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CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 19 novembre 2025, n° 25/06377

PARIS

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CA Paris n° 25/06377

19 novembre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 19 NOVEMBRE 2025

(1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/06377 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CMIRW

Décision déférée : ordonnance rendue le 17 novembre 2025, à 15h25, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire d'Evry

Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Ophanie Kerloc'h, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT

M. [M] [D]

né le 06 octobre 1980 à [Localité 7], de nationalité tunisienne

RETENU au centre de rétention : [Localité 5]

assisté de Me Salim Djebri, avocat de permanence, avocat au barreau de Paris

INTIMÉ :

LE PREFET DE L'ESSONNE

représenté par Me Isabelle Zerad, du cabinet Tomasi, avocat au barreau de Lyon, présent en salle d'audience au centre de rétention administrative du [4], plaidant par visioconférence

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience

ORDONNANCE :

- contradictoire

- prononcée en audience publique

- Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour ;

- Vu l'ordonnance du 17 novembre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire d'Evry rejetant les moyens d'irrecevabilité ou de nullité, déclarant la requête en prolongation de rétention administrative recevable, déclarant la procédure diligentée à l'encontre de M. [M] [D] régulière, ordonnant la prolongation du maintien de M. [M] [D] dans des locaux ne relevant de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-six jours à compter du 17 novembre 2025 et rappelant que l'intéressé a l'obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 744-11 al 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- Vu l'appel motivé interjeté le 18 novembre 2025, à 10h11, par M. [M] [D] ;

- Après avoir entendu les observations :

- de M. [M] [D], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil du préfet de l'Essonne, plaidant par visioconférence tendant à la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

Monsieur [M] [D], né le 06 octobre 1980 à [Localité 7] (Tunisie) a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 13 novembre 2025, sur la base d'un arrêté préfectoral portant OQTF en date du même jour.

La mesure a été prolongée par le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté d'[Localité 2]-[Localité 1] le 17 novembre 2025.

Monsieur [M] [D] a interjeté appel et demande à la Cour d'infirmer la décision aux motifs suivants :

- L'irrecevabilité de la requête de la préfecture pour défaut de registre actualisé, le registre ne mentionnant pas le recours exercé par lui contre l'OQTF

- L'irrégularité de la procédure en raison de :

o Un temps de transfert excessif au centre de rétention administrative

o Les diligences insuffisantes de l'administration

- L'assignation à résidence

Réponse de la cour

Sur la recevabilité de la requête de la préfecture

Il résulte de l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative, d'une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d'autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Aux termes de l'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 précité. Il est constant que ce registre doit être "actualisé" pour être pertinent.

L'absence de production d'une copie actualisée du registre équivaut à l'absence de production du registre.

S'agissant en outre des informations devant être contenues dans le registre, il n'existe aucune liste ni dans la partie législative ni dans la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déclinant précisément ce que recouvrent les notions susvisées tenant aux " conditions de (') placement ou de (') maintien en rétention ".

En revanche, il peut être rappelé que l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative " (LOGICRA) en son article 2 dispose que :

" Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :

- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant;

- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;

- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;

- à la fin de la rétention et à l'éloignement. ".

et son annexe (données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements) en son III 1° prévoit que figurent " Concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :

Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ".

Ce texte, opposable à l'administration, est clair, même s'il doit aussi être noté qu'il obéit à une autre finalité tenant au contenu du registre au regard des données autorisées à être traitées informatiquement.

En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration, mais aussi que le registre a été renseigné afin de répondre au second objectif tenant au contrôle d'autres instances de la privation de liberté en cours, ce qui constitue également un droit pour la personne retenue.

En l'espèce, il ne ressort pas e la lecture des pièces produites qu'un recours aurait été exercé devant le tribunal administratif contre l'OQTF, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'administration de ne pas avoir mentionné un tel recours.

Le moyen sera rejeté et la requête déclarée recevable.

Sur le délai de transfert et la notification tardive des droits en rétention

En l'espèce, la décision de placement en rétention a été notifiée le 13 novembre 2025 à 17h55 et il résulte des pièces que Monsieur [M] [D] est arrivé au centre de rétention à 20h08, heure à laquelle ses droits en rétention lui ont été notifiés.

Aucun élément ne justifie le délai de plus de 2 heures entre la fin de la garde à vue, à 17h55, et l'arrivée effective au centre de rétention administrative, alors que la distance entre [Localité 3] (lieu de garde à vue) et [Localité 5] (lieu de rétention) est de 17 km. Ce délai apparaît très excessif et a porté atteinte aux droits de Monsieur [M] [D] qui n'a été en mesure d'exercer aucun de ses droits de retenu entre 17h55 et 20h08.

Il en résulte une irrégularité de la procédure entrainant l'infirmation de la décision critiquée, le rejet de la requête de prolongation et la levée immédiate de la mesure de rétention.

PAR CES MOTIFS

INFIRMONS l'ordonnance,

Statuant à nouveau,

REJETONS la requête du préfet,

DISONS n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [M] [D] ,

RAPPELONS à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à [Localité 6] le 19 novembre 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

L'intéressé L'avocat de l'intéressé

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