CA Besançon, 1re ch., 18 novembre 2025, n° 24/01476
BESANÇON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
France Expert VTC (SAS)
Défendeur :
Kia France (SAS), Deffeuille Loisirs (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Wachter
Conseillers :
M. Maurel, Mme Uguen-Laithier
Avocats :
Me de Bucy, Me Pernet, Me Mairot
Le 22 septembre 2021, la SAS France Expert VTC a commandé auprès de la SAS DSA, concessionnaire de la marque automobile Kia, aux droits de laquelle se trouve désormais la SAS Deffeuille Loisirs, un véhicule électrique Kia EV6 GT Line pour le prix de 47 900 euros.
Le véhicule a été livré le 14 novembre 2021.
Par exploit du 6 novembre 2023, faisant valoir que le véhicule avait subi plusieurs immobilisations consécutives à des vices cachés, la société France Expert VTC a fait assigner la société DSA ainsi que la SAS Kia France devant le tribunal de commerce de Besançon aux fins de condamnation solidaire à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de la restitution partielle du prix de vente, celle de 20 718,95 euros en réparation de son préjudice financier et de jouissance, et celle de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral.
La société DSA s'est opposée à ces demandes, contestant l'existence de vices cachés en l'absence d'impropriété à destination et d'antériorité à la vente, et faisant valoir que toutes les interventions avaient été prises en charge par le constructeur au titre de la garantie.
La société Kia France a adopté une argumentation similaire.
Par jugement du 4 septembre 2024, le tribunal de commerce a :
- jugé que la société France Expert VTC ne rapporte aucune preuve de l'existence d'un vice caché affectant le véhicule de marque Kia de type EV6 GT Line immatriculé GC 420 WY ;
- débouté la société France Expert VTC de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- condamné la société France Expert VTC à payer à la société Kia France la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société France Expert VTC à payer à la société DSA la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société France Expert VTC aux entiers dépens ;
- liquidé les dépens du présentjugement à la somme de 89,67 euros.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu :
- que la société France Expert VTC échouait à démontrer que les pannes qu'elle invoquait avaient une origine antérieure à la vente ; que les interventions destinées à réparer ces pannes avaient été intégralement prises en charge au titre de la garantie, rendant possible l'usage du véhicule par la société France Expert VTC ;
- que le véhicule livré était conforme au bon de commande ;
- que, pendant l'immobilisation du véhicule, celui-ci restait la propriété de la société France Expert VPC, qui devait assurer le paiement des mensualités du prêt de financement ; que sa demande tendant à voir ces échéances prises en charge par les défendeurs devait être rejetée ;
- que les conditions générales de vente renvoyaient, s'agissant de la garantie, au carnet de garantie et d'entretien, lequel excluait la mise à disposition d'un véhicule de remplacement en cas d'utilisation professionnelle, ainsi que l'indemnisation de frais de location d'un véhicule et tous autres préjudices ; qu'il appartenait en conséquence à la société France Expert VTC de s'informer auprès de sa compagnie d'assurance et de souscrire aux options permettant de bénéficier d'un véhicule de remplacement dans la gamme nécessaire au maintien de sa catégorie VTC ; que sa demande au titre du préjudice financier et moral devait donc être rejetée ;
- que les documents annexés au bon de commande établissaient clairement les limites kilométriques de la garantie dans le cadre d'une utilisation commerciale du véhicule, comme la périodicité d'entretien, et l'absence de mise à disposition d'un véhicule de remplacement dans le cadre d'un usage professionnel, de sorte que la demanderesse était mal fondée à rechercher la responsabilité de la société DSA pour manquement à l'obligation de conseil et d'information.
La société France Expert VTC a relevé appel de cette décision le 3 octobre 2024.
Par conclusions récapitulatives n°2 transmises le 22 août 2025, l'appelante demande à la cour :
Vu les articles 1641 et suivants du code civil,
Vu les articles 1603 et suivants du code civil,
Vu l'article 1112-1 du code civil,
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a liquidé les dépens dudit jugement à la somme de 89,67 euros ;
- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses autres dispositions, à savoir en ce qu'il a :
* jugé que la société France Expert VTC ne rapporte aucune preuve de l'existence d'un
vice caché affectant le véhicule de marque Kia de type EV6 GT Line immatriculé GC 420 WY ;
* débouté la société France Expert VTC de l'ensemble de ses demandes, fins et
conclusions ;
* condamné la société France Expert VTC à payer à la société Kia France la somme de
3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la société France Expert VTC à payer à la société DSA la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la société France Expert VTC aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau :
- de condamner solidairement la société Deffeuille Loisirs venant aux droits de la société DSA et la société Kia France à payer à la société France Expert VTC la somme de 15 000 euros au titre de la restitution d'une partie du prix de vente ;
- de condamner solidairement la société Deffeuille Loisirs venant aux droits de la société DSA
et la société Kia France à payer à la société France Expert VTC la somme de 26 809,66 euros à
titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice financier, incluant son préjudice de jouissance ;
- de condamner solidairement la société Deffeuille Loisirs venant aux droits de la société DSA
et la société Kia France à payer à la société France Expert VTC la somme de 20 000 euros à titre
de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral ;
- de condamner solidairement la société Deffeuille Loisirs venant aux droits de la société DSA
et la société Kia France à payer à la société France Expert VTC la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la procédure de première instance ;
- de condamner solidairement la société Deffeuille Loisirs venant aux droits de la société DSA
et la société Kia France aux entiers dépens de la procédure de première instance ;
En tout état de cause :
- de débouter la société Deffeuille Loisirs venant aux droits de la société DSA et la société Kia France de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;
- de condamner solidairement la société Deffeuille Loisirs venant aux droits de la société DSA
et la société Kia France à payer à la société France Expert VTC la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la procédure d'appel ;
- de condamner solidairement la société Deffeuille Loisirs venant aux droits de la société DSA
et la société Kia France aux entiers dépens de la présente instance.
Par conclusions n°2 notifiées le 7 mai 2025, la société Deffeuille Loisir, venant aux droits de la société DSA, demande à la cour :
Vu les articles 1641 et suivants du code civil,
Vu les articles 1603 et suivants du code civil,
Vu l'article 1112-1 du code civil,
- de juger que la société France Expert VTC ne rapporte aucune preuve de l'existence d'un vice caché affectant le véhicule de marque Kia de type EV6 GT Line immatriculé GC 420 WY ;
- de juger que la société France Expert VTC ne rapporte aucune preuve de l'existence d'un défaut
de conformité ;
- de juger que la société Deffeuille Loisirs n'a pas manqué à son devoir de conseil;
En conséquence,
- de débouter la société France Expert VTC de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions. ;
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
- de condamner la société France Expert VTC à payer à la société Deffeuille Loisirs la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société France Expert VTC aux entiers dépens de l'instance ;
Dans l'hypothèse où, par impossible, la cour devait juger que ledit véhicule est affecté d'un vice
caché,
- de constater que le véhicule a été intégralement réparé aux frais de la société Kia France ;
En conséquence,
- de juger que la société France Expert VTC ne peut plus exercer d'action estimatoire ;
- de débouter la société France Expert VTC de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions. ;
- de condamner la société France Expert VTC à payer à la société Deffeuille Loisirs la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société France Expert VTC aux entiers dépens de l'instance ;
Si par impossible, la cour devait admettre que la société France Expert VTC peut initier une action estimatoire,
À titre principal,
- de juger que la société France Expert VTC ne rapporte pas la preuve de ses préjudices ;
- de débouter la société France Expert VTC de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions. ;
À titre subsidiaire,
- de rapporter à de plus justes proportions les prétendus préjudices de la société France Expert
VTC ;
- de juger que les vices cachés résultent d'un défaut de fabrication du véhicule de sorte qu'ils sont
antérieurs à la vente intervenue entre la société Kia France et la société Deffeuille Loisirs ;
- de juger, en conséquence, que la société Kia France est tenue à la garantie des vices cachés ;
- de juger que la société Kia France est tenue de garantir la société Deffeuille Loisirs des
désordres affectant le véhicule vendu à la société France Expert VTC ;
En conséquence,
- de condamner la société Kia France à relever et garantir la société Deffeuille Loisirs de
l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de la société Deffeuille Loisirs ;
- de condamner la société Kia France à payer à la société Deffeuille Loisirs la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives transmises le 21 août 2025, la société Kia France demande à la cour :
Vu les arîicles 1641 et suivants du code civil,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
- de débouter la société France Expert VTC de l'ensemble de ses demandes ;
- de débouter la société Deffeuille Loisirs de sa demande visant à voir condamner la société Kia à la garantir ;
- de condamner la société France Expert VTC à payer à la société KIA la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société France Expert VTC aux entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 26 août 2025.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
Sur ce, la cour,
Sur la garantie des vices cachés
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Pour obtenir l'infirmation de la décision déférée, la société France Expert VTC fait valoir que le véhicule qu'elle avait acquis neuf était affecté de vices cachés dès lors que les désordres rencontrés s'étaient manifestés très peu de temps après la livraison, et avaient nécessité l'immobilisation répétée du véhicule pour qu'il y soit remédié.
Les intimées sollicitent la confirmation du jugement, considérant que les conditions cumulatives du vice caché n'étaient pas réunies en l'espèce.
Il n'est pas contesté que le véhicule litigieux a été affecté dès le mois de décembre 2021 de plusieurs dysfonctionnements ayant affecté successivement le chauffage, les modules de batterie, la crémaillère de direction ou encore l'alimentation.
S'agissant d'un véhicule livré neuf quelques semaines seulement avant l'apparition des premiers désordres, dont rien ne démontre qu'ils puissent être la conséquence d'une mauvaise utilisation qu'en aurait faite la société France Expert VTC, il doit être présumé que ces désordres trouvent leur origine antérieurement à la vente, et résultent d'une conception ou d'une fabrication défectueuse.
Toutefois, l'antériorité à la vente ne suffit bien évidemment pas à établir le caractère rédhibitoire des vices. Il faut encore que l'acquéreur établisse que les vices aient rendu le véhicule impropre à sa destination, ou en aient substantiellement diminué l'usage.
Or, force est de constater que l'impropriété à destination n'est pas établie concernant chacun des dysfonctionnements invoqués. Ainsi, la panne de chauffage survenue en décembre 2021 n'a manifestement pas empêché l'utilisation du véhicule, puisque l'appelante verse aux débats des attestations de clients faisant état de l'inconfort résultant du manque de chauffage et de la présence de buée sur les vitrages, ce qui suffit à établir au contraire qu'en dépit de la gêne incontestablement causée par le dysfonctionnement, le véhicule a néanmoins continué d'être utilisé conformément à sa destination. S'agissant des batteries, il n'est pas démontré que les pannes ayant pu affecter certains modules aient entraîné l'arrêt du véhicule, ce désordre semblant au vu des pièces produites s'être en réalité matérialisé par un allongement de la durée de recharge. Le problème survenu sur la crémaillère de direction consistait quant à lui dans un bruit lors de la manoeuvre du volant, sans que soit établi un dysfonctionnement de la direction elle-même, alors que les problèmes d'alimentation se traduisaient par des grésillements dans les écrans du tableau de bord, sans, là-encore, que soit démontrée une absence de fonctionnement de ceux-ci.
Il apparaît que les immobilisations dont se plaint l'appelante correspondent en réalité aux périodes auxquelles le véhicule a été rendu indisponible en raison des interventions réalisées au titre de la garantie contractuelle pour résorber les pannes, dont il est au demeurant admis par l'appelante qu'elles ont à chaque fois solutionné le problème rencontré.
Au demeurant le fait pour la société France Expert VTC d'avoir accepté la réparation des vices par le vendeur la prive de son action en garantie sur le fondement des vices cachés, la réparation faisant disparaître le vice et rétablissant l'équilibre contractuel voulu par les parties. C'est de manière mal fondée que l'appelante se prévaut d'une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la privation de l'action en garantie des vices cachés ne s'applique pas lorsque le bien a été réparé par un tiers, alors que tel n'est pas le cas en l'espèce, où les réparations n'ont pas été réalisées par un tiers au frais de l'acquéreur, mais par le constructeur, à ses propres frais, au titre de la garantie contractuelle.
C'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont écarté l'ensemble des demandes formées sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Sur le défaut de délivrance conforme
L'article 1603 du code civil dispose que le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.
L'article 1604 du même code énonce que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
La société France Expert VTC développe à l'appui de son invocation d'un manquement à l'obligation de délivrance conforme les mêmes griefs que ceux évoqués dans le cadre de son action en garantie des vices cachés.
Il sera rappelé que les vices cachés s'entendent d'anomalies affectant le fonctionnement attendu du bien vendu, alors que le défaut de délivrance conforme s'entend quant à lui d'anomalies affectant la consistance attendue du bien vendu.
En l'espèce, il est constant que le vendeur a délivré à l'acquéreur un véhicule automobile qui, dans sa nature, son type, sa finition, ses caractéristiques techniques ou encore ses options répond en tous points à ceux spécifiés lors de la commande.
En réalité, seul le fonctionnement attendu du véhicule est mis en cause par la société France Expert VTC, ce qui relève, non de l'obligation de délivrance, mais de la garantie des vices cachés, dont il a été retenu supra que les conditions de mise en oeuvre n'étaient pas réunies.
Sur ce point également, le jugement entrepris sera confirmé.
Sur le manquement au devoir d'information et de conseil
L'article 1112-1 du code civil dispose que celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
La société France Expert VTC fait valoir que le vendeur avait manqué à son obligation d'information et de conseil en ne l'éclairant pas correctement sur les périodicités d'entretien du véhicule, ainsi que sur les conditions de mise en oeuvre de la garantie contractuelle, notamment en termes de mise à disposition d'un véhicule de remplacement.
La société Deffeuille Loisirs, qui vient aux droits du vendeur, s'en rapporte sur ce point à la motivation des premiers juges, qui ont retenu que les documents fournis à l'acquéreur renseignaient celui-ci de manière exhaustive quant aux informations qu'il prétendait n'avoir pas reçues.
Il est constant que la vente s'est faite au profit d'une société dont l'intitulé même comporte l'acronyme VTC, ce dont il résulte que le vendeur ne pouvait ignorer que le véhicule acquis était destiné à une utilisation professionnelle de transport de voyageurs avec chauffeur.
Il est tout aussi constant, comme résultant des documents produits aux débats, qu'en cas d'utilisation du véhicule vendu à des fins professionnelles, les périodicités d'entretien en sont sévérisées pour tenir compte du caractère intensif de l'utilisation qui en est faite, et que les échéances de garantie contractuelle ainsi que les prestations d'assistance diffèrent de celles concernant les véhicules vendus en vue d'une utilisation privée.
S'agissant en premier lieu des informations relatives à la sévérisation des périodicités d'entretien et à la limitation kilométrique de la garantie contractuelle, force est de constater qu'elles figurent expressément dans les conditions générales annexées au bon de commande, dont la société France Expert VTC, en la personne de M. [M] [R], son dirigeant, a paraphé toutes les pages, attestant ainsi de sa prise de connaissance. Au demeurant, en sa qualité de professionnelle du transport de personnes, l'appelante ne pouvait manifestement ignorer que le véhicule qu'elle destinait à l'exercice de son activité était soumis à des conditions d'entretien et de garantie sévérisées, lesquelles sont habituelles dans ce domaine. Dans ces conditions, il ne saurait être retenu sur ces points de manquement au devoir d'information.
Concernant ensuite les modalités de l'assistance, et plus particulièrement l'absence de mise à disposition d'un véhicule de remplacement en cas d'immobilisation pour intervention sous garantie pour un véhicule à utilisation professionnelle, il sera relevé que cette information ne figure pas aux conditions générales et autres documents annexés au bon de commande, mais qu'elle est présente dans le carnet intitulé 'Kia Assistance', dont il est constant qu'il n'a été fourni à l'acquéreur qu'au moment de la livraison du véhicule, soit postérieurement de plusieurs semaines à la conclusion du contrat. Dès lors que la société Deffeuille Loisirs ne propose aucun élément de conviction de nature à établir que cette information, qui est à l'évidence importante pour l'utilisateur professionnel, comme intéressant directement ses capacités à exercer son activité, et dont il peut légitimement avoir ignoré le détail, ait été fournie à la société France Expert VTC concomitamment à la conclusion du contrat, ni même qu'elle ait attiré son attention sur la spécificité des prestations d'assistance offertes aux professionnels lors de la livraison du véhicule, il doit être retenu qu'elle a manqué sur ce point précis à son obligation d'information et de conseil.
L'appelante fait valoir que le préjudice résultant des manquements invoqués consiste en une perte de chance de renoncer à la vente au profit d'un modèle d'une marque concurrente. Toutefois, elle ne fournit strictement aucun élément de nature à démontrer qu'elle aurait pu effectivement bénéficier de prestations d'assistance plus favorables chez un autre fabricant. D'autre part, et en tout état de cause, il n'est pas établi en quoi les prestations d'assistance auraient, au jour de la vente, été déterminantes de celle-ci, eu égard à leur caractère accessoire, et alors que l'appelante n'avait manifestement même pas interrogé spécialement le vendeur à ce sujet.
Le préjudice résultant pour la société France Expert VTC de ce manquement s'analyse en réalité en une perte de chance d'avoir, lors de l'immobilisation de son véhicule à l'occasion d'interventions sous garantie, pu bénéficier d'un véhicule de remplacement lui permettant la poursuite de l'exercice de son activité, par la prise de mesures propres à pallier à la carence de l'assistance sur ce point, notamment par la souscription auprès de son assureur d'une garantie spécifique.
La perte de chance doit être indemnisée à l'aune de la chance perdue, sans pouvoir équivaloir à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. L'évaluation du taux de perte de chance doit en l'occurrence prendre en compte le fait que l'information relative à l'absence de mise à disposition d'un véhicule de remplacement pouvait être connue de la société France Expert VTC moyennant la lecture du carnet d'assistance fourni, certes tardivement, lors de la livraison du véhicule, mais à une date antérieure à la survenance du premier dysfonctionnement, ce qui le mettait en mesure de trouver une solution alternative en temps utile. Doit également être pris en considération l'aléa tenant à la souscription d'une garantie optionnelle, en fonction notamment de son coût. Au regard de ces éléments, le taux de perte de chance doit être fixé à 50 %.
Ce taux doit être appliqué aux frais que la société France Expert VTC justifie avoir engagés pour la location de véhicules de remplacement, soit un montant facturé de 2 286,40 euros. Il n'y a pas lieu de prendre en considération les frais de réparation restés à la charge de la société pour des réparations effectuées sur le évéhicule postérieurement à l'expiration de la garantie contractuelle, en l'absence de tout lien avec le défaut d'information, pas plus que les pertes d'exploitation alléguées, qui ne sont pas suffisamment étayées par les pièces produites, alors que la location de véhicules a permis de pallier à l'absence de mise à disposition d'un véhicule de remplacement, ni le coût de l'assurance du véhicule litigieux, ou encore les mensualités de l'emprunt contracté pour le financer, ces montants devant être exposés par la société appelante en toute circonstance, comme se rattachant directement à la propriété du véhicule concerné.
Le préjudice sera donc fixé à la somme de 1 143,20 euros, que la société Deffeuille Loisirs, venant aux droits du vendeur, sera condamnée à payer à la société France Expert VTC.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.
Sur le préjudice moral
La demande indemnitaire formée par la société France Expert VTC au titre du préjudice moral qu'elle soutient avoir subi sera rejetée, en l'absence de démonstration d'un lien entre le seul manquement retenu et le préjudice invoqué, dont il sera au demeurant observé qu'il est argumenté au regard des répercussions de l'affaire sur la vie de famille du dirigeant de la société appelante, ce qui s'analyse en un préjudice personnel de celui-ci, dont l'appelante n'a pas qualité pour obtenir l'indemnisation.
Sur les demandes formées à l'encontre de la société Kia France
La demande de la société France Expert VTC tendant à ce que la société Kia France soit condamnée solidairement avec le vendeur ne saurait prospérer, étant rappelé que seul un manquement à l'obligation d'information et de conseil a été retenu à l'encontre de ce dernier, et alors que le fabricant, qui n'est en rien garant du vendeur, n'est pas responsable des manquements commis personnellement par celui-ci au préjudice de l'acquéreur.
Les mêmes motifs justifient par ailleurs que soit rejetée la demande de garantie formulée par la société Deffeuille Loisirs contre la société Kia France.
Sur les autres dispositions
La décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a condamné la société France Expert VTC aux dépens ainsi qu'à payer une indemnité au bénéfice de la société DSA, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Deffeuille Loisirs, sur le fondement de l'aricle 700 du code de procédure civile.
Elle sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société France Expert VTC à régler une indemnité de procédure à la société Kia France.
La société Deffeuille Loisirs sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la société France Expert VTC la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dès lors que, bien que non condamnée aux dépens, la société France Expert VTC succombe en ses demandes formées contre la société Kia France, qu'elle a intimée à tort, elle sera condamnée à payer à celle-ci la somme de 2 000 euros en compensation de ses frais irrépétibles d'appel.
Par ces motifs
Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,
Infirme le jugement rendu le 4 septembre 2024 par le tribunal de commerce de Besançon en ce qu'il a :
* débouté la SAS France Expert VTC de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
* condamné la SAS France Expert VTC à payer à la SAS DSA la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la SAS France Expert VTC aux entiers dépens ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et ajoutant ;
Condamne la SAS Deffeuille Loisirs, venant aux droits de la SAS DSA, à payer à la SAS France Expert VTC la somme de 1 143,20 euros à titre de dommages et intérêts ;
Rejette le surplus des demandes indemnitaires de la SAS France Expert VTC ;
Rejette l'appel en garantie formé par la SAS Deffeuille Loisirs, venant aux droits de la SAS DSA, à l'encontre de la SAS Kia France ;
Condamne la SAS Deffeuille Loisirs, venant aux droits de la SAS DSA, aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la SAS Deffeuille Loisirs, venant aux droits de la SAS DSA, à payer à la SAS France Expert VTC la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS France Expert VTC à payer à la SAS Kia France la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.