CA Paris, Pôle 6 - ch. 6, 19 novembre 2025, n° 22/04191
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 19 NOVEMBRE 2025
(N°2025/ , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04191 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQTC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 19/05389
APPELANT
Monsieur [M] [H] Ayant élu domiciliation au cabinet de Maître [P] [Y] du cabinet AAZ AVOCATS, sis [Adresse 6].
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Annie GULMEZ, avocat au barreau de MEAUX
INTIMEES
S.E.L.A.R.L. ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES Agissant en la personne de Maître [W] [I], es qualités de liquidateur judiciaire de la société JJW LUXURY HOTELS.
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Justine CAUSSAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0203
Association AGS CGEA IDF OUEST Organisme de garantie AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 7]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Octobre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et de la formation
Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO
ARRET :
- Réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
M. [H] a été engagé le 1er janvier 2019 par la société JJW Luxury Hotels, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de gouvernant, statut employé, avec une période d'essai de deux mois.
Les relations contractuelles entre les parties sont soumises à la convention collective nationale dite HCR.
Le 8 février 2019 M. [H] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement, prévu le 20 février 2019.
M. [H] a fait l'objet d'un licenciement pour faute le 14 mars 2019.
La lettre de licenciement indique :
'Pour rappel, à la suite d'une demande verbale et par mail du 3 février 2019, M. [G], Attaché de direction au sein de la société, a sollicité mon autorisation pour dormir à l'hôtel de [Localité 10] le soir même, car il devait partitr très tôt le lendemain matin pour être à l'aéroport [9] dans le cadre d'un déplacement personnel.
M. [G] m'a également demandé à bénéficier du tarif spécial réservé aux salariés des autres hôtels du groupe.
Je l'ai informé que ce tarif n'était pas applicable dans les hôtels où le salarié travaille et qu'en tout état de cause, dans la mesure où je lui avais demandé de faire un entretien avec les employés de nuit le lendemain matin, la nuit ne lui serait pas facturée.
M. [G] a donc séjourné dans la chambre 301 de l'hôtel de [Localité 10], dans la nuit du 3 février 2019, en code de facturation 'interne'.
Le 7 février 2019, des membres du Comité d'entreprise m'ont informé que vous aviez passé la nuit du 3 février 2019 dans la chambre 301 de l'hôtel de [Localité 10], en compagnie de M. [G], lequel était votre supérieur hiérarchique. Cette pratique étant prohibée, les membres du Comité d'entreprise s'en sont inquiétés et ce d'autant plus que vous étiez à la fois dans une relation subordonnée à l'égard de M. [G] mais aussi en période d'essai.
Lors de l'entretien préalable, vous avez reconnu avoir passé la nuit du 3 février 2019 avec M. [G] dans la chambre 301 mise à sa disposition.
Comme exposé lors de l'entretien préalable, il est fait interdiction aux salariés qui ne sont pas en poste, de pénétrer dans l'enceinte de l'hôtel.
Nous vous rappelons en effet qu'aux termes de l'article 4 du règlement intérieur :
'Les salariés n'ont accès aux locaux de l'Etablissement que pour l'exécution de leur contrat de travail, ils n'ont auun droit d'entrer ou de se maintenir sur les lieux de leur travail pour une autre cause sauf s'ils peuvent se prévaloir :
. D'une disposition légale (disposition relative aux droits de la représentation du personnel ou des syndicats)
. D'une autorisation délivrée par le directeur d'établissement...
Sous réserve des droits reconnus par la loi aux représentants du personnel et aux délégués syndicaux et afin de maintenir le bon ordre, il est, sauf autorisation expresse, interdit aux salariés :
. D'entrer ou de sortir des lieux de travail en dehors des horaires fixés par la Direction ;
. D'introduire ou de laisser introduire, sauf cas grave et urgent, toute personne étrangère à l'entreprise ou d'y recevoir des visites personnelles. Tout salarié doit respecter les dates de congés payés décidées par la Direction. Il est interdit de modifier ces dates sans son accord préalable.'
Lors de l'entretien préalable, vous avez indiqué que vous aviez connaissance de l'interdiction faite aux salariés de pénétrer dans l'enceinte de l'hôtel en dehors de leurs horaires de travail mais que vous pensiez que M. [G] avait une réservation pour la nuit du 3 février 2019.
En tout état de cause et comme exposé lors de l'entretien préalable, le fait que M. [G] ait été autorisé à séjourner dans l'hôtel ne vous autorisait en aucun cas à le rejoindre, en dehors de vos horaires de travail.
Votre attitude caractérise une violation manifeste des dispositions du règlement intérieur que nous ne pouvons tolérer d'aucun salarié.
Au demeurant les faits qui vous sont reprochés se sont déroulés alors que vous étiez en période d'essai et avec un salarié dont vous étiez sous la subordination hiérarchique. Une telle circonstance aurait pu être assimilée à une pression à l'encontre d'un employé subalterne, voire même à un chantage à l'embauche. Nous ne pouvons pas tolérer ce genre de pratique qui fait courir un risque à notre société.
Lors de l'entretien préalable vous avez indiqué que M. [G] n'avait pas utilisé sa position dans la société pour vous faire passer la nuit avec lui. Vous avez affirmé avoir passé la nuit avec lui de votre plein gré, en précisant que vous pensiez qu'il avait une réservation. Vous avez ajouté que vous ne pensiez pas que cela était un problème.
Comme indiqué lors de l'entretien, il ressort des enregistrements des caméras de vidéosurveillance de l'hôtel, qu'après avoir passé la nuit avec M. [G], vous êtes sorti par la porte du personnel et non avec M. [G] par la sortie principale de l'hôtel. Lors de l'entretien, vous avez expliqué que vous aviez laissé des affaires dans l'office et que vous aviez donc pris l'escalier de service et la sortie de service.
Votre comportement est constitutif d'un manquement grave à vos obligations contractuelles les plus élémentaires.
Les explications que vous nous avez fournies lors de l'entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.
C'est pourquoi nous vous notifions votre licenciement pour faute.'
Par requête parvenue au greffe le 20 juin 2019, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris.
Le 26 juin 2020 une procédure de redressement judiciaire a été ouverte concernant la société JJW Luxury Hotels.
Par jugement du 25 juin 2021 le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société JJW Luxury Hotels et a désigné la société Actis Mandataires Judiciaires en qualité de liquidateur.
Par jugement du 10 mars 2022, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes statuant en formation de départage a rendu la décision suivante :
'FIXE la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS à la somme de 1 975,44 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
DEBOUTE M. [H] du surplus de ses demandes.
RAPPELLE que le cours des intérêts s'arrête à la date de la liquidation judiciaire.
DIT que la présente décision sera opposable à l'AGS et que les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire seront en conséquence garanties par cette derniére dans les limites de la garantie légale et du plafond légal, toutes créances confondues et sous déduction des sommes déjà avancées,
ORDONNE la remise par la SELARL ACTIS représentée par Maître [I] en sa qualité de liquidateur de la SARL JJW LUXURY HOTELS d'une attestation pôle emploi, d'un certificat de travail, de fiches de payes conformes à la présente décision.
DIT n'y avoir lieu à prononcer une astreinte.
ORDONNE l'exécution provisoire.
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que les dépens seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire au titre des frais privilégiés'.
M. [H] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 29 mars 2022.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 13 septembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, M. [H] demande à la cour de : 'Infirmer le jugement du 10 mars 2022 en ce qu'il a :
FIXE la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS à la somme de 1 975,44 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- DEBOUTE M. [H] du surplus de ses demandes, à savoir :
A titre principal :
JUGER que son licenciement est nul ;
En conséquence,
Fixer la créance de M. [H] de 23.705,28 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS;
A titre subsidiaire :
DE JUGER que son licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
FIXER la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS à 23.705,28 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Le cas échéant,
JUGER que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable ;
En tout état de cause,
FIXER la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS de 10.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral en raison de la discrimination qu'il a subi ;
ORDONNER la remise des documents de fin de contrat conformes aux dispositions de l'arrêt à intervenir, sous astreinte journalière de 100 euros par document, courant à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
SE RESERVER le droit de liquider cette astreinte ;
FIXER la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS à 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC,
JUGER que l'ensemble des condamnations portera intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société à comparaître devant le Bureau de conciliation et d'orientation;
ORDONNER la capitalisation des intérêts ;
FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS les éventuels dépens.
JUGE QUE la décision sera opposable à l'AGS et que les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS seront en conséquence garanties par cette dernière.
- DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civil.
Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour d'Appel de Paris de :
1) A titre principal :
JUGER que son licenciement est nul ;
En conséquence,
Fixer la créance de M. [H] de 23.705,28 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS; 2)A titre subsidiaire :
DE JUGER que son licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
FIXER la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS à 23.705,28 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Le cas échéant,
JUGER que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable ;
3)En tout état de cause,
FIXER la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS de 10.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral en raison de la discrimination qu'il a subi ;
ORDONNER la remise des documents de fin de contrat conformes aux dispositions de l'arrêt à intervenir, sous astreinte journalière de 100 euros par document, courant à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;
SE RESERVER le droit de liquider cette astreinte ;
FIXER la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS à 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC,
JUGER que l'ensemble des condamnations portera intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société à comparaître devant le Bureau de conciliation et d'orientation;
ORDONNER la capitalisation des intérêts ;
FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS les éventuels dépens.
JUGER QUE la l'arrêt à intervenir sera opposable à l'AGS et que les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS seront en conséquence garanties par cette dernière'.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 24 juin 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, la société Actis Mandataires Judiciaires en sa qualité de liquidateur de la société JJW Luxury Hotels demande à la cour de :
'Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré le licenciement de Monsieur [H]
comme étant sans cause réelle et sérieuse, et le confirmer sur le surplus.
En conséquence,
A TITRE PRINCIPAL,
- Juger bienfondé le licenciement pour faute simple de Monsieur [H] ;
- Débouter Monsieur [H] de l'ensemble de ses demandes ;
- Débouter Monsieur [H] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
- Débouter Monsieur [H] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ;
- Condamner Monsieur [H] au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A TITRE SUBSIDIAIRE,
- Ramener les prétentions formulées par le salarié au titre de la requalification de la rupture de son contrat de travail en un licenciement nul à de bien plus justes proportions;
- Ramener les prétentions formulées par le salarié, à titre subsidiaire, au titre de la requalification de la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse conformément aux barèmes Macron de l'article L.1235-3 du Code du travail ;
- Débouter le salarié du surplus de ses demandes ou, à titre infiniment subsidiaire, les ramener à de bien plus justes proportions.'
M. [H] a signifié la déclaration d'appel et ses conclusions à l'AGS par acte du 09 juin 2022, acte remis à un salarié qui s'est dit habilité à le recevoir. L'AGS n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 08 avril 2025.
L'affaire a été appelée à l'audience du 23 juin 2025, qui n'a pas pu se tenir en raison d'une panne importante. Elle a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 06 octobre 2025.
Motifs
Sur la discrimination
L'article L1132-1 du code du travail dispose que ' Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3 des mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.'
L'article L. 1134-1 du code du travail dispose que 'Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à l'emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en tant que de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'
L'article L. 1132-4 du code du travail dispose que 'Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.'
M. [H] explique qu'il a fait l'objet d'une discrimination en raison de son orientation sexuelle. Il conteste la réalité du motif du licenciement, expliquant qu'une autorisation avait été donnée à son mari pour qu'il séjourne dans l'hôtel cette nuit là, qu'il n'était pas en service et que par le passé ils avaient déjà séjourné ensemble dans un hôtel du groupe, sans difficulté.
M. [H] produit : la lettre de licenciement, le certificat de son mariage avec M. [G], en date du 9 février 2016, la confirmation de la réservation d'une chambre au sein de l'hôtel de [Localité 10] au nom de M. [G] pour la nuit du 03 février 2019, plusieurs attestations d'autres salariés. Il résulte des attestations que le statut matrimonial de M. [H] et M. [G] était connu au sein de la société. Une salariée ajoute que le 08 décembre 2018 M. [G] avait séjourné à l'hôtel en raison de la manifestation des gilets jaunes et que le matin elle l'avait vu descendre l'escalier avec M. [H].
Ces éléments de fait présentés par le salarié laissent supposer l'existence d'une discrimination en raison de son orientation sexuelle.
L'intimée produit le règlement intérieur de l'établissement, qui prévoit l'interdiction faite aux salariés d'être présent dans les locaux en dehors de leurs horaires de travail, sans motif spécifique ou autorisation. Elle explique que cet article du règlement est en lien avec la sécurité des personnes et des biens, notamment en ce qui concerne les vols dans les établissements, ainsi que pour éviter les difficultés relatives au temps de travail. Le règlement intérieur a été soumis au comité d'entreprise et a été adressé à la Direccte ainsi qu'au conseil de prud'hommes. L'exemplaire du règlement comporte le nom de M. [H] de façon manuscrite, des paraphes sur chaque page et sa signature sur la dernière page.
Le contrat de travail du 1er janvier 2019 prévoit une période d'essai de deux mois. M. [H] était affecté à l'hôtel de [Localité 10] ou à l'hôtel [Localité 8].
La présence de M. [H] dans la même chambre que M. [G] la nuit du 3 février 2019, dans l'hôtel de [Localité 10], n'est pas discutée.
Comme le souligne l'employeur, seul M. [G] avait été autorisé à y séjourner pour un motif spécifique, ce qui ne permettait pas à M. [H] d'être présent dans les locaux de son employeur en dehors de ses horaires de travail, et donc d'y passer la nuit.
L'attestation de la salariée qui indique que M. [G] avait auparavant dormi à l'hôtel le 3 décembre 2018 précise que c'est en raison de la manifestation des gilets jaunes que les salariés qui résidaient loin de l'établissement avaient été autorisés à y dormir, afin d'assurer leur présence malgré les troubles susceptibles de survenir. M. [H] est descendu avec son mari ce jour là pour se rendre au petit-déjeuner, mais il ne peut qu'être relevé que son contrat de travail est postérieur à cette date, pour être du 1er janvier 2019. Il en résulte qu'aucun comportement similaire du salarié n'avait été auparavant admis par l'employeur.
Le manquement de M. [H] au règlement intérieur est établi. Comme le souligne la lettre de licenciement, il a été commis au cours de la période d'essai. Il justifiait qu'il soit mis fin au contrat de travail de M. [H].
Le licenciement de M. [H] était ainsi justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
M. [H] doit être débouté de sa demande de nullité du licenciement et de dommages-intérêts pour discrimination.
Le jugement est confirmé de ces chefs.
Sur le licenciement
En application des articles L1232-1 et L 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, l'administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour justifier le licenciement du salarié, n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
A titre subsidiaire, M. [H] soutient que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
Il résulte des développements ci-dessus que le licenciement est fondé par un manquement du salarié au règlement intérieur qui justifiait la rupture du contrat de travail.
Le jugement qui a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse est infirmé de ce chef.
M. [H] doit être débouté de sa demande de fixation d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au passif de la société. Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur la remise des documents
Les documents de fin de contrat ont été remis à M. [H] lors du licenciement. Il n'y a pas lieu d'ordonner la remise de nouveaux documents.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur la capitalisation des intérêts
M. [H] doit être débouté de sa demande de capitalisation des intérêts.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur l'AGS
En l'absence de fixation de créance au passif de la société, la demande de garantie de l'AGS est sans objet et M. [H] doit en être débouté.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les dépens
M. [H] qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu à allouer d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement est infirmé sur les dépens et confirmé sur les frais irrépétibles.
Par ces motifs,
La cour,
Infirme le jugement du conseil des prud'hommes sauf en ce qu'il a débouté M. [H] de ses demandes : de nullité du licenciement, de fixation au passif de la liquidation d'une indemnité pour licenciement nul et de dommages-intérêts pour discrimination, de capitalisation des intérêts et a rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute M. [H] de sa demande de fixation au passif de la liquidation de la société JJW Luxury Hotels d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute M. [H] de sa demande de remise de documents de rupture,
Déboute M. [H] de sa demande de garantie par l'AGS,
Condamne M. [H] aux dépens de première instance et d'appel,
Déboute les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles.
La Greffière La Présidente
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 19 NOVEMBRE 2025
(N°2025/ , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04191 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQTC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 19/05389
APPELANT
Monsieur [M] [H] Ayant élu domiciliation au cabinet de Maître [P] [Y] du cabinet AAZ AVOCATS, sis [Adresse 6].
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Annie GULMEZ, avocat au barreau de MEAUX
INTIMEES
S.E.L.A.R.L. ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES Agissant en la personne de Maître [W] [I], es qualités de liquidateur judiciaire de la société JJW LUXURY HOTELS.
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Justine CAUSSAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0203
Association AGS CGEA IDF OUEST Organisme de garantie AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 7]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Octobre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et de la formation
Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO
ARRET :
- Réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
M. [H] a été engagé le 1er janvier 2019 par la société JJW Luxury Hotels, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de gouvernant, statut employé, avec une période d'essai de deux mois.
Les relations contractuelles entre les parties sont soumises à la convention collective nationale dite HCR.
Le 8 février 2019 M. [H] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement, prévu le 20 février 2019.
M. [H] a fait l'objet d'un licenciement pour faute le 14 mars 2019.
La lettre de licenciement indique :
'Pour rappel, à la suite d'une demande verbale et par mail du 3 février 2019, M. [G], Attaché de direction au sein de la société, a sollicité mon autorisation pour dormir à l'hôtel de [Localité 10] le soir même, car il devait partitr très tôt le lendemain matin pour être à l'aéroport [9] dans le cadre d'un déplacement personnel.
M. [G] m'a également demandé à bénéficier du tarif spécial réservé aux salariés des autres hôtels du groupe.
Je l'ai informé que ce tarif n'était pas applicable dans les hôtels où le salarié travaille et qu'en tout état de cause, dans la mesure où je lui avais demandé de faire un entretien avec les employés de nuit le lendemain matin, la nuit ne lui serait pas facturée.
M. [G] a donc séjourné dans la chambre 301 de l'hôtel de [Localité 10], dans la nuit du 3 février 2019, en code de facturation 'interne'.
Le 7 février 2019, des membres du Comité d'entreprise m'ont informé que vous aviez passé la nuit du 3 février 2019 dans la chambre 301 de l'hôtel de [Localité 10], en compagnie de M. [G], lequel était votre supérieur hiérarchique. Cette pratique étant prohibée, les membres du Comité d'entreprise s'en sont inquiétés et ce d'autant plus que vous étiez à la fois dans une relation subordonnée à l'égard de M. [G] mais aussi en période d'essai.
Lors de l'entretien préalable, vous avez reconnu avoir passé la nuit du 3 février 2019 avec M. [G] dans la chambre 301 mise à sa disposition.
Comme exposé lors de l'entretien préalable, il est fait interdiction aux salariés qui ne sont pas en poste, de pénétrer dans l'enceinte de l'hôtel.
Nous vous rappelons en effet qu'aux termes de l'article 4 du règlement intérieur :
'Les salariés n'ont accès aux locaux de l'Etablissement que pour l'exécution de leur contrat de travail, ils n'ont auun droit d'entrer ou de se maintenir sur les lieux de leur travail pour une autre cause sauf s'ils peuvent se prévaloir :
. D'une disposition légale (disposition relative aux droits de la représentation du personnel ou des syndicats)
. D'une autorisation délivrée par le directeur d'établissement...
Sous réserve des droits reconnus par la loi aux représentants du personnel et aux délégués syndicaux et afin de maintenir le bon ordre, il est, sauf autorisation expresse, interdit aux salariés :
. D'entrer ou de sortir des lieux de travail en dehors des horaires fixés par la Direction ;
. D'introduire ou de laisser introduire, sauf cas grave et urgent, toute personne étrangère à l'entreprise ou d'y recevoir des visites personnelles. Tout salarié doit respecter les dates de congés payés décidées par la Direction. Il est interdit de modifier ces dates sans son accord préalable.'
Lors de l'entretien préalable, vous avez indiqué que vous aviez connaissance de l'interdiction faite aux salariés de pénétrer dans l'enceinte de l'hôtel en dehors de leurs horaires de travail mais que vous pensiez que M. [G] avait une réservation pour la nuit du 3 février 2019.
En tout état de cause et comme exposé lors de l'entretien préalable, le fait que M. [G] ait été autorisé à séjourner dans l'hôtel ne vous autorisait en aucun cas à le rejoindre, en dehors de vos horaires de travail.
Votre attitude caractérise une violation manifeste des dispositions du règlement intérieur que nous ne pouvons tolérer d'aucun salarié.
Au demeurant les faits qui vous sont reprochés se sont déroulés alors que vous étiez en période d'essai et avec un salarié dont vous étiez sous la subordination hiérarchique. Une telle circonstance aurait pu être assimilée à une pression à l'encontre d'un employé subalterne, voire même à un chantage à l'embauche. Nous ne pouvons pas tolérer ce genre de pratique qui fait courir un risque à notre société.
Lors de l'entretien préalable vous avez indiqué que M. [G] n'avait pas utilisé sa position dans la société pour vous faire passer la nuit avec lui. Vous avez affirmé avoir passé la nuit avec lui de votre plein gré, en précisant que vous pensiez qu'il avait une réservation. Vous avez ajouté que vous ne pensiez pas que cela était un problème.
Comme indiqué lors de l'entretien, il ressort des enregistrements des caméras de vidéosurveillance de l'hôtel, qu'après avoir passé la nuit avec M. [G], vous êtes sorti par la porte du personnel et non avec M. [G] par la sortie principale de l'hôtel. Lors de l'entretien, vous avez expliqué que vous aviez laissé des affaires dans l'office et que vous aviez donc pris l'escalier de service et la sortie de service.
Votre comportement est constitutif d'un manquement grave à vos obligations contractuelles les plus élémentaires.
Les explications que vous nous avez fournies lors de l'entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.
C'est pourquoi nous vous notifions votre licenciement pour faute.'
Par requête parvenue au greffe le 20 juin 2019, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris.
Le 26 juin 2020 une procédure de redressement judiciaire a été ouverte concernant la société JJW Luxury Hotels.
Par jugement du 25 juin 2021 le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société JJW Luxury Hotels et a désigné la société Actis Mandataires Judiciaires en qualité de liquidateur.
Par jugement du 10 mars 2022, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes statuant en formation de départage a rendu la décision suivante :
'FIXE la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS à la somme de 1 975,44 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
DEBOUTE M. [H] du surplus de ses demandes.
RAPPELLE que le cours des intérêts s'arrête à la date de la liquidation judiciaire.
DIT que la présente décision sera opposable à l'AGS et que les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire seront en conséquence garanties par cette derniére dans les limites de la garantie légale et du plafond légal, toutes créances confondues et sous déduction des sommes déjà avancées,
ORDONNE la remise par la SELARL ACTIS représentée par Maître [I] en sa qualité de liquidateur de la SARL JJW LUXURY HOTELS d'une attestation pôle emploi, d'un certificat de travail, de fiches de payes conformes à la présente décision.
DIT n'y avoir lieu à prononcer une astreinte.
ORDONNE l'exécution provisoire.
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que les dépens seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire au titre des frais privilégiés'.
M. [H] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 29 mars 2022.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 13 septembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, M. [H] demande à la cour de : 'Infirmer le jugement du 10 mars 2022 en ce qu'il a :
FIXE la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS à la somme de 1 975,44 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- DEBOUTE M. [H] du surplus de ses demandes, à savoir :
A titre principal :
JUGER que son licenciement est nul ;
En conséquence,
Fixer la créance de M. [H] de 23.705,28 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS;
A titre subsidiaire :
DE JUGER que son licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
FIXER la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS à 23.705,28 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Le cas échéant,
JUGER que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable ;
En tout état de cause,
FIXER la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS de 10.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral en raison de la discrimination qu'il a subi ;
ORDONNER la remise des documents de fin de contrat conformes aux dispositions de l'arrêt à intervenir, sous astreinte journalière de 100 euros par document, courant à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
SE RESERVER le droit de liquider cette astreinte ;
FIXER la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS à 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC,
JUGER que l'ensemble des condamnations portera intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société à comparaître devant le Bureau de conciliation et d'orientation;
ORDONNER la capitalisation des intérêts ;
FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS les éventuels dépens.
JUGE QUE la décision sera opposable à l'AGS et que les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS seront en conséquence garanties par cette dernière.
- DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civil.
Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour d'Appel de Paris de :
1) A titre principal :
JUGER que son licenciement est nul ;
En conséquence,
Fixer la créance de M. [H] de 23.705,28 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS; 2)A titre subsidiaire :
DE JUGER que son licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
FIXER la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS à 23.705,28 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Le cas échéant,
JUGER que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable ;
3)En tout état de cause,
FIXER la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS de 10.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral en raison de la discrimination qu'il a subi ;
ORDONNER la remise des documents de fin de contrat conformes aux dispositions de l'arrêt à intervenir, sous astreinte journalière de 100 euros par document, courant à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;
SE RESERVER le droit de liquider cette astreinte ;
FIXER la créance de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS à 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC,
JUGER que l'ensemble des condamnations portera intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société à comparaître devant le Bureau de conciliation et d'orientation;
ORDONNER la capitalisation des intérêts ;
FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS les éventuels dépens.
JUGER QUE la l'arrêt à intervenir sera opposable à l'AGS et que les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SARL JJW LUXURY HOTELS seront en conséquence garanties par cette dernière'.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 24 juin 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, la société Actis Mandataires Judiciaires en sa qualité de liquidateur de la société JJW Luxury Hotels demande à la cour de :
'Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré le licenciement de Monsieur [H]
comme étant sans cause réelle et sérieuse, et le confirmer sur le surplus.
En conséquence,
A TITRE PRINCIPAL,
- Juger bienfondé le licenciement pour faute simple de Monsieur [H] ;
- Débouter Monsieur [H] de l'ensemble de ses demandes ;
- Débouter Monsieur [H] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
- Débouter Monsieur [H] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ;
- Condamner Monsieur [H] au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A TITRE SUBSIDIAIRE,
- Ramener les prétentions formulées par le salarié au titre de la requalification de la rupture de son contrat de travail en un licenciement nul à de bien plus justes proportions;
- Ramener les prétentions formulées par le salarié, à titre subsidiaire, au titre de la requalification de la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse conformément aux barèmes Macron de l'article L.1235-3 du Code du travail ;
- Débouter le salarié du surplus de ses demandes ou, à titre infiniment subsidiaire, les ramener à de bien plus justes proportions.'
M. [H] a signifié la déclaration d'appel et ses conclusions à l'AGS par acte du 09 juin 2022, acte remis à un salarié qui s'est dit habilité à le recevoir. L'AGS n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 08 avril 2025.
L'affaire a été appelée à l'audience du 23 juin 2025, qui n'a pas pu se tenir en raison d'une panne importante. Elle a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 06 octobre 2025.
Motifs
Sur la discrimination
L'article L1132-1 du code du travail dispose que ' Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3 des mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.'
L'article L. 1134-1 du code du travail dispose que 'Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à l'emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en tant que de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'
L'article L. 1132-4 du code du travail dispose que 'Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.'
M. [H] explique qu'il a fait l'objet d'une discrimination en raison de son orientation sexuelle. Il conteste la réalité du motif du licenciement, expliquant qu'une autorisation avait été donnée à son mari pour qu'il séjourne dans l'hôtel cette nuit là, qu'il n'était pas en service et que par le passé ils avaient déjà séjourné ensemble dans un hôtel du groupe, sans difficulté.
M. [H] produit : la lettre de licenciement, le certificat de son mariage avec M. [G], en date du 9 février 2016, la confirmation de la réservation d'une chambre au sein de l'hôtel de [Localité 10] au nom de M. [G] pour la nuit du 03 février 2019, plusieurs attestations d'autres salariés. Il résulte des attestations que le statut matrimonial de M. [H] et M. [G] était connu au sein de la société. Une salariée ajoute que le 08 décembre 2018 M. [G] avait séjourné à l'hôtel en raison de la manifestation des gilets jaunes et que le matin elle l'avait vu descendre l'escalier avec M. [H].
Ces éléments de fait présentés par le salarié laissent supposer l'existence d'une discrimination en raison de son orientation sexuelle.
L'intimée produit le règlement intérieur de l'établissement, qui prévoit l'interdiction faite aux salariés d'être présent dans les locaux en dehors de leurs horaires de travail, sans motif spécifique ou autorisation. Elle explique que cet article du règlement est en lien avec la sécurité des personnes et des biens, notamment en ce qui concerne les vols dans les établissements, ainsi que pour éviter les difficultés relatives au temps de travail. Le règlement intérieur a été soumis au comité d'entreprise et a été adressé à la Direccte ainsi qu'au conseil de prud'hommes. L'exemplaire du règlement comporte le nom de M. [H] de façon manuscrite, des paraphes sur chaque page et sa signature sur la dernière page.
Le contrat de travail du 1er janvier 2019 prévoit une période d'essai de deux mois. M. [H] était affecté à l'hôtel de [Localité 10] ou à l'hôtel [Localité 8].
La présence de M. [H] dans la même chambre que M. [G] la nuit du 3 février 2019, dans l'hôtel de [Localité 10], n'est pas discutée.
Comme le souligne l'employeur, seul M. [G] avait été autorisé à y séjourner pour un motif spécifique, ce qui ne permettait pas à M. [H] d'être présent dans les locaux de son employeur en dehors de ses horaires de travail, et donc d'y passer la nuit.
L'attestation de la salariée qui indique que M. [G] avait auparavant dormi à l'hôtel le 3 décembre 2018 précise que c'est en raison de la manifestation des gilets jaunes que les salariés qui résidaient loin de l'établissement avaient été autorisés à y dormir, afin d'assurer leur présence malgré les troubles susceptibles de survenir. M. [H] est descendu avec son mari ce jour là pour se rendre au petit-déjeuner, mais il ne peut qu'être relevé que son contrat de travail est postérieur à cette date, pour être du 1er janvier 2019. Il en résulte qu'aucun comportement similaire du salarié n'avait été auparavant admis par l'employeur.
Le manquement de M. [H] au règlement intérieur est établi. Comme le souligne la lettre de licenciement, il a été commis au cours de la période d'essai. Il justifiait qu'il soit mis fin au contrat de travail de M. [H].
Le licenciement de M. [H] était ainsi justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
M. [H] doit être débouté de sa demande de nullité du licenciement et de dommages-intérêts pour discrimination.
Le jugement est confirmé de ces chefs.
Sur le licenciement
En application des articles L1232-1 et L 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, l'administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour justifier le licenciement du salarié, n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
A titre subsidiaire, M. [H] soutient que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
Il résulte des développements ci-dessus que le licenciement est fondé par un manquement du salarié au règlement intérieur qui justifiait la rupture du contrat de travail.
Le jugement qui a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse est infirmé de ce chef.
M. [H] doit être débouté de sa demande de fixation d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au passif de la société. Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur la remise des documents
Les documents de fin de contrat ont été remis à M. [H] lors du licenciement. Il n'y a pas lieu d'ordonner la remise de nouveaux documents.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur la capitalisation des intérêts
M. [H] doit être débouté de sa demande de capitalisation des intérêts.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur l'AGS
En l'absence de fixation de créance au passif de la société, la demande de garantie de l'AGS est sans objet et M. [H] doit en être débouté.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les dépens
M. [H] qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu à allouer d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement est infirmé sur les dépens et confirmé sur les frais irrépétibles.
Par ces motifs,
La cour,
Infirme le jugement du conseil des prud'hommes sauf en ce qu'il a débouté M. [H] de ses demandes : de nullité du licenciement, de fixation au passif de la liquidation d'une indemnité pour licenciement nul et de dommages-intérêts pour discrimination, de capitalisation des intérêts et a rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute M. [H] de sa demande de fixation au passif de la liquidation de la société JJW Luxury Hotels d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute M. [H] de sa demande de remise de documents de rupture,
Déboute M. [H] de sa demande de garantie par l'AGS,
Condamne M. [H] aux dépens de première instance et d'appel,
Déboute les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles.
La Greffière La Présidente