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Cass. crim., 26 novembre 2025, n° 24-83.595

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

Cass. crim. n° 24-83.595

26 novembre 2025

N° K 24-83.595 F-B

N° 01549

ECF
26 NOVEMBRE 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 NOVEMBRE 2025

M. [I] [R], Mme [O] [D], épouse [R], M. [B] [W], Mme [Z] [A] et M. [M] [G] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 13 mai 2024, qui a condamné, le premier, pour recel et escroquerie aggravée, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 3 000 euros d'amende, deux ans d'inéligibilité et une confiscation, la deuxième, pour escroquerie aggravée et recel, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 3 000 euros d'amende, et deux ans d'inéligibilité, le troisième, pour escroquerie aggravée, abus de confiance et recels, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, trois ans d'inéligibilité, deux ans d'interdiction d'exercer une fonction publique et une confiscation, la quatrième, pour escroquerie aggravée, abus de confiance et recels, à un an d'emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d'amende, deux ans d'inéligibilité et une confiscation, le cinquième, pour recels et escroquerie aggravée, à dix mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, deux ans d'inéligibilité et une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [G], les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [I] [R], Mme [O] [D], épouse [R], M. [B] [W], et Mme [Z] [A], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction générale des finances publiques, la direction régionale des finances publiques des Hauts-de-France et du Nord et de l'Etat français, et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 octobre 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.

2. Le parti politique [4] a été créé par M. [P] [J] au mois de septembre 2012, son mandataire financier étant l'[1] ([1]).

3. L'association [2] (ci-après [2]) a été créée en 2014 par M. [B] [W], avec pour objet social de « recréer, partout en France, du lien social entre les citoyens, en favorisant et en développant la convivialité, les échanges et le dialogue ». Elle a conclu avec [4] une convention de mécénat.

4. Suite au dépôt des comptes de l'exercice 2015 de [4] auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (ci-après CNCCFP), cette dernière a demandé des explications sur la nature de ses relations financières avec l'association [2], puis, le 15 février 2017, a demandé à un service d'enquête de conduire des vérifications sur le fondement de l'article L. 52-14 du code électoral.

5. Au vu du résultat desdites vérifications, laissant apparaître que l'association [2] avait pu rembourser certains dons en tout ou partie aux donateurs, qui avaient néanmoins bénéficié d'une déduction fiscale, la CNCCFP a dénoncé les faits au procureur de la République qui a, le 28 août 2018, ouvert une enquête préliminaire.

6. Vivement demain, les associations [1] et [2] ont fait l'objet d'une dissolution durant l'année 2019.

7. Cette même année, M. [W] a créé le parti politique [5] (ci-après VAL), présidé par son fils, M. [F] [W], qui en était le mandataire financier. Concomitamment, Mme [Z] [A] a créé l'association [3], et des flux financiers sont apparus entre le parti [5], l'association [3], et des personnes ayant effectué des donations au parti [5].

8. M. [I] [R], Mme [D], épouse [R], M. [B] [W], Mme [A] et M. [M] [G], ainsi que d'autres prévenus, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs rappelés ci-dessus.

9. Par jugement du 2 décembre 2021, le tribunal les a déclarés coupables et a prononcé sur les peines et les intérêts civils.

10. Les demandeurs et le ministère public ont interjeté appel de ce jugement.

Examen des moyens

Sur les premier à quatrième moyens, le septième moyen, pris en sa première branche, le huitième moyen, pris en sa seconde branche, et le neuvième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, proposés pour M. et Mme [R], M. [W], et Mme [A], ainsi que les premier à sixième moyens, et le septième moyen, pris en ses première et troisième branches, proposés pour M. [G]

11. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur les douzième et treizième moyens proposés pour M. et Mme [R], M. [W] et Mme [A]

Enoncé des moyens

12. Le douzième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité des poursuites du chef d'escroquerie au préjudice de l'Etat français et a déclaré MM. [W], [R] et Mmes [D], épouse [R], et [A], coupables d'escroquerie en bande organisé au préjudice de l'Etat français alors « que dès lors que le législateur n'a pas assuré des garanties identiques à l'ensemble des justiciables, en ne prévoyant pas de plainte préalable de l'administration fiscale, lorsque les faits sont poursuivis sous la qualification d'escroquerie en matière fiscale et non sous celle de fraude fiscale, s'agissant des impôts et taxes entrant dans le cadre du délit de l'article 1741 du code général des impôts, même lorsque les faits mobilisent les mêmes éléments constitutifs communs aux deux délits, serait-ce au regard de leurs circonstances aggravantes, comme en l'espèce, les poursuites peuvent seulement être fondées sur la fraude fiscale ; que le pouvoir d'appréciation de l'opportunité des poursuites, prévu par l'article 40-1 du code de procédure pénale, mis en œuvre dans les conditions prévues par l'article 390-1, ne saurait justifier de poursuivre ces faits sous la qualification d'escroquerie, contrairement à ce qu'a estimé la cour d'appel pour rejeter la QPC soulevée devant elle, les poursuites ne pouvant être fondées que sur la fraude fiscale, sauf à méconnaitre le principe d'égalité devant la loi et dans la procédure pénale ; que la déclaration d'inconstitutionnalité des articles 40-1 et 390-1 du code de procédure pénale et de l'article 313-1 du code pénal emportera cassation de l'arrêt attaqué, en ce qu'elle le privera de tout fondement par application des articles 61-1 et 62 de la Constitution »

13. Le treizième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné MM. [W] et [R] et Mme [R] pour escroquerie en bande organisée au préjudice de l'Etat français, alors « que les mêmes faits ne peuvent donner à un cumul des poursuites et des sanctions, sans méconnaitre le principe de nécessité des délits et des peines ; que, dans leurs conclusions, les prévenus soutenaient qu'ils ne pouvaient être poursuivis et condamnés pour escroquerie, même aggravée, dès lors que les faits relevaient de la qualification de fraude fiscale, et qu'ils avaient fait l'objet de sanctions fiscales fondées sur l'article 1729 a du code général des impôts ; qu'après avoir rejeté la question prioritaire de constitutionnalité invoquant cet impossible cumul des poursuites pénales et fiscales, la Cour d'appel a condamné les prévenus pour escroquerie aggravée, sans avoir même recherché si la gravité des faits justifiait le maintien des poursuites pénales, une déclaration de culpabilité et le prononcé d'une peine ; que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 313-1 du code pénal, en ce qu'il permet la répression des fraudes fiscales et son cumul avec les pénalités fiscales prévues par l'article 1729 a précité qui ne manquera pas d'être prononcée, entrainera l'annulation de l'arrêt attaqué, en ce qu'elle le privera de tout fondement par application des articles 61-1 et 62 de la Constitution. »

Réponse de la Cour

14. La Cour de cassation ayant, par arrêt du 18 décembre 2024, dit n'y avoir lieu à transmission de la question prioritaire de constitutionnalité, les moyens sont devenus sans objet.

Sur les cinquième et sixième moyens, le septième moyen, pris en sa seconde branche, le huitième moyen, pris en sa première branche, et le neuvième moyen, pris en sa première branche, proposés pour M. et Mme [R], M. [W] et Mme [A]

Enoncé des moyens

15. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [A], pour abus de confiance par détournement des fonds de l'association [3] et l'a condamnée pénalement pour ces faits, alors « que l'abus de confiance consiste à détourner des biens remis à charge d'en faire un usage déterminé ; que le détournement ne saurait résulter du seul usage illicite des biens d'une personne morale par son dirigeant, s'il a agi conformément à son objet social ou s'il a agi au nom et pour le compte de la personne morale ; qu'en l'espèce, il a été reproché à Mme [Z] [A] d'avoir détourné les fonds de l'association [3], en les reversant à différentes personnes, au titre du remboursement de dons faits à l'association [5] ; que dans ses conclusions, la prévenue soutenait qu'elle n'avait pas détourné les fonds de l'association [3], qui n'avait été constituée qu'aux fins de procéder à ces versements ; qu'en estimant que l'infraction était constituée dès lors que l'usage illicite des fonds aux fins de dissimuler une défiscalisation illicite, suffisait pour caractériser le délit, sans avoir recherché si, comme le prétendait la prévenue, cet usage était l'objet même de ladite association, exclusif de tout usage abusif de ses biens au préjudice de ladite association, l'infraction ayant été commise en son nom et pour son compte, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 314-1 du code pénal. »

16. Le sixième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [W] pour détournement de fonds appartenant à l'association [2] et au parti VAL et MM. [W], [R] et Mmes [R], [A] pour recel des biens ainsi détournés et les a condamnés pénalement, alors « que dès lors qu'elle constatait qu'avait été mis en place un système de défiscalisation consistant à présenter comme des dons des fonds qui n'avaient pas été remis à cette fin, ce dont il résultait qu'ils n'avaient été reçus par les différentes associations, partis et mandataires financiers qu'à titre précaire et non en pleine propriété, aux fins de les restituer aux personnes qui les avaient versées, leur dirigeants ayant au plus fait un usage abusif de leur comptes, exposant les associations, partis et mandataires à un risque de poursuites pénales, il en résulte que ces fonds n'ont pu être détournés, qu'ils ne pouvaient pas plus être recelés en l'absence d'infraction principale ayant abouti à la détention de ces fonds par lesdites associations : qu'en jugeant que des fonds remis à titre précaire aux mandataires financiers et aux partis, avaient été détournés, et à nouveau détournés par les dirigeants des associations liées, [2] et [3] qui les avaient reçus pour les restituer aux personnes qui les avaient remis, quand ces fonds avaient été utilisés pour les fins pour lesquelles ils avaient été remis par les donateurs, comme cela résulte des constatations même de l'arrêt attaqué, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 314-1 et 321-1 du code pénal. »

17. Le septième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [A] coupable de recel du produit des abus de confiance commis au préjudice du parti VAL en créditant les comptes bancaires de l'association [3], alors :

« 2°/ qu'en outre, le recel d'abus de confiance ne peut exister sans que l'infraction principale soit caractérisée ; que, dès lors qu'il résulte des termes de l'arrêt attaqué que M. [W] n'avait reçu les fonds en qualité de mandataire du parti VAL, qu'à charge d'en restituer une partie aux donateurs, cette restitution ayant été faite par l'intermédiaire de l'association [3], ce qui était exclusif de tout détournement, la Cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 314-1 et 321-1 du code pénal. »

18. Le huitième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [W] coupable de recel des sommes d'argent qu'il savait provenir du délit d'abus de confiance commis par les dirigeants respectifs du parti [4] et de l'association [3] et l'a condamné pénalement, alors :

« 1°/ que le recel d'abus de confiance ne peut exister sans que l'infraction principale soit caractérisée ; que la cassation qui interviendra sur le cinquième et le sixième moyen, emportera cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné M. [W] pour recel. »

19. Le neuvième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé partiellement le jugement entrepris, condamné M. [R] pour recel d'abus de confiance et l'a condamné pénalement, alors :

« 1°/ que la cassation qui interviendra sur le cinquième et le sixième moyen, emportera cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné M. [R] pour recel. »

Réponse de la Cour

20. Les moyens sont réunis.

21. Pour dire établis les délits d'abus de confiance et de recel de cette infraction, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que l'usage déterminé visé par le législateur à l'article 314-1 du code pénal ne saurait être un usage contraire à l'objet social de l'association ni plus généralement contraire à la loi.

22. Les juges ajoutent que les versements reprochés à des tiers s'inscrivent dans un schéma frauduleux que les prévenus ne pouvaient ignorer.

23. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

24. En effet, le caractère illicite de l'objet social réel d'une association, même connu de ses membres, est inopposable aux tiers, dont le ministère public, et ne saurait être invoqué pour faire obstacle à des poursuites pour abus de confiance.

25. Dès lors, les moyens doivent être écartés.

Sur le septième moyen, pris en sa deuxième branche, proposé pour M. [G]

Enoncé du moyen

26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [G] coupable des faits qui lui étaient reprochés, en répression, l'a condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, et à titre de peines complémentaires, a prononcé à son encontre deux ans d'inéligibilité, et la confiscation des sommes saisies à hauteur de 50 000 euros, et sur l'action civile, l'a condamné à payer à l'Etat français la somme de 28 611 euros à titre de dommages et intérêts, alors :

« 2°/ en outre, que contre une même personne d'une sanction fiscale et d'une sanction pénale n'est conforme au principe de proportionnalité des peines, qu'à la condition que le juge répressif tienne compte, pour apprécier la peine qu'il inflige au prévenu, des sanctions fiscales dont ce dernier a déjà fait l'objet ; qu'en déclarant M. [G] coupable des faits qui lui étaient reprochés et en le condamnant à une peine d'emprisonnement de dix mois assortis en totalité d'un sursis, ainsi qu'à une amende de 10 000 euros, et à titre de peines complémentaires, à la privation de son droit d'éligibilité pour une durée de 2 ans, et à la confiscation des sommes saisies à hauteur de 50 000 euros, sans tenir compte dans la détermination de ces peines de la sanction fiscale dont M. [G] avait fait l'objet à la suite de trois redressements fiscaux ayant abouti à une transaction avec l'administration fiscale, en application de laquelle il avait versé la somme de 39 735 euros, incluant une pénalité de 9 341 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 § 1 et 57 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 50 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 313-1 du code pénal, et 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

27. Pour confirmer la condamnation de M. [G] à 10 000 euros d'amende, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé le montant de ses revenus, prononce au regard des éléments concernant sa situation familiale, ses ressources, y compris patrimoniales, et ses charges.

28. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision pour les motifs qui suivent.

29. En premier lieu, M. [G] n'a pas été poursuivi pour fraude fiscale, et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inapplicable, l'impôt au titre duquel les déductions frauduleuses ont été obtenues n'entrant pas dans le champ du droit de l'Union européenne, de sorte que le grief est pour partie inopérant.

30. En second lieu, les ressources et les charges du prévenu, que le juge est tenu de prendre en compte lorsqu'il prononce une amende, en application de l'article 132-20 du code pénal, ne comprennent pas les charges résultant de la déclaration de culpabilité ou, plus généralement, du comportement en cause, tels que les dommages-intérêts ou les sanctions fiscales prononcées par ailleurs.

31. Le moyen doit donc être écarté.

Sur le neuvième moyen proposé pour M. [G]

Enoncé du moyen

32. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [G] coupable des faits qui lui étaient reprochés, a à titre de peine complémentaire, prononcé à son encontre la confiscation des sommes saisies à hauteur de 50 000 euros, alors :

« 1°/ que lorsque le juge ordonne une mesure de confiscation en valeur du produit, direct ou indirect, de l'infraction, il est tenu de préalablement s'assurer que la valeur du bien confisqué n'excède pas le montant du produit de l'infraction, en sorte que l'atteinte portée au droit de propriété de la personne condamnée ne peut excéder l'avantage économique tiré de l'infraction pénale et qui constitue la conséquence patrimoniale de sa commission, ainsi que d'en justifier par des motifs suffisants, exempts de contradiction, et répondant aux moyens péremptoires des conclusions des parties, ce dont il se déduit que ne se trouvent méconnus ni le principe de nécessité des peines, ni les principes d'individualisation et de motivation des peines ; que dès lors, en estimant que la valeur des biens saisis était inférieur au produit des infractions retenues pour justifier leur confiscation, sans rechercher quel avantage économique le prévenu avait tiré des différentes infractions et s'il était égal ou supérieur au montant de la somme saisie, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 131-1 du code pénal ;

2°/ qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur ; qu'hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit ou l'objet de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ; qu'en se bornant à retenir que le produit des infractions était plus important que le montant de la somme saisie, sans apprécier la proportionnalité d'une telle peine au regard des ressources et des charges du prévenu, et en prenant en considération l'amende qu'elle prononçait et les sanctions fiscales dont le prévenu a par ailleurs fait l'objet, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 du code pénal et 131-21 du code pénal. »

Réponse de la Cour

33. Pour condamner M. [G] à la confiscation de la somme de 50 000 euros, l'arrêt attaqué énonce notamment que le prévenu a reçu les sommes de 46 750 euros et 6 800 euros, soit au total 53 550 euros, des deux associations victimes d'abus de confiance.

34. En se déterminant ainsi, par des motifs dont il résulte que la valeur des biens confisqués n'excède pas le produit de l'infraction, la cour d'appel a justifié sa décision.

35. Le moyen doit donc être écarté.

Sur le dixième moyen proposé pour M. et Mme [R], M. [W] et Mme [A]

Enoncé du moyen

36. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a condamné M. [W] à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, confirmant toutes les autres peines prononcées à titre principal ou complémentaire à son encontre ; 10 000 euros d'amende, trois ans d'inéligibilité, l'interdiction pour une durée de deux ans, et la confiscation des sommes saisies à hauteur de 110 230,44 euros, alors :

« 1°/ que lorsque le juge ordonne une mesure de confiscation en valeur du produit, direct ou indirect, de l'infraction, il est tenu de préalablement s'assurer que la valeur du bien confisqué n'excède pas le montant du produit de l'infraction, en sorte que l'atteinte portée au droit de propriété de la personne condamnée ne peut excéder l'avantage économique tiré de l'infraction pénale et qui constitue la conséquence patrimoniale de sa commission, ainsi que d'en justifier par des motifs suffisants, exempts de contradiction, et répondant aux moyens péremptoires des conclusions des parties, ce dont il se déduit que ne se trouvent méconnus ni le principe de nécessité des peines, ni les principes d'individualisation et de motivation des peines ; que dès lors, en estimant que la valeur des biens saisis était inférieur au produit des infractions retenues pour justifier leur confiscation, sans rechercher quel avantage économique le prévenu avait tiré des différentes infractions et s'il était égal ou supérieur à la valeur des comptes et contrats saisis, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 131-1 du code pénal ;

2°/ qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur ; qu'hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit ou l'objet de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ; que dans les conclusions déposées pour M. [W], il était prétendu que les saisies portaient sur trois contrats de prévoyance retraite et d'un compte titre qui n'étaient pas le produit de l'infraction, sollicitant ainsi l'infirmation du jugement ; que la cour d'appel a estimé que la confiscation en valeur pouvait être prononcée, dès lors que le produit des infractions était plus important que la valeur de ces contrats et des fonds du compte ; qu'en se déterminant ainsi sans apprécier la proportionnalité d'une telle peine au regard des ressources et des charges du prévenu, éventuellement en prenant en considération l'amende qu'elle prononçait et les sanctions fiscales dont le prévenu a par ailleurs fait l'objet, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 du code pénal et 131-21 du code pénal. »

Réponse de la Cour

37. Pour condamner M. [W] à la confiscation en valeur de la somme de 110 230,44 euros, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que les sommes concernées par l'abus de confiance s'élèvent à 190 210 euros en ce qui concerne l'association [2], et 44 448,11 euros en ce qui concerne l'association [3], et que le montant de la confiscation prononcée ne représentait qu'une part du produit des infractions commises par le prévenu.

38. En se déterminant ainsi, par des motifs dont il résulte que la valeur des biens confisqués n'excède pas le produit de l'infraction, la cour d'appel a justifié sa décision.

39. Le moyen doit donc être écarté.

Sur le huitième moyen proposé pour M. [G]

Enoncé du moyen

40. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [G] coupable des faits qui lui étaient reprochés, sur l'action civile, l'a condamné à payer à l'Etat français la somme de 28 611 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé intégralement sans perte ni profit pour la victime ; qu'en se bornant à énoncer que l'action en réparation du dommage causé par l'escroquerie dont M. [G] a été déclaré coupable « est distincte de l'action en recouvrement des impôts fraudés », et en condamnant M. [G] à payer à l'Etat français la somme de 28 611 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant au montant des réductions d'impôt dont les juges du fond ont considéré qu'il avait indûment bénéficié, cependant que M. [G] justifiait avoir réglé la somme de 39 735 euros, incluant une pénalité de 9 341 euros, en exécution d'une transaction conclue le 11 décembre 2023 avec l'administration fiscale, la cour d'appel, qui ne s'est pas assurée que le préjudice subi par l'Etat français n'avait pas déjà été indemnisé par ce règlement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 313-1 du code pénal, ensemble les articles 2 et 593 du code de procédure pénale, et le principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

41. Pour condamner M. [G] à verser à l'Etat français la somme de 28 611 euros, l'arrêt attaqué énonce que le préjudice de la partie civile est constitué des réductions d'impôt obtenues indûment, et que les premiers juges ont effectué une juste appréciation des dommages-intérêts dus à l'Etat.

42. En se déterminant ainsi, et dès lors que l'action en réparation du dommage résultant du délit d'escroquerie est distinct de l'action en recouvrement de la taxe fraudée, la cour d'appel a justifié sa décision.

43. Le moyen doit donc être écarté.

Mais sur le neuvième moyen, pris en sa quatrième branche, proposé pour M. et Mme [R], M. [W] et Mme [A]

Enoncé du moyen

44. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a confirmé partiellement le jugement entrepris, condamné M. [R] pour recel d'abus de confiance et l'a condamné pénalement, alors :

« 4°/ qu'enfin, et en tout état de cause, en confirmant le jugement entrepris qui a condamné M. [R] pour recel d'abus de confiance, commis courant janvier 2015 et jusqu'au 31 décembre 2018, ce que rappelle l'arrêt, quand elle ne retient à son encontre que le recel d'un chèque de 500 €, porté sur son compte le 23 avril 2018, l'arrêt attaqué qui comporte une contradiction entre les motifs et le dispositif, concernant la période de recel, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

45. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

46. Pour confirmer le jugement ayant condamné M. [R] pour des faits de recel d'abus de confiance commis courant 2015, 2017 et 2018, sauf à préciser que le préjudice de ce chef est de 500 euros, l'arrêt attaqué énonce notamment que seule une somme de 500 euros a été détenue par ce dernier sur un compte personnel, et qu'il n'a ni détenu ni transmis les chèques de 8 500 euros et 2 000 euros visés par la prévention.

47. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

48. En effet, elle ne pouvait, sans se contredire, confirmer le jugement déclarant M. [R] coupable pour la totalité de la période de prévention, tout en réduisant le montant du préjudice retenu, le seul chèque retenu au titre de la déclaration de culpabilité ayant été émis à une date déterminée, à savoir le 23 avril 2018.

49. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Et sur le onzième moyen proposé pour M. et Mme [R], M. [W] et Mme [A]

Enoncé du moyen

50. Le moyen critique l'arrêt attaqué, en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris, condamné Mme [A], outre la peine de un an d'emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité, et la confiscation en valeur des sommes saisies dans la limite de 50 000 euros, alors :

« 1°/ que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; la contradiction entre les motifs et le dispositif d'un arrêt équivaut à un défaut de motifs ; qu'il résulte des termes du jugement entrepris que le tribunal judicaire a condamné la prévenue notamment à la confiscation de la somme saisie à hauteur de 10.000 € ; que l'arrêt attaqué rappelle cette condamnation par les premiers juges et prétend ensuite confirmé le jugement, tout en faisant état d'une confiscation à hauteur de 50.000 €, pour ensuite, dans le dispositif prétendre confirmer le jugement entrepris sans plus de précision ; qu'en l'état d'une contradiction entre les motifs et le dispositif de l'arrêt attaqué, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'à tout le moins, lorsque plusieurs prévenus ont participé aux faits poursuivis, la confiscation du produit de l'infraction est limitée aux bénéfices qu'a tiré le prévenu à l'encontre duquel la confiscation est prononcée, qu'en l'espèce, la cour d'appel a prononcé une confiscation en valeur du produit des infractions pour lesquelles Mme [A] a été condamnée ; qu'en ne s'expliquant pas sur le bénéfice que la prévenue avait tiré des infractions, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 131-21 du code pénal ;

3°/ qu'enfin, en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur ; qu'hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit ou l'objet de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé compte tenu de ses ressources et de ses charges ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a ordonné la confiscation en valeur de la somme de 50 000 €, sans aucunement se référer aux ressources et aux charges de la prévenue, privant ainsi sa décision de toute base légale, au regard des articles 132-1 du code pénal et 131-21 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

51. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

52. Pour confirmer le jugement sur la confiscation, la cour d'appel énonce qu'il a prononcé la confiscation d'une somme de 50 000 euros.

53. En se déterminant ainsi, alors que le jugement n'avait prononcé la confiscation que d'une somme de 10 000 euros, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

54. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

55. La cassation aura lieu sans renvoi, s'agissant du neuvième moyen présenté pour M. et Mme [R], M. [W] et Mme [A], la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. En effet, il ressort de la combinaison entre les motifs sur la culpabilité et les peines, d'une part, et le dispositif de l'arrêt attaqué, d'autre part, que la cour d'appel a fixé les peines imposées à M. [R] en se fondant, s'agissant du recel d'abus de confiance, sur les seuls faits commis le 23 avril 2018.

56. S'agissant du onzième moyen présenté pour M. et Mme [R], M. [W] et Mme [A], la cassation sera limitée aux peines prononcées à l'encontre de cette dernière, dès lors que ni la déclaration de culpabilité ni les dispositions portant sur les intérêts civils n'encourent la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues.

Examen des demandes fondées sur l'article 618-1 du code de procédure pénale

57. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. Les déclarations de culpabilité des demandeurs étant devenues définitives par suite de la non-admission ou du rejet du surplus des moyens, il y a lieu de faire partiellement droit aux demandes.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 13 mai 2024, mais en ses seules dispositions relatives à la culpabilité de M. [R] du chef de recel d'abus de confiance et aux peines concernant Mme [A], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi concernant M. [R] ;

DIT que la période de prévention concernant la condamnation pour recel d'abus de confiance de M. [R] est limitée au 23 avril 2018 ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée s'agissant des peines concernant Mme [A],

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

FIXE à 2 000 euros la somme globale que les parties représentées par la SCP Lyon-Caen et Thiriez devront payer à l'Etat français en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. [M] [G] devra payer à l'Etat français en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt-cinq.

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