CA Versailles, ch. com. 3-1, 19 novembre 2025, n° 23/07391
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30C
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 NOVEMBRE 2025
N° RG 23/07391 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WFBO
AFFAIRE :
[G] [M]
...
C/
S.A. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2023 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Versailles
N° RG : 22/05133
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Philippe CHATEAUNEUF
Me Oriane DONTOT
TJ VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [G] [M] - [Adresse 13]
Monsieur [H] [M] - [Adresse 4]
Madame [C] [M] - [Adresse 7]
Monsieur [X] [U] - [Adresse 8]
Madame [O] [K] épouse [U] - [Adresse 2]
Monsieur [S] [U] - [Adresse 1]
Monsieur [G] [U] - [Adresse 11]
Monsieur [Y] [U] - [Adresse 5]
Représentés par Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 et Me Justine POUVESLE & Me Emmanuelle CHAVANCE de la SELARL BJA, plaidant, avocats au barreau de Paris
APPELANTS
****************
S.A. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE - RCS Paris n° 552 120 222 - [Adresse 10]
Représentée par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me PAULHAC & Me André GUILLEMAIN de la SCP GUILLEMAIN PANEPINTO, plaidant, avocats au barreau de Paris
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Octobre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 8 avril 2011, MM. [B] [U], [J] [U], [S] [U], [G] [U], [X] [U], [Y] [U] ainsi que Mmes [W] [T], [O] [K], [R] [U] et [V] [U] ont renouvelé, pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 2009, le bail commercial consenti à la Société générale, portant sur des locaux dépendant d'un ensemble immobilier situé à l'angle de [Adresse 22] et de [Adresse 21] à [Localité 20] (78), moyennant un loyer annuel en principal de 240.000 euros.
MM. [B] [U], [J] [U] ainsi que Mmes [W] [T], [R] [U] et [V] [U] sont successivement décédés, laissant pour leur succéder MM. [S] [U], [G] [U], [G] [M], [H] [M] ainsi que Mmes [O] [K] et [C] [M].
Par acte extrajudiciaire délivré le 24 juillet 2018, la Société générale a demandé le renouvellement de son bail à compter du 1er octobre 2018, moyennant un loyer annuel de 185.000 euros.
Après avoir refusé le renouvellement du bail, les consorts [U] et [M] ont exercé leur droit de repentir et demandé la fixation du loyer du bail renouvelé à la somme de 262.080 euros.
Par actes des 20, 21, 22 et 24 juillet 2020, la Société générale a assigné les consorts [U] et [M] devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Versailles, lequel a, par jugement du 18 décembre 2020, ordonné avant dire droit une expertise sur la valeur locative des locaux au 1er octobre 2018 et commis pour y procéder M. [A] [F].
Dans son rapport, déposé le 19 novembre 2021, l'expert judiciaire a conclu à une valeur locative des locaux, au 1er octobre 2018, de 234.500 euros par an hors charges et hors taxes.
Dans son dernier mémoire notifié le 14 juin 2023, la Société générale a demandé au juge des loyers commerciaux de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018, à titre principal à la somme annuelle de 125.400 euros, à titre subsidiaire à celle de 126.400 euros, à titre très subsidiaire à celle de 234.500 euros telle que déterminée par l'expert judiciaire, à titre infiniment subsidiaire au montant du loyer plafonné soit 263.500 euros.
Dans leur dernier mémoire notifié le 12 mai 2023, les consorts [U] et [M] ont demandé au juge des loyers commerciaux de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018, à titre principal à la somme annuelle de 265.322 euros hors taxes et hors charges, à titre subsidiaire à celle de 260.120 euros hors taxes et hors charges.
Par jugement du 14 septembre 2023, le juge des loyers commerciaux a :
- fixé, à compter du 1er octobre 2018, à la somme de 164.378,70 euros par an, hors charges et hors taxes, le montant du loyer du bail renouvelé ;
- dit que les intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du bail renouvelé et le montant du loyer provisionnel courent à compter de la notification à la Société générale du premier mémoire en défense des consorts [U] et [M] et qu'ils pourront être capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;
- dit que chaque partie restera tenue des frais irrépétibles qu'elle a engagés pour la défense de ses droits ;
- partagé par moitié entre les parties les dépens de l'instance, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire diligentée, et dit que la condamnation aux dépens sera prononcée in solidum s'agissant des consorts [U] et [M] ;
- rejeté les autres demandes ;
- rappelé que l'exécution provisoire de la décision est de droit et que la décision est un titre exécutoire qui permet au créancier d'agir à ses risques et péril en exécution forcée pour recouvrer le trop-perçu de loyer sous réserve du recours au droit d'option prévu par l'article L.145-57 du code de commerce.
Par déclaration du 27 octobre 2023, les consorts [M] et [U] ont interjeté appel du jugement en chacune de ses dispositions.
Par dernières conclusions n°3 remises au greffe et notifiées par RPVA le 24 septembre 2024, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, :
- de fixer le montant du loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 à la somme de 272.000 euros par an en principal, subsidiairement à celle de 263.035 euros par an en principal ;
- de dire que les rappels de loyers porteront intérêts au taux légal depuis la date de leur premier mémoire en défense et que les intérêts pourront être capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
- de condamner la Société générale à leur régler la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens y compris le coût de l'expertise, avec droit de recouvrement direct.
Par dernières conclusions n°3 remises au greffe et notifiées par RPVA le 19 novembre 2024, la Société générale demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
- fixé, à compter du 1er octobre 2018, à la somme de 164.378,70 euros par an, hors charges et hors taxes, le montant du loyer du bail renouvelé ;
- dit que chaque partie restera tenue des propres frais irrépétibles ;
- partagé par moitié entre les parties les dépens de l'instance, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire diligentée ;
- rejeté les autres demandes ;
et, statuant à nouveau :
- à titre principal, de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 à la somme annuelle de 125.400 euros ;
- à titre subsidiaire, de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 à la somme annuelle de 126.400 euros ;
- à titre très subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 à la somme de 164.378,70 euros par an hors charges et hors taxes ;
- à titre encore plus subsidiaire, de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 à la somme annuelle de 234.500 euros, telle que déterminée par l'expert judiciaire ;
- à titre infiniment subsidiaire, de fixer le montant du loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 au loyer plafonné, soit la somme de 263.035,14 euros hors taxes et hors charges ;
- en toute hypothèse, de débouter les consorts [M] et [U] de l'ensemble de leurs demandes, de les condamner in solidum à lui payer la somme de 8.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et la somme de 10.000 euros au titre de ceux d'appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 juin 2025.
SUR CE,
Sur le loyer du bail renouvelé
Les consorts [M] et [U] soutiennent que le loyer de renouvellement doit être fixé à la valeur locative, par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, en application de l'article L.145-36 du code de commerce complété par l'article R.145-11, qui institue pour les locaux à usage de bureaux un régime dérogatoire et écarte le principe du plafonnement de l'article L.145-34 du même code.
En réplique, ils font valoir que la destination du bail est limitée à l'activité d'agence bancaire telle qu'exercée par la Société générale et que le bail ne permet pas la cession du droit au bail ou la sous-location pour une autre activité.
Ils demandent de retenir une valeur locative au 1er octobre 2018 de 150.810 euros pour l'agence bancaire et de 120.200 euros pour les bureaux situés au 1er étage, soit une valeur locative totale de 271.010 euros. A titre subsidiaire, ils demandent que le montant du loyer du bail renouvelé soit fixé au montant du loyer plafonné, soit 263.035 euros.
La Société générale soutient, au visa de l'article L.145-33 du code de commerce, que le loyer de renouvellement doit être fixé à la valeur locative, laquelle s'avère inférieure au montant du loyer en vigueur lors du renouvellement au 1er octobre 2018 ; que toutefois, dans l'hypothèse où la valeur locative des locaux serait supérieure au montant du dernier loyer acquitté, l'article L.145-34 du code de commerce trouverait à s'appliquer et le montant du loyer plafonné, soit 263.035 euros, devrait être retenu dès lors que les clauses de cession et de sous-location tous commerces stipulées au bail font échec aux dispositions de l'article R.145-11 du même code et que les bailleurs ne justifient d'aucun motif de déplafonnement.
Sur ce,
- Sur l'application de l'article R.145-11 du code de commerce
L'article L.145-36 alinéa 1er du code de commerce prévoit que « les éléments permettant de déterminer le prix des baux des terrains, des locaux construits en vue d'une seule utilisation et des locaux à usage exclusif de bureaux sont fixés par décret en Conseil d'Etat ».
L'article R.145-11 de ce code, dont l'application est revendiquée par les bailleurs et déniée par le preneur, dispose :
« Le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article R.145-7 sont en ce cas applicables ».
Ce texte instaure ainsi, pour les locaux à usage exclusif de bureaux, un régime spécial, dérogatoire au principe du plafonnement énoncé à l'article L.145-34 du code de commerce.
Il est admis que les locaux à usage de banque dont l'activité essentielle est d'ordre comptable, administratif ou juridique et n'est pas affectée par la réception des clients, répondent à la définition de l'article R.145-11 du code de commerce.
Cependant ne peuvent être considérés comme des locaux à usage exclusif de bureaux des locaux dans lesquels le bail prévoit une faculté de cession ou de sous-location 'tous commerces'. Le bailleur ne peut alors revendiquer le bénéfice de l'article R.145-11 du code de commerce.
En l'espèce, le contrat de bail stipule, au titre de la destination des lieux, que « les locaux faisant l'objet du présent bail renouvelé devront, comme auparavant, être exclusivement consacrés par la Société générale à l'exploitation du commerce de banquier et notamment de l'agence de la Société générale à [Localité 20] ».
Il en ressort que les locaux sont destinés exclusivement à usage de banque et donc de bureaux.
Le contrat de bail prévoit par ailleurs que « la société preneuse pourra céder son droit au présent bail ou sous-louer tout ou partie des lieux qui lui sont loués pour tout commerce autre que ceux-ci-après indiqués, avec l'agrément des bailleurs, mais en restant garante et répondante solidaire de ses cessionnaires ou sous-locataires pour le paiement des loyers et l'exécution des clauses et conditions du bail.
Les cessions et sous-locations sont expressément interdites pour les commerces ou activités suivants : alimentation et les commerces bruyants, malodorants ou dangereux ».
Cette clause interdit uniquement l'exercice dans les lieux loués de commerces alimentaires, bruyants, malodorants ou dangereux ; elle ne circonscrit pas l'activité susceptible d'être exercée par un cessionnaire ou un sous-locataire à celle impliquant une occupation des locaux à usage exclusif de bureau.
Le fait que la cession du droit au bail ou la sous-location soit subordonnée à l'agrément des bailleurs a seulement pour effet de permettre le contrôle des bailleurs sur le candidat cessionnaire ou sous-locataire et sur la nature de l'activité qui sera exercée dans les locaux.
La clause de cession et sous-location exclut en conséquence l'affectation des locaux à un usage exclusif de bureaux, de sorte que les consorts [M] et [U] ne peuvent revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article R.145-11 du code de commerce, qui ne sont pas applicables au litige.
La demande principale des bailleurs doit donc être écartée.
- Sur la détermination du loyer du bail renouvelé
Aux termes de l'article L.145-33 du code de commerce :
« Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1° - Les caractéristiques du local considéré ;
2° - La destination des lieux ;
3° - Les obligations respectives des parties ;
4° - Les facteurs locaux de commercialité ;
5° - Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ».
L'article L.145-34 du même code pose le principe d'un plafonnement du loyer d'un bail n'excédant pas neuf ans, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33.
En l'espèce, les consorts [M] et [U] n'invoquent aucun motif de déplafonnement et leur demande subsidiaire vise à fixer le loyer du bail renouvelé au montant du loyer plafond, étant précisé que les parties s'accordent sur le montant du loyer plafonné de 263.035 euros, en corrigeant l'erreur de calcul faite par le juge des loyers.
Le montant du loyer renouvelé sera donc fixé par référence à la valeur locative du local commercial, conformément aux dispositions précitées de l'article L.145-33 du code de commerce.
Sur les caractéristiques du local considéré
Les locaux dépendent d'un ensemble immobilier en copropriété situé à l'angle de [Adresse 22] et de [Adresse 21], dans le centre-ville de la commune de [Localité 20]. Le rapport d'expertise judiciaire fait état, dans l'environnement des locaux, de nombreux commerces et services (banques, assurances, pharmacie, agence immobilière, supermarché et superette, caviste, chocolatier, coiffeur, magasins d'habillement, de décoration, '), d'un habitat hétérogène avec de petits immeubles de deux étages, des pavillons et quelques immeubles R+4/5. Un marché se tient deux fois par semaine sur la [Adresse 24] située à proximité des locaux. Des parkings publics sont situés non loin et la desserte par les transports en commun est assurée par les lignes J et L du Transilien et la ligne A du RER via la gare de [Localité 20] située à environ 400 mètres, outre les lignes de bus et la ligne T2 du tramway.
L'expert judiciaire a conclu que la commercialité des lieux est bonne et le juge des loyers a souligné à raison que l'installation de plusieurs agences bancaires aux alentours en témoigne.
La Société générale considère que la qualité de l'emplacement mérite d'être relativisée au regard de l'insécurité grandissante dans ce quartier de la ville. Cependant, les articles de presse dont elle se prévaut relatent des incidents qui se sont produits courant 2020, soit postérieurement à la date d'effet du renouvellement du bail, et ne peuvent de ce fait remettre en cause le caractère favorable de l'emplacement.
L'ensemble immobilier, à usage mixte, dont dépendent les locaux est composé de deux bâtiments communiquant entre eux, à savoir un bâtiment principal (bâtiment A) élevé sur sous-sol, d'un rez-de-chaussée, de quatre étages droits et d'un cinquième étage en retrait, avec un accès depuis [Adresse 22], implanté à l'angle de cette avenue et de [Adresse 21], et un bâtiment (bâtiment B) côté [Adresse 21], élevé sur sous-sol, d'un rez-de-chaussée et d'un étage, avec un linéaire de façade côté [Adresse 22] d'environ 13,50 mètres et côté [Adresse 21] d'environ 28 mètres. Le rez-de-chaussée et le premier étage bénéficient d'une importante signalétique, outre d'une enseigne drapeau à l'angle des deux avenues.
La construction du bâtiment A est en béton avec façade en parements de marbre et menuiseries en aluminium, celle du bâtiment B est en béton, façade avec parement et toiture terrasse.
Selon le bail, les locaux occupent :
« La totalité du sous-sol du bâtiment principal s'ouvrant [Adresse 22], à l'exception d'une partie à usage de cave, réservée par les Bailleurs.
- La totalité des locaux situés au rez-de-chaussée du bâtiment principal [Adresse 22] et un local de 120 m² environ situé [Adresse 21] (') et un local de 170 m² situé au premier étage contigu aux locaux sus-évoqués (').
- Des locaux au 1er étage composés de deux bureaux et d'une partie arrière au [Adresse 6] ('). »
Les locaux en rez-de-chaussée sont accessibles par deux accès distincts : l'entrée par [Adresse 22] permet au public d'accéder aux distributeurs en libre-service puis à l'agence bancaire via un sas sécurisé et l'entrée par [Adresse 21], réservée au personnel, débouche par une porte sécurisée sur un hall où se trouvent un ascenseur et un escalier reliant le 1er étage.
L'agence bancaire est constituée au rez-de-chaussée d'un vaste hall central avec comptoir d'accueil et espaces d'attente, de bureaux cloisonnés autour du hall donnant soit sur [Adresse 21] soit sur [Adresse 22] pour les bureaux bénéficiant d'un éclairage en premier jour et de bureaux en deuxième jour ou aveugles situés en partie centrale de l'espace. Il existe également un coin cuisine pour le personnel et des sanitaires.
Le sous-sol, où se trouvent la salle des coffres et divers locaux techniques, est accessible par un escalier en pierre.
Le premier étage est accessible soit depuis les locaux en rez-de-chaussée du bâtiment A par un escalier de liaison interne et un ascenseur, soit par un accès indépendant [Adresse 21]. Les locaux situés dans le bâtiment A sont aménagés en bureaux cloisonnés éclairés en premier jour et pour partie en deuxième jour, autour d'un vaste espace central, et ceux situés dans le bâtiment B sont composés d'un espace d'attente, d'une salle de réunion avec cuisine éclairée par des skydomes, d'une salle réservée au comité d'entreprise et d'un local « économat ». Cet étage comporte aussi des sanitaires.
L'expert judiciaire a constaté que les locaux étaient en très bon état et si la société preneuse fait état de dégâts des eaux récurrents dans les locaux, elle ne produit pour en justifier qu'un procès-verbal de constat du 6 juillet 2020, postérieur à la date d'effet de renouvellement du bail.
Sur la pondération des surfaces
Les consorts [M] et [U] demandent de retenir une surface pondérée de 457 m²p pour l'agence bancaire et de 601 m²p pour les bureaux, soit un total de 1.058 m²p, en indiquant que la surface du 1er étage, assimilable à des bureaux, ne doit pas être pondérée et qu'elle doit être retenue pour sa surface utile de 601 m², en raison de l'accès indépendant par [Adresse 21], en plus de l'escalier interne conduisant au rez-de-chaussée. Elle considère que la pondération doit être uniquement immobilière et que seules peuvent être prises en compte les caractéristiques des locaux, indépendamment de l'affectation qui leur a été donnée par le preneur. Elle affirme qu'en tout état de cause, le 1er étage n'est pas accessible au public. Elle ajoute s'agissant du rez-de-chaussée que la notion de « zone mixte » utilisée par le preneur est absente de la Charte de l'expertise et que le fait que la clientèle ait accès à cette zone suffit pour la considérer comme une surface de vente. Elle indique enfin qu'il n'est pas possible d'appliquer un coefficient de pondération unique pour toute la surface du sous-sol (222 m²), la salle des coffres, accessible au public, devant être pondérée selon un coefficient de 0,4, les annexes reliées selon un coefficient de 0,2, la salle informatique et les dégagements selon un coefficient de 0,1.
La Société générale demande de retenir une surface pondérée de 627 m². Elle soutient que la pondération doit être strictement immobilière, pour permettre une utile comparaison avec les références « boutique », que les niveaux « bureaux » ne doivent pas être distingués des niveaux « boutique » et que la pondération retenue par l'expert judiciaire doit donc être corrigée. Elle fait valoir que le 1er étage, composé de bureaux cloisonnés, permet de recevoir une clientèle professionnelle, de sorte que la pondération de cette surface doit être faite au même titre que le sous-sol et le rez-de-chaussée. Elle demande de pondérer la surface du 1er étage (601 m²) selon un coefficient de 0,45, en soulignant que l'ensemble des locaux, relié par un escalier interne, est indivisible et que l'existence d'un accès extérieur importe peu. S'agissant du rez-de-chaussée (411 m²), elle distingue trois zones, à savoir une zone de pleine clientèle (230 m²), une zone mixte (160 m²) et des locaux accessoires (21 m²), et propose de les pondérer respectivement selon des coefficients de 1, 0,5 et 0,2, au motif que la zone mixte est composée de bureaux permettant aussi bien de recevoir des clients que d'accueillir des stagiaires et/ou intérimaires. S'agissant du sous-sol (222 m²), elle fait valoir que la réception de la clientèle dans la salle des coffres (100 m²) est ponctuelle et que cette surface relève davantage de la catégorie des annexes reliées, ce qui justifie l'application d'un coefficient de pondération de 0,30.
Sur ce,
Le contrat de bail ne comporte aucune indication de surface.
Les parties s'accordent sur la surface utile de 1.234 m² (222 m² en sous-sol, 411 m² en rez-de-chaussée et 601 m² au 1er étage), issue des plans transmis par les bailleurs à l'expert judiciaire.
ll convient de rappeler qu'il est d'usage pour les bureaux-boutiques que sont les agences bancaires d'appliquer la grille de pondération préconisée pour les boutiques par la charte de l'expertise en évaluation immobilière, ici celle concernant les surfaces commerciales de 600 à 3.000 m².
Pour pondérer les surfaces, l'expert judiciaire a opéré une distinction en fonction de la nature des activités exercées et de leur localisation, à savoir agence bancaire en rez-de-chaussée et en sous-sol, d'une part, et bureaux au 1er étage, d'autre part ; il a en outre tenu compte du fait que l'étage bénéficie, en plus de l'accès intérieur, d'un accès indépendant par [Adresse 21]. L'expert judiciaire a retenu une surface pondérée de 401 m²p pour l'agence bancaire et de 601 m²p pour le 1er étage.
Cependant, c'est à juste titre que le juge des loyers a écarté la distinction opérée par l'expert judiciaire et appliqué à l'ensemble des locaux les règles de pondération des bureaux-boutiques, dès lors que le contrat de bail signé le 8 avril 2011 stipule que les locaux donnés à bail doivent « être exclusivement consacrés par la Société générale à l'exploitation du commerce de banquier et notamment de l'agence de la Société générale à [Localité 20] » et qu'ainsi les parties n'ont pas distingué le sous-sol et le rez-de-chaussée d'une part (agence bancaire) et le premier étage d'autre part (bureaux). En outre et indépendamment de l'existence d'un accès indépendant par [Adresse 21], la configuration des lieux (escalier de liaison avec le rez-de-chaussée, bureaux, salle d'attente) et les photographies figurant dans le rapport d'expertise judiciaire montrent que le premier étage n'est pas autonome et que, loin d'être comparable à de simples bureaux en étage, il a été aménagé de façon à pouvoir recevoir la clientèle de l'agence.
Sur le sous-sol (222 m²) :
Bien que le sous-sol comporte à la fois une salle des coffres et des locaux techniques, l'expert judiciaire a pondéré uniformément ces surfaces selon un coefficient de 0,1, en considérant la salle des coffres comme une annexe de l'activité de l'agence.
Or, la salle des coffres d'une surface de 100 m² est accessible au public, de sorte que le premier juge a pondéré cette surface selon un coefficient de 0,3, sur lequel la Société générale est d'accord. Toutefois, la charte de l'expertise en évaluation immobilière prévoit un unique coefficient de 0,4 pour les zones de vente situées en sous-sol et un coefficient de 0,10 à 0,20 pour les annexes diverses reliées.
La salle des coffres sera donc pondérée à hauteur de 0,4 (100 m² x 0,4) tandis que les locaux techniques le seront à hauteur de 0,1 (122 m² x 0,1), soit un total pour le sous-sol de 52,20 m² (40 + 12,20).
Sur le rez-de-chaussée (411 m²) :
Selon le rapport d'expertise judiciaire, le rez-de-chaussée comprend un hall central pour la réception de la clientèle, plusieurs bureaux cloisonnés, un coin cuisine et des sanitaires. Un escalier mène au sous-sol et un autre escalier relie le rez-de-chaussée au 1er étage.
L'expert judiciaire n'a pas pondéré la zone de vente (367,12 m²) et il a appliqué un coefficient de pondération de 0,3 aux zones de circulation (38,10 m²) et un coefficient de 0,1 à la partie sanitaires (5,78 m²), soit un total arrondi de 379 m²p.
Le juge des loyers a, quant à lui, distingué la zone de vente (210 m²), les bureaux (160 m²), les annexes reliées (35 m²) et les locaux techniques (6 m²) pour arriver, après pondération de la partie bureaux (0,8), des annexes reliées (0,3) et des locaux techniques (0,1), à un total de 349,10 m²p (210 + 128 + 10,5 + 0,6).
Il n'y a cependant pas lieu de traiter différemment la zone de vente de 210 m² et les bureaux, lesquels doivent être considérés comme une surface de vente dès lors qu'ils sont accessibles à la clientèle, peu important que ces bureaux puissent occasionnellement héberger des stagiaires ou des intérimaires.
La cour suivra donc les préconisations de l'expert judiciaire, qui a retenu pour le rez-de-chaussée une surface pondérée de 379 m².
Sur le 1er étage (601 m²) :
La charte de l'expertise en évaluation immobilière préconise une pondération comprise entre 0,4 et 0,5 pour les zones de vente, une pondération de 0,1 à 0,2 pour les annexes diverses reliées et une pondération de 0 à 0,1 pour les locaux techniques.
Selon le plan figurant dans le rapport d'expertise judiciaire, le 1er étage comprend, outre des bureaux, des sanitaires et un économat.
La Société générale proposant cependant d'appliquer un coefficient de pondération de 0,45 à l'ensemble de la surface du 1er étage, c'est ce coefficient qui sera retenu, à l'instar du premier juge.
La surface du 1er étage s'établit ainsi à 270,45 m²p (601 m² x 0,45).
Il en résulte une surface pondérée totale de 701,65 m²p (52,20 + 379 + 270,45), arrondie à 702 m²p.
Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage
L'expert judiciaire a estimé la valeur locative en renouvellement au 1er octobre 2018 à 330 euros/m²p/an pour l'agence bancaire et à 170 euros/m²p/an pour les bureaux.
Le juge des loyers a retenu comme la cour l'indivisibilité des locaux et fixé la valeur locative des locaux, avant corrections, à 270 euros/m²/an.
La Société générale considère que le juge des loyers n'a pas suffisamment tenu compte de la surface très importante des lieux loués et que le prix unitaire de 250 euros/m² constitue un maximum tandis que les consorts [M] et [U] proposent de retenir, tout au moins pour les locaux de l'agence bancaire (sous-sol et rez-de-chaussée), le prix unitaire de 330 euros/m² calculé par l'expert judiciaire.
L'expert judiciaire a analysé au total 23 références d'agences bancaires, en ce compris certaines des références communiquées par les parties, portant sur des nouvelles locations entre 2010 et 2017 (9), des renouvellements amiables de baux entre 2009 et 2018 (8) et des fixations judiciaires de loyers avec prise d'effet entre 2010 et 2014 (6).
Les références dont la date de prise d'effet est antérieure à 2015 doivent être écartées car elles sont trop anciennes par rapport à la date du renouvellement du bail de la Société générale (1er octobre 2018) pour servir de termes de comparaison.
Les consorts [M] et [U] reprochent au juge des loyers d'avoir déterminé la valeur locative au regard d'une seule référence du rapport d'expertise judiciaire, à savoir celle de l'agence BNP située [Adresse 9]. Ils invoquent plusieurs références d'agences bancaires. Toutefois, comme indiqué, les références trop anciennes ne peuvent être prises en compte et seules seront examinées celles concernant l'agence [18] à [Localité 20] et l'agence [17] à [Localité 20], qui figurent déjà dans le panel de l'expert judiciaire.
La Société générale fournit quatre références qu'elle estime pertinentes, soit parce qu'elle concerne la même activité d'agence bancaire, soit parce qu'elles portent sur des locaux de superficie comparable. Cependant, le bail Intermarché de juin 2012 apparait trop ancien par rapport à la date du renouvellement du bail litigieux et les éléments communiqués sur les fixations judiciaires de loyers pour le magasin [19] à [Localité 16] et la quincaillerie à [Localité 23] démontrent que la divisibilité des locaux a été retenue, de sorte que ces références ne sont pas des termes de comparaison pertinents. Seule la référence portant sur l'agence [17] à [Localité 20] sera retenue, étant précisé qu'elle figure déjà dans le panel de l'expert judiciaire.
La cour retiendra donc les cinq références suivantes, comme étant les plus pertinentes pour estimer la valeur locative des locaux loués :
- s'agissant des nouvelles locations :
- un bail portant sur une agence Crédit du nord située [Adresse 12], d'une surface pondérée de 132 m²p, avec une prise d'effet en janvier 2017, moyennant un loyer unitaire de 341 euros/m²p ;
- s'agissant des baux en renouvellement :
- un bail portant sur une agence [18] située [Adresse 14], d'une surface pondérée de 108,6 m²p, avec une prise d'effet en juillet 2018, moyennant un loyer unitaire de 414 euros/m²p ;
- un bail portant sur une agence BNP située [Adresse 3], d'une surface pondérée de 153 m²p, avec une prise d'effet en janvier 2017, moyennant un loyer unitaire de 358 euros/m²p ;
- un bail portant sur une agence Crédit agricole située [Adresse 15], d'une surface pondérée de 126,57 m²p, avec une prise d'effet en novembre 2016, moyennant un loyer unitaire de 310 euros/m²p ;
- un bail portant sur une agence BNP située [Adresse 9], d'une surface pondérée de 180 m²p, avec une prise d'effet en juillet 2015, moyennant un loyer unitaire de 278 euros/m²p ;
Ces références fournissent une fourchette de valeurs comprises entre 278 euros/m²p et 414 euros/m²p, étant souligné que les surfaces en cause sont très inférieures à celle des locaux objet du bail renouvelé de sorte que leur prix unitaire doit nécessairement être corrigé.
Aussi, au regard de l'ensemble des éléments précédemment développés concernant les caractéristiques des locaux loués, de la destination des lieux et de l'activité exercée, des facteurs locaux de commercialité et des prix couramment pratiqués dans le voisinage, le juge des loyers mérite d'être suivi en ce qu'il a fixé la valeur locative en renouvellement au 1er octobre 2018 à 270 euros/m²p.
Sur les correctifs à apporter à la valeur locative
Aux termes de l'article R.145-8 du code de commerce, « les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge ».
L'expert judiciaire a considéré qu'il n'y avait pas lieu de corriger la valeur locative.
Les consorts [M] et [U] sollicitent l'application à la valeur locative d'une majoration de 2%, compte tenu de l'obligation de non-concurrence mise à leur charge sur toute la commune de [Localité 20].
Ils s'opposent à un quelconque abattement au titre des travaux réalisés dans les lieux, qu'il s'agisse des travaux réalisés depuis l'entrée en jouissance dès lors que l'accession joue en fin de bail, des travaux réalisés depuis la date de renouvellement dès lors qu'il ne s'agit pas de travaux immobiliers mais de simples travaux d'aménagement de l'agence bancaire et d'entretien, sans impact sur la valeur locative ; quant à la surprime d'assurance, ils indiquent que l'activité d'agence bancaire ne donne pas lieu au paiement d'une surprime.
La Société générale relève que le juge des loyers a retenu une majoration de 2%, sans rechercher si les bailleurs étaient propriétaires d'autres locaux commerciaux dans la commune, et qu'en outre la clause de non-concurrence stipulée dans le bail est une clause de style, dans la mesure où l'on recense pas moins de sept autres établissements bancaires dans un rayon de 200 mètres autour des locaux loués. Elle en conclut que cet avantage est en réalité inexistant.
Elle sollicite une minoration de la valeur locative de 5% compte tenu du transfert sur le preneur des travaux de mise en conformité prescrits par l'administration et de la surprime d'assurance du bailleur.
Elle ajoute qu'au regard des aménagements réalisés dans l'agence bancaire, un abattement supplémentaire de 15% est justifié. Elle fait valoir que les locaux lui ont été remis bruts de béton en 1972, qu'en outre l'expert judiciaire a visité les locaux après une campagne de rénovation importante qu'elle a menée postérieurement à la date d'effet du renouvellement de sorte qu'il en a nécessairement tenu compte dans son appréciation de la valeur locative, qu'il ne s'agit pas de simples travaux d'aménagement mais de travaux de mise aux normes des locaux pour se conformer aux exigences sécuritaires des convoyeurs de fonds.
Sur la majoration au titre de l'obligation de non-concurrence
Le contrat de bail interdit aux bailleurs de « louer d'autres locaux pour l'exercice du commerce de banque ou pour toutes professions qui pourraient faire concurrence à la Société générale preneuse dans la commune de [Localité 20] pendant le cours du bail ».
Cette obligation de non-concurrence mise à la charge des bailleurs, qui s'étend à toute la commune de [Localité 20], va au-delà des usages habituels et la cour relève dans le contrat que les bailleurs sont par ailleurs propriétaires dans le même ensemble immobilier de locaux qu'ils occupent à titre d'habitation personnelle mais qu'ils ne s'interdisent pas de transformer éventuellement en locaux commerciaux, de sorte que la clause qui précède n'est pas qu'une clause de style.
La majoration de 2% de la valeur locative appliquée par le juge des loyers sera retenue.
Sur l'abattement au titre de la surprime d'assurance
Le contrat de bail stipule que « si la profession exercée par la société preneuse entraînait, soit pour les propriétaires, soit pour les colocataires, soit pour les voisins, des surprimes d'assurance, la preneuse serait tenue tout à la fois d'indemniser les bailleurs du montant de la surprime par eux payée et en outre de la garantie contre toutes réclamations d'autres locataires ou de voisins ».
Outre que les bailleurs indiquent sans être contestés que l'activité d'agence bancaire de la Société générale ne donne pas lieu au paiement d'une surprime, cette éventuelle surprime serait alors due à raison de la seule activité de la locataire, de sorte que l'application d'un abattement à ce titre n'est pas justifiée.
Sur l'abattement au titre des travaux de mise en conformité
Le contrat de bail prévoit que « la preneuse devra faire exécuter à ses frais et aux lieu et place des bailleurs tous travaux requis par les services d'hygiène intéressant uniquement les lieux loués ».
Cette clause, qui transfère à la locataire une charge incombant normalement aux bailleurs en vertu de leur obligation de délivrance, constitue une clause exorbitante du droit commun justifiant l'application d'un abattement de 3% tel que retenu par le juge des loyers en considération de la nature des travaux de mise aux normes concernés, limités aux travaux en matière d'hygiène.
La Société générale, qui invoque « l'ampleur des travaux d'hygiène » mis à sa charge, sans autre précision, n'apporte pas d'explications permettant de remettre en cause le taux de 3%.
Sur l'abattement au titre des travaux réalisés par le preneur
Le contrat de bail prévoit au paragraphe « Destination des lieux loués » que la société preneuse « pourra en fin de bail enlever et reprendre sans indemnité envers les bailleurs, les banques, bureaux, comptoirs, rayons, casiers, coffres forts, grilles, blindages de chambres fortes, appareils de chauffage et d'éclairage et généralement tout mobilier d'installation qu'elle aurait établi pendant la durée de son occupation, alors même que les objets seraient fixés et scellés à l'immeuble mais a la charge de réparer les dégâts résultant de l'enlèvement ».
Aucune clause d'accession ne figure dans le bail, de sorte que les travaux par ailleurs réalisés par la société preneuse depuis son entrée dans les locaux loués en 1972, ont fait accession aux bailleurs dans les conditions de l'article 555 du code civil, soit à la fin des baux échus. L'intimée ne peut donc se prévaloir des travaux effectués avant le 1er octobre 2018, date du renouvellement du bail, au soutien d'un abattement sur le montant de la valeur locative, comme l'a justement retenu le premier juge.
En revanche, au vu des justificatifs produits par la Société générale, le juge des loyers a appliqué à raison un abattement de 7% au titre des travaux réalisés par la société preneuse dans les locaux entre la date du renouvellement et la visite des lieux par l'expert judiciaire.
Il s'ensuit que le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 doit être fixé à la somme arrondie de 174.377 euros par an hors taxes et hors charges, ([702 m²p x 270 euros] ' [(7% + 3% - 2%) x 189.540 euros]), inférieure au loyer plafond.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Le point de départ des intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du bail renouvelé et le montant du loyer provisionnel ne font pas débat, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que ces intérêts courent à compter de la notification du premier mémoire en défense des consorts [M] et [U] et qu'ils seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire, seront confirmées.
Les parties succombant en leur appel respectif, elles supporteront leurs propres dépens d'appel et il ne sera pas fait droit aux demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 164.378,70 euros par an hors taxes et hors charges ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Fixe à la somme de 174.377 euros par an hors taxes et hors charges le montant du loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 portant sur les locaux loués à la Société générale, situés à l'angle de [Adresse 22] et de [Adresse 21] à [Localité 20] (78) ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel ;
Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente
DE
VERSAILLES
Code nac : 30C
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 NOVEMBRE 2025
N° RG 23/07391 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WFBO
AFFAIRE :
[G] [M]
...
C/
S.A. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2023 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Versailles
N° RG : 22/05133
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Philippe CHATEAUNEUF
Me Oriane DONTOT
TJ VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [G] [M] - [Adresse 13]
Monsieur [H] [M] - [Adresse 4]
Madame [C] [M] - [Adresse 7]
Monsieur [X] [U] - [Adresse 8]
Madame [O] [K] épouse [U] - [Adresse 2]
Monsieur [S] [U] - [Adresse 1]
Monsieur [G] [U] - [Adresse 11]
Monsieur [Y] [U] - [Adresse 5]
Représentés par Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 et Me Justine POUVESLE & Me Emmanuelle CHAVANCE de la SELARL BJA, plaidant, avocats au barreau de Paris
APPELANTS
****************
S.A. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE - RCS Paris n° 552 120 222 - [Adresse 10]
Représentée par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me PAULHAC & Me André GUILLEMAIN de la SCP GUILLEMAIN PANEPINTO, plaidant, avocats au barreau de Paris
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Octobre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 8 avril 2011, MM. [B] [U], [J] [U], [S] [U], [G] [U], [X] [U], [Y] [U] ainsi que Mmes [W] [T], [O] [K], [R] [U] et [V] [U] ont renouvelé, pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 2009, le bail commercial consenti à la Société générale, portant sur des locaux dépendant d'un ensemble immobilier situé à l'angle de [Adresse 22] et de [Adresse 21] à [Localité 20] (78), moyennant un loyer annuel en principal de 240.000 euros.
MM. [B] [U], [J] [U] ainsi que Mmes [W] [T], [R] [U] et [V] [U] sont successivement décédés, laissant pour leur succéder MM. [S] [U], [G] [U], [G] [M], [H] [M] ainsi que Mmes [O] [K] et [C] [M].
Par acte extrajudiciaire délivré le 24 juillet 2018, la Société générale a demandé le renouvellement de son bail à compter du 1er octobre 2018, moyennant un loyer annuel de 185.000 euros.
Après avoir refusé le renouvellement du bail, les consorts [U] et [M] ont exercé leur droit de repentir et demandé la fixation du loyer du bail renouvelé à la somme de 262.080 euros.
Par actes des 20, 21, 22 et 24 juillet 2020, la Société générale a assigné les consorts [U] et [M] devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Versailles, lequel a, par jugement du 18 décembre 2020, ordonné avant dire droit une expertise sur la valeur locative des locaux au 1er octobre 2018 et commis pour y procéder M. [A] [F].
Dans son rapport, déposé le 19 novembre 2021, l'expert judiciaire a conclu à une valeur locative des locaux, au 1er octobre 2018, de 234.500 euros par an hors charges et hors taxes.
Dans son dernier mémoire notifié le 14 juin 2023, la Société générale a demandé au juge des loyers commerciaux de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018, à titre principal à la somme annuelle de 125.400 euros, à titre subsidiaire à celle de 126.400 euros, à titre très subsidiaire à celle de 234.500 euros telle que déterminée par l'expert judiciaire, à titre infiniment subsidiaire au montant du loyer plafonné soit 263.500 euros.
Dans leur dernier mémoire notifié le 12 mai 2023, les consorts [U] et [M] ont demandé au juge des loyers commerciaux de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018, à titre principal à la somme annuelle de 265.322 euros hors taxes et hors charges, à titre subsidiaire à celle de 260.120 euros hors taxes et hors charges.
Par jugement du 14 septembre 2023, le juge des loyers commerciaux a :
- fixé, à compter du 1er octobre 2018, à la somme de 164.378,70 euros par an, hors charges et hors taxes, le montant du loyer du bail renouvelé ;
- dit que les intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du bail renouvelé et le montant du loyer provisionnel courent à compter de la notification à la Société générale du premier mémoire en défense des consorts [U] et [M] et qu'ils pourront être capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;
- dit que chaque partie restera tenue des frais irrépétibles qu'elle a engagés pour la défense de ses droits ;
- partagé par moitié entre les parties les dépens de l'instance, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire diligentée, et dit que la condamnation aux dépens sera prononcée in solidum s'agissant des consorts [U] et [M] ;
- rejeté les autres demandes ;
- rappelé que l'exécution provisoire de la décision est de droit et que la décision est un titre exécutoire qui permet au créancier d'agir à ses risques et péril en exécution forcée pour recouvrer le trop-perçu de loyer sous réserve du recours au droit d'option prévu par l'article L.145-57 du code de commerce.
Par déclaration du 27 octobre 2023, les consorts [M] et [U] ont interjeté appel du jugement en chacune de ses dispositions.
Par dernières conclusions n°3 remises au greffe et notifiées par RPVA le 24 septembre 2024, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, :
- de fixer le montant du loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 à la somme de 272.000 euros par an en principal, subsidiairement à celle de 263.035 euros par an en principal ;
- de dire que les rappels de loyers porteront intérêts au taux légal depuis la date de leur premier mémoire en défense et que les intérêts pourront être capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
- de condamner la Société générale à leur régler la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens y compris le coût de l'expertise, avec droit de recouvrement direct.
Par dernières conclusions n°3 remises au greffe et notifiées par RPVA le 19 novembre 2024, la Société générale demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
- fixé, à compter du 1er octobre 2018, à la somme de 164.378,70 euros par an, hors charges et hors taxes, le montant du loyer du bail renouvelé ;
- dit que chaque partie restera tenue des propres frais irrépétibles ;
- partagé par moitié entre les parties les dépens de l'instance, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire diligentée ;
- rejeté les autres demandes ;
et, statuant à nouveau :
- à titre principal, de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 à la somme annuelle de 125.400 euros ;
- à titre subsidiaire, de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 à la somme annuelle de 126.400 euros ;
- à titre très subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 à la somme de 164.378,70 euros par an hors charges et hors taxes ;
- à titre encore plus subsidiaire, de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 à la somme annuelle de 234.500 euros, telle que déterminée par l'expert judiciaire ;
- à titre infiniment subsidiaire, de fixer le montant du loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 au loyer plafonné, soit la somme de 263.035,14 euros hors taxes et hors charges ;
- en toute hypothèse, de débouter les consorts [M] et [U] de l'ensemble de leurs demandes, de les condamner in solidum à lui payer la somme de 8.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et la somme de 10.000 euros au titre de ceux d'appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 juin 2025.
SUR CE,
Sur le loyer du bail renouvelé
Les consorts [M] et [U] soutiennent que le loyer de renouvellement doit être fixé à la valeur locative, par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, en application de l'article L.145-36 du code de commerce complété par l'article R.145-11, qui institue pour les locaux à usage de bureaux un régime dérogatoire et écarte le principe du plafonnement de l'article L.145-34 du même code.
En réplique, ils font valoir que la destination du bail est limitée à l'activité d'agence bancaire telle qu'exercée par la Société générale et que le bail ne permet pas la cession du droit au bail ou la sous-location pour une autre activité.
Ils demandent de retenir une valeur locative au 1er octobre 2018 de 150.810 euros pour l'agence bancaire et de 120.200 euros pour les bureaux situés au 1er étage, soit une valeur locative totale de 271.010 euros. A titre subsidiaire, ils demandent que le montant du loyer du bail renouvelé soit fixé au montant du loyer plafonné, soit 263.035 euros.
La Société générale soutient, au visa de l'article L.145-33 du code de commerce, que le loyer de renouvellement doit être fixé à la valeur locative, laquelle s'avère inférieure au montant du loyer en vigueur lors du renouvellement au 1er octobre 2018 ; que toutefois, dans l'hypothèse où la valeur locative des locaux serait supérieure au montant du dernier loyer acquitté, l'article L.145-34 du code de commerce trouverait à s'appliquer et le montant du loyer plafonné, soit 263.035 euros, devrait être retenu dès lors que les clauses de cession et de sous-location tous commerces stipulées au bail font échec aux dispositions de l'article R.145-11 du même code et que les bailleurs ne justifient d'aucun motif de déplafonnement.
Sur ce,
- Sur l'application de l'article R.145-11 du code de commerce
L'article L.145-36 alinéa 1er du code de commerce prévoit que « les éléments permettant de déterminer le prix des baux des terrains, des locaux construits en vue d'une seule utilisation et des locaux à usage exclusif de bureaux sont fixés par décret en Conseil d'Etat ».
L'article R.145-11 de ce code, dont l'application est revendiquée par les bailleurs et déniée par le preneur, dispose :
« Le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article R.145-7 sont en ce cas applicables ».
Ce texte instaure ainsi, pour les locaux à usage exclusif de bureaux, un régime spécial, dérogatoire au principe du plafonnement énoncé à l'article L.145-34 du code de commerce.
Il est admis que les locaux à usage de banque dont l'activité essentielle est d'ordre comptable, administratif ou juridique et n'est pas affectée par la réception des clients, répondent à la définition de l'article R.145-11 du code de commerce.
Cependant ne peuvent être considérés comme des locaux à usage exclusif de bureaux des locaux dans lesquels le bail prévoit une faculté de cession ou de sous-location 'tous commerces'. Le bailleur ne peut alors revendiquer le bénéfice de l'article R.145-11 du code de commerce.
En l'espèce, le contrat de bail stipule, au titre de la destination des lieux, que « les locaux faisant l'objet du présent bail renouvelé devront, comme auparavant, être exclusivement consacrés par la Société générale à l'exploitation du commerce de banquier et notamment de l'agence de la Société générale à [Localité 20] ».
Il en ressort que les locaux sont destinés exclusivement à usage de banque et donc de bureaux.
Le contrat de bail prévoit par ailleurs que « la société preneuse pourra céder son droit au présent bail ou sous-louer tout ou partie des lieux qui lui sont loués pour tout commerce autre que ceux-ci-après indiqués, avec l'agrément des bailleurs, mais en restant garante et répondante solidaire de ses cessionnaires ou sous-locataires pour le paiement des loyers et l'exécution des clauses et conditions du bail.
Les cessions et sous-locations sont expressément interdites pour les commerces ou activités suivants : alimentation et les commerces bruyants, malodorants ou dangereux ».
Cette clause interdit uniquement l'exercice dans les lieux loués de commerces alimentaires, bruyants, malodorants ou dangereux ; elle ne circonscrit pas l'activité susceptible d'être exercée par un cessionnaire ou un sous-locataire à celle impliquant une occupation des locaux à usage exclusif de bureau.
Le fait que la cession du droit au bail ou la sous-location soit subordonnée à l'agrément des bailleurs a seulement pour effet de permettre le contrôle des bailleurs sur le candidat cessionnaire ou sous-locataire et sur la nature de l'activité qui sera exercée dans les locaux.
La clause de cession et sous-location exclut en conséquence l'affectation des locaux à un usage exclusif de bureaux, de sorte que les consorts [M] et [U] ne peuvent revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article R.145-11 du code de commerce, qui ne sont pas applicables au litige.
La demande principale des bailleurs doit donc être écartée.
- Sur la détermination du loyer du bail renouvelé
Aux termes de l'article L.145-33 du code de commerce :
« Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1° - Les caractéristiques du local considéré ;
2° - La destination des lieux ;
3° - Les obligations respectives des parties ;
4° - Les facteurs locaux de commercialité ;
5° - Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ».
L'article L.145-34 du même code pose le principe d'un plafonnement du loyer d'un bail n'excédant pas neuf ans, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33.
En l'espèce, les consorts [M] et [U] n'invoquent aucun motif de déplafonnement et leur demande subsidiaire vise à fixer le loyer du bail renouvelé au montant du loyer plafond, étant précisé que les parties s'accordent sur le montant du loyer plafonné de 263.035 euros, en corrigeant l'erreur de calcul faite par le juge des loyers.
Le montant du loyer renouvelé sera donc fixé par référence à la valeur locative du local commercial, conformément aux dispositions précitées de l'article L.145-33 du code de commerce.
Sur les caractéristiques du local considéré
Les locaux dépendent d'un ensemble immobilier en copropriété situé à l'angle de [Adresse 22] et de [Adresse 21], dans le centre-ville de la commune de [Localité 20]. Le rapport d'expertise judiciaire fait état, dans l'environnement des locaux, de nombreux commerces et services (banques, assurances, pharmacie, agence immobilière, supermarché et superette, caviste, chocolatier, coiffeur, magasins d'habillement, de décoration, '), d'un habitat hétérogène avec de petits immeubles de deux étages, des pavillons et quelques immeubles R+4/5. Un marché se tient deux fois par semaine sur la [Adresse 24] située à proximité des locaux. Des parkings publics sont situés non loin et la desserte par les transports en commun est assurée par les lignes J et L du Transilien et la ligne A du RER via la gare de [Localité 20] située à environ 400 mètres, outre les lignes de bus et la ligne T2 du tramway.
L'expert judiciaire a conclu que la commercialité des lieux est bonne et le juge des loyers a souligné à raison que l'installation de plusieurs agences bancaires aux alentours en témoigne.
La Société générale considère que la qualité de l'emplacement mérite d'être relativisée au regard de l'insécurité grandissante dans ce quartier de la ville. Cependant, les articles de presse dont elle se prévaut relatent des incidents qui se sont produits courant 2020, soit postérieurement à la date d'effet du renouvellement du bail, et ne peuvent de ce fait remettre en cause le caractère favorable de l'emplacement.
L'ensemble immobilier, à usage mixte, dont dépendent les locaux est composé de deux bâtiments communiquant entre eux, à savoir un bâtiment principal (bâtiment A) élevé sur sous-sol, d'un rez-de-chaussée, de quatre étages droits et d'un cinquième étage en retrait, avec un accès depuis [Adresse 22], implanté à l'angle de cette avenue et de [Adresse 21], et un bâtiment (bâtiment B) côté [Adresse 21], élevé sur sous-sol, d'un rez-de-chaussée et d'un étage, avec un linéaire de façade côté [Adresse 22] d'environ 13,50 mètres et côté [Adresse 21] d'environ 28 mètres. Le rez-de-chaussée et le premier étage bénéficient d'une importante signalétique, outre d'une enseigne drapeau à l'angle des deux avenues.
La construction du bâtiment A est en béton avec façade en parements de marbre et menuiseries en aluminium, celle du bâtiment B est en béton, façade avec parement et toiture terrasse.
Selon le bail, les locaux occupent :
« La totalité du sous-sol du bâtiment principal s'ouvrant [Adresse 22], à l'exception d'une partie à usage de cave, réservée par les Bailleurs.
- La totalité des locaux situés au rez-de-chaussée du bâtiment principal [Adresse 22] et un local de 120 m² environ situé [Adresse 21] (') et un local de 170 m² situé au premier étage contigu aux locaux sus-évoqués (').
- Des locaux au 1er étage composés de deux bureaux et d'une partie arrière au [Adresse 6] ('). »
Les locaux en rez-de-chaussée sont accessibles par deux accès distincts : l'entrée par [Adresse 22] permet au public d'accéder aux distributeurs en libre-service puis à l'agence bancaire via un sas sécurisé et l'entrée par [Adresse 21], réservée au personnel, débouche par une porte sécurisée sur un hall où se trouvent un ascenseur et un escalier reliant le 1er étage.
L'agence bancaire est constituée au rez-de-chaussée d'un vaste hall central avec comptoir d'accueil et espaces d'attente, de bureaux cloisonnés autour du hall donnant soit sur [Adresse 21] soit sur [Adresse 22] pour les bureaux bénéficiant d'un éclairage en premier jour et de bureaux en deuxième jour ou aveugles situés en partie centrale de l'espace. Il existe également un coin cuisine pour le personnel et des sanitaires.
Le sous-sol, où se trouvent la salle des coffres et divers locaux techniques, est accessible par un escalier en pierre.
Le premier étage est accessible soit depuis les locaux en rez-de-chaussée du bâtiment A par un escalier de liaison interne et un ascenseur, soit par un accès indépendant [Adresse 21]. Les locaux situés dans le bâtiment A sont aménagés en bureaux cloisonnés éclairés en premier jour et pour partie en deuxième jour, autour d'un vaste espace central, et ceux situés dans le bâtiment B sont composés d'un espace d'attente, d'une salle de réunion avec cuisine éclairée par des skydomes, d'une salle réservée au comité d'entreprise et d'un local « économat ». Cet étage comporte aussi des sanitaires.
L'expert judiciaire a constaté que les locaux étaient en très bon état et si la société preneuse fait état de dégâts des eaux récurrents dans les locaux, elle ne produit pour en justifier qu'un procès-verbal de constat du 6 juillet 2020, postérieur à la date d'effet de renouvellement du bail.
Sur la pondération des surfaces
Les consorts [M] et [U] demandent de retenir une surface pondérée de 457 m²p pour l'agence bancaire et de 601 m²p pour les bureaux, soit un total de 1.058 m²p, en indiquant que la surface du 1er étage, assimilable à des bureaux, ne doit pas être pondérée et qu'elle doit être retenue pour sa surface utile de 601 m², en raison de l'accès indépendant par [Adresse 21], en plus de l'escalier interne conduisant au rez-de-chaussée. Elle considère que la pondération doit être uniquement immobilière et que seules peuvent être prises en compte les caractéristiques des locaux, indépendamment de l'affectation qui leur a été donnée par le preneur. Elle affirme qu'en tout état de cause, le 1er étage n'est pas accessible au public. Elle ajoute s'agissant du rez-de-chaussée que la notion de « zone mixte » utilisée par le preneur est absente de la Charte de l'expertise et que le fait que la clientèle ait accès à cette zone suffit pour la considérer comme une surface de vente. Elle indique enfin qu'il n'est pas possible d'appliquer un coefficient de pondération unique pour toute la surface du sous-sol (222 m²), la salle des coffres, accessible au public, devant être pondérée selon un coefficient de 0,4, les annexes reliées selon un coefficient de 0,2, la salle informatique et les dégagements selon un coefficient de 0,1.
La Société générale demande de retenir une surface pondérée de 627 m². Elle soutient que la pondération doit être strictement immobilière, pour permettre une utile comparaison avec les références « boutique », que les niveaux « bureaux » ne doivent pas être distingués des niveaux « boutique » et que la pondération retenue par l'expert judiciaire doit donc être corrigée. Elle fait valoir que le 1er étage, composé de bureaux cloisonnés, permet de recevoir une clientèle professionnelle, de sorte que la pondération de cette surface doit être faite au même titre que le sous-sol et le rez-de-chaussée. Elle demande de pondérer la surface du 1er étage (601 m²) selon un coefficient de 0,45, en soulignant que l'ensemble des locaux, relié par un escalier interne, est indivisible et que l'existence d'un accès extérieur importe peu. S'agissant du rez-de-chaussée (411 m²), elle distingue trois zones, à savoir une zone de pleine clientèle (230 m²), une zone mixte (160 m²) et des locaux accessoires (21 m²), et propose de les pondérer respectivement selon des coefficients de 1, 0,5 et 0,2, au motif que la zone mixte est composée de bureaux permettant aussi bien de recevoir des clients que d'accueillir des stagiaires et/ou intérimaires. S'agissant du sous-sol (222 m²), elle fait valoir que la réception de la clientèle dans la salle des coffres (100 m²) est ponctuelle et que cette surface relève davantage de la catégorie des annexes reliées, ce qui justifie l'application d'un coefficient de pondération de 0,30.
Sur ce,
Le contrat de bail ne comporte aucune indication de surface.
Les parties s'accordent sur la surface utile de 1.234 m² (222 m² en sous-sol, 411 m² en rez-de-chaussée et 601 m² au 1er étage), issue des plans transmis par les bailleurs à l'expert judiciaire.
ll convient de rappeler qu'il est d'usage pour les bureaux-boutiques que sont les agences bancaires d'appliquer la grille de pondération préconisée pour les boutiques par la charte de l'expertise en évaluation immobilière, ici celle concernant les surfaces commerciales de 600 à 3.000 m².
Pour pondérer les surfaces, l'expert judiciaire a opéré une distinction en fonction de la nature des activités exercées et de leur localisation, à savoir agence bancaire en rez-de-chaussée et en sous-sol, d'une part, et bureaux au 1er étage, d'autre part ; il a en outre tenu compte du fait que l'étage bénéficie, en plus de l'accès intérieur, d'un accès indépendant par [Adresse 21]. L'expert judiciaire a retenu une surface pondérée de 401 m²p pour l'agence bancaire et de 601 m²p pour le 1er étage.
Cependant, c'est à juste titre que le juge des loyers a écarté la distinction opérée par l'expert judiciaire et appliqué à l'ensemble des locaux les règles de pondération des bureaux-boutiques, dès lors que le contrat de bail signé le 8 avril 2011 stipule que les locaux donnés à bail doivent « être exclusivement consacrés par la Société générale à l'exploitation du commerce de banquier et notamment de l'agence de la Société générale à [Localité 20] » et qu'ainsi les parties n'ont pas distingué le sous-sol et le rez-de-chaussée d'une part (agence bancaire) et le premier étage d'autre part (bureaux). En outre et indépendamment de l'existence d'un accès indépendant par [Adresse 21], la configuration des lieux (escalier de liaison avec le rez-de-chaussée, bureaux, salle d'attente) et les photographies figurant dans le rapport d'expertise judiciaire montrent que le premier étage n'est pas autonome et que, loin d'être comparable à de simples bureaux en étage, il a été aménagé de façon à pouvoir recevoir la clientèle de l'agence.
Sur le sous-sol (222 m²) :
Bien que le sous-sol comporte à la fois une salle des coffres et des locaux techniques, l'expert judiciaire a pondéré uniformément ces surfaces selon un coefficient de 0,1, en considérant la salle des coffres comme une annexe de l'activité de l'agence.
Or, la salle des coffres d'une surface de 100 m² est accessible au public, de sorte que le premier juge a pondéré cette surface selon un coefficient de 0,3, sur lequel la Société générale est d'accord. Toutefois, la charte de l'expertise en évaluation immobilière prévoit un unique coefficient de 0,4 pour les zones de vente situées en sous-sol et un coefficient de 0,10 à 0,20 pour les annexes diverses reliées.
La salle des coffres sera donc pondérée à hauteur de 0,4 (100 m² x 0,4) tandis que les locaux techniques le seront à hauteur de 0,1 (122 m² x 0,1), soit un total pour le sous-sol de 52,20 m² (40 + 12,20).
Sur le rez-de-chaussée (411 m²) :
Selon le rapport d'expertise judiciaire, le rez-de-chaussée comprend un hall central pour la réception de la clientèle, plusieurs bureaux cloisonnés, un coin cuisine et des sanitaires. Un escalier mène au sous-sol et un autre escalier relie le rez-de-chaussée au 1er étage.
L'expert judiciaire n'a pas pondéré la zone de vente (367,12 m²) et il a appliqué un coefficient de pondération de 0,3 aux zones de circulation (38,10 m²) et un coefficient de 0,1 à la partie sanitaires (5,78 m²), soit un total arrondi de 379 m²p.
Le juge des loyers a, quant à lui, distingué la zone de vente (210 m²), les bureaux (160 m²), les annexes reliées (35 m²) et les locaux techniques (6 m²) pour arriver, après pondération de la partie bureaux (0,8), des annexes reliées (0,3) et des locaux techniques (0,1), à un total de 349,10 m²p (210 + 128 + 10,5 + 0,6).
Il n'y a cependant pas lieu de traiter différemment la zone de vente de 210 m² et les bureaux, lesquels doivent être considérés comme une surface de vente dès lors qu'ils sont accessibles à la clientèle, peu important que ces bureaux puissent occasionnellement héberger des stagiaires ou des intérimaires.
La cour suivra donc les préconisations de l'expert judiciaire, qui a retenu pour le rez-de-chaussée une surface pondérée de 379 m².
Sur le 1er étage (601 m²) :
La charte de l'expertise en évaluation immobilière préconise une pondération comprise entre 0,4 et 0,5 pour les zones de vente, une pondération de 0,1 à 0,2 pour les annexes diverses reliées et une pondération de 0 à 0,1 pour les locaux techniques.
Selon le plan figurant dans le rapport d'expertise judiciaire, le 1er étage comprend, outre des bureaux, des sanitaires et un économat.
La Société générale proposant cependant d'appliquer un coefficient de pondération de 0,45 à l'ensemble de la surface du 1er étage, c'est ce coefficient qui sera retenu, à l'instar du premier juge.
La surface du 1er étage s'établit ainsi à 270,45 m²p (601 m² x 0,45).
Il en résulte une surface pondérée totale de 701,65 m²p (52,20 + 379 + 270,45), arrondie à 702 m²p.
Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage
L'expert judiciaire a estimé la valeur locative en renouvellement au 1er octobre 2018 à 330 euros/m²p/an pour l'agence bancaire et à 170 euros/m²p/an pour les bureaux.
Le juge des loyers a retenu comme la cour l'indivisibilité des locaux et fixé la valeur locative des locaux, avant corrections, à 270 euros/m²/an.
La Société générale considère que le juge des loyers n'a pas suffisamment tenu compte de la surface très importante des lieux loués et que le prix unitaire de 250 euros/m² constitue un maximum tandis que les consorts [M] et [U] proposent de retenir, tout au moins pour les locaux de l'agence bancaire (sous-sol et rez-de-chaussée), le prix unitaire de 330 euros/m² calculé par l'expert judiciaire.
L'expert judiciaire a analysé au total 23 références d'agences bancaires, en ce compris certaines des références communiquées par les parties, portant sur des nouvelles locations entre 2010 et 2017 (9), des renouvellements amiables de baux entre 2009 et 2018 (8) et des fixations judiciaires de loyers avec prise d'effet entre 2010 et 2014 (6).
Les références dont la date de prise d'effet est antérieure à 2015 doivent être écartées car elles sont trop anciennes par rapport à la date du renouvellement du bail de la Société générale (1er octobre 2018) pour servir de termes de comparaison.
Les consorts [M] et [U] reprochent au juge des loyers d'avoir déterminé la valeur locative au regard d'une seule référence du rapport d'expertise judiciaire, à savoir celle de l'agence BNP située [Adresse 9]. Ils invoquent plusieurs références d'agences bancaires. Toutefois, comme indiqué, les références trop anciennes ne peuvent être prises en compte et seules seront examinées celles concernant l'agence [18] à [Localité 20] et l'agence [17] à [Localité 20], qui figurent déjà dans le panel de l'expert judiciaire.
La Société générale fournit quatre références qu'elle estime pertinentes, soit parce qu'elle concerne la même activité d'agence bancaire, soit parce qu'elles portent sur des locaux de superficie comparable. Cependant, le bail Intermarché de juin 2012 apparait trop ancien par rapport à la date du renouvellement du bail litigieux et les éléments communiqués sur les fixations judiciaires de loyers pour le magasin [19] à [Localité 16] et la quincaillerie à [Localité 23] démontrent que la divisibilité des locaux a été retenue, de sorte que ces références ne sont pas des termes de comparaison pertinents. Seule la référence portant sur l'agence [17] à [Localité 20] sera retenue, étant précisé qu'elle figure déjà dans le panel de l'expert judiciaire.
La cour retiendra donc les cinq références suivantes, comme étant les plus pertinentes pour estimer la valeur locative des locaux loués :
- s'agissant des nouvelles locations :
- un bail portant sur une agence Crédit du nord située [Adresse 12], d'une surface pondérée de 132 m²p, avec une prise d'effet en janvier 2017, moyennant un loyer unitaire de 341 euros/m²p ;
- s'agissant des baux en renouvellement :
- un bail portant sur une agence [18] située [Adresse 14], d'une surface pondérée de 108,6 m²p, avec une prise d'effet en juillet 2018, moyennant un loyer unitaire de 414 euros/m²p ;
- un bail portant sur une agence BNP située [Adresse 3], d'une surface pondérée de 153 m²p, avec une prise d'effet en janvier 2017, moyennant un loyer unitaire de 358 euros/m²p ;
- un bail portant sur une agence Crédit agricole située [Adresse 15], d'une surface pondérée de 126,57 m²p, avec une prise d'effet en novembre 2016, moyennant un loyer unitaire de 310 euros/m²p ;
- un bail portant sur une agence BNP située [Adresse 9], d'une surface pondérée de 180 m²p, avec une prise d'effet en juillet 2015, moyennant un loyer unitaire de 278 euros/m²p ;
Ces références fournissent une fourchette de valeurs comprises entre 278 euros/m²p et 414 euros/m²p, étant souligné que les surfaces en cause sont très inférieures à celle des locaux objet du bail renouvelé de sorte que leur prix unitaire doit nécessairement être corrigé.
Aussi, au regard de l'ensemble des éléments précédemment développés concernant les caractéristiques des locaux loués, de la destination des lieux et de l'activité exercée, des facteurs locaux de commercialité et des prix couramment pratiqués dans le voisinage, le juge des loyers mérite d'être suivi en ce qu'il a fixé la valeur locative en renouvellement au 1er octobre 2018 à 270 euros/m²p.
Sur les correctifs à apporter à la valeur locative
Aux termes de l'article R.145-8 du code de commerce, « les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge ».
L'expert judiciaire a considéré qu'il n'y avait pas lieu de corriger la valeur locative.
Les consorts [M] et [U] sollicitent l'application à la valeur locative d'une majoration de 2%, compte tenu de l'obligation de non-concurrence mise à leur charge sur toute la commune de [Localité 20].
Ils s'opposent à un quelconque abattement au titre des travaux réalisés dans les lieux, qu'il s'agisse des travaux réalisés depuis l'entrée en jouissance dès lors que l'accession joue en fin de bail, des travaux réalisés depuis la date de renouvellement dès lors qu'il ne s'agit pas de travaux immobiliers mais de simples travaux d'aménagement de l'agence bancaire et d'entretien, sans impact sur la valeur locative ; quant à la surprime d'assurance, ils indiquent que l'activité d'agence bancaire ne donne pas lieu au paiement d'une surprime.
La Société générale relève que le juge des loyers a retenu une majoration de 2%, sans rechercher si les bailleurs étaient propriétaires d'autres locaux commerciaux dans la commune, et qu'en outre la clause de non-concurrence stipulée dans le bail est une clause de style, dans la mesure où l'on recense pas moins de sept autres établissements bancaires dans un rayon de 200 mètres autour des locaux loués. Elle en conclut que cet avantage est en réalité inexistant.
Elle sollicite une minoration de la valeur locative de 5% compte tenu du transfert sur le preneur des travaux de mise en conformité prescrits par l'administration et de la surprime d'assurance du bailleur.
Elle ajoute qu'au regard des aménagements réalisés dans l'agence bancaire, un abattement supplémentaire de 15% est justifié. Elle fait valoir que les locaux lui ont été remis bruts de béton en 1972, qu'en outre l'expert judiciaire a visité les locaux après une campagne de rénovation importante qu'elle a menée postérieurement à la date d'effet du renouvellement de sorte qu'il en a nécessairement tenu compte dans son appréciation de la valeur locative, qu'il ne s'agit pas de simples travaux d'aménagement mais de travaux de mise aux normes des locaux pour se conformer aux exigences sécuritaires des convoyeurs de fonds.
Sur la majoration au titre de l'obligation de non-concurrence
Le contrat de bail interdit aux bailleurs de « louer d'autres locaux pour l'exercice du commerce de banque ou pour toutes professions qui pourraient faire concurrence à la Société générale preneuse dans la commune de [Localité 20] pendant le cours du bail ».
Cette obligation de non-concurrence mise à la charge des bailleurs, qui s'étend à toute la commune de [Localité 20], va au-delà des usages habituels et la cour relève dans le contrat que les bailleurs sont par ailleurs propriétaires dans le même ensemble immobilier de locaux qu'ils occupent à titre d'habitation personnelle mais qu'ils ne s'interdisent pas de transformer éventuellement en locaux commerciaux, de sorte que la clause qui précède n'est pas qu'une clause de style.
La majoration de 2% de la valeur locative appliquée par le juge des loyers sera retenue.
Sur l'abattement au titre de la surprime d'assurance
Le contrat de bail stipule que « si la profession exercée par la société preneuse entraînait, soit pour les propriétaires, soit pour les colocataires, soit pour les voisins, des surprimes d'assurance, la preneuse serait tenue tout à la fois d'indemniser les bailleurs du montant de la surprime par eux payée et en outre de la garantie contre toutes réclamations d'autres locataires ou de voisins ».
Outre que les bailleurs indiquent sans être contestés que l'activité d'agence bancaire de la Société générale ne donne pas lieu au paiement d'une surprime, cette éventuelle surprime serait alors due à raison de la seule activité de la locataire, de sorte que l'application d'un abattement à ce titre n'est pas justifiée.
Sur l'abattement au titre des travaux de mise en conformité
Le contrat de bail prévoit que « la preneuse devra faire exécuter à ses frais et aux lieu et place des bailleurs tous travaux requis par les services d'hygiène intéressant uniquement les lieux loués ».
Cette clause, qui transfère à la locataire une charge incombant normalement aux bailleurs en vertu de leur obligation de délivrance, constitue une clause exorbitante du droit commun justifiant l'application d'un abattement de 3% tel que retenu par le juge des loyers en considération de la nature des travaux de mise aux normes concernés, limités aux travaux en matière d'hygiène.
La Société générale, qui invoque « l'ampleur des travaux d'hygiène » mis à sa charge, sans autre précision, n'apporte pas d'explications permettant de remettre en cause le taux de 3%.
Sur l'abattement au titre des travaux réalisés par le preneur
Le contrat de bail prévoit au paragraphe « Destination des lieux loués » que la société preneuse « pourra en fin de bail enlever et reprendre sans indemnité envers les bailleurs, les banques, bureaux, comptoirs, rayons, casiers, coffres forts, grilles, blindages de chambres fortes, appareils de chauffage et d'éclairage et généralement tout mobilier d'installation qu'elle aurait établi pendant la durée de son occupation, alors même que les objets seraient fixés et scellés à l'immeuble mais a la charge de réparer les dégâts résultant de l'enlèvement ».
Aucune clause d'accession ne figure dans le bail, de sorte que les travaux par ailleurs réalisés par la société preneuse depuis son entrée dans les locaux loués en 1972, ont fait accession aux bailleurs dans les conditions de l'article 555 du code civil, soit à la fin des baux échus. L'intimée ne peut donc se prévaloir des travaux effectués avant le 1er octobre 2018, date du renouvellement du bail, au soutien d'un abattement sur le montant de la valeur locative, comme l'a justement retenu le premier juge.
En revanche, au vu des justificatifs produits par la Société générale, le juge des loyers a appliqué à raison un abattement de 7% au titre des travaux réalisés par la société preneuse dans les locaux entre la date du renouvellement et la visite des lieux par l'expert judiciaire.
Il s'ensuit que le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 doit être fixé à la somme arrondie de 174.377 euros par an hors taxes et hors charges, ([702 m²p x 270 euros] ' [(7% + 3% - 2%) x 189.540 euros]), inférieure au loyer plafond.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Le point de départ des intérêts dus sur la différence entre le montant du loyer du bail renouvelé et le montant du loyer provisionnel ne font pas débat, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que ces intérêts courent à compter de la notification du premier mémoire en défense des consorts [M] et [U] et qu'ils seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire, seront confirmées.
Les parties succombant en leur appel respectif, elles supporteront leurs propres dépens d'appel et il ne sera pas fait droit aux demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 164.378,70 euros par an hors taxes et hors charges ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Fixe à la somme de 174.377 euros par an hors taxes et hors charges le montant du loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2018 portant sur les locaux loués à la Société générale, situés à l'angle de [Adresse 22] et de [Adresse 21] à [Localité 20] (78) ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel ;
Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente