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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 novembre 2025, n° 23/10702

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Axion (SARL), Axion Gestion Et Patrimoine (SARL)

Défendeur :

Century 21 France (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseiller :

M. Richaud

Avocats :

Me Berrih, Me Bernabe, Me Le Douche

T. com. Évry, du 14 avr. 2023, n° 2021F0…

14 avril 2023

FAITS, PRéCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La société Century 21 France exploite un réseau de franchise d'agences immobilières et de cabinets d'administrateur de biens sous l'enseigne Century 21.

Les sociétés Axion et Berrimmobilier, toutes deux dirigées par M. [O] [I], exercent une activité d'agence immobilière.

Les sociétés Axion gestion & patrimoine et Conseil en gestion de patrimoine, dont le dirigeant est également M. [I], exercent une activité de gestion immobilière.

Le 18 février 2016, la société Century 21 France a conclu avec la société Berrimmobilier un contrat de franchise concernant l'exploitation d'une agence immobilière au [Adresse 4] à [Localité 8], venant à échéance le 31 mars 2021.

La société Conseil en gestion de patrimoine a exercé son activité dans les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 8].

La société Berrimmobilier a informé la société Century 21 France qu'elle ne souhaitait pas renouveler ce contrat au 31 mars 2021, laquelle en a pris acte le 8 janvier 2021.

Le 28 mars 2019, la société Century 21 France a conclu un contrat de franchise avec la société Axion pour une durée de cinq ans afin d'exploiter une agence immobilière au [Adresse 1] à [Localité 8].

Ce contrat venait en renouvellement de précédents contrats de franchise dont le premier avait été signé le 4 mai 1998.

La société Axion gestion & patrimoine a exercé son activité dans l'agence située [Adresse 1] à [Localité 8] entre 2003 et le 31 mars 2021, en vertu d'un avenant au contrat de franchise en date du 23 novembre 2003 précisant que cette société sera soumise «'de manière indivisible avec Century 21 [Adresse 9] aux droits et obligations résultant du contrat de franchise'».

Estimant que le non-renouvellement du contrat de franchise par la société Berrimmobilier entraînait la résiliation du contrat de franchise signé par la société Axion, la société Century 21 France a, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 7 juin 2021, mis en demeure la société Axion de lui verser la somme totale de 39.090,45 euros dont la somme de 22.464,59 euros au titre de l'indemnité de résiliation anticipée prévue à l'article 15 du contrat de franchise.

La société Axion a réglé les sommes réclamées au titre des redevances dues par elle et la société Axion gestion & patrimoine mais a refusé de payer l'indemnité de résiliation anticipée, estimant que la résiliation anticipée du contrat de franchise était due au non-renouvellement par le franchiseur du contrat de franchise concernant la société Berrimmobilier.

Le 22 septembre 2021, la société Century 21 France a assigné la société Axion devant le tribunal de commerce d'Evry aux fins, notamment, de voir condamner celle-ci au paiement de la somme de 22.464,59 euros au titre de l'indemnité de résiliation anticipée augmentée des intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2021.

Le 2 novembre 2021, la société Axion gestion & patrimoine est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 14 avril 2023, le tribunal de commerce d'Evry a':

- pris acte de l'intervention volontaire de la société Axion gestion & patrimoine,

- condamné solidairement les sociétés Axion et Axion gestion & patrimoine à payer à la société Century 21 France la somme de 10.000 euros au titre de l'indemnité de résiliation anticipée outre les intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2021,

- condamné solidairement les sociétés Axion et Axion gestion & patrimoine à payer à la société Century 21 France la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité de procédure,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- condamné solidairement les sociétés Axion et Axion gestion & patrimoine aux dépens comprenant les frais de greffe liquidés à la somme de 89,67 euros TTC.

Selon déclaration du 15 juin 2023, les sociétés Axion et Axion gestion & patrimoine ont relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 27 juin 2025, les appelantes demandent à la cour, au visa de l'article 1231-5 du code civil, d'infirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il a pris acte de l'intervention volontaire de la société Axion gestion & patrimoine, statuant à nouveau dans cette limite, de débouter la société Century 21 France de toutes ses demandes.

Subsidiairement, elles demandent à la cour de réduire à la somme d'un euro symbolique le montant de la clause pénale prévue par la facture n°5210429.

En tout état de cause, les appelantes sollicitent la condamnation de l'intimée à verser à la société Axion la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, celle de 5.000 euros chacune à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions du 23 novembre 2023, la société Century 21 France demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que la société Axion est redevable de l'indemnité de résiliation contractuelle pour rupture anticipée du contrat de franchise, de l'amender et de condamner solidairement les sociétés Axion et Axion gestion & patrimoine à lui payer la somme de 22.464,59 euros à titre d'indemnité de résiliation anticipée avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2021, de débouter les appelantes de toutes leurs demandes et de condamner celles-ci au paiement de la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

La mise en état a été clôturée le 7 juillet 2025.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.

MOTIFS

1. Sur l'applicabilité de la clause pénale et l'imputabilité de la résiliation anticipée

Moyens des parties

Les appelantes font grief au tribunal de les avoir condamnées solidairement au paiement d'une indemnité de résiliation anticipée au motif qu'en ne renouvelant pas le contrat de franchise conclu par la société Berrimmobilier avec la société Century 21 France son dirigeant, qui est aussi le dirigeant de la société Axion, s'est exposé à la rupture anticipée du contrat de franchise souscrit par cette dernière, de sorte que cette rupture lui est imputable, alors qu'une clause pénale ne s'applique qu'en cas d'inexécution de ses obligations par l'une des parties, que la clause pénale stipulée à l'article 15-3 du contrat Axion ne pouvait trouver à s'appliquer que pour le cas d'une résiliation sur le fondement de l'article 15-2, à savoir pour inexécution contractuelle imputable au franchisé, et non pour quelque cause que ce soit comme l'article 15.1 le prévoit, que la résiliation du contrat Axion résulte d'une décision unilatérale de la société Century 21 France à la suite de l'arrivée à son terme du contrat de franchise Berrimmobilier et non d'une inexécution imputable à la société Axion.

En réponse, la société Century 21 France soutient que l'article 15.1 n'est pas contradictoire avec l'indemnité de résiliation pour rupture anticipée du contrat de franchise prévue à l'article 15.3.

Réponse de la cour

Selon l'article 1231-5 du code civil lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Il résulte de ces dispositions que la clause pénale est la clause d'un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution d'une obligation.

En l'espèce, suivant l'article E 10 du contrat de franchise du 28 mars 2019 unissant les sociétés Axion et Century 21 France, le dirigeant de la société franchisée s'engage «'à ne pas détenir, directement ou indirectement, de participations ou exercer une fonction dans une autre entreprise quelle que soit sa forme, qui ne serait pas titulaire d'un contrat de franchise Century 21, exerçant sur le territoire national une activité relevant d'une carte transaction ou de gestion au titre de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet'».

L'article 15 de ce contrat, intitulé «'Résiliation anticipée du contrat'», prévoit':

«'Le présent contrat de franchise pourra être résilié de plein droit avant son terme soit à raison de la survenance d'un événement, soit à raison de l'inexécution par l'une des parties de l'une des clauses du contrat.

1. Survenance d'un événement

Le présent contrat pourra être résilié par Century 21 France sans préavis et sans versement d'indemnité d'aucune sorte, en cas de survenance de l'une des situations énoncées ci-après':

* Perte par le Franchisé de sa carte professionnelle

* Suppression de la garantie financière du Franchisé

* Survenance d'un des événements mentionnés à l'article 14A.

2. Inexécution contractuelle

Par ailleurs, le contrat de franchise pourra également être résilié de plein droit par l'une ou l'autre des parties en cas d'inexécution par l'une d'entre elles de l'une des clauses du présent contrat ou du Manuel des politiques et procédures.

A titre d'exemple et sans que la liste ci-dessous puisse être considérée comme exhaustive, les inexécutions contractuelles suivantes constituent des causes de résiliation de plein droit':

- l'atteinte à l'image de la marque,

- le non-paiement à son échéance de l'une quelconque des obligations financières,

- le non atteinte du quota de chiffre d'affaires minimum pendant la durée de la période probatoire,

- le non envoi par l'agence des informations sur son activité sous la forme des check-up.

La résiliation du contrat de franchise sera effective soit immédiatement et sans préavis s'il ne peut être remédié à ladite violation contractuelle, soit dans un délai d'un mois, après mise en demeure restée sans effet, signifiée par LRAR faite par l'une des parties à l'autre et précisant l'intention de faire jouer la présente clause résolutoire, s'il peut être remédié à l'inexécution contractuelle pendant ce dit délai.

3. En outre, dans toutes les hypothèses visées au présent article, le Franchisé responsable de la rupture devra, à titre de clause pénale irréductible, et sans que ceci fasse obstacle à l'attribution de tous autres dommages et intérêts pour préjudices prouvés, une somme égale au total des redevances dues par lui en exécution de l'article 8 ci-dessus durant les six (6) mois précédant la rupture.'»

Comme le soutiennent à juste titre les appelantes, la clause pénale prévue à l'article 15.3 du contrat de franchise en cause ne peut trouver application qu'en cas d'inexécution par l'une des parties de leurs obligations contractuelles.

Au regard de l'économie du contrat en cause et de l'emploi de la formule «'du fait du franchisé'», la clause pénale prévue à l'article 15.3, laquelle ne vise que le cas de résiliation anticipée du contrat imputable au franchisé, ne saurait s'appliquer à la résiliation de plein droit que le franchiseur, en vertu de l'article 15.1, a la faculté de solliciter en cas de cessation pour quelque cause que ce soit (arrivée du terme, non renouvellement, résiliation anticipée) d'un autre contrat Century 21 conclu entre le franchiseur et une société liée à la structure titulaire du présent contrat par au moins un associé ou dirigeant commun, et ce, sans exigence d'un comportement fautif du franchisé.

En effet, cette faculté ouverte au franchiseur lui permet d'assurer la cohérence de son réseau en cas de sortie d'un franchisé lié à d'autres membres de celui-ci, et ce, indépendamment de toute inexécution contractuelle de la part du franchisé, alors que la clause pénale expressément prévue par les parties ne s'applique que «'en cas de résiliation anticipée du présent contrat de franchise pour quelque cause que ce soit, du fait du franchisé'», et, partant, suppose un manquement de ce dernier à l'une de ses obligations contractuelles.

Or, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la résiliation anticipée du contrat conclu avec la société Axion décidée par le franchiseur n'est fondée que sur l'arrivée à son terme et le non renouvellement par le franchisé du contrat conclu avec la société Berrimmobilier, également dirigée par M. [I], et non sur une inexécution de ses obligations imputable à la société Axion, personne morale distincte de la société Berrimmobilier, de sorte que qu'aucune somme n'est due par cette dernière au titre de cette clause pénale.

Le jugement entrepris sera donc infirmé et, la cour statuant à nouveau, les prétentions de la société Century 21 France seront rejetées.

2. Sur la demande indemnitaire pour procédure abusive

Le droit d'exercer une action en justice ou une voie de recours ne dégénère en abus que s'il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l'appréciation de ses droits qui ne saurait résulter du seul rejet de ses prétentions. Faute pour les sociétés Axion et Axion gestion & patrimoine d'établir un tel abus, sa demande de dommages-intérêts sera rejetée.

3. Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la solution donnée au litige, les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront infirmées.

La société Century 21 France, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamné à payer aux sociétés Axion et Axion gestion & patrimoine, unies d'intérêts, la somme globale de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a pris acte de l'intervention volontaire de la société Axion gestion & patrimoine';

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

Rejette toutes les prétentions formées par la société Century 21 France à l'encontre des sociétés Axion et Axion gestion & patrimoine';

Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par les sociétés Axion et Axion gestion & patrimoine';

Condamne la société Century 21 France aux dépens de première instance et d'appel et à payer aux sociétés Axion et Axion gestion & patrimoine la somme globale de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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