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Décisions

Cass. 1re civ., 24 mars 2021, n° 19-21.295

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Batut

Rapporteur :

Robin-Raschel

Avocat général :

Lavigne

Cass. 1re civ. n° 19-21.295

23 mars 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2019), par acte sous seing privé du 28 janvier 2008, la société civile immobilière Bizot (la SCI) a donné à bail à la société Mazal 25, aux droits de laquelle se trouve la société Chalom's, divers locaux à usage commercial. Par actes sous seing privés du 13 juin 2008, M. J... Q..., Mme Y... Q... et M. M..., respectivement gérant et associés de la société Chalom's (les consorts Q...), se sont portés cautions solidaires pour l'exécution des obligations nées de ce contrat.

2. A la suite de la défaillance de la société Chalom's, placée en redressement judiciaire, la SCI a, par acte du 3 novembre 2014, assigné les les consorts Q... en paiement. Ces derniers ont soulevé la nullité des actes de cautionnement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La SCI fait grief à l'arrêt de constater la nullité des actes de cautionnement et de rejeter sa demande en paiement, alors :

« 1°/ que n'a pas la qualité de créancier professionnel, au sens du droit de la consommation, une société civile immobilière qui gère exclusivement son propre patrimoine ; qu'en déclarant nuls les engagements de caution après avoir retenu la qualité de créancier professionnel de la SCI et en refusant de prendre en considération la limitation de son activité à la gestion de son propre patrimoine, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

2°/ que l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, n'impose pas la mention du montant de l'engagement de la caution en toutes lettres ; qu'en constatant la nullité des engagements de caution en raison de l'absence de mention en toutes lettres de la somme de 238 015 euros, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi et violé l'article L. 341-2 du code de la consommation en sa rédaction applicable à la cause ;

3°/ que le juge ne peut relever d'office un moyen sans le soumettre préalablement à la discussion des parties ; que les consorts Q... avaient uniquement fondé leur moyen de nullité de leurs engagements sur l'absence de mention de la somme en toutes lettres ; qu'en ayant d'office retenu l'absence de mention manuscrite « je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X....n'y satisfait pas lui-même » sur laquelle les parties n'avaient pas conclu, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ que la mention manuscrite apposée sur l'engagement doit seulement permettre de s'assurer de la parfaite information de la caution sur la nature et la portée de son engagement ; qu'en invalidant les engagements indiquant que les cautions avaient pleinement conscience de la nature et de l'étendue des obligations qu'elles avaient contractées en raison de l'absence de la mention « je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même », bien que la SCI n'eût pas la qualité de prêteur, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même. »

5. Au sens de ce texte, le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale.

6. L'arrêt énonce, d'abord, à bon droit, que constitue une activité professionnelle celle d'une personne morale qui, en vertu de son objet social, procure, sous quelque forme que ce soit, des revenus s'agissant d'immeubles en propriété ou en jouissance, et que sont indifférents tant le volume d'activité que la circonstance que cette activité soit, s'agissant d'une société civile immobilière, limitée à la gestion de son propre patrimoine. Il constate, ensuite, que la SCI a pour objet social la gestion immobilière et que les cautionnements litigieux se trouvent en rapport direct avec cette activité dans la mesure où ils ont pour objet la garantie du paiement des loyers, contrepartie du bail concédé. Il ajoute, enfin, que les actes ne comportent pas la mention manuscrite exigée par ce texte.

7. De ces énonciations et constatations, desquelles il résulte que la SCI avait la qualité de créancier professionnel, la cour d'appel a exactement déduit que l'article L. 341-2 était applicable aux actes de cautionnement souscrits par les consorts Q... et, sans avoir à inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur un moyen qui était dans le débat, qu'en l'absence de cette mention, il y avait lieu de les annuler.

8. Le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, dès lors que la cour d'appel n'a pas annulé les actes de cautionnement en raison de l'absence de mention en toutes lettres du montant de la somme garantie, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI Bizot aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCI Bizot et la condamne à payer à M. Q... et à Mme Q... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt et un. 

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