Cass. com., 13 septembre 2011, n° 10-18.323
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Favre
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 8 octobre 1987, la société Union bancaire du Nord (la banque) a consenti à la société Metjba un prêt de un million de francs (152 449,02 euros) dont MM. Thierry, Eric et André X... et Mme Jeannine Y... épouse X... se sont rendus cautions solidaires ; que la société Metjba ayant été placée en liquidation judiciaire, la banque a déclaré sa créance et poursuivi les cautions en exécution de leur engagements ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Mais attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le moyen, en ce qu'il a condamné solidairement MM. Thierry et Eric X... à payer à la banque la somme de 101 149,49 euros, avec intérêts :
Attendu que MM. Thierry et Eric X... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à la banque la somme de 101 149,49 euros, arrêtée au 27 février 2006, avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2005 pour M. Thierry X..., du 27 septembre 2005 pour M. Eric X..., alors, selon le moyen :
1°/ que le banquier engage sa responsabilité contractuelle lorsqu'il laisse la caution souscrire un engagement manifestement disproportionné au regard de ses facultés contributives ; qu'en cas de pluralité de cautions, le caractère disproportionné ou non de l'engagement de chacune d'entre elles doit être apprécié au regard de la totalité de l'engagement ; qu'en décidant au contraire en l'espèce que le caractère disproportionné des engagements des cautions devait s'apprécier en fonction du nombre de cautions qui se sont engagées et des autres garanties réelles ou personnelles prises , la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ que le caractère disproportionné de l'engagement de la caution doit être apprécié au regard des seuls biens et revenus de celle-ci à la date de souscription du cautionnement ; qu'en retenant en l'espèce que M. Eric X... était propriétaire depuis 1989 d'un appartement, cependant que le cautionnement avait été souscrit le 8 octobre 1987, la cour d'appel a derechef violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ que le banquier engage sa responsabilité contractuelle lorsqu'il laisse la caution souscrire un engagement manifestement disproportionné au regard de ses facultés contributives, nonobstant la présence aux côtés de celle-ci d'une personne avertie ; qu'en retenant en l'espèce, pour écarter toute responsabilité de la banque, que les consorts X... avaient bénéficié de l'assistance financière et juridique de professionnels et s'étaient portés caution en étant dûment avisés des conséquences de leur engagement, circonstances impropres à écarter la responsabilité contractuelle du banquier pour manquement à son obligation de conseil et de mise en garde, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que MM. Thierry et Eric X..., fondateurs, animateurs et associés de la société, possédaient une expérience certaine dans le domaine de la restauration étant chef de rang et salarié d'un restaurant parisien, la cour d'appel qui a ainsi fait ressortir le caractère averti de ces cautions, ce dont il résultait que ces dernières n'étaient pas fondées à rechercher la responsabilité de la banque dès lors qu'il n'était pas allégué que la banque aurait eu sur leurs revenus, patrimoine ou facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'entreprise des informations qu'elles auraient ignorées, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche en ce qu'il a condamné M. André X... et Mme X... à payer à la banque la somme de 101 149,49 euros :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour condamner solidairement M. André X... et Mme X... à payer à la banque la somme de 101 149,49 euros, arrêtée au 27 février 2006, avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2005 pour M. André X... et du 30 mars 2006 pour Mme Jeanine X..., l'arrêt retient qu'outre le cautionnement sollicité de chacun des quatre associés de la société Metjba, le prêt était garanti par une subrogation du privilège de vendeur avec réserve de l'action résolutoire, et un privilège de nantissement sur le fonds de commerce financé et que l'ampleur des engagements de cautions et leur caractère éventuellement disproportionné doivent s'apprécier en fonction du nombre de cautions qui se sont engagés et des autres garanties réelles ou personnelles prises ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de plusieurs cautions solidaires s'apprécie au regard des revenus de chacune d'entre elles, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. André X... et Mme X... à payer à la société Union bancaire du Nord la somme de 101 149,49 euros, arrêtée au 27 février 2006, avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2005 pour M. André X... et du 30 mars 2006 pour Mme Jeanine X..., l'arrêt rendu le 1er avril 2010 par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Union bancaire du Nord aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille onze.