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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. soc., 19 novembre 2025, n° 22/06134

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 22/06134

19 novembre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 19 NOVEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

F N° RG 22/06134 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PUJI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 NOVEMBRE 2022

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 21/00344

APPELANTE :

S.A.S. CYRKA DISTRIBUTION (B&M)

Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social, sis

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Xavier LE CERF de la SELARL LEGIPOLIS AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE, substitué sur l'audience par Me Cécilia LASNE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame [B] [M]

née le 14 Mai 1985 au MAROC

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 6] [Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée sur l'audience par Me Céline ROUSSEAU de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2023/001725 du 01/03/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 7])

Ordonnance de clôture du 19 Mai 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 JUIN 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Madame Magali VENET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement prévue le 29 octobre 2025 à celle du 19 novembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 11 octobre 2004, Mme [B] [M] a été engagée à temps partiel (147,37 heures) par la SARL JLG Foucher, exploitant un magasin sous l'enseigne AB&M au Crès, en qualité d'employée « Libre-Service » moyennant une rémunération mensuelle de 1 121,18 euros brut.

A la suite d'un transfert du contrat de travail au profit de la SARL [F] Distribution exploitant le magasin Babou, un avenant du 1er mars 2011 a été signé entre les parties, les clauses contractuelles initiales étant intégralement maintenues.

Au mois d'août 2020, le contrat de travail a été de nouveau transféré au profit de la SAS Cyrka Distribution, laquelle a repris la gestion du magasin Babou.

Par lettre du 19 novembre 2020, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave, fixé le 1er décembre suivant, et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire, dans l'attente d'une décision définitive.

Par lettre du 3 décembre 2020, l'employeur a de nouveau convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 10 décembre 2020, et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire à compter de l'envoi de la convocation.

Par lettre du 7 décembre 2020, la salariée a accusé réception de cette deuxième convocation, précisant considérer cette dernière convocation comme nulle et non avenue, du fait de la tenue du premier entretien préalable.

Par lettre du 9 décembre 2020 annulant et remplaçant la lettre du 3 décembre 2020, l'employeur a de nouveau convoqué la salariée à un entretien préalable fixé le 23 décembre suivant et a confirmé la mise à pied à titre conservatoire notifiée le 19 novembre 2020 jusqu'à la notification de sa décision.

Par lettre du 21 décembre 2020, la salariée a demandé à l'employeur de régulariser les heures supplémentaires des mois d'août et de septembre 2020, de lui payer la somme de 8 euros pour les frais qu'il devait prendre en charge, et lui a indiqué avoir appris par le service de médecine au travail qu'il était radié depuis le 12 octobre 2020 et n'avait pas repris d'adhésion.

Par lettre du 28 décembre 2020, l'employeur a notifié à la salariée son licenciement pour faute grave.

Par lettre du 7 janvier 2021, la salariée a réitéré ses demandes de régularisation des heures supplémentaires et de 8 euros, précisant que cette dernière somme correspondait aux frais d'envoi des clefs du magasin. Elle a également réclamé le bulletin de salaire de novembre 2020.

Par requête du 25 février 2021, soutenant que des heures supplémentaires lui étaient dues et que son licenciement était nul ou à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier.

Par jugement du 23 novembre 2022, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de Mme [M] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS Cyrka Distribution à payer à Mme [M] les sommes suivantes :

* 248,12 euros à titre de rappel de salaire des heures supplémentaires,

* 24 euros au titre des congés payés afférents,

* 2 338,75 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 233 euros au titre des congés payés afférents,

* 3 740 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 374 euros au titre des congés payés afférents,

* 9 038 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 25 245 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [M] de ses autres demandes,

- débouté la SAS Cyrka Distribution de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de la SAS Cyrka Distribution.

Par déclaration enregistrée le 7 décembre 2022, la SAS Cyrka Distribution a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

' Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 28 février 2025, la SAS Cyrka Distribution demande à la cour :

- d'infirmer le jugement ;

- de juger que le licenciement de Mme [B] [J] est fondé sur une faute grave et la débouter de l'ensemble de ses demandes de ce chef ;

- de la débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires, de la nullité du licenciement et de l'ensemble de ses demandes ;

- de la condamner au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ainsi qu'aux entiers dépens de première instance.

Et en tout état de cause, de la condamner à 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel et aux entiers dépens de l'appel.

' Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 22 mars 2023, Mme [B] [M] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné sur le principe la société au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- le réformer sur le quantum des sommes allouées et condamner la SAS Cyrka Distribution au paiement de la somme de 60 000 euros de dommages-intérêts de ce chef ;

En tout état de cause, de confirmer jugement s'agissant des dispositions relatives aux heures supplémentaires, au rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et aux indemnités de rupture ;

- condamner la SAS Cyrka Distribution au paiement de la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'instance.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 mai 2025.

MOTIFS

Sur le rappel de salaires.

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, la salariée qui axe ses conclusions exclusivement sur le licenciement pour faute grave tout en sollicitant la confirmation du jugement sur l'octroi d'une somme au titre des heures supplémentaires, fait simplement état (page 3) des « centaines de messages qui ont pu être échangés entre » elle et « la nouvelle gérante de la société Cyrka Distribution, à toute heure du jour et de la nuit, y compris pendant » ses « jours de congés », ce qui témoigne de ses « grandes qualités professionnelles » et de son « total dévouement à la structure ».

Elle verse aux débats les bulletins de salaire de juin et juillet 2020 faisant état d'un salaire de base calculé sur 151,67 heures par mois et un document manuscrit signé par ses soins, daté du 21 décembre 2020 et intitulé « Récapitulatif des heures supplémentaires accomplies et non payé à ce jour », qui fait état des heures de travail suivantes :

- Août 2020 :

4 heures le samedi 1er (de 9h00 à 13h00)

4 heures le vendredi 14 août (de 15h00 à 19h00)

7h30 le dimanche 23 août (de 10h30 à 13h00 et de 14h00 à 19h00) avec majoration du fait que le travail a été exécuté un dimanche,

- Septembre 2020 :

4 heures supplémentaires sur la période comprise entre le lundi 7 et le samedi 12 septembre, pour un total de 39 heures,

Soit 12 heures supplémentaires et 7h30 le dimanche 23 août pour lequel le double du salaire habituel lui était dû.

Certes, la salariée ne présente pas d'explications particulières au sein de ses écritures, mais le décompte produit est suffisamment précis pour permettre à l'employeur, chargé du contrôle de la durée du travail de la salariée, de répondre.

Celui-ci conteste l'accomplissement d'heures supplémentaires, précisant d'une part, que dans sa première lettre du 7 décembre 2020, la salariée n'avait pas fait état d'heures supplémentaires impayées et d'autre part, que la période concernée accusait une activité fortement réduite du fait des circonstances de la crise sanitaire, qu'il ne lui avait pas été demandé d'exécuter de telles heures et que la salariée n'avait pas notifié l'existence d'heures supplémentaires contrairement aux stipulations du règlement intérieur.

Il verse aux débats le bulletin de salaire d'août 2020 qui mentionne un temps complet (151,67 heures mensuelles) et aucune heure supplémentaire ainsi que le règlement intérieur de l'entreprise stipulant notamment en substance que les salariés sont tenus de signer leur déclaration horaire et d'y faire figurer les éventuelles heures supplémentaires effectuées à la demande express des gérants, seuls habilités à solliciter celles-ci.

Dans la mesure où l'employeur ne produit aucune des déclarations horaires, aucun justificatif susceptible d'établir les heures de travail accomplies par la salariée en août et en septembre 2020, où les périodes de confinement sanitaire lié à la pandémie de covid-19 n'ont été effectives que du 17 mars au 10 mai 2020 inclus, puis du 30 octobre au 14 décembre 2020 inclus et enfin du 3 avril au 2 mai 2021 inclus, le moyen tiré de la baisse d'activité en août et septembre 2020 n'est pas opérant.

Par ailleurs, il n'est pas établi que des heures supplémentaires auraient été payées en septembre 2020, même si les parties ne produisent pas le bulletin de salaire correspondant.

Au vu de l'ensemble des éléments soumis à la cour, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 248,12 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires, outre la somme de 24 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le licenciement pour faute grave et les conséquences pécuniaires.

L'article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à une cause réelle et sérieuse.

L'article L 1235-1 du même code prévoit que le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement.

En premier lieu, la salariée fait valoir que son licenciement était acté dès le 5 décembre 2020 et en déduit que la rupture est sans cause réelle et sérieuse.

Il ressort de la capture d'écran faisant état de la date du 5 décembre que le magasin Babou sis [Adresse 5] recherchait « en urgence un/une apprentie Bac Pro ou BTS commerce ». Toutefois, une telle annonce ne prouve pas que l'employeur avait déjà décidé de licencier la salariée qui exerçait les fonctions d'employée libre-service dont il n'est pas soutenu ni établi qu'elles nécessiteraient d'être titulaire de l'un de ces diplômes, et par conséquent qu'il cherchait déjà à la remplacer dans son poste.

En deuxième lieu, la salariée relève la multiplication des convocations à entretien préalable, au nombre de trois, ainsi que la durée disproportionnée de la mise à pied à titre conservatoire et fait état notamment de ce que l'employeur a reconnu qu'ils n'avaient pas évoqué ensemble les griefs retenus à son encontre et que ses observations n'avaient pas été recueillies à ce titre, ce qui avait entraîné une nouvelle convocation. Elle estime qu'après la première convocation à entretien préalable, l'employeur a recherché un meilleur motif de licenciement, que la mise à pied s'analyse en une sanction disciplinaire et que l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait plus la licencier et indique également qu'en précisant les motifs du licenciement envisagé dans la première convocation à entretien préalable, l'employeur s'est lié et ne pouvait pas lui reprocher d'autres faits.

En troisième lieu, alors que l'employeur estime que la faute grave est caractérisée, la salariée conteste les faits reprochés.

S'agissant du moyen tiré de la multiplication des convocations à entretien préalable.

L'article L.1232-2 alinéa 1er du code du travail prévoit que l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

En vertu de l'article L.1235-2 dernier alinéa du même code, lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise notamment à l'article L.1232-2 précité, ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

L'article L.1332-2 du code du travail prévoit notamment que, au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié et que la sanction ne peut intervenir plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien.

En l'espèce, il est constant que :

- dans la première convocation à entretien préalable, l'employeur a exposé précisément les griefs reprochés à la salariée à la date du 19 novembre 2020, c'est-à-dire d'une part, le fait qu'elle ait exigé ce même jour la remise de sa fiche de paie en présence des clients du magasin alors qu'elle était placée en chômage partiel du fait de la pandémie liée au virus du covid-19 et qu'il avait été convenu que ce document serait envoyé par voie postale pour éviter tout contact dans le respect des règles sanitaires et d'autre part, le fait qu'elle ait tenu des propos injurieux et mensongers à l'égard du PDG et de sa supérieure hiérarchique directe par voie de messages envoyés à ses collègues de travail, ainsi que des menaces au sein du magasin,

- l'entretien préalable fixé le 1er décembre 2020 à 18h00 s'est tenu en présence de la salariée assistée d'un conseiller et seuls les griefs exposés dans la lettre de convocation lui ont été soumis à cette occasion,

- l'employeur avait mené, juste avant l'entretien préalable, une enquête interne le 1er décembre 2020 de 13h00 à 16h00, sous forme d'auditions des salariés du magasin, en présence d'un huissier de justice missionné pour consigner les déclarations recueillies, lesquelles avaient révélé à l'employeur d'autres griefs, tels que la prise de possession d'invendus contrairement aux stipulations du règlement intérieur ou encore des propos déplacés à l'égard d'une collègue de travail en surpoids, faits non visés dans la première convocation à entretien préalable et non soumis à la contradiction lors de l'entretien préalable du 1er décembre 2020,

- le licenciement est intervenu le 28 décembre 2020, soit moins d'un mois après l'entretien préalable du 1er décembre 2020.

D'une part, la convocation à entretien préalable n'est pas tenue de préciser les motifs du licenciement envisagé. Elle doit seulement mentionner l'objet de l'entrevue proposée. Dès lors, le fait que la première convocation ait mentionné les motifs envisagés justifiant la mise à pied à titre conservatoire ne liait pas l'employeur qui pouvait viser d'autres motifs dans la lettre de licenciement.

D'autre part, la circonstance que certains des griefs énoncés dans la lettre de licenciement n'ont pas été indiqués à la salariée par l'employeur au cours de ce premier entretien préalable caractérise une irrégularité de forme, dont l'intéressée n'a pas demandé réparation, qui n'empêche pas le juge de décider que ce grief peut fonder le licenciement.

Au surplus, il n'est pas contesté que les autres griefs ont été présentés à la salariée lors du second entretien du 23 décembre 2020.

Enfin, l'employeur pouvait décider de convoquer à nouveau la salariée pour le 23 décembre 2020 dans la mesure où cette dernière avait indiqué considérer la deuxième convocation « nulle et non avenue ».

Cette situation ne suffit pas à rendre le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

S'agissant du moyen tiré de la durée disproportionnée de la mise à pied à titre conservatoire.

L'article L.1332-3 du code du travail prévoit que lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L.1332-2 ait été respectée.

En l'espèce, il n'est pas discuté que l'employeur a entendu notifier le 19 novembre 2020 à la salariée une mise à pied à titre conservatoire, liée à la procédure de licenciement enclenchée le même jour par l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable.

Au vu de la chronologie rappelée ci-dessus, un premier entretien préalable a eu lieu dès le 1er décembre 2020, suivi d'un deuxième entretien le 23 décembre 2020 après annulation d'un précédent entretien fixé le 10 décembre 2020 aux fins de notification à la salariée de griefs non-évoqués lors du premier entretien, la salariée ayant considéré que ce deuxième entretien prévu était nul.

Dès lors, la durée de la mise à pied à titre conservatoire, effective du 19 novembre au 28 décembre 2020, jour du licenciement, d'1 mois et 9 jours, n'apparaît pas disproportionnée.

Les moyens tirés de la requalification de la mesure conservatoire en mesure disciplinaire et du fait que le pouvoir disciplinaire de l'employeur serait épuisé, sont par conséquent inopérants.

S'agissant des griefs reprochés à la salariée.

La lettre de licenciement est rédigée comme suit :

« Madame,

Le 19 novembre 2020, vous avez violemment agressé Madame [X], Directrice Adjoint. Votre attitude menaçante a contraint Madame [X] à vous notifier immédiatement une mise à pied à titre conservatoire.

Suite à votre misé à pied à titre conservatoire, les salariés sont venus nous informer de multiples faits fautifs de votre part, dont la gravité est telle que nous avons initié à votre encontre une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu'à un licenciement pour faute grave.

Aussi, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 9 décembre 2020, nous vous avons convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le mercredi 23 décembre 2020 à 18h30.

Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les griefs nolis contraignant à envisager la rupture de votre contrat de travail pour faute grave et nous avons recueilli vos observations à cet égard.

Après avoir entendu vos observations, nous avons décidé de prononcer à votre encontre une mesure de licenciement pour faute grave sur le fondement des motifs suivants :

Faits d'insubordination :

Le 18 octobre 2020, vous avez délibérément désobéi aux consignes de Monsieur [G], responsable du magasin et votre supérieur hiérarchique. Alors que vous vous absentiez de la caisse, il vous a demandé de retourner à votre poste. Vous lui avez répondu que vous aviez déjà fait plusieurs dimanches et que vous saviez comment cela fonctionnait, que vous n'aviez pas besoin de lui et que vous feriez ce qu'il vous plaît.

En tant que salarié, vous êtes redevable d'une obligation de subordination à l'égard de votre employeur mais également à l'égard de vos supérieurs hiérarchiques. Une telle attitude n'est pas concevable et met en péril le fonctionnement du magasin.

Au surplus, vous avez à plusieurs reprises outrepassé mes directives expresses en mon absence en confiant de multiples tâches à Monsieur [E], apprentis au sein du magasin, l'empêchant ainsi de réaliser les tâches que je lui avais confié. Ce alors que vous ne disposez à son égard d'aucune autorité, ni d'aucun pouvoir de délégation. Votre comportement conduit à la désorganisation de la gestion du magasin qui ne peut perdurer.

Faits constitutifs d'une faute professionnelle :

Le 7.12.2020, notre fournisseur « Rand-Diffusion » nous a indiqué qu'il était souvent contraint de nous adresser une seconde fois des marchandises, pourtant réceptionnées par vos soins tel qu'en témoigne votre signature sur les bordereaux de réception, lesquelles étaient ensuite perdues et n'apparaissaient jamais dans le stock de vente.

C'est également le 7.12.2020 que [D] [S] nous a informé par message vocal avoir retrouvé des cartons de ce même fournisseur à moitié vides cachés dans la partie « textile de la réserve » où vous stockiez les articles destinés à la vente.

Ces faits se sont réitérés à plusieurs reprises de sorte que vous avez mis en péril notre relation commerciale avec notre fournisseur et avec l'enseigne BABOU à laquelle nous devons rendre des comptes sur la gestion du magasin.

Faits d'agressions à l'égard de vos collègues et supérieurs :

Outre l'agression de Madame [X] en date du 19 novembre 2020, Monsieur [D] [S] et Monsieur [O] nous ont informé avoir été violemment agressés par vous dans la réserve en septembre 2020, alors qu'ils prenaient leur pause. Vous les avez insultés et attrapés physiquement en faisant preuve de menaces et de pressions physiques. Vous avez justifié cette agression en arguant de ce que Messieurs [S] et [O] auraient tenu des propos irrespectueux à l'égard de Monsieur [R]. Or, Monsieur [S] et Monsieur [O] affirment ne jamais avoir tenu de tels propos.

Cette agression était ainsi injustifiée et en tout état de cause intolérable en ce qu'elle met en danger la santé physique et mentale de nos salariés.

Faits constitutifs de harcèlement moral :

Plusieurs salariés nous ont indiqué avoir peur de travailler avec vous en raison d'un harcèlement moral de votre part. Certains nous ont même demandé de quitter l'entreprise ayant peur pour leur intégrité physique et mentale nous indiquant qu'ils 'étaient plus en capacité d'exercer leur fonction au regard des pressions exercées à leur encontre de votre part et de la peur d'éventuelles représailles.

Aussi, vous avez tenu à plusieurs reprises des propos humiliants et dégradants à l'égard de Madame [A] [I] concernant son poids, devant les autres salariés de l'entreprise. En effet, alors qu'elle mangeait des bonbons durant sa pause, vous avez dit à Madame [A] [I] : « Arrête d'en manger tu n'as pas assez de bourrelets '' ». lorsque je sollicitais des « gros bras » pour m'aider dans une tâche physique, vous avez indiqué « [A] elle, elle a des gros bras » en montrant le bas de ses bras afin de faire référence à son poids et non à sa force physique.

Enfin, nous avons également été informés de faits de harcèlement moral à l'égard des apprentis et plus particulièrement à l'égard de Monsieur [E]. Vous faites preuve à son égard d'un acharnement systématique, en tenant des propos vexatoires et dégradants. Vous lui répétez sans cesse qu'il « est sur la sellette », qu'il « est mou », qu'il « n'est pas autonome ». Cette attitude ne peut prospérer d'autant plus que Monsieur [S], en charge d'encadrer les apprentis, nous confirme que Monsieur [E] fait du bon travail, il nous indique que « les apprentis sont à bout".

Surabondamment, vous avez proféré des menaces à l'égard de Monsieur [E] lui indiquant que vous révèleriez à ses parents qu'il fume s'il ne faisait pas ce vous vouliez. Précisons que vous connaissez sa mère et étiez scolarisées au même endroit enfants. Un tel comportement est parfaitement inacceptable, d'autant plus que Monsieur [E] est apprenti et n'a que 20 ans, il est donc particulièrement vulnérable compte tenu de son peu d'expérience et de son jeune âge.

Faits constitutifs de vols et de complicité de vols :

Plusieurs salariés nous ont informé du fait que vous rameniez régulièrement des objets, à savoir notamment des jouets, des tapis, de la vaisselle, du magasin à votre domicile prétextant que vous auriez mon accord et celui de Madame [X] alors que vous savez pertinemment qu'un tel comportement est strictement prohibé puisque constitutif de vols et ce à de multiples reprises.

Une autorisation à saisir la casse magasin n'équivaut en aucun cas à une autorisation de fraude ...

Au surplus, le 18 décembre 2020 un salarié de l'entreprise s'est fait violemment agressé par un client qui tentait de voler de la marchandise. Lorsque ce salarié a tenté de l'en empêcher, ce client l'a violemment agressé en prétextant que lorsque vous étiez en poste vous lui permettiez de voler ce qu'il veut.

Il s'agit ici de faits particulièrement graves puisque constitutifs de vols et de complicité de vols. Il s'agit dès lors de délits pénalement sanctionnés, en application des articles 311-1 et suivants du code pénal.

Précisons qu'en septembre voyant Madame [X] passer en caisse et payant les articles qu'elle achetait vous avez exprimé fièrement : « Vous êtes bien les premiers gérants que je vois payer des articles ». Ce à quoi Madame [X] vous a répondu que le non-paiement de tout article était en effet un vol manifeste.

En conséquence, en ne respectant pas les directives de vos supérieurs hiérarchiques vous désorganisez le fonctionnement du magasin et portez atteinte à la qualité de nos prestations. Nous ne pouvons laisser perdurer un tel comportement, l'accueil de la clientèle et le service en caisse du magasin devant être exemplaire notamment en raison des pressions concurrentielles de notre marché.

Au surplus, les négligences répétées dont vous avez fait preuve dans la gestion de la réception des marchandises ont mis en péril notre relation commerciale avec notre fournisseur et avec l'enseigne BABOU auprès de laquelle nous devons rendre compte de la gestion du magasin.

Surabondamment, en application des dispositions des articles L.4121-1 et suivants du Code du Travail, nous sommes tenus à l'égard de nos salariés d'une obligation de sécurité au titre de laquelle nous devons prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de nos salariés. Nous devons ainsi prendre toutes les mesures de nature à faire cesser une atteinte à la sécurité et à la santé de nos salariés dès lors que celle-ci est portée à notre connaissance.

Aussi, nous ne pouvons tolérer les agressions violentes que vous avez commises à l'égard de vos collègues et nous ne pouvons laisser perdurer de situations de harcèlement moral, mettant de manière évidente en danger la santé physique et mentale de nos salariés.

De plus, votre attitude a contraint plusieurs de vos collègues à solliciter la conclusion de ruptures conventionnelles de leur contrat de travail indiquant qu'ils ne pouvaient plus travailler à vos côtés, qu'ils avaient peur de vous et d'éventuelles représailles de vos connaissances.

Le départ de ces salariés nous contraint à réaliser de nombreux recrutements de salariés que nous devrons former au fonctionnement du magasin, ce qui induit une désorganisation temporaire inévitable au magasin. Nous ne pouvons nous permettre davantage de départs du fait de votre attitude, lesquels pourraient conduire à l'impossibilité d'assurer le fonctionnement du magasin.

Enfin, vous avez commis de manière réitérée des faits constitutifs de vols et de complicité de vols que nous ne pouvons laisser perdurer. Il s'agit de faits particulièrement graves s'agissant de délits pénalement sanctionnés.

Au surplus, vous indiquiez à vos collègues que vous aviez mon accord et celui de Madame [X] laissant croire aux autres salariés que le vol de marchandises serait une pratique courante et autorisée dans le magasin et qu'il aurait existé es différences de traitement au sein de l'entreprise.

Voter attitude nuit gravement à l'image du magasin à l'égard de nos clients et à l'égard de l'enseigne BABOU, auprès de laquelle nous devons rendre compte de notre gestion.

Par ailleurs, votre comportement constitue un préjudice économique évident pour le magasin compte tenu de la marchandise volée.

Votre complicité de vol à l'égard des clients du magasin a, a fortiori, conduit à une agression violente d'un de vos collègues qui tentait d'empêcher un client de voler de la marchandise, lequel a justifié son acte en précisant qu'habituellement vous le laissiez voler des marchandises dans le magasin.

Aussi, compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise est impossible. Votre licenciement prononcé au titre d'une faute grave prend donc effet immédiatement, et sans préavis.

[...] ».

L'employeur verse aux débats un procès-verbal de constat dressé le 1er décembre 2020 par un huissier de justice consistant en la retranscription de l'audition par la direction, en présence de l'huissier, de sept salariés de l'entreprise, interrogés par cette dernière sur différents faits susceptibles d'être imputés à la salariée et sur le climat ressenti par chacun dans l'entreprise depuis la mise à pied de cette dernière.

Les faits concernant la complicité de vol et la mauvaise gestion de la réception des marchandises ne sont pas étayés.

L'agression du 19 novembre 2020 à l'égard de Mme [X], membre de la direction, décrite dans la première lettre de convocation à l'entretien préalable mais non-explicitée dans la lettre de licenciement, n'est pas non plus étayée. En tout état de cause, le seul fait de se présenter sur son lieu de travail le 19 novembre 2020 pour obtenir un bulletin de salaire alors qu'elle était placée en chômage partiel, n'est pas constitutif d'une faute.

Le fait que la salariée ait confié à l'apprenti M. [E] de multiples tâches est établi par les déclarations de M. [S], responsable de magasin, ainsi que par celles de l'intéressé mais aucune pièce du dossier ne permet de corroborer les déclarations sous forme de questions de la première adjointe, Mme [X], relatives à des consignes données sur ce point.

De même, le fait que la salariée n'ait pas laissé suffisamment d'autonomie aux deux apprentis, ainsi que relevé par M. [S], ne suffit pas à caractériser une faute alors qu'aucune note de service ne précise que ce comportement était à proscrire ; ce, d'autant que la désorganisation du magasin qui s'en serait suivie n'est pas non plus étayée.

L'attitude virulente de la salariée en septembre 2020 à l'égard de MM. [S] et [O] alors qu'ils faisaient leur pause dans la réserve est établie par les déclarations des deux intéressés sans toutefois que l'on puisse connaître la réelle teneur des échanges qui ne sont pas précisés, mais un désaccord même virulent ne suffit pas à caractériser une faute. En tout état de cause, il ne résulte pas de leurs déclarations que leur santé physique et mentale aurait été mise en danger, contrairement à ce qui est mentionné dans la lettre de licenciement, M. [S] indiquant d'ailleurs qu'ils n'étaient pas facilement impressionnés.

Le harcèlement moral se définit comme des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail d'un salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'employeur fait état de la peur des collègues de travail de l'intéressée, de propos humiliants et dégradants à l'égard d'une collègue, d'un acharnement avec propos vexatoires et dégradants à l'égard d'un apprenti et des menaces à l'encontre du deuxième apprenti.

Aucun des salariés entendus n'a déclaré spontanément avoir peur de travailler avec cette collègue, même s'ils ont pu dire craindre des représailles sans pour autant expliciter les raisons pour lesquelles ils pouvaient ressentir une telle crainte. A ce sujet, les propos tenus sont dubitatifs.

Sur interrogation de la direction, ils ont toutefois indiqué que l'ambiance était meilleure depuis que l'intéressée était absente de l'entreprise du fait de sa mise à pied à titre conservatoire.

Les faits examinés ci-dessus survenus en septembre 2020 à l'égard de MM. [S] et [O] ne sont pas suffisamment caractérisés.

Certes, le directeur de magasin M. [G] a surpris une conversation - impliquant la salariée dont il était le supérieur hiérarchique- le dénigrant dans ses fonctions et elle n'a pas obtempéré à ses injonctions le dimanche 18 octobre. Mais ce fait ne saurait caractériser des agissements de harcèlement moral d'autant qu'ils concernent un supérieur hiérarchique et qu'aucun élément objectif n'est produit sur une éventuelle dégradation de son état de santé en lien avec cette attitude fautive de la salariée.

Le fait que la salariée ait pu dire à l'apprenti M. [E] dont elle connaissait bien la mère, qu'il était « mou », qu'il devait travailler sérieusement et qu'il fallait qu'il arrête de fumer sinon elle le dirait à sa mère, ne suffit pas à caractériser un harcèlement moral et s'explique par les liens de proximité de l'intéressée avec la mère de l'apprenti.

En revanche, Mme [I], employée libre-service, a indiqué lors de son audition que la salariée lui avait dit un jour, alors qu'elle mangeait des bonbons : « Arrêtes d'en manger tu n'as pas assez de bourrelets. », et qu'elle avait des gros bras alors que l'un des responsables avait dit qu'il avait besoin de « gros bras ». Elle a ajouté qu'elle ne voulait plus travailler avec elle, qu'elle avait peur des représailles.

Toutefois, pris dans son ensemble, ce fait isolé, ne suffit pas à caractériser un harcèlement moral.

Le harcèlement moral doit être écarté.

Les déclarations du responsable de magasin M. [G] établissent que, le dimanche 18 octobre 2020, alors qu'il faisait remarquer à la salariée qu'elle devait rester en caisses et ne pas s'absenter, contrairement à ce qu'elle venait de faire, celle-ci lui avait répondu en substance qu'elle avait l'habitude, qu'elle savait comment ça fonctionnait et qu'elle n'avait pas besoin de lui, qu'elle faisait ce qu'elle voulait, tout simplement.

Ce fait est constitutif d'une faute.

Enfin, au vu de leurs déclarations concordantes recueillies en présence de l'huissier de justice, MM. [S], [O] et [G] ainsi que Mme [I] ont confirmé que la salariée prenait des marchandises destinées à la « casse », les emmenait chez elle et leur avait dit qu'elle avait obtenu l'autorisation de la direction. M. [G] précise avoir constaté la présence d'emballages neufs dans les poubelles sorties dans l'arrière-cour, dissimulés sous des plastiques, les poubelles étant tirées par un autre employé, M. [R].

Or, le règlement intérieur signé par tous les salariés, dont l'intimée, stipule que « seuls les deux gérants sont habilités à saisir la casse » et que « tout produit neuf retrouvé dans la cour arrière du magasin, en casse ou à la poubelle sera considéré comme volée » et pourra entraîner un dépôt de plainte.

Ce comportement constitue une insubordination caractérisant une faute.

Le moyen tiré du fait que les questions posées par la direction en présence de l'huissier de justice étaient orientées et que certains des salariés interrogés étaient mal à l'aise ou qu'ils ont été surpris par les questions posées au vu des attestations régulières produites par la salariée (notamment M. [S]), ne suffit pas à contester l'attitude de cette dernière à l'égard de Mme [I] ' laquelle n'a jamais indiqué avoir été mal à l'aise ' ni son insubordination à l'égard de M. [G] le 18 octobre 2020.

Les attestations régulières produites par la salariée, relatives à ses qualités professionnelles reconnues (notamment MM. [R], [F], [W], [C] et [T] ainsi que Mmes [K], [U] et [H]), ne suffisent pas non plus à remettre en cause les éléments précis ci-dessus analysés.

* Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la salariée a adopté un comportement inadapté à l'égard de l'une de ses collègues de travail, sans que le harcèlement moral soit toutefois caractérisé, et qu'elle a récupéré pour ses besoins personnels des objets destinés à la « casse », alors même que le règlement intérieur qui lui avait été notifié interdisait clairement aux salariés de s'approprier ce type de marchandise et que ce fait était considéré par l'entreprise comme un vol.

Les faits fautifs ainsi caractérisés ne suffisent toutefois pas à caractériser une faute grave mais justifient un licenciement fondé sur une faute simple.

Le jugement qui a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et qui a condamné l'employeur à payer à la salariée des dommages et intérêts au titre du licenciement abusif, sera par conséquent infirmé de ces chefs.

Il sera confirmé en ce qu'il a dit la mise à pied à titre conservatoire injustifiée, en l'absence de faute grave et de circonstances justifiant la mise à l'écart immédiate de l'intéressée.

Au vu de l'âge de la salariée (née le 14/05/1985), de son ancienneté à la date du licenciement (16 ans et 17 jours), du nombre de salariés habituellement employés (au moins 11 salariés) et de sa rémunération mensuelle brut non spécialement discutée (1 870 euros brut), le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer un rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire et son accessoire, l'indemnité compensatrice de congés payés et son accessoire et l'indemnité légale de licenciement.

Sur les demandes accessoires.

Les dispositions du jugement fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et relatives aux dépens de première instance seront confirmées.

L'employeur sera tenu aux dépens de la procédure d'appel et il est équitable de le condamner à payer à la salariée la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

Infirme le jugement du 23 novembre 2020 du conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'il a dit le licenciement de Mme [B] [M] dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la SAS Cyrka Distribution à payer des dommages et intérêts au titre du licenciement abusif ;

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés,

Dit que le licenciement pour faute grave de Mme [B] [M] est requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

Déboute Mme [B] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Confirme le surplus du jugement ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS Cyrka Distribution à payer à Mme [B] [M] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés en cause d'appel ;

Condamne la SAS Cyrka Distribution aux entiers dépens de l'instance d'appel ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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