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Décisions

CA Besançon, 1re ch., 18 novembre 2025, n° 24/01085

BESANÇON

Arrêt

Autre

CA Besançon n° 24/01085

18 novembre 2025

PM/LZ

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° de rôle : N° RG 24/01085 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EZM2

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2025

Décision déférée à la Cour : jugement du 04 juin 2024 - RG N°23/00112 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 6]

Code affaire : 50D - Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Michel WACHTER, Président de chambre.

Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER et M. Philippe MAUREL, Conseillers.

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et Mme Leila Zait au prononcé de la décision.

DEBATS :

L'affaire a été examinée en audience publique du 09 septembre 2025 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER et M. Philippe MAUREL, conseillers et assistés de Mme Fabienne ARNOUX, greffier.

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

L'affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [B] [N] [R]

né le 02 Mai 1972 à [Localité 7], de nationalité française

Garagiste, demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Cristina DE MAGALHAES de la SELARL SYLLOGÉ, avocat au barreau de BESANCON

ET :

INTIMÉ

Monsieur [V] [X]

né le 01 Février 1986 à [Localité 3], de nationalité française,

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Frédéric TELENGA de la SELARL BJT, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant

Représenté par Me Marie-Laure LE GOFF, avocat au barreau de JURA, avocat plaidant

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Leila Zait, greffier lors du prononcé.

*************

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [R] était propriétaire, depuis 2012, d'un chalet situé au [Adresse 4] » à [Localité 5]. Suivant acte authentique en date du 5 décembre 2020, M. [R] a vendu à M. [V] [X] le bien dont il était propriétaire moyennant un prix de 551'000 euros. Dès le mois de février 2021, le nouveau propriétaire s'est plaint de désordres par infiltrations à l'intérieur du local. Un expert amiable a identifié la cause des désordres dans un défaut de construction résidant dans la faible pente de la toiture qui était de 10 % au lieu de 30 % prévus par les directives techniques unifiées.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 29 juin 2021, M. [X] a mis en demeure le vendeur d'immeuble de lui payer la somme de 30'895,79 euros au titre des frais de remise en état et de reprise de l'immeuble endommagé. L'acte comminatoire n'a pas été suivi d'effets.

M. [X] a alors saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Vesoul qui, dans une ordonnance en date du 15 février 2022, a débouté le requérant de sa demande en paiement provisionnel correspondant au coût des travaux mais a ordonné une mesure d'expertise judiciaire et commis pour y procéder M. [I], avec mission habituelle en la matière. L'expert a déposé rapport de ses opérations au greffe en date du 8 octobre 2022.

Par acte de commissaire de justice en date du 23 février 2023, M. [X] a fait assigner M. [R] en paiement du montant représentatif du coût des travaux de résorption des désordres, et ce sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Suivant jugement en date du 4 juin 2024, le tribunal judiciaire de Vesoul a statué dans les termes suivants :

' Condamne M. [B] [R] à verser à M. [V] [X] la somme de 38'100 euros au titre des travaux de remise en état et de reprise, celle de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel annexe, celle de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance et enfin celle de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

' Dit que la partie de la somme susvisée de 38'100 euros relative aux travaux de réfection et de reprise sera indexée sur l'indice BT-01 entre le 6 octobre 2022 et le jour du présent jugement.

Pour statuer comme il l'a fait le tribunal a retenu les motifs suivants :

' Les vices de construction à l'origine des dommages étaient antérieurs à la vente et dissimulés à la livraison. La déficience du dispositif d'étanchéité qui en est résultée a rendu l'immeuble impropre à l'usage de sa destination.

' La clause élusive de garantie stipulée à l'acte de vente ne peut être déclarée opposable à l'acquéreur dans la mesure où le vendeur est à la tête de plusieurs sociétés spécialisées dans le secteur de l'immobilier et des travaux de second oeuvre du bâtiment. De surcroît, celui-ci a réalisé personnellement des travaux d'aménagement à l'intérieur du local qui lui ont nécessairement permis de s'apercevoir de l'état dégradé de la toiture.

Suivant déclaration au greffe en date du 17 juillet 2024, formalisée par voie électronique, M. [B] [R] a interjeté appel du jugement rendu. Dans le dernier état de ses écritures en date du 28 avril 2025, il invite la cour à statuer dans le sens suivant :

' Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Vesoul le 4 juin 2024 pour toutes les condamnations pécuniaires prononcées à son encontre.

Statuant à nouveau :

' Juger que le concluant n'était pas un professionnel de l'immobilier et de la construction au moment de la vente immobilière et qu'il n'avait pas connaissance de l'existence des désordres en sa qualité de profane.

' Dès lors, juger que la clause d'exclusion de garantie des vices cachés incluse dans l'acte authentique de vente est opposable à l'acquéreur.

' Débouter M. [V] [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Subsidiairement :

' Juger que le concluant ne pourra être condamné au paiement d'une somme excédant 33'587,97 euros au titre des travaux de reprise.

' Débouter M. [V] [X] du paiement de la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait pour cela valoir les moyens et arguments suivants :

' L'expert judiciaire a identifié trois séries de facteurs dommageables à l'origine des désordres : ceux qui, antérieurs à la vente, pouvaient être visibles de même que leurs causes de première part, ceux antérieurs à la vente qui n'étaient pas visibles, de deuxième part, et enfin ceux qui sont apparus postérieurement à la vente, de troisième part. En toute hypothèse, les vices de construction postérieurs à la livraison ne sauraient lui être imputés.

' S'agissant des vices, cachés ou non, existant antérieurement à la vente, il est en droit d'opposer à l'intimé la stipulation insérée à l'acte de vente relative à l'exclusion de toute garantie dans cette hypothèse.

' Il exerce la profession de garagiste et n'est pas un professionnel de la vente immobilière ni de la construction. Il précise que s'il est gérant d'une société commerciale, la SARL « Isolation Lupéenne », il n'a été que l'apporteur des capitaux sans assumer aucune responsabilité technique au sein de l'entreprise. Il est également associé et gérant de plusieurs SCI mais celles-ci sont uniquement destinées à acquérir des terrains en vue de l'installation de garages automobiles et n'exercent donc aucune activité d'achat et de revente. Il est gérant d'une société d'investissement et associé au sein d'une société commerciale spécialisée dans le domaine immobilier sans pour autant assumer une quelconque responsabilité technique au sein de cette entité sociétaire.

' Pour chacune des familles de désordres, impliquant des facteurs dommageables hétérogènes, aucune connaissance technique ne peut lui être attribuée.

' Il a exécuté des travaux à l'intérieur du local et s'est notamment chargé de l'installation d'un dispositif VMC mais ces travaux n'ont nécessité que le déplacement de quelques tuiles du toit sans pour autant que cela suffise à lui faire prendre conscience du défaut de construction affectant la toiture. De la même manière, il a procédé à l'installation de faux plafonds mais sans pour autant passer par l'extérieur ce dont il résulte qu'il n'a pu s'apercevoir de l'état dégradé de la charpente.

' Contrairement aux assertions de l'expert, aucun désordre ne s'est jamais produit lorsqu'il occupait le logement.

' Les travaux préconisés par l'expert judiciaire ne sont pas en concordance avec la réalité des dommages en sorte que la créance indemnitaire doit être réduite. De surcroît, l'inhabitabilité du local, affecté à usage de résidence secondaire pour l'occupant actuel, n'est aucunement démontrée si bien que le poste relatif au préjudice de jouissance est surévalué.

' L'indemnité couvrant le préjudice matériel annexe concerne des travaux déjà compris dans la réparation des désordres principaux. Faisant double emploi, elle ne saurait être déclarée certaine et exigible.

* * *

Dans des conclusions responsives, à portée récapitulative, en date 24 avril 2025, M. [X] se prononce en faveur de la confirmation pure et simple du jugement attaqué. Il se porte demandeur reconventionnel à l'instance aux fins de voir son adversaire condamné à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il soutient à cet égard que :

' La clause d'exclusion de garantie lui est inopposable puisqu'il est incontestable, ainsi que l'a retenu le premier juge, que le vendeur est un professionnel de l'immobilier et de la construction eu égard aux responsabilités assumées dans plusieurs sociétés civiles ou commerciales dont l'objet touche à la vente ou la construction immobilière.

' En réalisant lui-même les travaux d'installation de la VMC et ceux relatifs à la pose d'un faux plafond, il ne pouvait échapper au vendeur d'immeuble que la toiture comportait un défaut et que les chevrons supportant la toiture étaient dans un état de dégradation avancée.

' L'expert, en préconisant des travaux de réfection affectant toute la toiture, n'a fait que tirer les conséquences de l'ampleur des désordres sachant qu'aucun artisan n'accepterait de reprendre des éléments préexistants.

* * *

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 19 août 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

L'acquéreur a entendu fonder son action dirigée contre le vendeur sur la garantie des vices cachés dont le siège réside dans les dispositions des articles 1641 et suivants du code civil. Toutefois, il a expressément renoncé à engager l'action rédhibitoire en vue d'obtenir la résolution du contrat de vente et s'est explicitement situé sur le terrain de l'action estimatoire afin d'obtenir une réfaction de prix, selon l'alternative exposeé à l'article 1644 du code civil. L'article en question énonce que :

« Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. »

Cependant, M. [X] n'a pas expressément sollicité le remboursement de la part surnuméraire du prix correspondant à la moins-value affectant l'immeuble du fait des désordres consécutifs à des vices cachés mais a demandé la condamnation du vendeur à lui payer une indemnité réparatrice du préjudice matériel et de jouissance subis.

Il convient, à cet égard, de rappeler que l'action en responsabilité contractuelle de droit commun peut être entreprise concurremment à l'action rédhibitoire ou estimatoire (Cass. 3° Civ. 14 décembre 2017 n° 16- 24. 170).

Il y a donc lieu de considérer, au cas présent, que les dommages et intérêts réclamés par l'acquéreur équivalent, à due concurrence, à la réduction du prix qui constitue l'objet même de l'action estimatoire qu'il a introduite à l'encontre de son adversaire.

* * *

Pour se soustraire à toute obligation de paiement, l'appelant se recommande d'une clause exonératoire de garantie insérée à l'acte de vente et rédigée dans les termes suivants :

« L'acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison des vices apparents et des vices cachés. S'agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas si le vendeur à la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction sauf si l'acquéreur a également cette qualité. »

Cette stipulation est donc directement inspirée des dispositions de l'article 1643 du code précité en vertu desquelles le vendeur est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

Le premier juge a considéré que le vendeur d'immeuble avait la qualité de professionnel et en a déduit que la clause élusive était inopposable à son cocontractant. Il a, ce faisant, appliqué strictement le principe selon lequel le vendeur qui connaît le vice de la chose au moment de la vente ne peut se prévaloir d'une clause élusive ou limitative de garantie des vices cachés. Il est tenu à cette garantie nonobstant l'existence de cette clause. Sa qualité de professionnel fait donc écran à l'application d'une telle stipulation qui ménage au vendeur une immunité de garantie (Cass. 3° Civ. 16 décembre 2009 n° 09-10.540). Il est donc irréfragablement présumé connaître les vices affectant l'immeuble aliéné.

Le professionnel de l'immobilier n'est pas, normalement, habilité à se prévaloir d'une clause de non-garantie ou de limitation de garantie, eu égard à son statut et aux compétences qui s'y rattachent. Ainsi, les fonctions de gestion, d'acquisition et de vente immobilière sont traditionnellement exclusives de la reconnaissance de la qualité de vendeur profane (Cass 3° Civ. 3 janvier 1984 n° 81- 14. 326). Toutefois, la jurisprudence a évolué dans le sens d'une pondération de l'application rigoureuse d'un tel principe. En effet, le professionnel de l'immobilier ne peut valablement se prévaloir d'une clause exonératoire de garantie sous réserve que la cause de la résolution du contrat de vente entre dans le champ de prévision de son domaine de compétence, c'est-à-dire la législation applicable à la vente d'immeuble, et d'une manière plus générale, l'ensemble des dispositifs normatifs qui régissent les ventes immobilières. Dès lors, sauf qualification particulière dans le domaine des techniques de construction, il ne peut être recherché en garantie, au seul constat de sa qualité de professionnel de l'immobilier, laquelle n'induit aucune compétence sur le plan technique, si le contrat de vente comporte une clause élusive stipuleé à son bénéfice (Cass 3° Civ 17 octobre 2024 n° 22-22. 882).

S'agissant de M. [R], les pièces produites aux débats montrent qu'il est à la tête de plusieurs agences immobilières dont l'objet est le négoce de biens immobiliers bâtis et non bâtis. Le premier juge en a déduit qu'il avait la qualité de professionnel et qu'en conséquence la stipulation insérée à l'acte de vente ne pouvait jouer à son profit.

De son côté, M. [V] [X] exerce aussi, sous la forme sociétale, une activité d'agent immobilier spécialisé dans l'achat, la rénovation et la commercialisation de terrains et de bâtiments. Il en résulte que l'acquéreur et le vendeur ne peuvent, à ce seul titre, se voir attribuer la qualité de professionnel disposant de compétences techniques suffisantes pour mettre à jour les vices de construction affectant un immeuble bâti.

L'appréciation de la compétence professionnelle du vendeur est beaucoup plus restrictive lorsqu'elle touche à la matière de la construction proprement dite, comprenant l'ensemble des techniques en usage dans l'édification ou l'aménagement d'ouvrages immobiliers, et ce quel que soit le corps de métier dans lequel cette spécialisation lui confère la qualité de professionnel averti. Il ressort, de ce point de vue, des pièces de la procédure que M. [R] est le gérant de plusieurs sociétés commerciales dont l'objet social est relatif à des travaux de second oeuvre dans le domaine de la construction. Il est ainsi à la tête de la SARL «Isolation Lupéenne » dont l'activité consiste dans la pose de vitreries, des travaux d'isolation thermique, d'entretien, de réparation et de travaux de maintenance de biens immobiliers. Il est également mandataire social d'une SARL « Evasions Spas » spécialisée dans la vente de spas, d'installation de coques de piscine et de leurs équipements accessoires. L'appelant est donc nanti de compétences particulières dans le domaine de la construction et la circonstance qu'il n'exerce, selon des dires, qu'une activité de gestion au sein des entreprises concernées ne le disqualifie pas pour autant pour que lui soit attribué le label de professionnel.

Il convient de rajouter que doivent être assimilées à un vendeur professionnel les personnes qui, sans être des techniciens du bâtiment, ont participé à leur réalisation (Cass. 3° Civ 15 septembre 2016 n° 15- 21. 387). Ainsi, dès l'instant où il a personnellement réalisé les travaux désignés comme étant à l'origine de désordres, le vendeur ne peut s'exonérer de son obligation de garantie en excipant du fait qu'il n'a pas la qualité de professionnel de la construction. L'analogie avec le promoteur-vendeur visé à l'article 1792-1 du code civil est donc de mise puisque celui-ci est reconnu débiteur de la garantie décennale des constructeurs lorsqu'il a édifié ou fait édifier un bâtiment en vue de procéder à sa vente.

De ce point de vue, l'expert judiciaire a clairement fait ressortir des investigations menées sous son égide, que M. [R] avait entrepris lui-même les travaux relatifs au gros 'uvre du local mais également les travaux de second oeuvre. Il observe, sur ce point, que:

« M. [R] a réalisé personnellement des travaux de faux plafonds sous toiture, de doublages de placoplâtre, de peinture et de passage de câbles électriques sous les tuiles qui lui ont permis de constater la faible pente des versants nord et sud de la toiture, la vétusté des lattes support de ces tuiles et la proximité de l'écran souple avec la sous-face de ces tuiles. »

Dans cette optique, le fait qu'il n'ait ni l'expérience ni les connaissances d'un technicien du bâtiment n'est pas de nature à le soustraire à son obligation de garantie à la faveur d'une clause élusive de responsabilité.

Il ressort enfin des pièces du dossier qu'à l'occasion des travaux réalisés, et notamment de l'installation d'une VMC, le vendeur d'immeuble est intervenu sur le toit du local où il n'a pu que s'apercevoir de l'état dégradé des tuiles. De la même manière, l'installation d'un faux plafond sous les poutres et solives supportant le plancher du premier étage a été l'occasion, en l'état de l'apparence de leur état dégradé, de lui faire prendre conscience des détériorations de cette partie d'ouvrage. Il convient, à cet égar de rappeler qu'il n'est pas nécessaire que le vendeur d'immeubles ait eu une connaissance exhaustive de l'ampleur des vices affectant l'ouvrage puisqu'il suffit qu'il se soit avisé de l'existence de certains d'entre eux.

Il s'ensuit que M. [R], connaissant l'existence de dommages ou du risque de leur production, ne peut valablement opposer à son contradicteur la clause d'exclusion de garantie stipulée à l'acte de vente. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

* * *

L'expert judiciaire a recensé plusieurs familles de désordres au premier rang desquelles figurent des traces persistantes d'humidité qu'il a décrites dans les termes suivants:

' - Auréoles d'humidité, écailles et cloques de peinture, fissures et plâtre qui s'effrite au dessus de la baie vitrée façade nord.

- Même phénomène à la jonction partie centrale-aile nord.

- Auréoles d'humidité, cloques de peinture en plafond chambre aile-sud.

- Coulures d'humidité mur de la chambre aile-sud.

- Auréoles d'humidité au plafond du sauna.

- Mousses lichens, brisures sur tuiles en béton, toiture aile-nord.

- Dégradations par putréfaction du bois des litteaux, support des tuiles de couverture, toiture aile-nord.'

S'agissant du défaut affectant la toiture, il ne peut être soutenu comme le fait l'appelant qu'il était apparent à la livraison. En effet, même visible, c'est à dire non dissimulé, le vice n'est apparent que lorsque il a épuisé au moment de son constat l'ensemble de ses phénomènes dommageables, passés et actuels, et lorsque ses causes ont été mises à jour. Dès lors, la faible pente de la toiture, bien que visible à la livraison, n'était pas nécessairement l'indice flagrant de la production future mais inéluctable d'un sinistre.

Le technicien a diagnostiqué l'origine de ces désordres dans les facteurs suivants:

' - Couverture en tuiles dont la pose ne respecte pas la pente minimale règlementaire.

- Ventilation insuffisante en sous-face des tuiles.

- Ventilation insuffisante de la pièce abritant le sauna.'

L'homme de l'art précise que les vices ainsi dénombrés étaient cachés à la livraison. En contemplation de l'ampleur du sinistre et de l'atteinte aux conditions d'habitabilité du logement dont l'atmosphère est, en permanence, empreinte d'humidité, ces désordres rendent l'immeuble impropre à l'usage de sa destination.

L'expert a, en outre, précisé que trois séries de dommages résultent de facteurs générateurs postérieurs à la vente, soit les défauts suivants:

' - Décrochement et déformation du chéneau, toiture aile-nord.

- Décrochement et déformation du tuyau de la descente des eaux pluviales, toiture aile-nord.'

Les causes de ces désordres sont identifiées dans les éléments suivants:

' - Fortes intempéries.

- Manque de travaux d'entretien.'

Il suit de là que, compte-tenu de l'existence de vices cachés ci-dessus énumérés, l'action estimatoire intentée par l'acquéreur doit être déclarée recevable et bien-fondée en son principe.

* * *

L'état liquidatif de la créance indemnitaire a fait l'objet de la part de l'appelant d'un certain nombre de critiques alors même qu'aucun dire ce sens n'a été adressé à l'expert judiciaire.

Ne font l'objet d'aucune contestation les réparations des désordres portant les numéros de 1 à 6 de la nomenclature dressée par l'expert et liquidées à hauteur de la somme de 6 800 euros TTC. De la même manière, les désordres portant le numéro 7, dont la créance compensatrice est évaluée à la somme de 1 500 euros TTC, n'est pas l'objet de controverse.

Les griefs du vendeur portent essentiellement sur le coût de réfection de la toiture, affectée de désordres identifiés sous les numéros 8 à 16 de la nomenclature précitée. Il soutient tout d'abord que les deux devis, dont le technicien s'est inspiré pour le calcul du prix des travaux de réfection et de reprise de la toiture, ont été établis sur la base d'une surface de 160 m² pour le premier et de 128,70 m² pour le second. Il n'existe donc, selon lui, aucun motif pour que l'homme de l'art retienne une surface de couverture de 180 m², ce qui a pour conséquence de majorer indûment la créance indemnitaire.

Toutefois, les deux devis ont été utilisés par l'expert comme référentiel pour l'établissement de la base de calcul de la créance. La circonstance que les deux entreprises ont fondé leurs évaluations sur des surfaces de couverture différentes ne disqualifient nullement celle proposée par ce dernier. Il résulte des mentions figurant au rapport qu'un métrage de la partie d'ouvrage concernée a été accompli de manière précise alors même que celle des deux locateurs d'ouvrage ayant produit un devis n'est aucunement spécifiée si bien que la détermination même de la surface demeure sujette à caution.

M. [R] fait ensuite grief à l'expert d'avoir indûment comptabilisé dans l'assiette de la créance réparatrice le coût d'équipements de zinguerie alors qu'il ne ressort pas, selon lui, des investigations menées et des conclusions émises qu'un tel changement soit justifié. Mais, là encore, une telle affirmation n'est corroborée par aucune analyse technique qui pourrait en étayer le bien-fondé, étant rappelé qu'aucun dire n'a été adressé en ce sens au technicien. Ainsi, celui-ci a bien spécifié, en page 15 de son rapport, que les travaux de remise en état des lieux, s'agissant des désordres numérotés de 8 à 16, nécessitait la dépose de la zinguerie, de même que celle des voliges abîmés, des tuiles et des litteaux existants et l'installation de nouvelles zingueries (chéneau et tuyau de descente d'eaux pluviales, bavettes et rivages, outre les fixations et accessoires, nettoyage et repli du chantier). Dès lors, faute pour le propriétaire d'administrer la preuve de l'inanité d'un changement d'équipement de zinguerie, l'objection émise ne saurait être prise en compte.

L'appelant critique ensuite l'expert judiciaire en ce qu'il n'a pas décompté de la surface de la toiture objet de la réfection des pans entiers pour lesquels la pente demeure conforme à celle prévue par le DTU. Il en déduit que la remise en état complète de la toiture ne s'impose nullement et doit être limitée aux seuls versants non conformes à la réglementation technique en vigueur. Cependant, là encore, cette doléance n'est aucunement sous-tendue par des mesures précises mais uniquement par la production aux débats de clichés photographiques censés corroborer le bien-fondé de ces allégations. Or de tels clichés sont insuffisants du point de vue probatoire pour écarter les conclusions expertales. Partant, l'argument ne saurait être retenu.

Il est ensuite allégué par le vendeur d'immeuble que la comptabilisation de travaux annexes comme le bâchage de la toiture durant les travaux et la sécurisation des parties en réfection, de même que le nettoyagen le séchage et la surveillance du chantier font double emploi avec ceux déjà répercutés dans le décompte de prix afférent à chaque poste de travaux. Il ne résulte toutefois pas de la lecture du rapport d'expertise que la double comptabilisation des frais annexes ait été effectuée par son auteur. Une fois encore, à défaut de toute preuve d'une telle assertion, il appartenait à l'ancien propriétaire du local de signaler les irrégularités prétendues à l'expert dans le cadre d'un dire, ce dont il s'est manifestement abstenu. Il s'ensuit que le poste de travaux annexes, évalué à la somme de 1500 euros TTC, sera avalisé par la cour et le jugement confirmé sur ce point.

Mais la critique formulée par le vendeur à l'égard du jugement entrepris est justifiée en ce qu'il a inclus dans la créance indemnitaire due à l'acquéreur le coût représentatif des désordres identifiés sous le numéro 10 et 11, dans la mesure où le vice à l'origine du dommage n'est apparu que postérieurement à la livraison. Or, l'expert n'a pas évalué séparément du reste des autres phénomènes sinistrants ceux relatifs au décrochement et la déformation du chéneau de la toiture nord. À défaut de toute précision sur la liquidation de ce chef de créance par le technicien désigné, il y a lieu de se reporter au devis de l'entreprise Rotofor qui, s'agissant des travaux de remise en état et de reprise des équipements litigieux, a évalué leur coût à la somme de 4 512,03 euros TTC. C'est donc à bon droit que M. [R] sollicite que cette somme soit déduite du montant de la créance réparatrice dont il est redevable au profit de M. [X].

Enfin, pour se voir déclarer quitte de toute obligation indemnitaire en ce qui concerne le préjudice de jouissance subi par l'occupant du local, l'appelant soutient que la perte d'agrément alléguée n'est aucunement démontrée, l'intéressé ayant pu jouir de tous les éléments de confort que comporte le logement. S'agissant d'un préjudice extra-patrimonial, la créance compensatrice ne peut entrer en ligne de compte dans le calcul de la réfaction du prix qui confère à l'action estimatoire sa spécificité. C'est donc sur l'unique fondement de l'article 1645 du code civil que la demande en ce sens peut, le cas échéant, être accueillie.

Mais, il résulte du rapport d'expertise qu'un phénomène d'humidité persistant a été générateur d'une perte, au moins partielle, d'usage de la chose vendue. Il convient de souligner, à cet égard, que le préjudice de jouissance ne se confond pas avec l'inhabitabilité complète de l'immeuble. Il est dès lors avéré que l'acquéreur n'a pu bénéficier de l'ensemble des éléments de confort qu'il pouvait légitimement attendre de l'immeuble, l'usage de la chose en a donc été affecté et, par là-même un attribut essentiel du droit de propriété. En outre, les travaux de réparation seront source de désagréments dont il y a lieu de tenir compte dans la fixation d'une créance indemnitaire de ce chef. En l'occurrence, le tribunal a fait une juste appréciation du quantum dû à ce titre en l'arbitrant à la somme de 6 000 euros. Le jugement sera donc confirmé sur ce point

Il suit des motifs qui précèdent que M. [R] sera condamné à payer à M. [X] la somme de 33 587, 97 euros au titre de la réfaction du prix, compte tenu de la déduction opérée pour la part correspondant aux travaux de réfection des vices apparus postérieurement à la livraison, le tout avec indexation en fonction de l'indice BT-01 de variation du coût de la construction, l'indice de référence étant fixé à la date du 6 octobre 2022. Il sera, de surcroît, tenu au paiement de la somme de 6 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en compensation du préjudice de jouissance. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné l'appelant au paiement de ces créances sauf à appliquer un abattement sur la quote-part représentative du prix restitué. Les sommes sus-visées porteront majoration d'intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du présent arrêt.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a mis à la charge du vendeur d'immeuble les frais irrépétibles exposés par son adversaire à hauteur de la somme de 3500,00 euros, outre les entiers dépens, en ce compris les frais de référé et d'expertise.

L'équité ne commande pas l'application, au cas présent, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Chaque partie conservera donc la charge intégrale de ses frais irrépétibles.

Les dépens de l'instance d'appel seront supportés par M. [R].

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi :

' Confirme le jugement déféré en ce qu'il a accueilli l'action estimatoire diligentée par M. [V] [X] à l'encontre de M. [B] [R].

' Réforme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [B] [R] à payer à M. [V] [X] la somme de 38 100 euros au titre du préjudice matériel converti en réduction de prix à restituer par le vendeur d'immeuble.

Statuant à nouveau :

' Condamne M. [B] [R] à payer à M. [V] [X] la somme de 33'587,97 euros au titre du prix de travaux de réfection et de reprise de l'ouvrage affecté de vices équivalent au montant de la part de prix à restituer, le tout avec indexation en fonction de l'indice BT-01, l'indice de référence étend celui du mois d'octobre 2022.

' Confirme le jugement pour le surplus.

' Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamne M. [B] [R] aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,

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