CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 19 novembre 2025, n° 25/06889
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/06889 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLFXH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mars 2025 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2025002312
APPELANT
M. [R] [W]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Jacques MONTA de la SELEURL Jacques MONTA Avocat à la Cour, avocat au barreau de PARIS, toque : D0546
Assisté par Me Etienne CHARBONNEL, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉES
S.A.S.U. LARIO SPECIALISE DE PARISIEN 1
[Adresse 4]
ACT'OFFICE
[Adresse 8] [Adresse 10]
[Localité 5]
Immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le numéro 881 441 083
Représentée par Me Philippe MARION de la SELEURL AD LEGEM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : TE2181
Assistée par Me Giovani VYDEELINGUM, avocat au barreau de PARIS, toque : E2181
S.C.P. BTSG prise en la personne de Me [Z] [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [R] [W]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 434 122 511
Représentée par Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : B0873
Assisté par Me Juliette AFFRE, avocate au barreau de PARIS, toque : B0873
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Octobre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Raoul CARBONARO, Président de chambre
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Raoul CARBONARO, président, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
M. [R] [W] est un entrepreneur individuel inscrit au Registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 749 977 732, domicilié [Adresse 3] à Paris (75008).
M. [R] [W] exerce, depuis 2015, une activité d'agent et de courtier d'assurance, identifiée dans sa documentation sous le nom de Cabinet FR.
Le 13 janvier 2017, M. [R] [W] a été radié, pour son activité d'agent général d'assurance, du Registre officiel des intermédiaires en Assurance, Banque et Finance géré par l'ORIAS (l'organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance).
Il était à cette date toujours inscrit pour son activité de courtier en assurance et réassurance.
M. [R] [W] a dès lors décidé de centrer son activité individuelle sur l'assurance des personnes et a créé en 2018 la société Cabinet HFR, spécialisée dans l'assurance des biens.
Le 1er juin 2018, le Cabinet FR et la société Cabinet HFR ont conclu une convention de co-courtage permettant une rémunération pour des apports de clientèles réciproques.
En 2020, M. [R] [W] a été nommé président de la société Barents Risk Management (RCS Paris 539 860 619) pour laquelle ce dernier était chargé de développer l'activité d'assurance de personnes.
Le 1er octobre 2020, la société Barents Risk Management a conclu avec le Cabinet FR une convention de co-courtage permettant une rémunération pour des apports de clientèles réciproques.
M. [R] [W] a alors consacré l'essentiel de son activité individuelle ' sous le nom du Cabinet FR ' au développement de l'activité d'assurance de personnes de la société Barents Risk Management.
En parallèle, la société Cabinet HFR a acquis, le 23 décembre 2020, 50% du capital social de la société Barents Risk Management.
Cependant, le 4 mars 2022, M. [R] [W] a été radié du registre de l'ORIAS pour son activité de courtage en assurance et réassurance.
Depuis ce jour, M. [R] [W] n'est donc plus autorisé à exercer son activité de courtage d'assurance.
En décembre 2023, M. [R] [W] a démissionné de ses fonctions de président de la société Barents Risk Management.
En suite d'avis de recouvrement, mise en demeure infructueux et avis à tiers détenteurs, le Chef de Service Comptable du Pôle de recouvrement spécialisé parisien 1 a fait assigner M. [R] [W] en liquidation judiciaire, ou subsidiairement en redressement judiciaire devant le tribunal des activités économiques de Paris.
Par jugement du 20 mars 2025, le tribunal a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. [R] [W] et a désigné la SCP BTSG², prise en la personne de Me [Z] [K], en qualité de liquidateur judiciaire et a fixé à18 mois antérieurement au prononcé du présent jugement, soit au 30 avril 2024, la date de cessation des paiements.
Par déclaration du 7 mars 2025, M. [R] [W] a relevé appel de cette décision.
***
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 septembre 2025, M. [R] [W] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du 20 mars 2025 rendu par le Tribunal des Activités Economiques de Paris uniquement en ce qu'il a :
- Ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son égard ;
- Fixé à 18 mois antérieurement au prononcé du présent jugement, soit au 30 avril 2024, la date de cessation des paiements compte tenu de l'ancienneté de la première inscription de privilège ;
- Fixé à 2 ans le délai au terme duquel la clôture de cette procédure devra être examinée en application de l'article L. 643-9 du code de commerce et invite les parties à se présenter à l'audience du 18 mars 2027 ;
Et statuant à nouveau :
- Ouvrir à son bénéfice une procédure de redressement judiciaire ;
- Fixer à 6 mois la période d'observation pendant laquelle seront établies par le débiteur des propositions tendant à la continuation de l'entreprise dans le cadre de son redressement ;
- Fixer provisoirement la date de cessation des paiements au jour de la notification du contrôle fiscal ;
- Renvoyer le dossier au tribunal des affaires économiques de Paris pour la fixation d'une audience d'examen de la poursuite de la période d'observation ;
- Confirmer le jugement pour le surplus ;
- Dire que les dépens seront passés en frais de procédure collective.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 septembre 2025, la SCP BTSG2, ès-qualités, demande à la cour de :
- Rejeter la demande de M. [R] [W] d'infirmer le jugement du 20 mars 2025 ;
- Confirmer en son entier dispositif le jugement du 20 mars 2025 ;
- Débouter M. [R] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 août 2025, le Comptable du Pôle Recouvrement Spécialisé Parisien 1 demande à la cour de :
- Débouter M. [R] [W] (entrepreneur individuel) de son appel ;
- Confirmer le jugement de liquidation judiciaire du tribunal de commerce de Paris du 20 mars 2025 ;
- Dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
***
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 2 octobre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les perspectives de redressement
M. [R] [W] soutient que la situation qu'il subit est la conséquence du contentieux qu'il connaît avec ses associés sur la société Barents Risk Management (BRM) ; que ses activités bénéficiaient auparavant d'une croissance importante, qu'il s'agisse de l'activité de la société Cabinet HFR, ou de son activité à titre individuel (Cabinet FR), lorsqu'il avait mis tout son savoir-faire au service de BRM ; que ces difficultés se sont traduites par une chute brutale de son chiffre d'affaires, qui est passé de 130 695 euros en 2022, à 29 700 euros en 2023 et zéro en 2024 ; que la société Cabinet HFR a également fortement souffert du contentieux BRM, avec notamment un effondrement du chiffre d'affaires, divisé par plus de 2 (passé de 393 489 euros en 2022 à 193 172 euros en 2023, puis 174 241 euros en 2024) ; mais que ses charges d'exploitation ont également fondu (passant de 423 416 euros en 2022 à 245 180 euros en 2023, en suite du coup d'arrêt donné aux investissements initiés pour le développement du portefeuille client au bénéfice de BRM ; que son passif devrait s'établir à la somme totale de 225 115 euros (avant contestations), lequel est à comparer avec la rentabilité qu'il estime pouvoir dégager à court et moyen terme ; que le tableau synthétisant les prévisions de revenus (nets d'imposition) qu'il fournit démontre qu'il devrait être en mesure de dégager une activité, à très court terme, génératrice dès la première année de revenus importants au regard du passif et que ces revenus seront suffisants pour couvrir les besoins d'une période d'observation de redressement judiciaire, mais également pour envisager la présentation d'un plan de redressement par voie de continuation. Il conclut qu'il démontre aujourd'hui qu'un redressement est loin d'être manifestement impossible.
La SCP BTSG2, ès-qualités, réplique, au rappel des dispositions des articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce, que la cessation d'activité rend impossible l'adoption d'un plan de redressement de l'entreprise et conduit la conversion du redressement en liquidation ; qu'en l'espèce, l'état de cessation des paiements n'est pas contesté par le débiteur ; qu'il est constaté une baisse importante de chiffre d'affaires de M. [W] passant de 130 695 euros en 2022 à 29 700 euros en 2023, ainsi qu'une absence de toute disponibilité pour les exercices clos au 31 décembre 2022 et 31 décembre 2023, de sorte qu'il ne dispose d'aucun actif disponible, alors que le passif déclaré et échu s'élève à hauteur de 240 550,49 euros ; qu'il est dès lors dans l'incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que son redressement est manifestement impossible puisque, en sus de la cessation de son activité individuelle, il a été radié, au titre de son activité individuelle, du Registre de l'ORIAS et qu'il ne verse aux débats aucun prévisionnel d'exploitation et de trésorerie sérieux.
Le Comptable du Pôle Recouvrement Spécialisé Parisien 1 énonce que sa créance d'une somme de 74 010 euros déclarée à titre définitif est certaine, liquide et exigible ; que le débiteur ne présente aucun actif disponible et mobilisable, ainsi que les saisies à tiers détenteurs infructueux le démontrent ; qu'il n'a plus d'activité au titre de son entreprise individuelle depuis 2022 et qu'il a perdu son agrément ORIAS lui permettant d'exercer une activité de courtage ; que le défaut d'établissement de liasse fiscale traduit l'incapacité de M. [W] à assumer ses obligations fiscales ; qu'en sollicitant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, il ne conteste pas sa situation de cessation des paiements ; qu'enfin, les éléments versés ne permettent pas de justifier la reprise imminente d'une activité pérenne, aucun contrat ou aucune promesse de contrat n'étant présentée au titre de la reprise d'une activité ; que le défaut de paiement de la TVA constitue un manquement particulièrement grave équivalent à un détournement des sommes versées par des tiers et qui sont destinées à être reversées au Trésor public, les sommes en cause appartenant dès leur perception à l'État ; qu'au regard des démarches entreprises par l'administration fiscale, le débiteur démontre qu'il n'a pris aucune mesure pour remédier à ses difficultés, notamment en effectuant une déclaration de cessation des paiements lorsqu'il en était encore temps ; que l'importance de la dette exigible et son ancienneté, s'agissant plus particulièrement de la TVA perçue auprès de ses clients et non reversée à l'administration fiscale, est significative ; qu'il ne rencontre donc pas une gêne passagère, mais se trouve en état de cessation des paiements qui ne peut se résoudre que par sa liquidation.
Sur ce,
L'article L. 631-1 du code de commerce dispose qu'Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements.
L'article L. 640-1 du code de commerce dispose qu'Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
En l'espèce, M. [W] ne conteste pas son état de cessation des paiements.
Il est en outre observé qu'il est tenu, pour pouvoir exercer son activité individuelle d'agent et/ou de courtier en assurance et réassurance, d'être inscrit au Registre de l'ORIAS, seules les personnes immatriculées au Registre de l'ORIAS étant autorisées à exercer leur activité d'intermédiaires en assurance et réassurance conformément à l'article L. 512-1 du code des assurances.
Or, M. [W] a été radié du Registre de l'ORIAS le 13 janvier 2017 pour son activité d'agent général en assurance et le 4 mars 2022 pour son activité de courtage d'assurance et de réassurance, de sorte qu'il n'est pas autorisé à exercer une quelconque activité de courtage en assurance et réassurance depuis 2022.
Il est observé qu'il ne justifie d'aucune démarche lui permettant d'être de nouveau inscrit sur le Registre de l'ORIAS et ce, depuis 2022.
Il n'est dès lors toujours pas autorisé à exercer son activité individuelle qu'il ne peut donc reprendre à ce jour. Il ne peut donc prétendre pouvoir envisager une relance de son activité individuelle.
Il convient de relever par ailleurs que le moyen soulevé par l'appelant selon lequel la relance de son activité individuelle serait possible notamment grâce à « la stabilisation constatée dans le chiffre d'affaires réalisé par la société Cabinet HFR » alors qu'il s'agit de son activité individuelle, exercée sous le nom de Cabinet FR, et non de celle de la société HFR.
Aux termes de ses conclusions, l'appelant ne verse aucun élément permettant de démontrer que le redressement de son activité individuelle serait manifestement possible.
En effet, le compte de résultat prévisionnel pour l'exercice 2025 versé aux débats concerne la société Cabinet HFR, alors que la présente procédure concerne l'activité individuelle de M. [W], exercée sous le nom de Cabinet FR.
Le document intitulé « prévisionnels annuels » qui, selon l'appelant confirmerait qu'il serait attendu, au sein du Cabinet FR, des revenus très importants sur les prochaines années » n'est pas probant dès lors que rien ne permet d'identifier que ce « prévisionnel de trésorerie » concerne le Cabinet FR et que ledit prévisionnel, non certifié par un expert-comptable, est particulièrement sommaire.
En effet, ledit « prévisionnel », qualifié d'ailleurs de « document nécessairement imparfait » par l'appelant, n'est qu'une estimation des revenus (nets d'imposition) qu'il pourrait percevoir de 2025 à 2035 et envisage de percevoir une rémunération annuelle de 20 000 euros au titre d'une activité de co-courtage exercée avec la société Cabinet HFR alors même qu'il n'est plus autorisé à exercer une telle activité, ainsi qu'une une rémunération annuelle de 15 000 euros au titre d'honoraires de prestation de conseil en matière d'assurance et de réassurance auprès des adhérents de l'association Hubb Experts, dont il est vice-président.
Or, pour justifier ces honoraires, l'appelant se fonde sur un contrat signé entre l'association Hubb Experts et la Fédération Française de Carrosserie le 22 octobre 2015 qui a pris effet le 1er janvier 2016 et s'est terminé le 31 décembre 2016.
Au regard de ces seuls éléments, de l'absence de justification de perspectives encourageantes pour l'avenir et en l'absence de tout élément comptable ou commercial prévisionnel tel qu'un prévisionnel d'exploitation ou de trésorerie pour l'avenir, autre que le document versé aux débats dépourvu de caractère sérieux, M. [W] - au titre de son activité individuelle - échoue à rapporter la preuve de perspectives de redressement et ne permet pas à la cour d'apprécier si l'année 2026 permet d'envisager un redressement.
Il ressort de ces constatations et de cette carence probatoire que la preuve que M. [W] puisse présenter un plan de continuation à l'issue d'une période d'observation n'est pas établie, de sorte qu'il convient de retenir qu'un redressement est manifestement impossible.
Aussi, convient-il de confirmer l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Sur les frais du procès
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens. Les dépens d'appel seront également passés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions frappées d'appel ;
Y ajoutant :
Dit que les dépens d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/06889 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLFXH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mars 2025 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2025002312
APPELANT
M. [R] [W]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Jacques MONTA de la SELEURL Jacques MONTA Avocat à la Cour, avocat au barreau de PARIS, toque : D0546
Assisté par Me Etienne CHARBONNEL, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉES
S.A.S.U. LARIO SPECIALISE DE PARISIEN 1
[Adresse 4]
ACT'OFFICE
[Adresse 8] [Adresse 10]
[Localité 5]
Immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le numéro 881 441 083
Représentée par Me Philippe MARION de la SELEURL AD LEGEM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : TE2181
Assistée par Me Giovani VYDEELINGUM, avocat au barreau de PARIS, toque : E2181
S.C.P. BTSG prise en la personne de Me [Z] [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [R] [W]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 434 122 511
Représentée par Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : B0873
Assisté par Me Juliette AFFRE, avocate au barreau de PARIS, toque : B0873
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Octobre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Raoul CARBONARO, Président de chambre
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Raoul CARBONARO, président, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
M. [R] [W] est un entrepreneur individuel inscrit au Registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 749 977 732, domicilié [Adresse 3] à Paris (75008).
M. [R] [W] exerce, depuis 2015, une activité d'agent et de courtier d'assurance, identifiée dans sa documentation sous le nom de Cabinet FR.
Le 13 janvier 2017, M. [R] [W] a été radié, pour son activité d'agent général d'assurance, du Registre officiel des intermédiaires en Assurance, Banque et Finance géré par l'ORIAS (l'organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance).
Il était à cette date toujours inscrit pour son activité de courtier en assurance et réassurance.
M. [R] [W] a dès lors décidé de centrer son activité individuelle sur l'assurance des personnes et a créé en 2018 la société Cabinet HFR, spécialisée dans l'assurance des biens.
Le 1er juin 2018, le Cabinet FR et la société Cabinet HFR ont conclu une convention de co-courtage permettant une rémunération pour des apports de clientèles réciproques.
En 2020, M. [R] [W] a été nommé président de la société Barents Risk Management (RCS Paris 539 860 619) pour laquelle ce dernier était chargé de développer l'activité d'assurance de personnes.
Le 1er octobre 2020, la société Barents Risk Management a conclu avec le Cabinet FR une convention de co-courtage permettant une rémunération pour des apports de clientèles réciproques.
M. [R] [W] a alors consacré l'essentiel de son activité individuelle ' sous le nom du Cabinet FR ' au développement de l'activité d'assurance de personnes de la société Barents Risk Management.
En parallèle, la société Cabinet HFR a acquis, le 23 décembre 2020, 50% du capital social de la société Barents Risk Management.
Cependant, le 4 mars 2022, M. [R] [W] a été radié du registre de l'ORIAS pour son activité de courtage en assurance et réassurance.
Depuis ce jour, M. [R] [W] n'est donc plus autorisé à exercer son activité de courtage d'assurance.
En décembre 2023, M. [R] [W] a démissionné de ses fonctions de président de la société Barents Risk Management.
En suite d'avis de recouvrement, mise en demeure infructueux et avis à tiers détenteurs, le Chef de Service Comptable du Pôle de recouvrement spécialisé parisien 1 a fait assigner M. [R] [W] en liquidation judiciaire, ou subsidiairement en redressement judiciaire devant le tribunal des activités économiques de Paris.
Par jugement du 20 mars 2025, le tribunal a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. [R] [W] et a désigné la SCP BTSG², prise en la personne de Me [Z] [K], en qualité de liquidateur judiciaire et a fixé à18 mois antérieurement au prononcé du présent jugement, soit au 30 avril 2024, la date de cessation des paiements.
Par déclaration du 7 mars 2025, M. [R] [W] a relevé appel de cette décision.
***
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 septembre 2025, M. [R] [W] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du 20 mars 2025 rendu par le Tribunal des Activités Economiques de Paris uniquement en ce qu'il a :
- Ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son égard ;
- Fixé à 18 mois antérieurement au prononcé du présent jugement, soit au 30 avril 2024, la date de cessation des paiements compte tenu de l'ancienneté de la première inscription de privilège ;
- Fixé à 2 ans le délai au terme duquel la clôture de cette procédure devra être examinée en application de l'article L. 643-9 du code de commerce et invite les parties à se présenter à l'audience du 18 mars 2027 ;
Et statuant à nouveau :
- Ouvrir à son bénéfice une procédure de redressement judiciaire ;
- Fixer à 6 mois la période d'observation pendant laquelle seront établies par le débiteur des propositions tendant à la continuation de l'entreprise dans le cadre de son redressement ;
- Fixer provisoirement la date de cessation des paiements au jour de la notification du contrôle fiscal ;
- Renvoyer le dossier au tribunal des affaires économiques de Paris pour la fixation d'une audience d'examen de la poursuite de la période d'observation ;
- Confirmer le jugement pour le surplus ;
- Dire que les dépens seront passés en frais de procédure collective.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 septembre 2025, la SCP BTSG2, ès-qualités, demande à la cour de :
- Rejeter la demande de M. [R] [W] d'infirmer le jugement du 20 mars 2025 ;
- Confirmer en son entier dispositif le jugement du 20 mars 2025 ;
- Débouter M. [R] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 août 2025, le Comptable du Pôle Recouvrement Spécialisé Parisien 1 demande à la cour de :
- Débouter M. [R] [W] (entrepreneur individuel) de son appel ;
- Confirmer le jugement de liquidation judiciaire du tribunal de commerce de Paris du 20 mars 2025 ;
- Dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
***
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 2 octobre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les perspectives de redressement
M. [R] [W] soutient que la situation qu'il subit est la conséquence du contentieux qu'il connaît avec ses associés sur la société Barents Risk Management (BRM) ; que ses activités bénéficiaient auparavant d'une croissance importante, qu'il s'agisse de l'activité de la société Cabinet HFR, ou de son activité à titre individuel (Cabinet FR), lorsqu'il avait mis tout son savoir-faire au service de BRM ; que ces difficultés se sont traduites par une chute brutale de son chiffre d'affaires, qui est passé de 130 695 euros en 2022, à 29 700 euros en 2023 et zéro en 2024 ; que la société Cabinet HFR a également fortement souffert du contentieux BRM, avec notamment un effondrement du chiffre d'affaires, divisé par plus de 2 (passé de 393 489 euros en 2022 à 193 172 euros en 2023, puis 174 241 euros en 2024) ; mais que ses charges d'exploitation ont également fondu (passant de 423 416 euros en 2022 à 245 180 euros en 2023, en suite du coup d'arrêt donné aux investissements initiés pour le développement du portefeuille client au bénéfice de BRM ; que son passif devrait s'établir à la somme totale de 225 115 euros (avant contestations), lequel est à comparer avec la rentabilité qu'il estime pouvoir dégager à court et moyen terme ; que le tableau synthétisant les prévisions de revenus (nets d'imposition) qu'il fournit démontre qu'il devrait être en mesure de dégager une activité, à très court terme, génératrice dès la première année de revenus importants au regard du passif et que ces revenus seront suffisants pour couvrir les besoins d'une période d'observation de redressement judiciaire, mais également pour envisager la présentation d'un plan de redressement par voie de continuation. Il conclut qu'il démontre aujourd'hui qu'un redressement est loin d'être manifestement impossible.
La SCP BTSG2, ès-qualités, réplique, au rappel des dispositions des articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce, que la cessation d'activité rend impossible l'adoption d'un plan de redressement de l'entreprise et conduit la conversion du redressement en liquidation ; qu'en l'espèce, l'état de cessation des paiements n'est pas contesté par le débiteur ; qu'il est constaté une baisse importante de chiffre d'affaires de M. [W] passant de 130 695 euros en 2022 à 29 700 euros en 2023, ainsi qu'une absence de toute disponibilité pour les exercices clos au 31 décembre 2022 et 31 décembre 2023, de sorte qu'il ne dispose d'aucun actif disponible, alors que le passif déclaré et échu s'élève à hauteur de 240 550,49 euros ; qu'il est dès lors dans l'incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que son redressement est manifestement impossible puisque, en sus de la cessation de son activité individuelle, il a été radié, au titre de son activité individuelle, du Registre de l'ORIAS et qu'il ne verse aux débats aucun prévisionnel d'exploitation et de trésorerie sérieux.
Le Comptable du Pôle Recouvrement Spécialisé Parisien 1 énonce que sa créance d'une somme de 74 010 euros déclarée à titre définitif est certaine, liquide et exigible ; que le débiteur ne présente aucun actif disponible et mobilisable, ainsi que les saisies à tiers détenteurs infructueux le démontrent ; qu'il n'a plus d'activité au titre de son entreprise individuelle depuis 2022 et qu'il a perdu son agrément ORIAS lui permettant d'exercer une activité de courtage ; que le défaut d'établissement de liasse fiscale traduit l'incapacité de M. [W] à assumer ses obligations fiscales ; qu'en sollicitant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, il ne conteste pas sa situation de cessation des paiements ; qu'enfin, les éléments versés ne permettent pas de justifier la reprise imminente d'une activité pérenne, aucun contrat ou aucune promesse de contrat n'étant présentée au titre de la reprise d'une activité ; que le défaut de paiement de la TVA constitue un manquement particulièrement grave équivalent à un détournement des sommes versées par des tiers et qui sont destinées à être reversées au Trésor public, les sommes en cause appartenant dès leur perception à l'État ; qu'au regard des démarches entreprises par l'administration fiscale, le débiteur démontre qu'il n'a pris aucune mesure pour remédier à ses difficultés, notamment en effectuant une déclaration de cessation des paiements lorsqu'il en était encore temps ; que l'importance de la dette exigible et son ancienneté, s'agissant plus particulièrement de la TVA perçue auprès de ses clients et non reversée à l'administration fiscale, est significative ; qu'il ne rencontre donc pas une gêne passagère, mais se trouve en état de cessation des paiements qui ne peut se résoudre que par sa liquidation.
Sur ce,
L'article L. 631-1 du code de commerce dispose qu'Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements.
L'article L. 640-1 du code de commerce dispose qu'Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
En l'espèce, M. [W] ne conteste pas son état de cessation des paiements.
Il est en outre observé qu'il est tenu, pour pouvoir exercer son activité individuelle d'agent et/ou de courtier en assurance et réassurance, d'être inscrit au Registre de l'ORIAS, seules les personnes immatriculées au Registre de l'ORIAS étant autorisées à exercer leur activité d'intermédiaires en assurance et réassurance conformément à l'article L. 512-1 du code des assurances.
Or, M. [W] a été radié du Registre de l'ORIAS le 13 janvier 2017 pour son activité d'agent général en assurance et le 4 mars 2022 pour son activité de courtage d'assurance et de réassurance, de sorte qu'il n'est pas autorisé à exercer une quelconque activité de courtage en assurance et réassurance depuis 2022.
Il est observé qu'il ne justifie d'aucune démarche lui permettant d'être de nouveau inscrit sur le Registre de l'ORIAS et ce, depuis 2022.
Il n'est dès lors toujours pas autorisé à exercer son activité individuelle qu'il ne peut donc reprendre à ce jour. Il ne peut donc prétendre pouvoir envisager une relance de son activité individuelle.
Il convient de relever par ailleurs que le moyen soulevé par l'appelant selon lequel la relance de son activité individuelle serait possible notamment grâce à « la stabilisation constatée dans le chiffre d'affaires réalisé par la société Cabinet HFR » alors qu'il s'agit de son activité individuelle, exercée sous le nom de Cabinet FR, et non de celle de la société HFR.
Aux termes de ses conclusions, l'appelant ne verse aucun élément permettant de démontrer que le redressement de son activité individuelle serait manifestement possible.
En effet, le compte de résultat prévisionnel pour l'exercice 2025 versé aux débats concerne la société Cabinet HFR, alors que la présente procédure concerne l'activité individuelle de M. [W], exercée sous le nom de Cabinet FR.
Le document intitulé « prévisionnels annuels » qui, selon l'appelant confirmerait qu'il serait attendu, au sein du Cabinet FR, des revenus très importants sur les prochaines années » n'est pas probant dès lors que rien ne permet d'identifier que ce « prévisionnel de trésorerie » concerne le Cabinet FR et que ledit prévisionnel, non certifié par un expert-comptable, est particulièrement sommaire.
En effet, ledit « prévisionnel », qualifié d'ailleurs de « document nécessairement imparfait » par l'appelant, n'est qu'une estimation des revenus (nets d'imposition) qu'il pourrait percevoir de 2025 à 2035 et envisage de percevoir une rémunération annuelle de 20 000 euros au titre d'une activité de co-courtage exercée avec la société Cabinet HFR alors même qu'il n'est plus autorisé à exercer une telle activité, ainsi qu'une une rémunération annuelle de 15 000 euros au titre d'honoraires de prestation de conseil en matière d'assurance et de réassurance auprès des adhérents de l'association Hubb Experts, dont il est vice-président.
Or, pour justifier ces honoraires, l'appelant se fonde sur un contrat signé entre l'association Hubb Experts et la Fédération Française de Carrosserie le 22 octobre 2015 qui a pris effet le 1er janvier 2016 et s'est terminé le 31 décembre 2016.
Au regard de ces seuls éléments, de l'absence de justification de perspectives encourageantes pour l'avenir et en l'absence de tout élément comptable ou commercial prévisionnel tel qu'un prévisionnel d'exploitation ou de trésorerie pour l'avenir, autre que le document versé aux débats dépourvu de caractère sérieux, M. [W] - au titre de son activité individuelle - échoue à rapporter la preuve de perspectives de redressement et ne permet pas à la cour d'apprécier si l'année 2026 permet d'envisager un redressement.
Il ressort de ces constatations et de cette carence probatoire que la preuve que M. [W] puisse présenter un plan de continuation à l'issue d'une période d'observation n'est pas établie, de sorte qu'il convient de retenir qu'un redressement est manifestement impossible.
Aussi, convient-il de confirmer l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Sur les frais du procès
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens. Les dépens d'appel seront également passés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions frappées d'appel ;
Y ajoutant :
Dit que les dépens d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT