du passif de cette dernière et qu'il sera sursis à statuer sur son admission en l'attente de cette décision ;

- Réserver les dépens.

4. Par dernières écritures notifiées le 21 janvier 2025, la société Atelier du [Localité 4] [K] et la société Amauger [J] ès qualités demandent à la cour de :

Vu les dispositions des articles L 622-22 et L 624-2 du code de commerce ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- déclarer recevable mais non fondée la Société des Meubles [K] en son appel ;

- débouter la société Meubles [K] de ses demandes et confirmer l'ordonnance du 11 juillet 2024 ;

- condamner la société Meubles [K] au paiement de la somme de 2500 euros à la société Atelier du [Localité 4] [K] ;

- condamner la société Meubles [K] au paiement de la somme de 2500 euros à la société Amauger [J].

***

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 juin 2025.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Moyens des parties

5. Au visa de l'article L.624-2 du code de commerce, la société Meubles [K] fait grief au juge commissaire de s'être déclaré incompétent pour statuer sur l'admission de sa créance.

L'appelante fait valoir que le juge commissaire n'a pas tiré les conséquences de la procédure existante devant le tribunal judiciaire de Périgueux, qui porte précisément sur les sommes produites au passif de la société Atelier du [Localité 4] ; que, dans le cadre de ce procès, elle a formé une demande reconventionnelle tendant à la fixation d'une créance au passif de la débitrice, ce qui constitue une demande en justice ; que ces conclusions ont été signifiées le 4 mars 2024, soit dès avant l'audience du juge commissaire ; que cette demande porte bien sur les causes de la créance en cours de vérification.

La société Meubles [K] en tire la conséquence que l'instance concernant la fixation d'une créance au passif de la société Atelier du [Localité 4] était en cours lors de la saisine du juge commissaire.

6. Au visa des articles L 622-22 et L 624-2 du code de commerce, la société Atelier du [Localité 4] [K] (ci-après Atelier du [Localité 4]) et la société Amauger [J] es qualités répondent qu'il est de principe que seule une instance en cours devant un juge du fond au jour du jugement d'ouverture

enlève au juge commissaire le pouvoir de décider de l'admission ou du rejet d'une créance déclarée, objet d'une contestation ; que l'instance dont se prévaut l'appelante est une action introduite par l'intimée postérieurement au jugement déclaratif et non pas par le créancier avant le jugement déclaratif.

Les intimées en tirent la conséquence que la société Meubles [K] ne peut se prévaloir de sa demande reconventionnelle, introduite postérieurement au jugement déclaratif, pour demander la réformation de la décision entreprise et qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Périgueux.

Réponse de la cour

7. L'article L.624-2 du code de commerce dispose :

« Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.»

Par application des dispositions de l'article L.622-22 du code de commerce, sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

8. Il doit d'abord être rappelé que le tribunal de commerce de Périgueux a prononcé l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Atelier du [Localité 4] le 7 mars 2023.

La société Meubles [K] a déclaré sa créance le 2 mai 2023.

La société Atelier du [Localité 4] a fait assigner la société Meubles [K] devant le tribunal judiciaire de Périgueux par acte du 27 novembre 2023.

Il n'est pas discuté que, dans le cadre de ce procès devant le tribunal judiciaire, la société Meubles [K] a communiqué ses conclusions le 4 mars 2024.

L'appelante y présente, à titre reconventionnel, les mêmes demandes que celles qui font l'objet de sa déclaration de créance en date du 2 mai 2023 :

- à titre privilégié : 4.200 euros au titre d'un loyer impayé,

- à titre chirographaire : 14.040,46 euros au titre d'un contrat d'apporteur d'affaires, 352,48 euros au titre d'une redevance relative à un logiciel, 8.236,07 euros au titre du solde de vente de petit matériel.

Il faut préciser que cette dernière demande est présentée, pour la même somme mais au titre de la valeur de prélèvements de bois, un différend étant advenu entre les parties en ce qui concerne la cause d'un règlement effectué par la société Atelier du [Localité 4] : paiement de petit matériel ou paiement de bois. Néanmoins, cette créance est déclarée comme étant antérieure à l'ouverture du redressement judiciaire de la société Atelier du [Localité 4], comme les trois autres demandes.

9. En vertu des articles L.622-21 et L.622-22 du code de commerce, la date à laquelle doit être examinée l'éventualité d'une instance en cours n'est pas celle de l'audience devant le juge commissaire, comme le soutient l'appelante, mais celle du jugement d'ouverture de la procédure collective.

10. Il en résulte que le simple examen du calendrier détaillé ci-dessus met en évidence le fait que les quatre demandes de l'appelante ne faisaient pas l'objet d'une instance en cours au sens de l'article L.622-22 du code de commerce au moment de l'ouverture de la procédure collective de la société Atelier du [Localité 4] puisque le procès dont excipe la société Meubles [K] est un procès postérieur au jugement d'ouverture.

11. Par ailleurs, il apparaît que l'exécution de deux contrats conclus entre les parties, un bail commercial et contrat d'apporteur d'affaires, fait l'objet de discussions qui échappent à la compétence du juge commissaire au sens de l'article L.624-2 du code de commerce.

12. Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance prononcée le 11 juillet 2024 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Périgueux.

13. Y ajoutant, la cour condamnera la société Meubles [K] à payer les dépens de l'appel et à verser aux intimées la somme globale de 4.000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance prononcée le 11 juillet 2024 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Périgueux.

Y ajoutant,

Condamne la société Meubles [K] à payer les dépens de l'appel.

Condamne la société Meubles [K] à payer la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la société Atelier du [Localité 4] [K] et à la société Amauger [J] es qualités.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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