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Décisions

CA Lyon, ch. soc. a, 19 novembre 2025, n° 22/02377

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 22/02377

19 novembre 2025

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 22/02377 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OGWM

[H]

C/

S.A.S. STALLERGENES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Mars 2022

RG : 19/01046

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRET DU 19 Novembre 2025

APPELANTE :

[V] [H]

née le 06 Avril 1967 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Isabelle ROUX de la SARL CABINET ISABELLE ROUX, avocat au barreau de VALENCE

INTIMEE :

SOCIETE STALLERGENES

RCS de Naterre N° 808 540 371

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON, Me Saliha HARIR de la SELEURL ARKHEOM AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Septembre 2025

Présidée par Anne BRUNNER, président et Antoine-Pierre D'USSEL, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Catherine MAILHES, présidente

- Anne BRUNNER, conseillère

- Antoine-Pierre D'USSEL, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 19 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine MAILHES, présidente, et par Malika CHINOUNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

La société Stallergenes (ci-après la société, ou l'employeur) est un laboratoire pharmaceutique, spécialisé dans les maladies allergiques respiratoires, qui possède son propre laboratoire de recherche et de fabrication.

Aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée du 26 juin 2009 à effet du 1er juillet suivant, Mme [H] (ci-après la salariée) a été embauchée en qualité de déléguée médicale spécialiste exclusif (visiteuse médicale), à temps complet. La convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique est applicable aux relations contractuelles.

En raison d'erreurs du laboratoire, l'activité de production et de commercialisation des allergènes a été suspendue par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à compter du 2 décembre 2015, pour l'ensemble des produits Stallergenes mis à disposition depuis le 13 août 2015. Cette suspension a été partiellement levée à compter du 29 janvier 2016, et le 11 mars 2016, l'ANSM a autorisé la reprise des activités de production du laboratoire.

Le 2 septembre 2017, la salariée a été placée en arrêt maladie, lequel a été prolongé jusqu'à la rupture du contrat de travail. A l'occasion de la visite de reprise du 14 novembre 2018, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude en précisant que " l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ".

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 décembre 2018, l'employeur a notifié à Mme [H] son licenciement pour inaptitude dans les termes suivants : " Suite à votre visite médicale de reprise du 14 novembre dernier, le médecin du travail vous a déclaré totalement inapte à tout reclassement dans un emploi dans l'entreprise.

La fiche d'aptitude est la suivante : l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Compte tenu de la dispense de l'obligation de reclassement, il n'y a pas lieu d'indiquer les capacités du salarié à bénéficier d'une formation.

Rappelons que le médecin du travail a effectué une étude de votre poste et de vos conditions de travail en date du 12 novembre dernier.

Nous vous avons convoquée pour un entretien préalable pouvant aller jusqu'à la rupture de votre contrat en date du 23 novembre 2018. Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien.

Nous vous notifions par la présente que nous sommes donc contraints de prononcer la rupture de votre contrat de travail pour inaptitude.

L'inaptitude constatée rendant impossible la réalisation de votre préavis, celui-ci ne sera ni effectué, ni indemnisé, et la rupture de votre contrat interviendra à l'envoi de la présente lettre (') ".

Contestant le licenciement dont elle a fait l'objet, Mme [H] a, par requête déposée le 15 avril 2019, saisi le conseil des prud'hommes de [Localité 5] aux fins de voir condamner la société Stallergènes à lui payer une indemnité au titre de la clause de non-concurrence (13'563 euros nets), voir dire et juger que la procédure de licenciement a été irrégulière et condamner l'employeur à lui payer des dommages et intérêts à ce titre (3 425 euros nets), dire et juger qu'elle était victime de faits répétitifs constitutifs de harcèlement, et en conséquence, prononcer la nullité du licenciement et condamner l'employeur à lui payer une indemnité de préavis (13'700 euros, outre 1.370 euros au titre des congés payés afférents), des dommages et intérêts pour perte d'emploi (40'000 euros nets), de voir dire que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité et en conséquence le condamner à des dommages et intérêts (25'000 euros nets), outre une indemnité de procédure (3 000 euros). Elle sollicite encore que la moyenne de ses salaires soit fixée à 3 425 euros.

Par jugement du 10 mars 2022, le conseil des prud'hommes de [Localité 5] a :

- Condamné la société Stallergènes à payer à Mme [H] :

o 13 563 euros bruts au titre de l'indemnité relative à la clause de non-concurrence ;

o 3 425 euros nets à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;

- Dit et jugé que Mme [H] n'a pas été victime de faits de harcèlement moral ;

- Dit et jugé que la société Stallergènes n'a pas manqué à son obligation de sécurité ;

- Débouté Mme [H] de toutes ses demandes indemnitaires au titre du licenciement ;

- Condamné la société Stallergènes à payer à Mme [H] la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la société Stallergènes de sa demande au même titre ;

- Ordonné à la société Stallergènes de fournir à Mme [H] le rectificatif des documents de fin de contrat intégrant le paiement de la clause de non-concurrence dans le délai d'un mois à compter de la date du prononcé ;

- Rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toute pièce que l'employeur est tenu de remettre (bulletin de paye, certificat de travail') ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R. 1454-14 du code du travail dans la limite de 9 mensualités, étant précisé que la moyenne brute des salaires des 3 derniers mois doit être fixée à la somme de 3425 euros ;

- Rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées ;

- Rappelé qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la société Stallergènes en sus de l'indemnité à sa charge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Stallergènes aux entiers dépens de la présente instance.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 29 mars 2022, Mme [H] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a dit et jugé qu'elle n'a pas été victime de faits de harcèlement moral, que la société Stallergènes n'a pas manqué à son obligation de sécurité, et qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes indemnitaires au titre du licenciement.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 25 octobre 2022, Mme [H] demande à la cour de :

1°) Réformer le jugement de première instance en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de reconnaissance de faits répétitifs constitutifs de harcèlement, de nullité du licenciement, d'indemnité de préavis, de dommages et intérêts pour perte d'emploi et du non-respect de l'obligation de sécurité ;

2°) Statuant à nouveau,

- Dire qu'elle a été victime de faits répétitifs constitutifs de harcèlement, et en conséquence :

- Prononcer la nullité du licenciement ;

- Condamner la société Stallergènes à lui payer :

o 13 700 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 1370 euros au titre des congés payés ;

o 40 000 euros nets de CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts pour perte d'emploi ;

- Dire que la société Stallergènes n'a pas respecté son obligation de sécurité, et en conséquence, la condamner à lui payer 25 000 euros nets de CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts ;

- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société Stallergènes à lui payer :

o Au titre de l'indemnité de clause de non-concurrence : 13'563 euros, en y ajoutant 1358,30 euros de congés payés ;

o Des dommages et intérêts pour procédure irrégulière : 3 425 euros ;

- Condamner la société Stallergènes à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a fixé la moyenne de ses salaires à 3 425 euros (article R. 1454 - 28 du code du travail).

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 4 janvier 2023, la société Stallergènes demande à la cour de :

1°) À titre principal,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que Mme [H] n'a pas été victime de faits de harcèlement moral ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société Stallergènes a rempli ses obligations de prévention et de sécurité ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à verser à Mme [H] la somme de 13 563 euros au titre de l'indemnité de non-concurrence ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné à payer à Mme [H] la somme de 3425 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;

En conséquence,

- Constater que Mme [H] n'a pas été victime de harcèlement moral ;

- Constater qu'elle n'a commis aucun manquement à son obligation de prévention ;

- Constater qu'elle a délié Mme [H] de son obligation de non-concurrence ;

- Constater que la procédure de licenciement a été menée de façon régulière ;

Et,

- Juger que le licenciement de Mme [H] repose sur une cause réelle et sérieuse;

- Débouter Mme [H] de ses demandes indemnitaires au titre du licenciement ;

- Débouter Mme [H] de ses demandes indemnitaires au titre de sa perte d'emploi et du prétendu non-respect de l'obligation de prévention de l'employeur ;

- Débouter Mme [H] de sa demande relative à des dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;

- Débouter Mme [H] de sa demande relative à la contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence ;

2°) À titre subsidiaire, limiter le quantum de la contrepartie due au titre de la clause de non-concurrence à la somme de 3 425 euros,

3°) En tout état de cause,

- Débouter Mme [H] de sa demande relative à contrepartie relative à la clause de non-concurrence ;

- Débouter Mme [H] du surplus de ses demandes ;

- Débouter Mme [H] de sa demande de condamnation au titre des éventuels frais d'huissier à défaut d'exécution spontanée ;

- Condamner Mme [H] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Mme [H] aux entiers dépens.

La clôture des débats a été ordonnée le 26 juin 2025 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 2 septembre 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera rappelé que les " demandes " tendant à voir " constater " ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des " demandes " tendant à voir " dire et juger " lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

I - Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail.

I.A - Sur la demande relative au harcèlement moral.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, " aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

L'article L. 1154-1 du même code dispose que " lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 [harcèlement moral] et L. 1153-1 [harcèlement sexuel] à L. 1153-4, (') le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ".

Dans un premier temps seront donc examinés les faits invoqués par le salarié afin de savoir s'ils sont matériellement établis, puis il sera apprécié si, pris dans leur ensemble, ils permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, avant, le cas échéant, d'examiner si l'employeur prouve que les agissements établis ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement.

I.A.1 - Examen de la matérialité des faits invoqués par la salariée.

1. Au soutien de sa demande, la salariée fait valoir que, comme les 20 autres visiteurs médicaux, elle a été victime de faits répétitifs constitutifs de harcèlement moral :

1.1 - Le silence et les mensonges imposés aux visiteurs médicaux ;

1.2 - L'interdiction de répondre aux médecins répercutant les doléances des patients ;

Les restrictions à la communication de l'entreprise au cours de la fermeture ne sont pas contestées ; les explications qu'elle fournit à ce titre seront examinées ultérieurement.

S'agissant des allégations de " mensonges imposés " par l'employeur, la salariée s'appuie exclusivement sur le rapport du cabinet Eretra, missionné suite à une alerte du CHSCT de septembre 2015 pour risques psychosociaux (RPS), et rendu le 10 janvier 2017, dont des extraits sont reproduits au sein du compte-rendu de la réunion extraordinaire du CHSCT du 10 janvier 2017. Il y est en effet mentionné que le service client a été contraint de fournir aux patients et aux médecins qui se plaignaient, des informations qu'ils savaient fausses, notamment sur les délais de livraison de produits ; que les visiteurs médicaux ont rencontré " une situation similaire ".

Or, les constats et conclusions de ce rapport ont été contestés par la direction de l'entreprise en raison notamment d'approximations et de présentation trompeuse des faits, occultant les actions mises en place par l'entreprise pour faire face à la crise traversée en termes d'accompagnement de ses collaborateurs dont il justifie par ailleurs, et au sein desquels aucun élément relatif à des " mensonges imposés " aux équipes n'a été retrouvé. De surcroît, les témoignages recueillis lors de l'enquête ont été anonymisés.

Ainsi, outre la contestation générale du rapport par l'employeur, il n'est pas établi que Mme [H] a été entendue dans le cadre de cette enquête et qu'en conséquence, les faits qui y sont rapportés correspondent effectivement à la situation qu'elle a subi. Partant, ce rapport ne peut se voir reconnaître de force probante à lui seul quant à la situation individuelle de la salariée.

Dès lors, le fait de " mensonge imposé " par la direction à Mme [H] n'est pas établi.

1.3 - Les nouvelles exigences de l'employeur en termes de nombre de contacts : la salariée soutient que jusqu'alors, ne lui était fixé qu'un objectif en termes de chiffre d'affaires et non de visites, ce que l'employeur conteste.

En l'occurrence, aux termes d'un courriel du 24 juin 2016 intitulé " plan d'action prescripteurs", la directrice des ventes a demandé à l'ensemble des visiteurs médicaux d'effectuer 5 contacts chez leurs cinquante plus gros prescripteurs (médecins) le plus rapidement possible, sur la période juillet-août, et deux contacts pour les potentiels suivants, dans la mesure où il a été observé que le nombre de contacts augmente le taux de CA (chiffres d'affaires) reconquis.

Le rapport Eretra précise encore à ce titre : " l'atteinte de l'objectif ne suffit plus, le nombre de visites par médecin est décompté et participe à l'évaluation de l'activité ".

L'article 4 du contrat de travail prévoit qu'outre sa rémunération fixe et un treizième mois, la salariée perçoit une rémunération variable attribuée en fonction de l'atteinte des objectifs fixés annuellement par les parties - dont l'existence n'est pas contestée mais qui ne sont pas produits. Par ailleurs, l'article 7 liste les types de médecins " cibles " que la salariée devra visiter, mais ne fixe pas d'objectif quantitatif.

Au vu de ces éléments, il apparaît que le plan d'action exposé dans le courriel précité du 24 juin 2016, élaboré dans le contexte de reprise d'activité de la société à l'issue de près de trois mois de fermeture, a pour objet de cibler l'action des visiteurs médicaux vers leurs plus gros prescripteurs pour tenter d'accélérer la reprise des commandes. Par ailleurs, ledit mail ne prévoit aucune conséquence sur l'évaluation personnelle des salariés si les objectifs de visite ne sont pas atteints. Cette assertion ne repose donc que sur le rapport Eretra, dont il a été vu ci-dessus qu'il ne peut être considéré comme probant à lui seul.

Ainsi, aucune modification des objectifs contractuels de la salariée n'est établie.

1.4 - La salariée soutient qu'il serait résulté de ce plan d'action une surcharge de travail dans un climat très difficile. Or, elle ne produit aucun élément permettant d'établir cette surcharge, et notamment elle ne justifie pas de son rythme moyen de visites antérieurement à la fermeture de l'entreprise.

2 - La salariée fait encore valoir des faits de harcèlement moral qui lui sont personnels.

2.1 - La salariée fait valoir qu'elle a subi des pressions à compter de mars 2015, et produit un courriel du 25 mars 2015 de M. [B], son supérieur hiérarchique, ainsi rédigé : " (') je suis extrêmement choqué à la lecture de cet échange de mails entre toi et [S].

1) En effet, je pensais avoir été très clair lors de la présentation des outils et règles sur l'organisation d'EPU lors de la présentation en réunion de zone le vendredi 13 mars. Nous avions pris la peine avec [S] et [D] de créer des outils ayant pour objectif de vous aider à avoir une vision claire et précise des informations à remonter, pour pouvoir être en adéquation avec les contraintes réglementaires (DMOS, déclarations'). J'ai de plus pris le temps de faire une présentation en réunion de zone, de mettre l'ensemble des documents sur une clé USB et de vous transmettre ces éléments.

De ton côté, tu n'utilises pas la " fiche déclarative " mise à jour et ne prends pas la peine de renvoyer les documents utiles au bon suivi de ton EPU. Le rôle de [S] n'est clairement pas de te relancer et de s'assurer de la présence des documents demandés.

2) J'en profite pour te signaler avoir été extrêmement choqué par ton attitude pendant la réunion de zone : tu as passé ton temps avec ton iPad/iPhone sur tes genoux, sans prendre le temps d'écouter les PAS de tes collègues ou les présentations. J'ai aussi trouvé tes quelques prises de parole très négatives, et peu tournées vers l'esprit collaboratif que je recherche.

Compte tenu du peu d'attention que tu as porté à cette réunion, je comprends les écarts constatés sur le suivi des procédures présentées.

Je t'encourage à apprécier ce mail à sa juste valeur, et à adapter en conséquence ton comportement, et ce le plus rapidement possible. J'attends de ta part un changement rapide et visible (') ".

Dans sa réponse du 28 mars 2015, la salariée conteste ces éléments, dont elle déplore n'avoir pu échanger de vive voix avec son supérieur, et indique en synthèse :

- Qu'elle a pris en compte les nouveaux éléments à produire, mais que le délai de réception des pièces manquantes incombe aux médecins ; que le dossier a par ailleurs été validé par M. [K] ;

- Qu'elle a besoin de griffonner pour rester attentive, et se propose de fournir un bilan de tests neuropsychologique pour en justifier ;

- Qu'elle conteste le caractère négatif de ses prises de parole ;

- Qu'elle apprécie son métier et ses collègues.

Le mail de son supérieur est donc un fait matériellement établi, la réponse de l'employeur sera examinée ultérieurement.

2.2 - Le chantage aux médecins prescripteurs imposé par l'employeur : la salariée produit un courriel du directeur Zone France Sud du 12 octobre 2016 adressé à plusieurs interlocuteurs dont elle-même, aux termes duquel celui-ci déplore de trop faibles commandes dans les termes suivants : " (') pour la zone 3, les résultats parlent d'eux-mêmes, il y a un déficit flagrant. Il faut travailler l'engagement des médecins choisis, ce n'est pas une opération de relations publiques, de plus l'objectif est clair depuis le début, initié en juin 2016 sur la Z3, depuis que font-ils ' L'engagement NP n'est pas au rendez-vous, et PR faible.

Ne me faites pas regretter d'avoir lancé cette opération. Il y va aussi de notre crédibilité. Les médecins doivent jouer le jeu, il faut savoir le leur dire. Je ne vous cache pas que si ces derniers ne font pas plus que cela, il n'y aura pour eux plus jamais d'invitation (') ". Ce à quoi Mme [H] a répondu, par mail du 15 octobre 2016, qu'elle se refusait à acheter les médecins " par un congrès ", pratique contraire à la loi anti-cadeaux, et que son mail constitue " une menace à notre encontre et du chantage ".

L'employeur conteste toute forme de corruption. Pour autant, si la pratique consistant, pour un laboratoire pharmaceutique, à offrir aux médecins prescripteurs l'hospitalité lors de manifestations scientifiques ou professionnelles est admise, sous strictes conditions, par la loi DMOS n°93-121 du 27 janvier 1993, il ressort du courriel précité du 12 octobre 2016 que le directeur zone France Sud conditionne les invitations - présentes et futures - à ces congrès à un objectif purement quantitatif de prescriptions effectuées, sans référence aux besoins médicaux effectifs des patients.

Il s'ensuit que le courriel litigieux incite incontestablement les visiteurs médicaux à exercer sur les médecins prescripteurs une forme de chantage ; qu'en conséquence, le fait est matériellement établi.

2.3 - La salariée reproche encore à l'employeur de lui avoir demandé un investissement supplémentaire par un courriel du 15 février 2017, lequel évoque en effet un " investissement supplémentaire dans les semaines à venir (') pour revenir au niveau d'activité du C3 2016".

Le fait est matériellement établi.

2.4 - L'appelante reproche à la société de lui avoir fixé, par courriel du 17 mars 2017, l'obligation d'atteindre le budget : Mme [P], directrice des opérations France (DOF) écrit en effet que " l'atteinte du budget annuel de la DOF n'est pas une option mais une absolue nécessité pour répondre à l'objectif d'équilibre financier en fin d'année pour notre laboratoire ".

Ce courriel est un fait matériellement établi.

2.5 - La salariée fait encore grief à l'employeur d'avoir réduit son secteur d'activité, à compter du 1er septembre 2017.

La matérialité de cette réduction n'est pas contestée, les explications de l'employeur seront examinées ultérieurement.

2.6 - La salariée soutient encore avoir été victime de " discrimination salariale ", en ce que l'ensemble des visiteurs médicaux ont bénéficié d'une augmentation, sauf elle. L'employeur conteste toute inégalité de traitement.

Il résulte du tableau des rémunérations produit par l'employeur qu'aucune augmentation n'a eu lieu ; que, pour 2017, 4 salariés - dont l'intéressée - n'ont pas eu d'augmentation, l'employeur indiquant que cette absence d'augmentation est conforme à la négociation annuelle obligatoire ; qu'en 2018, l'intéressée n'en a pas eu mais n'a pas été présente au sein de la société. Au surplus, ce même tableau contredit partiellement l'affirmation selon laquelle elle avait la rémunération la plus basse, puisque tel n'était pas le cas en 2016 et 2017, mais uniquement en 2018, en l'absence d'augmentation annuelle.

Ainsi, les éléments présentés par la salariée sont insuffisants pour laisser présumer d'une inégalité de traitement. Le fait sera donc considéré comme n'étant pas matériellement établi.

I.A.2 - Appréciation des faits matériellement établis.

A l'issue des développements qui précèdent, ont été retenus comme matériellement établis les faits suivants :

- Les restrictions à la communication de l'entreprise au cours de sa fermeture ;

- Le courriel de remontrances de son supérieur hiérarchique du 25 mars 2015 ;

- La demande aux visiteurs médicaux d'exercer un chantage sur les médecins prescripteurs en contrepartie d'invitations ;

- L'investissement supplémentaire demandé à la salariée par un courriel du 15 février 2017 ;

- Le courriel du 17 mars 2017, fixant aux visiteurs médicaux de la direction des opérations de France l'obligation d'atteindre le budget ;

- La réduction de son secteur d'activité à compter du 1er septembre 2017.

Pris dans leur ensemble, sous l'éclairage de la demande d'exercer un chantage sur les médecins prescripteurs qui a heurté les valeurs éthiques de l'intéressée - ainsi qu'en témoigne son courriel du 15 octobre 2016 - , ces éléments laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral, ayant eu pour effet la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.

A ce dernier titre, la salariée a fait état à M. [F], dans son courriel du 15 octobre 2016 précité, de ce qu'elle souffrait de migraines. Par ailleurs, aux termes d'un échange de courriels des 25 et 26 octobre 2016 avec le Dr [Z], médecin du travail (mais pas sur son secteur), elle lui fait part du " stress imposé par notre direction commerciale (classement, forte pression de résultats, augmentation de la cadence de travail, mails d'intimidation') ajouté à un problème médical détecté il y a 5 ans (') suite à de grosses migraines " : " deux cavernomes cérébraux dans les noyaux gris centraux et donc inopérables ". Elle indique en avoir fait part au médecin du travail compétent " qui a juste noté l'information ", et avoir également avoir informé sa direction. Le Dr [Z] l'invite à se rapprocher à nouveau du médecin du travail de son secteur.

Elle produit encore un courrier de son psychiatre au médecin du travail, daté du 3 octobre 2018, dont il résulte qu'il la suit depuis octobre 2017 en raison d'une " profonde souffrance morale avec épuisement psychique en lien avec une situation qu'elle vous expliquera mais que, semble-t-il, vous connaissez déjà ". Il préconise un avis d'inaptitude avec impossibilité de reclassement.

I.A.3 - Examen des réponses apportées par l'employeur sur les faits matériellement établis.

Il convient à présent d'examiner les réponses apportées par l'employeur sur les faits matériellement établis.

1 - Les restrictions à la communication de l'entreprise au cours de sa fermeture : l'employeur fait valoir qu'au moment de la fermeture, les seules communications possibles étaient celles validées par l'ANSM : que l'entreprise était sous tutelle, et ne pouvait communiquer au-delà de ce qu'elle était habilitée à faire.

En témoigne le courriel de la directrice des ventes aux visiteurs médicaux du 16 décembre 2015 qui préconise d'éviter au maximum l'envoi de mails aux médecins " et de ne prendre aucun risque vis-à-vis de l'ANSM ", à titre de " mesure de précaution large compte tenu du contexte " ; la directrice laissant à l'appréciation des visiteurs médicaux la bonne attitude à tenir, leur " faisant confiance sur ce point ". Par ailleurs, aux termes de deux courriels des 16 et 17 décembre 2015, la directrice explicite de manière expresse la communication que les visiteurs médicaux sont susceptibles d'avoir vis-à-vis des médecins pour certains produits qui n'ont pas fait l'objet d'un rappel.

Ainsi, suite à la décision de suspension de la production et de la commercialisation décidée par l'ANSM à compter du 2 décembre 2015, l'entreprise a été contrainte à une communication restreinte et prudente dans l'attente de la stabilisation de la situation et de l'autorisation de réouverture, partielle puis totale, de son autorité de tutelle.

Il s'ensuit que ces faits sont justifiés par un motif objectif, exempt de tout harcèlement moral.

2 - Le courriel de remontrances de son supérieur hiérarchique du 25 mars 2015, qui ne contient aucun propos injurieux ou irrespectueux, relève du pouvoir de direction de l'employeur, tant en ce qui concerne le non-respect des procédures internes que l'attitude de la salariée au cours de la réunion, celle-ci ayant admis dans son courriel de réponse du 28 mars 2015 avoir omis de le prévenir qu'elle avait besoin de " griffonner " pour rester attentive - ce qui, au demeurant, ne correspond pas exactement au reproche effectué, qui est celui d'avoir passé la réunion à consulter son iPone/iPad.

3 - La demande aux visiteurs médicaux d'exercer un chantage sur les médecins prescripteurs en contrepartie d'invitations ne reçoit aucune explication de l'employeur autre qu'une dénégation ; en conséquence, elle n'est pas expliquée par un élément objectif, exempt de tout harcèlement moral.

4 - L'investissement supplémentaire demandé à la salariée par un courriel du 15 février 2017, s'il est matériellement exact, ne s'inscrit pas dans un contexte de surcharge de travail établie.

A ce titre, il convient de retenir les éléments suivants :

- La salariée n'a jamais alerté la direction quant à une éventuelle surcharge de travail; ainsi, elle n'a émis aucune alerte sur sa charge de travail lors de ses entretiens annuels de performance du 15 février 2016 et du 20 décembre 2016 ;

- Elle ne produit aucun élément permettant de l'objectiver (relevés horaires, etc) ;

- Si, dans son courriel au Dr [Z] de 2016, elle évoque des difficultés médicales diagnostiquées depuis 5 ans (c'est-à-dire en 2011), elle a été déclarée apte sans réserve à son poste lors de sa visite médicale du 25 janvier 2016 ;

- Elle fait grief à l'employeur, dans le cadre du harcèlement moral, d'avoir restreint son périmètre géographique d'intervention, ce qui est contradictoire avec la doléance d'une surcharge de travail.

Aussi, il sera considéré que le courriel litigieux du 15 février 2017 de la directrice des ventes sollicitant de l'ensemble des salariés un " investissement supplémentaire " dans le cadre de reprise d'activité de l'entreprise, ne s'inscrit pas dans un contexte existant de surcharge de travail, et se trouve dès lors expliqué par un motif exempt de tout harcèlement.

5 - Le courriel du 17 mars 2017 de la directrice des opérations France qui mentionne que " l'atteinte du budget annuel de la DOF [direction opérations France] n'est pas une option mais une absolue nécessité pour répondre à l'objectif d'équilibre financier en fin d'année pour notre laboratoire " constitue un objectif collectif aux visiteurs médicaux et non un objectif propre à la salariée, dans le contexte de reprise d'activité de l'entreprise. Il n'est pas invoqué qu'il aurait été inatteignable.

Il s'ensuit qu'il s'explique par un motif exempt de tout harcèlement moral.

6 - S'agissant de la réduction du secteur d'activité à compter du 1er septembre 2017, l'employeur justifie de ce qu'il s'agissait d'une réorganisation globale de la sectorisation des visiteurs médicaux, que la salariée a acceptée par avenant du 21 juillet 2017 alors qu'elle aurait pu s'y opposer comme l'a fait l'un de ses collègues ; qu'au surplus, cette resectorisation a eu un très faible impact pour la salariée qui a conservé 87 % de son secteur; qu'enfin, la réorganisation a impliqué une augmentation de la taille du secteur pour 8 visiteurs médicaux, un statu quo pour l'un d'entre eux, et une diminution pour 10 d'entre eux.

Ces éléments permettent d'expliquer de manière objective et exempte de tout harcèlement la restriction de secteur alléguée par la salariée, opération globale qu'elle a acceptée et au sein de laquelle elle n'a pas subi un traitement différent de celui réservé à ses collègues.

***

Au terme de ces développements, il apparaît que seule l'incitation au chantage sur les médecins prescripteurs, résultant du courriel du directeur Zone France Sud du 12 octobre 2016, est à la fois matériellement établie et non expliquée par des motifs objectifs, exempts de tout harcèlement.

Cependant, la caractérisation de l'existence d'un harcèlement moral exige, en application de l'article L. 1152-1 du code du travail précité, des agissements répétés. Tel n'est pas le cas en l'occurrence, où un seul fait est retenu in fine.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté les demandes de la salariée au titre du harcèlement moral.

I.B - Sur la demande relative au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

1 - Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, " l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ", l'article L. 4121-2 du même code disposant qu'il doit mettre en 'uvre les mesures nécessaires pour prévenir les risques.

En l'occurrence, au soutien de son grief, la salariée fait valoir que le rapport Eretra du 10 janvier 2017 a démontré la carence de l'employeur en matière de prévention des risques psychosociaux (RPS) en plusieurs domaines :

- La politique de communication de l'entreprise au moment de sa fermeture et les propos auxquels les salariés, dont les visiteurs médicaux, ont été exposés ;

- La dégradation des rapports sociaux au travail et l'absence de soutien de la hiérarchie;

- La violence interne au travail, avec la peur d'être licencié et " raccompagné à la porte en moins de 30 minutes " ;

- L'absence de reconnaissance par la direction de son erreur qui a consisté à lancer, malgré les alertes, le projet SAP ;

- La faible autonomie dans le travail (en rapport avec l'objectif lié au nombre de visites par médecin prescripteur) ;

- La rigidification de l'organisation, perçue comme allant à l'encontre de relations de qualité avec les médecins, et un obstacle à la remontée d'informations sur la situation réelle et critique de l'entreprise ;

- L'insécurité socio-économique ;

- Le " syndrome du survivant ", engendrant du stress parmi les salariés ayant subi des réductions d'effectifs ;

- Les logiciels transversaux, facteurs de travail intense en termes de cadences ou de demandes internes, et de réduction des marges de man'uvre.

Elle indique encore que le cabinet a listé 8 facteurs à risques avec fréquence autre (contrainte de rythme de travail, adéquation des objectifs avec les moyens et responsabilités, compatibilité des instructions de travail entre elles, utilisation et développement des compétences, reconnaissance dans le travail, qualités empêchées, insécurité socio-économique, conduite du changement dans l'entreprise).

La salariée rappelle encore que le cabinet a préconisé des actions à entreprendre (action pour l'intensité et la complexité du travail, pour les horaires de travail, pour les exigences émotionnelles, pour l'autonomie, pour les rapports sociaux, pour les conflits de valeurs).

Elle fait grief à l'employeur de s'être contenté de mandater la société Comdecrise uniquement pour aider les visiteurs médicaux lors de leur retour sur le terrain auprès des médecins prescripteurs mécontents, mais rien d'autre.

Le 27 avril 2017, les 21 visiteurs médicaux ont adressé un droit d'alerte pour dénoncer " les pressions négatives de la hiérarchie, l'autoritarisme, les décisions arbitraires et non équitable, les reproches constants et injustifiés, l'humiliation et l'intimidation, le non-respect de la vie privée, la déresponsabilisation de chacun d'entre nous, le déni de nos difficultés, la non prise en compte de nos propositions, des objectifs irréalistes, des politiques de prime opaques voire discriminatoires, l'augmentation du nombre de visites de médecins par jour sans tenir compte du secteur géographique ('), les relances (qui) se font désormais par semaine, la suppression de la possibilité de prendre des jours de récupération payés (') (l'absence de) droit à la déconnexion (ordinateurs et téléphones) le soir après 19 heures et le matin avant 8 heures, durant les congés et le dimanche (') ".

2 - En réponse, l'employeur justifie qu'il a mis en place les dispositifs suivants :

- Suite à la suspension de la production et de la commercialisation de ces médicaments par la NSM le 1er décembre 2015, il a informé sa patientèle par courrier du 4 décembre 2015 du rappel de produits effectué ;

- En concertation avec le CHSCT, il a mis en place un grand nombre de mesures concernant les conditions de travail et l'accompagnement des salariés :

o Une ligne téléphonique dédiée au soutien psychologique de tous les collaborateurs;

o Une communication particulière à un rythme très soutenu (quotidien en décembre 2015 puis régulier jusqu'en mars 2016) à l'attention des visiteurs médicaux ;

o La mise en place de différents ateliers portant sur les points suivants : comment affronter la reprise, les postures à adopter, les éléments de langage ;

o La mise en place de sessions de formation (4 et 5 novembre 2015, et 18 et 19 janvier 2016, la salariée étend présente à la première mais absente à la seconde compte tenu de son arrêt maladie), portant sur la gestion de l'agressivité et de la frustration des médecins et visiteurs médicaux ;

o L'organisation d'un séminaire les 9 et 10 février 2016 suite à la levée partielle de l'interdiction sur les spécialités, afin de préparer les équipes de ventes en travaillant sur des jeux de rôle portant sur différentes situations identifiées par les remontées des visiteurs médicaux ;

- Le maintien des rémunérations durant toute la période de suspension de l'activité, y compris les primes objectifs liés aux ventes qui ont été intégralement maintenues.

Par ailleurs, suite au courrier d'alerte adressé par les visiteurs médicaux le 27 avril 2017 - l'employeur soutenant que la direction n'avait jamais été alertée de l'existence de difficultés par le passé, ni officieusement, ni officiellement, ni par les instances représentatives du personnel -, l'employeur fait valoir qu'il a, à compter de mai 2017, diligenté une enquête en concertation avec le CHSCT ayant conduit à la réalisation de sept réunions. Dans un premier temps, il a été proposé la mise en place d'entretiens individuels avec deux membres de la direction et un membre du CHSCT : or, à l'exception d'un seul, les visiteurs médicaux ont refusé de se rendre à ces entretiens. Dès lors, la direction a proposé une réunion collective de l'ensemble des visiteurs médicaux avec les membres du CHSCT hors de sa présence, qui s'est déroulée le 12 juin 2017. Il a été demandé à chacun d'eux un résumé de la situation, reprenant chacun des griefs relevés dans leur courrier. Les retours ont été compilés conjointement par la direction et le CHSCT. Or, il ressort du document " point sur l'enquête du CHSCT " (P 45 employeur) l'absence de remontée au sujet de points à améliorer de la part des visiteurs médicaux de la zone 3, à laquelle appartient Mme [H].

À la suite de ce travail, la direction et le CHSCT ont rencontré les visiteurs médicaux pour leur faire un retour précis et une restitution complète du résultat de l'enquête. Dans ce cadre, l'employeur indique qu'une seule situation d'humiliation a été identifiée, dans une salle d'attente où un médecin a pris à partie un visiteur médical de la société devant tous ses patients ; que l'ensemble des autres cas constatés ne relèvent pas d'une situation à risque individuelle.

3 - Au vu de ces éléments, il convient de retenir les éléments suivants :

3.1 - En ce qui concerne les griefs provenant du rapport Eretra, il a été vu précédemment que l'anonymisation adoptée par le cabinet ne permet pas de savoir si Mme [H] a été entendue dans ce cadre, et, le cas échéant, quelles sont les doléances qu'elle a pu exprimer personnellement. Au surplus, l'employeur étaye sa contestation des conclusions du rapport, basée sur la méconnaissance par le cabinet Eretra des dispositifs d'accompagnement mis en place par la société pendant toute la période de fermeture, tout particulièrement à destination des visiteurs médicaux. Or, il a été vu qu'ont été mis en place des dispositifs (jeux de rôles, séminaires) pour permettre à ceux-ci d'appréhender les situations conflictuelles avec les médecins prescripteurs, outre une large information et des préconisations quant aux communications susceptibles d'être maintenues avec eux.

Par ailleurs, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a retenu que le départ de 7 visiteurs médicaux (sur 21) pouvait s'expliquer simplement par la crise, très importante, traversée par l'entreprise.

Enfin, il est renvoyé aux développements concernant les réponses de l'employeur sur le harcèlement moral (I.A.3), qui a répondu par des éléments objectifs exempts de tout manquement à la presque totalité des faits invoqués.

Il s'ensuit qu'aucun manquement au titre de l'obligation de sécurité et de prévention n'est caractérisé au titre du rapport Eretra.

3.2 - Le caractère collectif de l'alerte du 27 avril 2017 renvoie au même écueil de la détermination du ou des griefs contenus dans cette lettre dont la salariée a personnellement et concrètement été victime. Or, à ce titre, a été relevé qu'aucune remontée au sujet de points à améliorer n'a été effectuée de la part des visiteurs médicaux de la zone 3, à laquelle elle appartient.

Au surplus, il est renvoyé aux développements qui précèdent (I.A.3) qui ont conduit à retenir que la salariée n'avait jamais fait remonter individuellement de doléance au titre de sa charge de travail ou de mauvaises relations avec ses supérieurs.

Aussi, aucun des griefs figurant dans le courriel d'alerte du 27 avril 2017 n'est caractérisé en ce qui concerne la salariée personnellement.

3.3 - Ne reste que l'incitation des visiteurs à conditionner les invitations aux congrès des médecins au nombre de leurs prescriptions, par le courriel précité du 12 octobre 2016. Si ce dernier a été insuffisant, à lui seul, pour caractériser un harcèlement moral, il constitue en revanche un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur, en ce qu'il a placé la salariée en situation de devoir accomplir un acte illégal sur instruction de celui-ci et lui a, de fait, causé un préjudice moral.

Au vu du caractère à la fois sérieux mais isolé de celui-ci, le préjudice en résultant sera justement indemnisé par l'octroi d'une somme de 1 000 euros. L'employeur sera condamné à lui payer cette somme, le jugement entrepris étant réformé sur ce point.

II - Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail.

II.A - Sur la nullité du licenciement.

Dans la mesure où le harcèlement moral a été écarté, la demande de nullité du licenciement et les demandes financières afférentes est rejetée. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

II.B - Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière.

Le premier juge a relevé, par des motifs clairs et pertinents qui ne sont pas utilement remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que l'employeur ne justifie pas de la convocation de la salariée à l'entretien préalable au licenciement, alors que celle-ci conteste avoir été convoquée ; qu'aucune justification supplémentaire (accusé réception) n'est fournie à hauteur d'appel.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société à payer à la salariée la somme de 3 425 euros (un mois de salaire) en réparation du préjudice subi.

III - Sur la demande d'indemnisation au titre de la clause de non-concurrence.

Le premier juge a relevé, par des motifs clairs et pertinents qui ne sont pas utilement remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que la clause de non-concurrence prévue à l'article 8 du contrat de travail n'a pas été valablement dénoncée au moment de la rupture de celui-ci, contrairement aux stipulations de l'article 31 de la convention collective et des stipulations contractuelles, mais seulement le 6 février 2019, soit plus de deux mois après la rupture du contrat de travail du 3 décembre 2018 ; qu'en conséquence, l'employeur est tenu de l'indemniser en totalité, c'est-à-dire à hauteur de 13 563 euros.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

IV - Sur les frais irrépétibles et dépens

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qui concerne les dépens de première instance, qui seront mis à la charge de l'employeur.

Succombant à l'instance d'appel, celui-ci sera débouté de ses demandes au titre des frais irrépétibles et dépens.

L'équité commande de condamner l'employeur à payer à la salariée la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Il sera en outre condamné aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile,

Dans la limite de la dévolution,

INFIRME le jugement rendu le 10 mars 2022 par le conseil de prud'hommes de Lyon dans le litige opposant Mme [H] à la société Stallergènes en ce qu'il a :

- Débouté Mme [H] de sa demande d'indemnisation au titre du manquement à l'obligation de sécurité ;

- Condamné Mme [H] aux entiers dépens de première instance ;

CONFIRME ledit jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau, dans cette limite,

- Condamne la société Stallergènes à payer à Mme [H] la somme de 1 000 euros au titre du manquement à l'obligation de sécurité ;

- Condamne la société Stallergènes aux entiers dépens de première instance ;

RAPPELLE que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;

DIT que les intérêts au taux légal sur les créances de nature indemnitaires courent à compter de la notification du présent arrêt ;

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société Stallergènes à verser à [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

CONDAMNE la société Stallergènes aux entiers dépens de l'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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