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Décisions

CA Rennes, 8e ch prud'homale, 19 novembre 2025, n° 22/00728

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 22/00728

19 novembre 2025

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°288

N° RG 22/00728 -

N° Portalis DBVL-V-B7G-SOIJ

Association RESAVA

C/

Mme [MD] [U]

Sur appel du jugement du C.P.H. de VANNES du 28/09/2021

RG : 19/00153

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER,

- Me Delphine LUCON

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Septembre 2025

En présence de Madame [E] [X], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

L'Association RESAVA prise en la personne de son Président en exercice et ayant son siège :

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER de la SELARL LCPR, Avocat au Barreau de TOURS

INTIMÉE et appelante à titre incident :

Madame [MD] [U]

née le 16 Juillet 1970 à [Localité 7] (44)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Delphine LUÇON de la SARL CDSL AVOCATS, Avocat au Barreau de TOURS

Mme [MD] [U] a été engagée par le syndicat des copropriétaires de la résidence '[Adresse 6]' selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2003 en qualité d'hôtesse d'accueil.

Le 1er mars 2014, Mme [U] a été promue au poste de directrice, catégorie E, coefficient 442, au forfait en jours, selon la convention collective de l'aide accompagnement soins et services à domicile.

Fin 2015, le Syndicat des Copropriétaires a décidé de confier la gestion des services à une nouvelle association créée à l'initiative de Monsieur [R] [H], l'Association Resava, dont il est le Président, structure déclarée à la Préfecture du Morbihan en novembre 2015.

Le contrat de travail de Mme [U] a été transféré à ladite Association Resava, à compter du mois de mai 2016.

Mme [U] a été placée en arrêt maladie du 22 mai 2018 au 1er juillet 2018.

Par mail du 7 juillet 2018, M. [H] a convoqué Mme [U] à un rendez-vous sans autre détail le 10 juillet 2018. Le lendemain, Mme [U] a été placée en arrêt de travail par son médecin traitant.

Le 13 juillet 2018, Mme [U] a écrit à son employeur pour lui faire part de son arrêt de travail et dénoncer les faits de harcèlement dont elle a été l'objet. Elle a porté plainte contre ce dernier pour ces mêmes faits le 17 juillet 2018.

Le 21 août 2019, date d'envoi de la lettre de licenciement, l'association Resava a notifié à Mme [U] son licenciement pour faute grave, sans convocation à un entretien préalable, au motif qu'un tract de cinq feuillets a été adressé anonymement à certains membres du syndicat des copropriétaires mettant en cause le président à l'appui d'accusations outrancières.

Le 27 août 2019, Mme [U] a contesté le motif de son licenciement et a sollicité communication du courrier qui lui était imputé, en vain.

Le 25 octobre 2019, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Vannes aux fins de :

- Sur le niveau, le coefficient et la demande de rappel de salaire

- Dire et juger que Mme [U] relève de la catégorie H de la convention collective,

- Dire et juger que Mme [U] relève du coefficient 690 de la convention collective de la branche des aides de l'accompagnement, des soins et des services à domicile ;

o En conséquence, condamner l'Association Resava à lui payer la somme de 18.243,56 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période d'octobre 2016 à août 2019 et 1.824,39 euros au titre des congés payés y afférent ;

o Subsidiairement condamner l'Association Resava à lui payer la somme de 18.000 euros à titre de dommages pour le préjudice subi du fait de la privation d'effet de la convention de forfait jours et le non-respect des dispositions conventionnelles en la matière

- Condamner l'Association Resava à payer à Mme [U] la somme de 43 euros au titre de la prime 2017 prévue par l'accord du 19 décembre 2017 ;

Lui donner acte qu'elle reconnaît devoir cette somme.

Sur le harcèlement et le licenciement

- Dire et juger que Mme [U] a été l'objet d'un harcèlement moral ;

- Condamner l'Association Resava à verser à Mme [U] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;

- Dire et juger nul le licenciement de Mme [U] et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner l'Association Resava d'avoir à lui payer la somme de 54.876 euros à titre de dommages intérêts ;

Sur les sommes au titre de la rupture du contrat de travail

- Condamner l'Association Resava à payer à Mme [U] la somme de 14.633,60 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1463,36 euros au titre des congés payés y afférents ;

- Condamner l'Association Resava d'avoir à payer à Mme [U] la somme de 14.633,62 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- Condamner l'Association Resava d'avoir à payer à Mme [U] la somme de 3.658,40 euros à titre de dommages intérêts pour l'irrégularité de la procédure de licenciement ;

Sur les préjudices distincts et les autres demandes

- Condamner l'Association Resava d'avoir à payer à Mme [U] la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts à raison du caractère brutal et vexatoire de son licenciement ;

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

- Ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifié sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir.

- Condamner l'Association Resava d'voir à payer à Mme [U] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par jugement en date du 28 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Vannes a :

- Pris acte du versement à Mme [U] de la somme de 43 euros au titre de la prime 2017,

- Dit que Mme [U] a été victime de harcèlement moral,

- Déclaré nul le licenciement

- Condamné l'association Resava à verser à Mme [U] :

- 13 644,92 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 13 644,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 1 364,49 euros à titre de congés payés sur préavis

- 3 411,23 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure

- 40 934,76 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices

- Dit que les conditions de validité de la convention de forfait en jours ne sont pas respectées et condamné l'association Resava à verser à Mme [U] la somme de 3 411,23 euros à titre de dommages et intérêts pour la privation d'effet de la convention

- Condamné l'association Resava à remettre à Mme [U] des documents de fin de contrat rectifiés

- Débouté Mme [U] de ses autres demandes

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les sommes à caractère salarial et fixé la moyenne de salaire à 3 411,23 euros

- Condamné l'association Resava à payer à Mme [U] la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Débouté l'association Resava de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile

- Dit que l'association Resava supportera les entiers dépens

L'association Resava a interjeté appel le 04 février 2022.

Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 septembre 2022, l'association Resava appelante a formulé les demandes suivantes :

Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Vannes du 28 septembre 2021 (RG 19/00153 ' Section Encadrement) :

- en ce qu'il a dit que Mme [U] a été victime de harcèlement moral, en ce qu'il déclaré son licenciement nul,

- en ce qu'il a condamné l'association Resava à verser à Mme [U] 13 644,92 € au titre de l'indemnité de licenciement, 13 644,92 € au titre du préavis y ajoutant 1 364,49 € de congés-payés, 3 411,23 € au titre de l'irrégularité de la procédure, 40 934,76 € au titre des dommages et intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices,

- en ce qu'il a dit que la convention de forfait jours n'était pas valide,

- en ce qu'il a condamné l'association Resava à verser à Mme [U] 3 411,23 € de ce chef, en ce qu'il a fixé la moyenne des salaires à 3 411,23 €,

- en ce qu'il a condamné l'association Resava à verser à Mme [U] 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- en ce qu'il a débouté l'association Resava de sa demande de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- en ce qu'il a condamné l'association Resava aux dépens de l'instance.

Statuant à nouveau :

À titre principal

- Déclarer Mme [U], irrecevable et en tous cas mal fondée, en toutes ses demandes et l'en débouter,

- Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à reconnaître la privation d'effet de la convention de forfaits jours et infirmer le jugement prud'homal sur ce point condamnant l'Association à verser la somme de 3 411,23 €,

- Dire et juger qu'il n'y pas lieu de faire droit au rappel de salaires sur coefficient et confirmer le jugement prud'homal sur ce point déboutant la salariée de la somme de 18 243,56 € y ajoutant les congés payés afférents,

- Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à reconnaître le harcèlement moral et infirmer le jugement prud'homal sur ce point en ce qu'il a condamné l'Association à verser les sommes de 40 934,76 € au titre des dommages et intérêts, de 13 644,92 € d'indemnité de licenciement, et de 13 644,92 € d'indemnité compensatrice de préavis y ajoutant les congés payés afférents,

- Dire et juger que le licenciement est fondé sur une faute grave,

- Dire et juger que le licenciement n'a aucun caractère brutal ni vexatoire et confirmer le jugement prud'homal sur ce point déboutant la salariée de la somme de 10 000,00 €,

- Dire et juger qu'il n'y a pas lieu d'octroyer des dommages et intérêts distincts à hauteur de 30 000,00 € et confirmer le jugement prud'homal sur ce point,

- Dire et juger que le licenciement ne repose sur aucune irrégularité de procédure et infirmer le jugement prud'homal sur ce point condamnant l'Association à la somme de 3 411,13 €,

Subsidiairement

- Dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse avec les conséquences de droit au titre de l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement sur le salaire de base de 3 342,98 €.

Infiniment subsidiairement

- Ramener les demandes à de plus justes proportions.

En toutes hypothèses,

- Donner acte à l'association Resava qu'elle s'est acquittée de la prime de 43 euros brut,

- Condamner Mme [U], à payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Mme [U], aux entiers dépens ;

Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 février 2023, l'intimée Mme [U] sollicite de :

- Déclarer l'Association Resava mal fondée en son appel,

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Vannes en date du 28 septembre 2021 en ce qu'il a :

- Pris acte du versement à Mme [U] de la somme de 43 euros au titre de la prime 2017

- Dit que Mme [U] a été victime de harcèlement moral

- Déclaré nul le licenciement

- Condamné l'Association Resava à remettre à Mme [U] des documents de fins de contrat rectifiés

- Condamné l'Association Resava à payer à Mme [U] la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné l'Association Resava à payer à Mme [U] l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis, et de congés payés sur préavis, l'irrégularité de procédure et des dommages intérêts en réparation de l'ensemble de ses préjudices sauf à porter les condamnations mises à la charge de l'Association Resava aux sommes suivantes :

- 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison du harcèlement moral

- 54.876 euros à titre de dommages intérêts pour nullité du licenciement

- 14 633,62 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 14.633,60 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1463,36 euros au titre des congés payés y afférent

- 3 658,40 euros à titre de dommages intérêts pour l'irrégularité de la procédure de licenciement

- 10.000 à titre de dommages intérêts à raison du caractère brutal et vexatoire du licenciement

Et recevant l'appel incident de la concluante,

Infirmant le jugement en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande de classification au niveau H ' coefficient 690 de la convention collective de la branche des aides de l'accompagnement, des soins et des services à domicile

Et faisant droit aux demandes de Mme [U] :

- Dire et juger que Mme [U] relève de la catégorie H de la convention collective,

- Dire et juger que Mme [U] relève du coefficient 690 de la convention collective de la branche des aides de l'accompagnement, des soins et des services à domicile ;

- En conséquence, condamner l'Association Resava à lui payer la somme de 18.243,56 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période d'octobre 2016 à aout 2019 et 1824,39 euros au titre des congés payés y afférent ;

- Subsidiairement condamner l'Association Resava à lui payer la somme de 18.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la privation d'effet de la convention de forfait jours et le non-respect des dispositions conventionnelles en la matière.

- Débouter l'Association Resava de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions

Ajoutant au jugement,

- Condamner l'Association Resava à payer à Mme [U] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- La condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 03 juillet 2025.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'existence d'une demande nouvelle relative au forfait en jours

L'association Resava appelante soulève l'irrecevabilité de la demande relative au forfait en jours estimant cette demande nouvelle en ce qu'elle n'était pas comprise dans la requête introductive d'instance devant les premiers juges, considérant qu'elle ne relève pas du rappel sur coefficient sollicité dans la demande initiale.

Mme [U] intimée soutient que sa demande relative au forfait en jours est une demande additionnelle se rattachant à ses prétentions originaires par un lien suffisant. Elle soutient que la demande formulée au titre du forfait constitue bien une réclamation en lien avec sa prétention originaire relative à l'application de son statut et de ses modalités au regard de la convention collective dont elle relève.

La cour rappelle que le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 a supprimé la règle de l'unicité de l'instance applicable en matière prud'homale et son principe corollaire de la recevabilité des demandes nouvelles même en cause d'appel en abrogeant les articles R. 1452-6 et R.1452-7 du code du travail.

Il en résulte que ne peuvent être ajoutées aux demandes initiales des demandes nouvelles concernant le contrat de travail lesquelles doivent faire l'objet d'une nouvelle instance.

L'oralité de la procédure prud'homale en première instance et les dispositions de l'article R.1453-5 du code du travail instaurant une règle de structuration et de consolidation des écritures lorsque toutes les parties formulent leurs prétentions par écrit et qu'elles sont assistées ou représentées par un avocat ne font pas échec à ce principe.

Toutefois en application de l'article 70 du code de procédure civile, il est possible de présenter en cours d'instance des demandes additionnelles si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, l'appréciation du lien suffisant relevant de l'appréciation souveraine du juge du fond.

Une demande nouvelle ne répondant pas aux conditions de recevabilité prévues par ces dispositions peut faire l'objet d'une autre instance sous réserve des règles de prescription.

En l'espèce, aux termes de sa requête introductive du 25 octobre 2019 devant le conseil de prud'hommes de Vannes, Mme [U] présentait les demandes suivantes :

'Voir dire et juger que Madame [MD] [U] relève de la catégorie l-l coefficient 690 de la convention collective de la branche des aides de l'accompagnement, des soins et des services à domicile,

Condamner l'Association RESAVA a lui payer la somme de 18.243,56 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période d'octobre 2016 à août 2019 et 1824.39 euros au titre des congés payés y afférent,

Condamner l'Association RESAVA a payer à Madame [MD] [U] la somme de 43 euros au titre de la prime 2017 prévue par l'accord du l9 décembre 2017,

Dire et Juger que Madame [MD] [U] a été l'objet d'un harcèlement moral,

Condamner l'Association RESAVA à verser a Madame [MD] [U] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis,

Dire et juger nul le licenciement de Madame [MD] [U] et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner l'Association RESAVA d'avoir a lui payer la somme de 54876€ a titre de dommages intérêts,

Condamner l'Association RESAVA à payer à Madame [MD] [U] la somme de l4.633, 60 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1463,36 euros au titre des congés payés y afférents,

Condamner l'Association RESAVA d'avoir à payer à Madame [MD] [U] la somme de l4 633,62 euros à titre d'indemnité de licenciement,

Condamner l'Association RESAVA d'avoir a payer a Madame [MD] [U] la somme de 3 658,40 € a titre de dommages intérêts pour l'irrégularité de la procédure de licenciement,

Condamner l'Association RESAVA d'avoir à payer à Madame [MD] [U] la somme de 10.000 à titre de dommages intérêts à raison du caractère brutal et vexatoire de son licenciement,

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

Ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifié sous astreinte de 50 euros par jour de retard a compter du jugement a intervenir,

Condamner l'Association RESAVA d'avoir à payer à Madame [MD] [U] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.'

Il ressort du dossier de première instance que la demande subsidiaire tendant à 'condamner l'association Resava à payer à Mme [U] la somme de 18.000 euros à titre de dommages pour le préjudice subi du fait de la privation d'effet de la convention de forfaits jours et le non respect des dispositions conventionnelles en la matière' est formulée dans les dernières conclusions déposées à l'audience du 20 avril 2021 et visées le même jour par le greffe.

Par ailleurs, il ressort des conclusions de l'association Resava, non contestées sur ce point par la salariée intimée, que cette demande a été formulée pour la première fois devant les premiers juges dans les conclusions de la salariée en date du 30 janvier 2020.

Sur ce, la cour retient qu'il existe un lien suffisant entre la saisine initiale tendant à demander une reclassification et des rappels de salaire en conséquence et la demande de voir déclarer privée d'effet la convention de forfaits jours, la demande additionnelle présentée devant les premiers juges tendant aux mêmes fins que la demande tirée de la requête initiale en ce qu'il s'agit, pour la salariée, de contester les conditions relatives à l'exécution de son contrat de travail.

La demande est dès lors déclarée recevable. Il sera ajouté au jugement à ce titre.

Sur les rappels de salaires conventionnels et la convention de forfait en jours

Mme [U], dans le cadre de son appel incident, conteste sa classification E coefficient 442 de la Convention collective de la branche d'aide accompagnement soins et services à domicile. Elle revendique le niveau H coefficient 690 de la convention collective. Elle considère qu'elle avait l'ancienneté pour le revendiquer dans la mesure où, selon elle, il s'agit de prendre en compte l'ancienneté dans la structure à savoir 10 ans en 2014 et non pas par rapport aux années d'ancienneté au poste de directeur. Mme [U] ajoute que les diplômes ou l'ancienneté ne constituent nullement des prérequis obligatoires pour l'attribution des emplois repères sauf pour les employés à domicile et les auxiliaires de vie. Elle expose que ces emplois et précisément l'emploi de Directeur sont accessibles sans condition de diplôme ou d'ancienneté en cas de vacance de poste à la demande d'un salarié ou naturellement sur proposition de l'employeur. Subsidiairement, elle prétend que la convention de forfait en jours est privée d'effets en ce que l'association ne s'est pas inquiétée de sa charge de travail (8h00-20h00) ni de la charge mentale qu'elle qualifie de conséquente, outre qu'elle n'a pas organisé d'entretien annuel obligatoire portant sur sa charge de travail.

L'association Resava soutient que :

- les conditions d'accès au niveau H ne sont pas réunies par l'intimée en ce qu'elle n'a pas les diplômes requis ni l'ancienneté de 10 années requises ;

- l'intimée percevait 168,78 € de plus que le minimum de la grille prévu par la Convention collective au titre du coefficient H en application de l'ancienneté qui était la sienne dans la mesure où elle était payée, au niveau E, 3 342,98 € donc au-delà du salaire d'une directrice niveau H de la convention au sens où quatre années pour la catégorie H correspond au coefficient 590 soit 590 × 5,38 € =3 174,20 € avec une ancienneté dans le poste de 5 années.

S'agissant du niveau

En l'espèce, est stipulé dans la convention collective applicable au titre des conditions d'accès / compétences nécessaires pour devenir directeur(trice) d'entité H.3. :

'- les emplois requièrent une maîtrise technique du domaine d'application, des capacités élevées d'analyse, d'anticipation, de prévision et d'organisation ;

- les connaissances nécessaires sont acquises par la formation initiale, la formation professionnelle ou l'expérience professionnelle et sont au moins déterminées au niveau I ou II de l'Education nationale, tel que notamment :

- le diplôme CAFDES ou équivalent,

- ou bien celle d'un responsable de service ayant au moins 10 ans d'ancienneté, et ayant une formation complémentaire d'adaptation au poste'.

Pour devenir directeur(trice) de service H.4., ladite convention collective stipule au titre des conditions d'accès/compétences requises :

'- les emplois requièrent une maîtrise technique du domaine d'application, des capacités élevées d'analyse, d'anticipation, de prévision et d'organisation ;

- les connaissances nécessaires acquises par la formation initiale, la formation professionnelle ou l'expérience professionnelle sont au moins déterminées au niveau I ou II de l'Education nationale, tel que notamment : un DESS de ressources humaines ou de gestion du personnel'.

Il ressort par ailleurs de l'article 2 de la convention collective intitulé 'principes généraux' que 'L'obtention d'un diplôme ne confère pas automatiquement le classement dans l'emploi correspondant à ce diplôme, sauf pour les emplois d'employés à domicile et les auxiliaires de vie sociale. L'accès à cet emploi peut se faire même en cas de vacance de poste et après demande du salarié et acceptation du responsable de recrutement.'.

Il peut être déduit de la combinaison de ces stipulations que le niveau H d`un(e) Directeur(trice) d'entité nécessite des connaissances acquises par la formation initiale, la formation professionnelle ou l'expérience professionnelle, déterminées au niveau I ou II de l'éducation nationale, ou bien de bénéficier d'au moins 10 ans d'ancienneté dans le poste de responsable de service. L'emploi de Directeur à la classification H peut également être accessible, sans condition de diplôme ou d'ancienneté en cas de vacance de poste à la demande d'un salarié et acceptation de l'employeur.

Si Mme [U] disposait d'une ancienneté au sein de la structure supérieure à 10 ans, ce n'est qu'en 2014 qu'elle devient directrice au sein de l'association, ses fonctions antérieures d'hôtesse d'accueil ne pouvant être comptabilisées au titre des années requises 'd'un responsable de service ayant au moins 10 ans d'ancienneté' tel que stipulé dans la convention collective. Elle ne justifie pas plus d'une formation initiale, d'une formation professionnelle ou d'une expérience professionnelle, déterminées au niveau I ou II de l'Education nationale.

Toutefois, il n'est pas contesté par l'association que Mme [U] a été incitée à postuler au poste de directeur qu'elle assumait, du fait de sa vacance, depuis mai 2013, et qui lui a été contractuellement attribué en mars 2014.

Il n'est pas plus contesté que Mme [U] exerçait les fonctions et les tâches de Directeur de la Résidence telles que listées dans son contrat de travail se trouvant en pièce n°2 de la salariée.

Enfin, il ne ressort nullement de la convention collective applicable que la catégorie E comprend des postes de directeurs, les seuls postes de catégorie E listés étant ceux d'infirmier, chargé d'évaluation et du suivi social, éducateur de jeunes enfants, ergothérapeute, délégué à la tutelle, médiateur familial, assistant de direction, chargé de développement, comptable, responsable de secteur, conseiller technique.

Il sera ainsi fait droit à la demande de Mme [U] de voir prononcée la requalification de son emploi au niveau H, en infirmation du jugement entrepris.

S'agissant du coefficient

Il est constant que la promotion au poste de direction date de mars 2014. Mme [U] disposait ainsi d'une ancienneté acquise dans son poste au moment de la rupture du contrat, de quatre années, à compter de la date de promotion, correspondant alors au coefficient 590 et non au coefficient 690.

Par application du coefficient 590, Mme [U] pouvait prétendre à la somme de 3.174,20 euros par mois. Or, elle gagnait 3.342,98 euros par mois, soit 168,78 euros de plus que le minimum de la grille prévue par la convention collective au titre du coefficient 590 pour un niveau H.

Mme [U] sera dès lors déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre de la reclassification au coefficient 690, ne pouvant prétendre qu'à un coefficient 590. Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

Ayant été déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre de sa demande principale de se voir reconnaître le niveau H coefficient 690, il convient d'examiner sa demande subsidiaire, déclarée recevable, de voir la convention de forfait en jours privée d'effet.

Sur la demande subsidiaire au titre de la convention de forfait en jours

Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

Il résulte des articles 17, paragraphe 1, et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, ainsi que des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Et il appartient au juge de le vérifier, même d'office.

Aux termes de l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année doit être prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche qui détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi et qui fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

Selon l'article L. 3121-43 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, peuvent notamment conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle du travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39 susvisé, les cadres disposant d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduisent pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés.

L'article L. 3121-46 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce prévoit l'organisation, par l'employeur, d'un entretien annuel individuel avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, ledit entretien portant sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

La conclusion d'une convention individuelle de forfait, établie sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, requiert l'accord du salarié. La convention doit être établie par écrit.

En l'espèce, l'article 65 de la convention collective applicable autorise les recours au forfait en jours. L'article 65.1 de ladite convention collective prévoit la tenue d'un entretien annuel du salarié avec son supérieur hiérarchique.

Il ne résulte d'aucune pièce de la procédure que Mme [U] aurait participé à des entretiens organisés sur le forfait en jours, ni même que sa charge de travail ou l'articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle aurait été évoquée dans le cadre des entretiens individuels annuels.

Ce n'est ainsi que par voie d'affirmation que l'association expose que des entretiens ont eu lieu.

L'association Resava ne saurait pas plus arguer de l'absence de préjudice alors même que la salariée faisait état d'une charge importante et d'un stress non moins important lors des visites auprès du médecin du travail, ainsi qu'il ressort de son dossier médical versé en pièce n°45 de la salariée.

Il en résulte un manquement de l'employeur à ses obligations légales et conventionnelles pour s'assurer, de façon effective et concrète, du temps de travail effectué par la salariée.

Dès lors qu'il n'est pas établi par l'employeur que, dans le cadre de l'exécution de la convention de forfait en jours, le salarié a été soumis à un moment quelconque à un contrôle de sa charge de travail et de l'amplitude de son temps de travail, la convention de forfait en jours est privée d'effet, ce qui permet au salarié de demander, notamment, le paiement d'heures supplémentaires, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il en résulte que l'association Resava qui n'a pas organisé d'entretien portant sur la charge de travail de sa salariée, l'organisation du travail dans l'entreprise et l'articulation entre sa vie professionnelle et personnelle a méconnu les dispositions de l'article L. 3121-46 du code du travail. Elle sera condamnée au paiement d'une indemnité pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours qu'il y a lieu de fixer à hauteur de 2.000 euros.

Le jugement déféré est dès lors confirmé s'agissant du principe de la condamnation et infirmé en son quantum à ce titre.

Sur la prime issue de l'accord du 19 décembre 2017

L'association Resava et Mme [U] demandent à ce qu'il soit donné acte à l'Association qu'elle a régularisé la situation sur le bulletin de paie de novembre 2019, à hauteur de 43 € au mois de décembre 2019, consécutivement à l'introduction de la procédure.

Il en a été donné acte à l'Association par le jugement déféré, qui sera confirmé sur ce point.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1 du même code dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, il appartient au salarié qui s'estime victime d'un harcèlement moral de présenter les éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Mme [U], au soutien du harcèlement moral qu'elle allègue, expose que ses conditions de travail et sa santé se sont dégradés à raison des agissements de son employeur et précisément du Président de l'Association Resava, M. [H], à partir du mois de novembre 2017.

Elle évoque des griefs sur des tâches insatisfaites ne relevant pas de ses fonctions, des propos dégradants, et fait état du fait :

- qu'elle avait une charge de travail importante avec notamment le suivi des travaux de la résidence,

- qu'elle a été évincée des relations avec les services de la cuisine et de toute participation à l'ANCS alors même qu'elle y a toujours participé depuis qu'elle exerce son activité au poste de Directrice,

- que le lendemain de son éviction de sa participation à l'ANCS, le 23 mai 2018, elle a découvert que son poste avait été proposé à l'emploi,

- que M. [H] a tenté de lui imposer une rupture conventionnelle les 10 et 11 juillet 2018 à son retour d'arrêt maladie après une série de reproches et griefs en cascade.

Elle ajoute avoir subi des reproches en date du 25 avril 2018, concernant ses dates de congés du mois de mai au motif qu'elles n'ont pas été posées par écrit alors que :

- M. [H] lui imposait d'autres dates de congés sans rapport avec ses choix,

- elle avait prévu ses congés du 7 au 11 mai, précisément la semaine durant laquelle il n'y avait pas d'entreprise de travaux au sein de la résidence,

- il n'a jamais été d'usage qu'elle fasse de demande écrite.

Elle fait encore état de ce que le licenciement qu'elle qualifie de vexatoire, dont elle a fait l'objet, motif pris d'une faute grave dont elle ne reconnaît pas la matérialité des faits, participe enfin des derniers faits de harcèlement moral de son employeur à son endroit.

Mme [U] ne justifie nullement de la procédure de demandes de congés établie au sein de l'association à son endroit. Dès lors, il ne ressort pas des pièces produites que les faits en lien avec les demandes de modification de congés laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral. Ces faits ne sont pas retenus.

Les mails produits en pièces 121 à 125 ne permettent pas plus de caractériser ces faits.

Ce n'est par ailleurs que par voie d'affirmation que Mme [U] expose que M. [H] a tenté de lui imposer une rupture conventionnelle. Ces faits ne sont pas retenus.

- Sur les propos dégradants et les critiques incessantes

Mme [U] produit des témoignages évoquant sa situation de souffrance au travail et l'attitude de M. [H] à son égard ainsi que des mails de M. [H]

Mme [N], salariée de l'Association Resava atteste :

'avoir vu Madame [U] plusieurs fois, après entretiens ou communications avec Monsieur [H] Président, en pleurs'. Elle précise avoir interpellé un élu en la personne de M. [D], qui lui a répondu 'en avoir bien conscience, mais être dépourvu de pouvoir et d'influence auprès de M. [H]'.

M. [M], copropriétaire, atteste que M. [D] lui a indiqué que Mme [U] était en arrêt maladie à raison des agissements de M. [H]

Mme [Z], membre du Conseil Syndical de la résidence à l'instar de M.[H], confirme également le changement d'attitude de ce dernier à l'égard de Mme [U] : 'Les premiers mois après le changement de poste de Mme [U], M. [H] se louait des multiples qualités de sa nouvelle recrue. Puis sans que personne ne sache pourquoi, Mme [U] a cessé de plaire : inapte, nulle, manque d'initiative, des critiques multiples et blessantes sans raison [...]'. Elle confirme que M. [H] était 'odieux' avec Mme [U] et que 'la vie n'était plus tenable pour elle à la résidence'. Elle ajoute que le personnel en était témoin et s'en inquiétait rapportant : 'Un jour j'ai été attiré par l'air affolé de deux hôtesses : elles me disent : M. [H] est tellement sur [MD], on a peur qu'il lui arrive quelque chose'.

Mme [AO], également salariée de l'Association Resava, corrobore ce fait, précisant :

'Avoir constaté le déclin psychologique de Mme [U] [MD], Directrice de la Résidence [Adresse 6], après chaque entretien physique et téléphonique avec M. [H] C'est-à-dire que je la retrouvais en pleurs, en état de stress dans son bureau. J'en ai donc fait part à Monsieur [D], Elu du Conseil Syndical ainsi qu'à Madame [V], élue au Conseil d'Administration'.

Mme [I], alors Hôtesse au sein de la résidence confirme également :

'le changement de comportement de M. [H] envers Mme [U] sans motifs particulier' la détresse dans laquelle Madame [U] était suite aux venues et aux appels de M. [H]'. Elle précise encore avoir : 'en janvier 2018, contacté par téléphone Mme [V] élue du Conseil d'Administration de l'Association Resava pour lui signaler les agissements de Monsieur [H] envers Mme [U] ».

Interrogés par la CPAM dans le cadre de l'enquête administrative du dossier de maladie professionnelle de Mme [U], versée en pièce n°120 par la salariée, plusieurs salariés ont encore manifesté leurs craintes quant à la situation de la salariée. L'enquêtrice note : 'Mme [J] accepte de témoigner mais elle précise être salariée de l'Association et ne pouvoir parler aussi librement qu'elle le souhaiterait.» Elle confirme : 'M. [H] était constamment dans le reproche, tout était négatif. Le ton était parfois agressif, inapproprié. Mme [U] était sous pression car M. [H] exigeait tout dans l'immédiateté.' Mme [J] précise que la majorité du temps, les entretiens entre M. [H] et Mme [U] se passaient dans le bureau de Mme [U] porte close. Elle ne peut confirmer si M. [H] a usé de menaces, chantage et insulte. Elle confirme que le ton usité par Monsieur [H] lors de certains échanges dont elle a été témoin était agressif, exigeant, impératif. Elle confirme que Mme [U] a été très choquée de découvrir une annonce dans la presse pour un poste de directrice ou directeur de l'établissement alors qu'elle était en activité et qu'il n'avait jamais été question de sa démission ou d'une quelconque rupture de contrat'. 'M. [P] n'était pas présent lors de l'entretien du 10 juillet entre Madame [U] et Monsieur [H] Il confirme cependant qu'après chaque entretien entre Monsieur [H] et Madame [U], Madame [U] était en larmes, effondrée.» Quant à Monsieur [P] celui-ci «confirme que Madame [U] était effondrée, en larmes et était détruite après chaque passage de Monsieur [H] ».

Si les mails produits ne permettent pas de caractériser des propos dégradants et des critiques incessantes, il ressort toutefois des nombreuses attestations produites, notamment des salariés de l'association ou des résidents et copropriétaires, que les faits de propos désagréables, les critiques multiples et incessantes, et les propos dégradants allégués laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Ces faits sont ainsi retenus.

- Sur les faits d'éviction de ses fonctions et son exclusion de toute participation à l'ANCS

Il ressort des pièces produites que Mme [U] participait aux assemblées générales annuelles de l'ANCS, depuis sa prise de poste en qualité de directrice. Ce fait est attesté par les documents de travail fournis par Mme [U] mais également par l'attestation de Mme [HB], directrice d'une résidence services dans les Bouches du Rhône qui y participait également chaque année.

Il est en outre établi que M. [H] l'a dénigrée lors des dites assemblées, ainsi que l'atteste M. [S], directeur d'une résidence services dans le Vaucluse et membre du Conseil d'Administration de l'ANCS, qui explique que pour justifier l'absence de Mme [U], M. [H] lui a expliqué regretter d'avoir nommé en qualité de directrice une 'femme de ménage'.

- Sur la publication de son poste

Il est établi en procédure, et non contesté par l'employeur, que le lendemain de son éviction de sa participation à l'ANCS, le 23 mai 2018, Mme [U] a découvert, par une amie qui lui a relayé cette information, que son poste était proposé à l'emploi.

Le libellé et la localisation du poste à pourvoir en CDI 'dès que possible' a valablement pu laisser croire à Mme [U] que son employeur cherchait à la remplacer, ce qui a conduit, dès le lendemain, à son premier arrêt pour maladie. Ces faits sont ainsi établis.

- Sur les faits du 10 et du 11 juillet 2018

Mme [AO], salariée de l'Association, rapporte que :

« le 11 juillet 2018 vers 15h00, Madame [I] hôtesse d'accueil m'a prévenu du départ précipité de Madame [U] [MD]. [C] était paniquée, elle pensait que Madame [U] était comme dans un état second. Elle pensait qu'elle allait faire une bêtise. Nous sommes parties à sa recherche dans les rues proches de la résidence. Madame [I] sachant que son mari était en vacances l'a prévenu par téléphone. Nous avons retrouvé Mme [U] en pleurs sur les marches d'un immeuble. Elle souhaitait rester seule'Mme [U] nous a ordonné de retourner à la résidence. Nous étions très inquiets et j'ai attendu devant la résidence l'arrivée de son mari et nous sommes partis la retrouver dans sa voiture. Elle était en état de choc et ne se souvenait de rien.' (pièce 85 salariée).

M. [U], époux de la salariée, confirme avoir été alerté par une salariée de l'Association Resava et rapporte :

' Le mercredi 11 juillet, j'ai été appelé à mon domicile par une employée de la résidence me faisant part de sa très grande inquiétude ainsi que de celle de ses collègues présents suite au départ précipité de son bureau'Elle a pensé qu'elle pourrait faire « une connerie ». J'ai essayé de joindre plusieurs fois ma femme et finalement pu l'avoir. Elle n'était pas dans un état normal, elle était incohérente, stressée et pleurait. Elle m'a demandé de dire au revoir aux enfants, n'a pas voulu me dire ou elle se trouvait et a raccroché'Je suis partie sur [Localité 3] immédiatement en prenant tous les risques sur la route'Arrivé devant la résidence, Mme [TI] [AO] m'attendait et est montée en voiture avec nous. Nous nous sommes rendus au pied de l'immeuble où elle l'avait vu'[MD] ne s'y trouvait plus' Nous avons mené d'autres recherches en élargissant le cercle autour de celui-ci. Au bout de 15 minutes environ, nous avons localisé sa

voiture. Nous avons fini par l'y retrouver en état de choc extrême ne se souvenant de rien. J'ai récupéré un carnet à ses pieds. Elle y avait écrit des propos très noirs. Nous lui avons caché l'existence de ce carnet pendant de nombreux jours' Plus tard elle nous a fait part que son envie première était d'aller se jeter en voiture dans le port de [Localité 3]'(Pièce 86 salariée).

Mme [A], amie de Mme [U], atteste que M. [U] l'a appelée en soutien et confirme avoir trouvé Mme [U] 'en pleurs'. Elle précise : 'Elle m'a dit qu'elle n'en pouvait plus qu'elle était à bout vis-à-vis de son travail et avait eu envie d'en finir'.

Les faits du 10 et du 11 juillet, tels que relatés par la salariée, sont ainsi retenus.

- Sur le licenciement vexatoire et injustifié

La salariée expose que l'association Resava a décidé de la licencier, en date du 21 août 2019 pour faute grave, motif pris d'un courrier anonyme, dont il lui est reproché la paternité. Elle soutient que son licenciement est nul pour cause de harcèlement moral. Elle fait valoir que le licenciement infondé se comprend dans le contexte de harcèlement moral et que les faits retenus par son employeur ne peuvent être caractérisés à son encontre en ce qu'il n'y a aucune analyse graphologique du courrier car celui-ci n'est pas manuscrit mais dactylographié et qu'il s'agit seulement d'une analyse graphologique d'une enveloppe adressée à une dénommée [O] [L]. Elle nie être l'auteur du courrier, l'auteur s'étant manifesté le jour même de l'Assemblée générale, le 24 juin 2019 et qu'il s'agit de M. [NG], frère de Mme [V] et co-propriétaire indivis d'un appartement. Elle expose que l'expertise graphologique ne lui a pas été communiquée malgré ses demandes. Elle nie ainsi être à l'origine de l'écriture mais aussi de la diffusion de celui-ci.

Ce fait est également retenu.

Elle produit également de nombreuses pièces à caractère médical et notamment le compte-rendu de son entretien en date du 16 janvier 2018, avec le médecin du travail. Elle mentionne à cette occasion des difficultés relationnelles depuis plusieurs mois avec un responsable hiérarchique. Le Docteur [T] [F], qui l'a reçue le16 janvier 2018, a constaté un état anxiété majeure, indiquant ne pouvoir la maintenir à son poste et l'adressant au Docteur [Y], médecin traitant de la salariée, pour prise en charge psychologique. Mme [U] fait en outre état de ce qu'elle fait l'objet d'incessantes remarques et reproches et plusieurs attestations de médecins ainsi que des certificats médicaux. Il ressort ainsi de l'attestation de Mme [B], psychothérapeute, que M. [U] 'présente un stress post-traumatique et burn out professionnel'. Il ressort encore de l'attestation du docteur [AW] en date du 13 juillet 2018 que Mme [U] 'présente des symptômes d'anxio-dépression marqués, nécessitant un arrêt de travail prolongé ainsi qu'un traitement médicamenteux. Elle évoque d'emblée une situation professionnelle très conflictuelle qui serait à l'origine de cet état. A noter un arrêt de travail précédent du 25 mai au 2 juillet pour les mêmes raisons. L'ITT en résultant est de 10 jours. A requalifier avec le médecin légiste si nécessaire'. Il ressort des certificats médicaux produits que Mme [U] est sous anti-dépresseurs et anxiolytiques depuis les faits.

Par ailleurs, à la suite des faits du 11 juillet 2018, le médecin du travail a émis une alerte auprès de son employeur.

Au vu des nombreuses pièces médicales produites, la cour note que l'ensemble des médecins qui ont examiné Mme [U] et l'ont suivi ont émis le même diagnostic, que ce soit le médecin traitant, le psychiatre, ou encore le médecin du travail, y compris le médecin contrôleur que diligentera l'Association Resava en janvier 2019.

Il s'ensuit que ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer que Mme [U] a été exposée de manière répétée au management brutal, aux reproches incessants, à un licenciement soudain pour des faits qu'elle nie avoir commis, et donc au harcèlement moral allégué, si bien qu'il appartient à l'employeur de démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

- Sur les éléments objectifs invoqués par l'employeur

L'association RESAVA soutient :

- qu'il n'y a jamais eu de harcèlement moral depuis novembre 2017,

- qu'en réalité Mme [U] a rencontré des problèmes personnels et s'est retrouvée en difficulté à son poste de travail, alors qu'elle n'était pas en surcharge de travail,

- que les relations ont commencé à se dégrader lorsque son employeur lui a refusé des congés en proposant qu'ils soient décalés,

- qu'il ne s'est rien passé en date du 11 juillet 2018,

- que le licenciement était justifié par une faute grave.

L'association précise qu'en réalité, Mme [U] a rencontré des problèmes personnels et s'est retrouvée en difficulté sur son poste de travail, excluant toute surcharge de travail et que les relations ont commencé à se dégrader lorsque des congés lui ont été refusés. L'association explique aussi que la remise en cause de ses qualités professionnelles à raison de la baisse d'occupation du taux de la résidence a participé de son mal être.

L'Association Resava produit des attestations de résidents et copropriétaires desquelles il ressort que plusieurs salariés de l'association et copropriétaires vantent les qualités professionnelles et humaines de M. [H] Elle se défend par ailleurs du témoignage de Mme [W] en arguant du fait qu'elle est nonagénaire. M. [D], chef de projet informatique, expose que la situation de la résidence s'est dégradée dès la prise de fonctions de Mme [U] en qualité de directrice.

Toutefois, ces attestations, dont plusieurs sont particulièrement élogieuses à l'égard de M. [H], ne sont pas de nature à remettre en cause les dénonciations de Mme [U] concernant les faits subis par elle.

Concernant l'absence de Mme [U] aux assemblées générales annuelles de l'ANCS, l'association Resava indique qu'il est de droit qu'un membre de chaque résidence (Président ou directeur) soit présent, et qu'il est très exceptionnel qu'une résidence envoie deux personnes . Elle en déduit que ce refus de participation est dès lors de l'ordre d'un fonctionnement normal. Elle échoue toutefois à démontrer que ce refus soudain de laisser Mme [U] y participer est dû à une raison objective, au vu des attestations versées en procédure par Mme [U], desquelles il ressort qu'elle y avait toujours participé par le passé.

Concernant la publication du poste de Mme [U], l'association indique qu'il s'agissait d'une offre formulée à la suite de la demande de Mme [U] de bénéficier d'une rupture conventionnelle. La lettre de Mme [K], versée en procédure par l'association Resava n'est pas de nature à corroborer les déclarations de l'employeur selon lesquelles Mme [U] souhaitait une rupture conventionnelle. L'attestation de M. [G], consultant recrutement, qui indique avoir lancé une procédure de recrutement afin de remplacer Mme [U] qui avait demandé une rupture conventionnelle, ne précise pas s'il a été témoin de cette demande ou s'il s'agit d'un fait qu'il a tenu pour établi à la suite de la demande de M. [H] de pourvoir le poste.

Au demeurant, cette attestation ne peut valablement discréditer la confirmation par Mme [J] à l'enquêtrice de la CPAM de ce que Mme [U] a été très choquée de découvrir une annonce dans la presse pour un poste de directrice ou directeur de l'établissement alors qu'elle était en activité et qu'il n'avait jamais été question de sa démission ou d'une quelconque rupture de contrat.

Concernant les faits du 11 juillet 2018, l'employeur les conteste mais ne saurait remettre en cause ni même expliquer la détresse de Mme [U] à la suite de l'entretien avec son supérieur hiérarchique et les conséquences qui en ont résulté au motif qu'elle n'aurait pas détaillé sa journée du 11 juillet aux services de police, ou dans son mail du 22 juillet, dans lequel elle expose le chantage dont elle a été victime afin d'accepter une rupture conventionnelle.

L'association échoue encore à démontrer que les problèmes de Mme [U] avaient une nature personnelle et non professionnelle, se contentant de rappeler, ce qui n'est pas contesté par la salariée, qu'elle avait perdu sa belle-mère et que son époux et elle avaient des problèmes de santé.

Par ailleurs, l'employeur ne saurait contredire utilement les faits allégués par la salariée au motif qu'il a mené une enquête auprès du personnel, de laquelle il ressort que six salariés indiquent ne pas avoir constaté de harcèlement, et que cinq salariés ont refusé l'entretien.

Concernant le licenciement pour faute grave, l'association soutient que le licenciement est fondé en son motif. L'association expose que l'intimée a adressé un courrier anonyme mettant en cause M. [H] au conseil d'administration, courrier ayant été lu en assemblée générale le 24 juin 2019. L'association soutient que le graphologue qu'elle a mandaté a affirmé que l'écriture de l'enveloppe du courrier était celle de l'intimée. L'association prétend que cette lettre anonyme a entraîné un climat délétère et des troubles lors de l'Assemblée générale dans le sens où les participants à ladite assemblée se sont répartis en trois groupes (pour, contre et abstention) ce qui n'a pas dégagé de majorité suffisante pour le projet qui était préparé et porté par l'ensemble des élus depuis plusieurs mois.

En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi reprise :

' [...] Il a été adressé à bon nombre de personnes, sous forme d'un tract de cinq feuillets, un courrier anonyme.

Nous avons immédiatement soumis à expertise graphologique le courrier concerné.

Nous avons reçu le résultat de l'expertise graphologique qui indique que c'est vous l'auteur de ce courrier contenu dans cette enveloppe.

A quatre occasions en page de garde, je suis mis en cause es qualité de Président de l'association Resava, de façon violente.

L'anonymat vous permet tout y compris ce qui n'est pas autorisé. La dissimulation de votre identité démontre votre connaissance certaine que vous aviez d'agir avec une mauvaise volonté délibérée.

Sachez que, même pendant la suspension du contrat de travail, l'obligation de loyauté persiste. Vous avez violé délibérément vos obligations de réserve inscrites à votre contrat de travail/fiche de poste.

En vous adressant aux membres du syndicat des copropriétaires avec une très large diffusion, vous avez critiqué ouvertement et faussement votre employeur auprès de tiers. Or, ledit syndicat est le donneur d'ordre de l'association Resava votre employeur, association dont vous êtes la directrice et dont vous critiquez ouvertement le Président que je suis ainsi que les autres élus.

En vous immisçant dans le déroulé de l'Assemblée Générale du syndicat, non seulement vous avez outrepassé vos prérogatives et vos fonctions mais, plus encore, vous avez entendu semer la zizanie avec le syndicat, sans lequel la raison d'être de l'association Resava n'a plus de sens.

Il convient de préciser que les décisions des Assemblées Générales du syndicat Arcadie [Localité 3] sont très régulièrement prises à une très large majorité.

Le tract anonyme a eu comme effet de créer un tel trouble que les participants à l'Assemblée Générale (dont bon nombre de personnes particulièrement âgées) se sont répartis en trois groupes (pour, contre et abstention) ce qui n'a pas dégagé de majorité suffisante pour le projet qui était préparé et porté par l'ensemble des élus depuis plusieurs mois.

A l'évidence vous n'avez pas respecté votre contrat et vos obligations, vous avez nuis à votre employeur, vous avez pris à partie des tiers et vous avez utilisé pour ce faire un moyen déloyal de façon préméditée.

Vous galvaudez ainsi des informations inexactes et mensongères, ce qui démontre un comportement d'une grande déloyauté, d'une mauvaise foi qui ne peuvent être admis.

Compte-tenu de l'extrême gravité des fautes reprochées, le conseil d'administration de l'association resava a statué à l'unanimité.

Nous vous notifions votre licenciement pour faute grave en raison de votre volonté manifeste de nous nuire, en violant votre devoir de réserve et de discrétion absolue et en portant atteinte à votre obligation de loyauté. [...]'.

L'employeur produit une analyse manuscrite de l'enveloppe dans laquelle se trouvait le courrier dactylographié en pièce n°15. Il en ressort que l'écriture et les chiffres manuscrits sur l'enveloppe sont les suivants :

'[L] [O]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]'

Il ressort du rapport d'expertise graphologique que les éléments manuscrits sur l'enveloppe, correspondent à l'écriture de Mme [U]. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'auteur du tract anonyme s'est par la suite dénoncé publiquement, permettant dès lors de réhabiliter Mme [U]. Au surplus, le seul fait que l'enveloppe produite par l'employeur contienne des mentions écrites de la main de Mme [U] ne peut caractériser l'envoi par cette dernière du tract anonyme intitulé 'Pourquoi voter non au syndic de copropriété. Qui aura tous les pouvoirs ''. L'employeur échoue par conséquent à démontrer que Mme [U] est l'auteur du trac rendu public, seul grief au soutien de son licenciement.

L'employeur ne démontre pas que les faits à l'origine de la faute grave qu'il a retenue à l'encontre de Mme [U] sont établis.

L'employeur échoue ainsi à démontrer que ses agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

De plus, le motif invoqué à l'appui de la rupture du contrat de travail remet en cause l'intégrité et l'honnêteté de Mme [U] en lui attribuant la paternité d'un tract dont l'auteur se désignera publiquement le 24 juin 2019.

Les faits de harcèlement moral sont établis, en confirmation du jugement entrepris, et Mme [U] se verra allouer la somme de 5.000 euros de ce chef de préjudice, ajoutant au jugement entrepris.

Sur le licenciement nul

Selon l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Selon l'article L. 1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En l'espèce, les faits de harcèlement moral sont caractérisés et il ressort des pièces du dossier que le licenciement pour faute grave de Mme [U] est intervenu dans le contexte de harcèlement moral concernant des griefs que l'employeur n'établit pas.

Le licenciement est par conséquent nul et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières du licenciement

- Sur l'indemnité légale de licenciement

En vertu de l'article L. 1234-9 du code du travail, en sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 applicable aux licenciements survenus à compter du 24 septembre 2017, le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement égale à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté jusqu'à 10 ans et 1/3 de mois de salaire par année au-delà de 10 ans d'ancienneté.

En l'espèce, compte tenu d'une ancienneté de Mme [U] de 15 années, il lui sera alloué la somme de 13.644,92 euros à titre d'indemnité de licenciement, en confirmation du jugement entrepris.

- Sur l'indemnité de préavis

Aux termes de l'article 26.1 de la convention collective, le préavis d'un cadre de niveau H ayant au moins deux ans d'ancienneté dans la structure est de 4 mois.

L'Association Resava sera donc condamnée à payer à la salariée la somme de 13.644,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1364,49 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

- Sur l'indemnité pour licenciement nul

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, lorsque le juge constate que le licenciement est entaché de nullité et lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'espèce, Mme [U] disposait d'une ancienneté de 15 années.

Il ressort des pièces médicales du dossier que l'état de santé de Mme [U] a été dégradé et qu'elle n'a pas pu travailler pendant plusieurs années, son état de santé ne lui permettant pas de revenir sur le marché de l'emploi dans un premier temps. Si elle a pu reprendre une activité au mois d'août 2021, Mme [U] justifie du fait que cette reprise s'est concrétisée dans le cadre d'un travail à temps partiel, son état de santé ne lui permettant médicalement pas d'envisager la reprise d'un emploi à temps plein.

Les premiers juges ont réparé ce préjudice par l'attribution d'une somme de 40.934,76 euros en réparation de l'ensemble des préjudices invoqués (harcèlement moral, licenciement nul et licenciement brutal et vexatoire compris).

La cour lui alloue la somme de 46.000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la seule indemnité pour licenciement nul.

Sur l'irrégularité de la procédure de licenciement

Aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.

L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et doit former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, sans que la charge de la preuve incombe plus particulièrement au salarié.

Lorsqu'un salarié victime d'un licenciement nul ne réclame pas sa réintégration, le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que l'irrégularité de la procédure de licenciement soit réparée par le juge, soit par une indemnité distincte, soit par une somme comprise dans l'évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du licenciement.

En l'espèce, Mme [U] a reçu un courrier de notification de licenciement pour faute grave le 21 août 20l9, sans avoir été invitée préalablement à un entretien, ce que ne conteste pas 1`Association Resava. L'employeur justifie cette absence de convocation en ce que 'à compter du moment où [Mme [U]] était placée en arrêt maladie, et que les éléments médicaux qu'elle produit font état d'une dépression ou de traitement anxiolytique, il est improbable qu'elle se soit déplacée pour un tel entretien préalable puisque justement sa psychiatre la met en arrêt pour la protéger de la procédure'.

Aussi, alors que Mme [U] réclame une indemnité au titre de l'irrégularité de la procédure, il convient de confirmer le jugement et de lui allouer la somme de 3.41l,23 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure, en réparation du préjudice lié à l'absence de mise en oeuvre d'une procédure de licenciement, laquelle lui a causé un préjudice distinct de celui antérieurement réparé, notamment au regard de ce licenciement sans possibilité d'explication après de très nombreuses années au sein de la société.

Sur l'indemnité pour licenciement brutal et vexatoire

Le licenciement peut causer au salarié un préjudice distinct de celui lié à la perte de son emploi, en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l'ont accompagné, permettant au salarié de demander réparation de son préjudice moral, sur le fondement de la responsabilité civile prévue aux articles 1382 et suivants du code civil dans leur version applicable à l'espèce.

En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'honnêteté et la moralité de la salariée, en raison du grief invoqué au soutien du licenciement pour faute grave, ont été mis en cause publiquement ou devant ses collègues.

Le jugement querellé sera infirmé de ce chef.

Sur le remboursement des indemnités versées par Pôle Emploi devenu France Travail

Suivant l'article L.1235-4 du code du travail, dans les cas de nullité du licenciement prévus aux articles L. 1132-4 (discrimination), L. 1134-4 (action du salarié fondée sur les dispositions du principe de non discrimination), L. 1144-3 (égalité professionnelle hommes/femmes), L. 1152-3 (harcèlement moral), L. 1153-4 (harcèlement sexuel) et lorsque le licenciement illégitime est indemnisé en application L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Sur ce fondement, il y a lieu de condamner l'association Resava à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées, le cas échéant, à Mme [U] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de deux mois d'indemnités.

Il sera ajouté au jugement de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens de l'instance d'appel sont à la charge de l'employeur, partie succombante.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la salariée l'intégralité des sommes avancées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'employeur est débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

Déclare recevable la demande de voir déclarer privée d'effet la convention de forfaits jours,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a jugé que le licenciement avait un caractère brutal et vexatoire, en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande de requalification de son emploi au niveau H et en ce qu'il a condamné l'association Resava à verser à Mme [U] :

- la somme de 40.934,76 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices,

- la somme de 3.411,23 euros à titre de dommages et intérêts pour la privation d'effet de la convention,

L'Infirme de ces chefs,

Y additant et statuant à nouveau,

Condamne l'Association Reseva à verser à Mme [U] les sommes suivantes :

- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la privation d'effet de la convention,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison du harcèlement moral,

- 46.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

Rappelle qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

Condamne l'association Resava à rembourser aux organismes concernés les éventuelles indemnités de chômage payées à Mme [U] dans la limite de deux mois d'indemnités ;

Condamne l'association Resava à verser à Mme [U] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;

Déboute l'association Resava de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'association Resava aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

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