CA Bastia, ch. civ. sect. 2, 19 novembre 2025, n° 23/00343
BASTIA
Arrêt
Autre
Chambre civile
Section 2
ARRÊT N°
du
19 NOVEMBRE 2025
N° RG 23/343
N° Portalis DBVE-V-B7H-CGMC VL-C
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de commerce d'Ajaccio, décision attaquée du 17 avril 2023, enregistrée sous le n° 2021002164
[V]
S.A.R.L. [T]
C/
S.A.R.L. PRIMO
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
DIX-NEUF NOVEMBRE
DEUX-MILLE-VINGT-CINQ
APPELANTS :
Me [Z] [V]
ès qualités de représentant des créanciers de la S.A.R.L. [T]
Mandataire Judiciaire
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AJACCIO
S.A.R.L. [T]
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Gilles ANTOMARCHI, avocat au barreau de BASTIA et Me Anne-Cécile NAUDIN de la SOCIÉTÉ CIVILE CABINET NAUDIN, avocate au barreau de MARSEILLE, substituée par Me Hugo BONACA, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
S.A.R.L. PRIMO
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA et Me Jean LUISI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 septembre 2025, devant Valérie LEBRETON, présidente de chambre, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Valérie LEBRETON, présidente de chambre
Emmanuelle ZAMO, conseillère
Guillaume DESGENS, conseiller
En présence de [B] [F], attachée de justice
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Mathieu ASSIOMA
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2025
ARRÊT :
Contradictoire.
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Valérie LEBRETON, présidente de chambre, et Mathieu ASSIOMA, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS :
Par jugement du 17 avril 2023, le tribunal de commerce d'Ajaccio s'est déclaré compétent, a condamné la société [T] à payer à la société Primo la somme de 343 466,98 euros au titre des arriérés de loyers arrêté au 31 mai 2021, a condamné la société [T] à payer à la société Primo la somme de 133 804 euros au titre de la remise en état et la somme de 369 194,85 euros au titre de l'article 4 des conditions générales du bail, outre une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris les frais de greffe pour 60,22 euros.
Par déclaration au greffe du 5 mai 2023, la société [T] a interjeté appel de la décision en ce que le tribunal de commerce d'Ajaccio a retenu sa compétence, l'a condamnée à payer à la société Primo la somme de 343 466,98 euros au titre des arriérés de loyers arrêté au 31 mai 2021, a condamné la société [T] à payer à la société Primo la somme de 133 804 euros au titre de la remise en état et la somme de 369 194,85 euros au titre de l'article 4 des conditions générales du bail, outre une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris les frais de greffe pour 60,22 euros, a rejeté ses demandes reconventionnelles.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 mars 2025, l'appelante sollicite le sursis à statuer, la jonction des procédures, l'infirmation de la décision, statuant à nouveau, débouter la société primo de toutes ses demandes, faire des déductions de la somme de 343 466,98 euros, constater qu'il reste une solde de 52 462,99 euros qui sera payé dans un délai de 36 mois, débouter des demandes au titre de la remise en état ; à titre subsidiaire, déclarer non écrite l'article 21 des conditions générales, dire que le solde de 85 611,81 euros sera payé en 36 mois, condamner la société Primo à payer à la société [T] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par Rpva le 6 janvier 2025, l'intimée sollicite la confirmation de la compétence du juge consulaire, rejeter la demande de sursis à statuer, confirmer le jugement pour la somme de 343 466,98 euros au titre des loyers impayés et une somme de 133 804 au titre du coût de remise en état, infirmer pour la limitation des loyers dus, statuant à nouveau, condamner la société [T] à payer une somme de 1476779 euros pour les loyers, charges et fonds marketing jusqu'au 3 juin 2025, outre 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2025.
SUR CE :
À titre liminaire, après un examen attentif et exhaustif des conclusions des parties, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger », les « prendre ou donner acte » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi.
La cour constate que dans ses dernières conclusions récapitulatives, la société [T] ne conteste plus la compétence du tribunal.
Sur le sursis à statuer :
La société [T] explique que la décision sur l'appel du jugement de redressement judiciaire sera rendue prochainement et qu'il convient de surseoir à statuer dans l'attente de cette décision.
En réponse, la société Primo sollicite le rejet de la demande récente et tardive.
Selon l'article 377 du code de procédure civile, en dehors des cas prévus par la loi, l'instance est suspendue par la décision de sursis à statuer.
Il est acquis que les juges apprécient souverainement l'opportunité d'un sursis à statuer.
La cour relève qu'en l'espèce, la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision sur l'appel du jugement de redressement judiciaire ne constitue pas un motif de sursis à statuer pour une demande de paiement de loyers.
La demande de sursis à statuer est rejetée.
Sur la demande de jonction :
Selon l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes.
La cour relève que sans la motiver, la société [T] sollicite la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 23/343 et 23/358.
La cour constate qu'il n'est pas dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre les deux procédures sus-visées.
La demande de jonction est rejetée.
Sur le fond :
Sur la fin du bail :
L'appelante expose qu'elle a subi le premier confinement et qu'elle a alors pris attache avec son bailleur, la société Primo pour formaliser des solutions, en vain. Elle indique que le 17 avril 2023, le tribunal de commerce d'Ajaccio l'a condamnée au paiement d'une somme de 343 466,88 euros outre les coûts de remise en état, qu'elle a interjeté appel et obtenu l'exécution provisoire.
Elle ajoute qu'elle a saisi le juge de l'exécution, où l'affaire est pendante.
L'appelante expose qu'elle a libéré le local le15 mars 2021, que le bailleur aurait dû fixer un rendez-vous pour procéder à la résiliation du bail à cette date en procédant à un état des lieux de sortie, que dès lors, elle n'est plus redevable de loyers au-delà de cette date.
Elle ajoute que l'attitude du bailleur caractérise la mauvaise foi et sa volonté de laisser s'aggraver la dette, elle demande la résiliation du bail au 15 mars 2021.
L'intimée explique que l'appelante ne conteste pas le principe des loyers impayés et allègue d'un accord pour un départ au 15 mars, qui n'existe pas, la société [T] a unilatéralement décidé de partir, a délaissé les lieux, sans remettre les clés, lieux qui n'ont été récupérés que le 1er juin au bénéfice d'une ouverture forcée par un serrurier, elle demande la confirmation de la date de reprise au 1er juin 2021.
Dans le cadre d'un appel incident, elle sollicite que la date de fin du bail soit fixé au 3 juin 2025.
La cour constate que la société [T] a conclu un bail commercial avec la société Primo le 29 mai 2019 pour un montant annuel hors charges et hors impôt foncier de 239 780 euros, outre une provision annuelle pour charges de 22 085 euros.
Le 5 janvier 2021, la société Primo a envoyé un courrier recommandé à la société [T] afin de lui communiquer le détail des sommes dues, soit une somme de 302 113,54 euros et préconisait une restitution amiable du local et l'établissement d'un échéancier.
Le 15 mars 2021, la société Primo a envoyé une mise en demeure afin de régler les loyers impayés pour un montant de 259 855,11 euros.
Le 29 mars 2021, un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré à la demande de la société Primo à la société [T] avec la mention de la somme de 260 587,05 euros et un décompte de la somme due.
Le 31 mars 2021, la société [T] a indiqué qu'un accord avait été trouvé entre les parties pour que son départ se fasse le 15 mars 2021.
Le 23 avril 2021, la société Primo a réfuté avoir conclu un accord avec la société [T] et demandait à cette dernière de s'acquitter de ses obligations de paiement.
La cour constate que deux constats d'huissier ont été produits aux débats :
- le premier du 6 mai 2021, à la requête de la société [T], qui constate que le local est complètement vide, que les lieux sont en bon état et ne présentent aucun désordre apparent, des photos sont produites.
- le second du 1er juin 2021, à la requête de la société Primo, qui constate que le local donné à bail à la société [T] est fermé et qu'il procède à l'ouverture du local. L'huissier mandaté a constaté des lieux vides, abandonnés, poussiéreux et sales, avec du matériel laissé sur place par le locataire, de la résine sur le sol qui a recouvert la dalle en béton d'origine, une colle a été apposée sur du ciment afin d'apposer des parpaings qui n'ont pas été enlevés.
L'huissier a constaté que la dalle en béton était endommagée du fait des points de colle, qu'un escalier en colimaçon a été édifié sans l'accord du bailleur, le bardage a été peint en noir, des clous sortent du sol, des photos sont produites.
La cour relève que si des pourpalers en vue d'une issue amiable ont existé, aucun accord ou protocole écrit n'a été signé par les deux parties.
La cour ajoute, que selon l'article L 145-41 du code du commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement infructueux et qu'en l'absence de protocole signé et homologué, il y a lieu de constater qu'en vertu du commandement de payer visant la clause résolutoire du 29 mars 2021, dont la validité n'a pas été contestée, il y a lieu de constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue dans le bail dans son article 50.
La cour relève qu'aucun paiement n'a été effectué depuis le 29 mars 2021 et que dès lors, le bail est résilié depuis le 29 avril 2021.
La cour constate encore que le 6 mai 2021, la société Lecourrazzi avait encore les clés puisqu'elle a fait diligenter un constat d'huissier.
La cour relève que le 1er juin, la société Primo a récupéré les locaux, au vu du constat d'huissier.
La cour, saisie d'une demande tendant à fixer la fin du bail, indique qu'elle constate la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire le 29 avril 2021.
La société [T] est donc tenu au paiement des loyers, charges et fond marketing jusqu'au 29 avril 2021 et à une indemnité d'occupation du 30 avril 2021 au 1er juin 2021, date à laquelle, la société Primo a récupéré le local.
Sur les sommes dues au titre des loyers, charges, fond marketing et indemnité d'occupation :
L'appelante conteste le montant de 343 466,98 euros, elle sollicite la déduction des loyers du 15 mars au 31 mai 2021, car elle a quitté les lieux le 15 mars. Elle sollicite également la déduction du dépôt de garantie.Elle conteste la régularisation des charges 2019 et 2020 qui ne sont pas justifiées. S'agissant des charges ou redevances liées au fonds marketing, elle indique qu'il faut déclarer cette clause non écrite et de débouter le bailleur de cette demande pour le montant de 15 775 euros.Elle sollicite une diminution du prix se fondant sur l'article 1722 du code civil, car elle n'a pu recevoir du public pendant la période Covid.
En réponse, la société Primo sollicite le rejet de la déduction des loyers et charges du 15 mars au 1er juin et précise que le dépôt de garantie a été déduit.Sur la régularisation des charges, elle indique que la société [T] a reconnu devoir les charges dans sa correspondance du 26 mars 2021, qu'elle a détaillé la somme due dans un récapitulatif figurant dans le commandement de payer du 29 mars 2021 et qu'elle a envoyé à la société appelante tous les mois les factures correpondantes aux sommes réclamées.Sur le fonds marketing, le bailleur indique qu'il s'agit d'une clause contractuelle, acceptée par le preneur au moment de la signature du bail, elle sollicite le rejet de la demande de clause non écrite.
La cour constate que le bailleur a produit un décompte au 1er juin 2021, d'un montant de 343 466,98 euros, au titre des loyers, charges et fond marketing impayés.
La cour indique que le courrier du preneur suite au commandement de payer ne fait pas état de contestations sur le montant des sommes dues et détaillées par le bailleur (pièce 10 de l'intimée).
La cour relève que le preneur prétend à une diminution du loyer sur le fondement de l'article 1722 du code civil en raison du Covid.
Selon cet article, si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas de force majeure, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut demander une diminution du prix.
La cour relève que par arrêt du 30 juin 2022, la cour de cassation a jugé que l'effet de la mesure générale d'interdiction de recevoir du public ne peut être imputable au bailleur, de sorte qu'il ne peut lui être imputé un manquement à leur obligation de délivrance assimilé à la perte de chose au sens de l'article 1722.
La société [T] ne peut donc se prévaloir de la jurisprudence de la cour de cassation pour fonder ses demandes à cet égard, l'arrêt du 18 janvier 2023 n'étant pas transposable en l'espèce.
En conséquence, la demande de diminution de prix sur ce fondement est rejeté.
Sur la régularisation des charges, la cour relève que les charges sont dues contractuellement.
En effet, ce point est fixé à l'article 9 du bail, qui prévoit une provision pour charges de 22 085 euros hors taxes.
Si selon l'article L 145-40-2 du code de commerce, tout contrat de bail comporte un inventaire précis des charges, la cour constate que le 26 mars 2021, la société appelante n'a jamais contesté le montant des charges.
La cour ajoute que la société Primo a informé par factures communiquées la régularisation des charges, les charges supplémentaires et qu'il n'existe pas de forme particulière pour la régularisation des charges.
La cour considère que les factures de régularisation sont suffisantes pour justifier le paiement des provisions pour charges et des suppléments de provision de charges détaillés dans les pièces produites.
En conséquence, la demande au titre des déductions au titre des charges sera rejetée.
Sur le fonds marketing, la cour constate qu'il est contractuellement prévu au bail, dans son article 21.
La cour relève que la somme de 15 775 hors taxes prévue a été formalisée au contrat et acceptée.
Si l'appelant se fonde sur l'article 1171 du code civil relatif aux clauses abusives, ce dernier qui a la charge de la preuve en présence d'un contrat signé ne démontre pas en quoi cette clause serait constitutive d'une clause abusive.
En conséquence, la demande de déduction de la somme due sur ce fondement est rejetée.
Sur la preuve des actions de la société Primo, notamment durant la période Covid, il ne résulte pas du contrat et de l'article relatif au fonds marketing, que le bailleur soit tenu d'informer des actions menées.
En conséquence, la demande à ce titre sera rejetée.
Sur la déduction du dépôt de garantie, il ressort du décompte produit aux débats, que ce dépôt de garantie n'a pas été déduit des sommes dues.
En conséquence, cette somme sera déduite de la somme de 343 466,98 euros.
Ainsi, la somme due au titre des loyers, charges impayées et fonds marketing et indemnité d'occupation par la société [T] est de 303 503,98 euros, la décision sera infirmée en ce sens.
La cour ajoute qu'ayant décidé que le bail s'était terminé avec l'acquisition de la clause résolutoire, le moyen selon lequel, le bail ne se termine qu'en juin 2025, conformément à l'article 4 du bail n'est pas opérant.
En effet, la volonté du bailleur a été de demander le bénéfice de la clause résolutoire le 29 mars 2021, en présence du commandement de payer et en l'absence de commandement fructueux, la cour ne peut que constater l'acquisition de la clause résolutoire et rejeter les demandes au titre du paiement des loyers et charges jusqu'au mois de juin 2025, la décision sera infirmée en ce sens et la société Primo sera déboutée de sa demande au titre de l'article 4.
Sur la remise en état :
L'appelante conteste la somme de 133 804 euros au titre des frais de remise en état, en précisant qu'il n'y avait pas d'état des lieux d'entrée. Sur les devis produits, elle relève le montant très important des devis, alors que le procès-verbal de constat ne fait état que d'anomalies mineures.
Elle conteste le devis de la société Samco, dont monsieur [C] était l'associé avant d'être remplacé par monsieur [R], lequel était salarié du groupe [C].
L'intimée explique que les lieux ont été loués à l'état brut et qu'il n'a pu faire d'état des lieux de sortie du fait du départ sans avertissement du preneur.
Il explique avoir produit des devis de la société Prodd'huy étrangère au groupe [C]. Il sollicite une somme de 133 804 euros TTC.
La cour relève que dans le bail, il est indiqué dans la destination du local loué, création et exploitation d'un complexe de karting indoor 100 % électrique et d'une petite restauration, vente de biens d'équipement.
L'article 13-2 sur les charges imputables au preneur comprend le nettoyage des espaces communs intérieurs, l'enlèvement des déchets.
Les photos des deux constats d'huissier précités montrent que le local est sale qu'il y a une résine comme revêtement, que subsistait dans le premier constat des éléments matériels de l'activité, et que du matériel est également présent dans le second constat.
La cour relève qu'il est manifeste que ce revêtement est inhérent à la création d'un complexe de karting.
L'appelante ne peut se référer à l'absence d'état des lieux d'entrée pour alléguer que le revêtement était présent et refuser de prendre en charge son enlèvement.
La cour relève qu'il appartient donc à la société appelante de remettre en état le local.
La cour se réfère aux deux devis, celui de la société Sae et celui de la société Prod'hyg, soit une somme de 133 804 euros.
Si l'appelante conteste l'objectivité de la société Sae, comme ayant des liens avec l'entreprise [C], la cour considère que les poste détaillés correspondent aux travaux à réaliser, car il existe bien un escalier qui doit être déposé, une démolition des coffrages.
De même, la réalisation d'un ponçage de sol résine est nécessaire à la remise en état d'un local qui doit être modifié pour une location ultérieure qui n'est pas une piste de karting.
La cour, afin d'éviter toute difficulté relative à l'impartialité subjective de la société Sae prend en compte le devis de la société Prod'hyg exclusivement pour considérer que les frais de remise en état s'élèvent à la somme de 113 685 euros hors taxes, soit 125 053 euros toutes taxes comprises.
La société [T] est donc condamnée à payer une somme de 125 053 euros au titre des frais de remise en état, la décision sera infirmée en ce sens.
En conséquence, les sommes dues par la société [T] à la société Primo sont les suivantes : 303 503,98 euros au titre des loyers et charges impayées, fonds marketing et indemnité d'occupation, et la somme de 125 053 euros au titre des frais de remise en état.
La demande de délais de paiement n'est ni justifiée, ni étayée, la cour la rejette.
Sur l'appel incident :
La société Primo réclame la poursuite du bail jusqu'au 3 juin 2025, alors même qu'en adressant un commandement de payer visant la clause résolutoire à son preneur, elle a manifesté sa volonté de constater l'acquisition de la clause résolutoire au 29 avril 2021, ce qu'a fait la cour.
La cour rappelle qu'ayant décidé que le bail s'était terminé avec l'acquisition de la clause résolutoire, le moyen selon lequel, le bail ne se termine qu'en juin 2025, conformément à l'article 4 du bail n'est pas opérant.
En effet, la volonté du bailleur a été de demander le bénéfice de la clause résolutoire le 29 mars 2021, en présence du commandement de payer et en l'absence de commandement fructueux, la cour ne peut que constater l'acquisition de la clause résolutoire et rejeter les demandes au titre du paiement des loyers et charges jusqu'au mois de juin 2025.
La cour constate que cette demande de paiement d'une somme n'est ni fondée en droit, ni étayée et contredit le commandement de payer visant la clause résolutoire.
Cette demande est donc rejetée.
En conséquence, la cour déboute la société Primo de cette demande de paiement d'une somme de 1476779 euros au titre de l'appel incident.
L'équité commande que la condamnation de la société [T] au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile soit confirmée, ainsi que la condamantion aux dépens.
En cause d'appel, la société [T] est condamnée au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure d'appel et elles est condamnée aux dépens, car elle succombe.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire
REJETTE la demande de sursis à statuer de la société [T]
REJETTE la demande de jonction de la société [T] des procédures enregistrées sous les numéros RG 23/343 et 23/358
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce d'Ajaccio du 17 avril 2023, en ce qu'il a condamné la société [T] à payer à la société Primo, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en ce qu'il a condamné la société [T] aux dépens, en ce compris les frais de greffe de 60,22 euros
INFIRME le jugement du tribunal de commerce d'Ajaccio du 17 avril 2023 pour le surplus
STATUANT A NOUVEAU
CONDAMNE la société [T] à payer à la société Primo, la somme de 305503,98 euros au titre des loyers, charges, fond marketing et indemnité d'occupation, déduction faite du dépôt de garantie de 39 963 euros
CONDAMNE la société [T] à payer à la société Primo la somme de 125 053 euros au titre des frais de remise en état
Y AJOUTANT
DÉBOUTE la société [T] de toutes ses autres demandes
DÉBOUTE la société Primo de sa demande au titre de l'article 4 du contrat de bail et de son appel incident et de toutes ses autres demandes
CONDAMNE la société [T] à payer à la société Primo, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société [T] aux entiers dépens d'appel
LE GREFFIER
LA PRÉSIDENTE
Section 2
ARRÊT N°
du
19 NOVEMBRE 2025
N° RG 23/343
N° Portalis DBVE-V-B7H-CGMC VL-C
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de commerce d'Ajaccio, décision attaquée du 17 avril 2023, enregistrée sous le n° 2021002164
[V]
S.A.R.L. [T]
C/
S.A.R.L. PRIMO
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
DIX-NEUF NOVEMBRE
DEUX-MILLE-VINGT-CINQ
APPELANTS :
Me [Z] [V]
ès qualités de représentant des créanciers de la S.A.R.L. [T]
Mandataire Judiciaire
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AJACCIO
S.A.R.L. [T]
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Gilles ANTOMARCHI, avocat au barreau de BASTIA et Me Anne-Cécile NAUDIN de la SOCIÉTÉ CIVILE CABINET NAUDIN, avocate au barreau de MARSEILLE, substituée par Me Hugo BONACA, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
S.A.R.L. PRIMO
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA et Me Jean LUISI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 septembre 2025, devant Valérie LEBRETON, présidente de chambre, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Valérie LEBRETON, présidente de chambre
Emmanuelle ZAMO, conseillère
Guillaume DESGENS, conseiller
En présence de [B] [F], attachée de justice
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Mathieu ASSIOMA
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2025
ARRÊT :
Contradictoire.
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Valérie LEBRETON, présidente de chambre, et Mathieu ASSIOMA, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS :
Par jugement du 17 avril 2023, le tribunal de commerce d'Ajaccio s'est déclaré compétent, a condamné la société [T] à payer à la société Primo la somme de 343 466,98 euros au titre des arriérés de loyers arrêté au 31 mai 2021, a condamné la société [T] à payer à la société Primo la somme de 133 804 euros au titre de la remise en état et la somme de 369 194,85 euros au titre de l'article 4 des conditions générales du bail, outre une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris les frais de greffe pour 60,22 euros.
Par déclaration au greffe du 5 mai 2023, la société [T] a interjeté appel de la décision en ce que le tribunal de commerce d'Ajaccio a retenu sa compétence, l'a condamnée à payer à la société Primo la somme de 343 466,98 euros au titre des arriérés de loyers arrêté au 31 mai 2021, a condamné la société [T] à payer à la société Primo la somme de 133 804 euros au titre de la remise en état et la somme de 369 194,85 euros au titre de l'article 4 des conditions générales du bail, outre une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris les frais de greffe pour 60,22 euros, a rejeté ses demandes reconventionnelles.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 mars 2025, l'appelante sollicite le sursis à statuer, la jonction des procédures, l'infirmation de la décision, statuant à nouveau, débouter la société primo de toutes ses demandes, faire des déductions de la somme de 343 466,98 euros, constater qu'il reste une solde de 52 462,99 euros qui sera payé dans un délai de 36 mois, débouter des demandes au titre de la remise en état ; à titre subsidiaire, déclarer non écrite l'article 21 des conditions générales, dire que le solde de 85 611,81 euros sera payé en 36 mois, condamner la société Primo à payer à la société [T] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par Rpva le 6 janvier 2025, l'intimée sollicite la confirmation de la compétence du juge consulaire, rejeter la demande de sursis à statuer, confirmer le jugement pour la somme de 343 466,98 euros au titre des loyers impayés et une somme de 133 804 au titre du coût de remise en état, infirmer pour la limitation des loyers dus, statuant à nouveau, condamner la société [T] à payer une somme de 1476779 euros pour les loyers, charges et fonds marketing jusqu'au 3 juin 2025, outre 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2025.
SUR CE :
À titre liminaire, après un examen attentif et exhaustif des conclusions des parties, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger », les « prendre ou donner acte » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi.
La cour constate que dans ses dernières conclusions récapitulatives, la société [T] ne conteste plus la compétence du tribunal.
Sur le sursis à statuer :
La société [T] explique que la décision sur l'appel du jugement de redressement judiciaire sera rendue prochainement et qu'il convient de surseoir à statuer dans l'attente de cette décision.
En réponse, la société Primo sollicite le rejet de la demande récente et tardive.
Selon l'article 377 du code de procédure civile, en dehors des cas prévus par la loi, l'instance est suspendue par la décision de sursis à statuer.
Il est acquis que les juges apprécient souverainement l'opportunité d'un sursis à statuer.
La cour relève qu'en l'espèce, la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision sur l'appel du jugement de redressement judiciaire ne constitue pas un motif de sursis à statuer pour une demande de paiement de loyers.
La demande de sursis à statuer est rejetée.
Sur la demande de jonction :
Selon l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes.
La cour relève que sans la motiver, la société [T] sollicite la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 23/343 et 23/358.
La cour constate qu'il n'est pas dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre les deux procédures sus-visées.
La demande de jonction est rejetée.
Sur le fond :
Sur la fin du bail :
L'appelante expose qu'elle a subi le premier confinement et qu'elle a alors pris attache avec son bailleur, la société Primo pour formaliser des solutions, en vain. Elle indique que le 17 avril 2023, le tribunal de commerce d'Ajaccio l'a condamnée au paiement d'une somme de 343 466,88 euros outre les coûts de remise en état, qu'elle a interjeté appel et obtenu l'exécution provisoire.
Elle ajoute qu'elle a saisi le juge de l'exécution, où l'affaire est pendante.
L'appelante expose qu'elle a libéré le local le15 mars 2021, que le bailleur aurait dû fixer un rendez-vous pour procéder à la résiliation du bail à cette date en procédant à un état des lieux de sortie, que dès lors, elle n'est plus redevable de loyers au-delà de cette date.
Elle ajoute que l'attitude du bailleur caractérise la mauvaise foi et sa volonté de laisser s'aggraver la dette, elle demande la résiliation du bail au 15 mars 2021.
L'intimée explique que l'appelante ne conteste pas le principe des loyers impayés et allègue d'un accord pour un départ au 15 mars, qui n'existe pas, la société [T] a unilatéralement décidé de partir, a délaissé les lieux, sans remettre les clés, lieux qui n'ont été récupérés que le 1er juin au bénéfice d'une ouverture forcée par un serrurier, elle demande la confirmation de la date de reprise au 1er juin 2021.
Dans le cadre d'un appel incident, elle sollicite que la date de fin du bail soit fixé au 3 juin 2025.
La cour constate que la société [T] a conclu un bail commercial avec la société Primo le 29 mai 2019 pour un montant annuel hors charges et hors impôt foncier de 239 780 euros, outre une provision annuelle pour charges de 22 085 euros.
Le 5 janvier 2021, la société Primo a envoyé un courrier recommandé à la société [T] afin de lui communiquer le détail des sommes dues, soit une somme de 302 113,54 euros et préconisait une restitution amiable du local et l'établissement d'un échéancier.
Le 15 mars 2021, la société Primo a envoyé une mise en demeure afin de régler les loyers impayés pour un montant de 259 855,11 euros.
Le 29 mars 2021, un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré à la demande de la société Primo à la société [T] avec la mention de la somme de 260 587,05 euros et un décompte de la somme due.
Le 31 mars 2021, la société [T] a indiqué qu'un accord avait été trouvé entre les parties pour que son départ se fasse le 15 mars 2021.
Le 23 avril 2021, la société Primo a réfuté avoir conclu un accord avec la société [T] et demandait à cette dernière de s'acquitter de ses obligations de paiement.
La cour constate que deux constats d'huissier ont été produits aux débats :
- le premier du 6 mai 2021, à la requête de la société [T], qui constate que le local est complètement vide, que les lieux sont en bon état et ne présentent aucun désordre apparent, des photos sont produites.
- le second du 1er juin 2021, à la requête de la société Primo, qui constate que le local donné à bail à la société [T] est fermé et qu'il procède à l'ouverture du local. L'huissier mandaté a constaté des lieux vides, abandonnés, poussiéreux et sales, avec du matériel laissé sur place par le locataire, de la résine sur le sol qui a recouvert la dalle en béton d'origine, une colle a été apposée sur du ciment afin d'apposer des parpaings qui n'ont pas été enlevés.
L'huissier a constaté que la dalle en béton était endommagée du fait des points de colle, qu'un escalier en colimaçon a été édifié sans l'accord du bailleur, le bardage a été peint en noir, des clous sortent du sol, des photos sont produites.
La cour relève que si des pourpalers en vue d'une issue amiable ont existé, aucun accord ou protocole écrit n'a été signé par les deux parties.
La cour ajoute, que selon l'article L 145-41 du code du commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement infructueux et qu'en l'absence de protocole signé et homologué, il y a lieu de constater qu'en vertu du commandement de payer visant la clause résolutoire du 29 mars 2021, dont la validité n'a pas été contestée, il y a lieu de constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue dans le bail dans son article 50.
La cour relève qu'aucun paiement n'a été effectué depuis le 29 mars 2021 et que dès lors, le bail est résilié depuis le 29 avril 2021.
La cour constate encore que le 6 mai 2021, la société Lecourrazzi avait encore les clés puisqu'elle a fait diligenter un constat d'huissier.
La cour relève que le 1er juin, la société Primo a récupéré les locaux, au vu du constat d'huissier.
La cour, saisie d'une demande tendant à fixer la fin du bail, indique qu'elle constate la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire le 29 avril 2021.
La société [T] est donc tenu au paiement des loyers, charges et fond marketing jusqu'au 29 avril 2021 et à une indemnité d'occupation du 30 avril 2021 au 1er juin 2021, date à laquelle, la société Primo a récupéré le local.
Sur les sommes dues au titre des loyers, charges, fond marketing et indemnité d'occupation :
L'appelante conteste le montant de 343 466,98 euros, elle sollicite la déduction des loyers du 15 mars au 31 mai 2021, car elle a quitté les lieux le 15 mars. Elle sollicite également la déduction du dépôt de garantie.Elle conteste la régularisation des charges 2019 et 2020 qui ne sont pas justifiées. S'agissant des charges ou redevances liées au fonds marketing, elle indique qu'il faut déclarer cette clause non écrite et de débouter le bailleur de cette demande pour le montant de 15 775 euros.Elle sollicite une diminution du prix se fondant sur l'article 1722 du code civil, car elle n'a pu recevoir du public pendant la période Covid.
En réponse, la société Primo sollicite le rejet de la déduction des loyers et charges du 15 mars au 1er juin et précise que le dépôt de garantie a été déduit.Sur la régularisation des charges, elle indique que la société [T] a reconnu devoir les charges dans sa correspondance du 26 mars 2021, qu'elle a détaillé la somme due dans un récapitulatif figurant dans le commandement de payer du 29 mars 2021 et qu'elle a envoyé à la société appelante tous les mois les factures correpondantes aux sommes réclamées.Sur le fonds marketing, le bailleur indique qu'il s'agit d'une clause contractuelle, acceptée par le preneur au moment de la signature du bail, elle sollicite le rejet de la demande de clause non écrite.
La cour constate que le bailleur a produit un décompte au 1er juin 2021, d'un montant de 343 466,98 euros, au titre des loyers, charges et fond marketing impayés.
La cour indique que le courrier du preneur suite au commandement de payer ne fait pas état de contestations sur le montant des sommes dues et détaillées par le bailleur (pièce 10 de l'intimée).
La cour relève que le preneur prétend à une diminution du loyer sur le fondement de l'article 1722 du code civil en raison du Covid.
Selon cet article, si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas de force majeure, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut demander une diminution du prix.
La cour relève que par arrêt du 30 juin 2022, la cour de cassation a jugé que l'effet de la mesure générale d'interdiction de recevoir du public ne peut être imputable au bailleur, de sorte qu'il ne peut lui être imputé un manquement à leur obligation de délivrance assimilé à la perte de chose au sens de l'article 1722.
La société [T] ne peut donc se prévaloir de la jurisprudence de la cour de cassation pour fonder ses demandes à cet égard, l'arrêt du 18 janvier 2023 n'étant pas transposable en l'espèce.
En conséquence, la demande de diminution de prix sur ce fondement est rejeté.
Sur la régularisation des charges, la cour relève que les charges sont dues contractuellement.
En effet, ce point est fixé à l'article 9 du bail, qui prévoit une provision pour charges de 22 085 euros hors taxes.
Si selon l'article L 145-40-2 du code de commerce, tout contrat de bail comporte un inventaire précis des charges, la cour constate que le 26 mars 2021, la société appelante n'a jamais contesté le montant des charges.
La cour ajoute que la société Primo a informé par factures communiquées la régularisation des charges, les charges supplémentaires et qu'il n'existe pas de forme particulière pour la régularisation des charges.
La cour considère que les factures de régularisation sont suffisantes pour justifier le paiement des provisions pour charges et des suppléments de provision de charges détaillés dans les pièces produites.
En conséquence, la demande au titre des déductions au titre des charges sera rejetée.
Sur le fonds marketing, la cour constate qu'il est contractuellement prévu au bail, dans son article 21.
La cour relève que la somme de 15 775 hors taxes prévue a été formalisée au contrat et acceptée.
Si l'appelant se fonde sur l'article 1171 du code civil relatif aux clauses abusives, ce dernier qui a la charge de la preuve en présence d'un contrat signé ne démontre pas en quoi cette clause serait constitutive d'une clause abusive.
En conséquence, la demande de déduction de la somme due sur ce fondement est rejetée.
Sur la preuve des actions de la société Primo, notamment durant la période Covid, il ne résulte pas du contrat et de l'article relatif au fonds marketing, que le bailleur soit tenu d'informer des actions menées.
En conséquence, la demande à ce titre sera rejetée.
Sur la déduction du dépôt de garantie, il ressort du décompte produit aux débats, que ce dépôt de garantie n'a pas été déduit des sommes dues.
En conséquence, cette somme sera déduite de la somme de 343 466,98 euros.
Ainsi, la somme due au titre des loyers, charges impayées et fonds marketing et indemnité d'occupation par la société [T] est de 303 503,98 euros, la décision sera infirmée en ce sens.
La cour ajoute qu'ayant décidé que le bail s'était terminé avec l'acquisition de la clause résolutoire, le moyen selon lequel, le bail ne se termine qu'en juin 2025, conformément à l'article 4 du bail n'est pas opérant.
En effet, la volonté du bailleur a été de demander le bénéfice de la clause résolutoire le 29 mars 2021, en présence du commandement de payer et en l'absence de commandement fructueux, la cour ne peut que constater l'acquisition de la clause résolutoire et rejeter les demandes au titre du paiement des loyers et charges jusqu'au mois de juin 2025, la décision sera infirmée en ce sens et la société Primo sera déboutée de sa demande au titre de l'article 4.
Sur la remise en état :
L'appelante conteste la somme de 133 804 euros au titre des frais de remise en état, en précisant qu'il n'y avait pas d'état des lieux d'entrée. Sur les devis produits, elle relève le montant très important des devis, alors que le procès-verbal de constat ne fait état que d'anomalies mineures.
Elle conteste le devis de la société Samco, dont monsieur [C] était l'associé avant d'être remplacé par monsieur [R], lequel était salarié du groupe [C].
L'intimée explique que les lieux ont été loués à l'état brut et qu'il n'a pu faire d'état des lieux de sortie du fait du départ sans avertissement du preneur.
Il explique avoir produit des devis de la société Prodd'huy étrangère au groupe [C]. Il sollicite une somme de 133 804 euros TTC.
La cour relève que dans le bail, il est indiqué dans la destination du local loué, création et exploitation d'un complexe de karting indoor 100 % électrique et d'une petite restauration, vente de biens d'équipement.
L'article 13-2 sur les charges imputables au preneur comprend le nettoyage des espaces communs intérieurs, l'enlèvement des déchets.
Les photos des deux constats d'huissier précités montrent que le local est sale qu'il y a une résine comme revêtement, que subsistait dans le premier constat des éléments matériels de l'activité, et que du matériel est également présent dans le second constat.
La cour relève qu'il est manifeste que ce revêtement est inhérent à la création d'un complexe de karting.
L'appelante ne peut se référer à l'absence d'état des lieux d'entrée pour alléguer que le revêtement était présent et refuser de prendre en charge son enlèvement.
La cour relève qu'il appartient donc à la société appelante de remettre en état le local.
La cour se réfère aux deux devis, celui de la société Sae et celui de la société Prod'hyg, soit une somme de 133 804 euros.
Si l'appelante conteste l'objectivité de la société Sae, comme ayant des liens avec l'entreprise [C], la cour considère que les poste détaillés correspondent aux travaux à réaliser, car il existe bien un escalier qui doit être déposé, une démolition des coffrages.
De même, la réalisation d'un ponçage de sol résine est nécessaire à la remise en état d'un local qui doit être modifié pour une location ultérieure qui n'est pas une piste de karting.
La cour, afin d'éviter toute difficulté relative à l'impartialité subjective de la société Sae prend en compte le devis de la société Prod'hyg exclusivement pour considérer que les frais de remise en état s'élèvent à la somme de 113 685 euros hors taxes, soit 125 053 euros toutes taxes comprises.
La société [T] est donc condamnée à payer une somme de 125 053 euros au titre des frais de remise en état, la décision sera infirmée en ce sens.
En conséquence, les sommes dues par la société [T] à la société Primo sont les suivantes : 303 503,98 euros au titre des loyers et charges impayées, fonds marketing et indemnité d'occupation, et la somme de 125 053 euros au titre des frais de remise en état.
La demande de délais de paiement n'est ni justifiée, ni étayée, la cour la rejette.
Sur l'appel incident :
La société Primo réclame la poursuite du bail jusqu'au 3 juin 2025, alors même qu'en adressant un commandement de payer visant la clause résolutoire à son preneur, elle a manifesté sa volonté de constater l'acquisition de la clause résolutoire au 29 avril 2021, ce qu'a fait la cour.
La cour rappelle qu'ayant décidé que le bail s'était terminé avec l'acquisition de la clause résolutoire, le moyen selon lequel, le bail ne se termine qu'en juin 2025, conformément à l'article 4 du bail n'est pas opérant.
En effet, la volonté du bailleur a été de demander le bénéfice de la clause résolutoire le 29 mars 2021, en présence du commandement de payer et en l'absence de commandement fructueux, la cour ne peut que constater l'acquisition de la clause résolutoire et rejeter les demandes au titre du paiement des loyers et charges jusqu'au mois de juin 2025.
La cour constate que cette demande de paiement d'une somme n'est ni fondée en droit, ni étayée et contredit le commandement de payer visant la clause résolutoire.
Cette demande est donc rejetée.
En conséquence, la cour déboute la société Primo de cette demande de paiement d'une somme de 1476779 euros au titre de l'appel incident.
L'équité commande que la condamnation de la société [T] au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile soit confirmée, ainsi que la condamantion aux dépens.
En cause d'appel, la société [T] est condamnée au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure d'appel et elles est condamnée aux dépens, car elle succombe.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire
REJETTE la demande de sursis à statuer de la société [T]
REJETTE la demande de jonction de la société [T] des procédures enregistrées sous les numéros RG 23/343 et 23/358
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce d'Ajaccio du 17 avril 2023, en ce qu'il a condamné la société [T] à payer à la société Primo, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en ce qu'il a condamné la société [T] aux dépens, en ce compris les frais de greffe de 60,22 euros
INFIRME le jugement du tribunal de commerce d'Ajaccio du 17 avril 2023 pour le surplus
STATUANT A NOUVEAU
CONDAMNE la société [T] à payer à la société Primo, la somme de 305503,98 euros au titre des loyers, charges, fond marketing et indemnité d'occupation, déduction faite du dépôt de garantie de 39 963 euros
CONDAMNE la société [T] à payer à la société Primo la somme de 125 053 euros au titre des frais de remise en état
Y AJOUTANT
DÉBOUTE la société [T] de toutes ses autres demandes
DÉBOUTE la société Primo de sa demande au titre de l'article 4 du contrat de bail et de son appel incident et de toutes ses autres demandes
CONDAMNE la société [T] à payer à la société Primo, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société [T] aux entiers dépens d'appel
LE GREFFIER
LA PRÉSIDENTE