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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 4, 19 novembre 2025, n° 22/03477

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/03477

19 novembre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 19 NOVEMBRE 2025

(n° /2025, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/03477 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFMMC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Février 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° 19/00183

APPELANTE

Société DIR'AUTO prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Benoît BOMMELAER, avocat au barreau de RENNES, toque : 43

INTIMEE

Madame [U] [Y] épouse [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère rédactrice

M. LATIL Christophe, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Clara MICHEL, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [U] [Y] épouse [G] était dirigeante de la société Dir'auto, majoritairement détenue par des membres de sa famille, spécialisée dans le secteur d'activité de l'entretien et réparation de véhicules automobiles légers, depuis le 1er novembre 2001. Aux termes d'une convention de cession d'actions en date du 27 avril 2018, la société Dir'auto a été rachetée par la société groupe [P]. La convention de cession prévoyait la démission de Mme [Y] épouse [G] de ses fonctions de dirigeante à effet au 30 avril 2018 et la conclusion d'un contrat de travail entre l'intéressée et la société.

Par un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 2 mai 2018, Mme [Y] épouse [G] a ainsi été embauchée par la société Dir'auto en qualité de directrice exécutive, statut cadre de direction, niveau IV degré C avec une reprise d'ancienneté au 2 novembre 2001 pour un forfait jours de 218 jours annuels, et moyennant une rémunération fixe mensuelle brute de 8 624 euros.

La relation contractuelle était soumise à la convention collective des services de l'automobile (Brochure 3034 - IDCC 1090). La société Dir'auto compte plus de dix salariés.

Le 25 août 2018, Mme [Y] épouse [G] a été placée en arrêt de travail.

Mme [Y] épouse [G] a dénoncé des faits de harcèlement moral et agissements délictueux de son employeur.

Le 18 décembre 2018, elle a été déclarée par le médecin du travail apte à reprendre son poste.

Mme [Y] épouse [G] a été placée en arrêt de travail le jour de sa reprise le 2 janvier 2019.

Par lettre du 2 janvier 2019, la salariée a été convoquée à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire, fixé au 11 janvier suivant.

Le 16 janvier 2019, Mme [Y] épouse [G] s'est vu notifier son licenciement pour faute lourde dans les termes suivants :

« Vous exercez au sein de notre société les fonctions de Directrice exécutive. En cette qualité, et conformément à votre contrat de travail, il vous appartient de superviser et suivre l'activité économique de la société DIR'AUTO.

Pour rappel, vous connaissez parfaitement la société Dir'auto puisque vous y êtes salariée depuis 2001.

Par ailleurs, vous en étiez actionnaire et gérante pendant plus de 10 ans, puis Présidente suite à la transformation en SAS le 30 mars 2018, jusqu'au jour de la cession des titres fin avril 2018.

N'étant pas présente quotidiennement sur le site de Dir'auto compte tenu de mes autres obligations professionnelles sur la région nantaise, le respect de votre obligation de loyauté était absolument primordial et essentiel.

Or, dans le cadre de l'établissement de nos comptes, notre expert-comptable nous a alerté sur plusieurs anomalies qu'il avait constatées.

Nous avons alors procédé, au mois de décembre 2018, à un important travail de recherches et avons découvert avec stupeur, que vous aviez fait supporter par DIRAUTO des frais aux bénéfices de carrosseries de votre entourage familial, portant notamment sur :

- des loyers portant sur des matériels TOSHIBA (photocopieurs...) ;

- des abonnements pour une ligne de portable et une ligne SDSL ;

- des abonnements et des accès à des logiciels ou bases de données spécifiques au secteur professionnel de la carrosserie, auprès des sociétés LACOUR et SIDEXA ;

- des licences et des valises de diagnostic de la marque WURTH ;

- du matériel de carrosserie facturé à la société Dir'auto mais non présent dans les ateliers de la société,

- des véhicules de courtoisie.

Ces pratiques sont parfaitement inadmissibles.

Lors de l'entretien, vous avez feint de ne rien savoir, n'hésitant pas à faire reposer l'entière responsabilité sur votre père.

Cette justification est totalement infondée, dès lors que pour rappel, vous êtes seule directrice exécutive depuis mai 2018, et salariée de la société Dir'auto depuis le 2 novembre 2001 avec des responsabilités de gérante.

Plus encore et en tout état de cause, il vous appartenait dans le cadre de vos dernières fonctions, de vous assurer de la bonne gestion des fournisseurs.

Face à ces dissimulations et à votre attitude, nous ne pouvons que constater votre grave manquement à votre obligation de loyauté, rompant de la même manière le lien de confiance indispensable à l'exercice de vos fonctions.

Cette conduite témoigne incontestablement d'une intention de nuire. Elle met par ailleurs en cause le bon fonctionnement de notre entreprise.

Dans ce contexte, il nous est impossible de maintenir nos relations contractuelles même pendant la durée d'un préavis et nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour faute lourde.»

Par requête du 27 février 2019, Mme [Y] épouse [G] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes aux fins de voir, notamment, juger son licenciement nul à titre principal, et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire et Condamner son employeur à lui verser diverses sommes relatives à l'exécution et à la rupture de la relation contractuelle.

Par jugement du 1er février 2022, le conseil de prud'hommes d'Evry a statué en ces termes :

- Déboute Mme [U] [Y] épouse [G] de ses demandes à titre principal,

- Dit que le licenciement de Mme [U] [Y] épouse [G] est sans cause réelle et sérieuse,

- Condamne la SARL Dir'auto à payer à Mme [U] [Y] épouse [G] les sommes suivantes :

* 133 672 euros au titre de l'indemnité contractuelle de rupture du contrat de travail,

* 26 434,02 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 26 434,02 euros au titre de l'indemnité de préavis,

* 2 643,40 euros au titre des congés payés sur l'indemnité de préavis,

* 4 312 euros au titre de rappel de salaires,

* 431,20 euros au titre des congés payés sur le rappel de salaires,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute Mme [U] [Y] épouse [G] du surplus de ses demandes,

- Déboute la SARL Dir'auto de ses demandes reconventionnelles contenues dans ses conclusions,

- Condamne la SARL Dir'auto à remettre à Mme [U] [Y] épouse [G] les bulletins de paie conformes à son jugement,

- Condamne la SARL Dir'auto à rembourser à Pole Emploi les indemnités perçues par Mme [U] [Y] épouse [G] dans la limite du plafond légal,

- Condamne la SARL Dir'auto aux entiers dépens.

Par déclaration du 3 mars 2022, la société Dir'auto a interjeté appel de ce jugement, intimant Mme [Y] épouse [G].

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 septembre 2025.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 novembre 2022, la société Dir'auto demande à la cour de :

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il :

o a jugé que le licenciement de Mme [Y] épouse [G] est sans cause réelle et sérieuse,

o a condamné la Société Dir'auto à verser à Mme [Y] épouse [G] les sommes de :

' 133 672 euros d'indemnité contractuelle de rupture du contrat de travail,

' 26 434,02 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 26 434,02 euros d'indemnité de préavis,

' 2 643,40 euros de congés payés sur l'indemnité de préavis,

' 4 312 euros de rappel de salaires,

' 431,20 euros de congés payés sur le rappel de salaires,

' 1 500 euros d'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

o a condamné la Société Dir'auto à remettre à Mme [Y] épouse [G] les bulletins de paie conformes au jugement,

o a débouté la Société Dir'auto de sa demande reconventionnelle, et n'a donc pas condamné Mme [Y] épouse [G] à lui verser la somme de 176 830 euros de préjudice outre la somme de 4 000 euros d'article 700 et les entiers dépens.

- Rejeter l'appel incident de Mme [Y] épouse [G] et la débouter de l'intégralité des demandes, fins et conclusions :

En conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a :

o Débouté Mme [Y] épouse [G] de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement

o Débouté Mme [Y] épouse [G] de sa demande au titre de sa demande de paiement d'une indemnité pour insuffisance de motivation de la lettre de licenciement

o Débouté Mme [Y] épouse [G] de sa demande tendant au paiement de dommages intérêts pour harcèlement moral, circonstances vexatoires et humiliantes de son licenciement

Et statuant à nouveau :

- Débouter Mme [Y] épouse [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Subsidiairement, réduire en de notables proportions les demandes de Mme [Y] épouse [G]

En tout état de cause, Condamner Mme [Y] épouse [G] à verser à la Société Dir'auto :

o 176 830 euros au titre du préjudice subi

o 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance

o 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel

- Condamner Mme [Y] épouse [G] aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 août 2022, Mme [Y] épouse [G] demande à la cour de :

- Accueillir l'appel incident de Mme [U] [G] ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté Mme [U] [G] de ses demandes principales tendant à voir Prononcer la nullité du licenciement et la société Dir'auto condamnée à lui verser l'indemnité contractuelle de rupture dans les termes de l'article 13 du contrat de travail, outre une indemnité pour licenciement nul ;

- Condamné la société Dir'auto, sur le fondement du licenciement sans cause réelle et sérieuse, à lui verser la somme de 133 672 euros au lieu des 146 608 euros sollicités à titre d'indemnité contractuelle de rupture et la somme de 26 434,02 euros au lieu des 123 358,76 euros sollicités à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Débouté Mme [U] [G] de sa demande de paiement d'une indemnité pour insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ;

- Débouté Mme [U] [G] de sa demande tendant au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral et circonstances vexatoires et humiliantes ayant entouré le licenciement ;

' Confirmer le jugement entrepris pour le surplus et rejeter l'intégralité des demandes de la société Dir'auto :

Et, statuant à nouveau :

A titre principal :

- Prononcer la nullité du licenciement ;

- Condamner la société employeur au paiement de l'indemnité contractuelle de rupture dans les termes de l'article 13 du contrat de travail, soit la somme de 137 984 euros ;

- Condamner la société employeur au paiement d'une indemnité pour licenciement nul correspondant à 12 mois de salaire, soit la somme de 105 736,08 euros ;

A titre subsidiaire :

- Dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société employeur au paiement de l'indemnité contractuelle de rupture dans les termes de l'article 13 du contrat de travail, soit la somme de 137 984 euros ;

- Condamner la société employeur au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspondant à 14 mois de salaire, soit la somme de 123 358,76 euros ;

- Condamner la société employeur au paiement d'une indemnité pour insuffisance.de motivation de la lettre de licenciement, correspondant à 1 mois de salaire, soit la somme de 8 811,34 euros ;

En toute hypothèse :

- Condamner la société employeur au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, soit la somme de 26 434,02 euros ;

- Condamner la société employeur au paiement des congés payés y afférent, soit la somme de 2 643,40 euros ;

- Condamner la société employeur au paiement d'un rappel de salaire pour la période du 2 au 16 janvier 2019, soit la somme de 4 312 euros ;

- Condamner la société employeur au paiement des congés payés y afférent, soit la somme de 431,20 euros ;

- Condamner la société employeur à des dommages et intérêts pour harcèlement moral et circonstances vexatoires et humiliantes ayant entouré le licenciement, soit la somme de 105 736,08 euros ;

- Condamner la société employeur à la remise de bulletins de paie conformes ;

- Débouter la société employeur de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner la société employeur au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- Ordonner que la date de départ des intérêts légaux soit fixée au jour de la saisine prud'homale pour les sommes à caractère de salaire et la capitalisation des intérêts légaux dus à Mme [U] [G] en application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1152-2 du même code, aucune personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire l'objet des mesures mentionnées à l'article L. 1121-21, qui vise notamment le licenciement.

L'article L.1154-1 de ce code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, le juge doit ainsi examiner les éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un tel harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier souverainement si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à un harcèlement et si ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs.

En l'espèce, Mme [Y] épouse [G] soutient qu'elle a subi des agissements constitutifs de harcèlement moral en se prévalant d'une série de faits.

En premier lieu, la salariée fait valoir qu'alors qu'elle dirigeait l'entreprise depuis près de 17 ans, son autorité à l'égard du personnel a été régulièrement mise en cause et sa crédibilité totalement bafouée par Mme [P], présidente de la société, qui a rapidement décidé d'une fermeture de l'activité carrosserie et de la suppression de la quasi-totalité des emplois concernés contrairement aux engagements pris initialement, laissant le personnel croire que Mme [Y] épouse [G] leur avait menti et était complice de cette décision.

La salariée ne produit toutefois aucun élément permettant d'établir la réalité de ce grief, le courrier de réclamation émanant d'elle étant insuffisant à cet égard, de sorte que ce fait n'est pas établi.

En deuxième lieu, Mme [Y] épouse [G] soutient que Mme [P] lui a délibérément menti en lui annonçant mettre un coach à sa disposition pour l'aider au management, alors qu'il s'agissait en réalité d'une personne chargée de procéder à un audit à son insu.

Elle produit, au soutien de ses allégations, une attestation établie par Mme [F], ancienne salariée de la société, le 23 mars 2021, qui indique qu'une personne présentée à Mme [G] comme étant chargée de l'aider dans ses fonctions d'encadrement mais qui se trouvait en réalité chargé de réaliser un audit, qu'il a passé plusieurs semaines à contrôler toute la comptabilité et le travail de chacun des salariés, « tout en étant là officiellement pour aider Mme [G] dans son management. ». Elle ajoute : « En réalité cela lui a permis de prendre des informations sur les fonctions occupées par Mme [G] en vue de la remplacer. ».

La société conteste la véracité du contenu de cette attestation, faisant valoir que son auteur a été licenciée pour faute grave le 7 janvier 2021, et produit la lettre de licenciement de cette salariée, qui fait état de menaces de sa part de produire des attestations, « qu'elles soient vraies ou non », en faveur de Mme [G].

Il ressort en outre des pièces produites par l'employeur que la réalisation d'un audit avait été confiée à une autre personne que celle désignée dans l'attestation de Mme [F].

Dans ces conditions, ces faits ne peuvent être regardés comme étant établis.

En troisième lieu, Mme [Y] épouse [G] soutient que Mme [P] a remis en cause, de manière violente et infondée, la gestion passée de la société, ainsi que l'honneur et la probité de la famille [D], publiquement accusée auprès des salariés, d'avoir commis diverses malversations, la présidente indiquant aux salariés que leur témoignage serait le bienvenu le cas échéant.

L'intimée produit notamment à cet égard un courrier émanant d'un salarié et adressée à la direction, dont il résulte que celui-ci avait demandé le départ de Mme [G], et qui évoque le fait que la société lui avait indiqué mener une enquête concernant les flux financiers et autres arrangements irréguliers et que le cas échéant, son témoignage serait le bienvenu.

Si le caractère public de la mise en cause de l'intéressée ne ressort d'aucun élément probant, les faits relatifs à la remise en cause de la précédente gestion de la société, de la probité de la famille [D], et de la volonté de la direction de recueillir des témoignages à cet égard sont établis. Ce grief est donc partiellement établi.

En quatrième lieu, Mme [Y] épouse [G] soutient que Mme [P] l'a harcelée par téléphone le soir et le week-end pour lui faire part de suspicions et de menaces de déposer plainte au pénal.

La salariée ne produit toutefois aucun élément permettant d'établir la réalité de ce grief, ses seules allégations ne pouvant suffire à cet égard, de sorte que ce fait n'est pas établi.

En cinquième lieu, Mme [Y] épouse [G] soutient que Mme [P] l'a exclue de certaines réunions avec le personnel, en dépit de son statut de directrice exécutive, et n'a pas hésité à interroger ce personnel pour savoir s'il avait des informations sur d'éventuelles malversations commises par sa famille.

Ce grief n'est pas établi par les pièces versées aux débats.

En sixième lieu, Mme [Y] épouse [G] soutient que Mme [P] lui a progressivement retiré l'ensemble de ses attributions, changeant les codes d'accès informatiques, les codes d'accès aux caméras de vidéosurveillance et les codes de la comptabilité pour que celle-ci n'y ait plus accès, délocalisant tous les éléments comptables au niveau de sa propre équipe comptable à [Localité 5], à laquelle l'équipe devait rendre compte exclusivement.

Elle indique que l'ensemble des décisions étaient désormais prises à [Localité 5], Mme [P] ayant, de surcroît, coupé toute communication avec elle.

Ce grief n'estpas établi par les pièces versées aux débats, au regard des considérations qui précèdent quant à l'attestation émanant de Mme [F].

En septième lieu, Mme [Y] épouse [G] soutient qu'alors qu'elle avait été placée en arrêt maladie du fait de ses agissements, Mme [P] n'a pas hésité à faire savoir que celle-ci aurait décidé de quitter la société, afin de nuire à son image et à sa réputation, allant jusqu'à annoncer la recherche d'un successeur, à retirer son nom sur sa place de parking et à débarrasser ses dossiers et effets personnels de son bureau.

Ni l'existence d'un lien entre l'arrêt maladie et le comportement de Mme [P] ni ses autres allégations ne sont établies.

En huitième lieu, Mme [Y] épouse [G] soutient que Mme [P] a délibérément ignoré le courrier du 21 novembre 2018, adressé à son employeur au cours de son arrêt maladie, par lequel elle dénonçait les agissements de harcèlement moral commis à son encontre.

Il ressort des pièces du dossier que l'employeur a répondu à ce courrier, pour en contester la teneur.

En neuvième lieu, Mme [Y] épouse [G] soutient que Mme [P], quelques jours après la réception de ce courrier, lui a demandé de ne pas reprendre son poste à l'issue de son arrêt maladie et de poser les jours de congés qu'il lui restait dans l'attente de l'avis de la médecine du travail sur son aptitude.

Ce grief est établi par le courriel qu'elle produit émanant de sa supérieure hiérarchique en date du 4 décembre 2018.

En dixième lieu, Mme [Y] épouse [G] soutient que Mme [P] l'a exclue du déjeuner de fin d'année. Ce fait est établi, la société l'expliquant par la circonstance que l'employeur a le droit d'imposer, dans le cadre de son pouvoir d'organisation et de direction, à un salarié de solder des jours de repos.

En onzième lieu, Mme [Y] épouse [G] soutient que 18 décembre 2018, alors qu'elle était venue déposer son avis d'aptitude dans les locaux de la société, s'est vue violement malmenée par l'agent de sécurité, qui avait manifestement reçu des consignes pour ne pas la laisser pénétrer dans les locaux.

Ce fait, contesté par l'employeur, n'est pas établi par les pièces produites, l'agent de sécurité n'ayant procédé qu'à une vérification conforme aux consignes en vigueur au sein de la société.

En douzième lieu, l'intimée fait valoir que le 2 janvier 2019, jour de sa reprise de travail, elle a subi un accident de la route qui a nécessité qu'elle se rende à l'hôpital et que Mme [P] a refusé qu'elle se fasse accompagner par un employé et l'a laissée reprendre sa voiture pour s'y rendre seule, pendant qu'elle-même postait la convocation à entretien préalable qu'elle n'avait pas pu lui remettre en main propre compte tenu de la situation. Les éléments qu'elle produit relativement à cet accident ne permettent pas d'établir la réalité de ses allégations, de sorte que ce fait n'est pas établi.

En treizième lieu, si Mme [Y] épouse [G] soutient que Mme [P] soutient que les man'uvres de déstabilisation et de harcèlement moral à son égard se sont poursuivies après la notification de son licenciement,elle ne peut utilement se prévaloir à cet égard de faits postérieurs à la rupture du contrat de travail.

Par ailleurs, la salariée produit également un certificat médical faisant état d'un état anxiodépressif sévère depuis 2018, qui semble, après interrogation médicale de la patiente, réactionnel à des problèmes professionnels.

Les faits partiellement établis présentés par la salariée, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'existence d'agissements constitutifs de harcèlement étant donc présumée, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel hércaèlement et que ses décisions sont justifiées par des élments objectifs étarngers à tout hracèlement.

En premier lieu, s'agissant du grief relatif à la mise en cause de la précédente gestion de la société, de la probité de la famille [D], et de la volonté de la direction de recueillir des témoignages concernant cette gestion, l'employeur justifie, par la production d'attestations faisant état d'irrégularités relevées dans la gestion de l'entreprise et d'un dépôt de plainte, que ces agissements sont étrangers à tout harcèlement moral.

En deuxième lieu, s'agissant des griefs tirés de la dispense d'activité de la salariée dans l'attente de l'avis de la médecine du travail sur son aptitude, et du fait qu'il lui a été proposé de poser les jours de congés qu'il lui restait, la société soutient que cet agissement est étranger à tout harcèlement moral dès lors qu'il appartient à l'employeur, au regard de son obligation de sécurité, de s'assurer de l'aptitude médicale du salarié avant sa reprise du travail. Elle ajoute que la salariée travaillant selon un forfait annuel en jours de sorte que les JRTT acquis non pris au 31 décembre étaient perdus, elle était en droit de lui faire solder les jours ainsi acquis.

Il ressort en outre des pièces produites que par courriel du 11 décembre 2018, la salariée a répondu à cette demande dans les termes suivants : « J'ai bien noté que vous me dispensiez de venir travailler tout en étant rémunérée le 17 décembre prochain. Je comprends que je serai également rémunérée le 18 décembre puisque le temps passé à la visite médicale doit être rémunéré comme du temps de travail et que je serai également dispensée à votre demande le reste de la journée. J'ai bien noté également que vous me proposiez de solder 8 jours de congés payés avant la fin de l'année à compter du 19 décembre prochain. Je vous confirme mon accord pour procéder ainsi. ».

L'employeur justifie ainsi d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

En troisième lieu, s'agissant du grief relatif à l'exclusion de la salariée du déjeuner de fin d'année planifié le 21 décembre 2018, ce fait n'est en revanche pas justifié par l'employeur par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

S'agissant toutefois d'un fait isolé, le harcèlement moral allégué n'est pas caractérisé et le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur la nullité du licenciement :

Mme [Y] épouse [G] soutient que son licenciement est nul dès lors qu'il a été prononcé en rétorsion de sa dénonciation des agissements de harcèlement moral et d'agissements délictueux de son employeur, la procédure ayant été initiée le 2 janvier 2019, quelques jours seulement après qu'elle ait réitéré la dénonciation des agissements de harcèlement dont elle a été victime, par lettre du 21 décembre 2018, agissements déjà dénoncés le 21 novembre 2018.

Il résulte des articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail que, lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement, qui ne fait pas mention d'une dénonciation d'un harcèlement moral ou sexuel, caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel.

Dans le cas contraire, lorsque le licenciement n'est pas fondé par une cause réelle et sérieuse, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié d'agissements de harcèlement moral ou sexuel et son licenciement.

En l'espèce, la lettre de licenciement ne fait pas mention d'une dénonciation de faits de harcèlement moral ou d'agissements délictueux, de sorte qu'il y a lieu d'examiner les faits reprochés à la salariée.

En ce qui concerne le bien-fondé du licenciement :

Aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, la société reproche à Mme [Y] épouse [G] un grave manquement à son obligation de loyauté, caractérisé par le fait qu'elle a fait supporter par la société différents frais aux bénéfices de carrosseries de son entourage familial.

La salariée oppose la prescription de plusieurs faits, l'absence de preuve de la matérialité de ces griefs et la circonstance qu'ils concernent une période antérieure à son contrat de travail et ne seraient susceptibles de relever que de la garantie d'actif et de passif.

S'agissant de la prescription de certains griefs :

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Il résulte de ces dispositions et de celles de l'article 1315 du code civil que dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, c'est à l'employeur qu'il appartient d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites.

La connaissance des faits par l'employeur suppose son information précise et complète des faits. Ainsi, lorsque des vérifications et investigations sont nécessaires, leur réalisation interrompt la prescription et le délai de deux mois ne court alors qu'à compter du jour où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés.

En l'espèce, l'intimée oppose la prescription des griefs relatifs aux loyers portant sur des matériels Toshiba, aux abonnements téléphoniques et SDSL, aux abonnements et accès à des logiciels ou bases de données spécifiques au secteur professionnel de la carrosserie, auprès des sociétés Lacour et Sidexa, et au logiciel de conduite Masternaut.

Les poursuites disciplinaires à l'encontre de la salariée ont été engagées le 2 janvier 2019, date de la convocation à l'entretien préalable et du prononcé d'une mise à pied conservatoire, à raison de faits commis plus de deux mois avant cette date. Il appartient donc à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites.

S'agissant du grief relatif aux loyers portant sur des matériels Toshiba, la société produit notamment une attestation émanant de M. [H], consultant, qui indique : « Je suis intervenu pour le compte de Dir'Auto (') en 2018 dans le cadre d'une mission en vue d'établir la liste précise des matériels en contrat avec la société Dir'Auto, [j] atteste avoir eu des contacts avec la société Toshiba en les personnes de M. [B] et Mme [N], ces derniers ayant pour une part, reconnu l'installation de matériel dans d'autres sociétés que Dir'Auto (mail de M. [B] du 24/10/2018), et, d'autre part, attesté du matériel qui était réellement en contrat avec le site de Dir'Auto à [Localité 4] (mail de Mme [N] en date du 12/10/2018) » et ajoute : « Une fois ces premières investigations réalisées, j'ai pu relever en novembre et décembre 2018 de nombreuses autres irrégularités comptables et financières au préjudice de la société Dir'Auto. J'en ai alors tenu informé Mme [P]. ». Aucune précision n'est toutefois apportée quant aux investigations alléguées des mois de novembre et décembre 2018 ni aux autres irrégularités qui auraient été découvertes par ce consultant, alors que les autres éléments produits, et notamment des échanges de courriels du 26 octobre 2018, tendent à démontrer que l'employeur a eu une connaissance précise et complète de ces faits au plus tard à la fin du mois d'octobre 2018.

La salariée est donc fondée à opposer la prescription de ce grief.

S'agissant du grief relatif aux abonnements téléphoniques et SDSL, il est établi par la copie du sms produite par la salariée que l'employeur en avait connaissance depuis le 26 octobre 2018, ce dernier ne justifiant d'aucune mesure d'investigation ultérieure.

La salariée est donc fondée à opposer la prescription de ce grief.

S'agissant du grief relatif aux abonnements et accès à des logiciels ou bases de données spécifiques au secteur professionnel de la carrosserie, l'employeur ne démontre pas qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites.

Enfin, la société soutient que la salariée a contracté avec la société Masternaut des abonnements et un équipement permettant de géolocaliser les camions qui ont bénéficié en réalité à une autre société.

Ce grief, qui ne figure au surplus pas dans la lettre de licenciement, apparaît toutefois prescrit dès lors que les relevés d'utilisation qui ont permis la découverte de ce fait datent au plus tard du 26 octobre 2018 et que la société ne justifie pas en avoir eu connaissance postérieurement, ni d'aucune mesure d'investigation ultérieure.

S'agissant des autres griefs :

A titre préliminaire, il sera rappelé qu'une faute du salarié ne peut être retenue comme motif de licenciement que si elle a été commise après la conclusion du contrat de travail.

La société appelante ne pouvait donc fonder le licenciement sur des faits antérieurs à la conclusion du contrat de travail que dans la mesure où les griefs en cause étaient également susceptibles de se rattacher à l'exécution du contrat de travail de l'intimée.

Dès lors, le manquement à l'obligation de loyauté de la salariée durant l'exercice de ses fonctions de directrice exécutive, consistant à ne pas informer la direction d'irrégularités dont elle aurait eu connaissance voire auxquelles elle aurait participé en qualité de gérante antérieurement au contrat de travail, demeurait invocable par l'employeur au regard des obligations découlant de son contrat de travail, et notamment celle de remonter les informations à la présidente concernant la vie de l'entreprise, et de garantir l'intégrité de l'entreprise.

En premier lieu, la société Dir'Auto reproche à Mme [Y] épouse [G] d'avoir fait supporter à la société, depuis 2001, le coût d'une femme de ménage travaillant en réalité au domicile de son père. Ce grief ne figure toutefois pas dans la lettre de licenciement, de sorte que la société ne peut utilement s'en prévaloir.

En deuxième lieu, la lettre de licenciement mentionne un grief relatif à du matériel de carrosserie facturé à la société Dir'Auto mais non présent dans les ateliers de la société.

Ce grief n'est toutefois étayé par aucun élément probant, alors que la salariée produit une attestation émanant du directeur commercial qui indique avoir constaté, au cours de vérifications effectuées en présence d'un huissier de justice qui accompagnait Mme [P], que le matériel correspondant aux factures était bien présent à la carrosserie.

En troisième lieu, la lettre de licenciement mentionne un grief relatif à des licences et valises de diagnostic Wurth dont la salariée aurait fait bénéficier les carrosseries de son entourage familial.

Ce grief, qui apparaît exclusivement lié à la gestion passée de la société, n'est toutefois étayé par aucun élément probant, alors que la salariée produit des factures tendant à démontrer qu'aucune irrégularité ne lui était imputable à cet égard.

En quatrième lieu, la société reproche à la salariée d'avoir fait bénéficier d'autres entreprises familiales du groupe de véhicules de courtoisie.

Les pièces versées aux débats ne permettent toutefois pas de caractériser l'existence d'un comportement fautif de la salariée constitutif d'un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail.

En outre, ainsi que le relève l'intimée, les irrégularités invoquées relatives à l'absence de certains contrats de location dans les archives de la société, à l'absence de cachet de la société ou à l'absence d'indication dans les contrats du kilométrage des véhicules ne permettent pas d'établir que la location des véhicules concernés aurait eu lieu au bénéfice de sociétés relevant du cercle familial de l'intéressée.

Il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que la juridiction prud'homale a jugé le licenciement de Mme [Y] épouse [G] dépourvu de cause réelle et sérieuse

En ce qui concerne l'existence d'un lien entre la dénonciation effectuée par la salariée et son licenciement :

Il résulte des développements qui précèdent que le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par la salariée d'agissements de harcèlement moral et le licenciement.

Or en l'espèce, il ressort des éléments produits que la salariée avait entamé des négociations en vue d'obtenir une rupture conventionnelle de son contrat de travail. Le 7 novembre 2018, celle-ci a adressé à sa supérieure hiérarchique un sms en ces termes : « N'ayant pas eu de réponse à mon précédent message... Je vous informe que mon arrêt de travail a été prolongé jusqu'au 15 novembre 2018. Savez-vous où en sont les négociations concernant mon départ ' Je reste disponible si vous avez besoin que nous échangions par téléphone sur ce sujet. ».

Par courriel du 20 novembre 2018, Mme [P] lui a répondu en ces termes : « Lorsque vous m'avez demandé d'accepter votre départ ('), vous me disiez que vous deviez rejoindre une autre entreprise familiale pour les raisons personnelles que vous avez développées lors de cet échange. L'organisation de votre départ était sans compter les nombreux nouveaux désordres que nous avons constatés depuis. Vous étiez en copie d'un certain nombre de mails qui vous ont tenus informée. La gestion de ces désordres est devenue ma priorité et nécessite toute mon attention et la majeure partie de mon temps depuis plus d'un mois. Et dans la mesure où vous êtes en arrêt maladie, je ne prends en effet pas de temps pour des échanges avec vous. (')

A votre demande d'un échange en tête à tête et sur la question de la remise en cause des conditions de votre départ, je vous réponds que j'ai plutôt prévu que nos conseils respectifs soient présents lors de notre prochain entretien. ».

Mme [Y] épouse [G] a adressé le 21 novembre 2018, à la direction d'un courrier dénonçant des agissements de harcèlement moral et des comportements délictuels, indiquant se placer sous le dispositif instaure une protection en faveur du salarié qui dénonce des agissements de harcèlement moral.

La chronologie de ces échanges, dont il ressort que la dénonciation effectuée par l'intimée est intervenue le lendemain du courriel du 20 novembre 2018 lui indiquant que les désordres constatés remettaient en cause les conditions de son départ négocié, tend à démontrer que la procédure disciplinaire engagée le 2 janvier 2019 n'est pas liée à sa dénonciation du 21 novembre 2018.

Le jugement sera donc confirmé, pour ce motif, en ce qu'il a rejeté les demandes relatives à la nullité du licenciement.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En ce qui concerne le rappel de salaire pour la période du 2 au 16 janvier 2019 :

Compte tenu des considérations qui précèdent, la mise à pied prononcée à titre conservatoire par l'employeur n'était pas justifiée au sens des dispositions de l'article L.1332-3 du code du travail, de sorte que le la salariée est fondée à réclamer le paiement du salaire dû pendant la période de mise à pied. Le jugement sera confirmé à cet égard.

En ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés correspondants :

Il résulte des développements qui précèdent qu'en l'absence de faute grave, la salariée peut prétendre, en application des dispositions des articles L. 1234-5 et L. 1234-1 du code du travail, à une indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés correspondants, laquelle a été justement évaluée par les premiers juges. Le jugement sera donc également confirmé sur ce point.

En ce qui concerne l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

La salariée demande l'infirmation du jugement lui ayant alloué, sans aucune motivation, une somme de 26 434,02 euros à ce titre, correspondant à un peu plus de 3 mois de salaire. Elle demande une indemnité correspondant à 14 mois de salaires, soit la somme de 123 358,76 euros, faisant valoir qu'elle bénéficiait d'une ancienneté de 17 années au sein de la société Dir'Auto, qui compte plus de 11 salariés, et qu'elle n'a pas pu retrouver d'emploi équivalent à celui qu'elle occupait au sein. Elle indique que le fait qu'elle ait perçu une somme de 70 000 euros au titre de la cession, avant imposition sur la plus-value qui a significativement réduit ce montant, qui constitue un revenu en capital issu de son statut d'associée, ne saurait rentrer être pris en compte pour l'appréciation du préjudice subi du fait de son licenciement. Elle ajoute que son salaire en qualité de directrice exécutive salariée a été fixé à la somme de 8 624 euros afin qu'elle conserve un niveau de rémunération comparable à celui qu'elle avait avant la cession.

La société soutient qu'il ne saurait lui être alloué à ce une indemnisation supérieure à 25 872 euros, seuil minimal équivalent à 3 mois de salaire au regard de son ancienneté de 17 ans. Elle indique que l'intimée percevait, juste avant la cession, une rémunération de 4 146 euros en sa qualité de gérante salariée, largement inférieure à celle alléguée, et fait valoir qu'elle a immédiatement retrouvé un emploi après son licenciement dans une entreprise familiale. Elle soutient que son préjudice économique de l'intimée est donc sans commune mesure avec celui qu'elle allègue.

Il est constant qu'en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, la salariée peut prétendre à une indemnité comprise, compte tenu de son ancienneté et de l'effectif de la société, entre 3 et 14 mois de salaire brut.

Il sera relevé que l'intimée ne peut utilement se prévaloir, pour la détermination de son

préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, des avantages en nature et dividendes qu'elle percevait en sa qualité d'associé antérieurement à la cession de l'entreprise. À l'inverse, la société n'est pas fondée à se prévaloir de la somme perçue par l'intimée au titre de la cession.

La salariée produit un contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er mars 2019 consenti par une société de carrosserie automobile représentée par son fils, gérant de cette société, mentionnant qu'elle était engagée en qualité de responsable administratif et financier moyennant un salaire brut mensuel de 4 591,57 euros, ainsi que des bulletins de salaire émis par cette société jusqu'au 31 mars 2021.

En l'absence de production de ses avis d'imposition et d'éléments actualisés de sa situation, et compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, ces éléments ne suffisent toutefois pas à établir le quantum du préjudice dont elle se prévaut au titre de l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces, il y a lieu de considérer que c'est par une juste appréciation que la juridiction prud'homale a fixé le montant de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que le jugement sera confirmé.

En ce qui concerne l'indemnité contractuelle de rupture:

La salariée demande l'infirmation du quantum retenu par le conseil de prud'hommes à hauteur de 133 672 euros et réclame une somme de 137 984 euros au titre de l'indemnité contractuelle de licenciement, calculée en retenant une base de 24 mois de rémunération mensuelle fixe, soit 206 976 euros (8.624 € x 24), déduction faite du montant de la rémunération mensuelle fixe de chaque mois civil écoulé entre le 2 mai 2018 et le 16 janvier 2019, soit pour 8 mois pleins écoulés, la somme de 68 992 euros.

La société soutient, d'une part, que cette indemnité n'est pas due compte tenu de la déloyauté de l'intimée, dès lors que le défaut de bonne exécution du contrat par l'une des parties exonère l'autre partie du respect de ses obligations.

Elle soutient, d'autre part, qu'à supposer cette clause applicable en dépit de la mauvaise foi de l'intéressée, celle-ci constitue une clause pénale dont le montant doit être réduit à zéro dès lors que ce quantum est totalement démesuré et manifestement excessif. Elle indique notamment que la dépense imposée à l'employeur au terme de l'indemnité contractuelle est égale à plus du triple de l'indemnité légale de licenciement qui s'élèverait à de 43 810,35 euros, que cette clause est injustifiée et dérogatoire au droit commun dès lors qu'elle énonce que l'indemnité sera versée en cas de rupture à l'initiative de la société ou de démission du salarié, qu'elle est calculée en tenant compte de la reprise d'ancienneté que l'intéressée avait acquise durant l'exercice de son mandat social, et qu'elle est en inadéquation avec la nature des fonctions exercées par la salariée.

En l'espèce, le contrat de travail prévoit, en son article 13 relatif à la rupture du contrat :

« (CF Term Sheet signé le 5 mars 2018).

En cas de rupture à l'initiative de la société ou de démission du salarié, y compris en cas de licenciement pour inaptitude, rupture conventionnelle, départ à la retraite, la salariée percevra une indemnité contractuelle de rupture d'un montant égal à :

- 24 mois de rémunération mensuelle fixe brute telle qu'existant à la date de la rupture, si la rupture intervient au jour du transfert du contrat de travail ; cette indemnité globale comprendra les indemnités légales ou conventionnelles (mais non les congés payés et le préavis) et sera dégressive par fraction de 1/24 ème chaque mois civil écoulé décompté depuis le transfert du contrat de travail ;

- A 6 mois de rémunération mensuelle fixe brute telle qu'existant à la date de la rupture, si la rupture intervient à compter du 18 ème mois écoulé depuis le transfert du contrat de travail »

Sous réserve de dispositions conventionnelles ou légales plus favorables à la salariée..

Il sera relevé que les parties s'accordent sur le fait qu'à la date de notification de licenciement, les modalités applicables de la clause litigieuse correspondaient aux conditions relatives à l'indemnité contractuelle et dégressive de 24 mois de rémunération mensuelle fixe brute.

S'agissant de la déloyauté dont se prévaut la société pour écarter, sur le fondement de l'exception d'inexécution, l'application de cette clause, ce moyen sera écarté dès lors que la clause ne comporte aucune mention à cet égard et est due quel que soit le motif de rupture.

S'agissant de la demande tendant à la réduction du montant de cette indemnité compte tenu de son caractère manifestement excessif, il est observé, en premier lieu, qu'ainsi que le relève la société, la qualification de clause pénale induit, le cas échéant, la mise en 'uvre d'un pouvoir modérateur de la part du juge, en application de l'article 1152 du code civil devenu l'article 1231-5.

Selon ce dernier texte, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Or en l'espèce, les conditions de qualification de clause pénale de la clause litigieuse, donc d'application de ce texte, n'apparaissent pas réunies dès lors que cette clause ne tend pas à l'indemnisation forfaitaire résultant de l'inexécution d'un engagement d'une partie, mais s'applique en cas de rupture du contrat de travail, à l'initiative de la société ou de démission du salarié.

En tout état de cause et au surplus, l'indemnité contractuelle de rupture ne présente pas un caractère excessif eu égard aux conditions de négociation du contrat de travail, à l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, à son âge et à ses fonctions.

Les moyens développés par l'appelante seront donc écartés.

S'agissant des modalités de calcul de cette indemnité, il y a lieu de retenir le montant allégué par la salariée et de lui allouer, par voie d'infirmation, à ce titre une somme de 137 984 euros au titre de l'indemnité contractuelle de rupture.

En ce qui concerne l'indemnité pour insuffisance de motivation de la lettre de licenciement :

Il résulte de l'article L. 1232-6 du code du travail que la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, la datation des faits invoqués n'étant toutefois pas nécessaire et l'employeur étant en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs.

Selon l'article L.1235-2 du code du travail, à défaut pour le salarié d'avoir formé auprès de l'employeur une demande en application de l'alinéa premier, l'irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.

En l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l'indemnité allouée conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3.

En l'espèce, la lettre de licenciement de Mme [Y] épouse [G] énonce des griefs suffisamment précis et matériellement vérifiables pouvant être discutés devant les juges du fond.

Mme [Y] épouse [G] n'est donc, en tout état de cause, pas fondée à réclamer l'indemnité sollicitée et le jugement sera, pour ce motif, confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et circonstances vexatoires et humiliantes ayant entouré le licenciement :

D'une part, dès lors qu'il résulte des développements qui précèdent que le harcèlement moral allégué n'est pas caractérisé, aucune demande indemnitaire ne peut être accueillie sur ce fondement.

D'autre part, il est constant qu'indépendamment de la question de son bien-fondé, le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation.

Toutefois au cas présent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement pour faute lourde de la salariée aurait été effectué dans des conditions vexatoires et humiliantes, la seule circonstance qu'elle s'est vu privée de la portabilité de sa complémentaire santé et de sa prévoyance ne suffisant pas à établir de telles conditions. Les allégations, au demeurant non établies par les éléments produits, de l'intimée quant au fait que l'employeur aurait cherché, au mois de juin 2020, à la contraindre d'accepter un accord transactionnel au rabais ne permettent pas davantage de caractériser l'existence de circonstances vexatoires et humiliantes ayant entouré le licenciement intervenu le 16 janvier 2019.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande présentée à ce titre par la salariée.

Sur les intérêts :

Il sera rappelé que les créances salariales portent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de jugement et les créances indemnitaires portent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne.

En application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière.

Sur les autres demandes :

Il y a lieu d'ordonner à la société de remettre à la salariée les bulletins de salaire conformes au présent arrêt.

Sur la demande reconventionnelle de la société :

La société réclame une somme de 176 830 euros correspondant à la totalité des frais qu'elle estime imputables à l'intimée.

La responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde, définie comme commise avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, l'existence de faits, distincts de ceux visés par la lettre de licenciement, demeurant susceptibles de caractériser une faute lourde.

En l'espèce toutefois, la société fonde (en page 24 de ses conclusions) sa demande de remboursement sur le bien-fondé du licenciement de la salariée pour faute lourde, lequel a été écarté par la Cour. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les frais du procès :

Au regard de ce qui précède, le jugement sera confirmé sur la condamnation aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société sera condamnée aux dépens d'appel, les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant en revanche rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a condamné la société Dir'auto à payer à Mme [U] [Y] épouse [G] la somme de 133 672 euros au titre de l'indemnité contractuelle de rupture du contrat de travail ;

STATUANT A NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :

CONDAMNE la société Dir'auto à payer à Mme [Y] épouse [G] la somme de 137 984 euros au titre de l'indemnité contractuelle de rupture ;

RAPPELLE que les créances salariales portent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de jugement et que les créances indemnitaires portent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE la société Dir'auto aux dépens d'appel ;

ENJOINT à la société Dir'auto de remettre à Mme [Y] épouse [G] les bulletins de salaires conformes au présent arrêt ;

REJETTE les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

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