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Décisions

CA Aix-en-Provence, retention administrative, 19 novembre 2025, n° 25/02228

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

CA Aix-en-Provence n° 25/02228

19 novembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 19 NOVEMBRE 2025

N° RG 25/02228 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPK4U

Copie conforme

délivrée le 19 Novembre 2025 par courriel à :

- l'avocat

- le préfet

- le CRA

- le JLD/TJ

- le retenu

- le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille en date du 18 novembre 2025 à 11h10.

APPELANT

Monsieur [W] [C]

né le 9 août 2002 à [Localité 9] (Libye)

de nationalité libyenne

comparant en visio conférence en application de l'article L743-7 du CESEDA.

Assisté de Maître Leila MHATELI, avocate au barreau de MARSEILLE, choisie.

et de Madame [X] [V], interprète en langue arabe, inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

INTIMÉE

PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE

Représentée par Maître Jean-Paul TOMASI substitué par Maître Rachid CHENIGUIER

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 19 novembre 2025 devant M. Frédéric DUMAS, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Mme Himane EL FODIL, Greffière,

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2025 à 19h20,

Signée par M. Frédéric DUMAS, Conseiller et Mme Himane EL FODIL, Greffière,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu la décision du tribunal correctionnel de Marseille en date du 28 février 2024 ordonnant une interdiction définitive du territoire français ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 17 octobre 2025 par la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE, notifiée le 20 octobre 2025 à 9h03 ;

Vu l'ordonnance du 18 novembre 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille décidant le maintien de Monsieur [W] [C] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu les appels interjetés le 18 novembre 2025 à 12h25 et 15h49 par Monsieur [W] [C] ;

Vu les conclusions du conseil de l'appelant transmises au greffe le 19 novembre 2025 à 10h18.

Monsieur [W] [C] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : 'j'ai fait appel car j'ai mal au coeur, je suis là pour rien. J'avais fait état de mon état de santé et j'ai transmis l'attestation d'hébergement. Je dis la vérité. La personne qui m'héberge est ma femme. Cela fait six ans que je suis avec elle. J'habite à [Localité 5]. Avant le centre, j'étais en prison. Je travaillais sur les marchés, je chargeais les camions. [Sur les délits commis] La première fois c'étais pas moi mais la deuxième fois, je reconnais les faits de vols. J'avais bu c'est l'effet de l'alcool. Je ne boirai plus. Je demande pardon, je demande à être assigné à résidence. Je n'ai pas de passeport, à chaque fois que je vais au consulat libyen, ils me disent d'attendre et me demande l'extrait de naissance. Je signais à chaque fois avec la préfecture de [Localité 5].'

Son avocate, régulièrement entendue et dont les observations ont été consignées dans le procès-verbal d'audience, reprend les termes de la déclaration d'appel et demande l'infirmation de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire ainsi que la mainlevée du placement en rétention. Elle fait valoir qu'en l'absence de signature ou de mention d'un refus, la notification de la dernière ordonnance du 24 octobre 2025 de la cour est juridiquement inexistante et qu'en tout état de cause elle n'a pas été notifiée à son client par l'intermédiaire d'un interprète. En outre elle remet en cause la réalité et la pertinence des diligences consulaires effectuées lors du placement en rétention de son client ainsi que les perspectives d'éloignement à destination de la Libye.

L'avocat représentant la préfecture, dont les déclarations sont également consignées dans le procès-verbal d'audience, sollicite la confirmation de l'ordonnance du premier juge et le maintien de l'appelant en rétention. Il souligne que l'impossibilité de l'exécution de la mesure d'éloignement résulte de l'absence de document de voyage et que l'administration a accompli toutes les diligences nécessaires. Le défaut de mention dans le registre ne peut entraîner la fin de la rétention. Les relances auprès des consulats ne sont pas requis puisque l'administration ne peut contraindre un état souverain. Un laissez-passer pourrait intervenir dans les trente jours. Aucune précision n'est apportée, aucun élément ne permet d'affirmer que le consulat Libyen ne puisse délivrer un laissez-passer dans les brefs délais.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

Pour autant , aux termes de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, à peine d'irrecevabilité la déclaration d'appel est motivée.

En l'occurrence l'appelant demande à la cour d'infirmer la décision du premier juge et, en liminaire de la partie discussion, précise que 's'ajoutent aux moyens développés dans la présente déclaration d'appel, tous éventuels autres moyens déjà développés dans les conclusions de première instance qui ont pu être déposés ou plaidés devant le JLD, et auxquels la présente déclaration se réfère nécessairement'.

Toutefois la juridiction du second degré étant saisie par une déclaration d'appel motivée et la procédure suivie étant orale les moyens soulevés devant le premier juge et non repris dans la déclaration d'appel ou devant le premier président dans le délai d'appel ne peuvent qu'être déclarés irrecevables.

1) - Sur les exceptions de nullité tirées du défaut de notification de l'ordonnance rendue le 24 octobre 2025 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ou de notification par l'intermédiaire d'un interprète

L'article 74 du code de procédure civile dispose que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.

L'appelant soulève pour la première fois en appel le défaut de notification ou la notification irrégulière de la dernière ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 24 octobre 2025 validant la première prolongation de la mesure de rétention.

Ces exceptions de nullité ne pourront qu'eêtre déclarées irrecevables en application de l'article 74 précité.

2) - Sur la régularité de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire

L'article R.742-1 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.

A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 8] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.

Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du CESEDA.

Le paragraphe IV de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant la fin de la rétention et l'éloignement les informations suivantes :

1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de I'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de I'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire;

2° Réservation du moyen de transport national et international: date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte;

3° Fin de la rétention: date et motif de la fin de rétention.

En l'espèce l'appelant soulève le défaut d'actualisation du registre de rétention dans la mesure où les diligences consulaires n'y sont pas mentionnées.

Toutefois les diligences consulaires effectuées par l'administration ne constituent nullement des droits au sens des articles L744-4 et suivants du CESEDA, dont le défaut de mention dans le registre de rétention rendrait irrecevable la requête en prolongation de la mesure de rétention, s'agissant au surplus d'une question de fond en application de l'article L741-3 du même code.

En conséquence il y aura lieu de rejeter la fin de non recevoir tirée du défaut de mention des diligences consulaires dans le registre de rétention et de production de pièces utiles.

3) - Sur les diligences de l'administration et les perspectives d'éloignement

L'article 15§4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite 'retour', dispose que lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1, à savoir le risque de fuite ou l'étranger faisant obstacle à son éloignement, ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

Par ailleurs l'article L741-3 du CESEDA énonce qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

Dans le cas présent le préfet a saisi dès le 20 octobre 2025, soit le jour du placement en rétention de l'intéressé, les autorités libyennes de la situation de ce dernier aux fins de délivrance d'un laisser-passer consulaire et les a relancées le 17 novembre 2025.

Au regard de la célérité dont a fait preuve l'administration, l'appelant ne saurait sérieusement lui faire grief de n'avoir pas accompli les diligences légalement requises étant de surcroît rappelé que le préfet n'a pas à justifier des relances faites aux autorités consulaires saisies en temps utile et ce, en l'absence de pouvoir de contrainte sur les autorités étrangères.

De plus le retenu procède par affirmations en soutenant qu'il n'existe aucune perspective d'éloignement en Libye sans nullement justifier ses allégations.

Dès lors le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de l'administration ou de l'absence de perspectives d'éloignement, qui plus est au stade d'une deuxième prolongation, sera écarté.

4) - Sur la deuxième prolongation

L'article L742-4 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

b) de l'absence de moyens de transport.

La requête préfectorale en prolongation est fondée sur l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement en raison de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé et de fait celui-ci ne dispose d'aucun passeport.

Le demande de deuxième prolongation de la mesure de rétention est par conséquent justifiée.

Enfin sa demande d'assignation à résidence sera rejetée à défaut de remise préalable d'un passeport à l'administration en application de l'article 743-13 du CESEDA.

Pour l'ensemble des motifs précédemment exposés il conviendra de confirmer l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 18 novembre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille,

Confirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille en date du 18 novembre 2025.

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [W] [C]

Assisté d'un interprète

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 7]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 4]

Aix-en-Provence, le 19 novembre 2025

À

- PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE

- Maître Jean-baptiste GOBAILLE

NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 19 novembre 2025, suite à l'appel interjeté par :

Monsieur [W] [C]

né le 09 Août 2002 à [Localité 9] (LIBYE) (99)

de nationalité Libyenne

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.

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