Livv
Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 19 novembre 2025, n° 23/08414

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/08414

19 novembre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30F

Chambre commerciale 3-1

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 NOVEMBRE 2025

N° RG 23/08414 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WH2E

AFFAIRE :

S.A.S. INTERNATIONAL AUTOMOBILES

C/

S.A.R.L. SECOIA SARL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Novembre 2023 par le Tribunal judiciaire de VERSAILLES

N° Chambre : 3

N° RG : 20/06414

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me [Localité 21] BEDDOUK

Me Mélina PEDROLETTI

TJ [Localité 19]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. INTERNATIONAL AUTOMOBILES

RCS [Localité 19] n° 377 590 088

[Adresse 12]

[Localité 15]

Représentant : Me Yves BEDDOUK de la SELARL FIDU-JURIS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 13

APPELANTE

****************

S.A.R.L. SECOIA SARL

RCS [Localité 17] n° 401 809 520

[Adresse 1]

[Localité 16]

Représentants : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Me Iris NAUD substituant à l'audience Me Christophe DENIZOT du cabinet NICOLAS & DENIZOT associés, plaidant, avocat au barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,

Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

La société International Automobiles exerce l'activité de vente de véhicules automobiles. Son activité est répartie sur trois sites, tous situés à [Localité 19] (78).

Par acte sous seing privé du 30 décembre 1988, Mme [N], aux droits de laquelle vient la société Secoia par suite d'un acte de vente des locaux du 19 décembre 2019, a consenti à la société Garage Deschamps un bail portant sur des locaux commerciaux dépendant d'un immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 19] (78), pour une durée de 9 années à effet au 1er janvier 1989.

Le bail a été renouvelé successivement par actes du 1er décembre 1999 à effet au 1er janvier 1998 et du 14 mars 2007 à effet au 1er janvier 2007.

Par acte sous seing privé du 31 janvier 1992, la société Garage Deschamps a cédé son droit au bail à la société International Automobiles qui a ouvert dans les locaux une concession Honda.

La société International Automobiles exerce, en plus de cette activité installée au [Adresse 5], une activité de vente de véhicules haut de gamme au [Adresse 13].

Par acte extrajudiciaire du 12 février 2020, la société Secoia a fait signifier à la société International Automobiles un congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction à effet au 30 septembre 2020.

Aux termes de ce congé, la bailleresse dénie le droit au statut des baux commerciaux pour défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés et invoque aussi un défaut d'assurance de sa locataire susceptible de constituer un motif grave et légitime de refus de renouvellement. S'agissant de ce deuxième point, la société Secoia a mis en demeure la société International Automobiles de produire dans un délai d'un mois à compter de la signification dudit congé les attestations d'assurance pour les années 2016 à 2020.

Par acte extrajudiciaire du 12 mars 2020, la société International Automobile a communiqué à la bailleresse son attestation d'assurance pour les années 2016 à 2020.

Par acte introductif d'instance du 26 novembre 2020, la société International Automobiles a assigné la société Secoia devant le tribunal judiciaire de Versailles.

Par jugement du 30 novembre 2023, le tribunal a :

- dit qu'à défaut d'être immatriculée au registre du commerce et des sociétés au titre des locaux loués situés [Adresse 5] à Versailles (78000), la société International Automobiles ne bénéficie pas du statut des baux commerciaux s'agissant de ces locaux ;

- rejeté les demandes de fixation et de paiement d'une indemnité d'éviction pour les locaux situés [Adresse 5] à [Localité 19] ;

- dit que la société International Automobiles devra libérer de sa personne et de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef les lieux qu'elle occupe au [Adresse 5] à [Localité 19] (78) dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement ;

- dit que faute pour la société International Automobiles de quitter les lieux dans le délai et celui-ci passé, la société Secoia pourra faire procéder à son expulsion avec l'assistance de la force publique si besoin est ;

- rappelé que le sort des meubles trouvés dans les lieux est régi par l'article L. 433-1 du code des Procédures civiles d'exécution ;

- condamné la société International Automobiles à payer à la société Secoia à titre d'indemnité d'occupation une somme égale au dernier loyer charges comprises et avec indexation, à compter du 1er octobre 2020 jusqu'à la libération effective des lieux marquée par la remise des clés ;

- condamné la société International Automobiles aux dépens ;

- condamné la société International Automobiles à payer à la société Secoia la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- écarté l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 18 décembre 2023, la société International Automobiles a interjeté appel de ce jugement en chacun de ses chefs de dispositif et par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 12 mars 2024, cette dernière demande à la cour de :

- infirmer le jugement sur tous les points

- et, statuant à nouveau :

- juger qu'il n'existe aucun motif de dénégation du statut ou de motif grave et légitime justifiant que la société International Automobiles soit privée du paiement d'une indemnité d'éviction ;

- juger que la société International Automobiles a droit au paiement d'une indemnité d'éviction à la suite de la signification du congé refus de renouvellement du 12 février 2020 pour les locaux sis [Adresse 5] à [Localité 20] ;

- juger que l'indemnité d'éviction due à la société International Automobiles doit correspondre à la perte de l'intégralité de son fonds de commerce et inclura, en plus du site du [Adresse 5], ceux qu'elle exploite également aux [Adresse 2] à [Localité 19] ;

- fixer l'indemnité d'éviction due à la société International Automobiles à la somme de 5.454.812 euros, sauf à parfaire ou à compléter ;

- condamner la société Secoia à lui payer une indemnité d'éviction d'un montant de 5.454.812 euros, sauf à parfaire ou à compléter ;

- condamner la société Secoia à prendre à sa charge toutes les indemnités, loyers, charges, taxes, travaux et accessoires qui seront éventuellement dues par la société International Automobiles en raison de la résiliation anticipée de ses autres baux pour les locaux sis [Adresse 2] à [Localité 19];

- condamner la société Secoia à lui rembourser les frais de licenciement sur justificatifs;

- si besoin, désigner un expert avec pour mission de fournir tous éléments utiles à l'estimation de l'indemnité d'éviction lui revenant à la suite du congé refus de renouvellement à effet du 30 septembre 2020, laquelle :

- comprend notamment la valeur du fonds de commerce ou du droit au bail, les frais de remploi, les frais juridiques et administratifs, le trouble commercial, les frais de déménagement, les frais de réinstallation, le double loyer, les frais de publicité et le coût des licenciements ;

- inclut les trois sites exploités par la société International Automobiles sis [Adresse 3] [Adresse 8].

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société International Automobiles pour les locaux sis [Adresse 5] à [Localité 19] à 31.460 euros à compter du 30 septembre 2020, date de prise d'effet du congé, jusqu'à la date de restitution desdites locaux ;

- condamner la société Secoia à réaliser et à payer l'intégralité des conséquences résultant de son congé refus de renouvellement, en particulier les éventuels travaux de dépollution ;

- débouter la société Secoia de toutes demandes ;

- condamner la société Secoia à lui payer une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux dépens et autoriser à les recouvrer directement conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- en cas de désignation d'un expert pour chiffrer les indemnités d'éviction et d'occupation, il conviendra de rappeler l'exécution provisoire de droit ;

- subsidiairement, s'il était considéré que le local du [Adresse 5] n'était pas un local accessoire, il est demandé à la cour de juger que Mme [N] a couvert le défaut d'immatriculation du local situé au [Adresse 4] ;

- si par extraordinaire, il lui était dénié le statut des baux commerciaux ou s'il était jugé d'un motif grave et légitime la privant d'indemnité d'éviction, ou encore s'il était prononcé une résiliation du bail, entrainant son expulsion, l'exécution provisoire serait alors incompatible avec la nature de l'affaire et il conviendrait de la suspendre.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 5 juin 2024, la société Secoia demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit qu'à défaut d'être immatriculée au registre du commerce et des sociétés au titre des locaux loués situés [Adresse 5] à Versailles (78000), la société International Automobiles ne bénéficie pas du statut des baux commerciaux s'agissant de ces locaux ;

- rejeté les demandes de fixation et de paiement d'une indemnité d'éviction pour les locaux situés [Adresse 5] à [Localité 19] ;

- dit que la société International Automobiles devra libérer de sa personne et de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef les lieux qu'elle occupe au [Adresse 6] (78) dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement ;

- dit que faute pour la société International Automobiles de quitter les lieux dans le délai et celui-ci passé, la société SECOIA pourra faire procéder à son expulsion avec l'assistance de la force publique si besoin est ;

- rappelé que le sort des meubles trouvés dans les lieux est régi par l'article L. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné la société International Automobiles aux dépens ;

- condamné la société International Automobiles à payer à la société Secoia la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 de code de procédure civile ;

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident,

- l'infirmer pour le surplus, et statuer à nouveau :

1°) La fin du bail

- juger que la société International Automobiles n'ayant pas justifié avoir assuré les locaux loués dans le délai d'un mois de la mise en demeure qui lui a été délivrée le 12 février 2020, la bailleresse est bien fondée à lui refuser le renouvellement du bail sans indemnité d'éviction pour motif grave et légitime.

- prononcer la résiliation judicaire du bail en raison des manquements graves commis par la société International Automobiles,

- dans ces cas :

- ordonner l'expulsion de la société et de tous occupants de son chef des locaux qu'elle occupe sis [Adresse 5] à [Localité 20], avec si nécessaire, l'intervention d'un huissier, des forces de l'ordre et d'un serrurier,

- ordonner la séquestration des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux, soit dans l'immeuble, soit dans un garde-meuble, au choix du bailleur, aux frais, risques et périls du locataire,

- condamner la société International Automobiles au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 1er octobre 2020, date d'effet du congé, et jusqu'à parfait délaissement d'un montant annuel de 120.000 euros HT au titre de l'occupation des locaux loués et 50.000 euros au titre de l'occupation indue de la cour, indexable chaque année, outre tous accessoires, charges et taxes.

- débouter la société International Automobiles de toutes ses demandes,

- 2°) L'indemnité d'éviction ' à titre infiniment subsidiaire

- débouter la société International Automobiles de toutes ses demandes, en particulier d'indemnité d'éviction et indemnités accessoires, faute pour elle de justifier de leur quantum, qui devront être limitées à la seule perte des locaux loués,

- désigner tel expert pour déterminer le montant des indemnités d'éviction et d'occupation

- juger que sa mission devra être limitée à donner son avis sur l'indemnité d'éviction éventuellement due à la société Internationale Automobiles dans le cas d'un transfert ou de la perte du fonds de commerce exploité dans les locaux loués et pas de l'activité exploitée au 40.

- fixer à la somme annuelle de 75.690 euros HT, indexable chaque année, outre tous accessoires, charges et taxes, le montant de l'indemnité d'occupation dont la société International Automobiles est redevable à compter du 1er octobre 2020, date d'effet du congé, jusqu'à parfait délaissement et en tant que de besoin, l'y condamner,

- en toutes hypothèses,

- condamner la société International Automobiles à transmettre un diagnostic environnemental de phase I et II, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours de la signification de la décision à intervenir ou dans les 15 jours de la restitution des locaux,

- condamner la société International Automobiles à procéder à la dépollution du site ou à défaut, à verser une indemnité de dépollution de 200.000 euros, sauf à parfaire,

- condamner la société International Automobiles à retirer les véhicules, pare-brises, pneus, bidons d'hydrocarbures et tous autres biens lui appartenant dont elle encombre la cour et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de dix jours de la signification de la décision à intervenir,

- condamner la société International Automobiles au paiement de la somme annuelle de 50.000 euros HT et HC au titre de l'occupation indue de la cour et ce, jusqu'à parfait délaissement,

- débouter la société International Automobiles de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dépens et d'une façon générale, de toutes ses demandes,

- condamner la société International Automobiles au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont le montant sera recouvré par Mme Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 juin 2025.

A l'audience, la société International Automobiles a exposé que la société Secoia a un projet immobilier au sein de l'immeuble litigieux.

Les parties ont été autorisées à produire une note en délibéré sur cette situation factuelle avant le 9 octobre 2025.

La société International Automobiles et la société Secoia ont déposé une note en délibéré par rpva, respectivement en date du 30 septembre 2025 et en date du 9 octobre 2025.

MOTIFS

La société International Automobiles fait valoir qu'à la date du congé, elle était immatriculée au RCS au [Adresse 13] à [Localité 19] de sorte qu'elle peut bénéficier du statut protecteur des baux commerciaux, les locaux du [Adresse 4] de la même avenue, accessoires, ne nécessitant pas d'être immatriculés.

Elle affirme que le local situé au [Adresse 4] n'avait pas besoin d'une immatriculation, qu'il s'agit d'un local accessoire, en ce que la privation de ce local serait de nature à compromettre l'exploitation de son fonds.

Elle prétend qu'il n'y a aucun doute que les locaux situés aux [Adresse 7] constituent un ensemble, que tous les critères sont remplis pour justifier une telle qualification ; qu'elle est concessionnaire Honda, que ces locaux constituent une unité d'exploitation et que la privation du local situé au [Adresse 4] est de nature à compromettre l'exploitation du fonds, puisqu'à cette adresse, se trouve un atelier nécessaire à l'entretien des véhicules Honda, sans lequel le panneau Honda ne peut être obtenu ni exploité. Qu'il n'est pas nécessaire que les locaux soient contigus ou qu'ils communiquent entre eux, qu'il suffit qu'ils soient proches comme c'est le cas dans la présente espèce.

La société International Automobiles relève encore que les deux adresses figurent sur le papier commercial et sur d'autres éléments, comme le tampon, les sites internet, etc ; qu'il s'agit d'un critère pour déterminer s'il s'agit d'un ensemble de locaux.

Elle en déduit que les locaux du 36 sont des locaux accessoires, que les locaux du 40 étaient régulièrement immatriculés à la date du congé, de sorte qu'il était superfétatoire d'immatriculer ceux du 36.

Arguant ensuite de la parfaite information du propriétaire, elle observe que la société Secoia est propriétaire depuis le 19 décembre 2019, aux droits de Mme [N], laquelle avait consenti un bail le 30 décembre 1988 à la société Garage Deschamps, que le bail a été renouvelé le 1er décembre 1999, puis le 14 mars 2007 ; que le garage Deschamps lui a cédé son droit au bail, obtenant à l'occasion le panneau Honda ; que, à supposer qu'il ne s'agisse pas de locaux accessoires, mais seulement de locaux secondaires, le tribunal se devait de rechercher si le propriétaire n'était pas parfaitement au courant de l'existence de cette exploitation accessoire à celle du [Adresse 14], qui est le siège de la société International Automobiles ; que Mme [N] n'a pas pu ignorer les différentes procédures et renouvellements de baux, alors que les baux avec Mme [N] concernant les locaux du [Adresse 4] sont faits à l'adresse de la société au [Adresse 14] ; que le tribunal aurait dû s'interroger afin de savoir si la société Secoia avait été mise au courant de cette particularité lors de son acquisition ; qu'elle sollicite en conséquence, par une sommation de produire, l'intégralité de l'acte et de ses annexes, notamment en ce qui concerne le paragraphe « conditions d'occupation » de l'acte de vente entre Mme [N] et Secoia ; qu'ainsi cette dernière avait parfaitement connaissance de ce local accessoire nécessaire pour l'exploitation des fonds.

La société Secoia soutient en réponse que l'appelante n'est pas immatriculée au RCS au [Adresse 5] et que, pour cette raison, elle ne peut pas bénéficier de la protection prévue à l'article L. 145-1 du code de commerce.

La société Secoia considère que, faute d'unité d'exploitation, l'exploitation au 36 est totalement autonome et distincte, de sorte qu'il ne peut s'agir d'un local accessoire ; qu'en effet, la société International Automobiles exerce deux activités distinctes au 36 et au 40, les deux locaux ayant une clientèle propre, que les locaux ne sont pas proches l'un de l'autre et les exploitations sont distinctes, l'un abritant une activité de vente de véhicules de luxe et l'autre la concession Honda, de même qu'il existe deux sites internet distincts.

La société Secoia précise encore qu'il résulte de la désignation des locaux loués, que ceux-ci permettent l'exercice d'une activité purement autonome ; que la société International Automobiles a elle-même présenté les locaux du 36 en qualité d'établissement secondaire. Elle en déduit que cette dernière était donc tenue d'immatriculer au RCS l'adresse du 36, en raison du caractère secondaire de ces locaux ou en raison de l'activité autonome qu'elle y exerce.

La société Secoia soutient que la société International Automobiles peut proposer la vente d'un véhicule Honda sans nécessairement proposer en complément un contrat d'entretien et de maintenance ; que si un contrat de maintenance est conclu, le client est parfaitement libre de se déplacer dans n'importe quel garage Honda. Elle ajoute que la société International Automobiles dispose d'un local au 33 qu'elle peut convertir en atelier, la convention de mise à disposition lui permettant d'exercer une activité de réparation et d'entretien, et qu'ainsi elle ne justifie d'aucune difficulté à aménager un atelier au sein du parking situé au 33.

La société Secoia affirme enfin qu'il n'est pas démontré qu'elle savait que le local donné à bail était l'accessoire d'un local principal, que cette connaissance ne peut être déduite du fait que Mme [N] habitait à côté de la concession, ni du fait que le congé avec offre de renouvellement ainsi que les courriers adressés par le conseil de Mme [N] ont été adressés à la société International Automobiles au 40.

Sur ce,

L'article L. 145.1 du code de commerce dispose, en son I, que « les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d'une entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat immatriculée au registre national des entreprises, accomplissant ou non des actes de commerce, et en outre :

1° Aux baux de locaux ou d'immeubles accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds et qu'ils appartiennent au propriétaire du local ou de l'immeuble où est situé l'établissement principal. En cas de pluralité de propriétaires, les locaux accessoires doivent avoir été loués au vu et au su du bailleur en vue de l'utilisation jointe ; (') »

L'article précité étend le bénéfice du bail commercial aux locaux accessoires.

Il est constant que le local situé au n° [Adresse 5] à [Localité 19] n'a pas fait l'objet d'une immatriculation au RCS.

Il convient en conséquence de rechercher si le local litigieux situé au [Adresse 10] est accessoire à l'exploitation du fonds, c'est-à-dire si sa privation est de nature à en compromettre l'exploitation.

Il s'agit ensuite de déterminer, puisque les locaux appartiennent à deux bailleurs différents, si les locaux, à les supposer accessoires, ont été loués au vu et au su du bailleur pour l'utilisation indiquée.

Ces deux conditions sont cumulatives.

Sur le caractère de local accessoire nécessaire à l'exploitation du fonds de commerce

Il n'est pas discuté par les parties que la société preneuse n'est pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés à l'adresse des locaux situés au [Adresse 10] à Versailles ; la société International Automobiles ne peut bénéficier de la protection du statut des baux commerciaux qu'à la condition de caractériser que le local situé à l'adresse précitée est un local accessoire nécessaire à l'exploitation du fonds de commerce.

Elle expose pour ce faire que les locaux situés au [Adresse 4] et au 40 de la même avenue constituent un ensemble, forment une unité d'exploitation et que la privation du local est de nature à compromettre l'exploitation du fonds.

Les locaux sont en effet contigus, mais ne communiquent pas entre eux comme l'établit le relevé cadastral (pièce 1 Secoia) et le procès-verbal de constat du commissaire de justice délivré afin de délivrer le congé le 12 février 2020 (pièce 7 Secoia).

La société appelante explique qu'elle possède ses halls d'exposition et ses bureaux commerciaux au [Adresse 14], tandis que l'atelier qu'elle dit nécessaire à l'exploitation du panneau de la marque Honda est situé au 36 de la même rue ; selon elle, sans ces locaux, le panneau Honda ne peut être ni obtenu ni exploité, tandis que les locaux situés au [Adresse 11] interdisent des activités de mécanique et de réparation.

En effet, la clause de destination insérée au contrat de bail commercial portant sur le local situé au 40 énonce que « les lieux loués sont destinés au commerce de vente d'automobiles neuves ou d'occasion, à l'exclusion de tout travail de mécanique, de réparations, tôlerie ou peinture. » (pièce 14 International Automobiles)

Au bail consenti pour le 36, il est indiqué à la clause de destination que le preneur ne pourra exercer dans les lieux que l'activité commerciale « vente d'automobiles, ventes d'accessoires automobiles liées à la distribution des automobiles entretien et réparation des automobiles » (pièce 1, pièce 3 International Automobiles).

La société appelante affirme que la société Honda France exige de ses concessionnaires qu'ils disposent sur place d'un atelier pour entretenir et réparer les véhicules de sa marque, en visant l'article 26 du contrat de concession (pièce 12). Elle déduit de cet impératif que le local situé au [Adresse 4] est indispensable à l'exploitation du fonds, et qu'il s'agit donc d'un local accessoire au local situé au [Adresse 11].

Pourtant, s'il est en effet stipulé à l'article 26 du contrat de concession Honda que le concessionnaire disposera « d'installations de service complétement équipées et d'un nombre suffisant de mécaniciens qualifiés permettant de rendre des services efficaces aux utilisateurs des produits, que ces derniers aient été ou non vendus par lui. Les conditions minimales qui devront être remplies par le concessionnaire sont définies à l'annexe 5 », cette clause ne prévoit pas expressément que les ateliers doivent nécessairement être sur place ou à proximité immédiate.

Or, la société appelante, qui se prévaut des exigences du contrat de concession Honda, ne verse pas le guide du concessionnaire Honda susceptible d'apporter les précisions sur ce point. Il est en effet mentionné à l'annexe 5 que les « conditions minimales objectives imposées au concessionnaire, relatives aux locaux, [notamment] l'atelier, seront en conformité avec les normes fixées par le concédant telles qu'elles sont définies dans le guide du concessionnaire Honda (') »

Pour démontrer l'existence d'une unité d'exploitation, elle met également en avant que son papier commercial, son tampon et ses sites internet dédiés respectivement à la concession et à la vente de voitures d'occasion indiquent l'adresse des deux locaux « International Automobiles Concessionnaire ' [Adresse 9] » (pièces 8, 9, 10, 21 et 25 International Automobiles).

Pourtant, d'après les extraits du site internet de la société International Automobiles https://.international-automobiles.com, il est proposé à la vente « un large choix de véhicules sportifs et de collection » (pièce 4, Secoia) ; sur les clichés extraits de ce site, des véhicules de marques diverses, comme Lamborghini, Bentley, Jaguar, Porsche ou Ferrari, sont proposés à la vente ; la même société édite un second site, comme concessionnaire Honda, https://honda-versailles.com, sur lequel sont présentés des véhicules exclusivement de marque Honda (pièce 5).

Contrairement à ce qu'affirme la société appelante, ces éléments factuels ne permettent pas de caractériser l'existence d'une unité d'exploitation, puisqu'au contraire, ce sont deux activités distinctes exercées séparément dans chacun des deux locaux.

Ces éléments ne démontrent pas que le local situé au 36 est un local accessoire. D'ailleurs, l'acte de renouvellement du bail consenti pour le 36, daté du 1er décembre 1999 (pièce 3 International Automobiles), décrit ainsi les lieux loués : un atelier, un bureau de réception, un magasin ' pièces détachées, un dégagement, des locaux techniques, des locaux sociaux, un sas d'entrée », offrant la possibilité d'exploiter un fonds de commerce distinct et autonome.

Si la société International Automobiles prétend que l'atelier nécessaire à l'exploitation du panneau Honda est situé au 36, et qu'au sein de cet atelier, seuls des véhicules [18] sont entretenus, elle ne verse pas de pièce susceptible de corroborer son propos.

Elle procède par affirmations lorsqu'elle soutient que la perte des locaux situés au n° 36 aurait pour conséquence de la priver de la possibilité de poursuivre l'exploitation de la concession Honda.

Sur la connaissance du bailleur

De façon surabondante, il convient d'observer que la société International Automobiles ne justifie nullement avoir informé la bailleresse d'alors, Mme [N], du caractère accessoire du local situé au 36 qu'elle lui donnait à bail. Il n'est pas sérieux d'opposer une connaissance évidente de cette situation du seul fait que la bailleresse avait son domicile personnel à 600 mètres des locaux loués. La délivrance d'un congé avec offre de renouvellement pour le 36 signifié au 40 ne peut établir que Mme [N] a eu ainsi connaissance du caractère accessoire des locaux qu'elle louait.

La société International Automobiles, qui prétend obtenir la production du contrat de vente de l'immeuble par Mme [N] à la société Secoia, pour démontrer la parfaite connaissance de la situation factuelle de la bailleresse, ne formule pas cette demande au dispositif de ses écritures ; de surcroît, elle n'a pas saisi le conseiller de la mise en état afin de solliciter la communication par la société bailleresse de cet acte de vente, en dépit de l'importance manifeste qu'elle semble accorder à cette pièce. Surtout, elle n'explique pas pour quelle raison elle aurait pu omettre de porter à la connaissance de la bailleresse une telle information, compte tenu de la particulière importance d'une telle connaissance.

En conséquence, c'est à raison que le tribunal a rejeté les arguments invoqués par la société International Automobiles et dit qu'à défaut d'être immatriculée au RCS au titre des locaux situés au 36, la société International Automobiles ne bénéficiait pas du statut des baux commerciaux s'agissant de ces locaux, de sorte qu'elle ne pouvait prétendre au versement d'une indemnité d'éviction.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les conséquences de la fin du bail

A son dispositif, la société Secoia demande à la cour de la recevoir en son appel incident et sollicite l'infirmation du jugement pour le surplus, en sollicitant le prononcé de la résiliation judiciaire et le débouté de l'indemnité d'éviction, à titre subsidiaire la désignation d'un expert.

Ces demandes présentées à titre incident sont sans objet, compte tenu du sort réservé à l'appel principal.

Sur la demande d'indemnité d'occupation

La bailleresse fait valoir, au soutien de sa demande de voir fixer l'indemnité d'occupation à un montant de 120 000 euros au moins, outre une somme de 50 000 euros au titre de l'occupation de la cour, que les calculs faits par la société occupant les lieux sont faits sur des surfaces inexactes, et sur des valeurs locatives fantaisistes. Elle ajoute que la demande d'abattement pour charges exorbitantes n'est pas fondée, de même qu'un abattement pour précarité.

La société International Automobiles fonde sa réplique sur l'article L. 145-28 du code de commerce de sorte que l'indemnité doit être calculée en prenant en compte la valeur locative.

Sur ce,

L'indemnité d'occupation, fondée sur l'article 1240 du code civil, vise tant à compenser la perte de loyers qu'à réparer le préjudice subi par la société Secoia qui n'a pas la libre disposition de son bien.

Cette dernière n'explicite pas plus qu'en première instance les motifs qui justifieraient la fixation d'une indemnité d'occupation équivalente au double du loyer actuel, de telle sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société International Automobiles à payer à titre d'indemnité d'occupation une somme égale au dernier loyer charges comprises et avec indexation.

Le bail litigieux prévoit la location des locaux, ainsi que celle de « trois places de parkings devant la porte d'entrée du bâtiment D ». Il sera en conséquence précisé que lesdites places devront également être libérées par la société International Automobiles, à défaut de quoi, l'expulsion ordonnée par le tribunal et confirmée par la cour, concernera également ces trois places. L'indemnité d'occupation fixée pour les lieux loués concerne également les places de parking incluses dans le bail.

S'agissant du reste de la cour, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de la société Secoia, faute pour elle de justifier que cette cour lui appartiendrait.

Sur les demandes de dépollution, de transmission sous astreinte d'un diagnostic environnemental et de retrait des biens encombrant la cour

La société Secoia expose que la société International Automobiles sera tenue de procéder aux opérations prévues par l'article L. 541-2 du code de l'environnement notamment, soit à tous travaux de neutralisation et de dépollution prescrits par ce texte. Elle ajoute que la société preneuse n'établit pas être en deçà des seuils imposés par l'article R. 511-9 du même code. De surcroît, elle relève que ces travaux sont à la charge de l'exploitant, au motif que l'arrêt du bail est la conséquence de son absence d'immatriculation au RCS, et qu'en toute hypothèse, les travaux lui incombent.

La société International Automobiles ne répond pas sur cette demande.

Sur ce,

La société Secoia, qui fonde ces demandes sur les articles L.541-2 et R.511-9 du code de l'environnement, et notamment l'annexe 4, ne précise pas de quelle catégorie relève la société International Automobiles.

Le n° 2930 de cette annexe est ainsi rédigé :

« Ateliers de réparation et d'entretien de véhicules et engins à moteur, y compris les activités de carrosserie et de tôlerie.

1. Réparation et entretien de véhicules et engins à moteur, la surface de l'atelier étant:

a) Supérieure à 5 000 m2 E -

b) Supérieure à 2 000 m2, mais inférieure ou égale à 5 000 m² DC -

2. Vernis, peinture, apprêt (application, cuisson, séchage de) sur véhicules et engins à moteur, la quantité maximale de produits susceptible d'être utilisée étant :

a) Supérieure à 100 kg/ j E -

b) Supérieure à 10 kg/ j, mais inférieure ou égale à 100 kg/ j»

Les dispositions invoquées par la société Secoia sont d'ordre public et la société International Automobiles est tenue, si elle relève de ces prescriptions de dépollution, de justifier les avoir respectées à la libération des lieux. Faute d'établir un préjudice né et actuel résultant d'un manquement de la société International Automobiles à ses obligations légales alors qu'elle n'a pas libéré les lieux, la société Secoia doit être déboutée de sa demande indemnitaire fondée sur la dépollution et de transmission sous astreinte d'un diagnostic environnemental.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Le sens de la décision justifie de condamner la société International Automobiles à payer à la société Secoia la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité de procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions du jugement étant également confirmées de ce chef.

La société International Automobiles supportera également les dépens exposés à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Déboute la société Secoia de son appel incident ;

Y ajoutant,

Condamne la société International Automobiles à payer à la société Secoia la somme de 5 000 euros d'indemnité procédurale ;

Condamne la société International Automobiles aux dépens exposés en appel, qui seront recouvrés par Me Pedroletti, qui en a fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier La Présidente

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site