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Décisions

ADLC, 6 novembre 2025, n° 25-D-06

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la prise de rendez-vous médicaux en ligne et des solutions de téléconsultation médicale

ADLC n° 25-D-06

5 novembre 2025

I. Constatations

A. LA PROCÉDURE

1. Par lettre enregistrée le 5 novembre 2019 sous le numéro 19/0071 F, la société Docavenue, devenue Cegedim Santé (ci-après « Docavenue », « Cegedim Santé » ou « la saisissante ») a saisi l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») de pratiques mises en œuvre par la société Doctolib (ci-après « Doctolib ») dans le secteur de la prise de rendez-vous médicaux en ligne et des services de téléconsultation médicale2.

2. Sur autorisation du juge des libertés et de la détention de Nanterre du 11 mai 20213, prise sur le fondement de l’article L. 450-4 du code de commerce, des opérations de visite et saisie ont été menées le 18 mai 2021 dans les locaux de Doctolib.

3. Par une décision du 12 mars 2024, prise en application de l’article L. 463-3 du code de commerce, le rapporteur général a décidé que l’affaire serait examinée par l’Autorité sans établissement préalable d’un rapport4.

4. Le 10 juin 2024, une notification de griefs a été adressée à Doctolib5.

5. L’affaire a été examinée lors de la séance de l’Autorité du 27 mars 2025.

B. LES SECTEURS CONCERNÉS

1. LA PRISE DE RENDEZ-VOUS MÉDICAUX EN LIGNE

6. Le service de prise de rendez-vous médicaux en ligne permet de mettre en relation un professionnel de santé6 et un patient pour fixer un rendez-vous en vue d’une consultation médicale, en présentiel ou à distance. Le professionnel de santé peut choisir de recourir aux solutions de plateformes digitales qui lui permettent de gérer son agenda médical et de proposer à des patients, déjà suivis ou non, de prendre rendez-vous en ligne. Ces solutions peuvent s’accompagner de fonctionnalités telles que la confirmation ou le rappel de rendez-vous, l’échange de documents, la messagerie ou encore l’aide à la prescription7.

7. En pratique, le professionnel de santé met à la disposition de patients, via une plateforme sur site Internet et/ou sur une application, en temps réel, ses disponibilités ainsi que les créneaux réservables selon les motifs de consultation qu’il aura préalablement définis. Les patients, quant à eux, peuvent rechercher, via la plateforme en ligne, un professionnel de santé qu’ils auront déjà consulté ou non, selon différents critères et motifs (spécialité, disponibilités, zone géographique, honoraires, motifs de consultation, etc.), ainsi que réserver un créneau pour un rendez-vous médical.

8. Selon les éléments recueillis lors de l’instruction, le recours à la prise de rendez-vous médicaux en ligne permettrait de réduire les coûts d’exercice de l’activité des professionnels de santé, et notamment le temps passé à répondre eux-mêmes à leurs patients ou le coût d’un secrétariat téléphonique8, de même que de simplifier la gestion de leur planning9 et de gagner en visibilité, notamment pour constituer ou renforcer leur patientèle10. Du point de vue des patients, ce service présenterait l’avantage d’une simplicité dans la prise de rendez-vous, avec une plateforme accessible tous les jours et à toute heure, avec des options de rappels, dans un contexte de tension de l’offre de soins11.

9. Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (ci-après « Drees ») réalisée auprès de médecins généralistes libéraux et publiée en octobre 2022, l’usage des outils de prise de rendez-vous en ligne est de plus en plus fréquent, plus d’un généraliste sur trois étant utilisateur de ce service en 2022, contre moins d’un sur quatre en 201912.

10. De nombreux opérateurs estiment par ailleurs que la crise sanitaire liée à la Covid-19 (ci-après « la crise sanitaire ») a renforcé le recours des patients aux outils digitaux13. À ce titre, il convient de rappeler que la gestion des rendez-vous en ligne lors de la campagne de vaccination contre la Covid-19 en 2021 a été confiée par le Gouvernement aux plateformes Doctolib, Maiia (Cegedim) et KelDoc (Nehs Digital)14. Les conditions de cette désignation, considérées comme opaque par certains opérateurs, ont de manière plus générale été perçues comme une mise en avant décisive des trois plateformes sélectionnées.

11. Ainsi, la société Lemedecin.fr a déclaré : « [c]ette mise en avant a été un catalyseur colossal avec des communications publiques, des reprises médias importantes, puis également la confiance vis-à-vis des médecins et des patients. On a vu des lettres de la [Caisse nationale de l’Assurance Maladie] qui faisaient la promotion de structure [sic] privées, ce qui a été choquant de mon point de vue. Cela a donné du poids à la confiance client. Cela a tué le marché en mettant en avant certains acteurs et en cristallisant des positions concurrentielles qu’il est difficile d’aller chercher, en raison de la notoriété publique de ces acteurs qui a été poussée par un écosystème »15.

12. La société Solocal (ClicRDV) a, de son côté, indiqué ne pas avoir participé à l’appel d’offres, dans la mesure où, dès le mois de janvier 2021, « le Ministère de la santé s’était approché de 3 acteurs (Doctolib, KelDoc, Maiia) pour que ces derniers assurent la prise de rendez-vous dans les centres de vaccination », que « le marché était déjà « plié » » et « [qu’]a priori il semblait compliqué de se positionner étant donné que trois acteurs avaient déjà été mis en avant »16.

2. LA TÉLÉCONSULTATION MÉDICALE

13. Aux termes de l’article L. 6316-1 du code de la santé publique (ci-après « CSP »), la télémédecine constitue « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication. Elle met en rapport un professionnel médical avec un ou plusieurs professionnels de santé, entre eux ou avec le patient et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient ». L’article R. 6316-1 duCSP précise que relèvent de la télémédecine « les actes médicaux, réalisés à distance, au moyen d’un dispositif utilisant les technologies de l’information et de la communication ».

14. La mise en œuvre des actes de télémédecine doit répondre à des conditions garantissant notamment : (i) l’authentification des professionnels de santé intervenant dans l’acte ou l’activité ; (ii) l’identification du patient ; et (iii) l’accès des professionnels de santé aux données de santé du patient nécessaires à la réalisation de l’acte ou de l’activité17. Par ailleurs, les organismes et les professionnels de santé libéraux qui organisent une telle activité doivent s’assurer que les professionnels de santé participant aux activités de télémédecine ont les compétences techniques requises pour l’utilisation des dispositifs correspondants18, et que l’usage des technologies de l’information et de la communication utilisées est conforme aux référentiels d’interopérabilité et de sécurité mentionnés par le CSP19.

15. L’article R. 6316-1 du CSP distingue cinq actes médicaux de télémédecine, pour lesquels les acteurs sont généralement spécialisés20, qui répondent chacun à une définition propre :

− la téléconsultation, définie comme l’acte ayant pour objet « de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient » ;

− la télé-expertise, qui a pour objet de permettre à un professionnel de santé de solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux ;

− la télésurveillance médicale, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce dernier ;

− la téléassistance médicale, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d’assister à distance un autre professionnel au cours de la réalisation d’un acte ; et,

− la réponse médicale, qui correspond aux appels téléphoniques d’urgence et s’inscrit dans le cadre de la régulation et de la permanence des soins.

16. La téléconsultation est soumise aux mêmes exigences que la consultation médicale en présentiel, s’agissant notamment des lois et règlements applicables aux conditions d’exercice de la profession, des règles de déontologie, ainsi que des standards de la pratique clinique21. Elle doit également respecter les exigences spécifiques à la télémédecine fixées par les articles R. 6316-2 et suivants du CSP ainsi que diverses conditions, telles que le fait d’être réalisée au moyen d’une vidéotransmission permettant de garantir la réalisation d’une consultation de qualité et la sécurisation des données transmises et la traçabilité de la facturation des actes réalisés22.

17. Depuis le 15 septembre 2018, elle est ouverte à tout assuré et à tout professionnel de santé, quels que soient sa spécialité et son mode d’exercice23. À cette date, son remboursement est entré dans le droit commun de la prise en charge des actes médicaux par l’Assurance maladie24.

18. Deux catégories de téléconsultation peuvent être distinguées25 :

− les téléconsultations dites « programmées » ou de suivi, généralement entre un patient et un professionnel de santé qu’il connaît au préalable26. Celles-ci permettent notamment le suivi de patients atteints de maladie chronique ou à faible mobilité, et d’assurer une continuité de service lorsque le médecin se trouve en déplacement ou hors des horaires d’ouverture du cabinet médical. Ce type de téléconsultation a le plus directement vocation à être pris en charge par l’Assurance maladie ;

− les téléconsultations dites « immédiates », « en file d’attente », « d’accès aux soins » ou encore « à la demande », qui impliquent une demande d’accès direct et instantané du patient à un médecin non connu préalablement27. Ces téléconsultations, qui n’ont normalement pas vocation à être prises en charge par l’Assurance maladie, peuvent l’être (i) en cas de difficulté d’accès aux soins ; (ii) lorsque le médecin sollicité relève d’une spécialité en accès direct (ophtalmologie, gynécologie, soins dentaires, etc.) ; ou (iii) dans le cas de patients âgés de moins de 16 ans28.

19. Les professionnels de santé souhaitant recourir à la téléconsultation peuvent utiliser les services proposés par des entreprises généralement spécialisées, souvent présentés sous la forme d’abonnements au forfait ou de souscription avec commissions à l’acte29. Ces entreprises fournissent des solutions technologiques ou des dispositifs pour la réalisation de l’activité de téléconsultation, et peuvent également proposer, selon les configurations, des outils complémentaires (comme de l’aide à la prescription ou au suivi) et de l’accompagnement technique ou sous forme de formation30.

20. Les services de téléconsultation sont généralement accessibles via des plateformes de téléconsultation en ligne, permettant la réalisation de téléconsultations programmées et/ou immédiates31. Certaines entreprises du secteur proposent leurs services par le biais de bornes ou de cabines de téléconsultation à la demande, installées en officines, centres de santé ou dans d’autres lieux accessibles au public32.

21. La crise sanitaire a fortement développé le recours à la téléconsultation à compter du mois de mars 202033. Certains opérateurs du secteur ont d’ailleurs proposé gratuitement leur offre de téléconsultation lors du premier confinement34. L’assouplissement des règles de remboursement de la pratique a également contribué à cette évolution35.

22. Il est à noter qu’à titre dérogatoire, l’exigence d’une vidéotransmission a été temporairement assouplie, du mois de mars 202036 au mois de mars 202137, en faveur d’outils numériques ou d’applications de communication dits « grand public » (par exemple, Zoom et Whatsapp), mais uniquement lorsque le patient ne disposait pas d’un outil de vidéotransmission et pour la prise en charge de certains d’entre eux seulement38.

3. LE TÉLÉSECRÉTARIAT MÉDICAL

23. Le télésecrétariat médical est une activité de secrétariat téléphonique médical à distance pour les professionnels de santé du secteur médical et paramédical (cabinets médicaux libéraux, maisons ou centres de santé et établissements de santé)39.

24. Les entreprises de télésecrétariat assurent une permanence téléphonique ainsi que l’accueil téléphonique des patients et la prise de rendez-vous40. Elles gèrent de ce fait le planning et l’organisation des consultations, ainsi que la transmission des messages.

25. Leurs services sont tarifés soit à l’appel, soit au forfait selon le nombre d’appels entrants et/ou le temps de communication41. La tarification peut également varier selon la typologie de clientèle concernée, notamment selon que le professionnel de santé client est un médecin généraliste ou spécialiste.

26. Les entreprises de télésecrétariat peuvent également proposer des services tels que la mise à disposition d’un agenda ou la prise de rendez-vous médicaux en ligne lorsque le professionnel de santé recourant à leur service n’en dispose pas, ou encore la gestion d’agenda quelle que soit la solution choisie par le client42. Pour ce faire, elles peuvent utiliser les solutions qu’elles auront elles-mêmes conçues ou recourir à une synchronisation technique avec les services d’agenda ou de prise de rendez-vous médicaux en ligne d’opérateurs externes. Certaines entreprises ont également noué des accords ou partenariats, prévoyant parfois des apports réciproques de clientèle, avec des opérateurs proposant un service de prise de rendez-vous médicaux en ligne tels que Doctolib ou Maiia43.

C. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

1. LE GROUPE CEGEDIM

27. Fondé en 1969, Cegedim est un groupe de technologies et de services spécialisés dans la gestion des flux numériques de l’écosystème santé, ainsi que dans la conception de logiciels métiers destinés aux professionnels de santé et de l’assurance44.

a) La société Docavenue

28. Créée en 2018 pour développer le service de prise de rendez-vous médicaux en ligne lancé par Cegedim au mois de novembre 2015, Docavenue proposait de mettre en relation les professionnels de santé et les patients via une plateforme en ligne d’aide à la prise et à l’organisation des rendez-vous médicaux45.

29. Depuis le mois de novembre 2018, cette société offrait également un service de téléconsultation médicale via son application46.

30. Le 17 février 2019, Docavenue a fait l’acquisition de la société L’accueil Web, gérant le site Internet « Rdvmedicaux », partenaire des permanences téléphoniques pour la prise de rendez-vous médicaux en ligne. RDV médicaux est désormais le nom commercial d’une plateforme qui propose aux permanences téléphoniques de distribuer l’offre de prise de rendez-vous médicaux en ligne à leurs clients professionnels de santé47.

31. Au mois de mars 2020, Docavenue a lancé ses services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et de téléconsultation médicale via sa nouvelle plateforme Maiia48.

32. La société Docavenue a été dissoute au mois de novembre 2021 et Maiia est désormais une solution proposée par la société Cegedim Santé49.

b) La société Cegedim Santé

33. Filiale du groupe Cegedim, Cegedim Santé a regroupé, le 1er janvier 2022, au sein d’une même entité, les sociétés RM Ingénierie, Cegedim Logiciels Médicaux France et

Docavenue, proposant des solutions interopérables à destination des professionnels de santé50.

34. Ces solutions regroupent notamment (i) des logiciels de gestion de cabinet pour les professions médicales et les auxiliaires médicaux ; (ii) des solutions de gestion pour les centres de santé et maisons de santé pluri-professionnelles ; (iii) une offre de télésecrétariat ; (iv) des solutions de gestion de matériels et équipements informatiques pour les professionnels de santé ; ou encore (v) une base de données médicamenteuse agréée par la Haute Autorité de Santé.

35. En 2024, le chiffre d’affaires de Cegedim Santé s’élevait à 80,2 millions d’euros51.

c) Les services offerts par la plateforme Maiia, anciennement Docavenue

36. La « suite Maiia » de Cegedim Santé propose quatre solutions52 :

− Maiia Agenda et prise de rendez-vous en ligne : service de gestion d’emploi du temps et service de prise de rendez-vous médicaux en ligne à destination des professionnels de santé et des patients, selon la configuration choisie, avec des possibilités de rappels de rendez-vous et un chat sécurisé ;

− Maiia Téléconsultation : plateforme sécurisée permettant aux professionnels de santé de prendre en charge leurs patients à distance et, dans certains cas, de les assister lors de téléconsultations avec d’autres professionnels de santé. Elle permet également de proposer une consultation immédiate à distance, sans prise de rendez-vous ;

− Maiia Connect : solution gratuite de messagerie instantanée entre professionnels de santé destinée au partage d’expertise, à l’adressage de patients ou encore à l’échange de documents ; et,

− Maiia Gestion : outil de gestion administrative de cabinet (dossier patients, comptabilité, facturation) à destination des kinésithérapeutes.

37. En 2019, le service de prise de rendez-vous médicaux en ligne proposé par Docavenue était facturé 49 euros TTC par mois aux professionnels de santé et le service de téléconsultation 59 euros TTC par mois53.

38. Les solutions Maiia proposées par Cegedim Santé sont facturées selon des formules personnalisées, en fonction de la pratique du professionnel de santé et quelle que soit sa structure d’exercice. Ainsi, un médecin a la possibilité de souscrire (i) à Maiia Agenda et prise de rendez-vous en ligne pour un tarif de 99 euros TTC par mois et par utilisateur ; (ii) à Maiia Téléconsultation pour un tarif de 89 euros TTC par mois et par utilisateur ; (iii) aupack 2 solutions Maiia Agenda et prise de rendez-vous en ligne ainsi que Maiia Téléconsultation pour un tarif de 159 euros TTC par mois et par utilisateur54.

2. DOCTOLIB

39. Doctolib SAS est une société par actions simplifiée fondée au mois de juillet 201355 qui propose plusieurs solutions à destination des professionnels de santé et des patients.

40. En 2023, Doctolib a réalisé un chiffre d’affaires mondial consolidé d’environ [confidentiel] millions d’euros, dont environ [confidentiel] millions d’euros réalisés en France56. En 2024, son chiffre d’affaires mondial est, selon certaines sources, supérieur à 300 millions d’euros57.

a) L’organisation de Doctolib

41. Le groupe Doctolib est implanté en France, en Allemagne, aux Pays-Bas ainsi qu’en Italie58.

Il est actif en France via la société Doctolib SAS, également tête de groupe59.

42. Depuis sa création, Doctolib a procédé à plusieurs levées de fonds, développant ainsi son actionnariat autour de son président, de fonds d’investissement tels qu’Eurazeo, Accel Partners, General Atlantic et Bpifrance, de salariés de Doctolib et d’actionnaires individuels français et allemands60.

b) Les services offerts par Doctolib

43. Doctolib propose notamment des services à destination des patients (i) et des professionnels de santé (ii).(i) Les services proposés aux patients

44. Doctolib propose aux patients, à titre gratuit, des services d’annuaire, de prise de rendez-vous médicaux en ligne, de téléconsultation ou encore de gestion de documents61. Ces services sont accessibles via son site Internet et une application mobile.

Le service d’annuaire

45. Le service d’annuaire permet aux patients ou à tout utilisateur de rechercher un professionnel de santé, qu’ils connaissent au préalable ou non, selon différents critères, de consulter sa fiche profil et de lui indiquer qu’ils ont cherché à prendre rendez-vous en ligne avec lui sur la plateforme si la prise de rendez-vous médicaux en ligne n’est pas encore disponible pour ce dernier.

Le service de prise de rendez-vous médicaux en ligne

46. Le service de prise de rendez-vous médicaux en ligne permet aux patients ou à tout utilisateur de prendre un rendez-vous en ligne soit pour une consultation en présentiel avec un professionnel de santé abonné à la solution de prise de rendez-vous en ligne Doctolib, soit pour une téléconsultation avec un professionnel de santé abonné aux solutions de prise de rendez-vous médicaux en ligne et de téléconsultation Doctolib.

47. L’utilisateur de la plateforme peut ainsi gérer ses rendez-vous, consulter son historique ou réserver des rendez-vous pour le compte de ses proches.

Le service de téléconsultation

48. Le service de téléconsultation permet aux patients de bénéficier d’une consultation à distance avec un professionnel de santé, via un système de vidéotransmission. Pour ce faire, le patient doit notamment être équipé d’une caméra comportant une résolution suffisante, d’une connexion Internet à débit suffisant et renseigner les informations bancaires nécessaires au paiement en ligne de la téléconsultation via un système de paiement externalisé.

Le service de gestion de documents

49. Via son compte, tout utilisateur de la plateforme Doctolib peut partager des documents à destination des professionnels de santé, et consulter les documents que ceux-ci auraient transmis. Il a également la possibilité de partager une prescription via la plateforme avec tout pharmacien, abonné à Doctolib.

(ii) Les services offerts aux professionnels de santé

50. Au jour de l’envoi de la notification des griefs, Doctolib avait développé et commercialisé plusieurs solutions62 à destination des professionnels de santé, dont Doctolib Patient, Doctolib Médecin, Doctolib Team, Doctolib Téléconsultation et Doctolib Lecteur.

51. Doctolib donne accès à ces services aux professionnels de santé et autres clients dits « grands comptes » notamment via l’adresse pro.doctolib.fr, qui leur permet de se connecter à leur compte.

52. Selon le « simulateur de gains » mis à disposition des professionnels de santé sur le siteDoctolib, l’utilisation des services Doctolib Patient et Doctolib Téléconsultation est génératrice de gain de temps et de revenus additionnels63.

La solution Doctolib Patient

53. La solution Doctolib Patient est un logiciel de gestion d’agenda et de prise de rendez-vous médicaux en ligne à destination des professionnels de santé, qu’ils exercent au sein de cabinets médicaux, de centres d’imagerie ou encore d’établissements de santé64.

54. Proposée en France depuis 2013, cette solution permet au professionnel de santé de gérer son agenda médical en ligne65, notamment ses consultations et rendez-vous, ainsi que de partager en ligne des documents et ordonnances avec ses patients.

55. Elle permet également de mettre en relation des professionnels de santé et des patients, via un outil en ligne. Tout professionnel de santé peut ainsi proposer une prise de rendez-vous médicaux en ligne66 à des patients déjà suivis ou non, pour les créneaux, motifs et conditions de consultation qu’il aura préalablement définis. Ce service s’accompagne d’outils de confirmation et de rappel de rendez-vous.

56. Enfin, cette solution est destinée à apporter de la visibilité aux professionnels de santé67. Pour ce faire, ces derniers peuvent constituer et optimiser leur profil personnalisé sur la plateforme Doctolib68, qui compterait un peu moins d’une centaine de millions d’utilisateursen Europe69, en mettant en avant leur expertise. Ils sont également accompagnés par Doctolib pour la mise en place de leur compte « Google My Business », service de référencement permettant d’améliorer leur visibilité sur Internet70. Les professionnels de santé peuvent également adresser ou se voir adresser des patients de la part des professionnels de santé utilisateurs de la plateforme Doctolib71.

57. La solution Doctolib Patient est proposée aux professionnels de santé sous la forme d’un abonnement sans engagement de durée, et dont le tarif est fonction de la clientèle concernée ainsi que des modalités de paiement (mensuel ou annuel). S’agissant des établissements de santé (hôpitaux par exemple), les tarifs peuvent résulter de procédures d’appels d’offres72.

58. Le niveau tarifaire du service proposé par Doctolib, entre 139 et 149 euros TTC par mois en 2023 pour les nouveaux clients (voir en ce sens le tableau paragraphe 102), est plus élevé que celui des principaux opérateurs de la prise de rendez-vous médicaux en ligne interrogés. En effet, ces derniers peuvent proposer les tarifs selon différentes formules et sous des formes « packagées » ou non, parfois gratuitement ou à tout le moins inférieurs à 100 euros par mois73. Par exemple, Maiia (Cegedim Santé) propose sa solution de prise de rendez-vous en ligne à partir de 69 euros par mois selon l’activité de l’utilisateur – 99 euros TTC par mois pour un médecin74–, tandis que CompuGroup facture son « Pack Rendez-vous » incluant l’agenda en ligne, la prise de rendez-vous en ligne et le rappel de rendez-vous à 94 euros TTC par mois75.

59. En 2023, le chiffre d’affaires de Doctolib lié à la commercialisation de la solution Doctolib Patient s’est élevé à environ [confidentiel] millions d’euros, dont environ [confidentiel] millions d’euros en France76. Doctolib Patient représente près de [80-90] % de son chiffre d’affaires en France.

La solution Doctolib Médecin

60. La solution Doctolib Médecin offre un logiciel médical en ligne à destination des professionnels de santé pour le suivi de la gestion quotidienne de leur cabinet médical77. Il s’agit d’un logiciel « SaaS »78, qui comprend différentes fonctionnalités telles que la facturation et la télétransmission, la navigation dans le dossier patient, le partage de documents et d’ordonnances avec les patients sur leur espace en ligne ou encore un module d’aide à la prescription.

61. Ce logiciel est proposé sous forme d’un abonnement mensuel ou annuel payant79.

62. En 2023, le chiffre d’affaires de Doctolib Médecin en France s’est élevé à environ [confidentiel] millions d’euros80.

La solution Doctolib Team

63. Doctolib Team81 est une solution de messagerie instantanée dédiée aux professionnels de santé du secteur médical et paramédical, leur permettant de discuter et d’échanger des documents avec leurs confrères référencés sur l’Annuaire Santé82. Elle est gratuite et sans limite d’usage, que le professionnel de santé soit client de Doctolib ou non. S’il est déjà client, cette solution est automatiquement intégrée à son agenda ou à son logiciel de gestion de cabinet83.

La solution Doctolib Téléconsultation

64. La solution Doctolib Téléconsultation permet aux professionnels de santé de tout secteur d’activité et de toute spécialité de proposer et de réaliser des consultations médicales à distance grâce à un échange vidéo sécurisé. Un module de paiement intégré à la solution leur permet de recevoir directement le règlement de leurs honoraires. Seuls les professionnels de santé ayant un abonnement à la solution Doctolib Patient peuvent souscrire à Doctolib Téléconsultation84.

65. La solution est payante depuis 201985, au tarif de 79 euros TTC par mois, hormis durant le premier confinement86.

66. En 2023, le chiffre d’affaires de Doctolib Téléconsultation en France s’est élevé à environ [confidentiel] millions d’euros87, soit près de [5-10] % du chiffre d’affaires français de Doctolib.

La solution Doctolib Lecteur

67. Doctolib Lecteur est une solution composée d’un lecteur mobile, d’un terminal carte vitale/carte professionnel de santé, ainsi que d’une application mobile de facturation permettant au professionnel de réaliser ses facturations et de déclencher la télétransmission de ses feuilles de soins électroniques, même sans réseau88.

68. Cette solution est payante et réservée aux clients de la solution Doctolib Médecin89.

69. En 2022, le chiffre d’affaires de Doctolib Lecteur en France s’est élevé à environ

[0-10 000 000] euros90. Depuis 2023, le chiffre d’affaires de Doctolib Lecteur en France est inclus dans celui de Doctolib Médecin.

L’activité de télésecrétariat

70. En 2014, Doctolib a proposé un service de télésecrétariat médical, sous forme d’option, à ses clients Doctolib Patient. Cette activité a tout d’abord été internalisée au sein de Doctolib, le service étant alors facturé aux professionnels de santé clients à hauteur d’un euro TTC par appel. À la fin de l’année 2015, cette activité a été sous-traitée à une société tierce91.

71. Au cours de l’année 2016, Doctolib a cessé cette activité, mais a continué de proposer le service aux clients existants, en permettant aux professionnels de santé qui le souhaitaient de basculer vers les services de télésecrétariats partenaires92.

3. LA SOCIÉTÉ MONDOCTEUR

72. Fondée en 2013, MonDocteur était une société par actions simplifiée dont le capital était détenu notamment par ses trois dirigeants fondateurs ainsi que par la société Doctissimo, elle-même filiale de Lagardère Active93.

73. MonDocteur proposait et exploitait une plateforme accessible en ligne à destination des professionnels de santé et de leurs patients permettant leur mise en relation dans le cadre d’un service de prise de rendez-vous médicaux en ligne94.

74. Les services aux professionnels de santé étaient offerts sous la forme d’un abonnement mensuel95. Celui-ci comprenait plusieurs fonctionnalités telles que MonDocteur Web pour la mise en ligne des disponibilités du professionnel de santé et la prise de rendez-vous médicaux en ligne à tout moment de la journée96. L’abonnement comprenait également MonDocteur Agenda, agenda connecté pour le quotidien des professionnels de santé97, MonDocteur Patient pour le dossier patient numérique partagé ou encore MonDocteur Communauté pour la communication sécurisée entre professionnels de santé98.

75. À la mi-2018, MonDocteur comptait environ 8 200 professionnels de santé clients et 2,7 millions de comptes patients pour plus de 2 millions de rendez-vous réservés en mai 2018 via sa solution de prise de rendez-vous médicaux en ligne. La société avait également signé des partenariats avec des entreprises de télésecrétariat ainsi qu’avec des éditeurs de logiciels de gestion de cabinet et disposait de contrats avec au moins cent établissements de santé99.

76. Au mois de juillet 2018, Doctolib a acquis l’intégralité du capital social et des droits de vote de la société MonDocteur.

D. PRATIQUES CONSTATÉES

77. Après un rappel du contexte dans lequel s’inscrivent les pratiques constatées (1), seront examinées les dispositions relatives à l’exclusivité contenues dans les contrats conclus entre Doctolib et certains de ses clients (2), puis celles relatives au lien entre la souscription de Doctolib Téléconsultation et celle de Doctolib Patient (3). Seront ensuite abordés la question de la visibilité des solutions de téléconsultation concurrentes pour les professionnels de santé clients de Doctolib Patient (4), le rachat par Doctolib de MonDocteur (5) et l’évolution de l’activité de Doctolib et de ses principaux concurrents (6).

1. LE CONTEXTE DES PRATIQUES

a) L’importance des effets de réseau pour la prise de rendez-vous en ligne

78. Dans le cadre d’un marché biface, qui met en relation deux groupes d’agents qui réalisent des gains potentiels à interagir, une plateforme ou un intermédiaire rend possible ou facilite les transactions entre ces deux faces du marché. L’interaction entre ces deux faces engendre des effets de réseau croisés (ou externalités indirectes) car le bénéfice ou l’utilité que retire un agent d’un groupe déterminé de l’usage du service dépend du nombre d’agents de l’autre groupe qui utilisent eux-mêmes ce service. Si les effets croisés existent sur les deux faces, les patients étant attirés par une plateforme qui propose un grand nombre de professionnels de santé et ces derniers favorisant les plateformes disposant d’un grand nombre de patients, ceci crée indirectement des effets de réseaux « directs » sur chaque face : ainsi, un professionnel de santé sera attiré par une plateforme à laquelle un grand nombre de ses confrères sont déjà abonnés puisque celle-ci pourra plus facilement attirer des patients (« feedback effect »).

79. S’agissant des éléments recueillis auprès des tiers, opérateurs concurrents, télésecrétariats, ou syndicats de médecins, ils confirment pour la plupart l’existence et l’importance de ces effets de réseau. Selon eux, le fait que Doctolib est omniprésente et que sa plateforme est devenue un réflexe pour les patients, inciterait les professionnels de santé à recourir à son service de prise de rendez-vous médicaux en ligne. En effet, la plateforme constituerait une vitrine pour ceux qui cherchent à constituer ou renforcer leur patientèle, dans la mesure où la majorité de l’offre est visible sur Doctolib100. À titre d’exemple, le représentant du syndicat ReAJGIR101 explique ainsi : « [d]ès lors que tous les professionnels sont présents et clients de cette plateforme [Doctolib], cela offre aux patients une grande diversité de choix. Inversement, le fait que les patients se tournent majoritairement vers Doctolib incite également les professionnels de santé à avoir recours à cette plateforme ; le professionnel choisit Doctolib parce qu’il sait que les patients connaissent majoritairement Doctolib, c’est une « boucle » »102.

80. S’agissant des documents internes ou émanant de Doctolib, il convient tout d’abord de relever que, pour Doctolib, le fait que l’ensemble de ses clients professionnels utilise

Doctolib Patient comme unique outil quotidien de gestion de réservation et de planification, créant ainsi une forte adhésion au produit, est, depuis 2015, identifié comme (i) constituant une barrière clé à l’entrée du marché, (ii) permettant d’obtenir des « taux de churn » (taux d’attrition) minimum avec une expérience de réservation « zéro défaut » et en temps réel et comme (iii) constituant un atout décisif pour construire rapidement le plus grand portail de

81. Dans un échange de courriels avec un investisseur du 17 mai 2016, le président de Doctolib soulignait que « ce marché est un marché « winner takes all » avec de forts effets de réseau et des barrières à l’entrée + la concurrence est faible en France ». Le même affirmait encore, dans un article de presse de 2016, que ce marché correspondait « totalement » à unelogique « un marché, un acteur » (« one market one player ») : « [c]’est pour cela que le déploiement doit certes être progressif mais aussi fait de manière très rapide pour aller plus vite et plus loin que nos confrères ».

82. Un autre échange de courriels du 25 novembre 2016 entre le président de Doctolib et un investisseur faisait état des cinq conséquences des effets de réseau permettant de changer la formule de vente de Doctolib : (i) les ventes directes dites « inbound » dues à sa position de leader ; (ii) les accords stratégiques conclus (dont 100 % remportés en cas de compétition avec MonDocteur), et la disparition de la concurrence ; (iii) une augmentation possible des prix de 10 % en janvier 2017 en raison de la position de leader, les retours du marché étant positifs ; (iv) l’effet BtoC qui affecte le comportement des médecins et propage la marque ; et enfin (v) la concentration à Paris, avec des parts de marché supérieures à 90 %, une croissance et des ventes massives dans toute cette région108.

83. Une présentation interne de novembre 2016 relevait également les effets de réseau croisés, en évoquant la forte difficulté des médecins à se désabonner du service Doctolib, en raison notamment du nombre de patients ayant un compte Doctolib pour 100 % de leurs réservations109.

84. Cette situation a aussi été décrite dans une présentation intitulée « Doctolib Strategic Committee » du 18 avril 2017, qui évoquait « [l’e]ffet de Réseau Médecin » [« Doctor Network effect »], générateur de 50 % du revenu mensuel récurrent de la société, Doctolib relevant par ailleurs la nécessité d’accélérer cet effet110.

85. Un courriel adressé par Doctolib le 15 février 2018 à des prospects pour apporter « quelques précisions sur les différences de Doctolib et la concurrence » indique, après avoir mentionné les qualités intrinsèques du produit (le service, les fonctionnalités, l’ergonomie) : « [n]ous sommes le service le plus connu par les patients aujourd'hui : Doctolib est 9 fois plus recherché que la concurrence sur Google par exemple). 1 français sur 5 prend ses rendez-vous sur Doctolib (13 millions de patients), contre 500 000 pour le concurrent […] nous sommes en partenariat avec 4 fois plus de praticiens que le concurrent (40 000 vs 6 350). Nous lançons tous les mois 8 fois plus de nouveaux praticiens sur Doctolib (2 500).

Cet écart s'accentue grâce au très fort effet de réseau que nous sommes en train de créer mais aussi grâce aux garanties de sécurité offerte par Doctolib »111 (soulignement ajouté).

86. Le lien entre patients et médecins est également relevé dans un courriel de l’un des cofondateurs de Doctolib du 27 mai 2019 à propos des missions et priorités assignées aux différentes équipes de la société : « [p]ourquoi voulons-nous faire de Doctolib la source exclusive de rendez-vous pour les médecins ? [...] raison officieuse ? Nous voulons être une interface obligatoire et stratégique entre le médecin et son patient afin de les verrouiller tous les deux » 112. Selon Doctolib, sa réussite dépendait de deux équations : construire la plus grande communauté de médecins ainsi que la plus grande communauté de patients113, illustrant ainsi les liens entre les deux faces de l’activité de prise de rendez-vous médicaux en ligne.

87. Une présentation interne de juin 2019 soulignait encore, d’une part, que l’utilisation par les professionnels de santé et les patients d’un seul outil de réservation en ligne était « une barrière-clé à l’entrée », d’autre part que l’on était en présence « [d’]un marché SaaS européen émergent de 5 milliards d’euros » qui est « un marché ‘winner takes all’ » 114, « en raison (1) du côté patient + (2) de l’effet de réseau sur le côté médecin »115.

88. De même, un échange de courriels du 29 juin 2020 entre le président de Doctolib et un investisseur évoquait notamment l’effet « marque » (effet « brand ») de Doctolib en France : « [l]’essentiel de nos nouveaux clients vient du « Network effect médecins » (recommendation [sic], appel entrant…). Ce trend est significatif depuis 2 ans et s’accélère.

Notre puissance B2C est réelle avec ~[confidentiel] millions de comptes patients à date (~+[confidentiel] million[s] chaque mois…). Depuis le covid on sent une nouvelle force venue de la force « prescriptrice » des patients (qui demandent Doctolib à leur médecin pour sa simplicité, l’accès à la téléconsultion [sic] etc…) […] Au-delà de la vision B2B de devenir « l’Operating System » de la médecine, nous pouvons devenir une marque du quotidien de centaines de millions de personnes, LA marque de la santé, avec un niveau de proximité bien plus fort que des Amazon ou autres »116.

89. Dans une présentation de juillet 2020 intitulée « Doctolib Long-Term Plan », Doctolib explique comment elle est devenue un service médical essentiel en France et en Allemagne. Elle indique ainsi que le lancement de son service Doctolib Patient pour les généralistes et spécialistes a permis de créer un très large réseau de professionnels de santé clients à un coût d’acquisition client profitable et avec une bonne rentabilité. Grâce à son service et à ce réseau, elle a « construit gratuitement la plus grande base de patients en Europe », ce qui lui permet « [d’]attaquer tous les groupes de professionnels de santé (notamment les [confidentiel] qui sont en recherche de nouveaux patients) à un coût d’acquisition client plus faible »117.

b) La stratégie de Doctolib et la tarification de Doctolib Patient

La stratégie générale de Doctolib

90. Comme le montrent de nombreux éléments recueillis lors de l’instruction, la stratégie de Doctolib est caractérisée dès l’origine par une volonté d’hypercroissance, devant à terme lui permettre de devenir un acteur majeur de la santé, devançant de loin, voire de très loin, ses différents concurrents, et d’empêcher l’arrivée de nouveaux concurrents.

91. Par exemple, dans une présentation de 2019 « Growth Plan », Doctolib indique vouloir doubler chaque année ses marchés et produits existants avec le lancement d’un ou deux nouveaux produits et pays par an118, estimant pouvoir tirer profit de sa base d’utilisateurs, patients et médecins119, existante, de ses produits les plus performants120 et de ses atouts considérables par rapport à la concurrence, notamment sa « puissance de feu technologique »121.

92. Afin de parvenir à ces objectifs, Doctolib s’est, tout d’abord, appuyée sur un recrutement massif de salariés et notamment de commerciaux. Elle est ainsi passée entre juillet 2014 et juillet 2015 de 10 à 104 employés et de 6 à 46 commerciaux122. En 2019, elle indiquait avoir embauché 800 personnes au cours des quatre dernières années, dont 430 dédiées exclusivement à son activité en France123. Elle comptait, au début de l’année 2021, 1 671 salariés124.

93. Par ailleurs, Doctolib a identifié un potentiel de croissance lié à la clientèle des hôpitaux et cliniques privés en concluant des accords stratégiques, dont des accords exclusifs, avec sept des dix premiers groupes hospitaliers privés en France, ainsi qu’avec des groupes de plus petite envergure125. En ciblant cette clientèle, Doctolib prévoyait d’accélérer rapidement ses performances commerciales grâce à l’effet de réseau, ses concurrents n’ayant, quant à eux, signé aucun accord stratégique126. Elle considérait également être en position de force pour préempter et conquérir le marché plus concentré des médecins salariés de centres de santé, d’hôpitaux privés à but non lucratif ainsi que d’hôpitaux publics et a, de fait, remporté plusieurs appels d’offres127, dont celui lancé par l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris en juin 2016. En mai 2016, Doctolib considérait ainsi avoir verrouillé le marché hospitalier : « [n]ous avons verrouillé le marché des hôpitaux : 8 des 10 premiers ont signé »128.

94. Doctolib a également conclu des accords, dont des accords exclusifs, avec des éditeurs de logiciels de gestion de cabinet et développé des produits, destinés à accroître la satisfaction client, ses performances de vente et le revenu moyen par client, de 99 euros à 129 euros TTC129. Enfin, elle a indiqué tirer parti des accords et partenariats stratégiques conclus avec notamment quatorze centres d’appels (télésecrétariats médicaux), soit 2 000 médecins à installer, avec un objectif de neuf nouveaux partenariats pour un potentiel de clientèle de 4 000 médecins avant le deuxième trimestre 2017130. Selon Doctolib, les accords signés avec des groupes clés d’hôpitaux et des éditeurs de logiciel de gestion de cabinet ouvrent une opportunité de croissance massive131.

95. La stratégie d’hypercroissance de Doctolib trouve souvent sa traduction dans les termes employés pour motiver les équipes commerciales, qu’il s’agisse de les inciter à ne laisser aucune place aux concurrents déjà présents sur le marché ou de leur indiquer la marche à suivre pour s’opposer à l’arrivée d’un nouveau concurrent.

96. C’est ainsi, par exemple, que l’on retrouve dans de nombreux documents des termes tels que « destroy competition », « ne laissez aucun cabinet à la concurrence », « [a]ttaquez 100 % de la concurrence de vos zones », « fermez la porte à la concurrence », ou « dérouler avec un gros plan d’attaque pour tous les détruire ». De même, en décembre 2017, face à la volonté de certains syndicats professionnels de médecins de créer une plateforme de rendezvous en ligne, le président de Doctolib, interrogé par ses équipes sur cette perspective, indique : « ils veulent simplement créer un concurrent de Doctolib. Bien sûr nous savons qu’ils n’y arriveront jamais mais cela vaut le coup de tuer le projet avec [avant ?] son lancement ».

97. Cette forte présence commerciale, relevée par les opérateurs concurrents et les syndicats de professionnels de santé132, se traduit par un démarchage intensif, parfois perçu comme agressif133, au point que même Doctolib, dans des courriels internes relatifs à des praticiens manifestement excédés – « écoutez on est 5 collègues on reçoit chacun deux appels par jours de Doctolib pour nous présenter la TCS et on a la même réponse : on n’est pas intéressé pour l’instant », recommande de faire « attention à ne pas être trop pushy [insistant]»134.

Elle est toutefois également perçue comme un atout, en raison de la forte relation client qu’elle permet. Ainsi, un concurrent de Doctolib, la société Lemedecin.fr, reconnaît que « Doctolib peut conserver des clients malgré des prix élevés en raison de leur relation client. En effet, Doctolib a des commerciaux qui sont très proches de leurs clients avec des contacts fréquents. Ils maintiennent en quelque sorte cette relation client. Or, le critère de confiance est très important dans ce secteur, dans la mesure où les professionnels de santé confient à leur plateforme leur activité professionnelle »135.

129 « Doctolib a développé une API standardisée avec les logiciels de gestion de cabinet pour (1) augmenter la satisfaction client, (2) améliorer les performances commerciales et (3) augmenter l'ARPU [revenu moyen par utilisateur] (129€ vs 99€) », traduction libre.

98. Au plan financier, la politique de recrutement de Doctolib, couplée à des investissements significatifs de recherche et développement (ci-après « R&D »), se traduit, depuis le début de l’activité de la société en 2013 et durant toute la période infractionnelle visée par les services d’instruction, par un taux mensuel et annuel de croissance positif et par des pertes et un EBITDA136 négatif137. Un projet de document du 21 novembre 2017 réalisé par un cabinet d’audit note ainsi que le modèle économique de Doctolib, qui repose sur une structure de coûts fixes élevés, engendre d’importants flux de trésorerie disponible négatifs, financés par une augmentation de capital et par des dettes financières. Pour parvenir à un EBITDA et des flux de trésorerie disponible positifs, le groupe devrait, selon ce document, augmenter significativement son chiffre d’affaires grâce à des contrats clés d’acquisition de médecins ou d’établissement de santé, ou diminuer significativement ses coûts d’acquisition de professionnels de santé clients138.

L’évolution de la tarification du service Doctolib Patient

99. L’éventualité d’une augmentation tarifaire une fois atteinte une taille de marché critique a été évoquée dans un échange de courriels interne du 20 décembre 2018 à propos de la question « [p]ourquoi 100 % des médecins ne sont-ils pas sur Doctolib ? ». Le responsable stratégie de Doctolib a alors évoqué, auprès de son Président, trois pistes de réponse :

(i) rationaliser les efforts de conquête de part de marché en France et investir sur de nouveaux projets ; (ii) augmenter les prix une fois atteinte une taille de marché « critique » au regard du taux de churn « ridicule », de la satisfaction immense des clients et l’absence de concurrence crédible, avec la possibilité de nombreuses plaintes, mais un churn minime ; et (iii) continuer à investir sur la satisfaction/l’usage139.

100. Pour les clients professionnels de santé existants, aucune augmentation tarifaire n’a été appliquée entre 2013 et 2021140.

101. En janvier 2022, une augmentation du prix mensuel des abonnements allant jusqu’à [10-30] euros a été appliquée pour certains clients existants, afin de prendre en compte les évolutions de prix pour les nouveaux clients141. Aucune augmentation tarifaire n’a eu lieu pour les professionnels de santé déjà clients réglant leur abonnement par paiement annuel142.

102. Pour les nouveaux clients professionnels de santé, l’évolution de la tarification du service Doctolib Patient a été la suivante :

Tableau 1 – Évolution des tarifs de la solution Doctolib Patient pour les nouveaux clients professionnels de santé depuis 2013

136 Bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement.

103. Pour les patients, si l’accès et l’utilisation de la plateforme Doctolib sont actuellement gratuits, il ressort de plusieurs documents internes que cela pourrait évoluer, à terme143.

c) Les documents internes de Doctolib relatifs au déploiement et à la performance de ses différentes solutions

104. Dans de nombreux documents internes, Doctolib met en avant, chiffres à l’appui, les excellentes performances de ses solutions Doctolib Patient et Doctolib Téléconsultation, sa position de leader et l’écart sans cesse croissant avec ses principaux concurrents.

En ce qui concerne Doctolib Patient, lancé en 2013

105. Il ressort de deux documents internes de septembre 2015 et de mai 2016 que, dès 2015, Doctolib comptait pour son service 3 600 médecins clients pour une couverture de 50 % du territoire français et un taux de churn de 0,3 % ; 2,2 millions visiteurs mensuels et 200 000 réservations en ligne de patients par mois ; ainsi que 520 000 comptes patients créés, soit 75 000 nouveaux comptes chaque mois. Elle considérait détenir 50 % de parts de marché et se positionner en tant que leader incontesté du marché en France avec la croissance la plus rapide, malgré un démarrage tardif, et en tant que deuxième acteur du marché en Europe. Selon Doctolib, ses principaux concurrents, MonDocteur, KelDoc, RDVmédicaux et ClicRDV, ne comptaient qu’entre 200 et 850 médecins clients, bien qu’ayant débuté leur activité un à cinq ans avant, et avaient une croissance limitée, leur croissance mensuelle moyenne étant en moyenne cinq à dix fois inférieure à la sienne144.

106. Dès juin 2016, Doctolib considérait avoir presque triplé le nombre de médecins clients de son service de prise de rendez-vous médicaux en ligne, couvrir 85 % du territoire français et détenir 68 % de parts de marché en France, soit cinq fois plus que le deuxième acteur du marché MonDocteur, tandis que les autres concurrents étaient identifiés comme ayant une croissance limitée depuis 2007145. À cet égard, le président de Doctolib a indiqué en janvier 2016 : « [e]n synthèse par rapport à Mondocteur : Nous avons 10 fois plus de visibilité patient et de croissance : 2,5 millions de patients chaque mois vs 280k pour Mondocteur […] Nous avons 6 fois plus de professionnels de santé (6000 vs 1000) et 10 fois plus de capacité d’accompagnement (750 lancements / mois vs 70 pour Mondocteur) »146.

107. Doctolib relevait également, dans un document de novembre 2016, compter de 70 % à 85 % des médecins clients, soit quatre fois plus que son premier concurrent ; détenir le trafic de site Internet le plus important, cinq fois supérieur à celui de son premier concurrent ; bénéficier d’une notoriété auprès des patients dix fois supérieure ; détenir 80 % du marché de la réservation en ligne pour les patients, soit plus de sept fois plus que son premier concurrent ; et être le seul acteur comptant des établissements de santé (hôpitaux et centres médicaux)147.

108. Dans une présentation d’avril 2017, Doctolib, qualifiant sa croissance de « monstrueuse » par rapport à celle de son concurrent MonDocteur, estime, graphique à l’appui, que sa performance est trois fois plus élevée que MonDocteur en 2016 et début 2017 et qu’elle a « deux fois moins de churns chaque mois sur 2016 et trois fois et demi plus de praticiens », le tout avec la même quantité de commerciaux sur le terrain148.

109. Par ailleurs, dans une présentation d’octobre 2017, Doctolib indique être un « must-have » pour les patients, les médecins et les établissements de santé, avec une part de marché de 78 %149. De même, dans le cadre d’un échange de courriels du 12 janvier 2018 en vue de conclure un partenariat, elle indique également équiper « aujourd’hui 75 % des praticiens et établissements qui ont opté pour un service de prise de rendez-vous en ligne », ainsi que des groupes hospitaliers privés et des hôpitaux publics150.

110. Après le rachat de MonDocteur (voir les paragraphes 223 et suivants infra), dans un document de juin 2019, Doctolib indique détenir 95 % de parts de marché en France et être confrontée à une faible concurrence en raison du rachat de son plus gros concurrent en juillet 2018151. Elle compte selon elle 80 000 praticiens équipés de sa solution, dont 30 % en région parisienne152, avec une satisfaction client élevée entraînant un « taux de churn » limité et stable à hauteur de 0,6 %153. Sa marque Patient est forte de 32 millions de visites mensuelles après seulement cinq ans d’existence, avec une croissance de trafic à trois chiffres et un trafic provenant à 55 % du référencement du site sur les moteurs de recherche154. Enfin, en termes de performances, sa croissance depuis cinq ans est « fulgurante »155 et ses performances commerciales très prévisibles.

111. Dans ce contexte, selon un mémorandum de 2021 destiné au conseil d’administration de la société, la campagne de vaccination imprévue liée à la crise sanitaire, qualifiée de « tournant décisif de notre histoire », a accru la portée de Doctolib auprès des patients156, engendré la plus grande campagne de la marque jamais réalisée en France157, et permis à Doctolib de construire de fortes relations avec les acteurs publics clefs en France158, au point de devenir « le partenaire officiel de l’État français »159. Cette campagne a également été l’occasion d’étendre sa base de clientèle, avec la conquête du pôle pharmacien et l’accélération de la conquête du pôle hospitalier avec la possibilité d’équiper la plupart des grands hôpitaux publics, dont ceux considérés comme étant les plus réticents vis-à-vis de Doctolib par le passé160.

En ce qui concerne Doctolib Téléconsultation, lancé en 2019

112. Dès le lancement de sa solution de téléconsultation début 2019, Doctolib fait état de résultats qui attestent de ses excellentes performances et la placent, comme pour sa solution Doctolib Patient, en position de leader161.

113. Ainsi, en avril 2019, soit un an avant la crise sanitaire, plus de 600 professionnels de santé avaient recours au service de téléconsultation proposé par Doctolib, pour 5 000 téléconsultations mensuelles réalisées et un revenu mensuel récurrent de 43 000 euros162, ainsi qu’une part de marché de 70 %163. Selon Doctolib, en juin 2019, 85 % des téléconsultations remboursées par l’Assurance maladie avaient été réalisées via Doctolib Téléconsultation qui comptait 1 000 médecins clients pour 8 000 téléconsultations mensuelles, tandis que d’autres opérateurs comme Cegedim et Qare comptaient moins de 100 ou 200 clients164.

114. En 2020, [25 000-35 000] professionnels de santé utilisaient la solution de téléconsultation de Doctolib, soit huit fois plus qu’avant la crise sanitaire, et [10-20] % des nouveaux utilisateurs étaient des nouveaux utilisateurs de Doctolib Patient165. Doctolib réalisait [100 000-150 000] téléconsultations remboursées, soit [80-90] % des téléconsultations remboursées en France166 et équipait [80-90] % des [25 000-35 000] cabinets équipés d’une solution de téléconsultation167.

115. Dans des courriels internes d’octobre 2020, il était indiqué que la solution de téléconsultation de Doctolib était utilisée par [15 000-20 000] praticiens en France, soit [40-50] % du marché,

116. Dans un courriel du 29 juin 2020, l’un des administrateurs de Doctolib indiquait que « [l]a téléconsultation a montré notre capacité à vendre massivement des extensions à notre base de client installée (les 30k clients de téléconsultation étaient tous des clients [de Doctolib Patient]) »170.

117. Selon le document de 2021 cité ci-avant (voir le paragraphe 111)171, Doctolib était le premier fournisseur européen de services de téléconsultation et la deuxième marque préférée des Français dans la catégorie « service » après Google172. Par ailleurs, le taux de désabonnement de Doctolib Téléconsultation après la crise sanitaire s’avérait plus faible qu’anticipé, cette solution comptant encore [15 000-20 000] clients en mars 2021173.

118. Ce même document174 fournit les chiffres reproduits dans le tableau ci-après, relatifs à ses performances pour l’année 2021 :

2. LES EXCLUSIVITÉS CONTENUES DANS LES CONTRATS DOCTOLIB

a) Les modalités de contractualisation entre Doctolib et ses clients

119. La nature des documents contractuels signés par les clients de Doctolib qui souscrivent aux services Doctolib Patient et Doctolib Téléconsultation peut varier selon le type de clients concernés176.

120. Dans un premier cas, le client, qu’il s’agisse de professionnels de santé individuels ou de certains clients dits « grands comptes » (par exemple, les centres de santé ou les hôpitaux) signe uniquement une documentation contractuelle standard, élaborée par Doctolib.

121. Le nom donné par Doctolib à cette documentation contractuelle standard, ainsi que sa nature et son articulation varient selon la période considérée177. Ces documents seront visés ci-après par les termes « Conditions contractuelles Doctolib »178.

122. Les Conditions contractuelles Doctolib correspondent à un contrat d’adhésion, dont les clauses n’ont pas vocation à être négociées. Doctolib a précisé qu’un client qui a souscrit aux Conditions contractuelles Doctolib à une date donnée se voit appliquer, en cours de relation, les versions ultérieurement modifiées179.

123. Dans un second cas, les grands comptes peuvent signer des documents contractuels spécifiques180, qui peuvent compléter ou remplacer les Conditions contractuelles Doctolib.

Certains de ces contrats sont négociés de gré à gré. Ils intègrent parfois certaines clauses des Conditions contractuelles Doctolib. Certains grands comptes peuvent également passer par la voie d’appels d’offres, ou encore par des centrales d’achat, le contrat étant, dans ce dernier cas, signé par ces dernières et non par le client utilisateur des services Doctolib.

b) Les dispositions contractuelles relatives à l’exclusivité

124. Seront successivement examinées ci-après les conditions relatives à l’exclusivité présentes dans les Conditions contractuelles Doctolib et dans les contrats spécifiques conclus avec les grands comptes. Les clauses d’exclusivité présentes dans les Conditions contractuelles Doctolib

125. Jusqu’en septembre/octobre 2023181, les Conditions contractuelles Doctolib contenaient une clause dite « d’exclusivité », qui prévoyait que le client ne peut, tant qu’il est client de Doctolib et pour son activité en France, recourir à un service concurrent de ceux proposés par Doctolib ou, à compter de mars 2021, à un service ayant la même finalité que ceux souscrits auprès de Doctolib.

126. La clause d’exclusivité couvre le service de prise de rendez-vous médicaux en ligne, ainsi que, selon les périodes considérées, le service de téléconsultation médicale et le service de télésecrétariat182.

127. Les clauses d’exclusivité des Conditions contractuelles Doctolib successivement applicables depuis 2013 sont présentées dans le tableau ci-dessous (soulignements ajoutés) :

Tableau 2 – Termes des clauses d’exclusivité présentes dans les Conditions contractuelles Doctolib successivement applicables

128. Par ailleurs, les Conditions contractuelles Doctolib comportent également des clauses relatives :

− au non-respect de la clause d’exclusivité :

❖ De 2013 au 29 novembre 2017190, le non-respect par le professionnel de santé de la clause d’exclusivité constitue une « faute grave » 191 justifiant la résiliation du contrat par Doctolib.

❖ Pour la période postérieure au 29 novembre 2017, la clause relative à la résiliation ne vise pas spécifiquement l’hypothèse de non-respect de l’obligation d’exclusivité, mais donne la possibilité à Doctolib de suspendre voire de résilier le contrat si le professionnel de santé contrevient aux dispositions contractuelles192 ;  « à l’utilisation du module de prise de rendez-vous médicaux en ligne en combinaison avec les autres modules du Service d’Agenda :

❖ Du 3 juin 2019 au 31 décembre 2022193, « Doctolib recommande fortement l'utilisation du module de prise de rendez-vous en ligne en combinaison avec les autres modules du Service d’Agenda. En cas d’utilisation partielle du Service d’Agenda ne permettant pas à Doctolib d’assurer un service optimal et une satisfaction de ses Utilisateurs, du fait notamment du risque de création de doublon de rendez-vous, Doctolib se réserve la possibilité de suspendre et/ou résilier le Contrat » (soulignement ajouté).

❖ Pour la période postérieure au 31 décembre 2022, les Conditions contractuelles Doctolib ne visent plus expressément le « risque de création de doublon de rendez-vous », et prévoient simplement que « Doctolib recommande fortement l'utilisation du module de prise de rendez-vous en ligne en combinaison avec les autres modules du Service d’Agenda. La responsabilité de Doctolib ne saurait être engagée dans le cas où l'utilisation d'un module de prise de rendez-vous en ligne fourni par un prestataire tiers aurait pour effet de limiter ou de réduire les performances du Service Agenda » 194 (soulignement ajouté).

129. Enfin, les Conditions contractuelles Doctolib relatives à la durée et à la résiliation prévoient :

− pour la période de 2013 à 2019, que le contrat est à durée indéterminée, avec possibilité pour le client de résilier à tout moment, moyennant le respect d’un préavis de quinze jours adressé à Doctolib par lettre recommandée avec accusé de réception195 ;

− pour la période de 2020 à 2023, que le contrat est, en fonction de l’option souscrite par le client, soit d’une durée d’un mois (tacitement reconductible de mois en mois), soit d’une durée d’un an (tacitement reconductible d’année en année), avec possibilité pour le client de résilier à tout moment, moyennant le respect d’un préavis de quinze jours adressé à Doctolib par lettre recommandée avec accusé de réception196. Dans la version des Conditions contractuelles applicables de janvier à octobre 2020, dans l’hypothèse de la résiliation d’un contrat annuel, le client reste redevable des sommes dues pour l’année en cours, sauf « pour faute prouvée de Doctolib ou pour force majeure non résolue [auquel cas] l'Abonné sera remboursé au prorata temporis pour la partie non consommée de l'Abonnement »197 ; à compter de novembre 2020, seules les sommes dues par le client au titre du mois en cours restent dues, le reste étant remboursé prorata temporis198.

Les clauses d’exclusivité présentes dans les contrats spécifiques à certains grands comptes

130. De nombreux grands comptes ne signent pas de contrats spécifiques, mais souscrivent à un ou plusieurs services Doctolib en signant les Conditions contractuelles Doctolib199. Ces clients sont donc soumis à la clause d’exclusivité et aux autres clauses évoquées ci-avant.

131. En dehors des cas où les grands comptes contractualisent avec Doctolib via les Conditions contractuelles Doctolib standard, de nombreux contrats conclus de gré à gré entre Doctolib et ses grands comptes comportent également une clause d’exclusivité, dont la rédaction et la portée peuvent varier selon le client considéré.

132. S’agissant des grands comptes les plus importants en termes de chiffre d’affaires200, la majorité des contrats conclus directement entre ces derniers et Doctolib comportent ainsi une clause d’exclusivité201.

133. S’agissant des autres grands comptes de Doctolib, le tableau ci-après présente des exemples de clauses d’exclusivité contenues dans les contrats dits « d’abonnement » 202, c’est-à-dire définissant les conditions d’abonnement et d’utilisation des services Doctolib par le client signataire203.

Tableau 3 – Exemples de clauses d’exclusivité contenues dans les contrats dits « d’abonnement »

134. Certains de ces clients ont également pu souscrire à un service Doctolib directement sur le site Internet de Doctolib, en signant les Conditions contractuelles Doctolib, sans négocier de contrat spécifique. Un client peut, par exemple, avoir signé un contrat d’abonnement au service Doctolib Médecin, et souscrire, par ailleurs, aux Conditions contractuelles Doctolib s’agissant du service Doctolib Téléconsultation206.

135. Le tableau ci-après présente des exemples de clauses d’exclusivité contenues dans les contrats dits « de partenariat » conclus entre Doctolib et certains de ses clients « grands comptes », ayant pour objet le référencement et le déploiement des services Doctolib auprès des professionnels de santé travaillant dans le cadre de la structure du client signataire207.

Tableau 4 – Exemples de clauses d’exclusivité contenues dans les contrats dits « de partenariat »

Article 3 « Exclusivité » : « [nom du client] s’engage à ne pas conclure de partenariat, d’accord de coopération ou de contrat avec une société concurrente de Doctolib sur la prise de rendez-vous médicaux en ligne pour les Professionnels de santé, pendant la durée du présent Contrat de Partenariat. [nom du client] s’engage à ne pas intégrer dans son SIH ou sur ses outils de communication aux patients (sites Internet et applications mobile notamment) de service concurrent à celui de Doctolib sur la prise de rendez-vous en ligne pour les Professionnels de santé, pendant la durée du présent Contrat de partenariat. Il est précisé que cette exclusivité ne s’applique pas aux Professionnels de santé du [nom du client] qui restent pleinement libres de choisir le service de prise de rendez-vous en ligne qu’ils souhaitent » 210.

136. Pour certains clients, la clause d’exclusivité énumère les entreprises auxquelles le client peut ou non recourir. Par exemple, l’article 10 « Concurrence » d’un contrat signé en 2020 avec un client grand compte prévoit que « [p]endant toute la durée du Contrat, le Partenaire s’interdit, directement ou indirectement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, de conclure, avec toute personne physique ou morale, tout type de contrat, quel qu’il soit, dont l’objet serait le déploiement au sein des Praticiens de tout service analogue et concurrent au Service d’Agenda auprès de Professionnels de santé, avec les entreprises suivantes : - Qare, - Maiia, - Livi, - Medadom, - Docavenue, - ClicRDV, - 118 218 (dispo.fr), - Clickdoc.fr, - MG Rendezvous, - Alaxione »211 (soulignement ajouté).

137. Par ailleurs, la clause d’exclusivité doit parfois être lue en combinaison avec d’autres dispositions contractuelles, telles celles prévoyant que :

− « le Contrat a vocation à régir l’utilisation faite par tous les Utilisateurs [notamment, les professionnels de santé et leur personnel] de l’établissement de l’Abonné [le client signataire] […] L’Abonné se porte-fort de ce que chaque Utilisateur respecte toutes les obligations mises à sa charge au titre du Contrat en sa qualité d’utilisateur des Service »212 ;

− « [g]estion des rendez-vous » : « Doctolib n’est qu’un intermédiaire entre le patient et le Partenaire […]. Doctolib décline toute responsabilité en cas de litige, quelle qu’en soit la raison, entre le Partenaire et un patient »213.

138. Enfin, certains clients passent par une centrale d’achat214 pour souscrire aux services de Doctolib. Or, les contrats conclus entre Doctolib et les quatre centrales d’achats auxquelles ont recours certains des vingt premiers clients de Doctolib215 ne comportent pas de clause d’exclusivité216, les contrats étant rédigés sur la base d’un modèle élaboré par les centrales et parfois dans le cadre d’appels d’offres soumis à la réglementation applicable en matière de marchés publics217. Il arrive toutefois que ces clients concluent également directement, pour des besoins particuliers, un contrat avec Doctolib qui, en lui-même ou par référence aux Conditions contractuelles Doctolib218, comporte une clause d’exclusivité.

139. Le tableau ci-après présente des exemples de clauses présentes dans ces contrats219.

211 Les conditions d’abonnement annexées à ce contrat comportent également un article 17 « Clause d’exclusivité » prévoyant : « Pendant toute la durée du Contrat et dans le cadre de l'exercice de son activité sur le territoire français, l'Abonné s'interdit d'avoir recours, à des services concurrents aux Services proposés par Doctolib ».

Tableau 5 – Exemples de clauses d’exclusivité dans les contrats conclus après négociations via une centrale d’achat

c) Les éléments de stratégie interne relatifs à l’exclusivité

Les documents internes relatifs à l’exclusivité

140. De nombreux documents internes évoquent la stratégie liée à l’exclusivité mise en place par Doctolib.

141. Ainsi, une présentation de septembre 2015 précise que « [t]ous les clients de Doctolib utilisent uniquement le BMS223 de Doctolib pour gérer les réservations au quotidien. C'est une barrière à l'entrée importante qui permet d'avoir un taux de churn minimal avec une expérience de réservation en temps réel et sans défaut »224. Plusieurs présentations ultérieures de mai 2016225, octobre 2017226 et mai 2018227 reprennent un argumentaire similaire. De même, un document de novembre 2016 évoque, parmi les gains escomptés des exclusivités liant ses grands comptes, l’augmentation du revenu récurrent mensuel, le taux de conversion plus élevé ou encore le fait que cela permette de « sécuriser » le segment des hôpitaux228.

142. En outre, dans le cadre d’échanges internes de juillet 2016, le président de Doctolib communique à ses équipes « une proposition de plan pour lutter contre l’allottement [sic]229 », grâce notamment à un « algo[rithme] de détection des risques d'allotment [sic] sur les agendas »230.

143. De fait, dès 2016, l’allotement a constitué pour Doctolib un sujet d’attention commerciale, ayant donné lieu à la mise en place de procédés consistant à détecter et « attaquer » les professionnels de santé clients n’étant pas en situation d’exclusivité vis-à-vis de Doctolib, ou à refuser le « lancement » de professionnels de santé en situation d’allotement, comme en témoignent de nombreux échanges internes, de 2016 à 2019231.

144. Ainsi, des échanges internes de 2019 montrent que Doctolib, tout en se félicitant de ce que les cas d’allotement restent toujours marginaux, estime nécessaire d’établir une liste de configurations dans lesquelles un professionnel de santé se trouve en situation d’allotement, afin de permettre aux commerciaux d’identifier ces cas et d’entreprendre des actions correctives, par exemple :

« Prat [praticien] qui a 2 spécialités (ex: ostéo+kiné) et qui met seulement ses RDV Ostéo sur Doctolib » ; « Prat qui a 2 agendas (1 agenda à la concurrence + son agenda doctolib) et qui ne recopie pas tous ses rdv sur son agenda Docto ou qui posent [sic] des absences (allotement docto) […] » ; « Prat qui a 2 agendas (1 agenda à la concurrence + docto) et qui met certaines plages sur son agenda Docto et d’autres sur un agenda concurrent » ; « Prat qui met seulement quelques créneaux isolés sur son agenda Docto car il utilise un autre agenda »232.

145. Dans le cadre d’échanges internes de mai 2019 relatifs à des réflexions sur la stratégie de l’entreprise, impliquant notamment un co-fondateur et le président de Doctolib, l’un d’eux indique : « [p]ourquoi voulons-nous faire de Doctolib la source exclusive de rendez-vous pour les médecins ? […] - raison officieuse ? Nous voulons être une interface obligatoire et stratégique entre le médecin et son patient afin de les verrouiller tous les deux »233.

146. En outre, des échanges internes de novembre 2018 concernant un contrat de partenariat en cours de négociation avec un prospect grand compte montrent que l’exclusivité est présentée comme un moyen d’évincer Docavenue, devenue Cegedim Santé : « [o]n est d'accord sur les objectifs ? - Bloquer Cegedim (inclure l'exclu dans le contrat) »

234. D’autres échanges de décembre 2018, relatifs à la reprise par Doctolib d’un contrat signé entre une clinique et MonDocteur, à la suite de son rachat par Doctolib, indiquent que l’objectif de l’exclusivité est de bloquer les concurrents : « si [la clinique] bloque sur l'exclu ça sera l'occasion de renégocier les prix sinon on bloque la porte aux potentiels concurrents »235.

Les échanges entre les dirigeants et la direction juridique de Doctolib concernant l’exclusivité

147. La clause d’exclusivité présente dans les Conditions contractuelles Doctolib a fait l’objet d’échanges internes, notamment entre la direction de Doctolib et sa direction juridique.

148. En 2019, à l’occasion de la revue des Conditions contractuelles Doctolib, la direction juridique de Doctolib a recommandé au président et au directeur financier de la société de supprimer la clause d’exclusivité, compte tenu de son illicéité au regard du droit de la concurrence.

149. Le 21 février 2019, la direction juridique écrit ainsi : « [i]l faut vraiment supprimer cette clause qui 1) affaiblit tout le contrat (elle est illégale au regard du droit de la concurrence)

2) n'est pas mise en pratique 3) est parfois source de discussion avec des biz dev [équipes commerciales] 4) prete le flan à la controverse sur l'abus de position dominante. Je préfère t'en parler avant de la supprimer car nous avions eu quelques discussions là-dessus, sans jamais prendre de décision » 236 (soulignements ajoutés).

150. Le 24 février 2019, le président de Doctolib répond qu’il souhaite maintenir cette clause : « [j]e ne comprends pas pourquoi nous devons juridiquement la supprimer. Je pense qu’il faut stratégiquement la garder même si elle n’est pas mise en application […] Qu'est-ce que les praticiens peuvent mettre contre nous suite à la mise à jour de ces conditions ? »237(soulignement ajouté).

151. Le lendemain, la direction juridique propose de répondre ainsi sur ces différents points :

«  Sur l'exclusivité : ° Je ne comprends pas pourquoi nous devons juridiquement la supprimer. [[Initiales de la responsable juridique de Doctolib] : C'est une clause illicite sur laquelle tous les juristes en [et ?] avocats tiquent. Elle invalide tout le contrat => la balance risque / bénéfices penchent[sic] clairement pour sa suppression]

° Je pense qu'il faut stratégiquement la garder même si elle n'est pas mise en application [[initiales de la responsable juridique de Doctolib] : J'insiste vraiment fortement pour la supprimer]. […]

° Qu'est-ce que les praticiens peuvent mettre contre nous suite à la mise à jour de ces conditions ? [[Initiales de la responsable juridique de Doctolib] : la clause d'exclusivité !] »238.

152. Quelques jours plus tard, une réunion a lieu sur la revue des Conditions contractuelles Doctolib, et la direction juridique en rédige un compte rendu dans un courriel du 28 février 2019 :

« Je note:- OK pour retirer la clause d'exclusivité. Mais ajouter plus clairement qu'on ne peut pas utiliser le produit en allotement ».

Le président de Doctolib répond à ce courriel : « Parfait ».

Le lendemain, dans le prolongement de ces échanges, le directeur général France de Doctolib indique cependant :

« J’ai re réfléchi hier soir au point [du président de Doctolib] sur l’exclusivité :

- Je me dis que si on pense au marché dans 5-6 ans c’est peut-être bien d’avoir cette clause en fait

- On est peut etre trop sûr de nous today en se disant qu’on en a pas besoin

- Si un concurrent arrive demain et que la clause nous permet de ralentir son dvp

[développement] alors peut être bien de la garder.

- Mine de rien les prats y réfléchiront peut etre à 2 fois du coup […] l’arbitrage est donc si il invalide complètement le contrat ou non. Et de toute façon garder la clause qui nous permet de refuser une vente / retirer un prat si mauvais usage »239 (soulignements ajoutés).

153. La question est finalement tranchée par le président de Doctolib dans un courriel du 5 mars 2019 : « Je suis OK avec [le directeur général France] : il faut mettre l’exclusivité »240.

154. La version des Conditions contractuelles Doctolib modifiée à la suite de ces échanges conserve ainsi une clause d’exclusivité, ainsi qu’une clause « anti-allotement » prévoyant que « Doctolib recommande fortement l'utilisation du module de prise de rendez-vous en ligne en combinaison avec les autres modules du Service d’Agenda. Doctolib ne peut assurer un service optimal et une satisfaction de ses utilisateurs, du fait notamment du risque de création de doublon de rendez-vous. Dans ces conditions, Doctolib se réserve la possibilité de résilier le Contrat d’abonnement, dans les conditions de l’article « Suspension – résiliation » ci-dessous »241 (soulignement ajouté).

155. En 2019 également, la direction juridique de Doctolib a été consultée en interne au sujet de plaintes de professionnels de santé auprès des commerciaux de Doctolib, concernant la clause d’exclusivité. Dans un courriel du 4 avril 2019, elle recommande de tenir le discours suivant aux professionnels de santé qui se plaindraient :

« La clause d'exclusivité n'est pas abusive car 1) absence de position dominante de Doctolib

2) le praticien peut résilier son abonnement à tout moment avec 15 jours de préavis seulement => on n'entrave pas le jeu de la libre concurrence ».

156. Elle précise néanmoins :

« Pour info, elle n'est pas illégale mais on est pas super à l'aise dessus. Nous voulions la supprimer au Legal mais le COMEX en a décidé autrement. On va mettre un cab dessus pour renforcer la position »242.

157. En avril 2019 également, au sujet d’un professionnel de santé affichant sur son profil Doctolib l’utilisation du service de téléconsultation de Docavenue (devenu Maiia), la direction juridique, consultée en interne sur la question « quels sont les éléments légaux concrets qui nous permettent d’affirmer que nous ne pouvons pas afficher de liens vers d’autres sites que Doctolib ? », répond : « [o]n ne peut pas interdire à un praticien client de l’Agenda d’utiliser un concurrent pour la [téléconsultation] ni de l’afficher sur Doctolib pour en informer ses patients (même si usage très peu quali) »243.

158. Enfin, dans une note non datée sur la licéité du refus de vente qui serait opposé à un professionnel en situation d’allotement, notamment au regard du droit de la concurrence, la direction juridique244, tout en posant comme postulat « on supposera ici que Doctolib n’est pas en position dominante » ou encore « Doctolib n’est pas à [sic] priori en position dominante », a examiné, sous l’angle d’un éventuel abus de position dominante, s’il existait en l’espèce des considérations objectives justifiant un tel refus de vente aux « nouveaux praticiens » (utilisateurs d’un service concurrent mais souhaitant s’abonner à Doctolib) :

« Le refus peut, par exemple, être justifié par le besoin de l'entreprise de protéger ses intérêts commerciaux (en cas de nécessités techniques ou commerciales).

En l’espèce, on peut avancer qu'une utilisation partielle des services offerts Doctolib entraîne généralement une satisfaction considérablement plus faible de l'utilisateur. Cela peut donc nuire à l'image et à la réputation de Doctolib. Néanmoins, cet argument a peu de chance d’être retenu »245 (soulignements ajoutés).

159. Dans le cadre de cette même analyse, s’agissant du caractère éventuellement indispensable du service de prise de rendez-vous médicaux en ligne de Doctolib, la direction juridique, après avoir indiqué « [e]n l’espèce, on peut avancer que le service n’est pas indispensable à l’exercice de l’activité de tel praticiens [sic] : ils peuvent gérer eux-même [sic] la prise de

RDV (ce qu’ils font actuellement) ou encore se tourner vers d’autres concurrents de

Doctolib (Keldoc, Docavenue etc…) », a toutefois ajouté : « [n]éanmoins, on pourrait nous opposer que la prise de RDV en ligne deviendra bientôt incontournable pour les praticiens, et que la visibilité accordée par doctolib ne peut être comparable à celles d’autres concurrents. Par conséquent, le service serait indispensable »246.

d) La mise en œuvre, par Doctolib, de la clause d’exclusivité

160. La mise en œuvre effective de la clause d’exclusivité ressort tant des déclarations de certains concurrents et syndicats professionnels de médecins que de documents ou échanges internes à Doctolib.

161. S’agissant des déclarations des tiers, il peut par exemple être relevé que selon le syndicat Jeunes Médecins : « [c]ette pratique [existence d’une clause d’exclusivité dans les conditions générales d’opérateurs de la prise de rendez-vous médicaux en ligne] nous a effectivement été remontée, via des professionnels de santé mais aussi via des solutions concurrentes auxquelles nous avons recours. Ces opérateurs concurrents nous ont indiqué que des commerciaux Doctolib auraient affirmé à des professionnels de santé qui arrivaient chez ces concurrents et souhaitaient résilier leur abonnement Doctolib que recourir à deux solutions concurrentes était impossible »247.

162. L’opérateur Solocal a également déclaré : « [p]endant un certain temps, une part significative de nos professionnels de santé clients utilisait plusieurs autres solutions telles que celle de Doctolib ou de MonDocteur. Au départ, cela ne semblait pas gêner un opérateur comme Doctolib, bien que ce dernier ait, au travers de ses conditions générales de vente, une approche exclusive avec une obligation pour ses clients de n’utiliser que sa solution. Toutefois, par la suite, il y a eu une opération par laquelle Doctolib a contacté ses clients professionnels de santé également clients de ClicRDV pour leur indiquer qu’ils avaient l’obligation d’abandonner la solution ClicRDV pour respecter leurs conditions générales de vente. Un grand nombre de ces clients ont alors fait le choix de quitter ClicRDV, à la faveur de Doctolib. Nous ne pouvons toutefois pas quantifier ce nombre. À notre sens, l’objectif de Doctolib dans le cadre de cette action était de réduire le parc clients de ses concurrents »248. Des courriels transmis par Solocal attestent que Doctolib a encouragé les professionnels de santé clients d’un concurrent, mais désireux d’utiliser également le service Doctolib, à mettre un terme au contrat conclu avec le concurrent249. Un courriel d’un médecin adressé à Solocal indique, par exemple, en octobre 2018 : « je suis inscrite à clicrv et quand j’ai voulu m’inscrire à doctolib on m’a demandé de me désinscrire de clicrv »250.

163. La mise en œuvre de la clause d’exclusivité est également attestée par des échanges internes.

Ainsi, un courriel du 28 juillet 2016 indique :

« Concernant l'allotement :

- nous chassons énormément (c'est une de nos priorités) sur les terres de [MonDocteur](et dans une moindre mesure [PagesJaunesDoc]) dans le but de faire rentrer leurs prats [praticiens] dans le droit chemin :) […]

- lorsque des praticiens [MonDocteur] passent chez Doctolib :- nous leur demandons toujours par oral puis par écrit de cesser leur abonnement chez

[MonDocteur]

- nous leur rédigeons et envoyons à tous le courrier qu'ils n'ont qu'à imprimer, signer et retourner en courrier [avec accusé de réception] chez [MonDocteur] pour résilier leur contrat

- maintenant tu le sais - et nous le savons tous - quand on n'est pas physiquement présent à côté du praticien pour valider ce genre de choses, il y en a qui vont faire le nécessaire avec plus... ou moins de réactivité »251 (soulignements ajoutés, caractères gras dans le texte d’origine).

164. Par ailleurs, de nombreux échanges et documents internes montrent que les commerciaux de

Doctolib ont reçu pour instruction de refuser l’allotement, c’est-à-dire notamment de ne pas permettre à des clients potentiels de souscrire également à un service Doctolib lorsqu’ils sont déjà clients d’un service concurrent. Ainsi, dans le cadre du « plan pour lutter contre l’allotement » proposé par le président de Doctolib à ses équipes en juillet 2016, le « plan d’actions » à entreprendre une fois identifiés les professionnels de santé concernés implique :

« - […] pour chaque type d’agenda ou raison, prise d’une décision ensemble (suppression, basculement vers full, pas d’actions) et définition d’un script

- Nouveau praticien en allottement252 au moment du lancement : aucune validation sans approbation par [le directeur général France] […].

- Nouveau praticien en allottement via l’alerte (praticien qui se met en allottement tout seul ou fraude du BizDev [équipes commerciales]) »253.

165. Un document de présentation de janvier 2016 indique également :

« > 2 points de rappel très importants pour avoir 0 churn et une satisfaction parfaite.

> 0 praticien en allottement [sic] :

 Tout le monde doit utiliser exclusivement l’agenda Doctolib pour 100 % des RDV.

 L’allotement ne fonctionnera jamais et va forcément mener au churn et à une mauvaise[expérience] » 254 (soulignements ajoutés, caractères gras dans le texte d’origine).

166. Cette consigne figure également dans un document de présentation intitulé « Sales Meeting du 14 mars 2016 », qui montre qu’une des raisons à l’origine de cette « règle » est que les situations d’allotement peuvent donner lieu à des résiliations suivies de départ de clients à la concurrence :

« Règle : 0 allotement accepté :

 Tous les allotements seront refusés […] et donc non comptabilisé [sic] pour le variable

 Hors cessation d’activité : 50 % des churn sont des allotement [sic] »255 (soulignements ajoutés).256

167. Dans le cadre d’échanges internes d’octobre 2016, il est indiqué, au sujet de « praticiens qui sont clients chez nous et également réservables chez [MonDocteur] », que « l’objectif est simple : les faire churner afin qu’ils ne soient plus en allotement mais 100% chez nous »257.

168. Dans le cadre d’échanges internes sur les facturations et les désabonnements de juin 2017, le président de Doctolib s’interroge : « [a]llottement : comment est-ce possible de lancer à nouveau 15 praticiens ce mois-ci en allottement ? ». Le directeur général France de Doctolib suggère en réponse de ne plus « lancer », c’est-à-dire accepter, de nouvelles souscriptions, pour des clients en situation d’allotement : « [n]e devrait on pas tout simplement les interdire au lancement ? Ou en est-on de notre repasse sur 100 % des [praticiens] en allotement […] pour [nettoyer] l’historique ? Il n’y en aura plus de notre côté -> on en parle […] lundi : 0 allotement » 258 (soulignements ajoutés). Ces échanges montrent également que les commerciaux ne perçoivent pas de bonus financier pour les contrats conclus avec des clients en situation d’allotement : « [l]es praticiens en allotement ne sont pas comptabilisés en contrat pour bonus pour le BD [commercial] »259. Des échanges plus récents, du 24 juin 2020, témoignent que certains commerciaux ne perçoivent effectivement pas de bonus financier lorsque des professionnels de santé sont « lancés » en allotement260.

169. À propos de professionnels de santé identifiés comme étant partis à la concurrence à la suite d’une situation d’allotement, un échange interne à Doctolib d’avril 2017 mentionne comme prochaines étapes :

«  Etre encore plus fin dans l'identification des allotements dès le lancement, pour :

  ne pas les comptabiliser aux BD [commerciaux] si allotement dès la 1e semaine

  pouvoir rétablir la situation dès le lancement

 Obtenir une alerte […] quand les [praticiens] cessent d'utiliser l'agenda »261(soulignements ajoutés).

170. Lorsqu’un commercial fait face à un professionnel de santé qui souhaiterait utiliser à la fois Doctolib et un service de prise de rendez-vous médicaux en ligne concurrent – en l’espèce MonDocteur – afin de développer « à fond » sa patientèle, les éléments à connaître « parcœur pour être le plus percutant possible lors de vos calls », selon un courriel de mai 2017, sont les suivants :

« Destruction allotement en 4 points :

 Pas pratique d’être sur plusieurs agendas, recopiage donc perte de temps et inconfort

 Risque d’avoir des doublons et donc de l’insatisfaction patients et du stress pour vous

 Mauvaise communication auprès de vos patients : ils ne savent pas où prendre des RDV si vous avez des créneaux disponibles un peu par ci un peu par là, vous allez avoir un répondeur Doctolib mais des flyers MD --> les patients vont être perdus

 Et surtout, si vous êtes sur plusieurs supports, vous allez diluer votre visibilité en ligne : Google ne saura pas quelle page mettre en avant. Alors que si vous avez tout votre trafic sur Doctolib, le référencement de votre page Doctolib va être au top en nom+prénom et en spé+ville et donc vous allez optimiser votre visibilité et par ricochet votre apport de

patientèle »262 (soulignements ajoutés).

171. Un courriel interne à Doctolib du 18 janvier 2019 indiquait, à propos de professionnels de santé clients de Doctolib Patient et du service de téléconsultation Docavenue (devenu Maiia)« attaqués » par les commerciaux Doctolib : « [t]rès bonne initiative - impossible de laisser des clients Doctolib faire de la tcs [téléconsultation] sur docavenue »263.

172. Des échanges internes d’avril et mai 2019 reprennent l’argument de l’incompatibilité avec des solutions concurrentes, afin que les équipes commerciales l’utilisent auprès deprospects264.

173. Un document « Sales Bible »265 de décembre 2020 à destination des commerciaux Doctolib reprend les arguments à tenir auprès de professionnels de santé qui souhaiteraient utiliser le service Doctolib Patient ainsi qu’un service de prise de rendez-vous médicaux en ligne concurrent : « [n]e même pas laisser le choix au praticien : meilleure solution pour lui + seule solution opérationnelle »266 (soulignement ajouté).

174. Enfin, dans le cadre d’échanges concernant un article à paraître dans un magazine destiné aux professionnels de santé, Doctolib a indiqué, au sujet des différentes options pour gérer les réservations en ligne : « Les sites de reservation en ligne – Avantages : référencement sur le nom du praticien et spécialité + ville opitmal [sic]/ minisite charté mais entièrement personnalisable au niveau du contenu / émancipation du téléphone / Inconvénients : impossibilité d'être présents sur plusieurs plateformes à la fois pour éviter les doublons dans les rendez-vous (ça fait de la pédagogie anti allotement) »267 (soulignements ajoutés, caractères gras dans le texte d’origine).

175. En outre, les consignes données en interne pour faire respecter l’exclusivité ont donné lieu à une mise en œuvre concrète. En effet, des échanges internes de 2016 montrent que les cas de professionnels de santé déjà abonnés à une solution de prise de rendez-vous médicaux en ligne, et qui souhaitent souscrire auprès de Doctolib, sont « refus[és] systématiquement »268.

De même, un échange de courriels interne de 2018 sur un projet de réponse à deux professionnels de santé déjà clients de MonDocteur et envisageant de souscrire à Doctolib Patient indique que « l'allotement entre deux agendas n'est pas possible avec Doctolib. En effet, nous avons à cœur de vous donner une magnifique expérience Doctolib et vous apporter du confort à vous et aux secrétaires au travers de notre agenda et de ses fonctionnalités. […] C'est dans ce cadre que je réaliserais avec plaisir l'interfaçage de vos deux agendas avec Doctolib si vous […] le souhaitez »269 (soulignement ajouté).

176. Des échanges de novembre 2020 entre commerciaux montrent que ces derniers se sont interrogés sur la manière d’opposer la clause d’exclusivité des Conditions contractuelles Doctolib à un professionnel de santé pour refuser l’allotement : « faut surtout lui expliquer que ça entraine une gestion multiple d'agendas et c'est pas gérable à long terme pour lui, trop gros risque d'avoir 2 patients en même temps et trop de boulot supp donc risque de churn ..c’est nouveau du coup ? hum nop l’allotement a toujours été refusé chez docto (enfin + ou -) sauf pour les orthodontistes »270.

177. D’autres échanges de septembre 2020 montrent que les équipes de commerciaux souhaitent s’appuyer sur la clause d’exclusivité pour refuser à des professionnels de santé la souscription aux services Doctolib : lorsqu’un commercial demande « est ce qu'on peut se backer légalement pour refuser l'installation d'un cab qui veut de l'allotement ? », un autre répond « on a une clause d’exclusivité dans nos CGA » et un troisième ajoute « moi j'ai déjà refusé une installe car il allait alloter sans justification particulière »271.

178. Enfin, dans le cadre d’une négociation contractuelle, le président de Doctolib a indiqué en février 2018 à un prospect grand compte : « [s]ur les modalités de contractualisation avec vous : […] Comme discuté, il est également important pour nous d’apparaître comme votre partenaire exclusif sur (1) la prise de rendez-vous en ligne et (2) l’agenda des centres »272.

e) La perception par les opérateurs interrogés de la clause d’exclusivité

179. Interrogée sur l’éventuel recours par des professionnels de santé à deux solutions de prise de rendez-vous médicaux en ligne concurrents, et sur la pratique liée à la clause d’exclusivité, Doctolib a déclaré :

« Il est même impossible pour un professionnel de santé de détenir deux agendas pour les raisons suivantes : (i) cela créerait des difficultés dans la prise de rendez-vous par les patients ; (ii) cela rendrait impossible la réalisation des services que Doctolib fournis, notamment pour l’envoi des rappels de rendez-vous, la pré-consultation ou l’envoi de documents médicaux, avec des risques d’erreurs. De manière générale, il s’agit d’une impossibilité opérationnelle, notamment pour la gestion de cabinets, et cela pourrait engendrer des erreurs de nature médicale liées à l’historique des consultations.

A ma connaissance, il n’y a pas de professionnel de santé qui utilise simultanément deux logiciels de gestion de rendez-vous concurrents. Il en va de même pour la téléconsultationen raison d’un risque de chaos opérationnel et médical. […]

Cette clause [d’exclusivité] ne constitue pas une pratique commerciale pour Doctolib, elle a simplement vocation à faire en sorte que les services de Doctolib puissent être rendus. Si Doctolib n’a pas tous les rendez-vous via l’agenda, le logiciel ne peut réaliser les rappels de rendez-vous ou ne peut gérer l’agenda du professionnel de santé en évitant les doubles rendez-vous.

Ces services ne pourraient être rendus, à défaut d’unicité. Il existe même un enjeu médical lié à avoir un historique consolidé des consultations.

Doctolib n’a jamais arrêté un contrat en raison du non-respect de l’exclusivité. Doctolib n’a pas connaissance de tels rappels à l’ordre »273.

180. Certains concurrents de Doctolib ou syndicats de médecins interrogés dans le cadre de l’instruction ont, en revanche, indiqué que les professionnels de santé pouvaient avoir intérêt à recourir simultanément soit à un service de prise de rendez-vous en ligne donné et à une solution de téléconsultation d’un autre opérateur, soit à deux services de prise de rendezvous médicaux en ligne concurrents, lorsqu’ils cherchent par exemple un gain de visibilité, de manière à maximiser le nombre de rendez-vous, et/ou qu’une clause d’exclusivité n’était justifiée ni au plan des principes ni techniquement.

181. Leurs déclarations sont reprises dans le tableau ci-après.

Tableau 6 – Déclarations sur le recours à deux services de prise de rendez-vous en ligne concurrents et sur l’absence de justification d’une clause d’exclusivité

Opérateurs Déclarations

CompuGroup Medical France (Clickdoc)

« Il n’y a, selon nous, aucune justification technique ou opérationnelle à l’existence d’une telle clause d’exclusivité »274.

DMS France (Livi)

« L’intérêt se trouve du côté du patient afin que lorsqu’il se connecte, on puisse lui proposer une téléconsultation. À travers la prise de rendez-vous, l’objectif est d’obtenir une téléconsultation. Du point de vue des professionnels de santé, la souscription à deux solutions concurrentes (prise de rendez-vous en ligne ou téléconsultation) lui permet de toucher des populations différentes, les patients ayant généralement une habitude d’utilisation (recours à une seule application) »275.

 

Lemedecin.fr

« L’intérêt serait pour des jeunes médecins, lors de leur installation, de pouvoir bénéficier d’une visibilité importante, notamment de plusieurs points d’entrée pour que le patient accède à leur activité. Sur Doctolib, les praticiens sont en compétition les uns avec les autres, ce qui fait qu’il n’y a plus vraiment de choix préférentiel. Il arrive que des praticiens clients de Doctolib ne soient pas complets en termes de disponibilité et se tournent vers de nouvelles plateformes pour compléter leur agenda de rendez-vous »276.

Solocal(ClicRDV)

 

« L’expérience côté praticiens et secrétaire n’est pas optimale mais c’est faisable, tout à fait réalisable. À notre avis, l’utilisation par un professionnel de santé client de la solution Doctolib de prise de rendez-vous médicaux en ligne et d’une solution de téléconsultation concurrente gênerait Doctolib à double titre : si le praticien communique sur la possibilité de prendre rendez-vous avec Maiia, par exemple, il y a une fuite d’audience vers un concurrent. Ensuite, c’est pour eux un manque à gagner, le praticien n’ayant pas souscrit à une offre qui pourrait lui être facturée » (soulignement ajouté)277.
Opérateurs Déclarations

Synapse(Medadom)

« Cette exclusivité ne semble pas justifiée. […] Certains médecins recourent à la fois à un service de prise de rendez-vous en ligne pour leur activité libérale, et font également de la téléconsultation immédiate sur un autre service, pour des patients qu’ils ne suivent pas habituellement ; l’argument du suivi de l’historique des patients ne tient donc pas, et ne justifie pas l’exclusivité. Par ailleurs, et même si ça n’est pas encore très développé, on pourrait tout à fait recourir au Dossier médical partagé pour centraliser les documents liés au suivi d’un seul et même patient » 278

« il n’est pas besoin d’être rappelé à l’ordre, l’existence d’une exclusivité est tout simplement dissuasive. Par ailleurs, comme c’est dissuasif et que Doctolib est en quelque sorte un apporteur d’affaires et de clientèle, les professionnels de santé ne vont pas essayer d’y contrevenir »279.

Fédération des Médecins de France

« Ces clauses d’exclusivité ne sont pas justifiées. Dès lors qu’un médecin paie pour un service ou plusieurs services, il doit être libre de pouvoir l’utiliser, sans exclure d’autres services »280.

Jeunes Médecins

« Aucun argument valable ne permet d’interdire aux professionnels de santé d’avoir recours à plusieurs solutions ainsi qu’à des solutions concurrentes. Cela va d’ailleurs à l’encontre des objectifs d’interopérabilité dans le secteur de l’esanté »281.

MG France

« Une telle clause ne se justifie en rien. Elle ne se justifie d’ailleurs ni pour des raisons techniques, ni pour des raisons opérationnelles. Une telle clause serait scandaleuse »282.

ReAGJIR

« Sur le plan technique et pratique, rien ne justifierait une telle exclusivité. On pourrait dire que cela pourrait générer des doublons dans la gestion des créneaux de rendez-vous. Toutefois, cela relève de la liberté du praticien, qui d’ailleurs peut parfaitement attribuer des créneaux à une plateforme et d’autres créneaux à l’autre plateforme, si bien qu’il n’y aurait aucune incompatibilité »283.

 

Union Française pour une

Médecine Libre

 

« Je ne vois pas de raisons techniques ou opérationnelles qui justifieraient une telle pratique ; […] pour moi, c’est un sujet commercial »284.

182. Un certain nombre d’acteurs consultés sont toutefois plus nuancés sur la possibilité de concilier deux services ou solutions proposés par des opérateurs différents, comme en témoignent les déclarations reproduites dans le tableau ci-après.

Tableau 7– Déclarations sur le recours à deux services de prise de rendez-vous en ligne concurrents et sur la possible justification d’une clause d’exclusivité

Opérateurs 

Déclarations

Medicall

 

« Nous n’avons aucun client qui serait équipé de plusieurs solutions de prise de rendez-vous en ligne. En effet, la prise de rendez-vous en ligne est liée à un agenda et il est difficile d’en gérer plusieurs de manière simultanée. Il est possible pour un professionnel de santé d’avoir plusieurs sites « vitrine », mais chaque site vitrine ne sera pas nécessairement lié à un agenda »285.

 

Fédération des Médecins de France

 

« Cela me semble compliqué à gérer d’un point de vue pratique »286.

 

Conseil national de l’Ordre des médecins

 

« Nous n’avons pas d’opinion sur le sujet. Toutefois, hormis le fait que les médecins conservent leur liberté, nous ne comprenons pas vraiment quel serait leur intérêt de recourir à plusieurs plateformes à la fois »287.

183. Certains échanges internes à Doctolib conviennent cependant que des professionnels de santé peuvent trouver un intérêt à utiliser Doctolib Patient et une solution concurrente, notamment pour gagner en visibilité auprès des patients. Ainsi, à propos de professionnels de santé à la fois clients de MonDocteur et Doctolib, des échanges internes d’octobre 2016 indiquent : « ils ont l'air assez jeunes dans l'ensemble donc assez logique : ils font cela pour développer au max leur patientèle : vous connaissez les scripts pour contrer cela »288. Des échanges de juillet 2016 indiquent quant à eux : « il faut avoir […] conscience que beaucoup de praticiens que nous installons sur Doctolib et qui se rendent compte de la rentabilité de leur investissement s'inscrivent par la suite (sans que nous soyons mis au courant) sur différents sites de prise de RDV pour développer encore plus leur patientèle 289.

184. À propos de professionnels de santé à la fois clients de Doctolib et de Pages Jaunes (finalement autorisés à conserver cette double affiliation en raison d’une part du risque de désabonnement, d’autre part de l’intérêt de les utiliser comme « flagships » pour des prospects situés dans la même zone géographique), des échanges internes de novembre 2016 indiquent :

« Petit mail d’alerte pour vous informer que les chir ortho de la clinique de l’anjou ne reportent plus les rdv dans notre agenda depuis octobre ! […]

 Ils utilisent Doctolib pour de l’apport de patientèle, les secrétaires reportent les rdv dans Surgica.

 Ils ont fait un copié/collé de leur fiche profil Doctolib sur les pagesjaunes… […]En résumé, ils doivent trouver un intérêt à nos services au vu du coût et à notre image de marque pour leur visibilité […] ».

« […] ça ne les dérange pas de garder Doctolib en allottement [sic], en plus de PJ [Pages Jaunes]. Le [Docteur] par exemple n'a jamais cessé d'utiliser PJ depuis le lancement de

Doctolib car ça lui apportait de nouveaux patients chaque mois, et il considère que c'est la même chose pour Doctolib. Il ne voit pas en quoi l'utilisation des deux est

problématique »290.

185. Dans un courriel interne du 22 mars 2017 relatif à la « menace concurrence Keldoc » pour une psychologue cliente de Doctolib et de Keldoc, il est également indiqué : « j'ai bien amorcé la voie d'un churn keldoc, c'est le tarif quasi nul qui la fait rester labas [sic], elle s'en sert juste pour cumuler les patients donc pas vraiment d'allotement elle utilise bien doctolib »291.

186. Enfin, évoquant un rendez-vous avec la directrice d’un centre dentaire en situation d’allotement avec MonDocteur, une commerciale de Doctolib indique en novembre 2017 :

« Je lui ai fait comprendre que l'usage n'était pas le bon : allotement […]

2- Elle m'a exposé ses problématiques :

* bcp bcp de concurrence

* ils sont prets à payer pour avoir un très bon référencement, être présent partout

* obj: remplir tous les plannin [sic] à 100% […]

* chaque matin Mme […] passe 2H sur google - le soir elle check tous les agendas, pose des absences selon les rdv pris (docto, MD [MonDocteur], etc, toute une gestion) ». Son interlocuteur chez Doctolib lui répond alors : « si tu as le moindre bloquage [sic] sur l’arrêt de l’allotement en fin d’année…informe moi que je l’appelle pour lui mettre une grosse pression »292.

3. LE LIEN ENTRE DOCTOLIB TÉLÉCONSULTATION ET DOCTOLIB PATIENT

a) Les dispositions contractuelles liant la souscription à Doctolib Téléconsultation à celle de Doctolib Patient

187. Dès le lancement par Doctolib du service Doctolib Téléconsultation, les Conditions contractuelles Doctolib incluaient des clauses imposant aux clients souhaitant souscrire au service de téléconsultation la souscription préalable à Doctolib Patient.

Tableau 8 – Dispositions imposant aux clients souhaitant souscrire à Doctolib Téléconsultation la souscription préalable à Doctolib Patient

Période couverte

Termes relatifs au lien entre la souscription à Doctolib Téléconsultation et la souscription à Doctolib Patient (soulignements ajoutés)

Du 19 novembre 2018 au 15 janvier 2020293

Dans les Conditions Particulières d’Utilisation du Service de Téléconsultation Doctolib296 :

« Les présentes Conditions Particulières d'Utilisation (ci-après désignées "CPU")s'appliquent au Service de Téléconsultation Doctolib […], et complètent les Conditions Générales d'Utilisation des Services Doctolib. Si tel n'était pas déjà le cas, l'acceptation des présentes CPU emporte acceptation pleine et entière des

Conditions Générales d'Utilisation aux Services Doctolib » (article 1), ces dernières étant relatives notamment au service de prise de rendez-vous médicaux en ligne défini comme « le service cardinal de Doctolib de gestion des rendez-vous des acteurs de la santé » (article 2 (2)) ;

« Pour pouvoir accéder au Service de Téléconsultation, l'Utilisateur doit être

Utilisateur en règle des Services d’Agenda » (article 5.1 (1)) ; et,

« En tout état de cause, la résiliation des Services d'Agenda entraînera la résiliation

automatique du Service de Téléconsultation à la même date » (article 9.3).

À compter du 15 janvier 2020

 

Conditions contractuelles Doctolib, article 3 : « Le Service d'Agenda est le service principal de Doctolib, ainsi l'Utilisateur reconnaît que toute souscription à des Services Supplémentaires dépend de la souscription par l'Abonné d'un Abonnement effectif et préalable au Service Agenda »297

 

 

Période couverte 

Termes relatifs au lien entre la souscription à Doctolib Téléconsultation et la souscription à Doctolib Patient (soulignements ajoutés)

À compter du 1er novembre 2020

 

Conditions contractuelles Doctolib, article 3 ou 4298 : « Le Service d'Agenda est le service principal de Doctolib, ainsi l'Utilisateur reconnaît que toute souscription à des Services Supplémentaires nécessite au préalable un Abonnement valide au Service d’Agenda »299.

 

À compter du 1er janvier 2023

 

Conditions contractuelles Doctolib, article 3 ou 4300 : « L’Utilisateur reconnaît et accepte que toute souscription à des Services Supplémentaires nécessite au préalable un Abonnement valide au Service d’Agenda et/ou au Service de logiciel de gestion de cabinet »301.

 

188. En outre, pour l’ensemble de la période 2020-2023, les Conditions contractuelles Doctolib prévoient que la résiliation de l’abonnement à Doctolib Patient entraîne la résiliation « automatique » de Doctolib Téléconsultation302.

189. Ainsi, depuis que Doctolib propose une solution de téléconsultation médicale, il n’est pas contractuellement possible pour un client de souscrire uniquement à Doctolib Téléconsultation. Le client doit nécessairement s’abonner à Doctolib Patient et régler les deux prestations cumulativement.

190. La matérialité du lien entre les deux services est, au demeurant, confirmée par un extrait des comptes sociaux de Doctolib pour l’exercice 2022 : « Doctolib propose aux professionnels de santé (praticiens, hôpitaux…) : […] - un service SaaS de téléconsultation : Doctolib Téléconsultation. […] Ce service est réservé aux abonnés de Doctolib Patient »303(soulignement ajouté).

b) Les éléments de stratégie internes relatifs au lien entre souscription à Doctolib Téléconsultation et Doctolib Patient

191. De nombreux éléments internes montrent que dès l’origine, Doctolib a conçu Doctolib Téléconsultation comme un complément à Doctolib Patient pour des raisons stratégiques et commerciales.

192. Par exemple, une présentation du 13 juillet 2018 indique : « 1. Capitaliser sur les médecins déjà équipés avec Doctolib aujourd’hui 2. Vendre Doctolib « Téléconsultation » en même temps que Doctolib « RDV » si le médecin est éligible 304.

193. De même, le compte-rendu d’une réunion du 17 août 2018 indique : « Doctolib envisage de développer une solution de téléconsultation accessible à tous les praticiens […]. Il s’agit de proposer aux praticiens qui utilisent déjà Doctolib […] certaines consultations sous [forme]

298 Article 3 des versions applicables à compter de novembre 2020 et article 4 des versions applicables à compter de novembre 2021.

de téléconsultation. Cette approche est donc hautement compatible avec l’activité existante de Doctolib basée sur la prise de rendez-vous »305 (soulignement ajouté). Un échange de courriels interne d’octobre 2018, avec le président de Doctolib en copie, mentionne : « [c]i-dessous les décisions clés prises durant le meeting d'aujourd'hui : Modèle Upsell only306: vente de la [téléconsultation] uniquement aux clients Doctolib »307.

194. Selon un échange de courriels du 26 mars 2019, la vente de Doctolib Téléconsultation devait servir de levier pour démarcher et conquérir la clientèle pour la prise de rendez-vous médicaux en ligne : « [i]l faut que nous prévoyions de former les local sales à un script générique TCS [téléconsultation] : […] Cela nous permettra également d'attaquer les 200 prats [praticiens] de Docavenue qui n'ont pas l'agenda Doctolib »308.

195. Comme en témoigne un échange interne à Doctolib de fin octobre / début novembre 2020, il a été décidé, à la suite de la crise sanitaire, de maintenir le lien entre les deux services :

« [o]bjectif : Tout est parfaitement documenté pour que les Ventes soient 100% prêtes à vendre BMS [Doctolib Patient] + TCS [téléconsultation] dès le début »309. S’ensuivent plusieurs échanges, dont l’intervention du président de Doctolib (« [o]n lance le nouveau [bundle]310 […] demain ? »)311, et la réponse qui lui est faite « on communique demain sur le sujet en doctomeeting et on lance donc le bundle BMS &TCS dans la foulée »312.

196. Par ailleurs, des échanges internes de décembre 2020, concernant l’opportunité de proposer aux prospects une remise de prix ou une gratuité temporaire du service de téléconsultation anticipent « [qu’]une offre bundle […] de 2 mois d’essai / gratuit sur la TCS [téléconsultation] » constituerait un « format très puissant pour accélérer l’acquisition » de nouveaux clients313.

c) La mise en œuvre par Doctolib du lien entre Doctolib Téléconsultation et Doctolib Patient

197. L’obligation de souscription préalable à Doctolib Patient a effectivement été mise en œuvre dès le lancement du service de téléconsultation par Doctolib en 2019.

198. Une « Sales Bible » de septembre 2019 indique ainsi « [qu’]un praticien ne peut utiliser la TCS [téléconsultation] que s’il utilise déjà l’agenda Doctolib, il faut donc d’abord lui vendre l’agenda » 314 et mentionne dans le « script » pour les prospects : « 1. Je vous présente notre agenda, pré-requis indispensable pour utiliser la TCS 2. Une fois l’agenda installé, un de nos consultants téléconsultation passer[a] vous présenter notre produit ».

199. Dans l’hypothèse où des praticiens utiliseraient une solution concurrente de téléconsultation et ne seraient pas clients de Doctolib Patient, les « Sales Bible » de juin 2019 précisent « [qu’]il faut tout d'abord lui installer l'agenda pour que 30 jours plus tard on puisse lui installer la téléconsultation »315.

200. D’autres « Sales Bible » indiquent, en outre :

− « Script Docavenue […] [Différences fondamentales] Trois différences principales pour la TCS […]

1. un produit développé en partenariat avec les praticiens et intégré à votre agenda […]

 Vous ne pouvez pas utiliser Doctolib et la TCS [téléconsultation] Docavenue car sinon vous utiliseriez 2 agendas… […]

3. Une forte visibilité et une marque reconnue des patients […]

 Cela ne prendrait aucun sens que vos patients prennent RDV en ligne sur Doctolib.fr en présentiel puis sur DocAvenue pour les consultations vidéo

 D'autant que DocAvenue n'a aucune présence / notoriété auprès des patients

 Trafic : […] (Doctolib = 124ème site en France, DocAvenue = 6318ème site en

France, RDVmédicaux = 6287ème) » (soulignements et caractères gras dans le texte d’origine)316 ;

− « > La base de Docto, c’est l’agenda, votre visibilité en ligne, créer le cercle vertueux

> Dans un second temps, la TCS [téléconsultation] pourrait vous donner plus de flexibilité, moins de temps à louer [sic] au cab, un service pour suivre vos patients sur la durée, une source de visibilité en plus »317 ;

− « L'essentiel à savoir pour la stratégie d'attaque [de la téléconsultation] :

 upsell uniquement […]

Pourquoi cette stratégie ? :

 Upsell uniquement : la téléconsultation ne peut être vendue qu'aux praticiens déjà utilisateurs de l'agenda, pour

 °Ne pas ralentir le processus de vente relativement court de l'agenda

 ° Laisser le praticien se familiariser avec l'agenda afin d'assurer une expérience optimale de la téléconsultation

 ° Eviter le churn de l'agenda si le praticien n'est pas satisfait de la téléconsultation

 ° Valoriser notre produit cœur en proposant un nouveau service additionnel »318.

201. Doctolib propose à ses commerciaux différents arguments pour convaincre des professionnels de santé qui ne souhaiteraient souscrire qu’au service de téléconsultation médicale, sans souscrire à Doctolib Patient319 :

− de manière générale, la combinaison de l’utilisation de l’agenda et de la téléconsultation serait primordiale pour simplifier l’utilisation de la téléconsultation pour le professionnel de santé et pour les patients, optimiser l’activité du professionnel de santé et familiariser les patients avec la prise de rendez-vous en ligne ;

− d’un point de vue technique, la téléconsultation ne fonctionnerait pas séparément de la solution de prise de rendez-vous médicaux en ligne, « au même titre que la TCS ne fonctionne pas sans caméra ». En outre, la technologie liée à la téléconsultation serait fondée sur celle de la réservation en ligne. Aussi, le processus de rappel du rendezvous via SMS serait lié au service de prise de rendez-vous en ligne, les SMS devant être activés pour se connecter dans la salle d’attente virtuelle de la téléconsultation.

202. Ainsi, là où le discours interne met en avant des considérations commerciales et stratégiques, comme la nécessité de « [n]e pas ralentir le processus de vente relativement court de l'agenda » ou « [d’é]viter le churn de l’agenda si le praticien n’est pas satisfait de la téléconsultation »

320, le lien entre téléconsultation et prise de rendez-vous médicaux en ligneest justifié, auprès des professionnels de santé, par des raisons techniques et afin de faciliter les usages.

203. Selon les chiffres transmis par Doctolib, une faible proportion de clients de Doctolib est cliente de Doctolib Téléconsultation sans être cliente de Doctolib Patient321, étant précisé que ces chiffres surévaluent cette proportion322.

Tableau 9 – Nombre et proportion de clients de Doctolib Téléconsultation non clients de Doctolib Patient323

Année 

Nombre de professionnels de santé facturés pour Doctolib Téléconsultation324 

Nombre de professionnels de santé facturés pour Doctolib Téléconsultation sans être facturés pour Doctolib Patient 

Proportion de professionnels de santé facturés pour Doctolib Téléconsultation sans être facturés pour Doctolib Patient

2019

3 107

7

0,2 %

2020

[15 000-20 000]

[0-500][0-5] %
2021

[15 000-20 000]

[1 000-3 000]

[5-10] %

2022[20 000-25 000][1 000-3 000]

[5-10] %

204. Interrogé sur la raison du lien entre les deux services, le président de Doctolib a indiqué :

« [a]ujourd’hui, il n’y aurait aucun sens pour un professionnel de santé d’utiliser le service de téléconsultation médicale de Doctolib, sans le service d’agenda de Doctolib, cela pour des raisons opérationnelles et techniques. En effet, comment le patient aurait-il accès à la téléconsultation sans agenda et le professionnel de santé à l’interface de téléconsultation sans son agenda ? Il ne s’agit pas d’une pratique commerciale, il s’agit d’une impossibilité technique et opérationnelle. […] Doctolib n’a pas connaissance de l’existence de telles demandes de la part de professionnels de santé souhaitant utiliser son service de téléconsultation médicale sans souscrire au service agenda. Cette demande n’aurait, en effet, aucun sens »325.

205. Toutefois, il ressort de documents internes qu’il existe bien des cas – qui, au demeurant, ont fait l’objet d’une détection et d’actions de la part de Doctolib – dans lesquels, par exemple :

− un professionnel de santé a recours à Doctolib Patient et à un service de téléconsultation médicale concurrent326 ;

− au sein d’un cabinet regroupant plusieurs professionnels de santé qui utilisent Doctolib Patient, certains d’entre eux utilisent Doctolib Téléconsultation et d’autres Docavenue (devenue Maiia) pour la téléconsultation327 ;

− un professionnel de santé est client d’une solution de prise de rendez-vous médicaux en ligne concurrente, et souhaite recourir à Doctolib uniquement pour le service de téléconsultation médicale328 ;

− des professionnels de santé utilisent le service de téléconsultation Docavenue(devenue Maiia) « en plus » de Doctolib pour combler une fonctionnalité inexistante (un « usage manquant ») sur Doctolib Téléconsultation329.

d) La perception par les opérateurs du lien entre Doctolib Téléconsultation et Doctolib Patient

206. La majorité des opérateurs du secteur interrogés par les services d’instruction considère que le lien entre souscription à Doctolib Téléconsultation et Doctolib Patient n’est pas justifié.

Tableau 10 – Déclarations d’opérateurs qui considèrent que le lien entre Doctolib

Téléconsultation et Doctolib Patient n’est pas justifié

Opérateurs 

Déclarations

Hellocare

« Il n’existe aucune raison technique ou opérationnelle qui justifierait de lier le service de prise de rendez-vous en ligne et le service de téléconsultation. Un professionnel de santé peut très bien avoir recours à l’un ou à l’autre exclusivement. Il s’agit uniquement d’une raison stratégique et commerciale, celui[sic] de continuer le maillage des médecins sur une même plateforme, et notamment sur celle de Doctolib »332.

Lemedecin.fr

« La configuration selon laquelle le service de téléconsultation médicale pourrait être utilisé avec un service de prise de rendez-vous en ligne d’un autre opérateur fonctionne totalement. Il y a énormément de praticiens qui dédient des plages à la téléconsultation. Ce mixage entre plusieurs agendas ne pose pas de difficultés. Certains médecins peuvent, par exemple, choisir de dédier une plage horaire de 18 heures à 20 heures à la téléconsultation sur un agenda donné et disposer de la prise de rendez-vous en ligne sur un autre agenda. Cela peut s’avérer plus difficile toutefois si les plages horaires ne sont pas dédiées, car cela impliquerait une double saisie. Au moment du confinement, beaucoup de médecins cherchaient un service de téléconsultation médicale, sans avoir besoin d’un service de prise de rendezvous en ligne. Certains clients de Lemedecin.fr pour le service de téléconsultation sont par ailleurs chez Doctolib pour la prise de rendez-vous en ligne »333.

Qare

« Un acteur qui forcerait le lien entre l’outil de prise de rendez-vous en ligne et la téléconsultation peut certes avancer un certain nombre d’arguments : plus facile pour la gestion des créneaux, le suivi des patients, le rappel de rendez-vous. Toutefois, ces arguments sont faibles, voire fallacieux. Il n’est pas besoin d’avoir un lien entre l’outil de gestion de patientèle, de prise de rendez-vous en ligne et de téléconsultation. Preuve en est que des professionnels de santé clients du service de téléconsultation de Qare disposent du service de prise de rendez-vous en ligne de Doctolib. […] Il n’existe aucune raison technique et/ou opérationnelle qui justifierait une telle pratique »334.

 

Solocal

(ClicRDV)

« Prenons l’exemple d’un professionnel de santé équipé de ClicRDV ; celui-ci pourrait tout à fait proposer à ses patients un service de téléconsultation via la solution proposée par Doctolib, par exemple. Une telle pratique émanant de Doctolib ne nous surprendrait pas. Il nous paraît étrange, dans la mesure où l’offre de téléconsultation ne peut pas être souscrite seule, que les offres de prise de rendez-vous en ligne et de téléconsultation ne soient pas proposées sous forme de pack avec un prix réduit, ou avec le service de téléconsultation en option payante du service de prise de rendez-vous en ligne. Le fait que Doctolib rende obligatoire leur solution de prise de rendez-vous en ligne, pour l’utilisation de leur service de téléconsultation ne nous semble pas normal »335.

Synapse (Medadom)

 

« Il nous semble qu’il n’existe aucune justification technique à cela, contrairement à ce qu’a pu indiquer Doctolib. Selon nous, il suffit de paramétrer les motifs d’ouverture de créneaux pour ne garder que les motifs de téléconsultation »336.

CSMF

« Selon moi, il y aurait un véritable souci à ce sujet s’il n’y avait qu’un seul opérateur sur le marché pour la prise de rendez-vous en ligne et la téléconsultation.

 

 

Opérateurs 

Déclarations

 

Or, il existe bon nombre d’offreurs et de services de téléconsultation. En tout état de cause, nous devrions pouvoir être libres de sélectionner l’opérateur de notre choix pour la prise de rendez-vous en ligne et la téléconsultation »337.

FMF

 

« Ce couplage entre prise de rendez-vous en ligne et téléconsultation ne se justifie pas à mon avis. Il serait tout à fait possible de recourir à la prise de rendez-vous en ligne d’un opérateur et à un service de téléconsultation d’un autre opérateur ou de notre logiciel métier. En effet, nos logiciels métiers peuvent nous proposer une interface pour réaliser une téléconsultation avec nos patients »338.

Jeunes Médecins

 

« Le problème toutefois est de prétendre proposer une offre qui ne serait pas individualisable, en ce sens que le service de téléconsultation devrait nécessairement être lié à l’agenda. Cela est regrettable, les deux services pouvant parfaitement être individualisables. Il s’agit simplement d’une position commerciale de la part de Doctolib […] Techniquement, un développeur informatique peut justifier de n’importe quoi, selon les intérêts et impératifs de l’entreprise. De manière opérationnelle, il est tout à fait possible de distinguer les services de prise de rendez-vous en ligne et de téléconsultation médicale. Il existe d’ailleurs des systèmes qui ne proposent que de la téléconsultation, preuve que cela est possible de manière opérationnelle de scinder ce service de celui de la prise de rendez-vous en ligne. Le fait de lier ces deux services permet toutefois un certain confort d’utilisation pour les professionnels de santé »339.

UFML

 

« Chez Doctolib, les « briques » prise de rendez-vous en ligne et téléconsultation sont liées. La grande masse des médecins cherche la simplicité avec un seul et même opérateur. Toutefois, lier obligatoirement des deux services constitue une dérive commerciale et une limitation de la liberté des médecins de recourir au service de leur choix, ce d’autant que la plateforme n’indique pas aux médecins qu’ils sontlibres de choisir leur solution […]. Je ne vois pas de raisons techniques ou opérationnelles qui justifieraient une telle pratique ; pour moi c’est un sujet commercial »340 (soulignement ajouté).

207. Certains concurrents et syndicats de médecins interrogés ont cependant évoqué de possibles difficultés liées à la coexistence de deux systèmes concurrents, tout en indiquant que cela restait possible ou souhaitable.

Tableau 11 – Déclarations d’opérateurs qui considèrent qu’il peut exister des difficultés liées à la coexistence de deux systèmes concurrents

Opérateurs 

Déclarations

Livi

 

« Il faut toutefois tenir compte de la possibilité de prise en main des outils pour les professionnels de santé et pour les patients utilisateurs, avec la difficulté éventuelle de passer d’un support à un autre. Toutefois, d’un point de vue technique, cela est possible »341.

MG France

 

« Le service de téléconsultation de Doctolib me semble cher et peu justifié pour le service qui correspond. Beaucoup de professionnels souhaiteraient avoir recours à d’autres plateformes de téléconsultation que celle de Doctolib, mais cela peut être un peu compliqué en termes de gestion, dès lors qu’ils ont déjà recours à la solution de prise de rendez-vous en ligne de cette dernière »342.

ReAGJIR

 

« L’imbrication de ces deux services présente une simplicité d’utilisation. Cela permet une interopérabilité fluide. Par ailleurs, avoir recours à différentes solutions nécessite d’apprendre à les utiliser chacune, ce qui peut prendre du temps et force à changer ses habitudes. En outre, le service de transmission sécurisée de documents entre praticien et patient est le même qu’il s’agisse de l’agenda ou de la téléconsultation, ce qui contribue à renforcer le lien et l’habitude d’utilisation. Ces éléments montrent qu’il est confortable, d’un point de vue pratique, de lier les deux services de prise de rendez-vous et de téléconsultation, mais il est tout à fait possible, d’un point de vue technique, de les séparer »343.

Solocal(ClicRDV)

 

« En termes de confort, il peut être mieux d’avoir une seule solution, mais cela n’est absolument pas obligatoire. Cela demande une certaine manipulation dans la gestion, mais ce n’est pas irréalisable. Cela doit être à la seule discrétion du professionnel de santé »344.

208. En outre, des professionnels de santé se sont interrogés sur le lien entre solution de téléconsultation et service de prise de rendez-vous médicaux en ligne imposé par Doctolib, notamment auprès de syndicats professionnels comme le Syndicat Jeunes Médecins : « [l]a pratique de Doctolib qui consiste à lier le service de prise de rendez-vous en ligne au service de téléconsultation nous a été remontée de manière régulière par des professionnels de santé »345.

209. Des plaintes ont également pu être adressées directement à Doctolib, comme en témoigne un courrier adressé par un professionnel de santé au président de Doctolib, le 24 mars 2020 :

« [un commercial Doctolib] était agacé par ma demande d’inscription uniquement à la téléconsultation en me menaçant d’arrêter l’installation si c’est uniquement pour la téléconsultaion [sic] ; il s’est absenté un moment puis m’a rappelé en m’invectivant que j’utilisait [sic] Consulib sans l’avoir averti et qu’il allait arrêter l’installation de Doctolib ; il s’est réabsenté et à son retour il a exigé la désinstallation de Consulib sur le champs [sic], sous ses yeux, ce qui m’a déstabilisé et ma conduit [sic] à le faire sous ses menaces.il m’a demandé encore des explications avant de s’absenter et de revenir pour me faire signer le contrat à 129 euro mensuels sans m’expliquait [sic] ce qui revenait à la téléconsultation ou bien aux consultations »346.

4. LA QUESTION DE LA VISIBILITÉ DES SOLUTIONS DE TÉLÉCONSULTATION CONCURRENTES POUR LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ CLIENTS DE DOCTOLIB PATIENT

a) Les motifs de consultation sur Doctolib Patient

210. Lorsqu’un patient souhaite prendre rendez-vous avec un professionnel de santé sur la plateforme Doctolib, il peut effectuer une recherche selon plusieurs critères, notamment : la spécialité, la localisation géographique, la langue parlée, le motif de consultation, etc.

211. Une fois le professionnel de santé sélectionné, le patient doit souvent choisir un motif de consultation avant de prendre rendez-vous.

212. Ces motifs sont déterminés par le professionnel de santé qui a souscrit à Doctolib Patient. Ainsi, un médecin généraliste peut proposer aux patients de renseigner l’un des motifs suivants, par exemple : « consultation de médecine générale », « consultation de suivi de pédiatrie », « certificat d’aptitude au sport », « téléconsultation », etc. Le professionnel de santé peut aussi décider de réserver certains motifs de consultation à certains jours ou créneaux horaires, de prévoir que certains créneaux horaires ou jours sont dédiés aux rendez-vous physiques ou à la téléconsultation, de paramétrer la durée de consultation liée à un motif en particulier, etc.

b) Le motif de consultation « Téléconsultation » visible sur Doctolib Patient

213. Seuls les professionnels de santé qui ont souscrit à Doctolib Téléconsultation ont la possibilité de renseigner un « motif normé » (c’est-à-dire un texte pré-rédigé par Doctolib)« téléconsultation » sur Doctolib Patient, les autres ne pouvant renseigner « téléconsultation » qu’en texte libre dans le champ prévu à cet effet.

214. Or, selon la saisissante, seuls les textes « normés » sont « requêtables », c’est-à-dire font l’objet d’un référencement par Doctolib et peuvent faire l’objet d’une recherche par les internautes sur la plateforme Doctolib. Avec un motif de téléconsultation renseigné en texte libre, une fenêtre apparaît pour indiquer au professionnel de santé le message suivant : « [a]ttention ce motif n’est pas normé. Les patients ne pourront vous trouver sur ce type de rendez-vous sur Doctolib »347.

215. Par conséquent, le professionnel de santé client de Doctolib Patient ne sera pas référencé sur la plateforme Doctolib en tant que professionnel proposant de la téléconsultation s’il recourt à une solution de téléconsultation concurrente.

216. Interrogé sur cette supposée absence de visibilité, le président de Doctolib a notamment indiqué, lors de son audition du 19 mai 2022 : « [a]ujourd’hui, les professionnels de santé sont libres de faire ce qu’ils souhaitent avec leur agenda. Doctolib n’a la main, ni le contrôle sur rien à ce niveau. Doctolib n’a pas de modèle économique sur le site Internet Doctolib.fr.

Le seul modèle économique est le seul logiciel de cabinet. Dès lors, sur ce site Internet ne sont référencés que les professionnels de santé clients. Par conséquent, Doctolib ne référence pas les professionnels de santé utilisateurs d’une solution concurrente »348.

217. La plupart des opérateurs interrogés ont déclaré ne pas avoir connaissance de la pratiquedénoncée par les saisissantes, certains précisant toutefois que si elle était avérée, elle serait « scandaleuse et reviendrait à forcer le recours au service Doctolib »349 ou « parfaitement déloyale »350.

5. LE RACHAT DE MONDOCTEUR PAR DOCTOLIB

218. En juillet 2018, Doctolib a acquis la société MonDocteur.

219. Avant cette acquisition, Doctolib considérait MonDocteur comme l’un de ses principaux concurrents, voire comme le deuxième opérateur du secteur de la prise de rendez-vous médicaux en ligne (cf. notamment les paragraphes 105 et suivants).

220. Un échange du 25 novembre 2016 entre un des administrateurs et le président de Doctolib sur différents aspects de la stratégie de Doctolib révèle que, selon eux, MonDocteur est le seul concurrent subsistant (« Keldoc et Solocal ont abandonné ou sont sur le point de le faire ») et le seul dont les caractéristiques servent à plusieurs reprises de point de comparaison avec Doctolib et de variable d’ajustement de sa politique commerciale :

« [C]ontrats stratégiques (100 % gagnés contre MonDocteur)…Mon DocteurN’a pas ces effets [de réseau]+ a un taux de désabonnement mensuel de 2 à 3 %, soit environ 5 fois celui de Doctolib…

Notre plan :

- Nous voulons au moins 75 % de parts de marché pour nous assurer que nous bénéficions des effets de réseau + MD [Mon Docteur] a 1/ pas ou peu d'effet de réseau et 2/ un taux de churn insoutenable (> 25% / an).

- Embauche de plus de 125 vendeurs :  apportera un avantage supplémentaire limité par rapport à MD /  aura un impact négatif sur notre performance commerciale (installation de commerciaux dans des zones où le marché est plus difficile à adresser + adresser des médecins dont les logiciels médicaux ne sont pas encore prêts à être connectés à Doctolib).

- Dans le cas peu probable où MD verrait sa part de marché dépasser 25 % :  Nous transférerons des ressources financières de l'Allemagne vers la France. /  maintiendrons l’équipe de vente DE à 30 (et pas atteindre le maximum de 83 comme prévu) /  Les 125 responsables des ventes en France sont conçus pour rester > 70% de part de marché sans surinvestir »351.

221. Au moment du rachat, le président de Doctolib le perçoit même comme « [son] seul concurrent en France »352.

222. Des documents et échanges de courriels internes montrent également que Doctolib a toujours voulu concurrencer MonDocteur, notamment pour pousser ses clients à se désabonner, alors même qu’elle considérait réaliser une croissance bien supérieure à celle de l’ensemble de ses concurrents353. Ainsi, à titre d’exemple, dans un document du 18 avril 2017, Doctolib relève

« [u]ne croissance monstrueuse pour Doctolib vs. MonDocteur », mais indique : « [a]xe 1 : réduire la performance commerciale de MonDocteur » ; « Axe 2 : augmenter le churn de MonDocteur […] »354.

a) L’opération de rachat de MonDocteur

223. Dans le cadre d’un échange de courriels du 22 avril 2018 intitulé « Doctolib/besoin d’un support de ta part pour l’acquisition de MonDocteur » avec l’un de ses actionnaires, Bpifrance, le président de Doctolib écrit : « [n]ous avons fait une offre pour le rachat de MonDocteur (notre concurrent #1 en France) vendredi. La transaction est très importante pour nous (synergies fortes sur nos activités commerciales et hospitalières […] Ils [Lagardère] ont trois offres sur la table pour MonDocteur (à priori une à [20-60]M€, une à[20-60]M€) dont la nôtre depuis vendredi (nous avons fait une offre à [20-60]M€). Le sujet est très politique en interne chez Lagardère car en 2 mots : les fondateurs historiques de MonDocteur penchent pour l’offre à [20-60]M€ et les dirigeants de Lagardère pencheraient pour nous (même si cela reste à confirmer). »355

224. Dans le cadre d’un échange de courriels du 11 mai 2018 à propos de la levée de fonds de Doctolib réalisée pour le rachat de MonDocteur, l’un des membres du Conseil d’administration de Doctolib indiquait notamment : « [v]isibilité Concurrence très OK. Les concurrent [sic] ont < 5 % PDM et 2 à 3 ans de retard tech + pas les 40m€ nécessaires »356.

225. La lettre d’offre indicative émise par Doctolib le 20 avril 2018 fait état d’une proposition à 38 millions d’euros pour l’intégralité des activités de MonDocteur ainsi que de ses équipes, et sous réserve de l’octroi d’une période d’exclusivité de six semaines afin de finaliser les termes et conditions de l’offre définitive357.

226. À la suite d’un processus d’audit relatif à la société MonDocteur et à son activité, Doctolib a confirmé sa décision d’acquérir l’intégralité du capital de la société par la remise d’une promesse unilatérale d’achat le 22 juin 2018358.

227. Le 10 juillet 2018, Doctolib a fait l’acquisition de 100 % du capital de la société MonDocteur. Cette dernière a été absorbée par Doctolib, début septembre 2018, avec un effet rétroactif au 1er janvier 2018359 et radiée du registre du commerce et des sociétés le 1er octobre 2018360. Dans son communiqué de presse du 12 juillet 2018, Doctolib indiquait notamment « Doctolib acquiert MonDocteur, un des leaders européens de la prise de rendez-vous médicaux en ligne […] Grâce à ce rapprochement, Doctolib consolide sa place de premier acteur de la e-santé en Europe. Avec 55 000 praticiens utilisateurs et 20 millions de visites de patients chaque mois, le nouveau groupe fournit désormais le service de prise de rendez-vous médicaux en ligne le plus utilisé au monde »361.

b) Les documents internes relatifs aux objectifs poursuivis par le rachat de MonDocteur

228. Dans un échange de courriels du 30 avril 2018 avec un investisseur, le président de Doctolib évoquait les raisons pour lesquelles l’acquisition de MonDocteur constituait une bonne opportunité : (i) accélérer les performances de vente dans les régions autres que l’Île-deFrance ainsi qu’auprès des médecins généralistes et dentistes ; (ii) réduire la pression sur les prix (avec notamment la possibilité de les augmenter de 10 % à 20 %) ainsi que raccourcir le cycle de vente et récolter le fruit de cinq mois de ventes ; (iii) consolider sa base patient avec 3,5 millions de rendez-vous en ligne par mois en juin et plus de 20 millions de visites mensuelles ; (iv) sécuriser le marché de l’hôpital dont 95 % non encore installé avec un potentiel effet de réseau important pour le marché des libéraux ; et (v) devenir le seul interlocuteur de l’État français à propos de la transformation du système de santé362.

229. Une présentation de mai 2018 élaborée par un cabinet de conseil mettait en avant les fortes justifications d’une acquisition de MonDocteur par Doctolib, à savoir notamment :

(i) l’intégration de son concurrent n° 1 pour consolider sa base de clientèle en France ;

(ii) tuer la concurrence sur le marché avec un impact très important et immédiat sur lesperformances commerciales de Doctolib à tous les niveaux, notamment un effet prix positif certain et immédiat ainsi qu’une réduction de la concurrence dans toutes les régions et pour toutes les spécialités médicales (notamment les généralistes et les dentistes) ; et (iii) l’augmentation de la base de patients en devenant la seule marque pour les patients en France avec plus de 20 millions de visites mensuelles363.

230. Selon ce même document, l’acquisition de MonDocteur devait permettre de créer le plus grand réseau de médecins en France avec une base de clientèle combinée de

51 000 médecins et plus de 1 100 hôpitaux, cliniques et centres médicaux y compris les plus importants en France. Doctolib et MonDocteur deviendraient également l’unique portail patient en France avec notamment une base de patients inégalée et une croissance rapide et sans comparaison364. Ainsi, cette acquisition devrait renforcer la position de leader de Doctolib et accélérer son plan de déploiement en France365.

231. Toujours selon ce document, à la suite de cette acquisition, Doctolib détiendrait 95 % du marché et ne serait confrontée à aucune concurrence, ce qui lui permettrait d’accroître son pouvoir de fixation des prix ainsi que ses ventes. De même, la base de clientèle de MonDocteur devrait migrer vers Doctolib, avec une hypothèse de désabonnement limitée eu égard au manque de solutions alternatives sur le marché. Enfin, toujours au regard du manque de concurrence sur le marché, le taux de succès dans les appels d’offres passés par les hôpitaux devrait également s’améliorer à court terme366.

232. Ces éléments font écho à la stratégie prévue par Doctolib fin 2017 dans une présentation intitulée « Doctolib Growth Plan 2018 », qui mentionne, sous l’objectif « [p]riorité n° 3 : exploser nos performances de vente en France en accélérant nos tendances actuelles » :« [d]estroy Competition » pour « rester le seul acteur sur le marché d’ici la fin 2018 »367.

233. En outre, des conversations internes de messagerie instantanée d’avril 2018, à propos du produit MonDocteur, mentionnent : « on va killer le produit » ; « sans MD [MonDocteur], plus de concurrents, on est #1 partout »368.

234. Enfin, dans l’échange de courriels précité du 11 mai 2018 sur la levée de fonds de Doctolib pour le rachat de MonDocteur (voir ci-avant le paragraphe 224), l’un des membres du Boardde Doctolib indiquait au président de la société : « [l]a création de valeur 1 n’est pas l’ajout de l’actif MD [MonDocteur] mais sa disparition en tant que concurrent avec des gains pour certains absolument immédiats au jour du closing »369 (soulignement ajouté).

c) La disparition de la plateforme MonDocteur et la migration de la clientèle vers Doctolib235. Selon un document du 9 juillet 2018370, il était prévu qu’à la suite de l’acquisition de MonDocteur et pour la période juillet – août 2018, les clients de MonDocteur ne verraient aucune modification d’organisation, les sites Doctolib et MonDocteur, ainsi que les deux systèmes d’agendas, continuant d’exister. Après septembre 2018, Doctolib comptait procéder à la « [m]igration de 100 % des praticiens de MD [MonDocteur] vers le produit Doctolib sur 3 – 4 mois avec les fonctionnalités additionnelles de MD » avec la précision :

« [i]mportant : aucune communication sur cela à l’extérieur de Doctolib sur les mois de juillet et d’août » ; « [s]cript pour les praticiens […] Aucun changement pour vous : vous continuez à utiliser votre agenda […] comme d’habitude [Ne jamais dire que nous allons migrer] ».

236. Dans l’intervalle, les équipes commerciales de Doctolib avaient pour consigne de ne plus prendre de rendez-vous ni réaliser de formation avec des clients MonDocteur et de ne pas réaliser de migration entre les solutions Doctolib et MonDocteur371.

237. Il ressort d’un échange de courriels du 8 novembre 2018 que la fin de la migration des clients MonDocteur vers les services de Doctolib devait intervenir d’ici la fin décembre 2018 :

« [l]a fin de la migration et la fermeture de la plateforme MD arrivent à grands pas […]

Comme vous le savez, le service MonDocteur va être coupé le 31/12 et […] l’objectif est de repasser à 100 % de chasse dès début décembre, il faut donc que l’ensemble des praticiens aient été migrés sur Doctolib d’ici là. »372

238. D’après ce même échange, la réservation en ligne via la plateforme MonDocteur a cessé à partir du 22 décembre 2018, seule la réservation sur Doctolib étant alors disponible pour les patients utilisateurs de MonDocteur. S’agissant des professionnels de santé clients, la plateforme MonDocteur a fermé définitivement le 31 décembre 2018373.

239. Les comptes sociaux de Doctolib au 31 décembre 2018 indiquent que lors de la migration des clients MonDocteur à la solution Doctolib, le taux de conversion client a été de 92 % et que la société a gagné 10 000 nouveaux clients depuis la fusion/acquisition de MonDocteur.

Il est également fait mention de ce que l’impact de cette acquisition « a été perçu très positivement par les investisseurs »374.

6. L’ÉVOLUTION DE L’ACTIVITÉ DE DOCTOLIB ET DE SES PRINCIPAUX

CONCURRENTS

240. Il ressort des développements ci-dessous que l’animation concurrentielle, à l’exception,

notamment, de la société MonDocteur, a été très limitée ces dernières années sur les

différents secteurs affectés par les pratiques visées par les services d’instruction.

a) L’évolution de l’activité de Doctolib et de ses principaux concurrents sur le

marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne

L’évolution du chiffre d’affaires annuel des principaux opérateurs

241. Le chiffre d’affaires lié à la vente du service de prise de rendez-vous médicaux en ligne de Doctolib connaît une croissance importante et régulière depuis 2017. Cette croissance doit  être mise en perspective avec l’évolution de l’activité en valeur de ses principaux concurrents  sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne. Si, de manière globale  et compte tenu de la progression du marché, les principaux concurrents de Doctolib ont  connu une croissance importante, en raison pour la plupart du caractère naissant de leur  activité, cette croissance portait sur un niveau de chiffre d’affaires nettement inférieur à celui  de Doctolib. Par exemple, Cegedim Santé a connu une croissance de chiffre d’affaires  conséquente depuis le début de son activité jusqu’en 2022, mais sur un chiffre d’affaires en  valeur très inférieur à celui de Doctolib. Le graphique ci-dessous compare l’évolution du chiffre d’affaires annuel réalisé en France par les principaux opérateurs de la prise de rendezvous médicaux en ligne interrogés375 :

Le développement de la clientèle des principaux opérateurs

242. Depuis le début de son activité, Doctolib Patient a vu son nombre de clients croître de manière très importante.

243. Il ressort nettement que cette progression a été la plus rapide et la plus importante sur l’ensemble de la période d’activité, le tout sur un volume fortement supérieur à celui de ses concurrents.

244. En 2022, Doctolib comptait un nombre de clients nettement supérieur à celui de ses concurrents. À titre d’exemple, son parc de clientèle était plus de 28 fois supérieur à celuide Cegedim Santé et plus de 240 fois supérieur à celui de Nehs Digital pour sa solution KelDoc, pourtant présente sur le marché depuis plus longtemps376.

L’évolution du nombre de rendez-vous pris via les différents services

245. La progression de l’activité de Doctolib se vérifie également au regard du nombre de rendezvous pris via sa plateforme, donnée qui en reflète l’attractivité, notamment pour les utilisateurs de la face « patients ». Là encore, la croissance de Doctolib est très importante.

246. Au regard de l’ensemble des opérateurs interrogés, Doctolib est celui qui a eu la croissance la plus importante depuis le début de son activité et sur un volume de rendez-vous nettement supérieur377.

247. Le nombre de rendez-vous pris via la plateforme de prise de rendez-vous médicaux en ligne de Doctolib est, en 2022, près de 16 fois plus élevé que le nombre de rendez-vous transitant par la solution ClicRDV de Solocal, 38 fois plus élevé que celui transitant par la solution Maiia de Cegedim Santé et environ 362 fois supérieur à celui de la solution de CompuGroup, les trois opérateurs les plus actifs après Doctolib.

Conclusion

248. Il ressort de la lecture de ces graphiques que le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, tant en valeur qu’en volume, a progressé entre 2014 et 2022. Si la plupart des opérateurs ont profité de cette progression, Doctolib a connu une croissance sans commune mesure avec celle des autres opérateurs, au niveau tant du chiffre d’affaires, du nombre de clients et du nombre de rendez-vous pris via sa plateforme, tous très largement supérieurs à ceux de ses principaux concurrents. Sur la période 2017 – 2022, Doctolib a ainsi capté près de [80-90] % de la nouvelle clientèle et [90-100] % des nouveaux rendez-vous pris via les plateformes de prise de rendez-vous médicaux en ligne.b) L’évolution de l’activité de Doctolib et de ses principaux concurrents sur le marché des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales

L’évolution du chiffre d’affaires annuel des principaux opérateurs

249. Depuis son lancement en 2019, la vente de la solution de téléconsultation médicale de Doctolib connaît une croissance importante.

Evolution du nombre annuel de rendez-vous pris via les plateformes de prise de rendez-vous médicaux en ligneCegedim Santé – Docavenue/Maiia CompuGroup Medical France – ClickDoc Consulib DoctolibHellocare L’accueil Web - RDV médicauxLemedecin.fr Nehs Digital - KelDocSolocal - ClicRDV

Le développement de la clientèle des principaux opérateurs

250. Le parc de clientèle de Doctolib a connu une forte évolution et ce, dès son entrée sur le marché en 2019. Sa progression a été très importante entre 2019 et 2020. Depuis 2020, son parc de clientèle a continué à augmenter, mais à un rythme plus modéré.

Evolution du chiffre d'affaires annuel

Cegedim Santé – Docavenue/Maiia CompuGroup Medical France - ClickDoc

Consulib DMS France – LiviDoctolib HellocareLemedecin.fr QareSynapse – Medadom

251. Dès 2019, Doctolib comptait un nombre de clients plus élevé que celui de ses concurrents, notamment près de dix fois supérieur à celui de Qare, présente sur le marché depuis 2017. En 2020, Doctolib comptait un nombre de clients près de six fois supérieur à celui de Consulib et de Cegedim Santé, alors deuxième et troisième opérateurs du marché en nombre de clients. Enfin, en 2022, elle comptait près de quatre fois plus de clients que la société CompuGroup, alors deuxième opérateur sur le marché en volume de clientèle378.

252. De manière plus générale, si la plupart des opérateurs interrogés a connu une croissance importante sur l’ensemble de la période, due notamment au caractère naissant de leur activité et à l’attrait pour la téléconsultation lors de la crise sanitaire, cette croissance a toutefois porté sur un volume de clientèle nettement inférieur à celui de Doctolib. L’évolution du nombre de téléconsultations réalisées via les différentes solutions

253. L’analyse de la croissance de Doctolib se vérifie également au regard du nombre de téléconsultations réalisées via les solutions proposées par les différents opérateurs, donnée qui reflète la notoriété des différentes solutions sur le marché.

254. Dès son entrée sur le marché en 2019, la solution de Doctolib concentrait presque deux fois plus de téléconsultations que celle de l’opérateur Qare, alors deuxième opérateur du marché et présent depuis 2017. Cette tendance s’est nettement accélérée en 2020, Doctolib concentrant environ onze fois plus de téléconsultations que l’opérateur CompuGroup et environ quatorze fois plus que Qare. Même avec une légère inflexion en 2021, Doctolib Téléconsultation est restée la solution avec l’activité la plus importante au regard de ses concurrents379.

255. Au regard de l’ensemble des opérateurs interrogés, Doctolib est la seule à avoir connu une croissance aussi importante et un volume de téléconsultations aussi élevé entre 2019 et 2022.

En comparaison, un opérateur comme Lemedecin.fr a certes connu une croissance en volume importante, mais son niveau d’activité est pourtant environ quarante-sept fois inférieur à celui de Doctolib en 2022. Qare a connu une croissance près de trois fois moins importante que celle de Doctolib sur la même période et CompuGroup a quant à elle vu son activité décroître d’environ 65 % entre le début de son activité et 2022.

Conclusion

256. À la lecture de ces graphiques, il apparaît que le marché, tant en valeur qu’en volume, a progressé sur la période 2017 – 2022. Si la plupart des opérateurs ont profité de cette progression, Doctolib est l’opérateur qui a connu la croissance la plus importante pour un niveau de chiffres d’affaires, de clients et de téléconsultations réalisées largement supérieur à celui de ses principaux concurrents. Sur la période 2019 – 2022, Doctolib a capté environ [60-70] % de la nouvelle clientèle, ainsi que [60-70] % des nouvelles téléconsultations réalisées via les différentes solutions du marché.

E. RAPPEL DES GRIEFS NOTIFIÉS

257. Les griefs suivants ont été notifiés à la société mise en cause :

« Grief N° 1 :Il est fait grief à la société Doctolib (société par actions simplifiée immatriculée au R.C.S de Nanterre sous le numéro 794 598 813 et dont le siège social est sis 54 Quai Charles Pasqua 92300 Levallois-Perret), en tant qu’auteure, d’avoir abusé de la position dominante qu’elle détient sur le marché français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et sur le marché français des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales, en mettant en œuvre plusieurs pratiques constituant une infraction unique, complexe et continue ayant pu avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales.Ces pratiques consistent tout d’abord pour Doctolib à imposer aux clients de son service de prise de rendez-vous médicaux en ligne et de sa solution technologique dédiée permettant la réalisation de téléconsultations médicales, des exclusivités visant à éviter tout recours simultané à des services concurrents. Ces pratiques consistent ensuite pour Doctolib à lier la vente de sa solution technologique  dédiée permettant la réalisation de téléconsultations médicales – Doctolib Téléconsultation – à de son service de prise de rendez-vous médicaux en ligne – Doctolib Patient.

Ces pratiques consistent enfin pour Doctolib à discriminer, parmi ses clients abonnés à Doctolib Patient, ceux recourant à des solutions de téléconsultation concurrentes de sa solution Doctolib Téléconsultation.Cette infraction unique, complexe et continue a débuté en 2017 et perdure à la date de la présente notification de griefs.Elle est prohibée par l’article L. 420-2 du code de commerce et par l’article 102 du TFUE.Par ailleurs, chacune des composantes de cette infraction unique, complexe et continue est individuellement susceptible d’avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché et donc de constituer une infraction autonome et distincte aux articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE.

Grief N° 2 :

Il est fait grief à la société Doctolib (société par actions simplifiée immatriculée au R.C.S de Nanterre sous le numéro 794 598 813 et dont le siège social est sis 54 Quai Charles Pasqua 92300 Levallois-Perret), en tant qu’auteure, d’avoir abusé de la position dominante qu’elle détient sur le marché français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne en procédant à la prise de contrôle exclusif de la société MonDocteur, entreprise indépendante, le 10 juillet 2018 et en fusionnant avec la société MonDocteur avec effet rétroactif au 1er janvier 2018.

Cette pratique est susceptible d’avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne.Elle est prohibée par l’article L. 420-2 du code de commerce et par l’article 102 TFUE ».

II. Discussion

A. SUR LA PROCÉDURE

258. Selon Doctolib, les services d’instruction auraient mené la procédure de manière déloyale et exclusivement à charge.

259. Ainsi, tout d’abord, aucun acte d’instruction n’aurait été diligenté afin de comprendre les caractéristiques de son produit, son fonctionnement, sa qualité et les raisons de son succès.

De plus, sa stratégie d’innovation et son « discours de la gagne » auraient été stigmatisés, sans jamais tenir compte du contexte particulier au lancement d’une start-up380.

260. Par ailleurs, la typologie des acteurs interrogés par les services d’instruction serait

déséquilibrée, certaines catégories, comme les opérateurs de télésecrétariat, étant surreprésentées, là où d’autres, telles que les praticiens, n’ont pas été interrogées ou ne l’ont été que via leurs ordres ou syndicats professionnels De même, de nombreuses questions posées dans le cadre des auditions seraient orientées et certaines pièces seraient délibérément tronquées381.

261. Enfin, Doctolib conteste l’utilisation par les services d’instruction, de documents soit émanant de tiers, soit antérieurs à la période alléguée des pratiques382. Elle considère également que de nombreux éléments à décharge ont été omis et que des pièces ont été interprétées de manière déloyale383.

1. RAPPEL DES PRINCIPES

262. Il ressort d’une jurisprudence et d’une pratique décisionnelle constantes que les rapporteurs disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la conduite des investigations. La cour d’appel de Paris a souligné à cet égard « qu’il résulte des articles L. 450-1 et L. 450-6 du Code de commerce que le rapporteur est maître de la conduite des investigations et qu’il apprécie librement l’opportunité des mesures à mettre en œuvre »384.

263. La cour d’appel de Paris a également rappelé « [qu’a]yant considéré l’ensemble des éléments du dossier, les rapporteurs peuvent alors retenir, au soutien de leur analyse, ceux d’entre eux qui leur paraissent les plus pertinents, sans être tenus d’exposer les motifs pour lesquels ils ont choisi de ne pas fonder cette analyse sur d’autres éléments de ce même dossier et leur rapport doit, selon l’article L. 463-2 du code de commerce, être accompagné des documents sur lesquels ils se sont fondés et des observations faites, le cas échéant, par les intéressés.

L’appréciation que les rapporteurs sont ainsi amenés à porter sur la valeur, à leurs yeux, des différents éléments du dossier ne saurait être considérée comme un manquement à leur devoir d’impartialité, sauf à les priver des moyens de soumettre à l’Autorité, comme les textes le prévoient, leur propre analyse des faits et des griefs reprochés aux mis en cause »385.

264. Cette même cour a aussi souligné que « [l]es rapporteurs, qui, à l’issue de l’instruction contradictoire, se sont forgé une opinion sur la réalité des pratiques et leur caractère anticoncurrentiel, ont pour mission de présenter leur analyse de la façon la plus claire possible, afin de permettre aux parties de répondre aux arguments qui vont leur être opposés devant le Collège. Il est dès lors légitime que les rapporteurs visent les seules pièces, ou passages de pièces, qui leur paraissent utiles soit pour appuyer leur démonstration sur ces pièces, soit pour exposer en quoi celles-ci ne contredisent pas l’analyse retenue. Une telle façon de faire ne saurait donc caractériser un défaut d’impartialité de leur part, étant rappelé que les parties, quant à elles, ont tout loisir d’exploiter l’ensemble des pièces du dossier, y compris celles non visées, ou non visées de façon exhaustive, par les rapporteurs »386.

265. Elle a également précisé que « seule la déloyauté dans l'interprétation ou la présentation des pièces, ou encore dans la façon d'interroger les personnes en cause ou les tiers, peut conduire à constater une atteinte aux droits de la défense des parties », ce qu’il revient aux parties d’étayer par des éléments de preuve387.

266. En ce qui concerne spécifiquement l’audition de témoins, la Cour de cassation a rappelé qu’il s’agissait d’une « faculté laissée à l’appréciation du rapporteur ou du Conseil de la Concurrence, eu égard au contenu du dossier ». Elle a également affirmé de manière constante que le rapporteur n’est pas tenu de procéder à des auditions s’il s’estime suffisamment informé pour déterminer les griefs susceptibles d’être notifiés388.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPÈCE

267. En premier lieu, Doctolib ne saurait utilement soutenir qu’aucun acte d’instruction n’a été diligenté afin de comprendre les caractéristiques et qualités de son produit. En effet, lors de son audition le 19 mai 2022, son président s’est longuement expliqué sur les différents services proposés par la société, et leur éventuelle évolution depuis la création de l’entreprise389. De même, de nombreuses précisions ont été apportées par ses soins sur ces points dans le cadre de sa réponse du 10 mars 2023 à une demande d’informations des 385 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, La Banque Postale e.a, RG n° 2015/17638, paragraphes 107 et 110 et du 17 mai 2018, Umicore, RG n° 2016/16621, paragraphe 86.

268. Par ailleurs, l’interprétation, par les rapporteurs, de la valeur ou de l’importance de certains éléments du dossier ne saurait être considérée comme un manquement à leur devoir d’impartialité, sauf à priver les parties des moyens de soumettre à l’Autorité leur propre analyse des faits et des griefs notifiés392.

269. Or, il est constant que Doctolib a été en mesure de faire état, dans ses observations écrites et lors de la séance devant le collège, de tous les éléments qui lui paraissaient utiles à sa défense.

270. Enfin, et étant rappelé qu’il résulte d’une jurisprudence constante que les services

d’instruction ne sont pas tenus de répondre à l’ensemble des arguments développés par les parties393, il ressort du contenu de la notification de griefs que celle-ci répond de manière détaillée aux éléments contenus dans l’étude économique précitée de juin 2023, contrairement à ce que soutient Doctolib394.

271. En deuxième lieu, s’agissant des auditions menées dans le cadre de l’instruction, il ne saurait être reproché aux rapporteurs de ne pas avoir procédé à certaines auditions si ces derniers s’estimaient suffisamment informés par les éléments en leur possession.

272. En outre, Doctolib ne démontre pas en quoi la formulation des questions posées par les rapporteurs serait de nature à orienter la réponse des personnes auditionnées, voire à les induire en erreur.

273. Ainsi, pour reprendre un des exemples cités dans ses écritures 395, Doctolib allègue que le fait de poser la question suivante « quel serait l’intérêt pratique d’utiliser simultanément deux services de mise en relation en ligne entre professionnels de santé et patients concurrents, ou deux services de téléconsultation médicale concurrents ? », démontrerait que « l’intérêt à l’allotement est pris pour acquis [par les services d’instruction], alors que de nombreux éléments conduisent à priver d’intérêt l’allotement » et que, partant, les services d’instruction auraient dû demander « s’il existe un intérêt à l’utilisation simultanée de deux services concurrents ». Toutefois, le fait même d’employer le conditionnel « serait » et non l’indicatif présent « est » démontre, si besoin en était, le caractère ouvert et non fermé de la question posée. Qui plus est, la mention de ce que certaines personnes auditionnées ont répondu que cette double utilisation pourrait être difficile à gérer en pratique figure bien dans  la notification de griefs, contrairement à ce que soutient Doctolib396.

274. En troisième lieu, en ce qui concerne l’utilisation de pièces antérieures à la période infractionnelle et de documents préparés par des tiers, il est constant que ces éléments, s’ils ne permettent généralement pas de caractériser des pratiques anticoncurrentielles, peuvent être utiles afin d’éclairer d’autres pièces du dossier ainsi que le contexte dans lequel les pratiques examinées s’insèrent.

275. Or, s’agissant, d’une part, des documents antérieurs à 2017, il ressort des paragraphes pertinents de la notification de griefs397 que les éléments cités s’inscrivent dans une partie dédiée à la stratégie globale de Doctolib et ne sont pas utilisés dans le cadre de la démonstration du caractère anticoncurrentiel des pratiques.

276. S’agissant, d’autre part, de l’utilisation dans la notification de griefs de documents préparés par des tiers, et plus spécifiquement du document visé dans les paragraphes 356 à 358 de la notification de griefs cité par Doctolib aux fins de démontrer la prétendue « stigmatisation » de l’instruction, il s’avère que ce dernier, intitulé « [p]roject Doctolib-Red Flag Report », a été élaboré par un cabinet de conseil au mois de novembre 2017, à la demande d’un investisseur potentiel, sur la base d’informations reçues de Doctolib et relevant de sa responsabilité (états financiers audités de la société, documents comptables, échanges avec la direction financière, etc.). En outre, il est cité dans la partie dédiée à la stratégie globale de Doctolib et n’est pas utilisé dans le cadre de la démonstration du caractère anticoncurrentiel des pratiques398.

277. Enfin, en ce qui concerne la dénaturation ou la présentation déloyale de certaines pièces, il ressort des principes rappelés ci-avant que l’interprétation, par les services d’instruction, de pièces dans un sens qui conforte les griefs notifiés ne constitue pas une violation de leur devoir d’impartialité, dès lors que Doctolib a pu exercer toutes les prérogatives qui lui sont reconnues dans le cadre de la procédure contradictoire devant l’Autorité.

278. Il s’ensuit qu’aucune violation des obligations d’impartialité et de loyauté de l’instruction n’est établie en l’espèce.

B. SUR L’APPLICATION DU DROIT DE L’UNION

279. L’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après « TFUE ») interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.

280. Conformément à la jurisprudence constante des juridictions de l’Union et à la communication de la Commission européenne (ci-après la « Commission ») portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE399, trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres : (i) l’existence d’un courant d’échanges entre États membres portant sur les produits en cause, (ii) l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges, et (iii) et le caractère sensible de cette affectation. 281. La circonstance que des ententes ou des abus de position dominante soient commis sur le territoire d’un seul État membre ne fait pas obstacle à ce que les deux premières conditions soient remplies. La Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la « Cour de justice ») a ainsi jugé que « lorsque le détenteur d’une position dominante barre l’accès au marché à des concurrents, il est indifférent que ce comportement n’ait lieu que sur le territoire d’un seul État membre, dès lors qu’il est susceptible d’avoir des répercussions sur les courants commerciaux et sur la concurrence dans le marché [unique] »400.

282. La Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt France Télécom, que les termes « susceptibles d’affecter » énoncés par les articles 101 et 102 du TFUE « supposent que l’accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, sans que soit exigée la constatation d’un effet réalisé sur le commerce [entre États membres] »401.

283. S’agissant du troisième élément, à savoir le caractère sensible de l’affectation des échanges entre États membres, la Commission précise que cette notion vise à limiter l’applicabilité du droit de l’Union « aux accords et pratiques qui sont susceptibles d’avoir des effets d’une certaine ampleur »402. La communication de la Commission portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce précise que : « [t]oute pratique abusive qui rend plus difficile l’entrée sur le marché national doit donc être considérée comme affectant sensiblement le commerce. La conjonction de la position de marché de l’entreprise dominante et de la nature anticoncurrentielle de son comportement implique que, normalement, ces abus affectent sensiblement le commerce par leur nature même »403.

284. En l’espèce, les pratiques en cause ont été mises en œuvre sur l’ensemble du territoire national. Elles sont de nature à rendre plus difficile l’entrée de concurrents potentiels sur le marché national et sont ainsi susceptibles d’avoir des répercussions sur les courants commerciaux et les échanges entre États membres.

285. Enfin, les pratiques en cause ont été mises en œuvre par la société Doctolib, leader des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et des solutions de téléconsultation médicale en France, qui réalise via ces services la quasi-totalité de son chiffre d’affaires404.

Le caractère sensible de l’affectation du commerce entre États membres est, par conséquent, caractérisé.

286. Il résulte de ce qui précède que les pratiques constatées sont susceptibles d’affectersensiblement le commerce entre États membres et d’être qualifiées au regard de l’article 102 du TFUE. Ce point n’est pas contesté par Doctolib.  

C. SUR LA DÉFINITION DES MARCHÉS PERTINENTS

1. RAPPEL DES PRINCIPES

287. La définition des marchés de produits et des marchés géographiques, dans le cadre de l’application de l’article 102 du TFUE et l’article L. 420-2 du code de commerce, est effectuée pour déterminer si l’entreprise concernée occupe une position dominante et si celle-ci lui permet d’empêcher le maintien d’une concurrence efficace sur le marché pertinent, en lui donnant le pouvoir de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients, et in fine, des consommateurs.

288. Le concept de marché pertinent implique qu’il puisse y avoir une concurrence efficace entre les produits et services qui appartiennent à ce marché. Cela présuppose qu’il y ait un degré suffisant de substituabilité entre tous les produits et services appartenant au même marché relativement à un usage spécifique de ceux-ci405.

289. Sur ce point toutefois, « une substituabilité parfaite entre produits ou services s’observant rarement, le Conseil [de la concurrence] regarde comme substituables, et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande »406.

290. Un examen de la substituabilité ne peut donc pas se limiter simplement aux caractéristiques objectives des produits et services concernés. Les conditions de concurrence et la structure de l’offre et de la demande sur le marché doivent également être prises en compte407.

291. S’agissant plus particulièrement des marchés dits « bifaces », la pratique décisionnelle de l’Autorité les définit comme des marchés mettant en relation deux groupes d’agents, qui ont des gains potentiels à interagir. Ainsi, une plateforme, ou un intermédiaire, rend possible ou facilite les transactions en réduisant leurs coûts408. L’interaction entre ces deux faces du marché, qui caractérise l’existence d’un marché biface, engendre des externalités indirectes (ou effets de réseau croisés) : le bénéfice ou l’utilité que retire un agent d’un groupe déterminé dépend du nombre d’agents de l’autre groupe409.

292. Ainsi que le rappellent les lignes directrices de l’Autorité relatives au contrôle des concentrations, « en présence de marchés bifaces, l’équilibre économique sur un marché ne peut être appréhendé indépendamment des conditions prévalant sur un autre marché. Les marchés, bien qu’éventuellement distincts, fonctionnent en effet de façon interdépendante, spécificité qui peut être prise en compte aussi bien au stade de la délimitation du marché que de l’analyse des effets de l’opération sur la concurrence et des gains d’efficience »410.

293. Dans sa décision n° 18-DCC-18 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Concept Multimédia par le groupe Axel Springer, l’Autorité a ainsi précisé que « [l]’examen d’un marché biface peut donc être mené en définissant un marché unique avec ses deux faces indissociables ou en analysant les deux faces distinctes comme deux marchés liés »411, puis a décidé de mener son analyse en retenant l’existence d’un marché unique412.

294. Dans sa dimension géographique, le marché est constitué par « le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l’offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y différent de manière appréciable »413.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPÈCE

295. Doctolib propose, entre autres, un service de prise de rendez-vous médicaux en ligne et de gestion de réservations ainsi qu’une solution technologique permettant la réalisation de téléconsultations médicales, services relevant du secteur de l’e-santé. L’Autorité a défini l’e-santé comme « l’application des technologies de l’information et de la communication à l’ensemble des activités en rapport avec la santé »414.

296. S’agissant du secteur des services informatiques, la pratique décisionnelle de l’Union415 et nationale416, sans exclure l’hypothèse d’un marché global des services informatiques, a identifié sept catégories fonctionnelles de services, ainsi que plusieurs segmentations alternatives en fonction (i) du type de clientèle, (ii) du type de système d’information et de communication ou encore (iii) du secteur d’activité, le secteur de la santé étant susceptible de constituer un segment de marché.

297. Tout en laissant ouverte la question de la délimitation exacte des marchés de service, l’Autorité a également identifié trois segments dans le secteur de l’e-santé : (i) les systèmes d’information de santé à destination notamment des hôpitaux et des professionnels de santé, proche du marché des services informatiques de santé envisagé par la pratique décisionnelle ; (ii) la télésanté incluant la dématérialisation de la gestion des remboursements, des prescriptions et des dossiers patients, ainsi que le développement d’outils permettant l’enregistrement en ligne de données physiologiques ; et (iii) la télémédecine qui recouvre toutes les procédures médicales réalisées à distance par des professionnels417.

298. Au cas d’espèce, parmi les services de l’e-santé, il convient d’examiner successivement les services de prise de rendez-vous médicaux en ligne (a) et les solutions technologiques permettant la réalisation de téléconsultations médicales (b) ainsi que la connexité entre ces deux marchés (c).

a) Sur les services de prises de rendez-vous médicaux en ligne

299. Les services de prise de rendez-vous médicaux en ligne mettent en relation des professionnels de santé et des patients pour la fixation et la gestion des rendez-vous de consultation médicale. Les plateformes de prise de rendez-vous médicaux en ligne servent ainsi d’intermédiaires et comportent, partant, deux faces : l’une mettant en relation les professionnels de la santé et les plateformes de réservation, l’autre mettant en relation les plateformes de réservation et les patients à la recherche d’un professionnel de santé et d’une consultation médicale.

300. Du côté « professionnels de santé », la demande provient des professionnels de santé, exerçant en libéral et/ou au sein d’établissements ou centres de santé, désireux de proposer aux patients une prise de rendez-vous médical en ligne, en continu et selon une configuration qui leur est propre. Pour ce faire, ils communiquent des informations aux plateformes et rendent visibles, en ligne, leurs nom, coordonnées ainsi que d’autres informations concernant leur pratique. Ils ouvrent également tout ou partie de leur agenda en ligne aux patients, pour la prise de rendez-vous préalablement configurée, via des plateformes ou applications digitales. Ces dernières proposent également des fonctionnalités en lien avec la prise de rendez-vous, telles que le rappel de rendez-vous ou encore l’échange de documents.

301. L’offre provient, quant à elle, d’entreprises proposant aux professionnels de santé des agendas en ligne et des interfaces pour la mise en place de la prise de rendez-vous médicaux en ligne via des sites internet et/ou des applications en ligne.

302. Du côté « patients », les plateformes de prise de rendez-vous médicaux en ligne proposent gratuitement des services de recherche de professionnels de santé et établissements de santé selon différents critères (spécialité, zone géographique, disponibilités, honoraires, motifs de consultation), ainsi que des services de réservation de créneaux de rendez-vous médicaux, selon la date et l’horaire souhaités. Ces services permettent aux patients418 de prendre un rendez-vous pour une consultation médicale avec le professionnel de santé de leur choix, connu préalablement ou non, selon les critères de recherche, la date ainsi que l’horaire souhaité.

303. Doctolib conteste l’existence d’un marché spécifique des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne tel que retenu par les services d’instruction. À cet effet, elle (i) récuse l’existence d’effets de réseau croisés sur un éventuel marché biface des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et (ii) affirme que ce service ne représente qu’une composante parmi d’autres du marché plus large des logiciels de gestion destinés aux acteurs du secteur de la santé (ci-après « LGAS »). Doctolib fait également valoir que s’il fallait retenir un marché pertinent des services de prise de rendez-vous médicaux, il conviendrait de prendre en compte la pression concurrentielle exercée par les modes de prise de rendezvous hors ligne et les logiciels sans plateforme.

Sur l’existence d’un marché biface et d’effets de réseau croisés entre les deux faces du marché

Arguments de Doctolib

304. Doctolib considère qu’il n’existe pas, ou peu, d’effets de réseau croisés dont bénéficieraient respectivement les professionnels de santé et les patients d’un service comme Doctolib Patient. L’absence, ou le caractère très secondaire de tels effets, démontrerait que le marché dans lequel opère Doctolib Patient n’est pas biface.

305. S’agissant des professionnels de santé, elle soutient que l’intérêt majeur de Doctolib Patient ne réside pas, pour ces derniers, dans l’acquisition de nouveaux patients, mais dans le gain de temps administratif, la réduction des rendez-vous non honorés et l’amélioration de la prise en charge des patients419. L’acquisition de patientèle constituerait en effet un motif secondaire et minoritaire du recours à Doctolib Patient, les professionnels de santé n’ayant pas besoin d’accroître leur patientèle, eu égard à la forte pénurie de praticiens en France, toutes spécialités confondues, le refus de nouveaux patients étant par ailleurs très répandu420.

306. Doctolib précise ainsi qu’une part significative des praticiens abonnés à Doctolib ([0-10] % en moyenne sur la période 2020-2024) refuse des nouveaux patients pour l’ensemble des motifs de consultation au moins un jour par mois421, tandis que moins de [0-10] % des rendez-vous des praticiens abonnés à Doctolib correspondraient à des rendez-vous pris par des nouveaux patients ayant trouvé leur praticien sur Doctolib422.

307. S’agissant des patients, Doctolib considère que le fait de recenser le plus grand nombre de professionnels de santé en fonction de leur disponibilité et de leur localisation n’influe pas sur le choix des patients de recourir à la plateforme Doctolib pour la prise de rendez-vous,la grande majorité ([60-70] %) du trafic étant un trafic dit « knowing », où les patients vont directement sur la fiche profil du praticien ou dans ses pages de réservation.

308. Doctolib considère également que le fait que la quasi-totalité des opérateurs se rémunèrent par un forfait fixe, alors que les plateformes de mise en relation pour lesquelles les effets de réseau sont essentiels se rémunèrent soit par des commissions, soit par le nombre de clics ou d’impressions, est révélateur du fait que la mise en relation est loin d’être le motif principal d’utilisation d’un service de prise de rendez-vous médicaux en ligne et, par conséquent, de la faible importance des effets de réseau423. De plus, de nombreux logiciels référenceraient gratuitement l’ensemble des praticiens, y compris ceux qui ne sont pas abonnés à leur service. Preuve serait ainsi faite que le cœur de métier des LGAS ne reposerait pas sur la visibilité offerte aux praticiens ou la mise en relation entre praticiens et patients424.

309. Doctolib estime par ailleurs que la faiblesse des effets de réseau est démontrée par l’importance des efforts qu’elle a dû consentir pour acquérir de nouveaux praticiens et que son succès n’est pas lié aux effets de réseau, mais à la qualité du service offert, à ses efforts importants en recherche et développement ainsi qu’au déploiement d’un grand nombre de commerciaux dès le début de son activité425. Elle ajoute enfin que si sa croissance était fonction de sa taille et des effets de réseau, elle devrait être de plus en plus aisée et de moins en moins coûteuse au fur et à mesure de son expansion. Or, le nombre de commerciaux hors service après-vente par nouvel abonné à Doctolib Patient aurait triplé depuis 2017 et les dépenses commerciales seraient en augmentation depuis 2017426.

Réponse de l’Autorité

310. Il résulte de nombreux éléments recueillis lors de l’instruction que l’argumentation de Doctolib quant à l’absence d’effets de réseau ne saurait être retenue.

311. Tout d’abord, l’existence de tels effets ressort de nombreux éléments internes à Doctolib (voir ci-avant les paragraphes 80 à 89). Ces documents font en effet apparaître, d’une part, que dès l’élaboration et le lancement de son service de prise de rendez-vous médicaux en ligne, Doctolib avait pour ambition de « révolutionner » la relation entre les professionnels de santé et les patients en devenant notamment un intermédiaire digital « incontournable » pour « choisir un professionnel de santé et prendre un rendez-vous » (soulignement ajouté)427. Doctolib définit d’ailleurs elle-même son service comme une plateforme de réservation correspondant aux modèles bien connus des plateformes de réservation hôtelière ou de tables de restaurant428. D’autre part, l’importance des effets de réseau entre les deux faces, patients et professionnels de santé, est mise en avant à de multiples reprises par Doctolib429. Comme le déclare son président, « [c]e marché est un marché « winner takes all » avec de forts effets de réseau et des barrières à l’entrée »430 (soulignement ajouté).

312. Par ailleurs, l’existence de ces effets de réseau est confirmée par divers acteurs du secteur431.

À titre d’exemple, le syndicat MG France a indiqué : « il faut noter qu’il existe également une dépendance de certaines professions médicales à la plateforme Doctolib, dépendance liée à la visibilité de cette dernière. Sans cette dernière, certaines professions disent pouvoir perdre plus de la moitié de leur carnet de rendez-vous […]. Côté patient, le choix se résume à la plateforme de Doctolib. Les autres plateformes ne sont pas vraiment connues de ces derniers »432.

313. S’agissant des effets de réseau croisés bénéficiant aux professionnels de santé, l’affirmation de Doctolib quant à l’absence d’intérêt de ces professionnels pour la visibilité et l’acquisition de patientèle est contredite par des éléments tant internes que publics.

314. Ainsi, sur son site Internet, Doctolib fait du « [d]éveloppement de patientèle – Plus de visibilité et de patients qualifiés pour une activité rentable » un besoin à part entière et fait état de retours d’expérience de plusieurs professionnels de santé de spécialités différentes vantant les mérites de la plateforme pour « booster » la visibilité et accroître la patientèle433.

315. De même, les argumentaires commerciaux élaborés par Doctolib visent à convaincre les professionnels de santé d’utiliser Doctolib Patient pour l’acquisition de patientèle434. À titre d’exemple, un document « Sales Bible » du mois de février 2019 intitulé « 01. Pricing –Scripts a été mise à jour », contenant des arguments destinés à justifier le changement de prix à 129 euros, indique : « [n]ous apportons 15 nouveaux patients / mois en moyenne pour combler les annulations à la dernière minute ou élargir la patientèle de nos praticiens »435.

316. En outre, d’autres documents internes, notamment des présentations et des documents destinés à des investisseurs, soulignent l’utilité de Doctolib Patient comme vecteur de développement de patientèle :

317. Ainsi, si le service de prise de rendez-vous proposé par Doctolib ne se réduit pas à une simple fonctionnalité d’acquisition de patientèle, puisqu’il a une vocation plus globale d’aide aux professionnels de santé dans leur activité quotidienne et dans la prise en charge des patients, une telle fonctionnalité reste un élément structurant et systémique du discours commercial de Doctolib.

318. Par ailleurs, les autres motifs de souscription à Doctolib Patient (gain de temps administratif, réduction des rendez-vous non honorés et amélioration de la prise en charge des patients) n’excluent pas que les professionnels de santé recherchent parallèlement une meilleure visibilité. Ces besoins peuvent en effet être complémentaires, car même si un professionnel de santé a un taux de remplissage élevé, il peut avoir intérêt à souscrire à un service de prise de rendez-vous en ligne pour l’optimisation de son agenda et de son temps de consultation et éviter ainsi les cas de « no show », ce qui lui permettra d’accroître son volume d’activité grâce à l’acquisition de patientèle443. De plus, malgré la situation de pénurie de professionnels de santé mise en avant par Doctolib, les taux de remplissage, bien qu’élevés, varient par catégories de praticiens444.

319. Enfin, le fait de refuser de nouveaux patients pour certains motifs ne signifie pas un rejet général de toute nouvelle patientèle, pratique de surcroît très peu courante parmi les professionnels de santé : selon les données communiquées par Doctolib elle-même, seulement [5-15] % de ses abonnés limitent la prise de rendez-vous aux patients déjà suivis pour l’ensemble des motifs de consultation (au moins un jour par mois sur la période 2020-2024)445, et seulement [10-20] % choisissent de ne pas être visibles sur la plateforme (au 1er de chaque mois en moyenne sur la période août 2021-juillet 2024)446. La très grande majorité des professionnels de santé cherchent ainsi à augmenter leur visibilité pour atteindre un public plus large dans le but de développer leur patientèle et leur activité, tout en priorisant souvent le suivi des patients existants.

320. S’agissant des effets de réseau croisés bénéficiant aux patients, le fait que ces derniers préfèrent consulter un professionnel de santé qu’ils connaissent déjà ne remet pas en cause l’intérêt de Doctolib Patient en tant que plateforme de mise en relation entre patients et professionnels de santé. Ainsi, le fait qu’un patient connaisse le nom d’un professionnel de santé ne minimise pas l’intérêt qu’il peut tirer d’un service de prise de rendez-vous en ligne, dès lors (i) qu’il peut en connaître plusieurs et les mettre en concurrence selon les critères de son choix et (ii) qu’une plateforme a la capacité de lui suggérer ou de lui permettre de trouver un autre professionnel de santé en cas d’indisponibilité et selon ses critères de sélection (disponibilité, localisation, etc.). Ce raisonnement vaut a fortiori pour les situations ne concernant pas le médecin traitant / médecin conseillé, par exemple quand un patient souhaite prendre rendez-vous avec un spécialiste qu’il n’a pas l’habitude de consulter, est en déplacement ou encore en situation d’urgence (une consultation sur cinq d’après une étude  de Doctolib447). Cette faculté de mettre en concurrence les différentes offres apparaît d’autant plus importante dans un marché sujet à des contraintes de capacité, car cela diminue l’asymétrie d’informations et contribue à fluidifier la rencontre entre l’offre et la demande.

321. En tout état de cause, le fait que [60-70] % des sessions de patients sur Doctolib correspondraient à du trafic « knowing » ne permet pas d’affirmer que le patient n’a pas opéré au préalable de recherche selon ses critères, comme la disponibilité par exemple. En outre, même en prenant en compte les données de Doctolib, le trafic « searching » concernerait [30-40] % des cas, ce qui est loin d’être négligeable.

322. S’agissant de la stratégie tarifaire, à savoir un forfait fixe, choisi par Doctolib, il convient, tout d’abord, de relever que le choix d’un modèle tarifaire par une entreprise relève avant tout d’un arbitrage qui lui est propre et ne peut permettre de contester l’existence d’effets de réseau. De plus, Doctolib n’apporte pas d’éléments permettant d’étayer son postulat selon lequel le modèle de tarification applicable à tout service de « mise en relation » caractérisé par des effets de réseau importants devrait nécessairement être un paiement unitaire fixe par réservation.

323. À titre illustratif, les plateformes proposant des services de rencontre en ligne, manifestement caractérisés par l’existence d’effets de réseau croisés, adoptent généralement une tarification fixe au forfait (un abonnement). Il en est de même s’agissant des services de diffusion de musique en ligne, comme Spotify, Deezer ou Apple Music, dont la valeur perçue par les utilisateurs est notamment fonction de l’étendue du catalogue disponible sur la plateforme, tandis que les artistes recherchent une audience accrue afin d’augmenter le nombre d’écoutes de leurs œuvres et, partant, leurs revenus. Dans ces deux exemples, les plateformes auraient pu arbitrer autrement et mettre en place un paiement unitaire fixe (par nombre de messages échangés dans le cas de services de rencontre, par exemple, ou dans le cas de plateformes de diffusion de musique, en fonction du nombre de morceaux écoutés et/ou téléchargés par le consommateur). Ainsi, au regard des arbitrages pouvant intervenir dans le choix d’un modèle de tarification, le fait que Doctolib et ses concurrents adoptent une tarification au forfait est sans incidence sur l’appréciation de l’existence d’effets de réseau.

324. Enfin, Doctolib n’explique pas pourquoi un référencement gratuit des professionnels de santé sur les plateformes serait de nature à remettre en cause l’intérêt du service pour les professionnels de santé pour développer leur volume d’activité ou la présence des effets de réseau. En tout état de cause, l’importance pour les praticiens de la visibilité offerte par les plateformes de mise en relations a été démontrée ci-avant.

325. S’agissant des motifs du succès et des moyens déployés par Doctolib, ceux-ci ne permettent pas d’exclure l’existence d’effets de réseau croisés. En effet, il n’est pas contestable, ni d’ailleurs contesté, que la qualité et l’ergonomie de l’outil Doctolib Patient, la performance de son service client et les efforts commerciaux déployés sur le terrain auprès des praticiens dès 2013 ont largement contribué à son succès. Ce constat unanime ne saurait toutefois remettre en question l’existence des effets de réseau croisés. Au contraire, c'est précisément en raison même de l’existence de ces effets que Doctolib a investi de manière significative en recherche et développement et en force commerciale. Par ailleurs, bien que le nombre de commerciaux ainsi que les dépenses commerciales de Doctolib aient augmenté à un rythme plus soutenu que celui des nouveaux abonnés à Doctolib Patient à partir de l'année 2018448, il convient de souligner que cette progression reste proportionnelle à l'évolution du nombre total d'abonnés et que les données source ne permettent pas de s’assurer avec certitude que les objectifs des commerciaux et des dépenses commerciales retenus dans les calculs ne visent pas les ventes des nouveaux services de Doctolib auprès du parc d’abonnés existant(voir les paragraphes 50 et suivants). Surtout, ce constat d’un investissement important dans la force commerciale montre simplement que Doctolib cherche effectivement à recruter davantage de professionnels de santé, notamment les établissements de santé et les praticiens non encore équipés, ce qui lui permet de renforcer encore les effets de réseau et partant les barrières à l’entrée pour d’éventuels concurrents.

Sur le marché des logiciels de gestion à destination des acteurs de la santé

Arguments de Doctolib

326. Doctolib estime que les services qu’elle propose constituent des modules complémentaires et s’inscrivent dans le cadre d’un LGAS unique dont l’objectif est d’aider les praticiens dans les tâches relatives à la gestion clinique et administrative quotidienne. À ce titre, Doctolib Patient et Doctolib Téléconsultation seraient de simples extensions ou « add-on » de la suite logicielle Doctolib Pro, appartenant au marché des LGAS.

327. En premier lieu, elle soutient qu’une sous-segmentation du marché des LGAS seraitcontraire à la pratique décisionnelle de la Commission et notamment à la décisionOracle/Cerner du 1er juin 2022449, selon laquelle une segmentation du marché des logiciels de santé (« healthcare software ») par module ou fonctionnalité pourrait ne pas être « appropriée »450.

328. En deuxième lieu, une sous-segmentation du marché des LGAS serait contraire à la réalité du marché. En effet, l’évolution des offres des acteurs du secteur témoignerait d’une progression naturelle vers le « tout en un ». Tous les opérateurs seraient entrés sur le marché via des fonctionnalités différentes et convergeraient vers un LGAS le plus complet possible par l’ajout progressif et à un rythme variable de nouvelles fonctionnalités. La prise de rendez-vous en ligne ne serait jamais commercialisée seule et serait systématiquement accompagnée par d’autres fonctionnalités dont le nombre et la nature varient en fonction des services offerts par le logiciel451. Des acteurs historiques tels que CompuGroup commercialiseraient le service de prise de rendez-vous en ligne au sein d’une offre unique et intégrée, accompagnée d’autres services propres aux LGAS452. De son côté, Doctolib aurait commencé à développer, pour des raisons à la fois techniques, financières et liées à la lourdeur du processus d’obtention des différentes certifications nécessaires, les services de dossier patient numérique, d’agenda et de prise de rendez-vous en ligne, mais avec l’objectif à terme, et prévu dès la création de l’entreprise, de mettre en place de nouvelles fonctionnalités afin d’offrir aux soignants un LGAS complet453.

329. L’analyse de Doctolib selon laquelle un LGAS est un logiciel « tout en un » intégrant différentes fonctionnalités serait d’ailleurs corroborée par les experts du secteur tels que la Fédération des Éditeurs d’Informatique Médicale et paramédicale Ambulatoire (FEIMA), principal syndicat français représentatif des éditeurs de LGAS, le National Health Service au Royaume-Uni ou encore les opérateurs historiques du marché.

330. En troisième et dernier lieu, Doctolib ajoute qu’au sein des LGAS, il existe des logiciels avec ou sans plateforme de prise de rendez-vous, les deux appartenant au même marché pertinent. Leurs fonctionnalités seraient identiques, à l’exception de la visibilité sur la plateforme des praticiens auprès de patients qui ne les connaissent pas. Or, Doctolib considère que cette visibilité auprès des patients ne représenterait qu’un facteur de différenciation secondaire454.

Réponse de l’Autorité

331. En premier lieu, Doctolib ne saurait soutenir qu’une sous-segmentation du marché des LGAS serait contraire à la pratique décisionnelle de la Commission.

332. S’il ressort effectivement de la décision Oracle/Cerner du 1er juin 2022 que certains éléments indiquent qu’une telle segmentation « pourrait ne pas être appropriée », la Commission conclut cependant qu’aux « fins de la présente décision, la définition exacte du marché de produits des logiciels de soins de santé peut être laissée ouverte, car l'opération ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, quelle que soit la définition plausible du marché ». La Commission a ainsi procédé à l’analyse des parts de marché de Cerner sur un marché global des logiciels de santé, mais également selon une segmentation par modules.

333. Par conséquent la Commission n’a pas conclu à l’impossibilité d’une segmentation du marché des logiciels de santé par modules, mais a au contraire laissé ouverte la possibilité d’une telle segmentation.

334. En deuxième lieu, la complémentarité des fonctionnalités et services ne saurait justifier l’existence d’un marché global des LGAS.

335. D’une part, cela reviendrait à nier les particularités de chaque service ou solution proposés ainsi que des technologies associées, chacun étant en mesure de répondre à une fonction propre ainsi qu’à des besoins spécifiques exprimés par les professionnels de santé. Ainsi, un logiciel de gestion de cabinet ne répond pas aux mêmes caractéristiques qu’un service de prise de rendez-vous en ligne proposant une plateforme mettant en relation praticiens et patients ou qu’une solution de vidéotransmission permettant aux professionnels de santé de réaliser des téléconsultations médicales.

336. D’autre part, cela signifierait que les professionnels de santé cherchent à utiliser indistinctement l’ensemble des services intégrés proposés par un LGAS. Or, un professionnel de santé peut, par exemple, avoir recours à un logiciel de gestion de cabinetsans utiliser de service de prise de rendez-vous en ligne ou avoir recours à un service de prise de rendez-vous en ligne sans pour autant réaliser des téléconsultations et disposer d’une solution de vidéotransmission dédiée.

337. Ainsi, un professionnel de santé peut tout à fait choisir de recourir au logiciel de gestion d’un opérateur, proposant un agenda interne et à un service de prise de rendez-vous en ligne auprès d’un autre acteur. C’est d’ailleurs le choix qui a pu être fait par les clients de Doctolib Patient, notamment jusqu’en 2021, Doctolib n’ayant lancé son propre logiciel métier de gestion de cabinet qu’à cette date. À suivre le raisonnement opéré par Doctolib, cela signifierait qu’à défaut de proposer son propre logiciel métier rattaché à Doctolib Patient, de nombreux clients n’auraient pas eu d’intérêt à utiliser un tel service en raison du défaut de continuité nécessitant des actions manuelles pour la gestion de l’agenda et du dossier patient. Or, dès 2014, Doctolib Patient représentait le service de prise de rendez-vous médicaux en ligne comptant le plus grand nombre de clients professionnels de santé.

338. De plus, si des acteurs historiques comme CompuGroup ou Cegedim Santé peuvent présenter au public leurs logiciels de gestion de cabinet respectifs comme comprenant différentes fonctionnalités au sein d’une offre unique, cela ne signifie pas que ces dernières sont indissociables et répondent à un besoin identique et unique. Au contraire, ces entreprises proposent aux professionnels de santé des solutions commercialisables et commercialisées de manière séparée selon chaque besoin455.

339. Enfin, Doctolib ne démontre pas que l’ensemble des opérateurs proposant des logiciels de gestion se diversifieraient vers la prise de rendez-vous en ligne ou la téléconsultation, ni que les opérateurs proposant des services de prise de rendez-vous en ligne ou sur le marché des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales se diversifieraient nécessairement, de leur côté, vers la proposition d’offres de logiciels de gestion de cabinet.

340. En troisième lieu, les services sans plateforme de prise de rendez-vous, tels que MadeforMed, ne peuvent être inclus dans le même marché pertinent que les logiciels avec plateforme de prise de rendez-vous. En effet, si ces deux types de services permettent la prise de rendez-vous en ligne, une différence majeure les distingue : la fonction de mise en relation entre professionnels de santé et patients, qui n’est permise qu’avec les plateformes.

Contrairement à ce qu’avance Doctolib, l’absence de visibilité et de potentiel d’acquisition de patientèle n’est pas négligeable et reviendrait à nier le caractère biface du marché et l’importance des effets de réseau croisés démontrés ci-avant (cf. supra paragraphes 310 etsuivants).

341. Au regard de l’ensemble de ces éléments, la définition d’un marché pertinent unique des LGAS ne saurait être retenue en l’espèce.

Sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne

Sur le marché de produits pertinent

 Arguments de Doctolib

342. En premier lieu, Doctolib estime que s’il fallait retenir un marché pertinent des services de prise de rendez-vous médicaux, il conviendrait de prendre en compte la pression concurrentielle exercée par les modes de prise de rendez-vous hors ligne, comme le téléphone, le courriel ou sur place, qui présenteraient un degré de substituabilité élevé avec la prise de rendez-vous en ligne456.

343. Elle avance à cet effet qu’une majorité de praticiens (plus de [70-80] %) conserve un mode de prise de rendez-vous hors ligne et que les offres d’opérateurs couplant des services de prise de rendez-vous en ligne et hors ligne (offre combinée, partenariat avec des télésecrétariats ou standard virtuel hors ligne) se substitueraient encore plus directement à la prise de rendez-vous en ligne. Enfin, Doctolib relève qu’en tout état de cause, les différents

455 Cegedim Santé distingue non seulement ses solutions selon les différents besoins du client professionnel de santé, mais opère également une distinction entre ses solutions logicielles de gestion de cabinet et les solutions en ligne relevant de la suite Maiia, chacun de ces outils étant commercialisés et utilisables de manière séparée.

Pour les médecins, CompuGroup Médical France propose (i) les logiciels AxiSanté, HelloDoc ou Acteur.fr

pour la gestion des dossiers patients ; (ii) la solution « CGM e Vitale » pour les besoins de facturation et de télétransmission ; (iii) la solution « ClickDoc Pro Agenda en ligne » pour la gestion de l’agenda et de l’activité au quotidien ; (iv) la solution « ClickDoc Pro RDV en ligne » pour permettre aux patients de prendre un rendezvous en ligne avec une connexion possible aux logiciels de gestion de cabinet ; ou encore (v) la solution « ClickDoc Pro Téléconsultation » pour le suivi en consultation à distance des patients (voir la page internet des solutions dédiées aux médecins et proposées par CompuGroup Médical France : modes de prise de rendez-vous et les services associés seraient de plus en plus offerts de manière intégrée par l’ensemble des acteurs du secteur.

344. Par ailleurs, la pression concurrentielle exercée par la prise de rendez-vous hors ligne se vérifierait dans les faits, dès lors qu’une part significative (entre [confidentiel] % et [confidentiel] %) des départs de Doctolib Patient (hors motifs de churn dit « naturels »457) se ferait au profit d’une solution de prise de rendez-vous hors ligne.

345. En second lieu, Doctolib considère que les logiciels de prise de rendez-vous sans plateforme, qui permettent la prise de rendez-vous sur le site internet des praticiens, de leur hôpital ou de leur maison de santé, seraient substituables aux logiciels avec plateforme tels que Doctolib Patient. Ces logiciels sans plateforme proposeraient généralement un ensemble de services de gestion de la relation avec les patients incluant a minima l’agenda et la prise de rendez-vous en ligne, ainsi que d’autres fonctionnalités.

346. Selon Doctolib, la seule différence entre ces deux types de logiciels correspond à la visibilité apportée par la plateforme aux professionnels de santé auprès de patients qui ne les connaissent pas. Or, comme elle le soutient constamment, cette visibilité et la recherche d’accroissement de la patientèle ne constitueraient qu’un facteur de différenciation secondaire, les deux types de logiciels répondant principalement aux besoins des professionnels de santé de gagner du temps avec la prise de rendez-vous en ligne, de réduire les rendez-vous non honorés et d’améliorer la prise en charge des patients458.

-Réponse de l’Autorité

347. En premier lieu, les éléments avancés par Doctolib ne permettent pas de conclure à une substituabilité suffisamment forte entre les services de prise de rendez-vous en ligne et hors ligne.

348. Tout d’abord, en soutenant que ces deux services sont substituables, Doctolib nie leurs caractéristiques propres, en particulier celles des services en ligne, marqués par des effets de réseau croisés (voir en ce sens les paragraphes 310 et suivants). Ainsi, les offres de services de prise de rendez-vous hors ligne ne présentent pas de caractère biface et n’offrent pas de visibilité particulière aux professionnels de santé auprès des patients ni ne permettent aux patients de rechercher un professionnel de santé parmi un ensemble et selon les critères de leurs choix.

349. Par ailleurs, les services de prise de rendez-vous en ligne et hors ligne se distinguent (i) sur le plan technologique, (ii) au niveau des services offerts et (iii) au niveau de la structure de l’offre.

350. Sur le plan technologique, les technologies et infrastructures de ces deux services de prise de rendez-vous diffèrent, l’une étant proposée en ligne via une plateforme, un portail ou une interface, l’autre via le téléphone avec la nécessaire présence d’une personne physique.

351. Les services offerts ne sont pas les mêmes. D’un côté, comme le confirment la majorité des opérateurs interrogés, les services de prise de rendez-vous médicaux hors ligne s’insèrent dans une offre plus globale de secrétariat ou de télésecrétariat médical, permettent de gérer toutes les prises de rendez-vous, des plus simples aux plus complexes et, de manière générale, toutes les situations nécessitant une prise en charge directe des patients au moyen

352. La structure de l’offre diffère. L’offre hors ligne est dispensée soit par des secrétariats physiques employés directement par les professionnels de santé, soit par des entreprises dédiées à l’activité de télésecrétariat, souvent de petites, voire très petites entreprises, qui peuvent exercer leur activité dans d’autres secteurs que le seul secteur médical. Le secteur des services de télésecrétariat médical correspond d’ailleurs à un marché atomisé, comptant une multitude d’acteurs, avec une clientèle nationale, voire régionale ou locale. À l’inverse, le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne compte un nombre bien plus limité d’opérateurs.

353. Enfin, s’agissant du taux de churn au profit des solutions hors ligne, qui exerceraient une pression concurrentielle sur Doctolib Patient, il convient de rappeler que Doctolib elle-même estime en interne bénéficier d’un « taux de churn ridicule »

462. En outre, le pourcentage de départs vers des solutions « hors ligne » reste tout à fait minoritaire. En tout état de cause, pour les raisons exposées ci-dessus, il s’agit bien de deux services différents appartenant à des marchés distincts. Ainsi, le seul fait que des clients résilient leur contrat pour opter pour d’autres services de gestion de rendez-vous hors ligne ne suffit pas à caractériser une pression concurrentielle de nature à établir l’existence d’un marché englobant ces solutions, a fortiori lorsque les motivations à l’origine de ces résiliations sont inconnues.

354. Par conséquent, les services de prise de rendez-vous médicaux dits « hors ligne » n’apparaissent pas substituables aux services de prise de rendez-vous médicaux en ligne.

355. En second lieu, les logiciels sans plateforme incluant la prise de rendez-vous en ligne sur le site internet des professionnels de santé ou permettant la réservation d’un rendez-vous auprès

356. En effet, si ces deux types de services peuvent tous deux répondre à un objectif global de gain de temps et de réduction des rendez-vous non honorés, leur principale différence porte sur la fonction de mise en relation entre professionnels de santé et patients qui n’est permise qu’avec les plateformes. Or contrairement à ce qu’avance Doctolib, l’absence de visibilité et de potentiel d’acquisition de patientèle n’est pas négligeable et reviendrait, une fois encore, à nier de manière injustifiée le caractère biface du marché et l’importance des effets de réseau croisés démontrés ci-avant (voir en ce sens les paragraphes 310 et suivants).

357. Par conséquent, les logiciels sans plateforme incluant la prise de rendez-vous en ligne sur le site internet des professionnels de santé ou permettant la réservation d’un rendez-vous auprès d’un praticien déjà identifié sur le site internet de l’éditeur n’apparaissent pas substituables aux services de prise de rendez-vous médicaux en ligne proposés par les plateformes.

358. Il ressort de l’ensemble de ces éléments que seuls les services de prise de rendez-vous médicaux en ligne proposés par les plateformes doivent être inclus dans le marché pertinent, à l’exclusion des services de prise de rendez-vous médicaux dits « hors ligne » et des sites Internet personnels des professionnels de santé.

Sur le marché géographique pertinent

359. S’agissant des marchés géographiques, la pratique décisionnelle considère que les marchés de services informatiques sont de dimension nationale, notamment en raison de la nécessité pour les prestataires de ces services de communiquer régulièrement dans la langue de leurs clients et de maintenir une relative proximité avec ces derniers463. Par ailleurs, la réglementation nationale des systèmes de santé implique des développements techniques spécifiques à chaque pays.

360. En l’espèce, pour les mêmes raisons, il y a lieu de considérer que le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne est de dimension nationale.

361. Ce point n’est pas contesté par Doctolib.

362. La télémédecine est une activité du secteur de l’e-santé qui recouvre les actes médicaux réalisés à distance par des professionnels médicaux, au moyen d’un dispositif utilisant les technologies de l’information et de la communication. Ainsi qu’indiqué précédemment aux paragraphes 13 et suivants, les cinq actes de télémédecine distingués à l’article R. 6316-1 du CSP répondent à une définition propre et ont chacun un objet spécifique et non comparable les uns aux autres. Les éléments recueillis dans le cadre de l’instruction montrent que la télémédecine doit être segmentée selon l’acte de télémédecine effectué. Ainsi, la téléconsultation se distingue des activités de télé-expertise, de télésurveillance médicale, de téléassistance médicale et de réponse médicale.363. S’agissant des solutions technologiques permettant la réalisation de téléconsultations médicales, seules concernées par la notification de griefs, celles-ci ont pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. En tant qu’acte médical, la téléconsultation doit s’exercer dans le respect des règles de la pratique clinique ainsi que de déontologie médicale et répond à un régime spécifique de prise en charge par l’Assurance maladie (voir les paragraphes 13 et suivants).

364. Sur ce segment, la demande provient des professionnels de santé, exerçant seuls ou à plusieurs, au sein d’un cabinet médical, de structures de soin ou d’établissements de santé.

L’offre provient quant à elle d’entreprises proposant aux clients professionnels de santé des outils technologiques et interfaces techniques de vidéotransmission sécurisée pour la réalisation d’actes de téléconsultation. Ces solutions doivent répondre à certaines garanties et exigences liées aux activités de télémédecine, ainsi qu’à des exigences de sécurité et de protection des données personnelles de santé, en conformité avec le règlement général sur la protection des données et la politique générale de sécurité des systèmes d’information de santé.

365. Les solutions technologiques proposées par ces entreprises peuvent se présenter sous différentes formes et selon des modalités différentes, qui ne sont pas exclusives les unes des autres. Il est ainsi possible de distinguer (i) les téléconsultations dites programmées, généralement entre un professionnel de santé et un patient qui se connaissent préalablement, selon un créneau fixé à l’avance et qui ont directement vocation à être prises en charge par l’Assurance maladie ; et (ii) les téléconsultations dites immédiates, entre un professionnel de santé et un patient généralement non connu préalablement et dont la prise en charge par l’Assurance maladie n’est possible que sous certaines conditions. Ces services sont proposés via des solutions technologiques dédiées, permettant un accès avec ou sans délai à un professionnel de santé, généralement par le biais de plateformes ou d’autres dispositifs tels que les bornes de téléconsultation. Dans certains cas, ces entreprises peuvent également recourir à des professionnels de santé salariés de structures partenaires. Bien que les téléconsultations puissent être réalisées selon différentes modalités, il n’y a pas lieu de segmenter le marché, le service offert étant de fournir une solution technologique de vidéotransmission dédiée permettant aux professionnels de santé de réaliser des consultations à distance.

Sur le marché de produits pertinent

Arguments de Doctolib

366. En premier lieu, Doctolib considère que Doctolib Téléconsultation a été conçu comme un add-on, une fonctionnalité proposée en complément de Doctolib Patient, qui ne revêtirait pas d’intérêt pour les praticiens sans la possibilité pour les patients de réserver en ligne la téléconsultation464. En cela, la fonctionnalité Doctolib Téléconsultation n'est pas vendue séparément de Doctolib Patient et ne serait donc pas un service distinct de Doctolib Patient, appartenant à un marché pertinent distinct.

367. En deuxième lieu, Doctolib soutient que dans l’hypothèse où un marché restreint de la téléconsultation serait retenu, il conviendrait d’y inclure les services non spécialisés gratuits tels que WhatsApp ou Facetime, qui permettent la réalisation de consultations vidéo à distance. Doctolib fait valoir dans ce cadre qu’une part significative de téléconsultations étaitréalisée en France, sur l’ensemble de la période des pratiques alléguées, via ces outils465.

368. Enfin, elle avance que le fait que les services non spécialisés ne disposent pas des mêmes fonctionnalités que les services spécialisés (partage sécurisé de documents, paiement en ligne, etc.) n’est pas un frein important pour les professionnels de santé466.Réponse de l’Autorité

369. En premier lieu, la complémentarité des solutions Doctolib Patient et Doctolib Téléconsultation ne saurait démontrer l’existence d’un marché pertinent regroupant ces deux services.

370. En effet, ces solutions offrent des services tout à fait différents : pour l’une, permettre à un professionnel de santé d’offrir une fonctionnalité de prise de rendez-vous en ligne aux patients et aux patients de rechercher et de trouver un professionnel de santé qui leur correspond et de réserver une consultation médicale ; pour l’autre, offrir à un professionnel de santé une solution technologique de vidéotransmission sécurisée pour qu’il puisse réaliser des consultations à distance. Chacune de ces solutions répond ainsi à des spécificités propres, étant précisé que les solutions de téléconsultation doivent répondre en sus à des exigences particulières (voir les paragraphes 13 et suivants).

371. Ainsi, les solutions de téléconsultation ne correspondent pas à des services de mise en relation entre professionnels de santé et patients, mais sont destinées et commercialisées auprès des professionnels de santé uniquement. Elles ne présentent donc pas de face « patient ». Pour apprécier l’intérêt d’un tel outil et en déterminer les particularités, il convient donc de se placer du côté de la demande au regard des seuls clients professionnels de santé. Or, ce n’est qu’en se plaçant du côté des patients que Doctolib soutient l’indissociabilité des deux services en ce que les patients, pour avoir recours à une téléconsultation programmée, devraient avant tout pouvoir réserver un rendez-vous.

372. Dès lors, une solution de téléconsultation telle que celle proposée par Doctolib ou par ses concurrents, constitue un outil séparé, utilisable indépendamment d’un outil de prise de rendez-vous en ligne et commercialisé en tant que service distinct, même s’il peut être

373. En outre, comme cela a été indiqué au paragraphe 20, le nombre de solutions de

téléconsultation est bien plus élevé que celui de services de prise de rendez-vous en ligne présents sur le marché, ce qui démontre bien que de telles solutions sont fonctionnelles sans forcément être associées à une prise de rendez-vous en ligne.

374. Enfin, dans ses documents internes, Doctolib considère ses activités de prise de rendez-vous médicaux en ligne et de téléconsultation de manière séparée et analyse leurs performances de vente, positionnement et parts de marché de manière distincte et non comme un service unique (voir en ce sens les paragraphes 104 et suivants).

375. Par conséquent, les solutions technologies dédiées permettant de réaliser des téléconsultations médicales n’appartiennent pas au marché des services de prise de rendezvous médicaux en ligne.

376. En second lieu, si certains praticiens peuvent, de fait, avoir recours à des services de messagerie instantanée grand public disposant d’une vidéo pour réaliser une consultation, ces messageries ne répondent aucunement aux exigences spécifiques à la télémédecine imposées par le CSP concernant notamment l’authentification des professionnels intervenant à l’acte ou encore l’accès de ces derniers aux données de santé, ni aux exigences de sécurité et de protection des données personnelles de santé ainsi qu’à la conformité aux référentiels d’interopérabilité (voir en ce sens les paragraphes 13 et suivants). De plus, lorsque les exigences liées à la vidéotransmission ont été assouplies lors de la crise sanitaire (voir le paragraphe 23 ci-avant), les opérateurs de téléconsultation interrogés ont indiqué, de manière générale, que l’utilisation des outils dits « grand public » a été limitée, dans la mesure où ils ne détiennent aucun agrément ni certification et ne seraient pas en conformité avec les règles de sécurité des données470.

377. Interrogé sur la possibilité de réaliser des téléconsultations via des outils de messagerie grand public au moment de la crise sanitaire, le président de Doctolib indiquait d’ailleurs : « [j]e n’ai pas compris les annonces d’Olivier Véran [alors ministre de la santé] quant aux téléconsultations sur WhatsApp, Facebook ou encore Skype. Ce n’est pas dans le décret.

378. Cette différence entre les solutions technologiques dédiées et les services non spécialisés, non habilités à la réalisation de téléconsultations médicales dans un cadre réglementé et sécurisé, a d’ailleurs été renforcée par l’adoption d’un référentiel d’exigences applicable aux systèmes d’information de téléconsultation et d’un certificat de conformité, permettant aux sociétés de téléconsultation salariant des professionnels de santé d’obtenir un agrément permettant de bénéficier de la prise en charge des actes de téléconsultation par l’Assurance maladie472.

379. S’agissant des fonctionnalités annexes telles que le partage de documents et le paiement en ligne, celles-ci participent des garanties de sécurité liées à la réalisation de téléconsultations médicales, tant pour le professionnel de santé qui a la garantie de son paiement par une voie sécurisée, que pour le patient qui a la garantie de la préservation de ses données de santé avec un partage sécurisé.

380. Par conséquent, les services non spécialisés identifiés par Doctolib, tels que les services de messagerie instantanée avec vidéo et les services hors ligne, ne sont pas substituables aux solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales.

381. Il ressort de l’ensemble de ce qui précède qu’un marché des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales doit être retenu pour les besoins de la présente affaire.

Sur le marché géographique pertinent

382. Ainsi que rappelé au paragraphe 359, la pratique décisionnelle a considéré que les marchés des services informatiques sont de dimension nationale. Par ailleurs, la pratique décisionnelle de l’Union473 a envisagé une dimension nationale des services de télésanté, compte tenu des contraintes linguistiques et de la réglementation nationale.

383. En l’espèce, pour les professionnels de santé, l’acte de téléconsultation répond aux exigences de tout acte médical, dans le respect de la réglementation applicable aux conditions d’exercice de la profession, des règles de déontologie, ainsi que des standards de la pratique clinique. La prise en charge de cette activité par l’Assurance maladie répond également à des règles nationales fixées par les différents avenants à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’Assurance maladie. Ainsi, les solutions technologiques dédiées à la réalisation de téléconsultations médicales doivent permettre un

384. Ainsi, au regard des contraintes linguistiques, de la réglementation nationale et des développements techniques spécifiques à chaque pays, il peut être considéré que le marché des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales revêt une dimension nationale.

385. Ce point n’est pas contesté par Doctolib.

c) Sur la connexité des marchés des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et des solutions de technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales

386. Les marchés des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et des solutions de technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales, bien que distincts, présentent des liens de connexité entre eux.

387. En effet, le service de prise de rendez-vous médicaux en ligne et la fourniture de solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales s’inscrivent tous les deux dans le domaine de l’e-santé et sont destinés à une même clientèle. Ainsi, la demande pour ces deux services distincts émane des professionnels de santé désireux d’offrir aux patients une possibilité de prise de rendez-vous en ligne pour leur cabinet médical selon les disponibilités de leur agenda, ou de bénéficier d’une solution technologique dédiée leur permettant de réaliser des consultations médicales à distance avec les patients.

388. Cette connexité ressort également de l’offre de certains opérateurs qui proposent ces deux services simultanément aux professionnels de santé, celle-ci pouvant se présenter sous forme de bundle ou de pack. À cet égard, il est à noter que Doctolib lie ces deux services, la souscription au service Doctolib Téléconsultation n’étant accessible qu’avec la souscription préalable au service Doctolib Patient. L’inverse n’est cependant pas vrai. De manière paradoxale, Doctolib considère d’ailleurs que ces services devraient appartenir au même marché, tout en les identifiant comme des fonctionnalités complémentaires et supplémentaires474 à destination des professionnels de santé, démontrant ainsi leur complémentarité, en l’absence de toute substituabilité.

389. Par conséquent, il y a lieu de considérer qu’un lien de connexité existe entre le marché français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et le marché français des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales. La connexité entre ces deux marchés n’est pas contestée par Doctolib.

390. La position dominante est définie comme une « position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs »475.

391. L’existence d’une position dominante peut résulter de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants476. Parmi ces facteurs, l’existence de parts de marché d’une grande ampleur est hautement significative477. Ainsi, il est de jurisprudence constante que des parts de marché extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, une part de marché durable supérieure ou égale à 50 % constitue par elle-même, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante478.

392. Outre le niveau des parts de marché de l’entreprise en cause, il y a également lieu de tenir compte du rapport entre les parts de marché détenues par l’entreprise concernée et par ses concurrents. La possession d’une part de marché extrêmement importante met l’entreprise qui la détient, pendant une période d’une certaine durée, par le volume de production et d’offre qu’elle représente – sans que les détenteurs de parts sensiblement plus réduites soient en mesure de satisfaire rapidement la demande qui désirerait se détourner de l’entreprise détenant la part la plus considérable –, dans une situation de force qui fait d’elle un partenaire obligatoire et qui, de ce seul fait, lui assure, tout au moins pendant des périodes relativement longues, l’indépendance de comportement caractéristique de la position dominante479.

393. Le Tribunal de l’Union européenne (ci-après le « Tribunal ») a toutefois considéré, s’agissant des secteurs récents en pleine expansion et qui se caractérisent par des cycles d’innovation courts et un contexte dynamique, que dans certaines conditions des parts de marché élevées ne sont pas nécessairement indicatives d’un pouvoir de marché480.

394. D’autres facteurs importants lors de l’évaluation de la position dominante sont l’existence d’une puissance d’achat compensatrice et de barrières à l’entrée ou à l’expansion, empêchant soit les concurrents potentiels d’avoir accès au marché, soit les concurrents réels d’étendre leurs activités sur le marché481. Ces obstacles peuvent résulter d’un certain nombre de facteurs, y compris des investissements en capital exceptionnellement importants que les concurrents devraient égaler, des externalités de réseau qui entraîneraient des coûts supplémentaires pour attirer de nouveaux clients, des économies d’échelle dont les nouveaux venus sur le marché ne peuvent tirer aucun avantage immédiat et des coûts d’entrée réels encourus pour pénétrer le marché482. Les coûts de changement ne sont donc qu’un type possible de barrière à l’entrée et à l’expansion.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPÈCE

395. Doctolib soutient qu’elle n’est pas en position dominante tant sur les marchés pertinents alternatifs qu’elle propose (a) que sur les marchés français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne (b) et des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales (c).

a) Sur les marchés pertinents alternatifs

396. Au regard des éléments développés aux paragraphes 331 à 341, 347 à 358 et 369 à 381 les arguments de Doctolib relatifs à la faiblesse de ses parts de marché sur les marchés alternatifs qu’elle propose sont inopérants et doivent être écartés.

b) Sur le marché français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne

Sur les parts de marché de Doctolib

397. Doctolib soutient que sa part de marché serait surévaluée par les services d’instruction en ce qu’ils excluent les logiciels de prise de rendez-vous sans plateforme dédiée et permettant la prise de rendez-vous médicaux en ligne sur les sites des praticiens ou de leur établissement de santé ou encore sur des portails où seul le nom d’un praticien peut être entré par le patient483.

398. Au regard des éléments développés aux paragraphes 355 à 358, ces logiciels et portails n’appartiennent pas au marché pertinent défini au cas d’espèce. Les parts de marché de Doctolib doivent donc être déterminées au regard du seul marché français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne.

399. Il ressort des éléments du dossier que les parts de marché de Doctolib, que ce soit en nombre de clients de services de prise de rendez-vous médicaux en ligne ou en chiffre d’affaires réalisé via ces services, sont de manière constante supérieures à 50 % entre 2017 et 2022.

400. S’agissant du nombre de clients professionnels de santé, celui-ci traduit le mieux le pouvoir de marché des différents acteurs dans la mesure où c’est sur cette face « professionnels de santé » du marché que les acteurs monétisent leurs solutions respectives.

401. Cette analyse est confirmée par les éléments recueillis aussi bien auprès de Doctolib que de ses concurrents. Dans une ordonnance sur requête délivrée le 26 octobre 2016, à la demande de Doctolib, par le tribunal de commerce de Nanterre, ainsi que dans le projet de protocole transactionnel entre Doctolib et MonDocteur dont la version définitive a été signée au mois d’octobre 2017, il était indiqué notamment que « [l]’enjeu principal pour ces deux acteurs est de fédérer un maximum de praticiens (…) Le démarchage de praticiens est donc un élément central du développement économique de chacune des Parties »484. Dans le même sens, l’opérateur Solocal (ClicRDV) considère que « [l]e nombre de clients acquis sur le marché est selon nous un facteur clé, il est plus pertinent que le nombre de RDV car nos business modèles sont construits sur l’abonnement »485.

402. En nombre de clients professionnels de santé, comme le montre le tableau ci-dessous, Doctolib a rapidement gagné des parts de marché après le lancement de son service de prise de rendez-vous médicaux en ligne en 2013 et son poids sur le marché n’a cessé de croître depuis lors, hormis deux légères baisses en 2016 puis en 2020. Doctolib est ainsi rapidement devenue la leader du marché, avec une part de marché supérieure à 50 % dès 2014, et une forte augmentation de cette part de marché à compter de 2018, notamment à la suite du rachat de MonDocteur. Depuis 2019, Doctolib détient près de [75-80] % de part de marché, loin devant ses principaux concurrents :

− Doctolib a des parts de marché trois à cinq fois plus importantes que celles de son premier concurrent, Solocal (ClicRDV), qui était avant 2014 le leader du marché et dont les parts de marché déclinent fortement depuis 2016 pour atteindre [10-15] % en 2022. En outre, les parts de marchés de Solocal sont à relativiser à la baisse dans la mesure où elle n’a pu fournir de données précises relatives au nombre de clients de sa solution, compte tenu des incertitudes liées à l’ancienneté de données qui n’ont pas été conservées au cours du temps et a en conséquence fourni une estimation qui ne tient pas compte des résiliations, ni des comptes clients qui ne sont plus actifs ;

− jusqu’en 2018, date de son acquisition par Doctolib, MonDocteur détenait des parts de marché significatives, mais presque deux fois inférieures à celle de Doctolib ;

− les autres concurrents de Doctolib, pour certains arrivés plus tard sur le marché, connaissent depuis 2017 soit une décroissance de leur activité avec des parts de marché individuelles inférieures à [0-2] %, soit une croissance sans commune mesure avec celle de Doctolib, avec des parts de marché individuelles qui restent inférieures à [0-5] %.

403. S’agissant du chiffre d’affaires réalisé, cet indicateur peut compléter utilement l’analyse des parts de marché en nombre de clients car il traduit la capacité des différents acteurs à monétiser leur clientèle. En effet, la part de marché en valeur, calculée à partir du chiffre d’affaires engendré par les abonnements aux services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, est le résultat des performances d’un opérateur qui facture ses services en tenant compte de la propension à payer d’un praticien pour proposer une prise de rendez-vous en ligne aux patients via une plateforme, qui elle-même dépend de l’importance de son attractivité auprès des patients.

404. Comme le montre le tableau ci-dessous, Doctolib détient une part de marché de près de 75 % en 2017 et de plus de 90 % depuis 2018, confirmant ainsi les données en nombre de clients et son pouvoir de marché493. Ce dernier apparaît d’autant plus important que les parts de marché en valeur de Doctolib sont significativement plus élevées que celles en volume.

405. S’agissant du nombre de rendez-vous médicaux réservés en ligne, il permet de refléter l’intensité d’utilisation d’une solution sur la face « patient ».

406. Comme le montre le tableau ci-dessous, le poids de Doctolib, en nombre de rendez-vous réservés, n’a cessé de croître avec une accélération très importante à partir de 2018, sa part de marché atteignant près de 60 % en 2018 et plus de 90 % en 2022.

407. Son principal concurrent, Solocal (ClicRDV), a vu son activité décliner depuis l’arrivée de Doctolib sur le marché, en particulier à partir de 2018. Sa part de marché est ainsi passée de près de 70 % en 2017 à environ 40 % en 2018, avant de décliner pour n’être plus que de l’ordre de 6 % en 2022. Les parts de marché des autres opérateurs sont restées très marginales, chacun représentant moins de 0,4 % des rendez-vous pris, hormis Docavenue/Maiia dont la part de marché reste toutefois inférieure à 3 %.

408. Ces différents éléments chiffrés sont cohérents avec les déclarations des opérateurs du secteur interrogés lors de l’instruction508, lesquels ont pu qualifier la présence de Doctolib d’ultra-dominante voire monopolistique509.

409. Ils sont également cohérents avec les documents internes à Doctolib qui considérait, dès 2015, être peu affectée par la concurrence et détenir 50 % de parts de marché, tout en se positionnant en tant que leader incontesté du marché en France, devant ses principaux concurrents de l’époque, avec une croissance mensuelle bien supérieure510. En 2016, elle considérait détenir une part de marché d’environ 70 %, cinq fois plus que son principal concurrent MonDocteur, et se félicitait d’avoir remporté les marchés des hôpitaux privés et des centres médicaux, ses concurrents n’ayant pas réussi à obtenir d’accords stratégiques avec ces clients511. En 2018, Doctolib évaluait sa part de marché à près de 80 %512 etindiquait avoir équipé 75 % des praticiens et établissements ayant opté pour un service de prise de rendez-vous en ligne513. La part de marché de Doctolib s’est encore accrue à la suite du rachat de MonDocteur, lui permettant d’atteindre, selon elle, 95 % de parts de marché514.

410. Il ressort également de nombreux documents et échanges de courriels internes515 à Doctolib que celle-ci se considère comme étant en position de leader ou d’ultra leader s’agissant du service de prise de rendez-vous médicaux en ligne, voire comme étant un service incontournable, en situation de position dominante, de quasi-monopole voire de monopole. Il ressort par exemple d’un document intitulé « Legal Business Risks Review », daté du 25 septembre 2020, que la position dominante de Doctolib a été identifiée comme une situation de risque auquel elle est exposée en matière de droit de la concurrence516.

411. De même, dans un courriel du 25 août 2020, un responsable de Doctolib a exprimé des doutes sur l’opportunité d’une évolution tarifaire, ces doutes étant « [r]enforc[és] par notre situation de quasi-monopole qui ne laisse aucun doute sur le fait que cela vient de nous / encore plus comme on a décidé de le shooter en notre nom »517.

412. Nonobstant ces différents éléments, Doctolib soutient que sur un marché naissant, une part de marché très élevée ne signifie pas que l’opérateur qui la détient est dominant, ni que cette domination serait durable. Il serait dès lors prématuré de conclure quant à sa position dominante, dès lors que la prise de rendez-vous en ligne serait une activité récente, en pleine expansion et où une grande part du marché reste à conquérir518. Ainsi, en 2017, seuls 7 % des praticiens en activité auraient souscrit à une offre de prise de rendez-vous en ligne et en 2022, il resterait plus de [70-80] % des professionnels de santé qui n’utiliseraient pas encore de tels services et qui seraient donc accessibles aux offres concurrentes. Le constat serait le même sur la face « patients », avec une utilisation assez modeste des services de prise de rendez-vous en ligne sur la période, de 2017 au mois de juin 2024519.

413. Toutefois, premièrement, comme indiqué précédemment au paragraphe 393, il ressort de la jurisprudence de l’Union que le critère des parts de marché élevées demeure pertinent s’agissant d’un marché en forte croissance qui ne montre pas de signe d’instabilité pendant la période litigieuse et où une hiérarchie stable est établie, ce qui est le cas en l’espèce.

414. Comme démontré ci-avant, après son entrée sur le marché en 2013, le poids de Doctolib n’a cessé de croître, la plaçant en position de leader sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne dès 2017. Alors même que le marché a connu une croissance importante depuis lors, sa part de marché est restée élevée et en progression régulière et Doctolib est l’entreprise ayant le plus profité de cette croissance. En outre, cette évolution est dépourvue de signes d’instabilité au cours de la période litigieuse, et une hiérarchie stable en termes de parts de marché entre Doctolib et ses concurrents peut être observée. Ce positionnement de Doctolib est reconnu unanimement par les acteurs du secteur, mais également par Doctolib elle-même.

415. Deuxièmement, s’agissant du marché « adressable » mis en avant par Doctolib, qui correspondrait à l’ensemble des professionnels de santé libéraux ou mixtes520 exerçant en France, il convient, à titre liminaire, de relever que la taille d’un marché n’est pas figée dans le temps et que, sur un marché émergent en pleine croissance, les consommateurs futurs (i.e., les professionnels de santé) ne deviennent des opportunités et des débouchés réels pour les entreprises présentes sur ce marché qu’à partir du moment où ils prennent la décision effective d’y entrer (i.e., en l’espèce, de s’équiper en solution numérique pour la prise de rendez-vous médicaux en ligne). Or, Doctolib n’apporte pas d’éléments précis permettant de considérer qu’au moins une partie des professionnels de santé « non adressés » sont susceptibles d’être intéressés par ses services ou ceux de ses concurrents. D’une part, à l’époque des pratiques, de nombreux professionnels de santé ont mis plusieurs années à reconnaître l’utilité d’une plateforme de réservation en ligne. D’autre part, de nombreux autres professionnels de santé n’étaient pas (et ne sont toujours pas aujourd’hui) susceptibles d’adopter un tel outil. Ainsi, certains peuvent estimer que le coût des abonnements à des plateformes en ligne comme Doctolib n’est pas justifié. D’autres peuvent privilégier une gestion autonome de leurs rendez-vous ou passer par un secrétariat, afin de préserver une relation plus directe et personnalisée avec leurs patients521. De même, certains praticiens, notamment les plus âgés mais pas exclusivement, peuvent se montrer réticents à adopter des outils numériques pour des raisons techniques, liées à la sécurité ou à la confidentialité, ou encore par désintérêt pour les innovations technologiques. Enfin, certaines professions de santé se prêtent moins à l’utilisation de plateformes de réservation en ligne en raison de la nature même de leur activité522.

416. Ainsi, l’analyse de Doctolib consistant à considérer que, chaque année, l’intégralité des professionnels de santé en activité en France est susceptible d’être intéressée par ses services et ceux de ses concurrents est infondée, car elle ignore entièrement des critères essentiels tels que les besoins réels, les intentions d’achat ou encore les capacités des consommateurs (i.e., les praticiens) à adopter un produit ou un service donné.

417. Enfin, compte tenu de l’importance des effets de réseau croisés sur ce marché, ainsi que de la taille de sa base d’abonnés et de son volume de trafic, Doctolib disposait d’un avantage concurrentiel lui permettant, en théorie, de recruter plus aisément que ses concurrents les praticiens non encore équipés d’un service de prise de rendez-vous en ligne, comme en atteste d’ailleurs sa croissance plus importante que celle de ses concurrents sur la période infractionnelle. Toutefois, malgré des investissements conséquents, une part encore importante des praticiens libéraux n’utilise pas les services de prise de rendez-vous en ligne, ce qui, d’une part, témoigne de la difficulté pour ses concurrents de les convaincre d’y recourir et, d’autre part, conduit à relativiser fortement la notion de marché « adressable » mise en avant par Doctolib.

418. Il ressort de ce qui précède que, sur toute la période 2017-2023, les parts de marché de Doctolib sur le marché pertinent d’une part dépassaient largement 50 %, atteignant selon les différents paramètres pris en compte 70 à 90 % soit un pourcentage extrêmement élevé, constituant un indice très fort d’une position dominante sur ce marché, d’autre part ont crû de manière continue.

Sur les barrières à l’entrée et à l’expansion

419. En premier lieu, les éléments du dossier montrent que Doctolib bénéficie d’une notoriété et d’effets de réputation sans équivalents dans le secteur alors que l’audience constitue un indicateur essentiel du pouvoir de marché des opérateurs sur les marchés bifaces.

420. Il ressort, en effet, des données issues du tableau ci-dessous que le niveau de trafic, en nombre de visiteurs, sur le site Internet de Doctolib et son application est très largement supérieur à celui de ses principaux concurrents.

421. En outre, au mois de novembre 2016535, Doctolib estimait que son trafic Internet était cinq fois plus élevé que celui de ses concurrents et qu’elle bénéficiait d’une « brand awareness » (notoriété de la marque) dix fois plus forte auprès des patients. Comme l’indique le tableau ci-dessus, en 2018, le niveau de trafic annuel pour Doctolib atteignait près de 210 millions de visiteurs, contre moins de 18 millions pour Lemedecin.fr le deuxième acteur, soit près de 12 fois plus. Cette notoriété n’a fait qu’augmenter les années suivantes, Doctolib atteignant plus de 570 millions de visiteurs en 2020, contre environ 27 millions pour Lemedecin.fr, soit plus de vingt fois plus.

422. Tous les opérateurs interrogés dans le cadre de l’instruction ont, par ailleurs, souligné que les services et la plateforme de prise de rendez-vous médicaux en ligne de Doctolib étaient connus de tous les professionnels de santé et des patients536.

423. De plus, selon les opérateurs interrogés et Doctolib elle-même, la crise sanitaire a constitué pour Doctolib un facteur d’accélération majeur537. En effet, en étant sélectionnée, comme annoncé sur son propre site internet, comme « partenaire officiel de l’État pour permettre aux Français de prendre rendez-vous en ligne pour se faire vacciner contre la Covid-19 »538, elle a bénéficié d’une large couverture médiatique qui lui a permis, comme souligné dans un document interne (Doctolib-Q1 2021 Memo to Board), d’accroître encore sa notoriété : « la campagne de vaccination non planifiée a été une opportunité majeure pour Doctolib, qui restera un évènement marquant dans notre histoire : une augmentation importante de notre portée auprès des patients [...], la plus grande campagne de marque possible jamais réalisée en France (1500+ TV, radio, journaux, présence extérieure dans toutes les villes) et des relations solides établies avec des acteurs publics clés en France et en Allemagne »539(soulignement ajouté).

424. De même, il ressort de résultats de sondage et études de marque transmises par Doctolib que la marque éponyme ainsi que son service de prise de rendez-vous médicaux en ligne bénéficient en France d’une notoriété incomparable à celle des marques concurrentes, Doctolib étant aussi connue du public que des marques comme Amazon ou Netflix540.

425. Enfin, dans le cadre d’une procédure de l’Union en matière de propriété intellectuelle, Doctolib a elle-même produit des éléments de nature à démontrer l’importance de sa notoriété et la renommée de sa marque. Ainsi, dans une récente décision, prenant appui sur les éléments transmis par Doctolib, la Chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle a relevé à cet égard que « la marque [Doctolib] jouit d’une renommée très élevée en France »541.

426. En second lieu, le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, comme indiqué notamment aux paragraphes 310 à 325, est un marché biface marqué par d’importants effets de réseau indirects. Dans certaines circonstances, ces marchés marqués par des effets de réseau importants peuvent aboutir à la création de positions fortes liées à un phénomène de concentration autour d’acteurs importants, voire autour d’un acteur ultradominant (phénomène de « tipping »). Les effets de réseau élèvent ainsi les barrières à l’entrée, puisque la taille d’un opérateur est en elle-même un paramètre fondamental de sa croissance. Dès lors, les acteurs de plus petite taille et les nouveaux entrants ne bénéficient pas des mêmes atouts qu’un acteur déjà installé et de grande taille.

427. Les acteurs du secteur interrogés par les services d’instruction partagent ce constat en l’espèce : l’intérêt pour les professionnels de santé est d’obtenir de la visibilité auprès des patients via la plateforme Doctolib, connue de tous, tandis que les patients ont recours à la plateforme, en l’espèce Doctolib, qui leur propose la plus grande diversité de choix542.

428. Selon Doctolib, la faiblesse alléguée des effets de réseau et l’importance du nombre d’acteurs, en constante augmentation sur ce marché, rendraient sa position facilement contestable. Cela serait corroboré par l’évolution de son taux de churn, passé de 6 % - 7 % à [10-20] % entre 2017 et 2020543.

429. Pour autant, les éléments avancés par Doctolib ne permettent pas de démontrer que les niveaux de churn avancés ([10-20] % depuis 2020) sont suffisamment élevés pour prouver, à eux seuls, l’existence d’une forte pression concurrentielle et partant, que Doctolib n’est pas en position dominante. Outre, là encore, que ce taux a pu expressément être qualifié en interne de « ridicule »544, il inclut les nombreux départs en retraite, les décès, les reconversions professionnelles et les déménagements ainsi que tous les départs non suivis du recours à un autre service de prise de rendez-vous en ligne, ce qui peut être le cas par exemple d’un praticien qui suspend temporairement son abonnement ou ceux qui ne sont pas convaincus, au final, de l’intérêt d’un service de prise de rendez-vous médicaux en ligne. Par ailleurs, force est de constater que l’augmentation du taux de churn alléguée par Doctolib n’a pas empêché ses parts de marché de continuer à croître (voir, ci-avant, paragraphes 397et suivants).

430. Enfin, il ne peut qu’être souligné que dans ses propres documents internes, Doctolib considère également l’utilisation quotidienne et croissante de son service de prise de rendezvous médicaux en ligne, tant par les praticiens que par les patients, comme une barrière clé à l’entrée545. Le président de Doctolib a ainsi indiqué, dans un échange de courriels du 17 mai 2016 : « ce marché est un marché « winner takes all » avec de forts effets de réseau et des barrières à l’entrée + la concurrence est faible en France »546. De même, toujours selon Doctolib, son avantage sur le marché réside « dans l’historicité des soins patients qu’il possède actuellement de par l’exploitation de son activité. Ces chiffres permettent de maintenir une barrière à l’entrée avec d’éventuels concurrents qui ne possèdent pas de telles données »547.

431. Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne est marqué par des barrières significatives à l’entrée, au maintien et à l’expansion, lesquelles bénéficient à Doctolib et qui résultent principalement des effets de réseau croisés liés à sa solution, de son caractère incontournable et de sa notoriété ainsi que du soutien marqué des pouvoirs publics.

Sur l’absence de puissance d’achat compensatrice

432. Selon Doctolib, sa politique tarifaire, caractérisée depuis plus de dix ans par des prix modérés en comparaison de ses coûts, mais aussi du chiffre d’affaires des praticiens et du coût des services de télésecrétariat548, qui ne lui permettent pas d’être profitable549, reflèterait la capacité des professionnels de santé à contrebalancer son pouvoir de marché.

433. Cette analyse est toutefois incompatible avec l’existence, mise en évidence à plusieurs reprises, supra, d’importants effets de réseau croisés. En effet, ainsi que développé ci-avant, Doctolib étant la plateforme la plus connue et utilisée des patients, il est difficile pour les professionnels de santé de ne pas y avoir recours et ainsi de ne pas être présents sur la plateforme qui (i) réunit le plus de praticiens dont les consultations sont réservables en ligne, (ii) a la plus grande notoriété et (iii) bénéficie de la plus grande exposition médiatique.

434. Ce phénomène est accru par le caractère relativement limité des dépenses liées à une plateforme de réservation en ligne comme Doctolib Patient dans le compte de résultat d’un praticien.

435. Des éléments internes à Doctolib font état au demeurant du faible contre-pouvoir de la demande.

436. S’agissant des professionnels de santé, une présentation intitulée « Doctolib – Focus on the French topline model » du mois de novembre 2016 fait ressortir qu’il est difficile pour un praticien de « sortir » de Doctolib Patient pour plusieurs raisons, limitant de fait le churn : « [f]orte difficulté pour les médecins à churner : (1) X% des patients ayant un compte Doctolib pour 100% de leurs réservations, (2) base de données de tous les dossiers et rendezvous patients sur Doctolib, (3) habitudes des secrétaires et des médecins à utiliser l’agenda Doctolib et (4) éléments marketing dans le cabinet du médecin (répondeur téléphonique avec Doctolib, flyers, affiches, Doctolib sur les feuilles de soins, Doctolib sur les cartes de visite...) »550. En outre, les praticiens indépendants représentent, individuellement, une fraction infime de la demande et ne sont donc pas en mesure de négocier les tarifs proposés par Doctolib.

437. S’agissant des cliniques ou des hôpitaux, s’ils sont susceptibles de négocier les tarifs contrairement à des praticiens indépendants, ils ne représentent qu’une faible fraction du marché. Une présentation intitulée « Doctolib – Corporate Presentation », indique que « [s]ur tous les marchés, la concentration est limitée dans les groupes privés hospitaliers et aucun acteur n'est puissant sur plus d'un marché, à l'exception de Ramsay Générale de Santé et de Capio »551.

438. Ceci explique notamment que même si Doctolib pratique les tarifs les plus élevés du marché, avec plusieurs augmentations tarifaires depuis le lancement de sa solution, elle arrive toujours à conquérir un niveau croissant de clients, avec un taux de churn très peu significatif552. De même, alors que l’abonnement à Doctolib Patient est résiliable à tout moment, des documents internes montrent que le taux mensuel de churn était inférieur ou environ égal à [0-1] % entre 2015 et 2021553.

439. De plus, l’absence de profitabilité évoquée par Doctolib ne constitue pas nécessairement un indice d’absence de pouvoir de marché. En effet, sur un plan théorique, il peut être rationnel, pour un acteur économique disposant d’un pouvoir de marché, de ne pas couvrir ses coûts dans un premier temps notamment s’il cherche à évincer des concurrents actuels ou potentiels du marché sur lequel il opère. De même, dans le cas d’une plateforme biface avec des effets de réseau croisés puissants, une entreprise cherchera naturellement à convaincre les utilisateurs de rejoindre sa plateforme afin d’atteindre une taille critique pour que les effets de réseau puissent jouer utilement. Dans cette configuration, si l’utilisation de la plateforme est déterminante sur les bénéfices des autres utilisateurs, une façon de convaincre certains utilisateurs de l’utiliser est d’offrir des prix faibles dans un premier temps, quitte à supporter des pertes (ce qui n’est pas le cas standard), puis à faire payer plus cher dans un second temps, une fois la taille critique atteinte. Une absence de profitabilité ne constitue alors pas nécessairement un indice d’absence de pouvoir de marché et partant, de délimitation plus large du marché, la stratégie tarifaire devant s’apprécier sur un horizon temporel plus lointain.

440. Pour ces différentes raisons, la capacité des professionnels de santé, qui représentent pour la plupart une demande fortement atomisée, à contrebalancer le pouvoir de marché de Doctolib paraît extrêmement limitée.

Conclusion sur la position dominante de Doctolib

441. Il ressort de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de considérer que Doctolib est en position dominante sur le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et ce, au moins depuis 2017. En effet, compte tenu de ses parts de marché et de celles, beaucoup plus faibles, de ses concurrents, de leur évolution, des barrières à l’entrée sur le marché et de l’absence de puissance d’achat compensatrice, Doctolib dispose d’un pouvoir de marché qui lui permet de se comporter de manière indépendante, dans une mesure appréciable, vis-à-vis de ses concurrents, des patients et, finalement, de ses clients.

c) Sur le marché français des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales

Sur les parts de marché de Doctolib

442. Doctolib soutient ne pas être en position dominante. Elle affirme, notamment, que ses partsde marché seraient surévaluées par les services d’instruction en ce que ces derniers excluent les services non spécialisés de téléconsultation554.

443. Au regard des éléments développés aux paragraphes 376 à 380, les services non spécialisés de téléconsultation n’appartiennent pas au marché pertinent applicable au cas d’espèce. Les parts de marché de Doctolib doivent donc être déterminées au regard du seul marché français des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales.

444. À cet égard, il ressort des éléments du dossier que les parts de marché de Doctolib, que ce soit en nombre de clients, en chiffre d’affaires réalisé ou en nombre de téléconsultations réalisées via ces solutions, étaient importantes dès son entrée sur le marché et sont en croissance quasi-constante depuis.

445. S’agissant de ses parts de marché en valeur, Doctolib a acquis une part de marché de près de 40 % dès sa première année d’activité en 2019, tandis que son principal concurrent, Qare, présent depuis 2018, a vu ses parts de marché diminuer de moitié entre 2018 et 2019. Le poids de Doctolib n’a cessé de croître depuis, à l’exception de 2022. En comparaison, ses principaux concurrents ont vu leurs parts de marché décliner ou croître, tout en restant toutefois, dans ce dernier cas, très loin de celles de Doctolib. En 2022, la part de marché de Doctolib était de [40-45] % soit plus de deux fois plus que ses plus proches concurrents Medadom ([15-20] %) et Livi ([15-20] %).

Tableau 16 – Poids des principaux opérateurs de téléconsultation interrogés –en valeur555

446. S’agissant de ses parts de marché en nombre de clients, Doctolib a acquis plus de 45 % de parts de marché dès la première année du lancement de son service, tandis que ses trois principaux concurrents, Maiia, Consulib et Lemedecin.fr, détenaient chacun environ 15 % des parts de marché. Le poids de Doctolib n’a cessé de croître, avec une légère diminution en 2022, mais toujours avec des parts de marché proches de [55-60] %. En comparaison, ses principaux concurrents ont vu majoritairement leur poids sur le marché décroître ou croître mais toujours dans une moindre mesure au regard du poids de Doctolib. En tout état de cause, Doctolib a, chaque année depuis 2020, des parts de marché plus de trois fois supérieures à celles de ses plus proches concurrents.

447. Il est à noter que le critère des données en nombre de clients est à relativiser, dans la mesure où il inclut, pour certains opérateurs, des professionnels de santé individuels ainsi que des structures clientes, celles-ci pouvant compter plusieurs utilisateurs ou plusieurs salles de téléconsultation. À ce sujet, Doctolib a confirmé que les abonnés personnes morales facturées sont susceptibles d’englober plusieurs professionnels de santé560. Toutefois, selon Doctolib, la circonstance que des professionnels de santé exercent au sein d’un abonné personne morale ne signifierait pas que ces professionnels de santé utilisent tous le logiciel auquel la personne morale a souscrit561.

448. S’agissant de ses parts de marché en nombre de téléconsultations réalisées, dès 2019, près de 48 % des téléconsultations ont été réalisées via l’outil de Doctolib. Cette part a frôlé [75-80] % en 2020, et légèrement diminué en 2021 ([75-80] %) et 2022 ([65-70] %). En comparaison, son principal concurrent, Qare, a vu le nombre de téléconsultations réalisées via son outil diminuer drastiquement entre 2018 (60,6 %) et 2019 (27,3%), puis 2020 ([5-10] %). Cette part est légèrement remontée en 2021 ([5-10] %) et 2022 ([10-15] %) mais reste toutefois cinq fois plus faible que celle de Doctolib. Il en va de même pour le deuxième concurrent, Livi, qui a vu sa part de marché diminuer de 38,4 % en 2018 à 18,2 % en 2019, puis chuter massivement pour n’être en 2022 que de [0-5] %. De manière plus globale, depuis 2020, hormis Qare, les principaux concurrents de Doctolib n’ont jamais atteint la barre des 10 % de téléconsultations réalisées.

449. Ces constats sont confirmés par les opérateurs interrogés, qui ont indiqué disposer de parts de marché relativement faibles, notamment en nombre de téléconsultations remboursées.

450. De plus, des documents internes à Doctolib montrent qu’elle-même se positionne comme leader sur l’activité de téléconsultation571 et qu’elle a rapidement considéré avoir acquis des parts de marché importantes :

− en 2019, dans une présentation intitulée « Doctolib Monthly Meeting – French teams » du 23 avril 2019, Doctolib estime sa part de marché à 70 % au premier trimestre 2019572. Dans une présentation intitulée « Doctolib Leadership Team – Preread for July 3rd » du 27 juin 2019, il est indiqué que 85 % des téléconsultations remboursées en 2019 auraient été réalisées via Doctolib, celle-ci comptant 1 000 praticiens clients, quand ses concurrents en détenaient moins de 200, et environ 8 000 téléconsultations par mois, soit deux fois plus que les deux plus gros concurrents identifiés573 ;

− en 2020, selon Doctolib, [80-90] % des téléconsultations remboursées en France étaient réalisées via son outil et [80-90] % des praticiens équipés d’une solution de téléconsultation disposaient de sa solution574.

451. Cependant, Doctolib affirme, tout d’abord, qu’aucune position dominante ne saurait être démontrée avant mi-2021, les conditions de concurrence prévalant à l’époque n’étant pas représentatives d’un contexte normal de marché et l’activité de téléconsultation n’en étant qu’à ses balbutiements575.

452. Pour autant, si en 2019, le marché des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales était encore relativement limité en France, Doctolib en détenait déjà une part substantielle. Doctolib Téléconsultation a bénéficié par ailleurs de l’écosystème de Doctolib Patient, lui permettant de s’appuyer sur la notoriété et la base d’utilisateurs de ce service dès son lancement en 2019, ce qui a pu accélérer son adoption. En outre, pendant la pandémie, Doctolib a enregistré une augmentation très importante de l’utilisation de sa solution de téléconsultation notamment grâce à sa notoriété déjà établie, son exposition médiatique et sa mise en avant par les pouvoirs publics, ce qui lui a permis de se positionner dès son lancement comme un acteur majeur.

453. De plus, bien que la crise sanitaire et l’assouplissement de la réglementation aient favorisé une augmentation du recours aux téléconsultations, bénéficiant ainsi à l’ensemble des acteurs du marché, cette évolution n’a néanmoins pas engendré d’instabilité, ni remis en question la hiérarchie établie entre les opérateurs. Ainsi, Doctolib a capté, dès 2019, le plus grand nombre de professionnels de santé clients, pour une part de marché supérieure à 40 %, et représente une grande partie des téléconsultations réalisées en France via des solutions technologiques dédiées. Cela est encore plus vrai depuis 2020 où Doctolib est largement prééminente sur le marché et détient une part de marché significativement supérieure à 50 % et largement supérieure à celles de ses principaux concurrents.

454. Doctolib avance ensuite que les parts de marché estimées pour l’année 2019 ne suffisent pas pour présumer de sa position dominante, sa part de marché en valeur étant inférieure au seuil de 40 %, tandis que ce seuil ne serait que très légèrement franchi en volume. Par conséquent, les services d’instruction auraient dû apporter d’autres indices. Selon elle, les déclarations des concurrents et les documents internes énonçant que l’entreprise se considère comme leader sur le marché, ne présenteraient pas de caractère probant576.

455. Néanmoins, le seuil de 40 % de parts de marché évoqué par Doctolib constitue un simple élément de présomption. En l’espèce, la position de Doctolib Téléconsultation sur le marché est analysée non pas au seul regard de ses parts de marché, qui dépassent d’ailleurs ce seuil en volume, mais aussi du poids des autres opérateurs. Or, dès 2019, la solution de Doctolib est celle adoptée par le plus grand nombre de professionnels de santé et via laquelle le plus de téléconsultations sont réalisées. De plus, les opérateurs entrés sur le marché en 2018 ont vu leur part de marché, notamment en nombre de clients et de téléconsultations réalisées, diminuer fortement au moment de l’entrée sur le marché de Doctolib Téléconsultation en 2019, solution qui non seulement a été proposée à la base de clientèle déjà considérable de Doctolib Patient, mais qui bénéficie en outre de la forte notoriété et de l’image de marque de Doctolib ainsi que des avantages issus de sa forte présence commerciale sur le terrain.

456. De plus, Doctolib ne démontre pas en quoi les déclarations émanant de ses concurrents ainsi que ses documents internes seraient insuffisants. En tout état de cause, en plus d’une part de marché supérieure à 40 % en volume, des déclarations d’acteurs du secteur et de documents internes à Doctolib, les services d’instruction se sont fondés sur un faisceau d’indices incluant également l’existence de barrières à l’entrée, au maintien ou à l’expansion sur le marché et l’absence de puissance d’achat compensatrice, autant d’éléments qui seront abordés ci-après.

457. Enfin, selon Doctolib, la baisse de ses parts de marché sur le marché français des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales en 2022 contredit l’existence d’une position dominante577. Toutefois, si des opérateurs concurrents tels que Livi, Qare ou encore Medadom ont gagné des parts de marché, notamment entre 2021 et 2022, force est de constater que leur poids sur le marché, tant en valeur qu’en volume, reste toujours bien inférieur à celui de Doctolib.

458. Au regard de l’ensemble de ces éléments, sur toute la période 2019-2022, Doctolib bénéficiait de parts de marché importantes, supérieures à 40 %, ce qui constitue un indice d’une position dominante sur ce marché.

Sur les barrières à l’entrée, au maintien et à l’expansion

459. En premier lieu, comme cela a été détaillé aux paragraphes 419 et suivants, le service de prise de rendez-vous médicaux en ligne de Doctolib et, plus généralement, la dénomination et la marque Doctolib sont connus de tous et bénéficient d’une notoriété incomparable, sans compter une grande exposition médiatique et une mise en avant par les pouvoirs publics.

460. Cette notoriété et cette image de marque bénéficient à la solution de téléconsultation proposée par la société. À ce sujet, le syndicat de médecins MG France a indiqué que « Doctolib se sert de sa position sur la prise de rendez-vous en ligne comme levier pour conquérir les autres [marchés] […] Doctolib a d’ailleurs un effet de levier important, qui leur permet de proposer à leur base de clients, leurs nouveaux outils »578.

461. Par ailleurs, il ressort des résultats de plusieurs études, commandées par Doctolib et par l’opérateur Qare, qu’après les fonctionnalités du service de prise de rendez-vous médicaux en ligne, le service de téléconsultation est la deuxième offre la plus connue de Doctolib579. La marque de téléconsultation Doctolib bénéficie donc d’une notoriété incomparable par rapport aux autres opérateurs sur le marché580. Cela est confirmé par le tableau reproduit au paragraphe 420 dont il ressort que le niveau de trafic, en nombre de visiteurs, sur le site internet de Doctolib et son application, est très largement supérieur à celui de ses principaux concurrents. Ainsi, à titre d’exemple, le trafic sur Doctolib est 21 fois supérieur à celui de son premier concurrent Lemedecin.fr et plus de 40 fois supérieur à celui du deuxième, Qare, en 2020.

462. Selon Doctolib, la « notoriété incomparable » énoncée par la notification de griefs ne serait toutefois pas démontrée, car résultant uniquement d’un sondage réalisé à la demande de l’opérateur Qare trois ans après le lancement de Doctolib Téléconsultation, sondage dont la production violerait en outre ses droits de la défense en ce qu’aucune méthodologie ne serait fournie à l’appui. En outre, en 2019, Doctolib était un nouvel entrant sur le marché et ne pouvait par définition bénéficier d’une quelconque présomption de forte notoriété581.

463. Pour autant, le sondage réalisé à la demande de Qare582, communiqué en l’état aux services d’instruction, mentionne bien les éléments qui ont permis de l’établir tels que la période d’étude, les caractéristiques de la population interrogée ainsi que les critères qui ont pu être retenus. Par ailleurs, comme cela a été développé ci-dessus, la forte notoriété de Doctolib et de ses services ne ressort pas uniquement de ce document, mais d’un ensemble d’éléments tels que des sondages, des documents et des échanges internes, les déclarations de nombreux opérateurs interrogés dans le cadre de l’instruction ou encore la comparaison de son trafic annuel en nombre de visiteurs par rapport à celui de ses principaux concurrents.

464. En second lieu, comme cela a été détaillé aux paragraphes 419 à 440, les effets de réseau, la notoriété de Doctolib ainsi que sa forte présence commerciale, permise notamment par d’importants soutiens financiers et le soutien des pouvoirs publics, constituent des barrières à l’entrée du marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, au maintien et à l’expansion.

465. La plupart de ces barrières sont susceptibles d’être relevées s’agissant du marché français des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales. En effet, l’image de marque de Doctolib, son exposition médiatique lors de la crise sanitaire ainsi que sa mise en avant par les pouvoirs publics, caractéristiques dont ne bénéficient pas ses concurrents, ont directement vocation à bénéficier à l’ensemble de ses services. De même, sa forte présence commerciale permet de faire connaître l’ensemble de ses services, ce d’autant que Doctolib a la capacité de faire connaître son service de téléconsultation auprès de son large parc de clientèle sur la prise de rendez-vous médicaux en ligne, parc bien plus important que ceux de ses concurrents et encore plus en comparaison de ceux n’étant présents que sur le marché des solutions technologiques dédiées de téléconsultation.

466. Plusieurs documents internes montrent d’ailleurs que Doctolib entendait bien tirer parti de sa position unique sur le marché de la prise de rendez-vous médicaux en ligne et de sa base d’utilisateurs pour élargir son portefeuille de produits et vendre massivement d’autres services à sa base de clientèle installée 583.

467. Au surplus, certains des opérateurs interrogés ont relevé ces barrières à l’entrée et au développement584. Ainsi, par exemple, Nehs Digital a indiqué que pour développer une solution dans le secteur des téléconsultations médicales et démarcher les médecins libéraux, il était nécessaire d’être en mesure de rivaliser avec la grande force commerciale de Doctolib, ce qui n’était pas son cas585. L’opérateur de téléconsultation Qare a indiqué que les principales barrières n’étaient pas économiques mais commerciales, dès lors qu’il était nécessaire de se faire connaître, ce qui n’était pas aisé dans un secteur où les ordres professionnels sont très réticents à toute forme de publicité traditionnelle « grand public », et qu’il faisait face de surcroît à un « obstacle de notoriété », dû à l’ancienneté de la présence de Doctolib et à la « réclame » qualifiée de « révoltante » opérée par les pouvoirs publics au seul profit de cette dernière586. Enfin, la société Synapse a indiqué : « [l]e facteur de croissance « bloquant » sur l’activité de téléconsultation est le nombre de médecins, limité en tant que tel, et qui pour la plupart sont clients de Doctolib, et le restent compte tenu de facteurs tels que l’existence d’une clause d’exclusivité, l’aversion au changement, le confort, l’habitude d’une solution et l’absence évidente d’interopérabilité du logiciel »587.

468. Il est ainsi établi que les effets de réseau, la notoriété de Doctolib ainsi que sa forte présence commerciale constituent des barrières à l’entrée, au maintien et à l’expansion de solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales, barrières qui renforcent encore le pouvoir de marché de Doctolib à l’égard de ses concurrents actuels et potentiels.

Sur l’absence de puissance d’achat compensatrice

469. Pour les motifs exposés ci-avant aux paragraphes 419 et suivants, la capacité des professionnels de santé à contrebalancer le pouvoir de marché de Doctolib est limitée, voire inexistante.

Conclusion sur la position dominante de Doctolib

470. Il ressort de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de considérer que Doctolib est en position dominante sur le marché français des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales depuis 2019.

E. SUR LA QUALIFICATION DES PRATIQUES

1. SUR LE BIEN-FONDÉ DU GRIEF 1

a) Sur l’abus de position dominante

471. Aux termes de l’article 102 du TFUE, « [e]st incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci ».

472. L’article L. 420-2 du code de commerce prévoit de même qu’est « prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ».

473. La notion d’abus est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou des services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché où, du fait de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli, ou au développement de cette concurrence588.

474. Selon une jurisprudence constante, si l’existence d’une position dominante n’est pas en soi condamnable, cette situation impose à la personne qui la détient une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par un comportement qui ne relève pas de la seule concurrence par les mérites, à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur589.

475. Selon une jurisprudence tant de l’Union que nationale, une entreprise en position dominante sur un marché donné peut se voir reprocher un abus dont les effets affectent d’autres marchés, dès lors que son comportement a un lien de causalité avec sa position dominante et que le marché sur lequel celle-ci est détenue et ceux sur lesquels l’abus déploie ses effets revêtent un caractère de connexité suffisant590. Ainsi, le fait que le comportement abusif d’une entreprise dominante produise ses effets sur un marché distinct du marché dominé ne fait pas obstacle à l’application des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce591.

476. S’agissant des pratiques d’éviction, il ressort de la jurisprudence européenne que le caractère abusif de telles pratiques suppose notamment que celles-ci aient la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d’éviction reprochés592, cette appréciation devant être effectuée au regard de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes entourant ledit comportement593. Ainsi, pour établir le caractère abusif d’une pratique d’éviction, une autorité de concurrence doit démontrer que, d’une part, cette pratique avait la capacité, lorsqu’elle a été mise en œuvre, de produire un tel effet d’éviction, en ce sens qu’elle était susceptible de rendre plus difficile la pénétration ou le maintien des concurrents sur le marché en cause, et, ce faisant, que ladite pratique était susceptible d’avoir une incidence sur la structure de marché, et, d’autre part, que cette pratique reposait sur l’exploitation de moyens autres que ceux relevant d’une concurrence par les mérites594.

477. Selon la Commission, un certain nombre de facteurs permettent d’apprécier les effets potentiels ou réels d’un comportement présumé abusif d’une entreprise595.

478. En premier lieu figure la position de l’entreprise dominante. Selon la Commission, en effet, « un comportement protégeant une position dominante risque d’autant plus d’entraîner une éviction anticoncurrentielle que cette position est forte »596.

479. La Commission mentionne ensuite les conditions régnant sur le marché en cause, et notamment les conditions d’entrée et d’expansion sur le marché. Sur ce point, l’Autorité a eu l’occasion de préciser que l’existence de barrières à l’entrée constitue un élément essentiel de son analyse de l’appréciation des effets potentiels ou réels de la pratique abusive. Plus les barrières à l’entrée sont élevées, plus les pratiques mises en œuvre sont susceptibles de restreindre la concurrence. Le facteur temps est également essentiel dans l’analyse. Plus la pratique dure longtemps, plus elle constitue une barrière à l’entrée pour les nouveaux entrants597. Sont également susceptibles d’être prises en compte la position des concurrents de l’entreprise dominante ainsi que celle des clients ou des fournisseurs d’intrants.

480. En outre, dans les Orientations précitées, la Commission évoque « la portée du comportement abusif présumé : d'une manière générale, un effet d'éviction est d'autant plus probable que le pourcentage des ventes totales sur le marché en cause qui sont affectées par le comportement est élevé, que ce comportement est de longue durée et qu'il est appliqué avec régularité »598.

481. Enfin, au titre de l’analyse des effets anticoncurrentiels, la Commission mentionne comme éléments à prendre en compte, d’une part, « les preuves éventuelles d’une éviction réelle : si le comportement est suffisamment ancien, la performance sur le marché de l'entreprise dominante et de ses concurrents peut constituer une preuve directe d'une éviction anticoncurrentielle. Pour des raisons imputables au comportement prétendument abusif, la part de marché de l'entreprise dominante peut avoir augmenté ou son recul avoir été ralenti. Pour des raisons similaires, il se peut que les concurrents actuels aient été marginalisés ou aient quitté le marché, ou que des concurrents potentiels aient cherché à pénétrer sur le marché sans y parvenir » ; d’autre part, les « preuves directes d’une stratégie d’éviction : il peut s'agir notamment de documents internes contenant des preuves directes d’une stratégie visant à évincer les concurrents, comme un plan détaillé de se livrer à certaines pratiques de manière à évincer un concurrent, d’empêcher l'entrée sur un marché ou de prévenir l’émergence d’un marché, ou encore de preuves de menaces concrètes de mesures d'éviction. Ces preuves directes peuvent être utiles pour interpréter le comportement de l'entreprise dominante »599.

482. Toutefois, la qualification d’une pratique d’une entreprise en position dominante d’abusive ne requiert pas de démontrer que son résultat a été atteint et, par suite, la démonstration d’un effet d’éviction concret sur le marché. En effet, l’article 102 du TFUE vise à sanctionner le fait, pour une ou plusieurs entreprises, d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci, indépendamment de savoir si une telle exploitation s’est avérée ou non fructueuse600. Dès lors, une autorité de concurrence peut constater une violation de l’article 102 du TFUE en établissant que, durant la période pendant laquelle le comportement en cause a été mis en œuvre, celui-ci avait, dans les circonstances de l’espèce, la capacité de restreindre la concurrence par les mérites malgré son absence d’effet601.

483. Par ailleurs, selon une jurisprudence de l’Union constante, pour constater l’exploitation abusive d’une position dominante aux fins de l’application de l’article 102 du TFUE, une autorité de concurrence n’est nullement tenue d’établir l’existence d’une intention anticoncurrentielle de l’entreprise en position dominante602. Toutefois, la preuve d’une telle intention, si elle ne saurait suffire à elle seule, constitue une circonstance factuelle susceptible d’être prise en compte aux fins de la détermination d’un abus de position dominante603.

484. Enfin, il est possible pour une entreprise dominante de fournir une justification à un comportement susceptible d’être interdit par les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. À cette fin, elle doit établir, soit que son comportement est objectivement nécessaire, soit que l’effet d’exclusion qui en résulte est compensé par des gains d’efficience qui bénéficient également aux consommateurs604.

485. C’est au regard de l’ensemble des principes rappelés ci-avant qu’il convient d’examiner les pratiques reprochées en l’espèce à Doctolib.

b) Sur le caractère abusif des pratiques d’exclusivité

Rappel des principes

486. S’agissant tout d’abord des pratiques d’accords exclusifs, la Cour de justice, dans son arrêt Hoffmann-La Roche, a jugé que « pour une entreprise se trouvant en position dominante sur un marché, le fait de lier – fût-ce à leur demande – des acheteurs par une obligation ou promesse de s’approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de ladite entreprise constitue une exploitation abusive d’une position dominante au sens de l’article 86 du traité […] ; qu’en effet, les engagements d’approvisionnement exclusif de cette nature […] sont incompatibles avec l’objectif d’une concurrence non faussée dans le marché commun parce qu’ils ne reposent pas […] sur une prestation économique justifiant cette charge ou cet avantage, mais tendent à enlever à l’acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix en ce qui concerne ses sources d’approvisionnement et à barrer l’accès du marché aux autres producteurs »605.

487. Le Tribunal a également rappelé qu’il n’est pas nécessaire que les pratiques d’une entreprise en position dominante lient les acheteurs par une obligation formelle pour établir qu’elles constituent une exploitation abusive d’une position dominante au sens de l’article 102 du TFUE. Il suffit que ces pratiques comportent une incitation, vis-à-vis des clients, à ne pas passer par des fournisseurs concurrents et à s’approvisionner pour la totalité ou pour une part importante de leurs besoins exclusivement auprès de ladite entreprise606.

488. S’agissant, ensuite, des effets des exclusivités, les juridictions de l’Union ont jugé que dans des circonstances normales de marché, les engagements d’exclusivité ne sont pas, par principe, prohibés et qu’il y a lieu, en principe, d’apprécier les effets sur le marché de tels engagements dans leur contexte spécifique. L’appréciation des effets de tels engagements sur le fonctionnement du marché concerné dépend des caractéristiques de ce marché607. Il est toutefois constant que de telles considérations ne sauraient être admises sans réserve dans le cas d'un marché où, du fait précisément de la position dominante détenue par l'un des opérateurs, la concurrence est déjà restreinte.

489. Cette analyse est justifiée par le fait que, lorsqu’un opérateur détient une forte position sur le marché, la conclusion de contrats de fourniture exclusive concernant une proportion importante des achats constitue une entrave inacceptable à l'entrée sur ce marché608. Dans un tel cas, l’exclusivité d’approvisionnement a pour effet de porter une atteinte supplémentaire à la structure concurrentielle du marché609.

Sur le caractère anticoncurrentiel du dispositif contractuel lié à l’exclusivité

Arguments de Doctolib

490. Doctolib conteste le caractère anticoncurrentiel de sa politique commerciale, en soutenant que les éléments relevés dans la notification de griefs se rapportant aux clauses d’exclusivité et aux pratiques d’allotement ne sont que la manifestation d’une stratégie commerciale certes agressive, mais classique, laquelle relèverait, selon elle, d’une logique de concurrence par les mérites, et ne saurait, en tant que telle, être sanctionnée. Elle fait valoir qu’il ne peut lui être reproché « sa stratégie de conquête et sa réussite commerciale », alors même que l’ensemble des opérateurs du marché reconnaissent la qualité de ses services ainsi que les performances de ses équipes commerciales.

491. Doctolib relativise en outre la portée des clauses litigieuses en faisant valoir, d’une part, que la clause d’exclusivité se limite aux seuls services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et aux services supplémentaires effectivement souscrits auprès d’elle par les professionnels de santé, et, d’autre part, que la clause dite « anti-allotement » ne comporterait que de simples recommandations et ne ferait pas obstacle au recours, par les professionnels de santé, à des prestataires concurrents pour des services autres que la prise de rendez-vous médicaux en ligne, dès lors qu’ils n’auraient pas déjà souscrit ces services auprès de Doctolib.

492. Doctolib soutient également que la clause d’exclusivité ne saurait avoir eu un effet dissuasif sur ses clients, au motif que la majorité des concurrents ou des représentants de la profession interrogés au cours de l’instruction ont déclaré en ignorer l’existence. Selon Doctolib, l’insertion de la clause anti-allotement serait également la preuve que la clause d’exclusivité ne serait pas appliquée. Elle en déduit, partant, que celle-ci n’a pas pu influer de manière significative sur le comportement des professionnels de santé.

Réponse de l’Autorité

493. Les éléments du dossier attestent de l’existence d’une clause d’exclusivité dans les conditions générales de Doctolib, dès l’année 2013. Cette clause stipule que le client s’engage, tant qu’il demeure lié contractuellement à Doctolib et pour les besoins de son activité exercée sur le territoire français, à ne pas recourir à des services concurrents de ceux « proposés » par Doctolib puis, à compter du mois de mars 2021 de ceux « souscrits » par le client auprès de Doctolib. Cette clause d’exclusivité se retrouve également dans un certain nombre de contrats « grands comptes ». Elle a, selon Doctolib, été supprimée des Conditions contractuelles en octobre 2023610.

494. Depuis juin 2019, la clause d’exclusivité se combine avec une clause dite « antiallotement », qui prévoit l’hypothèse d’une « utilisation partielle du Service d’Agenda ne permettant pas à Doctolib d’assurer un service optimal et une satisfaction de ses Utilisateurs »611, permettant à Doctolib de suspendre ou résilier le contrat. À compter du 1er janvier 2023, la mention relative à la possibilité de suspension ou de résiliation par Doctolib a été supprimée, mais il est précisé que « la responsabilité de Doctolib ne saurait être engagée dans le cas où l'utilisation d'un module de prise de rendez-vous en ligne fourni par un prestataire tiers aurait pour effet de limiter ou de réduire les performances du Service Agenda », visant de ce fait expressément les situations de recours à un service concurrent612.

495. La combinaison de ces deux clauses interdit aux professionnels de santé de recourir à des concurrents de Doctolib pour des services de réservation de rendez-vous médicaux et les dissuade de recourir à ces concurrents pour d’autres services supplémentaires proposés par Doctolib et ce, même si le professionnel de santé n’a pas souscrit à ces services supplémentaires auprès d’elle. Elle permet également de refuser à des clients potentiels la souscription aux services Doctolib tant qu’ils n’ont pas mis un terme à leur abonnement à un service concurrent.

496. Au regard des principes rappelés ci-avant, la Cour de justice a souligné que certaines stratégies d’éviction – notamment les clauses d’exclusivité ou les mécanismes de fidélisation contractuelle – peuvent être qualifiées d’abusives dès lors qu’elles restreignent la liberté de choix des clients et ferment l’accès au marché à des concurrents non moins performants.

497. En l’espèce, les pratiques contractuelles et commerciales de Doctolib s’inscrivent dans cette logique d’éviction. Elles ont été déployées dans le but manifeste de verrouiller l’accès au marché et de neutraliser la concurrence, sans se limiter à la seule amélioration de la qualité ou de la performance de ses services.

498. En premier lieu, contrairement à ce que soutient Doctolib, la seule présence d’une clause d’exclusivité dans les Conditions contractuelles Doctolib suffit à dissuader les professionnels de santé de recourir à un service concurrent de prise de rendez-vous médicaux en ligne ou à une solution technologique de téléconsultation médicale. Comme l’a souligné un opérateur du secteur, « il n’est pas besoin d’être rappelé à l’ordre, l’existence d’une exclusivité est tout simplement dissuasive. Par ailleurs, comme c’est dissuasif et que Doctolib est en quelque sorte un apporteur d’affaires et de clientèle, les professionnels de santé ne vont pas essayer d’y contrevenir613. Cette affirmation est d’autant plus fondée que, jusqu’en novembre 2017, le non-respect de la clause d’exclusivité constituait, selon les Conditions contractuelles Doctolib, une « faute grave » justifiant la suspension ou la résiliation du contrat. Or, comme cela a été relevé précédemment, Doctolib bénéficie d’une notoriété ainsi que d’une visibilité telles auprès des patients que les praticiens peuvent ne pas souhaiter prendre le risque de perdre l’usage du service leur apportant le plus de patientèle et seront d’autant plus enclins à abandonner tout autre service concurrent.

499. En deuxième lieu, bien qu’elle prenne la forme de recommandations, la clause antiallotement produit le même type d’un effet dissuasif. En effet, jusqu’au 31 décembre 2022, Doctolib se réservait contractuellement le droit de résilier la relation contractuelle avec le professionnel de santé en cas de non-respect de cette recommandation. Si cette clause n’a été insérée formellement dans les contrats qu’à compter du 3 juin 2019, les éléments du dossier établissent que Doctolib avait, dès l’année 2016, mis en œuvre une stratégie commerciale visant à empêcher le recours, par les professionnels de santé, à des services concurrents à ceux qu’elle propose (voir paragraphes 142, 143 et 162).

500. En troisième lieu, d’un point de vue juridique, les clauses d’exclusivité et anti-allotement ne se contredisent pas, mais sont complémentaires, l’insertion de la clause anti-allotement venant en effet renforcer l’effet coercitif de la clause d’exclusivité. Ainsi, la clause d’exclusivité interdit au client de recourir à des services concurrents de ceux proposés par Doctolib ou souscrits auprès de Doctolib ; la clause anti-allotement permet à Doctolib de résilier le contrat si elle constate l’existence d’un prétendu dysfonctionnement lié à une situation dans laquelle le client utiliserait précisément un service concurrent en plus des services de Doctolib.

501. En quatrième lieu, il ressort de nombreuses pièces versées au dossier que Doctolib a déployé une stratégie commerciale visant à dissuader ses clients de recourir à des services concurrents. La combinaison des clauses d’exclusivité et anti-allotement, les courriels internes au sein de Doctolib, les retours d’acteurs du secteur, ainsi que les échanges entre les équipes commerciales de Doctolib et les professionnels de santé témoignent de l’objectif de verrouillage de la clientèle et d’exclusion de toute cohabitation avec des solutions concurrentes614.

502. Il ressort en effet des constatations effectuées aux paragraphes 140 et suivants que Doctolib a mis en œuvre, dans le but d’évincer les concurrents, la pratique liée à l’exclusivité et à l’allotement, ce qui transparaît notamment :

− des déclarations de Solocal selon lesquelles : « il y a eu une opération par laquelle Doctolib a contacté ses clients professionnels de santé également clients de ClicRDV pour leur indiquer qu’ils avaient l’obligation d’abandonner la solution ClicRDV pour respecter leurs conditions générales de vente. Un grand nombre de ces clients ont alors fait le choix de quitter ClicRDV, à la faveur de Doctolib (…). A notre sens, l’objectif de Doctolib dans le cadre de cette action était de réduire le parc clients de ses concurrents »615 ;

− des nombreuses consignes adressées aux équipes commerciales, notamment via les documents « Sales Bible », à propos de la « lutte » contre les situations d’allotement, des discours à tenir et arguments à développer auprès des prospects et clients, s’agissant de la coexistence de solutions de prise de rendez-vous médicaux en ligne et de téléconsultation concurrentes ;

− des éléments figurant dans des documents intitulés « Sales Meeting », par exemple : « 0 praticien en allotement : Tout le monde doit utiliser exclusivement l’agenda Doctolib pour 100 % des RDV. L’allotement ne fonctionnera jamais et va forcément mener au churn »616 ;

− du « plan pour lutter contre l’allotement » mis en place par Doctolib dès juillet 2016617, dont les principales consignes étaient d’agir vis-à-vis de chaque allotement détecté et de ne plus accepter de « lancements » en allotement, c’est-à-dire de nouvelle souscription aux services Doctolib par des clients potentiels déjà clients de services concurrents ;

− du refus de rémunérer les équipes commerciales pour des professionnels de santé « lancés en allotement »

− des consignes données aux équipes commerciales sur le discours à tenir auprès des clients potentiels pour « détruire » l’allotement619 ;

− du procédé consistant pour Doctolib à imposer à des professionnels de santé simultanément clients de Doctolib Patient et d’un service de prise de rendez-vous médicaux en ligne concurrent, de résilier le contrat avec ce concurrent, ou du refus de Doctolib d’accepter la souscription à ses services620 (« - nous leur demandons toujours par oral puis par écrit de cesser leur abonnement chez MD [MonDocteur] -nous leur rédigeons et envoyons à tous le courrier qu'ils n'ont qu'à imprimer, signer et retourner en courrier AR chez MD pour résilier leur contrat »621 [soulignement ajouté]) ;

− des échanges entre équipes commerciales sur la manière d’interpréter et d’appliquer la clause d’exclusivité à des professionnels de santé622.

503. Le fait que certains représentants des professionnels du secteur ou concurrents aient pu ignorer l’existence de la clause d’exclusivité ne remet pas en cause son effet dissuasif, dans la mesure où l’environnement contractuel et commercial instauré par Doctolib suffisait à inciter les praticiens à s’y conformer sans même qu’une mise en garde explicite soit nécessaire.

504. En cinquième lieu, les éléments du dossier démontrent que la stratégie sous-jacente à l’insertion des clauses d’exclusivité et anti-allotement dans les Conditions contractuelles Doctolib visait à évincer la concurrence en contraignant les clients à ne recourir qu’aux services de Doctolib, soit en interdisant purement et simplement l’usage de solution concurrente (clause d’exclusivité), soit en autorisant Doctolib à suspendre ou résilier le contrat avec le client si celui-ci devait faire un « mauvais usage » du service, tel que défini unilatéralement par elle (clause anti-allotement).

505. À cet égard, comme cela a été développé aux paragraphes 140 et suivants, l’objectif poursuivi par Doctolib à travers ces clauses était d’établir à l’égard des professionnels de santé une « barrière-clé » à l’entrée du marché, permettant d’éviter des départs à la concurrence623. À titre d’exemple, un échange de courriels interne de novembre 2018 montre sans équivoque que l’exclusivité est présentée comme un moyen d’éviction de la concurrence : « Bloquer Cegedim (inclure l'exclu dans le contrat) »624.

506. Il convient d’ajouter que Doctolib avait conscience du risque juridique associé à la clause d’exclusivité, comme en témoignent les échanges intervenus en février 2019, au cours desquels la direction juridique a expressément recommandé au président et au directeur général de Doctolib de supprimer ladite clause en raison de son caractère potentiellement anticoncurrentiel (voir paragraphes 147 et suivants). Or, non seulement cette clause a été maintenue dans la documentation contractuelle de Doctolib, à la demande expresse de son président, mais celle-ci en juin 2019, l’a amplifiée avec l’ajout de la clause anti-allotement, dans le but de renforcer l’effet dissuasif pesant sur les professionnels de santé quant au recours à des prestataires concurrents.

507. En sixième lieu, s’agissant de l’argument de Doctolib selon lequel ses pratiques commerciales ne vont pas au-delà d’une simple concurrence par les mérites, il convient de rappeler que, dès lors que Doctolib détient une position dominante sur le marché pertinent, elle est tenue à une responsabilité particulière, l’obligeant à ne pas altérer, par les moyens qu’elle emploie, une concurrence effective et non faussée. Or, les pratiques mises en œuvre, en particulier la combinaison de clauses contractuelles d’exclusivité et de pressions commerciales visant à dissuader les professionnels de santé de recourir à des services concurrents, excèdent manifestement les moyens relevant d’une concurrence par les mérites.

508. À cet égard, la défense développée par Doctolib révèle une contradiction manifeste : d’une part, elle soutient que sa stratégie commerciale fondée sur l’exclusivité relèverait d’une dynamique vertueuse fondée sur la qualité de son offre et sur la performance de ses équipes, et qu’elle serait donc pleinement légitime ; d’autre part, elle affirme que la clause d’exclusivité, au cœur de cette stratégie, était ignorée par ses clients et demeurait inappliquée. Une telle position revient à nier la portée concrète de mécanismes contractuels qu’elle a pourtant délibérément conçus et maintenus, précisément pour en tirer un avantage concurrentiel. Cette incohérence dans l’argumentation contredit la thèse selon laquelle Doctolib se serait limitée à une concurrence par les mérites. Enfin, il doit être relevé que si, comme le soutient Doctolib, ses produits étaient systématiquement préférés par les clients ou plus performants lorsqu’utilisés seuls, Doctolib n’avait nul besoin de se protéger en insérant de telles clauses dans ses contrats.

Sur l’effet des clauses

Arguments de Doctolib

509. Doctolib soutient que les pratiques liées à l’exclusivité et à l’allotement ne peuvent conduire à un verrouillage du marché notamment du fait de la taille du marché adressable et de la contestabilité de sa clientèle.

510. Selon Doctolib, l’analyse, par les services d’instruction, des contrats conclus avec ses clients grands comptes se limiterait à quelques contrats qui ont une durée limitée inférieure à la durée alléguée dans le grief, la majorité du chiffre d’affaires de Doctolib engendré par ces grands comptes étant liée à des contrats ne comportant pas de clause d’exclusivité. Certains contrats grands comptes comporteraient également des clauses excluant explicitement toute obligation d’exclusivité, et les contrats comportant des clauses d’exclusivité représenteraient « une part marginale de l’activité de Doctolib »625, sans impact sur sa croissance.

511. Doctolib estime par ailleurs que comme ses clients peuvent facilement et rapidement mettre un terme au contrat signé avec elle, compte tenu de la souplesse des modalités de résiliation (sans condition, sans indemnité, avec transfert des données et un préavis de seulement 15 jours), ils sont eux aussi « adressables » par les concurrents, qui peuvent « les démarcher librement et sans le moindre coût »626. Doctolib indique que sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, entre 2017 et 2022, un nombre important de professionnels de santé a souscrit à un tel service « notamment chez Doctolib, alors qu’ils ne souscrivaient à aucun service préalablement »627. Doctolib présente des arguments similaires s’agissant de la téléconsultation. Elle produit des graphiques montrant, pour la période 2017-2023 s’agissant des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et 2019-2023 pour les solutions de téléconsultation médicale, que la proportion des praticiens abonnés à Doctolib est minoritaire, par rapport à celle des praticiens qui ne sont pas ses clients et donc non couverts par la clause d’exclusivité. Ainsi, selon Doctolib, le simple constat de la faible couverture du marché par la pratique d’exclusivité devrait suffire en soi à exclure la capacité d’éviction de cette pratique.

512. Selon Doctolib, ses clients sont libres de migrer à tout moment vers la concurrence. En effet, les taux de churn de Doctolib seraient très importants628, alors même que le taux de satisfaction de ses abonnés serait lui aussi élevé. Cela témoignerait du fait que les professionnels de santé sont libres de résilier, et que ceux qui restent chez Doctolib le font de leur plein gré, sans être contraints629.

513. Doctolib estime aussi que les clauses d’exclusivité et anti-allotement n’étaient pas connues des professionnels de santé, et que les hypothèses de mise en œuvre de l’exclusivité ne sont pas suffisamment documentées dans la notification de griefs. De ce fait, l’effet dissuasif de la clause serait inexistant, et ce d’autant plus que son « éventuelle sanction est indolore » pour le client (résiliation avec un délai de préavis de 15 jours). En outre, lorsque Doctolib a supprimé la clause d’exclusivité de ses Conditions contractuelles, le fait que « les cas de multi-hébergement pour la prise de rendez-vous ou pour la téléconsultation n’ont pas évolué »630 démontrerait l’absence d’effet dissuasif de la clause d’exclusivité.

514. Enfin, Doctolib indique qu’en octobre 2023 (septembre 2023 pour les nouveaux abonnés), elle a retiré les clauses litigieuses avec application immédiate, supprimant ainsi les barrières au multi-hébergement. Malgré cette suppression, le multi hébergement resterait toutefois une hypothèse marginale, ce qui confirmerait l’absence d’intérêt des professionnels de santé pour une telle configuration. Selon les estimations de Doctolib, pour la prise de rendez-vous en ligne, moins de [0-10] % des abonnés de Doctolib Patient seraient aussi abonnés au service de prise de rendez-vous en ligne de Maiia ; pour la téléconsultation, moins de [0-10] % des abonnés de Doctolib Téléconsultation seraient abonnés au service de téléconsultation de Maiia.

Réponse de l’Autorité

515. Les éléments recueillis au cours de l’instruction démontrent la capacité effective des clauses d’exclusivité et anti-allotement à exclure du marché des concurrents aussi efficaces que Doctolib et à restreindre la concurrence sur le marché français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne.

516. En premier lieu, ces clauses ont été introduites dans un marché marqué par l’existence de puissants effets de réseau indirects tendant déjà à élever les barrières à l’entrée et à l’expansion (voir les paragraphes 310 à 325). Ce phénomène était non seulement connu, mais aussi revendiqué par Doctolib. C’est donc dans des conditions de marché prévalant à l’époque des pratiques, et tendant déjà à limiter l’intensité concurrentielle, que les pratiques en cause ont été conçues et mises en œuvre par Doctolib afin d’augmenter encore les barrières à l’entrée, au maintien et au développement de ses concurrents actuels ou potentiels. Cela a d’autant plus de conséquences que, s’agissant d’un marché naissant, les pratiques ont figé de manière durable la structure du marché.

517. En deuxième lieu, l’ampleur et la portée des pratiques en cause démontrent en l’espèce la capacité effective des clauses litigieuses à restreindre la concurrence.

518. D’une part, les pratiques ont été mises en œuvre par un opérateur en position dominante disposant d’un très fort pouvoir de marché, caractérisé notamment par ses parts de marché extrêmement élevées, l’existence de puissantes barrières à l’entrée (dont la grande notoriété de Doctolib) et un faible contre-pouvoir de la demande. Or, cette notoriété contribue activement aux effets des pratiques liées à l’exclusivité et à l’allotement, puisque si un professionnel de santé doit choisir entre Doctolib Patient et un service concurrent, il estincité, du fait de sa notoriété, à choisir Doctolib Patient au détriment de l’opérateur concurrent.

519. D’autre part, ces pratiques ont concerné l’essentiel des clients de Doctolib. Compte tenu de la position dominante de cette dernière et du nombre très élevé de ses clients, les pratiques en cause ont nécessairement couvert une part significative de la demande sur le marché concerné.

520. En ce qui concerne les clients grands comptes, une part importante d’entre eux est également soumise à une clause d’exclusivité. Ainsi, la majorité des vingt clients grands comptes les plus importants pour Doctolib en termes de chiffre d’affaires, et ayant conclu un contrat directement avec cette dernière, sont liés par une telle clause. De surcroît, ces clients sont tenus de faire respecter la clause d’exclusivité par les professionnels de santé exerçant en leur sein, notamment au moyen de clauses de porte-fort631 figurant dans les contrats ou dans les Conditions contractuelles Doctolib. Les observations de Doctolib, selon lesquelles l’échantillon de contrats grands comptes retenu par les services d’instruction ne serait pas représentatif et qu’un grand nombre de ces clients ne seraient pas liés par une clause d’exclusivité, ne sont étayées ni par des données objectives, ni par des éléments chiffrés. En particulier, Doctolib ne fournit aucune information quantifiée sur la proportion de clients passant par une centrale d’achat, se limitant à des affirmations générales, non corroborées.

521. En tout état de cause, à supposer que l’affirmation de Doctolib relative à la faible proportion de clients grands comptes effectivement soumis à une clause d’exclusivité soit fondée, il convient de souligner que les professionnels de santé individuels – qui, eux, ont tous signé les Conditions contractuelles Doctolib qui contiennent ladite clause d’exclusivité –représentent une part très largement majoritaire de sa clientèle. Les données communiquées par Doctolib indiquent en effet qu’entre 2017 et 2022, le nombre de professionnels individuels recourant au service de prise de rendez-vous est en moyenne [20-30] fois supérieur à celui des clients grands comptes. En valeur également, la part représentée par les clients grands comptes reste minoritaire par rapport aux professionnels individuels632. Il en résulte que le taux de couverture des clauses d’exclusivité et d’anti-allotement sur le marché français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne est élevé, ce qui confirme leur effet restrictif sur la concurrence.

522. Sur ce dernier point, contrairement à ce que soutient Doctolib, l’analyse des effets de verrouillage induits par la pratique d’exclusivité en cause doit être conduite au regard, d’une part, de l’importance de la position dominante de Doctolib, et, d’autre part, du taux de couverture du marché effectivement affecté par les clauses d’exclusivité. Cette analyse doit se fonder sur le marché constitué de la clientèle effectivement couverte et atteinte par les services des entreprises présentes sur le marché (« marché adressé »), et non sur un marché simplement « adressable », fondé sur la clientèle théorique ou potentielle, comme le soutient à tort Doctolib.

523. À cet égard, Doctolib ne fournit aucun élément permettant de précisément délimiter cette clientèle « adressable ». De plus, le fait pour Doctolib d’avoir capté de manière précoce les praticiens les plus intéressés par les services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, présentant le plus fort potentiel d’attractivité, constitue également un moyen de restreindre l’accès au marché pour les concurrents, lesquels se voient contraints de s’adresser à une clientèle moins encline à adhérer à leur offre, impliquant ainsi pour eux des coûts d’acquisition sensiblement accrus. Dès lors, dans le cas d’espèce, le fait que la part des clients effectivement liés à Doctolib apparaisse limitée au regard du nombre total de clients théoriquement atteignables est dépourvu de pertinence au regard de l’objet même de l’analyse des effets anticoncurrentiels sur les marchés pertinents.

524. En troisième lieu, les effets de la pratique d’exclusivité ne sauraient être contrebalancés par les dispositions des Conditions contractuelles relatives à la durée et à la résiliation. En effet, si les professionnels de santé peuvent contractuellement résilier à tout moment leur contrat avec Doctolib, moyennant un préavis de quinze jours, la clause d’exclusivité les empêche de recourir simultanément à un service Doctolib et à un service concurrent. En tout état de causeet comme cela ressort des paragraphes 498 et suivants, la facilité de résiliation n’est qu’apparente, compte tenu de la notoriété de Doctolib et du manque d’alternatives crédibles.

525. En effet, un professionnel de santé client de Doctolib pourrait souhaiter examiner et évaluer les offres proposées par des plateformes concurrentes, émergentes ou déjà établies, sans pour autant mettre préalablement fin à son contrat avec Doctolib, afin de « tester » les offres alternatives sans pour autant être contraint de renoncer à la visibilité exceptionnelle garantie par la plateforme Doctolib. En raison des clauses litigieuses, les concurrents de Doctolib devraient alors trouver des moyens pour compenser ce manque à gagner. Dans ce contexte, les clauses imposées par Doctolib ont pour effet d’entraver cette capacité d’expérimentation et de limiter la possibilité de ses abonnés de faire un choix éclairé et adapté à leurs besoins, tout en consolidant la position dominante de Doctolib sur le marché.

526. L’effet de ces clauses est d’autant plus important que leur impact sur le modèle économique des professionnels de santé n’apparaît pas négligeable. En effet, comme cela a été rappelé ci-avant (voir les paragraphes 313 et suivants), le recours à Doctolib Patient permet aux professionnels de santé des économies de coûts importantes, de sorte que la rupture des liens commerciaux avec Doctolib entraînerait nécessairement un coût significatif pour un professionnel de santé qui ne pourrait plus bénéficier des mêmes effets de réseau, ni d’économies de coûts comparables sur une autre plateforme.

527. En quatrième lieu, les niveaux de churn annuel avancés par Doctolib Patient ([10-20] % depuis 2020) et Doctolib Téléconsultations ([10-20] % à [20-30] % en 2022-2023) ne sont pas suffisants pour remettre en cause les effets anticoncurrentiels des clauses d’exclusivité et d’anti-allotement. Tout d’abord, il convient de rappeler que Doctolib elle-même estime en interne bénéficier d’un « taux de churn ridicule » (voir le paragraphe 353 ci-avant). En outre, les taux de churn observés par Doctolib présentent certains biais qui ont été développés supra au paragraphe 429. Par conséquent, ces taux n’excluent pas que la pratique d’exclusivité ait pu avoir pour effet de décourager une partie importante des professionnels de santé. En tout état de cause, un niveau de churn annuel, même situé aux alentours de 10 % à 20 %, n’exclut pas qu'une proportion significative des abonnés de Doctolib renonce

à adopter une solution concurrente qu’ils souhaiteraient pourtant tester ou utiliser tout en continuant à bénéficier du trafic de patientèle de Doctolib, largement supérieur à celui de ses concurrents.

528. Une satisfaction élevée des clients entre janvier 2021 et mars 2023 suggère également que le taux de churn de Doctolib revêt une importance toute relative. En effet, l’allégation avancée de départs massifs vers la concurrence semble contredite par la forte satisfaction des abonnés de Doctolib. Il convient également de noter que malgré une diminution du NPS633– d’environ [confidentiel] points entre début 2021 et début 2023634, le taux de churn de Doctolib est resté stable sur la période considérée, voire a diminué. Cela peut suggérer une certaine dépendance des clients de Doctolib vis-à-vis de sa plateforme et un effet de verrouillage. En tout état de cause, un niveau de satisfaction élevé n’exclut ni l’intérêt potentiel des praticiens pour des offres concurrentes, ni la possibilité que certaines clauses litigieuses les aient dissuadés d’essayer ou d’adopter progressivement ces solutions alternatives.

529. En outre, contrairement à ce que soutient Doctolib, les professionnels de santé cherchent à augmenter leur visibilité dans le but de développer leur patientèle et leur activité, comme cela a été développé supra aux paragraphes 313 et suivants. Pour ce faire, ils auraient pu avoir intérêt à recourir au multi-hébergement. En effet, la grande majorité des praticiens utilisant la plateforme Doctolib – laquelle regroupe plus de 75 % des professionnels ayant opté pour une solution de prise de rendez-vous en ligne à partir de 2019 – offrent des créneaux accessibles aux nouveaux patients et choisissent d’être publiquement visibles sur la plateforme. Les praticiens qui s’installent à leur compte auraient ainsi pu utiliser plusieurs plateformes afin d’augmenter leur visibilité auprès des patients et développer plus rapidement leur patientèle.

530. À cet égard, l’absence d’évolution du nombre de multi-hébergements après la suppression de la clause d’exclusivité en octobre 2023 n’est pas de nature à remettre en cause cette analyse. En effet, la suppression de la clause d’exclusivité par Doctolib intervient tardivement, à un moment où la notoriété et la position de Doctolib sur le marché concernésont très importantes (voir paragraphes 419 et suivants ; en 2022, sur le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, environ [75-85] % en nombre de clients et plus de [95-100] % en chiffre d’affaires). La position de Doctolib sur le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne étant désormais très largement consolidée, notamment en raison des pratiques que l’entreprise a mises en œuvre, les forts effets de réseau n’incitent plus les professionnels de santé à quitter Doctolib pour des services concurrents.

531. De même, le fait que les abonnés à Doctolib demeurent captifs et les concurrents exclus, après plusieurs années de pratiques, à un moment clé où le marché, marqué par de puissants effets de réseau, émergeait et se développait, constitue une conséquence durable des stratégies mises en place par Doctolib. Il convient de rappeler que Doctolib a acquis, en 2018, celui qu’elle considérait alors être son dernier véritable concurrent, à savoir MonDocteur (voir sur ce point les paragraphes 218 et suivants). Ainsi, le fait qu’en juin 2024, soit seulement huit mois après le retrait des clauses, seule une faible proportion des abonnés aux services de Doctolib soit également abonnée aux services de Maiia ne permet pas de conclure qu’en l’absence de ces clauses, les clients de Doctolib n’auraient pas eu davantage recours au multi-hébergement. Au demeurant, et à titre subsidiaire, aucune information détaillée concernant les données ou la méthodologie utilisée par Doctolib pour identifier les cas de multi-hébergement n’a été fournie. Dans ces conditions, l’affirmation selon laquelle seulement [0-10] % des abonnés à Doctolib Patient et [0-10] % des abonnés à Doctolib Téléconsultation seraient également abonnés aux services concurrents de Maiia ne peut être vérifiée.

Sur l’absence de justification des clauses

Arguments de Doctolib

532. Doctolib soutient que les clauses mises en cause sont justifiées par la nécessité d’éviter les effets néfastes du multi-hébergement sur la qualité du service635. En effet, le multihébergement serait source de complexité organisationnelle, de perte de temps et d’insatisfaction des patients et des praticiens et pourrait même conduire à des erreurs médicales.

533. Elle met également en avant les procès-verbaux d’audition de concurrents et d’organismes professionnels faisant état des difficultés pratiques liées à l’utilisation de plusieurs plateformes, ainsi que l’absence d’intérêt des professionnels de santé pour une telle configuration.

534. Doctolib affirme aussi que les clauses d’exclusivité et anti-allotement sont justifiées « indirectement » par la préservation de ses propres intérêts, une utilisation « dégradée » pouvant nuire à son image. Doctolib constate, enfin, que l’allotement conduit les professionnels de santé à se désabonner, ce qui confirme que l’allotement présente davantage d’inconvénients que d’avantages sur le long terme.

Réponse de l’Autorité

535. Il résulte des éléments au dossier que les arguments avancés par Doctolib pour justifier sa pratique ne sont pas fondés.

536. En premier lieu, d’un point de vue contractuel, les clauses d’exclusivité et anti-allotement sont en contradiction avec les clauses prévoyant notamment que Doctolib doit respecter « [l’]indépendance » du client636, n’est qu’un « intermédiaire » ou « prestataire » entre le professionnel de santé et le patient, et qu’elle décline sa responsabilité notamment en cas de litige entre ces derniers, ou en cas de dommages « indirects » liés à l’utilisation du service par le client637. En effet, Doctolib ne peut, sans se contredire, à la fois justifier la clause d’exclusivité par l’importance d’une bonne gestion par le professionnel de santé de ses rendez-vous et la nécessité de concentrer l’ensemble de ses rendez-vous sur une seule solution (en l’occurrence, celle qu’elle commercialise) tout en affirmant qu’elle s’engage à respecter l’indépendance du professionnel de santé, qu’elle reste un simple intermédiaire technique entre patient et professionnel de santé ou encore qu’elle ne serait pas responsable des « dommages indirects » à survenir à l’occasion de l’utilisation de ses services.

537. En deuxième lieu, il existe une discordance entre le discours officiel, à destination notamment des clients, et celui, officieux, en interne ; le premier met en avant des arguments d’ordre pratique et organisationnel pour le client, alors que le second ne révèle que des préoccupations de nature anticoncurrentielle.

538. En effet, les arguments avancés par Doctolib dans ses observations sont contredits par des échanges internes à l’entreprise qui montrent que la pratique de Doctolib n’est guidée que par ce dernier type de considérations et a pour but d’éviter le départ des clients à la concurrence ou toute souscription à une solution concurrente en sus de la sienne (voir les paragraphes 140 et suivants).

539. Ainsi, par exemple, lorsque Doctolib échange avec une agence de communication concernant un article à publier dans un magazine destiné aux professionnels de santé, elle indique : « [i]nconvénients [des sites de réservation en ligne par rapport à d’autres solutions de prise de rendez-vous médicaux] : impossibilité d'être présents sur plusieurs plateformes à la fois pour éviter les doublons dans les rendez-vous (ça fait de la pédagogie anti allotement :P) »638 (soulignement ajouté). Cette formulation, et notamment le « smiley » final, montre que là aussi, l’argument officiel à destination des professionnels de santé lecteurs de l’article (« éviter les doublons dans les rendez-vous ») n’est qu’un prétexte pour prévenir officieusement le recours par les clients de Doctolib à des services concurrents.

540. De même, dans un document de 2019, après avoir donné les raisons « officielles » : « [p]ourquoi voulons-nous faire de Doctolib la source exclusive de rendez-vous pour les médecins ? [...] raison officieuse ? Nous voulons être une interface obligatoire et stratégique entre le médecin et son patient afin de les verrouiller tous les deux » (cf. supra paragraphe 145) (soulignement ajouté).

541. En troisième lieu, il ressort des constatations que la plupart des opérateurs et syndicats de médecins interrogés considèrent que l’exclusivité n’est pas justifiée, notamment d’un point de vue opérationnel ou technique, même si certains d’entre eux relèvent effectivement que l’utilisation par un professionnel de santé de plusieurs services de prise de rendez-vous médicaux en ligne concurrents peut complexifier la gestion pratique des rendez-vous639(voir, en ce sens, les paragraphes 179 et suivants ci-avant).

542. À cet égard, comme le montrent les échanges mentionnés aux paragraphes 183 et suivants, les professionnels de santé sont susceptibles d’avoir intérêt à recourir à deux services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, afin de bénéficier d’une visibilité accrue, d’optimiser la gestion de leur activité, ou encore de toucher des populations différentes. Selon leur organisation ou leurs contraintes, ils peuvent souhaiter utiliser deux services sans difficulté pratique particulière. Par exemple, un professionnel de santé ou client grand compte inscrit et disposant d’un profil visible peut décider de n’ouvrir que l’un de ses deux agendas à la prise de rendez-vous (partiellement ou totalement), ou selon des paramètres (mode d’activité, spécialité, jours de la semaine, etc.) qui lui sont propres, selon ses préférences.

543. Il paraît, en outre, surprenant de considérer qu’un professionnel de santé, même aguerri, souhaitant cumuler plusieurs agendas dégraderait son expérience utilisateur lorsqu’il exerce ce choix de manière éclairée, d’autant que les contrats n’imposent aucun engagement de durée. Un client pourrait, en effet, résilier l’un des abonnements en cas d’expérience d’utilisation non satisfaisante. Une expérience utilisateur satisfaisante pour un abonné de Doctolib aurait précisément consisté à lui offrir la liberté de choix, afin qu’il forge sa propre opinion sur l’opportunité d’utiliser plusieurs agendas, ou d’en expérimenter d’autres, en fonction de ses besoins spécifiques.

544. En quatrième lieu, le lien établi par Doctolib entre la prétendue dégradation de la qualité du service et le désabonnement de ses clients paraît surprenant. Si l’allotement peut effectivement aboutir à la résiliation du contrat par le client, Doctolib ne fournit aucun élément de nature à démontrer que ce sont les prétendus manques de praticité ou les difficultés de gestion qui mènent le professionnel de santé à quitter la plateforme Doctolib.

545. En cinquième et dernier lieu, il convient de souligner que Doctolib ne fournit pas, à l’appui de ses arguments, d’exemples de cas dans lesquels les risques et dangers prétendument encourus par les patients du fait de l’utilisation de deux services concurrents par un professionnel de santé se seraient réalisés. Doctolib ne fournit pas non plus d’exemples dans lesquels sa responsabilité, même à un stade précontentieux, aurait été engagée par un patient ou un professionnel de santé du fait de dommages survenus en lien avec une situation d’allotement, ni n’indique avoir subi une détérioration de son image de marque du fait d’une telle situation. Enfin, Doctolib n’apporte pas d’éléments de nature à démontrer que des professionnels de santé clients ou des patients se seraient inquiétés des modalités pratiques ou des conséquences potentielles d’un tel cumul.

Conclusion sur la pratique d’exclusivité

546. Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que Doctolib a abusé de sa position dominante sur le marché français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne en mettant en œuvre une pratique d’exclusivité. Cette pratique a eu la capacité effective de restreindre la concurrence sur le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne ainsi que sur le marché national des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales. Elle revêt un caractère anticoncurrentiel à compter de début 2017, période depuis laquelle Doctolib est en position dominante et a perduré jusqu’au 30 septembre 2023.

547. Enfin, ainsi que cela sera détaillé aux paragraphes 608 et suivants, la pratique de Doctolib relative à l’exclusivité et à l’allotement doit se lire, dans son objet et ses effets, en combinaison avec la pratique de vente liée.

c) Sur le caractère abusif de la vente liée

Rappel des principes

548. L’article L. 420-2 du code de commerce prohibe l’exploitation abusive d’une position dominante consistant en des ventes liées, au même titre que l’article 102, alinéa 2, sous d), du TFUE.

549. La vente liée est une pratique consistant à lier la fourniture de deux produits ou de deux prestations de services distincts ou d’en subordonner réciproquement la fourniture de l’un à l’autre. Elle est interdite si elle tend à restreindre la concurrence.

550. Selon la jurisprudence constante de l’Union, la caractérisation d’une vente liée abusive repose sur quatre éléments cumulatifs : « premièrement, le produit liant et le produit lié sont deux produits distincts ; deuxièmement, l'entreprise concernée détient une position dominante sur le marché du produit liant ; troisièmement, ladite entreprise ne donne pas aux consommateurs le choix d'obtenir le produit liant sans le produit lié ; quatrièmement, la pratique en cause restreint la concurrence »640.

551. S’agissant de la quatrième condition, le Tribunal a précisé que « [m]ême s’il est vrai que ni l’article [102], second alinéa, sous d), [TFUE] ni, plus généralement, l'article [102 TFUE]ne contiennent une référence à l’effet anticoncurrentiel de la pratique visée, il n’en demeure pas moins que, par principe, un comportement ne sera considéré comme abusif que s’il est susceptible de restreindre la concurrence. Aux fins de l’application de l’article [102 TFUE]en matière de ventes liées, la Commission peut examiner les effets concrets qu’une vente liée a eus sur le marché ainsi que la manière dont celui-ci est appelé à évoluer, plutôt que de se contenter de considérer – comme elle le fait normalement dans les affaires en matière de ventes liées abusives – que ladite vente liée a un effet d'exclusion sur le marché per se, cela ne signifiant pas qu'elle a adopté une nouvelle théorie juridique »641.

552. Enfin, comme l’a souligné la Cour de justice dans l’affaire Tetra Pak II, « même lorsque la vente liée de deux produits est conforme aux usages commerciaux ou lorsqu’il existe un lien naturel entre les deux produits en question, elle peut néanmoins constituer un abus au sens de l’article [102], à moins qu’elle ne soit objectivement justifiée »642.

Sur le caractère anticoncurrentiel de la vente liée

Arguments de Doctolib

553. Doctolib conteste, à titre principal, la qualification de vente liée retenue à son encontre.

554. En premier lieu, elle fait valoir que la première condition exigée par la jurisprudence, tenant à l’existence de deux produits distincts, ne serait pas remplie. Selon elle, Doctolib Patient et Doctolib Téléconsultation ne constituent pas deux services distincts, mais relèvent d’un même marché global, à savoir celui des logiciels de gestion à destination des acteurs de la santé643. Elle soutient, à titre subsidiaire, que même à supposer que ces deux services relèvent de marchés distincts, les fonctionnalités de Doctolib Téléconsultation seraient indissociables de celles de la prise de rendez-vous proposées par Doctolib Patient. En effet, la programmation d’une téléconsultation impliquerait nécessairement la prise préalable d’un rendez-vous dans un agenda, et les deux services auraient été conçus pour fonctionner de manière intégrée. Elle précise que Doctolib Téléconsultation ne se limite pas à un simple outil de vidéotransmission, mais constitue un complément fonctionnel de Doctolib Patient. Selon elle, une dissociation des deux services serait à la fois inutile pour les professionnels et les usagers et source de « complexités importantes ».

555. En second lieu, Doctolib soutient que la deuxième condition tenant à la détention d’une position dominante sur le marché du produit liant, en l’espèce la téléconsultation, ne serait pas davantage remplie. Elle souligne qu’elle n’est entrée sur ce marché qu’en 2019, en tant que nouvel acteur, et que l’Autorité ne saurait dès lors lui reconnaître une position dominante à cette date.

Réponse de l’Autorité

556. Il ressort des éléments du dossier que les services de prise de rendez-vous médicaux en ligne (Doctolib Patient) et de téléconsultations médicales (Doctolib Téléconsultation) sont des produits distincts et que Doctolib détient une position dominante sur le marché du produit liant, à savoir celui des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales.

557. Les critiques formulées par Doctolib à l’encontre de la qualification de vente liée, tenant à l’absence de distinction entre les services Doctolib Patient et Doctolib Téléconsultation d’une part, et à l’absence de position dominante sur le marché du produit liant d’autre part, ne sauraient prospérer.

558. Ces arguments ont d’ores et déjà été analysés et écartés par l’Autorité au stade de la définition des marchés pertinents et de l’appréciation du pouvoir de marché détenu par Doctolib. Il a en effet été établi (voir les paragraphes 331 et suivants, 347 et suivants, 369 et suivants) que les services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et les services de téléconsultation constituent deux marchés distincts, eu égard à leurs caractéristiques fonctionnelles, leurs finalités propres, leurs conditions de commercialisation et la perception qu’en ont les utilisateurs professionnels. La seule articulation technique entre ces services, qui résulte notamment de la nécessité de fixer un rendez-vous pour programmer une téléconsultation, ne saurait suffire à démontrer leur indissociabilité économique. Il a également été relevé que d’autres opérateurs proposent séparément l’un ou l’autre de ces services, ce qui confirme leur autonomie respective.

559. Par ailleurs, il a été démontré que Doctolib détenait une position dominante sur chacun de ces deux marchés, et ce même s’agissant du marché des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations, sur lequel elle est entrée en janvier 2019. Cette appréciation repose sur un faisceau d’indices, parmi lesquels figurent les parts de marché détenues, leur évolution, la rapidité de croissance de sa base installée, la notoriété de la marque et l’existence d’autres barrières à l’entrée. La qualité d’entrant sur un marché n’est pas, en soi, de nature à exclure la détention d’un pouvoir de marché dès lors que, comme en l’espèce, les conditions économiques et concurrentielles démontrent une capacité effective à se comporter de manière indépendante vis-à-vis de la concurrence et de la demande.

560. Il ne saurait donc être utilement soutenu, à ce stade, que les conditions de qualification de la pratique de vente liée ne seraient pas réunies faute de marchés distincts ou de position dominante sur le marché du produit liant.

561. Les éléments du dossier confirment également que la pratique reprochée remplit pleinement la troisième condition posée par la jurisprudence, à savoir l’absence de liberté de choix laissée au client pour se procurer séparément les deux produits ou services.

562. Comme cela a été exposé aux paragraphes 187 et suivants, dès le lancement du service Doctolib Téléconsultation en 2019, les Conditions contractuelles Doctolib imposaient la souscription préalable au service Doctolib Patient pour accéder à la téléconsultation. La vente de Doctolib Téléconsultation était donc contractuellement liée à celle de Doctolib Patient. En d’autres termes, les clients ne pouvaient accéder au produit liant (la téléconsultation) sans souscrire également au produit lié (le service de prise de rendez-vous Doctolib Patient).

563. Cette pratique était activement mise en œuvre sur le plan commercial par Doctolib, comme en témoignent les instructions données aux équipes de vente (voir les paragraphes 249 et suivants). Les documents internes, notamment les guides « Sales Bible », sont sans équivoque sur ce point. Ils indiquent clairement, par exemple que :

− « [d]ans le cas où un praticien est client d'une solution concurrente de téléconsultation mais pas encore client de l'agenda Doctolib, il faut tout d'abord lui installer l'agenda pour que 30 jours plus tard on puisse lui installer la téléconsultation »644 ;

− « [u]n praticien ne peut utiliser la TCS que s’il utilise déjà l’agenda Doctolib, il faut donc d’abord lui vendre l’agenda » ; « [j]e vous présente notre agenda, pré-requis indispensable pour utiliser la TCS (…) Une fois l’agenda installé, un de nos consultants téléconsultation, passer [sic] vous présenter notre produit »645.

564. Ces formulations démontrent que l’usage de Doctolib Téléconsultation est subordonné à l’utilisation préalable du service Doctolib Patient, sans possibilité d’alternative pour les professionnels.

565. Comme mentionné aux paragraphes 197 et suivants, ces instructions ont été effectivement mises en œuvre, y compris à l’encontre de professionnels de santé souhaitant souscrire au seul service de téléconsultation, sans abandonner leur solution concurrente de prise de rendez-vous médicaux en ligne. Il ressort ainsi de plusieurs courriels internes que les équipes commerciales ont expressément refusé d’activer le service de téléconsultation dans ces cas. Par exemple, à propos d’une cliente souhaitant accéder à la téléconsultation sans souscrire à Doctolib Patient, la réponse fournie était : « elle doit repasser par la case agenda avant qu’on puisse faire quoi que ce soit »646 ou encore : « [i]l faut qu’un BD Télé [commercial téléconsultation] le rappelle pour lui faire une démo en lui expliquant bien qu’il sera obligé de prendre l’agenda »647.

566. Enfin, les courriels analysés au paragraphe 205 démontrent que les équipes commerciales de Doctolib mettaient en œuvre une stratégie délibérée et proactive de détection des professionnels utilisant un service de téléconsultation concurrent, en les incitant à souscrire à Doctolib Patient comme préalable obligatoire à l’accès à Doctolib Téléconsultation.

Sur les effets de la pratique de vente liée (quatrième condition)

Arguments de Doctolib

567. Doctolib soutient que la pratique de vente liée n’a pas produit d’effet anticoncurrentiel648.

568. En premier lieu, elle estime que cette pratique n’a produit aucun effet restrictif sur la concurrence. Elle affirme à cet égard que la fonctionnalité Doctolib Téléconsultation représente une part marginale du marché des services de prise de rendez-vous en ligne : seuls [10-20] % des praticiens abonnés à Doctolib Patient y auraient recours, ce qui correspondrait à moins de [0-10] % des professionnels adressables. En 2019, 99 % du marché n’auraient pas été affectés par cette pratique, un chiffre qui resterait élevé en 2023 ([90-100] %).

569. Doctolib réfute également tout effet de verrouillage du marché. Selon elle, la téléconsultation engendre moins de [5-10] % de son chiffre d’affaires total, et les professionnels concernés représenteraient une part négligeable de la demande sur le marché lié. Elle ajoute que, compte tenu du caractère indissociable des services de prise de rendez-vous et de téléconsultation programmée, les professionnels de santé n’auraient aucun intérêt à souscrire ces services auprès d’opérateurs distincts. En outre, la majorité des utilisateurs de Doctolib Téléconsultation étaient déjà abonnés à Doctolib Patient, et de nombreux abonnés ayant souscrit à la première solution pendant la crise sanitaire ont par la suite résilié leur abonnement.

570. Doctolib indique par ailleurs que les acteurs du marché interrogés par les services d’instruction n’ont rapporté ni plaintes émanant de professionnels de santé, ni éléments laissant supposer un effet dissuasif pour les concurrents. Elle souligne également que la plupart des opérateurs concurrents proposant un service de téléconsultation offrent aussi un service d’agenda intégré.

571. Doctolib en conclut que les services d’instruction n’auraient pas démontré l’existence d’un effet autonome de la vente liée sur le jeu de la concurrence, faute d’avoir apporté la preuve d’une restriction effective.

572. En second lieu, Doctolib conteste toute stratégie visant à renforcer sa position concurrentielle sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne. Elle soutient que la vente liée ne s’inscrivait pas dans une logique de conquête de nouveaux clients, mais visait exclusivement à proposer un service complémentaire à sa clientèle existante. Elle invoque à cet égard des documents internes montrant que Doctolib Téléconsultation n’avait pas vocation à être commercialisée auprès de prospects, mais uniquement à destination des clients de Doctolib Patient. Elle ajoute que la solution de téléconsultation était conçue comme une extension indissociable de son service principal, ce qui rendrait économiquement incohérente toute stratégie de captation de clientèle via la vente liée. Enfin, elle relève qu’elle ne pouvait anticiper le succès de ce nouveau service, comme en témoigneraient des échanges internes relatifs aux incertitudes du lancement, ainsi que sa décision de ne pas développer une offre de téléconsultation instantanée, ce qui démontrerait en outre l’absence d’intention anticoncurrentielle.

Réponse de l’Autorité

573. Doctolib soutient que la pratique de vente liée n’a eu aucun effet sur le jeu de la concurrence. Cet argument ne saurait prospérer.

574. Comme cela a été rappelé au paragraphe 551, la quatrième condition dégagée par la jurisprudence relative à la vente liée n’exige pas la preuve d’effets anticoncurrentiels réalisés, mais uniquement la démonstration que la pratique est susceptible de restreindre la concurrence, ce qui s’apprécie au regard de plusieurs critères cumulatifs (tels que la position dominante, la structure du marché ou la portée de la pratique.).

575. En l’espèce, plusieurs éléments montrent que la pratique mise en œuvre par Doctolib a renforcé les barrières à l’entrée sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, en consolidant sa position dominante au détriment des services concurrents.

576. En premier lieu, ainsi qu’il ressort des paragraphes 397 et suivants et 442 et suivants, Doctolib est en position dominante sur les deux marchés en cause, qui présentent des liens de connexité étroits entre eux. Par ailleurs, le marché lié est caractérisé par de fortes barrières à l’entrée et à l’expansion, du fait notamment de puissants effets de réseau indirects et de la notoriété de Doctolib, renforcée par une forte exposition médiatique et les recommandations institutionnelles. La stratégie de vente liée mise en œuvre dans ce contexte a eu pour effet d’évincer des concurrents moins établis qui ne peuvent imposer une vente groupée équivalente.

577. En deuxième lieu, contrairement à ce qu’avance Doctolib, les données de l’instruction montrent que le lien contractuel et commercial entre Doctolib Patient et Doctolib Téléconsultation est très fort, la quasi-totalité des abonnés à Doctolib Téléconsultation étant également abonnée à Doctolib Patient (voir les paragraphes 203 et suivants). Cette corrélation n’est pas fortuite : elle résulte d’une stratégie délibérée, relayée par des consignes internes explicites interdisant la vente de Doctolib Téléconsultation sans Doctolib Patient(voir les « Sales Bible » analysée aux paragraphes 197 et suivants).

578. Doctolib tente de minimiser l’effet de sa pratique en rapportant le nombre d’utilisateurs de Doctolib Téléconsultation au nombre total de ses abonnés à Doctolib Patient. Pour autant, il ressort de l’instruction que près de [confidentiel] nouveaux abonnés ont été recrutés via la téléconsultation au cours de l’année 2020, soit près de [confidentiel] % de la clientèle de Doctolib Patient649.

579. En troisième lieu, sur l’absence alléguée de verrouillage du marché, l’argument tiré du caractère prétendument négligeable du chiffre d’affaires de Doctolib engendré par la téléconsultation est également inopérant. Il est établi que cette fonctionnalité a été utilisée comme levier de recrutement, notamment pendant la crise sanitaire, pour renforcer la base de clientèle de Doctolib Patient. De fait, les praticiens attirés par la solution de téléconsultation se sont trouvés contraints de souscrire à Doctolib Patient et ce, au détriment de solutions concurrentes. Ce mécanisme a ainsi contribué au verrouillage du marché, en consolidant les parts de marché de Doctolib sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne.

580. En quatrième lieu, l’absence de plaintes individuelles des concurrents ou professionnels de santé ne saurait suffire à invalider l’existence d’une restriction de concurrence dès lors que l’analyse économique et factuelle démontre une capacité d’éviction. De surcroît, les concurrents de Doctolib ont confirmé que la souscription à des services distincts auprès de plusieurs opérateurs est souhaitée par certains professionnels, ce que la vente liée empêche en pratique650.

581. En cinquième lieu, l’existence d’effets autonomes de la pratique de vente liée a été établie par l’instruction651. Ces effets ne se confondent ni ne se diluent dans ceux produits par les clauses d’exclusivité, mais au contraire, se cumulent et se renforcent mutuellement, augmentant ainsi la capacité d’éviction des pratiques mises en œuvre par Doctolib.

582. En sixième lieu, sur l’objectif anticoncurrentiel de Doctolib, les éléments au dossier démontrent l’existence d’une stratégie coordonnée et assumée de renforcement de la position de Doctolib Patient via la vente liée de Doctolib Téléconsultation (voir les paragraphes 191et suivants). Les documents internes (notamment « Hunting strategy – Sales Bible ») confirment que la vente de la solution de téléconsultation était conditionnée à la souscription préalable à Doctolib Patient, afin de maximiser le « taux de bundle », d’augmenter la rétention client et de verrouiller les praticiens dans l’écosystème Doctolib.

583. L’argument tiré de l’impossibilité d’anticiper le succès de la téléconsultation pendant la crise sanitaire ne fait pas obstacle à la qualification de la pratique. Il ressort, en effet, des documents internes que Doctolib avait identifié à la fois des risques et des opportunités commerciales à travers cette offre et que son lancement s’inscrivait dans une logique de conquête de clientèle, y compris chez les utilisateurs de services concurrents.

584. Quant à l’absence de lancement d’une téléconsultation « instantanée », elle ne permet pas de conclure à l’absence de stratégie anticoncurrentielle. L’intégration technologique des services ne rend pas leur commercialisation conjointe économiquement ou juridiquement nécessaire. D’ailleurs, aucun autre acteur du marché n’impose une telle dépendance entre ses services.

L’absence de justification à la pratique de vente liée

Arguments de Doctolib

585. Doctolib soutient que la vente liée entre Doctolib Patient et Doctolib Téléconsultation est objectivement justifiée, car ces services sont indissociables dans leur fonctionnement652.

586. Doctolib considère, en effet, que les avantages procurés par la vente liée et les inconvénients induits par une dissociation des deux services sont de nature à contrebalancer les effets d’éviction de la vente liée, qui ne serait donc pas abusive. En effet, une dissociation entraînerait une dégradation significative du service. Un praticien souhaitant utiliser Doctolib Téléconsultation sans Doctolib Patient devrait passer par un site concurrent pour la prise de rendez-vous, compliquant l’envoi des liens de connexion, la gestion des paiements et la coordination du parcours patient. Cela nuirait à l’expérience des professionnels de santé et des patients, sans apporter d’avantage concurrentiel.

587. Doctolib estime aussi qu’un abonnement à Doctolib Téléconsultation sans Doctolib Patient ne rencontrerait vraisemblablement qu’une demande très limitée, dans la mesure où plus de [70-80] % des téléconsultations réalisées chaque année sur Doctolib interviendraient à la suite d’une prise de rendez-vous en ligne653, ce qui confirmerait la pertinence de l’intégration.

588. Enfin, plusieurs acteurs du marché ont reconnu l’intérêt de proposer une solution unique, simplifiant la gestion pour les professionnels de santé.

Réponse de l’Autorité

589. Il ressort des pièces du dossier que la pratique de vente liée mise en œuvre par Doctolib n’est pas objectivement justifiée.

590. Tout d’abord, en ce qui concerne le caractère prétendument indissociable de Doctolib Téléconsultation et de Doctolib Patient, il convient, là encore, de relever la discordance entre, d’une part, le discours officiel de Doctolib sur la pratique de vente liée et, d’autre part, le discours interne. En effet, des éléments internes montrent que la stratégie de Doctolib consistant à lier Doctolib Téléconsultation et Doctolib Patient n’est pas guidée par des considérations opérationnelles ou techniques. Le caractère prétendument indissociable des deux services est ainsi utilisé dans le discours commercial des équipes de Doctolib pour vendre les deux solutions ou « attaquer » des professionnels de santé clients de services concurrents de prise de rendez-vous médicaux en ligne.

591. Outre ces éléments internes, la possibilité et la capacité à dissocier ces deux services ressort notamment des constatations suivantes :

− la proposition par un professionnel de santé à ses patients, d’une consultation à distance, nécessite pour lui d’être équipé d’une solution technologique dédiée spécifique qui est distincte et ne se confond pas avec la fonction de prise de rendezvous en ligne ;

− les entreprises proposant des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales ne proposent pas toutes un service de prise de rendez-vous médicaux en ligne654. Le nombre d’entreprises proposant des solutions de vidéotransmission permettant de réaliser des téléconsultations – sans forcément proposer de service de prise de rendez-vous médicaux en ligne – est plus important que le nombre d’opérateurs proposant des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne655 ;

− Doctolib Patient et Doctolib Téléconsultation ont des tarifs distincts et sont facturés séparément ;

− la plupart des concurrents et organismes représentatifs de la profession estiment qu’aucune considération d’ordre technique ou opérationnel ne justifie de lier la vente d’une solution de téléconsultation à celle d’un service de prise de rendez-vous en ligne, et que le recours par un professionnel de santé à une solution de téléconsultation et à un service de prise de rendez-vous en ligne auprès de deux concurrents est tout à fait possible, surtout dans le cas où les plages de téléconsultation sont « dédiées » (cf. supra, paragraphes 206 et 372). Les opérateurs du secteur proposant un service de prise de rendez-vous en ligne ainsi qu’une solution de téléconsultation ne lient d’ailleurs pas obligatoirement ces deux outils, même s’ils peuvent aussi les commercialiser sous forme de pack. Ainsi, les « importantes complexités » avancées par Doctolib ne semblent pas réalistes, ou à tout le moins, exagérées. En effet, ce n’est pas parce que l’utilisation simultanée de services et solutions auprès d’opérateurs différents peut présenter des inconvénients (ce que reconnaissent certains opérateurs, voir le paragraphe 207), que cela engendre d’insurmontables difficultés pratiques et ne présente aucun intérêt pour les professionnels.

592. Enfin, même si les professionnels de santé peuvent éprouver des difficultés à utiliser une solution de téléconsultation distincte du service de prise de rendez-vous en ligne, Doctolib Téléconsultation pourrait fonctionner indépendamment de tout service de prise de rendezvous en ligne, via une gestion hors ligne des réservations. Selon les données communiquées par Doctolib, chaque année depuis 2019, entre [20-30] % des téléconsultations réalisées sur Doctolib l’ont été à la suite d’une prise de rendez-vous hors ligne, sans recourir à une plateforme de réservation en ligne656, ce qui constitue une part non négligeable des téléconsultations et remet directement en cause l’argument selon lequel Doctolib Téléconsultation est indissociable de Doctolib Patient.

Conclusion sur la pratique de vente liée

593. Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que Doctolib a abusé de sa position dominante sur le marché français des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales, en mettant en œuvre une pratique de vente liée de ses solutions Doctolib Téléconsultation et Doctolib Patient. Cette pratique a eu pour effet de renforcer le nombre de clients de Doctolib Patient et ainsi la position dominante détenue par Doctolib sur le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne. En effet, en liant les deux services et en imposant la souscription préalable à Doctolib Patient pour bénéficier de Doctolib Téléconsultation, les clients n’avaient d’autre choix que de recourir au service de Doctolib, au détriment des services concurrents de prise de rendez-vous en ligne. Cette pratique a débuté en 2019, période à laquelle Doctolib a acquis sa position dominante sur le marché national des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales, et perdure à ce jour.

594. Ainsi que cela sera développé aux paragraphes 608 et suivants, cette pratique doit se lire, dans son objet et ses effets, en combinaison avec celle d’exclusivité.

d) Sur la pratique de discrimination

595. Outre les principes généraux exposés auparavant aux paragraphes 471 et suivants, il convient de rappeler que les pratiques abusives mentionnées à l’article 102 du TFUE et l’article L. 420-2 du code de commerce ne constituent pas une liste exhaustive des pratiques susceptibles d’être qualifiées d’abus de position dominante657.

596. Dans sa décision n° 21-D-11 du 7 juin 2021658, l’Autorité a rappelé qu’afin de déterminer si une entreprise a abusé de sa position dominante, il est nécessaire d’apprécier l’ensemble des circonstances de fait pertinentes et d’examiner si les pratiques tendent, par exemple, à limiter l’accès au marché des concurrents, à imposer à ces derniers un désavantage de compétitivité en leur appliquant des conditions techniques (notamment d’interopérabilité659) ou juridiques moins favorables par comparaison avec ses propres produits ou services660, à renforcer la position dominante en faussant la concurrence661, ou encore si ces pratiques relèvent ou non d’une concurrence par les mérites662.

597. La Cour de justice a considéré qu’une pratique mise en œuvre par une entreprise dominante pouvait être abusive et interdite par l’article 102 du TFUE « quels que soient les moyens ou procédés utilisés », dès lors que cette pratique serait susceptible d’avoir des effets anticoncurrentiels663. Il résulte de la nature des obligations imposées par l’articleL. 420-2 du code de commerce et l’article 102 du TFUE que, dans des circonstances spécifiques, les entreprises en position dominante peuvent être privées du droit d'adopter des comportements, ou d'accomplir des actes, qui ne seraient pas en eux-mêmes abusifs s'ils étaient adoptés, ou accomplis, par des entreprises non dominantes664.

598. En l’espèce, les professionnels de santé clients de Doctolib Patient proposant des consultations à distance ont la possibilité de renseigner sur la plateforme Doctolib des créneaux réservables pour les téléconsultations selon des motifs de consultation qu’ils paramètrent eux-mêmes. Or, Doctolib propose aux seuls clients de sa solution Doctolib Téléconsultation des motifs normés de téléconsultation, que les patients peuvent sélectionner lorsqu’ils recherchent un professionnel de santé réalisant des téléconsultations sur la plateforme Doctolib. À l’inverse, les professionnels de santé utilisant une solution de téléconsultation concurrente ne peuvent utiliser que des motifs non normés de téléconsultation, qui n’apparaissent pas dans les filtres de recherche utilisés par les patients sur la plateforme Doctolib.

599. Selon les services d’instruction, cette différence de traitement constitue une discrimination abusive au sens de l’article 102 du TFUE et de l’article L. 420-2 du code de commerce, en ce qu’elle aurait indirectement évincé des concurrents de Doctolib sur le marché de la téléconsultation.

600. Toutefois, il résulte de l’analyse des éléments au dossier que les recherches « avec filtres »ne constituent qu’une part très minoritaire des sessions de prise de rendez-vous sur Doctolib, encore plus s’agissant du filtre « téléconsultation », qui ne serait utilisé, sur la plateforme Doctolib, que pour [0-1] % des recherches. D’autre part, il n’est pas établi que Doctolib a privé de toute visibilité les professionnels de santé utilisant un autre support de téléconsultation. Sur ce point, par exemple, des pièces documentaires attestent que des professionnels de santé clients de Doctolib Patient et d’une solution de téléconsultation concurrente – au nombre de 5 000 au mois d’avril 2020 – ont renseigné un motif de téléconsultation en texte libre, et notamment des références à des solutions de téléconsultation concurrentes665.

601. Il résulte de ce qui précède que la pratique de discrimination alléguée par les services d’instruction n’est pas établie.

e) Sur l’existence d’une infraction unique, complexe et continue

Rappel des principes

602. Lorsqu’une stratégie abusive globale est mise en œuvre par le biais de plusieurs comportements, ces derniers peuvent être appréhendés comme un tout, sans qu’il soit besoin de les scinder artificiellement en autant d’abus que de pratiques666.

603. À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante de l’Union que, lorsque les pratiques unilatérales d’une entreprise dominante relèvent d’un même plan d’ensemble et qu’elles sont complémentaires, celles-ci sont susceptibles de constituer une infraction unique et continue. En effet, « la notion d’infraction unique et continue a trait à un ensemble d’actions qui s’inscrivent dans un plan d’ensemble, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun. […] Aux fins de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, il y a lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence, et contribuent, par le biais d’une interaction, à la réalisation des objectifs visés dans le cadre de ce plan global. À cet égard, il y a lieu de tenir compte de toute circonstance susceptible d’établir ou de remettre en cause ledit lien, telle que la période d’application, le contenu, (y compris les méthodes employées) et corrélativement, l’objectif des divers agissements en question »667.

604. Par ailleurs, la démonstration de l’existence d’une stratégie d’ensemble ne repose pas nécessairement sur des éléments de preuve directs, comme des documents internes mentionnant une stratégie visant à évincer les concurrents, un plan détaillé de se livrer à certaines pratiques de manière à évincer un concurrent, d’empêcher l’entrée sur un marché ou de prévenir l’émergence d’un marché, ou encore des menaces concrètes de mesures d’éviction, mais peut être également apportée via un faisceau d’indices668.

Arguments de Doctolib

605. Doctolib conteste que les pratiques qui lui sont reprochées soient constitutives d’une infraction unique, complexe et continue et que sa stratégie de développement puisse être qualifiée d’anticoncurrentielle. Elle soutient, tout d’abord, que la notification de griefs qualifie à tort comme telle une politique de croissance qui ne relève pourtant, selon elle, que d’une pure logique de concurrence par les mérites. Doctolib fait valoir, à ce titre, que son succès commercial ne saurait être interprété comme la manifestation d’un comportement anticoncurrentiel, dès lors qu’il reposerait sur :

− des atouts reconnus (compétence technique, qualité des services, proximité avec les clients), que ses concurrents n’auraient pas su égaler ;

− une stratégie commerciale dynamique, mais loyale, reconnue comme telle par plusieurs déclarations de tiers ;

− un choix délibéré de certains concurrents de ne pas se positionner frontalement contre elle.

606. Doctolib soutient, par ailleurs, que les documents internes cités à l’appui des griefs ne sont pas probants. Selon elle, la plupart de ces documents sont antérieurs à la période visée par la procédure et seraient, de ce fait, inopérants. En outre, certaines auditions de concurrents feraient état de son professionnalisme, sans mentionner l’existence d’une stratégie agressive.

Doctolib affirme également que certains documents émanant de tiers lui seraient indûment attribués.

607. Elle fait également valoir que son comportement traduirait, au contraire, une volonté manifeste de respecter les règles de concurrence, comme en témoigneraient notamment le renforcement de son service juridique et le recrutement d’un juriste spécialisé en droit de la concurrence.

Réponse de l’Autorité

608. À titre liminaire, il convient d’indiquer que l’Autorité ne remet pas en question, pas plus qu’elle ne les « stigmatise », le succès de Doctolib ou la qualité des services qu’elle propose.

Pour autant, et même en prenant en compte le fait que le développement de Doctolib serait pour bonne partie dû à ses mérites propres, les pratiques qu’elle a mises en œuvre ont bien eu pour effet, au moins potentiel, d’évincer les concurrents sur les marchés concernés.

609. Il ressort des éléments développés précédemment que Doctolib a mis en œuvre deux pratiques abusives sur les marchés français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et de la fourniture de solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales, à savoir une pratique d’exclusivité et une pratique de vente liée. Comme il sera démontré ci-après, ces pratiques, bien qu’elles revêtent des formes différentes, constituent une infraction unique, complexe et continue dans la mesure où elles sont complémentaires et qu’elles relèvent d’un même plan d’ensemble établi par Doctolib, dont l’objectif commun est la préemption et la conquête de clientèle, ainsi que la préservation de son pouvoir de marché, au détriment de ses concurrents et de leur développement sur chacun de ces marchés.

L’existence d’un plan d’ensemble

610. D’une part, il ressort des éléments développés aux paragraphes 493 et suivants que Doctolib a inséré des clauses d’exclusivité ainsi que des clauses anti-allotement dans les documents contractuels destinés à régir ses relations avec ses clients professionnels de santé, et les a mises en œuvre dans le but (i) a minima d’empêcher ces derniers de recourir à un service concurrent ayant la même finalité que celui souscrit auprès de Doctolib, (ii) avant mars 2021, de les empêcher, de manière très large, de recourir à des services concurrents de ceux proposés par Doctolib, sous peine de suspension ou de résiliation de l’abonnement, et (iii) pour les professionnels de santé déjà clients d’un service concurrent, de les contraindre à mettre un terme à cet abonnement pour souscrire aux services Doctolib.

611. D’autre part, comme exposé aux paragraphes 556 et suivants, la vente liée des services Doctolib Téléconsultation et Doctolib Patient a pour objectif de capter des clients en les obligeant à s’abonner à Doctolib Patient pour souscrire à Doctolib Téléconsultation, alors même qu’ils auraient choisi de ne pas recourir à la réservation en ligne ou qu’ils seraient déjà clients d’un service de prise de rendez-vous médicaux en ligne concurrent, au détriment des concurrents.

612. Ensemble, ces comportements mis en œuvre par Doctolib participent de l’objectif unique d’évincer les concurrents ou à tout le moins de limiter très fortement leur développement sur les marchés concernés, notamment en préemptant la clientèle ou en l’empêchant de souscrire auprès des concurrents. Ainsi, Doctolib a pu renforcer sa position dominante sur ces deux marchés.

613. En outre, ces pratiques de nature comportementale participent d’une stratégie globale, structurée et coordonnée, élaborée par Doctolib. En effet, comme exposé aux paragraphes 241 et suivants, de nombreux éléments montrent que Doctolib mène, une politique d’hypercroissance destinée à conquérir rapidement, voire très rapidement, de la clientèle ainsi qu’à développer une grande attractivité auprès des patients, dans le but de « tuer » – terme que l’on retrouve à de nombreuses reprises dans ses documents internes –la concurrence, verrouiller le marché et élever des barrières à l’entrée au développement et au maintien. Cette stratégie s’est traduite par la constitution, en peu de temps, du plus large parc de clientèle ainsi que de la solution la plus attractive et notoire, tant du point de vue des professionnels de santé que des patients utilisateurs.

614. L’ensemble de cette stratégie, dans le cadre de laquelle s’inscrivent les comportements mis en œuvre par Doctolib, avait pour unique objectif de renforcer son pouvoir de marché, au détriment et à l’exclusion des concurrents et de leur développement sur les marchés concernés. Ces comportements d’un opérateur dominant ne s’inscrivent manifestement pas dans le cadre d’une concurrence par les mérites.

615. Les arguments avancés par Doctolib pour contester la mise en œuvre d’un plan anticoncurrentiel et son intention d’enfreindre le droit de la concurrence ne sauraient prospérer.

616. Ainsi, l’affirmation de Doctolib selon laquelle les directives données à ses équipes commerciales ne contiennent aucune consigne d’adopter un comportement anticoncurrentiel ne saurait être retenue, eu égard, notamment, aux consignes répétées relatives à l’exclusivité et à l’interdiction de tout allotement. Par ailleurs, si Doctolib a effectivement recruté un juriste spécialisé en droit de la concurrence, il faut relever d’une part qu’elle ne l’a fait qu’après les opérations de visite et saisies et, d’autre part, que ce recrutement n’est n’intervenu que bien après que les dirigeants de Doctolib ont décidé de passer outre les recommandations expresses et réitérées de la direction juridique de l’entreprise quant à la nécessité de supprimer la clause d’exclusivité, compte tenu des risques juridiques encourus(voir, ci-avant, paragraphes 147 et suivants)669. La sensibilité de la direction de l’entreprise au respect du droit de la concurrence ne peut ainsi qu’être relativisée.

617. Par ailleurs, le fait que certains documents utilisés par les services d’instruction soient datés d’une période antérieure à celle visée par les griefs ne saurait conduire à les écarter de l’analyse, dès lors qu’ils permettent d’éclairer, entre autres, la stratégie adoptée par l’entreprise, dans laquelle les pratiques en cause s’inscrivent pleinement. De plus, loin de ne reposer que sur ces documents, la démonstration de la stratégie de Doctolib repose sur un ensemble d’éléments dont nombre sont contemporains de la période infractionnelle retenue. En outre, s’agissant plus spécifiquement du courriel du 21 mai 2016 mentionné par Doctolib dans ses observations670, le fait qu’il ait été rédigé par un membre d’un fonds d’investissement, au demeurant actionnaire de la société, n’en affaiblit pas la portée, ce d’autant que ces propos, qui s’inscrivent dans le cadre d’un échange avec le président de Doctolib, ont été établis, comme le précise Doctolib elle-même, dans l’objectif de convaincre des investisseurs et constituent donc des arguments pertinents pour la société.

618. Concernant enfin l’argument de Doctolib découlant de sa communication externe, elle ne démontre aucunement son absence d’intention d’annihiler la concurrence. Bien au contraire, la mention « [j]’aurais tendance à nous positionner encore plus « magnanime » et ne pas jamais [sic] attaquer la concurrence » ressemble plutôt à une posture, un discours officiel destiné à améliorer l’image de l’entreprise, dans le cadre d’une « approche [pouvant] (…) avoir son rôle dans la prévention du risque « Doctolib contrôle tout » », comme l’indique la fin du courriel du président de Doctolib671 (soulignement ajouté). Les termes de cette communication sont, au demeurant, largement contredits par de nombreux documents internes (voir les paragraphes 504 et suivants).

619. Par ailleurs, les développements de la notification de griefs qui seraient, selon Doctolib, révélateurs de la stigmatisation et du procès d’intention qui serait mené à son encontre par les services d’instruction,672 ont simplement pour objet de décrire le contenu et les caractéristiques de la stratégie dans laquelle s’insèrent les pratiques faisant l’objet du grief. Les éléments cités par Doctolib et qui font état notamment des mérites de l’entreprise reconnus par les tiers, sont donc inopérants aux fins de démontrer l’absence de stratégie d’éviction et d’infraction unique, complexe et continue. À cet égard, il convient de noter que les opérateurs mentionnant la qualité des services de Doctolib sont également ceux qui dénoncent les pratiques mises en œuvre par cette dernière et le fait qu’elles ne présentent aucune justification autre que d’opportunité et de stratégie commerciale.

620. Tout au plus, les déclarations des tiers citées dans les Observations de Doctolib673, permettent d’établir l’avance considérable prise par Doctolib sur les marchés concernés, ainsi que, pour certains concurrents (Solocal ou Qare par exemple), l’impossibilité de faire face à l’importante dominance de l’entreprise et donc le renoncement à tenter de se développer sur le marché. En effet, contrairement à ce qu’indique Doctolib, ces opérateurs qui ont décidé de ne plus investir ou de développer leur service ont tous relevé le lien entre ces décisions et les barrières à l’entrée, au maintien et à l’expansion dues notamment aux capacités commerciales mises en œuvre par Doctolib, à sa croissance et à ses investissements, difficilement reproductibles par les concurrents. C’est également en ce sens que vont les déclarations d’opérateurs tels que CompuGroup et Nehs Digital.

621. En tout état de cause, ce n’est pas le démarchage commercial de Doctolib en tant que tel, parfois qualifié d’agressif par certains des opérateurs interrogés dans le cadre de l’instruction ou par Doctolib elle-même, qui lui est reproché. Simplement, cette stratégie et le sacrifice financier qu’elle implique augmentent les coûts qu’un concurrent aussi efficace devrait consentir à supporter pour pouvoir rivaliser avec Doctolib et espérer se maintenir sur le marché pour une durée comparable.

La complémentarité des pratiques

622. Les pratiques en cause présentent un fort degré de complémentarité.

623. En premier lieu, elles s’inscrivent dans une certaine continuité temporelle, dès le lancement des services concernés. Ainsi, la stratégie de Doctolib a d’abord concerné son service de prise de rendez-vous médicaux en ligne, puis s’est élargie à sa solution de téléconsultation médicale et perdure en partie à ce jour, dans l’objectif de renforcer la position dominante qu’elle détient sur ces deux marchés, ainsi que d’évincer ou à tout le moins entraver le développement des solutions concurrentes.

624. En deuxième lieu, elles concernent les mêmes services et les mêmes marchés : le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et le marché national des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales.

625. En troisième lieu, les pratiques en cause interagissent et se complètent pour parvenir au même objectif général d’éviction de la concurrence, en préemptant la clientèle. Ainsi, jusqu’en mars 2021, la pratique d’exclusivité avait pour effet d’obliger le client qui avait recours à Doctolib Patient ou à un autre service de la gamme Doctolib, à ne souscrire à aucun autre service concurrent de ceux « proposés par Doctolib ». La pratique visait ainsi à préserver Doctolib de toute concurrence sur ses différents services, et en particulier à éviter les situations d’allotement. Dès mars 2021, avec le changement de rédaction de la clause, la pratique d’exclusivité ne visait plus que les services ayant la même finalité que le service Doctolib souscrit et a permis, théoriquement, à un client Doctolib Patient de souscrire à une solution de téléconsultation d’un autre opérateur.

626. Toutefois, la pratique de vente liée mise en œuvre par Doctolib a privé de tout effet cette apparente liberté de choix pour les praticiens souhaitant souscrire à Doctolib

Téléconsultation. En effet, cette situation implique, d’une part, que le client qui ne le souhaitait pas doit s’abonner à un service de prise de rendez-vous en ligne et, d’autre part, que le client d’une solution concurrente doit renoncer à celle-ci, du fait de l’exclusivité. Ainsi, Doctolib attire des prospects pour sa solution Doctolib Téléconsultation, et en profite, par le biais de la vente liée, pour les attirer vers son service Doctolib Patient. Par ailleurs, comme le considère Doctolib elle-même, la souscription préalable à Doctolib Patient est destinée à créer de l’usage auprès du client. Dès lors, une fois la souscription réalisée, si le client souhaite résilier Doctolib Téléconsultation, il sera tout de même peu incité et trouvera peu d’intérêt à se désabonner de Doctolib Patient au profit d’un service concurrent pour lequel il devra recréer des habitudes d’utilisation et d’usage.

627. Par conséquent, la combinaison de cette stratégie et de ces pratiques a eu pour effet de renforcer son parc de clientèle et son pouvoir de marché sur le marché de la fourniture de solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales, et de conquérir, par la même occasion, de la clientèle pour son service Doctolib Patient et ainsi renforcer sa position dominante sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, au détriment des solutions concurrentes.

628. En quatrième lieu, les pratiques revêtent un point commun dans leur mise en œuvre, dans la mesure où les arguments mis en avant par Doctolib pour tenter de les justifier sont de même nature. Ainsi, pour justifier de l’intérêt de la clause d’exclusivité et en particulier pour éviter toute situation d’allotement, Doctolib a fait valoir des arguments de nature technique et opérationnelle, tels que le bon fonctionnement et la performance de ses services sans interaction avec celui d’un autre opérateur, éviter le risque de doublons de rendez-vous, éviter le double paramétrage sur deux solutions, la préservation d’une bonne expérience utilisateur et d’une bonne communication auprès des patients ou encore éviter le risque de dilution de la visibilité en ligne.

629. De même, s’agissant de la vente liée, Doctolib a fait valoir des arguments techniques et opérationnels, en relevant notamment les synergies entre Doctolib Patient et Doctolib Téléconsultation, le fait que les technologies de ces services sont liées et que le second ne pouvait fonctionner sans le premier. Elle a également revendiqué le fait qu’en souscrivant à Doctolib Patient au préalable, le client allait créer de l’usage pour les patients, utile pour le développement de son activité de téléconsultation par le biais de Doctolib Téléconsultation. En outre, Doctolib a mis également en avant la visibilité de ses solutions auprès des patients et notamment le fait que [80-90] % des téléconsultations en France ont lieu sur la plateforme Doctolib.fr674.

630. Or, comme il a été vu précédemment pour ces pratiques, l’ensemble de ces arguments est infondé et en décalage avec le discours interne qui ne fait état que de préoccupations de nature commerciale et anticoncurrentielle.

La complémentarité des effets

631. L’ensemble des pratiques mises en œuvre par Doctolib, par leur caractère systématique, complémentaire et coordonné, a eu un impact, au moins potentiel, sur les marchés des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales.

632. D’abord, l’application concrète du plan d’ensemble et de ses différentes composantes a été démontrée aux paragraphes 490 et aux paragraphes 553 et suivants.

633. Ensuite, les pratiques de Doctolib s’inscrivent notamment dans le cadre du marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, marqué par l’existence de puissants effets de réseau indirects tendant déjà à élever les barrières à l’entrée et à l’expansion. Ce phénomène était non seulement connu, mais aussi revendiqué par Doctolib (voir les paragraphes 78 et suivants et 310 et suivants). C’est donc bien dans des conditions de marché prévalant à l’époque des pratiques, et tendant déjà à limiter l’intensité concurrentielle, que les pratiques en cause ont été conçues et mises en œuvre par Doctolib.

634. En outre, l’ampleur et la portée des pratiques en cause ont été très importantes et constituent un indice significatif de leur capacité effective à restreindre la concurrence. D’une part, les pratiques ont été mises en œuvre par un opérateur disposant d’un fort pouvoir de marché (voir les paragraphes 397 et suivants et 442 et suivants). D’autre part, elles ont concerné l’essentiel des clients de Doctolib. Or, Doctolib détenant un nombre très important de clients du fait de sa position dominante – au demeurant bien plus élevé que celui de ses principaux concurrents – les pratiques ont nécessairement couvert une partie très significative des utilisateurs, qu’il s’agisse des professionnels de santé ou des patients.

635. Par ailleurs, les modalités des pratiques, leur durée et leur impact sur le modèle économique des professionnels de santé renforcent leur capacité effective à restreindre la concurrence sur le marché (voir les paragraphes 515 et suivants et 573 et suivants).

636. De plus, les documents internes de Doctolib attestent que ces pratiques relèvent d’une stratégie anticoncurrentielle organisée par Doctolib, sans considération affichée d’éventuels effets positifs sur le consommateur.

637. Il ressort ainsi des éléments développés précédemment que ces pratiques visent à évincer la concurrence par des moyens ne relevant pas de la concurrence par les mérites, mais par le biais d’une élévation artificielle des barrières à l’entrée ou à l’expansion. Elles ont eu par conséquent pour effet de permettre à Doctolib de se constituer une position dominante quasiincontestable sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne.

638. En outre, le pouvoir de marché acquis par Doctolib du fait notamment des pratiques en cause lui permet désormais de pratiquer des hausses tarifaires sans courir le risque d’un report significatif de la demande vers des solutions concurrentes, et de bénéficier d’une forme de rente monopolistique. Cette possibilité était d’ailleurs identifiée dès 2018 par le président de Doctolib au moment de l’acquisition de MonDocteur (voir le paragraphe 228). De la même façon, ce pouvoir de marché permet à Doctolib d’envisager de rendre payante sa solution pour les patients, ainsi que cela ressort de documents internes (voir le paragraphe 103).

Le positionnement de l’offre de Doctolib

639. La position de Doctolib sur les marchés des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales ainsi que sa forte pénétration des marchés ne s’expliquent pas par la politique tarifaire de la société. En effet, il convient de relever que les tarifs proposés par Doctolib figurent parmi les plus élevés du marché, qu’elle les a augmentés à plusieurs reprises et qu’elle ne propose pas de formule « packagée » de ses différentes solutions à un prix avantageux.

640. Par ailleurs, s’il est incontestable qu’une partie de la croissance et du développement de Doctolib ne résulte que de ses mérites propres et est indépendante des pratiques anticoncurrentielles reprochées, il n’en demeure pas moins que ces dernières ont bien pour effet, au moins potentiel, de fausser la concurrence sur les marchés en cause.

641. En effet, et ainsi, au demeurant, que l’a relevé Doctolib dès le début de son activité675, l’utilisation exclusive de ses outils par les professionnels de santé constitue une barrière à l’entrée, sans compter que, par la force de l’usage et de l’habitude, ces derniers peuvent être peu enclins à changer de solution. Le recours à des clauses d’exclusivité et anti-allotement a ainsi permis à Doctolib de sécuriser sa clientèle, dont notamment les professionnels de santé spécialistes identifiés par cette dernière comme des « Key Opinion Leaders » et de verrouiller le marché hospitalier, ce d’autant que certains établissements de santé passent par des procédures d’appel d’offres pour lesquels les contrats sont susceptibles de durer dans le temps sans possibilité de mise en concurrence. La mise en œuvre de cette pratique, cumulée et coordonnée avec la pratique de vente liée, a permis à Doctolib non seulement de conquérir une clientèle exclusive pour chacun de ses services, mais également d’exclure les solutions concurrentes.

642. Ainsi, lors de son audition le 4 juillet 2022, le représentant de Solocal a indiqué qu’après avoir constaté que Doctolib avait déjà pris de l’avance sur le marché en 2015, son entreprise s’était interrogée sur les moyens de rattraper ce retard et avait envisagé deux options à cet effet : soit développer une force de frappe commerciale équivalente à celle de Doctolib –option exclue du fait de son endettement – soit, ce qu’elle a tenté de faire, proposer une solution « disruptive » à « zéro euro » assortie de faibles frais d’installation (60 euros) perçus en une seule fois. Cette option, qui a permis dans un premier temps à Solocal de « rester dans la roue » de Doctolib, n’a néanmoins pu prospérer dans la durée, le marché étant, selon ses propres termes, « déjà plié » en 2020, et Solocal a, de ce fait, cessé de développer l’activité consacrée aux professionnels de santé et n’a pas participé à l’appel d’offres concernant l’organisation des campagnes de vaccination lors de la crise sanitaire676. De même, l’opérateur de téléconsultation Qare a indiqué avoir renoncé à développer un service de prise de rendez-vous médicaux en ligne, estimant n’avoir aucune chance face à Doctolib677.

643. Il convient également de relever que même des solutions comme Maiia ou ClickDoc, pourtant adossées à des groupes qui proposent des logiciels de gestion de cabinet connus sur le marché avec une clientèle constituée, ne sont pas parvenues à se développer avec les mêmes rapidité et intensité que Doctolib.

644. Ainsi, la stratégie de commercialisation de Doctolib, couplée à la mise en œuvre des pratiques dénoncées, a significativement faussé la concurrence sur ce marché. Cela est d’autant plus vrai que Doctolib a manifesté une réelle intention anticoncurrentielle visant à anéantir ses concurrents et toute concurrence potentielle. À cet égard, l’évolution du marché effectivement constatée est cohérente avec les effets potentiels engendrés par les pratiques, confirmant ainsi le caractère anticoncurrentiel des pratiques observées.

Conclusion sur l’existence d’une infraction unique, complexe et continue

645. S’il n’est pas contesté que les offres proposées par Doctolib sont d’une grande qualité, son rapide développement et sa prédominance sur les marchés ne résultent pas uniquement de laconcurrence par les mérites. Il ressort de ce qui précède que les pratiques d’exclusivité et de vente liée présentées ci-avant, qui constituent individuellement l'exploitation abusive d’une position dominante au regard de l’article L. 420-2 du code de commerce et de l’article102 du TFUE, s’inscrivent toutes deux dans une stratégie globale de Doctolib visant à renforcer son pouvoir de marché et à évincer les solutions concurrentes ou à entraver leur développement sur les marchés français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales. Ces pratiques constituent donc une infraction unique, complexe et continue.

f) Sur la durée de l’infraction unique, complexe et continue

646. L’infraction unique, complexe et continue a commencé début 2017, lorsque Doctolib a acquis sa position dominante sur le marché français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, les clauses d’exclusivité et anti-allotement figurant déjà dans les documents contractuels de Doctolib, et la stratégie globale de Doctolib étant déjà à l’œuvre. Elle s’est renforcée à compter de 2019, quand Doctolib a acquis sa position dominante sur le marché français des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales, par la pratique de vente liée de Doctolib Téléconsultation et Doctolib Patient, jusqu’à la date de la notification de griefs, le 10 juin 2024.

2. L’ACQUISITION DE MONDOCTEUR PAR DOCTOLIB (SECOND GRIEF)

a) Rappel des principes

647. Aux termes de l’article 3 du Règlement n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations (ci-après le Règlement n° 139/2004) et de l’article L. 430-1 du code de commerce, une opération de concentration est réalisée : (i) lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent ; ou (ii) lorsqu’une ou plusieurs personnes, détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins ou lorsqu’une ou plusieurs entreprises acquièrent, directement ou indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou de parties d’une ou plusieurs autres entreprises ; (iii) ou dans le cadre de la création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome.

648. Le Règlement n° 139/2004 dispose qu’une opération de concentration est de dimension communautaire lorsque le chiffre d’affaires total réalisé individuellement par au moins deux entreprises concernées et par l’ensemble des entreprises concernées dépasse certains seuils fixés en son article premier678. L’article L. 430-2 du code de commerce fixe quant à lui les seuils de chiffre d’affaires pour lesquels le contrôle national des concentrations est applicable.

649. L’article 22 du règlement n° 139/2004 permet à un ou plusieurs États membres de demander à la Commission d’examiner une opération de concentration ne relevant pas de la compétence de l’Union, mais susceptible d’affecter le commerce entre États membres et de menacer d’affecter de manière significative la concurrence sur le territoire du ou des États membres requérants.

650. Dans un arrêt Towercast du 16 mars 2023679, la Cour de justice a considéré que le Règlement n° 139/2004 ne s’oppose pas à ce qu’une telle opération, dépourvue de dimension communautaire, située en dessous des seuils de contrôle ex ante obligatoire prévus par le droit national et n’ayant pas donné lieu à un renvoi à la Commission en application de l’article 22 dudit règlement, soit analysée par une autorité de concurrence d’un État membre comme étant constitutive d’un abus de position dominante prohibé par l’article 102 du TFUE au regard de la structure de la concurrence sur un marché de dimension nationale.

651. Selon la Cour de justice, une opération de concentration n’atteignant pas les seuils de contrôle préalable prévus respectivement par le Règlement n° 139/2004 et par le droit national applicable peut se voir appliquer l’article 102 du TFUE lorsque sont réunies les conditions prévues à cet article pour établir l’existence d’un abus de position dominante. Il appartient notamment à l’autorité saisie de vérifier que l’acquéreur qui est en position dominante sur un marché donné et qui a pris le contrôle d’une autre entreprise sur ce marché a, par ce comportement, entravé substantiellement la concurrence sur ledit marché680.

652. À cet égard, le seul constat du renforcement de la position dominante d’une entreprise ne suffit pas pour retenir l’existence d’un abus. Il faut établir que le degré de domination ainsi atteint entraverait substantiellement la concurrence, c’est-à-dire ne laisserait subsister que des entreprises dépendantes, dans leur comportement, de l’entreprise dominante681.

653. Dans son arrêt Continental Can, la Cour de justice a considéré que bien qu’une condition aussi restrictive que l’élimination de toute concurrence ne soit pas exigée dans tous les cas, la Commission, qui avait établi sa décision sur ce fondement, se devait de la justifier à suffisance de droit ou à tout le moins devait établir que la concurrence était si substantiellement affectée que les compétiteurs résiduels n’étaient pas susceptibles de constituer un contrepoids suffisant682.

654. Dans l’affaire Towercast, la cour d’appel de Paris, par un arrêt du 27 juin 2024683, a rappelé la jurisprudence de l’Union en indiquant que « si l'effet anticoncurrentiel, dont la démonstration est requise pour qualifier un abus de position dominante, peut n'être que potentiel, il est néanmoins nécessaire, lorsqu'il est reproché une pratique d'éviction, d'établir que la pratique en cause avait la capacité effective et concrète, lorsqu'elle a été mise en œuvre, de produire un effet d'éviction, en rendant plus difficile la pénétration ou le maintien de concurrents sur le marché, et qu'à cet égard, l'évolution réelle du marché peut revêtir une importance particulière lorsqu'un laps de temps significatif s'est écoulé depuis que la pratique en cause a eu lieu, cette évolution étant susceptible, dans certaines circonstances, de corroborer ou non l'existence d'une infraction à l'article 102 du TFUE »684.

655. À cette fin, l’autorité peut se fonder sur des éléments documentaires contemporains à la réalisation de l’opération. Ces éléments peuvent permettre d’identifier l’objectif effectivement poursuivi par l’acquéreur — qu’il s’agisse d’éliminer un concurrent ou de viser d’autres finalités — afin d’apprécier si le comportement en cause s’inscrit dans une stratégie anticoncurrentielle constitutive d’un abus au sens de l’article 102 du TFUE.

b) Application au cas d’espèce

656. Comme cela a été développé précédemment aux paragraphes 227 ainsi que 235 et suivants, le 10 juillet 2018, Doctolib a acquis l’intégralité du capital de la société MonDocteur, activesur le marché français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne. Les deux entreprises, auparavant indépendantes, ont fusionné début septembre 2018 avec effet rétroactif au 1er janvier 2018.

657. Cette opération, constitutive d’une opération de concentration au sens des articles 3 du Règlement n° 139/2004 et L. 430-1 du code de commerce, ne franchissait ni les seuils européens de notification obligatoire, ni les seuils français. Elle n’a donc pas fait l’objet d’une notification, ni d’un examen au regard du contrôle des concentrations. Par ailleurs, elle n’a pas donné lieu à un renvoi à la Commission sur le fondement de l’article 22 du Règlement n° 139/2004, la Commission n’ayant accueilli de tels renvois qu’à partir de septembre 2020.

Sur le test juridique applicable

Arguments de Doctolib

658. À titre liminaire, Doctolib estime que la jurisprudence selon laquelle une opération de concentration pourrait être examinée à l’aune de l’article 102 du TFUE aurait un champ d’application extrêmement restreint. Ainsi, la jurisprudence issue de l’arrêt Continental Candu 21 février 1973 n’aurait jamais fait l’objet d’une application concrète et aurait été considérée comme obsolète dès l’entrée en vigueur du premier règlement européen sur le contrôle des concentrations en 1990, jusqu’à sa résurgence dans l’arrêt Towercast du 16 mars 2023. Par ailleurs, ces deux jurisprudences fixeraient un standard de preuve particulièrement élevé pour qualifier une opération d’abus de position dominante, dès lors qu’elles exigent que l’entrave à la concurrence résultant de cette dernière présente un caractère substantiel, le simple renforcement de la position dominante n’étant pas suffisant pour tomber sous le coup de l’article 102 du TFUE. Pour preuve, dans son arrêt du 27 juin 2024685 renvoyant l’affaire Towercast à l’Autorité pour instruction complémentaire, la cour d’appel de Paris aurait rappelé que le standard de preuve serait d’autant plus élevé en présence d’une opération ancienne, nécessitant l’examen des effets ex post, c’est-à-dire des effets réels de l’opération sur la concurrence. Il s’agirait ainsi d’examiner l’évolution du marché, l’évolution de la concurrence actuelle et potentielle sur ce marché ainsi que la trajectoire et les performances respectives de l’opérateur dominant et de ses concurrents sur les marchés concernés686.

659. En outre, selon cet arrêt, le point de savoir si le degré de domination atteint par une opération de concentration ne laisserait subsister que des entreprises dépendantes, dans leur comportement, de l’entreprise dominante, s’apprécierait au regard des concurrents sur le marché. Il s’agirait dès lors d’un abus d’éviction. Or, selon Doctolib, le rachat de MonDocteur n’aurait pas placé ses concurrents dans une situation de dépendance à son égard, pour les raisons suivantes :

− il n’existerait pas de relation verticale ou conglomérale entre Doctolib et ses concurrents sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne ;

− contrairement aux marchés d’infrastructures en cause dans l’affaire Towercast, l’opération n’aurait pas pu permettre à Doctolib de restreindre la possibilité de ses concurrents de proposer leurs services, ni la possibilité des clients de faire appel à ses concurrents ;

− le marché jouissant d’un potentiel de développement considérable, l’opération n’aurait pu avoir aucun effet sur la disponibilité de la demande adressable sur laquelle les concurrents auraient pu parfaitement se positionner et investir, a fortiori en 2018 lorsque la réservation en ligne était moins développée ;

− sur le marché de la téléconsultation, les concurrents de Doctolib ne seraient pas non plus dépendants de Doctolib Patient pour la réservation des rendez-vous de téléconsultation, cette réservation étant réalisée sur leur site ou hors ligne687.

660. Enfin, à supposer que la jurisprudence Towercast vise des abus d’exploitation, Doctolib estime que le rachat de MonDocteur n’aurait pu engendrer de situation de dépendance des professionnels de santé à son égard688.

Réponse de l’Autorité

661. À titre liminaire, sur le rappel des principes applicables et ainsi que cela a été décrit supra aux paragraphes 650 et suivants, il ressort des arrêts Continental Can et Towercast de la Cour de justice, qu’est susceptible de constituer un abus le fait, par une entreprise en position dominante, de renforcer cette dernière au point que le degré de domination ainsi atteint entraverait substantiellement la concurrence, c’est-à-dire ne laisserait subsister que des entreprises dépendantes, dans leur comportement, de l’entreprise dominante. À cet égard, le seul constat du renforcement de la position d’une entreprise n’est pas suffisant pour retenir la qualification d’abus de position dominante689.

662. L’analyse de Doctolib quant à la portée de ces arrêts ne saurait toutefois être retenue690.

663. En effet, une telle interprétation reviendrait à considérer qu’une opération de concentration dépourvue de dimension communautaire, située en dessous des seuils de contrôle ex anteobligatoire prévus par le droit national et n’ayant pas donné lieu à un renvoi à la Commission européenne, ne pourrait être analysée au titre de l’article 102 du TFUE qu’au regard d’un marché d’infrastructures ou sur lequel l’entreprise en position dominante noue des liens, notamment contractuels ou commerciaux, avec ses concurrents. Or, cette condition n’est nullement imposée par la jurisprudence et Doctolib ne saurait exciper des spécificités de l’affaire Towercast et du marché en cause pour en faire une règle générale. De surcroît, une telle interprétation ne semble pas correspondre à l’esprit du TFUE et des dispositions de ses articles 101 et 102 qui tendent à garantir le maintien d’une concurrence effective et non faussée sur le marché intérieur de l’Union européenne, l’analyse devant en tout état de cause tenir compte de l’ensemble des circonstances pertinentes de chaque espèce.

664. Ainsi, contrairement à ce que soutient Doctolib (voir paragraphe 659 ci-avant), l’absence de relations contractuelles ou commerciales entre Doctolib et ses concurrents n’empêche nullement d’analyser l’opération par laquelle elle a acquis son principal concurrent et ainsi renforcé son pouvoir de marché, au titre des dispositions de l’article 102 du TFUE, et d’en apprécier les effets au regard de la structure de la concurrence sur le marché. À cet égard et comme cela est démontré aux paragraphes 218 et suivants, l’opération a été réalisée principalement dans un but d’éviction et de verrouillage du marché et a entravé substantiellement la concurrence notamment sur le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne. En effet, cette opération a permis à Doctolib de détenir l’essentiel des parts de marché et d’éliminer un des seuls facteurs d’animation concurrentielle sur un marché marqué par l’existence de puissants effets de réseau indirects tendant déjà à limiter l’intensité concurrentielle. En pratique, l’opération a bien été suivie d’une consolidation du marché en faveur de Doctolib, celle-ci détenant des parts de marché en nombre de clients dépassant 60 % dès la fin 2018 et atteignant près de 80 % dès 2019. En outre, aucun concurrent n’a réussi à se développer substantiellement pour constituer un contrepoids suffisant à Doctolib et n’a été, depuis l’opération, en mesure de contester sérieusement les parts de marché de Doctolib. Enfin, en supprimant un service alternatif à celui de Doctolib, l’opération a réduit la diversité de l’offre tant pour les professionnels de santé que les patients, et a permis à cette entreprise de multiplier les augmentations tarifaires sans impact négatif sur ses performances de vente, alors même que les autres opérateurs proposent leurs services à un tarif moindre.

Sur les positions de Doctolib et de MonDocteur avant l’opération

Arguments de Doctolib

665. Doctolib considère que l’existence d’une position dominante de Doctolib Patient en 2017-2018 serait très contestable, notamment en raison du caractère naissant et en forte croissance de l’activité de prise de rendez-vous en ligne, de la faible importance des effets de réseau et des nombreux atouts dont disposent ses concurrents pour attirer des abonnés. En outre, Doctolib aurait été très loin de constituer un acteur historique établi, critère nécessaire à la démonstration du caractère prédateur d’une acquisition.

666. En outre, Doctolib soutient que MonDocteur n’exerçait pas une pression concurrentielle importante sur Doctolib Patient avant l’opération. En effet, selon elle, MonDocteur n’était pas un concurrent proche, dans la mesure où, même si elle proposait une offre complémentaire, celle-ci présentait des différences et développait davantage de fonctionnalités691. MonDocteur ne serait d’ailleurs pas le principal concurrent de Doctolib

Patient, Solocal étant de taille similaire pour les professionnels de santé692.

667. Doctolib relève également que le poids de MonDocteur sur le marché était en baisse avant l’opération de concentration, relativisant ainsi l’impact du rachat en termes de cumul de parts de marché. Cela se vérifierait particulièrement au regard de la position des opérateurs en nombre de clients, la part de marché de MonDocteur étant passée de 27,8 % en 2015 à 20,2 % en 2017, puis à 12,7 % en 2018, tandis que celle de Doctolib est passée de 54,3 % en 2017 à 65,9 % en 2018. Cela se vérifierait également en prolongeant la tendance d’évolution des parts de marché de Doctolib et de MonDocteur observée pendant les deux années précédant l’opération, la situation réelle (en présence de l’opération) étant très similaire à la tendance observée avant l’opération. Ainsi, la part de marché de Doctolib aurait été, en l’absence de l’opération, équivalente à sa part de marché réelle en 2020 et MonDocteur aurait disparu du marché fin 2020 au lieu de mi-2018, l’opération ne faisant qu’accélérer une situation qui se serait de toute façon produite. Il en irait de même si le marché était caractérisé par de puissants effets de réseau, MonDocteur étant alors vouée à disparaitre au profit de

Doctolib693.

668. De même, la croissance de la part de marché de Doctolib Patient et la diminution de celle de MonDocteur avant l’opération s’expliqueraient par la croissance très forte du marché, tirée par Doctolib. L’acquisition de MonDocteur n’aurait ainsi pas pu avoir d’impact significatif sur la structure du marché, puisque celle-ci n’aurait pas modifié la trajectoire de Doctolib qui aurait poursuivi sa tendance naturelle de croissance pré-acquisition fondée sur l’acquisition d’une clientèle de « primo-accédants ». Par conséquent, au regard de la faible pression concurrentielle exercée par MonDocteur au moment de l’opération, rien ne permettrait, selon Doctolib, d’affirmer qu’en son absence, le paysage concurrentiel aurait été radicalement différent694.

669. Enfin, Doctolib soutient que l’acquisition de MonDocteur par un autre acteur que Doctolib n’aurait vraisemblablement pas mis fin à l’effondrement des parts de marché de l’entreprise constaté avant l’opération, puisque l’incrément de parts de marché/patientèle apporté par l’acquéreur, qui aurait pu être Cegedim, aurait été quasiment nul. De plus, l’acquisition n’aurait pas privé Cegedim des compétences techniques de MonDocteur, Cegedim ayant profité du rachat pour débaucher d’anciens salariés clés de MonDocteur, dans le but de bénéficier du savoir-faire de la société. À l’inverse, le départ de ces salariés n’aurait pas permis à Doctolib d’intégrer rapidement certaines fonctionnalités de MonDocteur. Par conséquent, Doctolib considère d’une part que la faible pression concurrentielle de MonDocteur n’aurait pas disparu et aurait continué d’exister via Cegedim (Docavenue/Maiia), d’autre part que le rachat aurait été un échec, en raison notamment de la perte de ces recrutements695.

Réponse de l’Autorité

670. Premièrement, comme cela a été démontré supra dans le cadre de l’analyse de la position des opérateurs, Doctolib détient bien une position dominante sur le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne au moins depuis 2017, de sorte que cette condition est bien remplie. En outre, l’affirmation de Doctolib selon laquelle la littérature économique et les autorités de concurrence n’auraient analysé le risque d’acquisition prédatrice qu’au regard des acquisitions réalisées par des entreprises établies de très grande taille, voire des contrôleurs d’accès, n’est pas documentée. Cette condition préalable n’est d’ailleurs nullement imposée par la jurisprudence, qui indique seulement qu’une opération de concentration dépourvue de dimension communautaire, située en dessous des seuils de contrôle ex ante obligatoire prévus par le droit national et n’ayant pas donné lieu à un renvoi à la Commission peut être analysée au titre de l’article 102 du TFUE pour autant qu’elle implique une entreprise en position dominante sur le marché concerné.

671. En outre, comme cela a été développé auparavant aux paragraphes 413 et suivants, les arguments de Doctolib relatif au caractère naissant et en forte croissance de l’activité de prise de rendez-vous en ligne sont inopérants. En effet, le marché des services de prise de rendezvous médicaux en ligne n’a pas émergé en 2017, mais plusieurs années auparavant. Depuis 2013 et le lancement de Doctolib Patient, le poids de Doctolib a très rapidement augmenté et elle est devenue dès 2015, le leader incontesté du secteur en France. Ainsi, en 2017, elle détenait, à titre très conservateur696, près de 55 % des parts de marché en nombre de clients. En outre, si le chiffre d’affaires de Doctolib s’élevait effectivement à environ 17 millions d’euros en 2017, ce qui peut, à première vue, sembler modeste, il représente néanmoins une part de marché en valeur très importante dès cette période (75 % en 2017 et près de 90 % avec 31 millions d’euros de chiffre d’affaires dès 2018, contre une part de marché de 23,5 % pour MonDocteur en 2017 avant son rachat), d’autant que le marché sur lequel opère Doctolib Patient est marqué par de puissants effets de réseau. Par ailleurs, comme indiqué ci-avant (voir paragraphes 107 et suivants), dès novembre 2016, Doctolib estimait que son trafic internet était cinq fois supérieur à celui de ses concurrents et qu’il bénéficiait d’une « brand awareness » dix fois plus élevée auprès des patients. En 2018, le niveau de trafic pour Doctolib atteignait près de 210 millions de visiteurs par an, contre environ 18 millions pour MonDocteur. L'avance acquise par Doctolib dès 2017, avant l'acquisition de MonDocteur, témoignait de sa position dominante à cette époque, au regard des caractéristiques structurelles du marché et Doctolib elle-même reconnaissait en interne que la seule contrainte restant à surmonter pour « sécuriser » pleinement sa position sur ce marché était MonDocteur 697.

672. Enfin, et comme indiqué précédemment aux paragraphes 416 et suivants, l’argument selon lequel Doctolib Patient ne saurait être considéré comme dominant en 2017-2018, en raison de la faible pénétration des services de prise de rendez-vous en ligne sur l’ensemble des professionnels de santé en activité en France, s’avère inopérant.

673. Deuxièmement, contrairement à ce qu’indique Doctolib, il résulte de ses documents internes, décrits notamment aux paragraphes 218 et suivants, qu’elle a toujours considéré MonDocteur comme son principal, voire son seul concurrent sur le marché, qu’elle n’a cessé de comparer ses performances de ventes et sa croissance avec cette dernière et que l’opération de rachat lui permettrait non seulement de consolider sa propre base de clientèle, mais aussi de renforcer son statut de leader du marché, tout en échappant à toute concurrence.

674. À cet égard, le fait que MonDocteur aurait développé plus de fonctionnalités que Doctolib n’a pas d’impact sur la substituabilité des deux produits, dès lors qu’il ne s’agit que de fonctionnalités annexes au produit principal qu’est la plateforme de prise de rendez-vous médicaux en ligne. En outre, même à considérer que la substituabilité de ces fonctionnalités ne soit pas parfaite, elle apparaît toutefois suffisante pour considérer que les deux produits appartiennent au même marché pertinent des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne. En tout état de cause, contrairement à ce qu’indique Doctolib, un document intitulé « Doctolib – The leading ehealth service in Europe. Strong acquisition rationale of MonDocteur », daté de mai 2018 montre que les offres produits de Doctolib et MonDocteur sont perçues comme tout à fait similaires : « MonDocteur est très bien connu de Doctolib (produit et organisation 100 % similaires à Doctolib et clients déjà connus), ce qui permet une période d’intégration harmonieuse et bien planifiée »698 (soulignement ajouté).

675. En outre, les éléments du dossier montrent également que malgré une croissance plus importante de Doctolib Patient, MonDocteur représentait un obstacle pris au sérieux par Doctolib699. La rivalité entre les deux entreprises a d’ailleurs donné lieu à des litiges relatifs à des actes de concurrence déloyale tels que des pratiques de dénigrement, soldés par lasignature d’un protocole transactionnel en octobre 2017. Les documents internes à Doctolib relatifs à ces litiges sont particulièrement révélateurs des attaques commerciales de MonDocteur et montrent que si ces dernières ne portaient pas un coup majeur sur le terrain selon Doctolib, elles lui causaient tout de même un préjudice quotidien qualifié de non marginal, qui a justifié une action de sa part700. Par ailleurs, dans le cadre d’un litige avec MonDocteur pour dénigrement Doctolib a reconnu à nouveau que la société MonDocteur, proposant « un service analogue au sien », constituait son principal concurrent et qu’une forte concurrence existait entre elles puisqu’elles se partageaient un marché en plein essor701.

676. Enfin, il ressort de documents internes à Doctolib que cette dernière n’a jamais considéré Solocal et son service ClicRDV comme un concurrent comparable à MonDocteur. En effet, dès la fin de l’année 2016, Doctolib estimait que des opérateurs comme KelDoc et Solocal avaient quitté le marché ou étaient sur le point de le faire, seule MonDocteur restant en place702. Cela est confirmé par les déclarations de Solocal, qui a indiqué qu’après avoir constaté l’avance de Doctolib sur le marché dès 2015, elle n’a jamais réussi à obtenir un même rythme de conquête, alors même qu’elle avait choisi de proposer une formule à zéro euro703. En outre, les parts de marché en nombre de clients de Solocal ne sont pas représentatives de son poids sur le marché par rapport à MonDocteur, dans la mesure où (i) elles doivent être relativisées à la baisse, Solocal n’ayant pas pu fournir de données précises et seulement une estimation qui ne tient pas compte des résiliations, ni des comptes clients qui ne sont plus actifs ; et (ii) elles sont en forte baisse depuis l’entrée sur le marché de Doctolib en 2013, puis de MonDocteur en 2015.

677. Troisièmement, en l'absence de l'opération, MonDocteur aurait pu continuer à constituer un facteur d’animation concurrentielle vis-à-vis de Doctolib. L’opération a également pu renforcer les effets de réseau indirects bénéficiant directement à Doctolib. En effet, en l’absence de l’opération, la base de patientèle et de professionnels de santé installée de Doctolib aurait pu être moins importante – une partie de la patientèle et des professionnels de santé étant susceptibles de se tourner vers MonDocteur.

678. Le fait que Doctolib ait conquis la majorité de sa clientèle après l'acquisition de MonDocteur (plus de 60 % selon l’Étude économique « Pratiques », avec [confidentiel] abonnés en 2022 contre environ 40 000 en juillet 2018, juste avant l’opération) ne saurait exclure la possibilité que, en l’absence de cette acquisition, MonDocteur aurait exercé une certaine pression concurrentielle sur Doctolib Patient.

679. L’acquisition de MonDocteur, adossée avant cela à un groupe de taille importante comme Lagardère, a conduit à ce que le concurrent manifestement le plus sérieux de Doctolib, à un moment crucial où le marché se développait fortement, disparaisse. Les documents internes relatifs à l'opportunité que représentait le rachat de MonDocteur en 2018, ainsi qu'aux menaces potentielles que ce dernier pouvait poser à l'avenir, contredisent de manière manifeste l’hypothèse selon laquelle MonDocteur n'aurait exercé qu’une pression marginale sur Doctolib en l'absence de l'acquisition. Ces documents témoignent au contraire de la reconnaissance par Doctolib de la position et de l'impact de MonDocteur sur le marché et du fait que l’acquisition lui permettrait d’échapper à toute forme de concurrence.

680. Par ailleurs, les échanges relatifs au différend commercial opposant les deux entreprises illustrent l’inquiétude des équipes de Doctolib quant à la forte implantation sur le terrain, avant le rachat, des équipes commerciales de MonDocteur, en concurrence directe avec celles de Doctolib. Ainsi dans des courriels associant la direction juridique de Doctolib, intervenus après la conclusion du protocole mettant fin au litige, deux éléments notables sont mis en lumière : d'une part, le recours par MonDocteur à une stratégie commerciale crainte et qualifiée par Doctolib de « dumping financier », et d'autre part, la présence significative de ses commerciaux sur le terrain, en nombre au moins équivalent à celui des équipes commerciales de Doctolib, soit environ une centaine fin 2016 et début 2017704.

681. En outre, la position de MonDocteur sur le marché en juillet 2018 aurait pu, dans un secteur en constante évolution, tant pour la prise de rendez-vous en ligne que la téléconsultation, lui permettre de tirer parti de son expérience des besoins des professionnels de santé et des patients pour innover et croître davantage et continuer à élargir son portefeuille d'abonnés et son trafic de patientèle. À cet égard, et comme l’indique Doctolib705, les fonctionnalités supplémentaires dont disposait en 2018 MonDocteur par rapport à Doctolib, telles que la messagerie sécurisée ou encore les outils de « check-in » et de questionnaires en ligne pour les patients, « faisaient partie des raisons principales » justifiant le rachat de MonDocteur.

682. Quatrièmement, la tentative de projection de l’évolution des parts de marché de Doctolib et de MonDocteur706 ne permet en aucun cas de conclure que, sans l’acquisition de MonDocteur, cette dernière n’aurait pas pu se maintenir sur le marché, ni constituer un facteur d’animation concurrentielle. En effet, cette projection repose exclusivement sur l’extrapolation linéaire de l’évolution des parts de marché observée entre 2016 et 2017, soit une perte de 5,3 points pour MonDocteur et un gain de 8,3 points pour Doctolib. Or, rien ne garantit que, sans le rachat, cette dynamique observée en 2017 se serait poursuivie, de manière linéaire en 2018 et au-delà, jusqu’à entraîner la disparition totale de MonDocteur dès 2021707. Cette projection apparaît d’ailleurs illogique, car elle suggère qu’en l’absence du rachat de MonDocteur, la part de marché de Doctolib aurait été bien plus importante dès 2020 par rapport à ce qui a été réellement constaté. Par ailleurs, l’analyse de l'évolution des parts de marché occulte les variations absolues du nombre de praticiens abonnés aux plateformes des deux opérateurs.

683. Or, selon les informations transmises par Doctolib708, MonDocteur recrutait encore chaque année beaucoup de praticiens :

− au cours de l’année 2017, soit moins d’un an avant le rachat, MonDocteur gagnait plus de 3 000 praticiens (augmentation nette de churn709) ;

− entre le 31 janvier 2018 et le rachat de MonDocteur, soit en près de cinq mois seulement, la base d’abonnés payants à MonDocteur augmentait de nouveau de plus de 500 praticiens (net de churn) ;

− MonDocteur disposait au moment de l’acquisition d’une base d’au moins 8 200 abonnés en activité710, ainsi que de contrats avec plus de 100 établissements de santé (notamment des centres de santé, des hôpitaux et des établissements de santé privés d’intérêt collectif) ;

− en interne711, Doctolib considérait – alors même que sa croissance était supérieure à celle de MonDocteur – que l’opération permettrait de contrer les performances commerciales de MonDocteur. Elle indiquait par ailleurs dans un communiqué de presse du 12 juillet 2018712 : « Doctolib acquiert MonDocteur, un des leaders européens de la prise de rendez-vous médicaux en ligne (…) Grâce à ce rapprochement, Doctolib consolide sa place de premier acteur de la e-santé en Europe. Avec 55 000 praticiens utilisateurs et 20 millions de visites de patients chaque mois, le nouveau groupe fournit désormais le service de prise de rendez-vous médicaux en ligne le plus utilisé au monde » (soulignements ajoutés). Dans un échange de courriels du 30 avril 2018713, le président de Doctolib indiquait que l’opération était une « grande opportunité » et permettrait d’accélérer les performances de Doctolib notamment en régions, de réduire la pression sur les prix, de consolider le nombre de visites et de rendez-vous, de sécuriser le marché de l’hôpital dont 95 % n’était pas encore équipé, avec un effet de réseau potentiellement important, et de devenir le seul interlocuteur de l’État français. MonDocteur était alors présenté comme le troisième acteur en Europe (derrière Doctolib et DocPlanner714).

684. Ainsi, bien que Doctolib ait acquis, entre le début de l’année 2017 et le rachat, plus de cinq fois plus d’abonnés que MonDocteur, ces éléments témoignent d’une implantation significative de MonDocteur, notamment dans certaines régions hors Île-de-France715 et contredisent l’idée d’un déclin et d’une disparition imminente de cet opérateur.

685. Cinquièmement, l’hypothèse selon laquelle la pression concurrentielle exercée par MonDocteur n’aurait pas disparu à la suite du rachat pour continuer au travers de Cegedim et de son service Maiia ne peut être retenue en l’espèce, dès lors que l’intérêt principal de l’opération était bien d’éliminer du marché le principal service concurrent et de permettre à Doctolib de consolider sa base de clientèle et ainsi son pouvoir de marché. En outre, de nombreux éléments au dossier montrent que l’opération a porté ses fruits au bénéfice de Doctolib et qu’elle est loin d’avoir été un échec, ce d’autant qu’elle a été perçue très positivement par les investisseurs716.

686. En tout état de cause, même si Cegedim a réussi à recruter, lors du rachat, d’anciens salariés clés de MonDocteur, cela ne signifie pas que la pression concurrentielle exercée par MonDocteur sur Doctolib ait persisté au travers de Docavenue/Maiia. En effet, cette dernière n’a jamais bénéficié de la présence commerciale, du trafic et des partenariats qui faisaient la force de MonDocteur, autant de sources de préoccupation qui ont justifié le rachat du point de vue de Doctolib. Il peut être relevé, au demeurant, que les compétences de ces salariés clés ne sont jamais mentionnées en interne dans les documents de Doctolib sur la rationalité de l’opération comme un élément motivant le rachat de MonDocteur, ni identifiées comme une source de pression concurrentielle exercée par MonDocteur vis-à-vis de Doctolib.

Sur la stratégie liée à l’acquisition de MonDocteur

Arguments de Doctolib

687. Doctolib soutient que le rachat de MonDocteur ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une stratégie d’affaiblissement de la concurrence, mais dans l’objectif d’améliorer la qualité de son service par le recrutement des salariés qualifiés de MonDocteur et l’acquisition de nouvelles compétences techniques pour rivaliser avec de grands groupes comme Cegedim et CompuGroup717.

688. Par ailleurs, Doctolib fait valoir que les documents sur lesquels s’est appuyée la notification de griefs ne permettraient pas de démontrer une telle stratégie d’éviction et se borneraient uniquement à démontrer l’objectif de Doctolib « de rivaliser et de réaliser une meilleure croissance que MonDocteur ainsi que d’attirer les clients de MonDocteur vers les produits de Doctolib », ce qui relèverait d’une concurrence par les mérites, normale entre concurrents718.

Réponse de l’Autorité

689. Après son acquisition, Doctolib a fusionné avec MonDocteur en septembre 2018. À la même période, Doctolib a débuté la migration des clients professionnels de santé du service de prise de rendez-vous médicaux en ligne MonDocteur vers le service Doctolib Patient, en vue de la fermeture de la plateforme MonDocteur le 22 décembre 2018 pour les patients utilisateurs et le 31 décembre 2018 pour les clients professionnels.

690. Par conséquent, fin décembre 2018, le service MonDocteur a disparu du marché, au bénéfice du service Doctolib.

691. Or, il ressort de nombreux documents que Doctolib a toujours considéré MonDocteur comme un concurrent à « attaquer »719. À titre d’exemple, dans un document intitulé « Doctolib Strategic Commitee » daté du 18 avril 2017, il était indiqué, tout en relevant au préalable « [u]ne croissance monstrueuse pour Doctolib vs. MonDocteur » : « Axe 1 : réduire la performance commerciale de MonDocteur » ; « Axe 2 : augmenter le churn de MonDocteur – 1) Churn MD sans solution aujourd’hui : 1. Pur enjeu d’attaque ; 2. Il faut en rencontrer 100 % et en attaquer 80 % »720. Un échange de courriels internes du

21 juillet 2017 et ayant pour objet « A lire : process d’attaque Mondocteur KA », démontre également cette volonté de faire perdre massivement de la clientèle à MonDocteur afin de la fragiliser, au profit de Doctolib : « attaquez bien les nouveaux flagships MonDocteur de juin (colonne I) pour ne pas leur laisser le champ libre et n’oubliez pas de mettre les plus importants dans les DMR [Docto Monthly Review721] de votre équipe » ; « [s]ur juillet MD pourrait faire un résultat négatif »722.

692. Par conséquent, cette acquisition a permis à Doctolib de consolider son pouvoir de marché sur le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, tout en évinçant son principal concurrent. Cela ressort particulièrement d’un document intitulé « Doctolib – The leading ehealth service in Europe » élaboré par un cabinet de conseil et daté de mai 2018 (voir les paragraphes 229 et suivants), qui montre la logique liée à l’acquisition de MonDocteur par Doctolib :

« 1. Intégrer le concurrent #1 de Doctolib sur le marché pour consolider la base de clientèle de MonDocteur en France (+ 12 000 médecins), en accélérant l’exécution du business plan de Doctolib en termes de nombre de médecins et d’hôpitaux.

2. Tuer la concurrence sur un marché de 373 millions d’euros (seulement 9 % de taux de pénétration du marché à ce jour), avec un impact très substantiel et immédiat sur les performances de vente de Doctolib à tous les niveaux

 - Effet positif certain et immédiat sur les prix (augmentation de l’ARPU pour les médecins et les hôpitaux).

 - Réduction de la concurrence dans toutes les régions (en particulier dans le Sud de la France).

 - Réduction de la concurrence dans toutes les spécialités (en particulier les médecins généralistes et les dentistes).

 - Intégrer l’équipe de vente de MonDocteur afin de renforcer les effectifs de vente actuels.

 - Augmenter le taux de conquête sur les hôpitaux et les clients grands comptes (CHU, CH…). (…)

4. Augmenter la base de patientèle en devenant la seule marque pour les patients en France avec plus de 20 millions de visites mensuelles »723 (soulignements ajoutés).

693. Ce même document indiquait également : « Doctolib fonctionnera sans plus aucune concurrence en France »724 (soulignement ajouté) ; « [l]’acquisition de MonDocteur donnera naissance au plus large réseau de médecins en France »725 ; « Doctolib et MonDocteur formeront l’unique portail patient en France (…) Une base patientèle inégalée avec une croissance rapide ; Une portée inégalée auprès des patients »726 (soulignement ajouté) ; « [l]’acquisition de MonDocteur permettra de : – Renforcer la position de leader de Doctolib en France avec un chiffre d’affaires de 36,5 millions d’euros (en ARR) ;

- Accélérer le plan de déploiement de Doctolib en France »727.

694. Un échange de courriels du 11 mai 2018 atteste également de cet intérêt pour Doctolib de voir disparaitre la concurrence, tout en renforçant ses performances de ventes : « [p]oint 1

=> le bénéfice 1 de l’acquisition n’est pas aléatoire (…) La création de valeur 1 n’est pas l’ajout de l’actif MD [MonDocteur] mais sa disparition en tant que concurrent avec avec[sic] des gains pour certains absolument immédiats au jour du closing : - Augmentation de l’ARPU [revenu moyen par utilisateur] (ville et hôpitaux) très quantifiable – Augmentation des perfs sales [performances de ventes] »728 (soulignement ajouté). À cet égard, Doctolib ne saurait écarter les éléments issus de ce document sur le seul fondement que celui-ci a été préparé par un cabinet de conseil, dès lors qu’il a été élaboré à partir d’informations qu’elle a elle-même fournies729.

695. Ce document indiquait également que (i) la concurrence limitée sur le marché à la suite du rapprochement de Doctolib et MonDocteur permettrait d’accroître le pouvoir de fixation des prix et d’augmenter la conversion des ventes ; et que (ii) la migration des clients MonDocteur vers Doctolib ne devrait pas donner lieu à des churns importants, en raison de l’absence de solutions alternatives sur le marché730. Ces opportunités sont également évoquées dans un échange de courriels du 30 avril 2018 : « [p]ourquoi est-ce une grande opportunité de les acquérir ? – Accélérer nos performances de vente (…) – Réduire la pression sur les prix(15 % de taux de réduction et capacité d’augmenter nos prix de 10 à 20 %), réduire le cycle de vente, récolter le fruit de cinq mois de ventes ; - Consolider notre base de patientèle »731(soulignements ajoutés).

696. Enfin, il ressort également d’échanges de messagerie instantanée, datés d’avril 2018, à propos de MonDocteur : « on va killer le produit » ; « sans MD [MonDocteur], plus de concurrents, on est #1 partout »732 (soulignement ajouté).

697. Par conséquent, il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les arguments formulés par Doctolib dans ses observations quant à la portée des éléments utilisés dans la notification de griefs ne permettent pas de renverser l’analyse selon laquelle le rachat de MonDocteur s’est inscrit dans une stratégie d’éviction menée par Doctolib visant à faire disparaitre son principal concurrent sur le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne.

698. Ainsi, l’extrait du document intitulé « Doctolib Strategic Commitee » daté du 18 avril 2017, cité au paragraphe 691, s’il ne démontre pas à lui seul une stratégie d’éviction, permet toutefois de démontrer que MonDocteur constituait bien une préoccupation sérieuse pour Doctolib en termes de concurrence.

699. L’échange de courriels du 11 mai 2018, cité au paragraphe 694, montre, quant à lui, que l’intérêt de l’opération de rachat de MonDocteur était bien la disparition de la société et de son service de prise de rendez-vous en ligne du marché733. Certes, Doctolib tente de minimiser la portée de cette déclaration en indiquant qu’elle serait tout à fait objective puisque toute opération de concentration entre concurrents se traduirait mécaniquement par la disparition d’un concurrent. Or, l’opération de rachat de MonDocteur ne se réduit pas à la seule disparition d’un concurrent, mais a affecté profondément la structure du marché, tout en permettant à Doctolib de consolider sa base de clientèle et ainsi son pouvoir de marché sur un marché biface où les effets de réseau croisés sont importants, et ce sans qu’aucun concurrent ait pu le contester. Enfin, le fait que ce courriel ait été rédigé par l’associé d’un fonds d’investissement, au demeurant actionnaire de la société, n’en minimise pas la portée et permet d’éclairer la stratégie de Doctolib, ce d’autant que ces propos ont été établis dans le but d’aider la société à présenter son dossier pour les levées de fonds nécessaires à l’opération.

700. En outre, le fait que les éléments contenus dans l’échange de courriels du 30 avril 2018734 cité au paragraphe 683 soient destinés aux actionnaires de Doctolib n’en minimise pas la portée. Au contraire, cela démontre que les bénéfices attendus de l’opération (accélérer les performances de vente, réduire la pression sur les prix, ou encore constituer le seul interlocuteur de l’État français) constituent des arguments solides pour prétendre convaincre des investisseurs pour une nouvelle levée de fonds.

701. Enfin, selon Doctolib, le document intitulé « Doctolib – The leading ehealth service in Europe » de mai 2018 démontrerait que l’opération de rachat de MonDocteur ne visait qu’à améliorer la qualité du service par la mobilisation des ressources, à l’exclusion de toute stratégie d’affaiblissement de la concurrence. Or, contrairement à ce qu’indique Doctolib, ce document est particulièrement révélateur de la stratégie anticoncurrentielle de Doctolib visant à faire disparaitre un service concurrent du marché et à assécher durablement la concurrence sur le marché à son seul profit, comme le démontrent les extraits cités aux paragraphes 692 et 693.

702. Par conséquent, il ressort de l’ensemble de ce qui précède qu’en procédant au rachat de son seul et principal concurrent sur le marché, Doctolib comptait tirer profit de sa disparition pour accroître sa base de clientèle, consolider son pouvoir de marché, augmenter ses performances de vente et augmenter ses tarifs, sur un marché présentant un fort potentiel de croissance sur lequel elle pourrait s’abstraire de toute concurrence.

Sur les effets de la pratique

Arguments de Doctolib

703. Doctolib présente plusieurs arguments destinés à démontrer que la prise de contrôle de MonDocteur n’a pas substantiellement entravé la concurrence.

704. En premier lieu, Doctolib soutient que le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne n’est pas un marché mûr, mais doté d’un potentiel de développement considérable avec une croissance exponentielle – près de [70-80] % de praticiens en France n’étant pas encore abonnés à un tel service – et qu’ainsi le rachat de MonDocteur n’aurait jamais couvert une part importante du marché réel. Par ailleurs, Doctolib ferait face à de nombreux concurrents, y compris de nouveaux entrants, qui, en l’absence d’effets de réseau avérés, pourraient croître en acquérant de nouveaux clients735.

705. En outre, selon Doctolib, l’existence d’un marché avec de puissants effets de réseau serait incompatible avec l’affirmation selon laquelle l’acquisition de MonDocteur aurait permis à Doctolib de monopoliser le marché : Doctolib ayant déjà quatre fois plus d’abonnés et une croissance quatre fois plus rapide que MonDocteur, cette dernière était vouée à décliner, voire à disparaitre, au profit de Doctolib même en l’absence d’opération736.

706. En deuxième lieu, Doctolib fait valoir qu’en dehors des parts de marché, plusieurs indices corroboreraient le fait qu’elle subirait une pression concurrentielle importante dans la période suivant l’acquisition de MonDocteur.

707. Tout d’abord, elle soutient que le taux de churn de Doctolib Patient serait relativement élevé et aurait fortement augmenté depuis 2018-2019, ceci contredisant l’idée que l’acquisition de MonDocteur aurait conduit à verrouiller les praticiens et à assécher la concurrence737.

708. Elle fait également valoir que les augmentations de prix de Doctolib Patient ont été tardives, modérées et sans lien apparent avec le rachat. En premier lieu, Doctolib aurait tardé avant d’augmenter ses tarifs auprès des abonnés existants par crainte du churn. En deuxième lieu, à la suite du rachat, Doctolib aurait continué d’appliquer les prix de MonDocteur sans hausse, ce qui expliquerait que les praticiens n’aient pas quitté Doctolib Patient. En troisième lieu, l’augmentation de 2019 pour les nouveaux clients aurait été prévue avant l’acquisition de MonDocteur et ne saurait donc être imputée à l’opération. En quatrième lieu, si la concurrence était durablement asséchée, les niveaux de prix pratiqués par Doctolib seraient élevés et lui permettraient de couvrir ses coûts. Enfin, Doctolib n’a pas rendu la prise de rendez-vous en ligne payante pour les patients et n’envisagerait pas de le faire738.

709. En troisième lieu, Doctolib soutient que la notification de griefs utiliserait des éléments non pertinents pour l’application des jurisprudences Continental Can et Towercast.

710. Tout d’abord, Doctolib considère que dans la mesure où elle-même et MonDocteur n’étaient pas présentes lors du rachat sur le marché de la téléconsultation et que le grief vise uniquement le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, le marché des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales n’aurait pu être affecté par l’opération de rachat. Cela serait d’autant plus vrai qu’en tout état de cause, les concurrents ne dépendent pas de la prise de rendez-vous de Doctolib, y compris sur le marché de la téléconsultation et qu’aucune demande d’interopérabilité n’aurait été recensée de la part de solutions de téléconsultation concurrentes739.

711. Ensuite, en analysant l’évolution des tarifs de Doctolib, les services d’instruction appliqueraient un standard de preuve erroné, dès lors que la jurisprudence ne ferait pas référence aux effets de l’opération sur les prix appliqués aux clients, mais à une situation de dépendance des concurrents vis-à-vis de l’entreprise dominante. En toute hypothèse, Doctolib estime que les hausses de prix substantielles causées par l’opération ne seraient pas démontrées, ce d’autant que celles pratiquées par Doctolib sur la période 2018-2024 seraient proportionnellement moins importantes que celles de ses concurrents.

712. Enfin, en tout état de cause, le critère du prix n’étant vraisemblablement pas le principal critère de choix d’un service par les professionnels de santé, un examen de l’évolution des prix post-opération ne serait pas pertinent pour la qualification d’un abus de position dominante740.

Réponse de l’Autorité

713. Les effets escomptés de l’opération sont, en l’espèce, décrits dans les communications et présentations internes citées aux paragraphes 689 et suivants.

714. Le principal effet attendu était l’assèchement durable de l’intensité concurrentielle sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne avec l’absorption de l’opérateur considéré par Doctolib comme « notre seul concurrent en France »741, dans un contexte de fortes barrières à l’entrée rendant peu probable l’arrivée et/ou le développement d’un nouveau concurrent aussi puissant. De cet effet en découle un autre, particulièrement mis en avant dans les documents internes à Doctolib : la réduction de la pression sur les prix avec une « capacité d’augmenter nos prix de 10-20 % »742.

715. Les éléments au dossier sont bien de nature à démontrer que l’opération a entravé substantiellement la concurrence sur le marché français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne ainsi que sur le marché français des solutions dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales.

716. Tout d’abord, cette pratique a été mise en œuvre par un opérateur disposant d’un très fort pouvoir de marché, ainsi que cela a été relevé précédemment.

717. L’effet de l’opération est d’autant plus avéré qu’elle a engendré la disparition du principal concurrent de Doctolib, deuxième opérateur du marché, qui plus est en mesure de se développer sur des activités connexes à la prise de rendez-vous médicaux en ligne, et s’est accompagnée de la fermeture du service de MonDocteur.

718. L’effet de l’opération apparaît d’autant plus évident que l’impact d’un service de prise de rendez-vous médicaux en ligne sur le modèle économique des professionnels de santé n’est nullement négligeable. D’une part, le pouvoir de marché de Doctolib tend à en faire un partenaire incontournable pour les professionnels de santé ayant recours à la réservation en ligne. D’autre part, le recours à Doctolib, ou à une autre plateforme comme MonDocteur, permet aux professionnels de santé des gains de revenus, de sorte que la rupture des liens commerciaux avec un tel service entraînerait nécessairement un préjudice significatif pour un professionnel de santé qui ne pourrait plus bénéficier des mêmes effets de réseau sur une autre plateforme. Dans ces conditions, et pour les raisons exposées ci-avant, les anciens clients de MonDocteur avaient peu d’incitation à résilier leur contrat avec Doctolib après l’opération.

719. Ce rachat, en étendant la base de clientèle de Doctolib, a aussi pu accentuer l’effet des pratiques de Doctolib tendant à abuser de sa position dominante sur le marché français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne pour favoriser sa position sur le marché des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales.

720. L’extension de la base de clientèle de Doctolib évoquée ci-avant a eu pour effet mécanique de soumettre les professionnels de santé anciennement clients de MonDocteur aux dispositions contractuelles relatives à l’exclusivité et à l’allotement, ce qui a contribué à augmenter d’autant le taux de couverture de ces dispositions et à accentuer les effets anticoncurrentiels de la pratique d’exclusivité évoqués aux paragraphes 515 et suivants.

721. En définitive, le rachat de MonDocteur par Doctolib était bien de nature à restreindre substantiellement l’intensité de la concurrence sur les marchés français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales.

722. Concrètement, les effets de l’opération peuvent être appréhendés de plusieurs manières.

723. Tout d’abord, l’opération a bien été suivie d’une consolidation du marché en faveur de Doctolib, sans qu’aucun concurrent réussisse depuis à récupérer des parts de marché supérieures à quelques points de pourcentage. S’il n’est pas exclu que cette faible intensité concurrentielle résulte également de la qualité de l’offre de Doctolib et des autres pratiques qui lui sont reprochées, le rachat de MonDocteur a aussi contribué à cet état de fait pour les raisons exposées ci-avant.

724. Ainsi, selon les comptes sociaux de Doctolib arrêtés au 31 décembre 2018, la fermeture de la plateforme MonDocteur ainsi que l’opération de migration des clients MonDocteur vers Doctolib ont entraîné un taux de conversion client de 92 % ainsi qu’un afflux de 10 000 nouveaux professionnels de santé vers le service Doctolib Patient. Ces données attestent ainsi du fait que les clients de MonDocteur sont loin d’être massivement partis à la concurrence. Ce gain de clientèle s’est traduit au niveau des parts de marché de Doctolib, calculées en nombre de clients, sur le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne. En effet, ainsi qu’indiqué au paragraphe 402, les parts de marché de Doctolib ont évolué, passant de 54 % en 2017 à 66 % en 2018 et 78 % en 2019 avec une stabilisation depuis lors. Cette évolution se constate également au niveau des parts de marché en valeur de Doctolib qui sont passées de 74 % en 2017 à 90 % en 2018 et 99 % en 2019.

725. Ces éléments tendent à attester de l’effet de consolidation durable de la base de clientèle de Doctolib et de sa position dominante sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne. Doctolib elle-même a pu constater cet effet dans un document intitulé « Doctolib Investor Memorandum » de juin 2019 743, où elle revendiquait, à la suite du rachat de MonDocteur, détenir 95 % de parts de marché en France et être confrontée à une faible concurrence depuis lors. Les éléments recueillis au cours de l’instruction montrent par ailleurs qu’aucun concurrent n’a été, depuis l’opération, en mesure de contester sérieusement les parts de marché de Doctolib, de sorte que les effets anticoncurrentiels de l’acquisition perdurent à ce jour.

726. Ensuite, la disparition de MonDocteur a conduit à une réduction de la diversité de l’offre pour les clients professionnels de santé, étant relevé que la solution MonDocteur était proposée à un tarif plus avantageux que celle de Doctolib. Dans ces conditions, l’opération a conduit à réduire la palette d’opérateurs de prise de rendez-vous médicaux en ligne disponibles pour de nouveaux clients professionnels de santé. Cette disparition a également réduit l’offre disponible pour les patients utilisateurs.

727. Enfin, comme cela est développé aux paragraphes 695 et suivants, la perspective d’acquisition de MonDocteur a conduit Doctolib à s’interroger, dès avril 2018, sur une nouvelle augmentation des tarifs du service Doctolib Patient, après une première hausse en 2017. Une augmentation de 20 euros a ainsi été mise en œuvre en avril 2019 pour les nouveaux clients, soit une augmentation de 18 % correspondant au haut de la fourchette annoncée dans les échanges internes relatifs à l’acquisition de MonDocteur. Cette augmentation n’a pas eu d’impact négatif sur les performances de vente du service Doctolib Patient, ni sur le taux de churn744.

728. Contrairement à ce que soutient Doctolib, la concurrence a été durablement asséchée postérieurement à l’acquisition de MonDocteur. À cet égard et à nouveau, Doctolib tente de faire croire que le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne serait marqué par la présence de nombreux acteurs ayant la capacité de se développer, pour démontrer que celui-ci n’aurait pas été affecté par le rachat. Or, une grande partie des solutions évoquées par Doctolib745 ne correspond pas à des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et n’entre donc pas dans la définition du marché pertinent. Par exemple, sont évoquées des solutions permettant la prise de rendez-vous uniquement sur le site du professionnel de santé (MadeforMed, Docorga, Perfactive) ou encore des solutions de gestion de télésecrétariat (Callibri, Accueilpro).

729. Ainsi, l’opération a bien été suivie d’une consolidation du marché en faveur de Doctolib, sans qu’aucun concurrent restant réussisse depuis à récupérer des parts de marché supérieures à quelques points, de sorte que les effets anticoncurrentiels de l’acquisition perdurent à ce jour. À cet égard, et là encore sans exclure que cette situation résulte en partie de la qualité de l’offre de Doctolib comparativement à celle de ses concurrents, ainsi que des autres pratiques qui lui sont reprochées, l’évolution des autres opérateurs du marché depuis le rachat de MonDocteur, y compris des nouveaux entrants tels que CompuGroup (ClickDoc) et Consulib, confirme que ceux-ci n’ont pas réussi à se développer suffisamment

– avec quelques pourcents seulement de parts de marché – pour espérer contrecarrer son pouvoir de marché. Doctolib elle-même a d’ailleurs pu constater cet effet dans le document cité ci-avant (voir paragraphe 725) « Doctolib Investor Memorandum » de juin 2019746.

730. S’agissant des taux de churn observés chez Doctolib, en augmentation depuis 2020, il convient de rappeler que ces chiffres incluent des situations variées, telles que les départs en retraite ou les résiliations sans migration vers une solution concurrente. Par ailleurs, comme évoqué aux paragraphes 511 et 527, ces taux de churn ne peuvent être qualifiés de particulièrement élevés747.

731. S’agissant de l’analyse du comportement sur le marché de Doctolib et notamment de sa politique tarifaire à la suite du rachat, celui-ci, contrairement à ce qu’indique Doctolib, a bien eu un impact sur le comportement des consommateurs et la structure de la concurrence.

732. Selon les documents internes relatifs à la préparation de l’opération, cette acquisition devait générer un « [e]ffet positif certain et immédiat sur les prix (augmentation de l’ARPU pour les médecins et les hôpitaux) »748. Un échange de courriels du 11 mai 2018 confirme que cette acquisition était perçue comme une opportunité stratégique permettant de « [r]éduire la pression sur les prix (un taux de réduction de 15 % et la possibilité d’augmenter les prix de 10 à 20 %) »749. À cette époque, des échanges internes de Doctolib évoquaient la possibilité d’attendre que l’entreprise atteigne une taille de marché critique pour procéder à des augmentations tarifaires750.

733. Pour les clients existants, une première hausse des prix de [10-30] euros (TTC) par mois a été mise en œuvre en 2022. Il apparaît ainsi plausible, d’après les documents internes précités, que Doctolib ait attendu que sa croissance et l’affaiblissement de la concurrence se consolident, notamment après l’acquisition de MonDocteur fin 2018, mais aussi la fin de la crise sanitaire, pour appliquer en 2022 une première augmentation tarifaire.

734. Pour les nouveaux abonnés, le tarif mensuel TTC est passé de 109 euros à 129 euros en mars 2019, quelques mois après la fusion avec MonDocteur, puis à 139 euros en mars 2021 pour les abonnements mensuels (tout en restant à 129 euros pour les facturations annuelles), et enfin à 149 euros en mars 2023 (139 euros pour les abonnements annuels)751. Un document interne intitulé « Doctolib – Market Intel Case Study », bien que non daté, suggère que l’accroissement de la part de marché de Doctolib a permis l’augmentation tarifaire initiale (de 20 euros en mars 2019)752.

735. L’affirmation de Doctolib selon laquelle il n’existerait aucun lien de causalité entre l’augmentation de tarif en 2019 pour les nouveaux clients et le rachat de MonDocteur, au motif qu’une augmentation similaire était envisagée dans un document interne datant de novembre 2016, ne peut être retenue. Tout d’abord, l’augmentation effectivement appliquée en 2019 sur les nouveaux abonnés, après le rachat de MonDocteur, a été plus importante que celle initialement envisagée dans ce document (de 3 points de pourcentage supplémentaires). Ensuite, même si une augmentation tarifaire comparable avait été évoquée longtemps avant l’acquisition, rien ne permet d’affirmer que Doctolib aurait été en mesure de la mettre en œuvre sans risquer de perdre un nombre significatif de prospects au profit de MonDocteur. Bien au contraire, le fait est que cette augmentation n’a finalement été mise en œuvre que plusieurs années après la rédaction de ce document interne, et ce, uniquement après l’acquisition de MonDocteur. Enfin, une analyse plus approfondie du document révèle que cette possibilité d’augmentation des prix avait été explicitement étudiée en tenant compte du tarif appliqué par MonDocteur à l’époque (107 euros), renforçant ainsi le lien entre la stratégie tarifaire de Doctolib et l’existence d’un concurrent (unique) sur le marché753.

736. Par ailleurs, l’opération de rachat était bien de nature à pouvoir affecter le marché national des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales. Tout d’abord, Doctolib a procédé au rachat d’un opérateur en mesure de développer des activités connexes à la prise de rendez-vous médicaux en ligne, telles que l’activité de téléconsultation. En outre, il ressort du document précité intitulé « Doctolib –The leading ehealth service in Europe » de mai 2018, explicitant les avantages escomptés du rachat de MonDocteur, que Doctolib comptait profiter de sa position de leader pour investir davantage et conquérir de nouveaux marchés tels que celui de la télémédecine754, dont l’activité de téléconsultation fait partie. En effet, comme développé supra au paragraphe 724, l’opération de migration des clients MonDocteur vers Doctolib ayant entraîné un taux de conversion client de 92 % ainsi qu’un afflux de 10 000 nouveaux clients vers Doctolib Patient, ce sont autant d’abonnés auxquels Doctolib a pu proposer directement sa solution de téléconsultation, marché sur lequel elle détient une position dominante dès2019 avec une base d’abonnés pouvant être de 61 % supérieure, selon les concurrents, dès son entrée sur le marché, par rapport à des opérateurs présents depuis 2017 et 2018. En outre, en permettant un accroissement de la base d’abonnés de Doctolib Patient, le rachat a également pu accentuer l’effet des pratiques de Doctolib tendant à abuser de sa position dominante sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne pour favoriser sa position sur le marché des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales.

c) Conclusion

737. Au moment de l’opération, le marché concerné, alors en pleine expansion, était marqué par de forts effets de réseau indirects, lesquels renforçaient de manière significative les barrières à l’entrée et à l’expansion. Ces particularités rendaient hautement improbable l’émergence d’un nouveau concurrent après la disparition de MonDocteur, seul véritable concurrent de Doctolib en 2017-2018. Cette acquisition a entraîné l’élimination du seul acteur capable de rivaliser directement avec Doctolib et a placé les autres concurrents, aux positions déjà très limitées, dans une situation où ils ne sont pas en mesure de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de Doctolib. En effet, malgré des prix inférieurs à ceux de Doctolib, ces acteurs n’ont jamais réussi à s’imposer sur le marché en raison de l’avance prise par Doctolib et de ces effets de réseau, certains concurrents allant jusqu’à estimer que le marché était entièrement verrouillé. Bien que cette situation ne remette pas en question la qualité des produits proposés par Doctolib, ni les investissements qu’elle a mis en œuvre pour conquérir de nombreux clients, elle illustre la persistance d’un pouvoir de marché quasimonopolistique depuis la disparition de MonDocteur.

738. Cette pratique, qui a entravé substantiellement la concurrence, constitue ainsi un abus de position dominante au sens des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE.

d) Sur la durée de la pratique

739. Contrairement aux services d’instruction, qui soutiennent qu’un abus de position dominante prenant la forme d’une opération de concentration serait une infraction continue, Doctolib, se référant notamment à la pratique décisionnelle de l’Autorité en matière de concentrations755, estime que la pratique visée en l’espèce serait une infraction permanente, sous-catégorie d’infraction instantanée dont les effets se prolongent dans la durée, sans nouvelle intervention de l’auteur des faits756.

740. Sur ce point, il convient de relever que l’opération de concentration litigieuse se caractérise par un acte unique – la réalisation le 10 juillet 2018 de l’acquisition – accompli à une date déterminée, mais dont les effets anticoncurrentiels peuvent se maintenir durablement. Dès lors que ces effets persistent sans qu’il soit besoin d’une action supplémentaire de la part de l’entreprise en cause, une telle infraction doit, comme le soutient Doctolib, être qualifiée d’instantanée.

F. SUR L’IMPUTABILITÉ DES PRATIQUES

1. RAPPEL DES PRINCIPES

741. Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, lorsque l’existence d’une infraction est établie, il convient de déterminer la personne physique ou morale qui était responsable de l’exploitation de l’entreprise en cause au moment où l’infraction a été commise, afin qu’elle réponde de cette infraction. L’infraction doit, ainsi, être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger la sanction.

2. APPLICATION EN L’ESPÈCE

742. En l’espèce, les pratiques en cause ont été mise en œuvre par la société Doctolib SAS, qui a exploité de manière abusive la position dominante qu’elle détient sur le marché français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et sur le marché français des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales.

743. Par conséquent, il convient de retenir la responsabilité de la société Doctolib SAS en tant qu’auteur de l’infraction.

G. SUR LA SANCTION

1. LES PRINCIPES RELATIFS À LA DÉTERMINATION DES SANCTIONS

a) Le droit applicable

744. Les dispositions du I de l’article L. 464-2 du code de commerce et de l’article 5 du règlement (CE) n° 1/2003757 habilitent l’Autorité à infliger une sanction pécuniaire aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE.

745. Le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la présente espèce, prévoit que « [l]es sanctions pécuniaires sont appréciées au regard de la gravité et de la durée de l'infraction, de la situation de l'association d'entreprises ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et de l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».

746. Aux termes du quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, « le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ».

b) Sur le prononcé d’une sanction unique

747. Il ressort de la pratique décisionnelle de l’Autorité que lorsque plusieurs griefs ont été notifiés, l’Autorité peut imposer à chaque entreprise mise en cause plusieurs sanctions correspondant à plusieurs infractions758, en déterminant chacune d’elles en fonction des critères prévus par le code de commerce759.

748. L’Autorité peut aussi infliger à chaque entreprise mise en cause une sanction unique correspondant à plusieurs infractions, « eu égard à l’identité ou à la connexité des secteurs ou des marchés en cause, d’une part, et à l’objet général des pratiques, d’autres part »760.

Le recours à cette possibilité n’est cependant pas automatique, mais demeure une faculté. Dans un arrêt du 16 novembre 2023, la cour d’appel a ainsi rappelé que « s’il est loisible à l'Autorité d'infliger une seule sanction au titre de plusieurs infractions, nonobstant les différences relatives à leur durée, leur gravité ou les dommages qui en résultent, eu égard à l'identité ou à la connexité des secteurs ou des marchés en cause et à l'objet général des pratiques, aucun texte ne l'y oblige pour autant »761.

749. Au cas d’espèce, Doctolib soutient que les conditions d'application d'une sanction unique au titre des griefs qui lui ont été notifiés sont réunies, dans la mesure où les pratiques qui lui sont reprochées : (i) présenteraient un objet identique, celui d’évincer ses concurrents ; (ii) auraient été commises sur les mêmes marchés ; (iii) produiraient les mêmes effets potentiels ou réels, les services d’instruction ne parvenant pas à distinguer des effets propres à chacun des griefs ; et (iv) s’inscriraient dans une même stratégie d’élimination de la concurrence762.

750. Ces arguments ne sauraient être retenus.

751. En premier lieu, les pratiques visées par les deux griefs présentent des natures différentes. En effet, les pratiques visées par le premier grief ont une nature comportementale et commerciale, tandis que l’opération de rachat visée par le second grief a une nature structurelle.

752. En deuxième lieu, les pratiques visées par les deux griefs ne s’inscrivent pas dans un même plan d’ensemble. D’une part, comme détaillé aux paragraphes 610 et suivants, l’infraction unique, complexe et continue s’inscrit dans un plan d’ensemble visant pour Doctolib à préempter et capter la clientèle afin de consolider sa position dominante tout en limitant le développement de ses concurrents sur le marché. D’autre part, l’opération de rachat s’est inscrite dans une stratégie visant purement et simplement à faire disparaitre du marché le principal concurrent de Doctolib afin qu’elle puisse tirer profit de l’assèchement durable de l’intensité concurrentielle qui en résulterait et se comporter de manière totalement indépendante sur le marché.

753. En troisième lieu, les pratiques visées par les deux griefs ne présentent pas les mêmes caractéristiques. En effet, celles visées par le premier grief s’insèrent au sein d’une infraction unique dans la mesure où elles présentent un fort degré de complémentarité en ce qu’elles (i) interagissent et se complètent entre elles pour parvenir au même objectif ; (ii) revêtent un caractère systématique et cumulatif ; et (iii) partagent un trait commun dans leur mise en œuvre. En revanche, la pratique visée par le second grief constitue une pratique d’opportunité, de nature structurelle, mise en œuvre de manière isolée, qui ne se combine avec aucune autre pratique sur le marché et qui ne s’insère dans aucune stratégie structurée et coordonnée.

754. En quatrième lieu, contrairement à ce qu’indique Doctolib, les effets des deux griefs sont distincts et ont été analysés aux paragraphes 515 et suivants ainsi que 573 et suivants pour le premier grief, et aux paragraphes 713 et suivants s’agissant du second grief.

755. À la lumière de ces éléments, l’Autorité prononcera deux sanctions distinctes, une pour l’infraction visée au grief n° 1 et une pour celle visée au grief n° 2.

c) Sur l’imposition d’une sanction nulle ou symbolique en présence de pratiques sans précédent ou juridiquement incertaines

756. S’agissant de la sanction encourue au titre du grief n° 2, Doctolib rappelle que l’application rétroactive d’une interprétation nouvelle d’une règle de droit établissant une infraction est incompatible avec le principe de légalité des délits et des peines. Elle soutient qu’en l’espèce l’interprétation de l’article 102 du TFUE dans l’arrêt Towercast constitue une rupture par rapport à la pratique décisionnelle antérieure de l’Autorité telle qu’établie au moment des faits visés par la notification de griefs. En effet, lorsqu’elle a pris, en 2018, le contrôle de MonDocteur, il était de pratique décisionnelle et de jurisprudence constantes que les règles prohibant les pratiques anticoncurrentielles et celles relatives au contrôle des concentrations étaient différentes et inconciliables entre elles763.

757. Ainsi, si l’Autorité devait entrer en voie de condamnation, Doctolib considère qu’il s’agirait du premier cas effectif d’application de la jurisprudence Continental Can à la lumière des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. Dès lors, au moment où Doctolib a pris le contrôle de MonDocteur, la possibilité qu’une telle opération puisse être sanctionnée sur ces fondements n’aurait pas été prévisible. Par conséquent, l’Autorité devrait renoncer à toute forme de sanction au titre de ce grief ou n’imposer qu’une sanction symbolique.

758. Sur ce point, l’Autorité rappelle que, conformément à la jurisprudence Bang & Olufsen de la cour d’appel de Paris764, dans l’hypothèse où une incertitude quant à la licéité des pratiques en cause serait avérée, elle n’est pas de nature à remettre en cause l’existence de l’infraction et doit uniquement être prise en compte dans l’appréciation de la gravité des pratiques (voir les paragraphes 837 et suivants ci-après).

2. S’AGISSANT DU GRIEF N° 1

759. L’Autorité appréciera les critères légaux rappelés aux paragraphes 744 et suivants selon les modalités pratiques décrites dans son communiqué du 30 juillet 2021 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après, le « communiqué sanctions »).

760. Seront successivement examinées la détermination du montant de base (a) et l’individualisation de la sanction (b).

a) Sur la détermination du montant de base

761. Le communiqué sanctions énonce au point 20 que « le montant de base de la sanction est déterminé par une proportion de la valeur des ventes du ou des produit(s) ou service(s) en relation avec l’infraction (1), et est fonction de l’appréciation portée par l’Autorité sur la gravité des faits (2) et de la durée de l’infraction (3) ».

762. Seront successivement abordées, (i) la valeur des ventes, (ii) la gravité des pratiques et (iii) la durée des pratiques.(i) La valeur des ventes

763. En application du point 22 du communiqué sanctions, la pratique décisionnelle de l’Autorité retient en principe comme assiette du montant de base pour le calcul de la sanction « la valeur de l’ensemble des catégories de produits ou de services en relation directe ou indirecte avec l’infraction, vendues par l’entreprise ou l’association d’entreprises concernée durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci ».

764. Toutefois, le point 25 du même communiqué précise que « [d]ans les cas où elle considère que le dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction ne constitue manifestement pas une référence représentative, l'Autorité retient un exercice qu'elle estime plus approprié, ou une moyenne d'exercices, en motivant ce choix ».

765. En l’espèce, Doctolib a exploité de manière abusive sa position dominante sur le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et sur le marché national connexe des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales, en mettant en œuvre une infraction unique, complexe et continue visant à renforcer son pouvoir de marché et à évincer ses concurrents ou, à tout le moins, à entraver leur développement sur les marchés concernés.

766. Les pratiques en cause ayant concerné les services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et les solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales, il convient de retenir la valeur des ventes correspondante. S’agissant de Doctolib, ces activités correspondent aux services Doctolib Patient et Doctolib Téléconsultation.

767. La valeur des ventes devant être retenue au titre du grief n° 1 est, par conséquent, constituée de l’ensemble des ventes des services Doctolib Patient et Doctolib Téléconsultation, réalisées en France par Doctolib SAS, à qui les pratiques sont imputables.

768. Ce point n’est pas contesté par Doctolib.

769. L’infraction unique, complexe et continue ayant débuté en 2017 et ayant perduré à tout le moins jusqu’à la date de la notification de griefs, le dernier exercice comptable complet de participation à l’infraction est celui de 2023, prenant fin au 31 décembre 2023. Or, la période de référence qui serait retenue ne constitue pas une référence représentative en raison de la croissance exponentielle et continue de la valeur des ventes de Doctolib sur les activités concernées et ce, tout au long de la période d’infraction.

770. Dans le cas présent, il est dès lors plus approprié de se fonder sur une moyenne des valeurs des ventes réalisées entre l’année de début de l’infraction et l’année de fin de l’infraction telles qu’envisagées au paragraphe 764 ci-dessus.

771. Par conséquent, l’Autorité retiendra la moyenne des valeurs des ventes correspondant aux exercices comptables des années 2017 à 2023, soit [confidentiel] euros.(ii) La gravité des pratiques

772. Aux termes du communiqué sanctions, l’Autorité apprécie la gravité des faits « de façon objective et concrète, au vu de l’ensemble des éléments pertinents du cas d’espèce »765. Pour ce faire, l’Autorité peut notamment tenir compte, en fonction de leur pertinence, des éléments énumérés au point 28 du communiqué sanctions, parmi lesquels figurent « la nature de l’infraction ou des infractions en cause et des faits retenus pour la ou les caractériser, ainsi que la nature du ou des paramètres de la concurrence concernés », et « la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause ».

773. En considération de la gravité des faits ainsi appréciée, le communiqué sanctions prévoit que l’Autorité retient au cas par cas une proportion de la valeur des ventes réalisées comprise entre 0 % et 30 %. Il ajoute qu’en cas d’abus de position dominante, l’Autorité peut en outre, à des fins de dissuasion, augmenter le montant précédemment défini d’une somme comprise entre 15 % et 25 % de la valeur des ventes766.

Sur la nature de l’infraction

-Arguments de Doctolib

774. Selon Doctolib, les pratiques sont d’une « gravité négligeable, sinon insignifiante ». Toutes les pratiques d’éviction ne revêtiraient pas le même degré de gravité ainsi que l’Autorité l’aurait elle-même souligné dans son rapport annuel pour 2012767 en distinguant entre les pratiques qui tendent mécaniquement à évincer les concurrents et celles dont les effets ne sont pas d’empêcher de façon systématique les concurrents d’exercer leur activité de façon rentable, ces dernières étant considérées comme moins graves768.

775. En l’espèce, selon Doctolib, les pratiques visées par le premier grief en cause (i) n’ont pas emporté d’effet mécanique et automatique d’exclusion des concurrents, certains d’entre eux s’étant maintenus sur le marché, tandis que d’autres auraient continué de se développer ; et (ii) ne s’inscrivaient pas dans une stratégie globale anticoncurrentielle. En outre, l’absence d’application et de suivi des clauses d’exclusivité et anti-allotement, ainsi que de toute mesure de représailles, devrait être prise en compte pour relativiser la gravité des pratiques769.

- Réponse de l’Autorité

776. Doctolib a mis en œuvre un ensemble de comportements constituant une infraction unique, complexe et continue visant à renforcer son pouvoir de marché ainsi qu’à évincer ses concurrents ou, à tout le moins, à entraver leur développement, notamment par l’élévation des barrières à l’entrée, au maintien et à l’expansion.

777. Cette infraction constitue une pratique qualifiée par la jurisprudence de grave, et même de très grave lorsqu’elle est mise en œuvre par une entreprise en position de quasi-monopole770. La gravité de l’infraction en cause se manifeste également par le fait que prise individuellement, chacune des pratiques la composant constitue elle-même une infraction d’une gravité certaine771.

778. En outre, contrairement à ce qu’indique Doctolib, la pratique d’exclusivité a bien eu pour objet mécanique premier d’entraîner le recours exclusif aux services et solutions proposés par Doctolib, à l’exclusion de toute offre concurrente. Cet objet s’est traduit dans les faits, et notamment sur le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne où certains concurrents ont quitté le marché, renoncé à y entrer ou n’ont réussi à conquérir que quelques pourcents de parts de marché.

779. De plus, les comportements anticoncurrentiels en cause s’inscrivent dans une stratégie globale, structurée et cohérente ayant pour objectif de verrouiller les marchés concernés et d’évincer les concurrents, au seul profit de Doctolib. De plus, Doctolib avait parfaitement connaissance du caractère infractionnel de certaines des pratiques. C’est particulièrement le cas de l’insertion de clauses d’exclusivité dans ses documents contractuels, qui a fait l’objet d’avertissements réitérés de la direction juridique que les dirigeants de l’entreprise ont décidé d’ignorer772. Ces circonstances sont autant d’éléments qui tendent encore à accentuer la gravité des faits.

780. Enfin, contrairement à ce qu’indique Doctolib, de nombreux éléments internes montrent que les situations d’allotement constituaient un sujet d’attention. Doctolib a ainsi mis en œuvre un plan global et des mesures anti-allotement destinés à détecter et « attaquer » les professionnels de santé en situation d’allotement, voire à refuser leur abonnement tant qu’ils n’avaient pas abandonné la solution concurrente à laquelle ils avaient recours773.

Sur la nature des marchés en cause

- Arguments de Doctolib

781. Doctolib soutient que le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne ne s’apparente pas à un marché de type « winner takes all » et que les effets de réseau sontfaibles, en raison notamment de la pénurie de médecins en France et de l’absence corrélative de recherche de visibilité par la plupart des médecins774.

782. En outre, Doctolib soutient que les marchés pertinents ne présentent pas de barrière à l’entrée. Cela serait, en particulier, le cas du marché des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales sur lequel des concurrents tels que Synapse-Medadom ont pu se développer, ce qui serait incompatible avec l’existence de fortes barrières à l’entrée et à l’expansion775.

- Réponse de l’Autorité

783. Les arguments de la requérante pour critiquer les déterminants de la sanction ne visent qu’à critiquer les définitions de marchés et la qualification juridique des pratiques mises en œuvre par Doctolib, dont le bien-fondé a déjà été démontré ci-dessus (voir en ce sens les paragraphes 310 et suivants, 426 et suivants ainsi que 464 et suivants).

784. Ainsi qu’il a été rappelé ci-avant, l’infraction en cause a été mise en œuvre sur des marchés marqués par de puissants effets de réseau croisés, des barrières à l’entrée, au maintien et à l’expansion et sur lesquels la pression concurrentielle était déjà réduite du fait du pouvoir de marché détenu par Doctolib. Les arguments de Doctolib ne sauraient donc être retenus.

Sur la nature des personnes susceptibles d’être affectées

- Arguments de Doctolib

785. Doctolib soutient que les pratiques en cause n’ont pas affecté tous les concurrents sur les marchés pertinents retenus puisque certains, tels que Synapse-Medadom, ont pu entrer sur le marché des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales et s’y développer en augmentant leur part de marché776.

786. De plus, selon elle, « de nombreux opérateurs concurrents auraient indiqué ne pas avoir connaissance des pratiques et ne pas avoir été affectés par celles-ci, ou avoir décidé de ne plus investir ou développer leur service tout en reconnaissant explicitement les mérites propres de Doctolib »777.

- Réponse de l’Autorité

787. L’infraction mise en œuvre par Doctolib a été de nature et a effectivement affecté les opérateurs concurrents sur les marchés des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales. Bénéficiant de son importante notoriété et de sa forte présence commerciale, les comportements en cause ont permis à Doctolib de conquérir rapidement un large parc de clientèle et de rendre ses clients captifs de ses services, au détriment des services concurrents.

788. Ces comportements ont été particulièrement nocifs pour les opérateurs concurrents de petite taille, aux ressources limitées, qui ont ainsi été privés d’une clientèle potentielle qui aurait permis leur développement sur les marchés. Cela est d’autant plus vrai que ces opérateurs n’ont jamais réussi à conquérir des parts de marché substantielles, tant en valeur qu’en volume, et à tout le moins supérieures à quelques points de pourcentage. À cet égard, si l’opérateur Synapse, proposant la solution Medadom, est effectivement parvenu à se développer, il n’a jamais réussi à rivaliser avec Doctolib. Ainsi, en 2022, ses parts de marché en valeur restent plus de [0-5] fois moins élevées que celles de Doctolib, sa part de marché en nombre de clients est [55-60] fois moins élevée et sa part de marché en nombre de téléconsultations réalisées reste [5-10] fois moins élevée que celle de Doctolib en 2022778.

789. Il en va de même des opérateurs adossés à des groupes de fournisseurs historiques de logiciels de gestion de cabinet : alors qu’ils disposaient d’un parc de clientèle et d’une puissance financière plus importante que des opérateurs isolés ou de petites tailles, ces concurrents n’ont pu rivaliser avec la notoriété et le pouvoir de marché de Doctolib, même en pratiquant des tarifs plus avantageux.

790. De surcroît, du fait des pratiques mises en œuvre par Doctolib, certains opérateurs, tels que Solocal ou Qare, ont cessé de développer leur service, abandonné l’idée de développer un service de prise de rendez-vous médicaux en ligne ou une solution de téléconsultation médicale ou ont, à tout le moins, souligné les difficultés de faire face à un acteur majeur tel que Doctolib et aux barrières élevées artificiellement sur les marchés concernés779. Le fait que certains de ces opérateurs puissent reconnaître les mérites propres des services de Doctolib n’est pas de nature à relativiser les effets des pratiques mises en œuvre, ni leur gravité.

791. En outre, les pratiques en cause ont également eu un impact sur les professionnels de santé clients et leur activité. En effet, ces pratiques d’éviction ont, par leur nature, réduit la diversité de l’offre et limité la liberté de choix des professionnels de santé sur les marchés concernés en rendant notamment captive la clientèle des services de Doctolib. En particulier, la pratique d’exclusivité a eu pour effet d’une part de rendre plus difficile, voire d’empêcher les abonnés Doctolib de recourir à des services concurrents et d’autre part de contraindre les professionnels déjà clients de services concurrents, à mettre un terme à leur abonnement pour souscrire aux services Doctolib. De même, la pratique de vente liée a eu pour effet de contraindre les clients souhaitant s’abonner à Doctolib Téléconsultation à recourir d’office à Doctolib Patient.

792. Les pratiques ont ainsi eu pour effet d’inciter fortement, voire de contraindre, les professionnels de santé à recourir aux services de Doctolib, au détriment de ceux des concurrents, alors qu’ils auraient pu conserver leur liberté de choix et y trouver un intérêt en termes de visibilité supplémentaire, de gain de patientèle et/ou d’organisation. Elles sont d’autant plus graves que complémentaires et mises en œuvre dans le cadre d’un même plan d’ensemble anticoncurrentiel, sur l’ensemble du territoire national et sur un marché en croissance où Doctolib détient un parc de clientèle bien plus important que celui de ses concurrents.

793. Contrairement à ce qu’avance Doctolib, le fait que certains concurrents, opérateurs ou organismes interrogés dans le cadre de l’instruction ont indiqué ne pas avoir connaissance de plaintes de la part de professionnels de santé ne saurait remettre en cause l’existence des pratiques et leurs effets. Cela est d’autant plus vrai pour la pratique d’exclusivité dès lors que celle-ci a une portée très large et que des mesures ont été mises en œuvre pour détecter les situations d’allotement et y mettre un terme. En outre, comme développé supra aux paragraphes 160 et suivants, des professionnels de santé, des syndicats de professionnels ainsi que des opérateurs tels que le saisissant ou Solocal ont bien relevé l’existence de cette exclusivité.

794. Enfin, il est à noter également que l’infraction unique, complexe et continue mise en œuvre par Doctolib a également affecté les patients et utilisateurs des plateformes de prise de rendez-vous médicaux en ligne. Au regard du fort pouvoir de marché de Doctolib, de sa notoriété et du caractère incontournable de Doctolib Patient pour les professionnels de santé, les pratiques en cause, ayant pour effet de capter toujours plus de professionnels de santé et d’évincer la concurrence ont pu priver les patients d’alternatives potentiellement plus intéressantes en termes de qualité et de diversité de l’offre.

Sur les caractéristiques objectives de l’infraction

- Arguments de Doctolib

795. Doctolib estime qu’il ressort des éléments du dossier que sa priorité n’était pas d’évincer la concurrence, mais de maximiser l’expérience utilisateur et de proposer le meilleur produit possible. En outre, dans la mesure où le dossier ne contient aucune preuve d’application et de suivi systématiques des clauses contractuelles, aucun fort degré de structuration et de sophistication ne saurait être caractérisé à son encontre780.

- Réponse de l’Autorité

796. Il ressort de la pratique décisionnelle que, lorsque des comportements anticoncurrentiels ont été mis en œuvre en même temps, cette circonstance peut être prise en compte au titre de la gravité des faits781. En particulier, l’Autorité considère que la gravité intrinsèque de pratiques anticoncurrentielles se trouve accrue lorsque ces dernières affectent des paramètres de concurrence distincts, tout en poursuivant le même objectif anticoncurrentiel782.

797. En l’espèce, comme il a été démontré ci-avant, les comportements abusifs de Doctolib ont pris la forme de deux types de mesures complémentaires : d’une part, une pratique liée à l’exclusivité et à l’allotement visant à capter la clientèle vers les services proposés par Doctolib – Doctolib Patient et Doctolib Téléconsultation – et la retenir, au détriment des services concurrents ; d’autre part, une pratique de vente liée de ces deux services ayant pour objet de capter la clientèle vers Doctolib Patient, au détriment des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne concurrents. Dès lors, en raison de la combinaison de ces pratiques, il y a lieu de considérer que le comportement anticoncurrentiel de Doctolib est d’une gravité certaine. Il sera néanmoins tenu compte de la circonstance selon laquelle la coexistence de ces deux pratiques ne couvre pas la durée totale de l’infraction (voir ci-après les paragraphes 805 et suivants).

798. En outre, comme rappelé aux paragraphes 504 et suivants, il ressort bien des éléments du dossier et en particulier des éléments internes à Doctolib que celle-ci a expressément manifesté, tout au long de la période infractionnelle, l’intention de restreindre la concurrence actuelle et potentielle. L’absence de suivi systématique du respect de la clause d’exclusivité présente dans ses documents contractuels ne saurait, partant, remettre en cause l’imbrication et la gravité des pratiques.

799. Enfin, il convient de noter que Doctolib avait non seulement conscience de sa position de leader et de son fort pouvoir de marché, mais aussi de la responsabilité particulière qui lui incombait en tant qu’entreprise détenant une position dominante et des risques auxquels elle était exposée notamment au regard du droit de la concurrence783. De surcroît, s’agissant de la pratiquée liée à l’exclusivité et aux situations d’allotement784, Doctolib avait été alertée par sa direction juridique sur le risque d’illicéité de la clause d’exclusivité vis-à-vis des dispositions du droit de la concurrence.

Conclusion sur la gravité des faits

800. En raison de la nature de l’infraction, des marchés sur lesquels elle a été constatée, des personnes susceptibles d’être affectées et des caractéristiques objectives du comportement par lequel elles se sont manifestées, les pratiques reprochées à Doctolib présentent une certaine gravité. Cela justifie de retenir, pour la détermination du montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes de 3 %.(iii) Sur la durée des pratiques

801. Ainsi que l’indique le communiqué sanctions, il importe que « l’amende reflète […] le nombre d’années pendant lesquelles l’entreprise a participé à l’infraction »785. À cet égard, « la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée reflète l’importance économique de l’infraction, ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction »786.

802. Dès lors, pour prendre pleinement en compte la durée de participation de l’entreprise à l’infraction dans le calcul du montant de base de la sanction, l’Autorité multiplie le montant déterminé en fonction de la valeur des ventes par le nombre d’années de participation, les durées de moins d’une année étant prises en compte au prorata temporis de la durée de participation787.

Arguments de Doctolib

803. Doctolib soutient que la qualification d’infraction unique, complexe et continue conduirait à augmenter artificiellement le coefficient de durée pris en compte pour la détermination du montant de base de la sanction788. À ce titre, elle affirme que la pratique consistant à insérer des clauses d’exclusivité dans ses documents contractuels aurait pris fin au plus tard le 4 octobre 2023, dans la mesure où ces dernières ont été supprimées le 19 septembre 2023 pour les nouveaux utilisateurs et le 4 octobre 2023 pour les utilisateurs existants. En outre, elle rappelle que la pratique de vente liée n’a pu débuter qu’en 2019.

804. Par conséquent, Doctolib soutient qu’il serait nécessaire de tenir compte des différences concernant les dates de début et de cessation des pratiques pour retenir une durée inférieure d’au moins deux années à celle retenue par la notification de griefs.

Réponse de l’Autorité

805. Comme développé aux paragraphes 608 et suivants, les pratiques en cause, qui constituent individuellement l’exploitation abusive d’une position dominante, sont liées à une stratégie globale plus vaste de Doctolib et constituent, à ce titre, une infraction unique, complexe et continue.

806. Dès lors, contrairement à ce que soutient Doctolib, la durée pertinente de l’infraction unique, complexe et continue doit être appréciée comme courant (i) à compter de l’année 2017, date à laquelle Doctolib a acquis une position dominante sur le marché français des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, les clauses d’exclusivité étant déjà en vigueur à cette époque ; et ce, (ii) jusqu’à la date de la notification des griefs dès lors que la pratique de vente liée se poursuivait encore à la suite de l’acquisition en 2019 par Doctolib d’une position dominante sur le marché français des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales. Il y a lieu de prendre en compte la durée de l’infraction dans sa globalité, sans tenir compte d’une individualisation des durées par pratique. En revanche, cet élément a été pris en compte au stade de l’appréciation de la gravité des pratiques.

807. En conséquence, l’infraction unique complexe et continue établie à l’encontre de Doctolib a été mise en œuvre au moins entre le 1er janvier 2017 et le 10 juin 2024, soit pendant une durée de 7 ans, 5 mois et 10 jours. Dès lors, le coefficient multiplicateur à appliquer en l’espèce est de 7,44.

Conclusion sur le montant de base de la sanction pécuniaire

808. Il résulte des considérations qui précèdent que le montant de base de la sanction pécuniaire s’élève à [confidentiel] euros.

b) Sur l’individualisation de la sanction

809. Selon les points 35 et suivants du communiqué sanctions, l’Autorité adapte le montant de base retenu reflétant la valeur des ventes, la gravité de l’infraction et sa durée au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de l’entreprise. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d’espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes et aggravantes caractérisant le comportement de l’entreprise mise en cause dans la commission des infractions, ainsi que d’autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle tels que le caractère mono-produit de l’activité, l’appartenance à un groupe puissant ou l’existence de difficultés financières. Cette prise en compte peut conduire à ajuster le montant de la sanction tant à la baisse qu’à la hausse.

Sur les circonstances aggravantes ou atténuantes

810. Dans ses observations, Doctolib ne se prévaut d’aucune circonstance atténuante et, en l’espèce, il ne ressort pas des éléments du dossier que de telles circonstances puissent être retenues. De même, le dossier ne comporte pas d’élément susceptible de justifier de retenir des circonstances aggravantes.

811. Il ne sera donc tenu compte d’aucune circonstance individuelle au titre de l’atténuation ou de l’aggravation de la sanction au sens du communiqué sanctions.

Sur les autres éléments d’individualisation

812. Selon le paragraphe 40 du communiqué sanctions, l’Autorité peut adapter la sanction à la baisse pour tenir compte du fait que l’entreprise concernée « mène l’essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l’infraction » (entreprise « mono-produit »). La prise en compte du caractère d’entreprise mono-produit a pour finalité d’éviter que l’application de la méthode normale de détermination des sanctions aboutisse à des montants disproportionnés789.

813. La Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 8 novembre 2017 que l’appréciation du caractère mono-produit d’une entreprise repose sur la comparaison entre l’assiette de la sanction – la valeur des ventes en lien avec l’infraction réalisées en France – et le chiffre d’affaires de l’entreprise supportant la charge de l’amende ou de l’unité économique à qui la sanction est imputée, laquelle comprend son auteur et, le cas échéant, sa société mère790.

814. En l’espèce, Doctolib soutient que le caractère mono-produit de son activité justifie une réduction du montant de base de toute éventuelle sanction pécuniaire791. Elle considère en effet que la valeur des ventes de Doctolib Patient et Doctolib Téléconsultation représente en moyenne sur la période d’infraction [85-95] % de son chiffre d’affaires consolidé.

815. Il ressort toutefois des éléments du dossier que la valeur des ventes retenue pour déterminer le montant de base de la sanction de Doctolib représente [>80] % du chiffre d’affairesconsolidé réalisé par cette entreprise792. Cette proportion justifie de lui appliquer le critère de l’entreprise mono-produit et de lui accorder une réduction de 80 % sur le montant de la sanction.

816. Au vu des considérations qui précèdent, la sanction encourue par Doctolib au titre du grief n° 1 est de 4 615 554 euros, arrondis à 4 615 000 euros.

3. S’AGISSANT DU GRIEF N° 2

a) Sur l’application du communiqué sanctions

817. Si le communiqué sanctions décrit une « méthode cohérente qui guide la détermination des sanctions pécuniaires que l’Autorité impose », il précise que celle-ci « peut toutefois, après une analyse globale des circonstances particulières de l’espèce, notamment au regard des caractéristiques des pratiques en cause, de l’activité des parties concernées et du contexte économique et juridique de l’affaire, ou pour des raisons d’intérêt général, décider de s’en écarter, en motivant ce choix »793.

818. En l’espèce, la pratique mise en œuvre par Doctolib au titre du grief n° 2 a pour point de départ une date antérieure à l’arrêt Towarcast du 16 mars 2023794. Par cet arrêt, la Cour de justice a clarifié la jurisprudence et rappelé la pertinence de la jurisprudence Continental Can du 21 février 1973795 qui avait retenu l’application de l’article 86 du traité CEE (aujourd’hui article 102 du TFUE) pour sanctionner une opération de concentration. L’incertitude, au moins théorique, qui existait ainsi, avant l’arrêt Towercast, quant à la qualification de la pratique sanctionnée doit être prise en considération dans la détermination de la sanction infligée.

819. De plus, la pratique mise en œuvre par Doctolib a pris la forme d’une opération de concentration et comme rappelé aux paragraphes 739 et suivants, une telle opération intervient en un trait de temps, même si ses effets sont appelés à se poursuivre.

820. Ces éléments justifient, dans les circonstances particulières de l’espèce, de déroger à l’application du communiqué sanctions pour la détermination de la sanction pécuniaire infligée à Doctolib au titre du grief n° 2.

b) Sur la gravité

821. Afin d’apprécier la gravité des faits au cas d’espèce, il convient d’examiner successivement la nature de l’infraction, la qualité des personnes susceptibles d’être affectées et les caractéristiques objectives de l’infraction.

Sur la nature de l’infraction

Arguments de Doctolib

822. Doctolib soutient qu’aucune pratique décisionnelle établie ne considère la pratique reprochée comme grave par nature796.

Réponse de l’Autorité

823. Doctolib a mis en œuvre une pratique structurelle d’acquisition prédatrice, visant à faire disparaitre son seul véritable concurrent et à élever durablement les barrières à l’entrée sur le marché. Cette pratique est constitutive d’une pratique d’éviction qualifiée traditionnellement de grave, voire de très grave par la pratique décisionnelle et la jurisprudence nationale et européenne, ainsi que cela a été développé auparavant.

824. Cette pratique est d’autant plus grave qu’elle a pris place sur le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne marqué par l’existence de puissants effets de réseau indirects et la forte notoriété de Doctolib, tendant déjà à élever les barrières à l’entrée et à l’expansion ainsi qu’à limiter l’intensité concurrentielle, déjà réduite par la position dominante de Doctolib.

825. Elle a ainsi eu pour effet de réduire la pression concurrentielle sur le marché national des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne, en éliminant un facteur d’animation concurrentielle, qui plus est susceptible de jouer sur des activités connexes. Elle a ainsi permis à Doctolib de consolider le marché, aucun autre concurrent n’ayant réussi à récupérer depuis lors des parts de marché supérieures à quelques pourcents, alors même que le marché est en croissance.

826. Par ailleurs, cette pratique s’est inscrite dans une véritable stratégie anticoncurrentielle de Doctolib visant à éliminer son principal concurrent, notamment pour accroître son pouvoir de fixation des prix, dans un contexte marqué par l’absence de solutions alternatives pour les clients.

Sur la nature du marché en cause

Arguments de Doctolib

827. Doctolib conteste l’importance des effets de réseau sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne ainsi que l’existence de barrières à l’entrée sur ce marché ainsi que celui des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales797.

Réponse de l’Autorité

828. Les arguments de la requérante pour critiquer les déterminants de la sanction ne visent qu’à critiquer les définitions de marchés et la qualification juridique des pratiques mises en œuvre par Doctolib, dont le bien-fondé a déjà été démontré ci-dessus (voir en ce sens les paragraphes 310 et suivants, 426 et suivants ainsi que 464 et suivants).

Sur la nature des personnes susceptibles d’être affectées

Arguments de Doctolib

829. Doctolib soutient que MonDocteur, déjà en déclin avant l’opération, ne constituait pas un concurrent proche, de sorte que son acquisition n’aurait pu modifier durablement la structure du marché. Elle ajoute que de nombreux concurrents subsistent sur les marchés pertinents en cause, de sorte que la pratique visée par le grief n° 2 ne revêtirait aucune gravité particulière.

Réponse de l’Autorité

830. En absorbant son principal concurrent et en procédant à la fermeture de la plateforme en ligne MonDocteur, la pratique de Doctolib a modifié durablement la structure du marché et de l’offre de services de prise de rendez-vous médicaux en ligne. En effet, elle a purement et simplement conduit à l’élimination d’un opérateur indépendant, qui plus est le deuxième acteur du marché considéré comme le concurrent le plus crédible de Doctolib qui aurait également pu, à l’instar de cette dernière, se développer sur des marchés connexes. Contrairement à ce qu’avance Doctolib, MonDocteur n’était pas en déclin lors de son acquisition, dès lors qu’elle gagnait toujours de la clientèle à un rythme soutenu, quoique dans une proportion bien moindre que Doctolib.

831. En permettant à Doctolib de concentrer l’essentiel des parts de marché, cette pratique lui a permis de verrouiller le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et d’écarter toute perspective de concurrence sérieuse pour l’avenir. Ainsi, n’ont subsisté que quelques concurrents qui n’ont jamais réussi à se développer de manière aussi importante que Doctolib, avec seulement quelques pourcents de parts de marché.

832. En outre, en faisant disparaitre la plateforme MonDocteur, la pratique en cause a conduit à une réduction de la diversité de l’offre disponible pour les clients professionnels de santé, qu’ils soient nouvellement intéressés par un service de prise de rendez-vous médicaux en ligne ou qu’ils soient déjà abonnés et souhaitent changer d’offre. Cela est d’autant plus vrai que le service MonDocteur pouvait être proposé à un tarif plus avantageux et qu’en concentrant l’essentiel des parts de marché, sans alternative viable, Doctolib a pu procéder à des augmentations tarifaires sans que ses performances de vente, ni son taux de churnsoient affectés. L’impact sur les professionnels de santé est d’autant plus important que cette pratique a pris place sur un marché dont l’intensité concurrentielle était déjà réduite du fait des barrières à l’entrée, de la notoriété et de la position dominante de Doctolib.

833. Par ailleurs, les professionnels de santé abonnés à MonDocteur et devenus clients de Doctolib ont par la suite été soumis mécaniquement aux comportements visés au titre du grief n° 1, et notamment aux exclusivités.

834. Enfin, la pratique en cause a également affecté les patients utilisateurs en réduisant la palette de plateformes de prise de rendez-vous médicaux en ligne disponibles.

Sur les caractéristiques objectives de l’infraction

Arguments de Doctolib

835. Doctolib soutient que l’effet d’assèchement durable de la concurrence issu du rachat de MonDocteur devrait être largement relativisé, dès lors que l’entreprise était déjà en déclin et perdait des parts de marché. Elle souligne, en outre, que les services d’instruction ne seraient pas parvenus à identifier d’effet autonome propre à cette pratique798.

836. Elle estime également que l’incertitude juridique entourant la possibilité de pouvoir contrôler une opération de concentration sous l’angle de l’article 102 du TFUE et l’imprévisibilité d’une sanction au moment du rachat de MonDocteur doivent conduire à relativiser la gravité d’une telle pratique.

Réponse de l’Autorité

837. Tout d’abord, comme cela a été démontré auparavant, MonDocteur n’était nullement en déclin sur le marché au moment de son rachat.

838. Ensuite, tel que rappelé au paragraphe 758, la cour d’appel a jugé qu’il ne peut être déduit de la circonstance que le droit et la jurisprudence n’étaient pas clairement fixés lors de la commission d’une infraction qu’aucune infraction ne pourrait être retenue par l’Autorité antérieurement à la clarification apportée par la jurisprudence.

839. En l’espèce, il est toutefois avéré qu’antérieurement à l’arrêt Towercast de la Cour de justice, il subsistait, compte tenu notamment des éléments rappelés par Doctolib (voir ci-avant, paragraphes 647 et suivants), une incertitude quant à la qualification des pratiques en cause et plus particulièrement quant à la possibilité d’examiner une concentration n’atteignant pas les seuils de notification sous l’angle de l’article 102 du TFUE. Dans ces conditions, la pratique reprochée à Doctolib étant antérieure à cet arrêt, il convient d’en tenir compte dans l’appréciation de la gravité de l’infraction et du montant de la sanction799.

840. Au vu des considérations qui précèdent, la sanction encourue par Doctolib au titre du grief n° 2 est de 50 000 euros.

4. SUR LA VÉRIFICATION DU RESPECT DU PLAFOND LÉGAL APPLICABLE

841. Aux termes du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, le « montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ». Ce maximum légal est pris en compte dans le communiqué sanctions, qui précise que « la responsabilité financière de chaque entreprise en ce qui concerne le paiement de l’amende ne peut excéder le montant maximal fixé conformément [aux dispositions précitées]. Si elle excède le montant maximum applicable, la sanction pécuniaire est ramenée à ce chiffre »800.

842. En l’espèce, les montants du chiffre d’affaires retenu et du plafond applicable sont présentés dans le tableau ci-dessous pour chaque grief :

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843. Chacun des montants de sanctions indiqués aux paragraphes 816 et Erreur ! Source du renvoi introuvable. ci-avant étant inférieur aux plafonds légaux applicables, il n’y a pas lieu de les modifier de ce chef.

5. L’OBLIGATION DE PUBLICATION

844. Aux termes du cinquième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, l’Autorité peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci selon les modalités qu’elle précise. Les frais sont supportés par la personne intéressée.

845. En l’espèce, il y a lieu, compte tenu des faits constatés par la présente décision et des infractions relevées, d’ordonner à Doctolib de faire publier, à ses frais et selon les modalités prévues aux articles 4 et 5 du dispositif, dans l’édition papier et sur le site Internet du journal

« Le Quotidien du Médecin », le communiqué figurant ci-après :

« Par décision n° 25-D-06 du 6 novembre 2025, l’Autorité de la concurrence a sanctionné à hauteur d’un montant total de 4 615 000 euros la société Doctolib pour avoir exploité de manière abusive sa position dominante sur les marchés des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne (service Doctolib Patient) et des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales (service Doctolib Téléconsultation), en mettant en œuvre deux pratiques consistant respectivement :

- d’une part, à imposer à ses abonnés de recourir exclusivement à ses services, via la présence dans ses contrats d’abonnement de clauses d’exclusivité et d’anti-allotement et à imposer aux abonnés de Doctolib Téléconsultation de souscrire à Doctolib Patient ;

- d’autre part, à avoir fait disparaître son principal concurrent, la société MonDocteur, en procédant à son acquisition le 10 juillet 2018.

Ces pratiques, bien que de nature différente, ont toutes eu pour effet de verrouiller les marchés concernés, d’évincer les entreprises concurrentes et de réduire ainsi l’offre de services au seul profit de Doctolib et au détriment des professionnels de santé et des patients ».

 

DÉCISION

Article 1er : Il est établi que la société Doctolib SAS, en tant qu’auteure, a enfreint les dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce et de l’article 102 du TFUE en abusant de sa position dominante sur les marchés des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et des solutions technologiques dédiées permettant la réalisation de téléconsultations médicales par la mise en œuvre de pratiques d’exclusivité et de vente liée constituant une infraction unique, complexe et continue (grief n° 1).

Article 2 : Il est établi que la société Doctolib SAS, en tant qu’auteure, a enfreint les dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce et de l’article 102 du TFUE en abusant de sa position dominante sur le marché des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne par la prise de contrôle exclusif de la société MonDocteur (grief n° 2).

Article 3 : Sont infligées à la société Doctolib SAS les sanctions pécuniaires suivantes :

− 4 615 000 euros au titre des pratiques visées à l’article 1er ;

− 50 000 euros au titre des pratiques visées à l’article 2.

Article 4 : La société Doctolib SAS publiera à ses frais le texte figurant au paragraphe 845 de la présente décision dans le journal « Le Quotidien du Médecin » en respectant la mise en forme suivante. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : « Décision de l’Autorité de la concurrence n° 25-D-06 du 6 novembre 2025relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la prise de rendez-vous médicaux en ligne et des solutions de téléconsultation ». Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet de recours devant la cour d’appel de Paris si de tels recours sont exercés. La société Doctolib SAS adressera, sous pli recommandé, au service de la procédure et de la documentation, copie de cette publication, dès sa parution et au plus tard

1 mois à compter de la notification de la décision.

Article 5 : La société Doctolib SAS publiera à ses frais le texte figurant au paragraphe 845de la présente décision, au sein d’une page accessible au public à partir d’une annonce en première page du site Internet du journal « Le Quotidien du Médecin ». L’annonce de première page indiquera « Par décision du 6 novembre 2025, l’Autorité de la concurrence a sanctionné la société Doctolib SAS pour avoir mis en oeuvre des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la prise de rendez-vous médicaux en ligne et des solutions de téléconsultation », en caractère gras et dans une police d’écriture de taille 14.

Cette annonce devra demeurer visible durant huit jours consécutifs. La publication à laquelle renverra l’annonce de première page interviendra dans un encadré sous-titré « Décision de l’Autorité de la concurrence n° 25-D-06 du 6 novembre 2025 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la prise de rendez-vous médicaux en ligne et des solutions de téléconsultation » en caractère gras et dans une police d’écriture de taille 14 et ce pour une durée de huit jours consécutifs. Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris si un tel recours est exercé.

Dès le premier jour de sa parution, la société sanctionnée transmettra, par courriel, le lien d’accès à la page du site Internet du journal « Le Quotidien du Médecin », au service de la procédure et de la documentation qui en vérifiera la mise en ligne durant toute la durée de la publication.

Délibéré sur le rapport oral de Mme Hélène Messmer et M. Guénolé Le Ber, rapporteursainsi que M. Nicolas Lluch, représentant le service économique, et l’intervention de Mme Gwenaelle Nouët, rapporteure générale adjointe, par Mme Fabienne Siredey-Garnier, vice-présidente, présidente de séance et Mme Julie Burguburu, Mme Gaëlle Dumortier et M. Alexandre Menais, membres.

 

 

2 Cotes 2 à 27 VC, 784 à 809 VNC.

3 Cotes 1147 à 1160.

4 Cote 27408.

5 Cotes 27485 à 27742 VC, 27743 à 28000 VNC.

6 Aux termes de la présente décision, les « professionnels de santé » visent les professionnels susceptibles de recourir aux services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et/ou de téléconsultation, dans le domaine de la santé, au sens large du terme.

7 Cotes 2092 VC, 2157 VC (2949 VNC, 3540 VNC), 2336, 2777 VC (3272 VNC) et 2778.

8 Cotes 2090 VC (2947 VNC), 2337, 3057, 3100, 3914, 3935, 4083, 4290, 4292, 4314, 4642 et 4688.

9 Cotes 2090 VC (2947 VNC), 2778 VC (3273 VNC), 4111, 4127, 4290, 4348 et 4384.

10 Cotes 2090 VC (2947 VNC), 2091 VC (2948 VNC), 2096 VC (2953 VNC), 2158, 2336, 2337, 2778 VC (3273 VNC), 3102, 3657, 4111, 4119, 4127, 4317, 4384 et 4642.

11 Cotes 2778 VC (3273 VNC), 3038, 3099, 4127, 4128, 4291, 4315, 4348, 4349, 4384, 4643 et 4644.

12 https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-10/er1245EMB.pdf.

13 Cotes 2158, 2184, 3039, 3079, 3102, 3260, 3882, 3909, 3915, 3945, 4062, 4646, 4689, 7363, 7408, 7446 et 7658. Voir également Etude Xerfi, Marchés de l’e-santé : l’heure de la consolidation a déjà sonné, Septembre 2021, page 67.

14 Cotes 2098, 2340, 4084, 4316 et 4353. Voir également : https://about.doctolib.fr/news/vaccination-contre[1]la-covid-19-doctolib-partenaire-officiel-de-letat-pour-la-prise-de-rendez-vous-en-ligne-et-la-gestion-des[1]centres-de-vaccination/ ; https://news.maiia.com/vaccination-covid-19-comment-prendre-rendez-vous-en[1]ligne-facilement-avec-maiia/actualites/ ; https://www.mnh.fr/sites/default/files/2022-02/cp-keldoc[1]vaccination-nehs-digital 150121.pdf.

15 Cote 2167.

16 Cote 2340.

17 Article R. 6316-3 du CSP.

18 Article R. 6316-5 du CSP.

19 Article R. 6316-6 du CSP.

20 Cote 2182.

21 Voir notamment, à ce sujet, un article en ligne publié par le Conseil national de l’Ordre des médecins le 9 mai 2019 intitulé « Le point sur la téléconsultation », accessible à l’adresse : https://www.conseil[1]national.medecin.fr/medecin/exercice/point-teleconsultation. Voir également l’arrêté du 1er août 2018 portant approbation de l’avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016.

22 Avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016, article 1er. Voir également l’article L. 162-14-1, I, 1° du code de la sécurité sociale ; le Guide pour la qualité et la sécurité des actes de téléconsultation et de télé-expertise adopté par le Collège de la Haute Autorité de santé en mai 2019, page 15 ; https://www.conseil[1]national.medecin.fr/medecin/exercice/point-teleconsultation.

23 Décision du 10 juillet 2018 de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie relative à la liste des actes et prestations pris en charge par l’assurance maladie. Voir également https://www.conseil[1]national.medecin.fr/medecin/exercice/point-teleconsultation.

24 Arrêté du 1er août 2018 portant approbation de l’avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016.

25 Etude Xerfi, Marchés de l’e-santé : l’heure de la consolidation a déjà sonné, Septembre 2021, page 34.

26 Cotes 2156 VC (3539 VNC), 2162, 2177, 2178, 2368, 2781 VC (3276 VNC) et 4870 VC (7581 VNC).

27 Cotes 2156 VC (3539 VNC), 2177, 2361 et 4870 VC (7581 VNC).

28 Cote 13573. Voir également Avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016, article 1er.

29 Etude Xerfi, Marchés de l’e-santé : l’heure de la consolidation a déjà sonné, Septembre 2021, page 78. Voir également cotes 2158, 2159, 2163, 2365 VC (3294 VNC), 3083 et 4108 VC (4329 VNC).

30 Cotes 2177, 2178, 2361, 2363, 2364 VC (3293 VNC), 2781 VC (3276 VNC) et 2782.

31 Etude Xerfi, Marchés de l’e-santé : l’heure de la consolidation a déjà sonné, Septembre 2021, pages 85 et102. En 2020, le ministère des solidarités et de la santé a recensé environ 150 solutions numériques intégrant une solution de vidéotransmission dédiée aux échanges interpersonnels entre le professionnel de santé et son patient. Voir également cotes 2177 et 2180.

32 Cote 4870 VC (7581 VNC).

33 Voir notamment les cotes 1775, 2184, 3927, 4128, 4349 et 4350.

34 Cotes 2164, 2181, 2367 VC (3296 VNC), 2783 VC (3278 VNC) et 4114.

35 Voir notamment au sujet des mesures dérogatoires prises durant la crise sanitaire : Etude Xerfi, Marchés de l’e-santé : l’heure de la consolidation a déjà sonné, Septembre 2021, pages 44 et 45. Voir également l’article 2 bis du décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus, abrogé par le décret n° 2021-13 du 8 janvier 2021 prévoyant l’application de dérogations relatives au bénéfice des indemnités journalières et de l’indemnité complémentaire prévue à l’article L. 1226-1 du code du travail ainsi qu’aux conditions de prise en charge par l’assurance maladie de certains frais de santé afin de lutter contre l’épidémie de Covid-19.

36 Fiche de la Haute Autorité de Santé, Réponses rapides dans le cadre du Covid-19 – Téléconsultation et télésoin, page 2. Voir également l’article 8 de l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, abrogé par l’arrêté du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans les territoires sortis de l’état d’urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé.

37 Arrêté du 1er mars 2021 modifiant l’arrêté du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

38 Voir également l’article 2 quater du décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus, abrogé par le décret n° 2021-13 du 8 janvier 2021 prévoyant l’application de dérogations relatives au bénéfice des indemnités journalières et de l’indemnité complémentaire prévue à l’article L. 1226-1 du code du travail ainsi qu’aux conditions de prise en charge par l’assurance maladie de certains frais de santé afin de lutter contre l’épidémie de Covid-19.

39 Cotes 1768, 1770, 3056, 3077, 3097 à 3099, 3653, 3658, 3701, 3881, 3913, 3914, 3920, 3921, 4059, 4060, 4080, 4687, 4688, 4923, 7355, 7356, 7359, 7404, 7405, 7443, 7444, 7599, 7643, 7644, 7656 et 7657.

40 Cotes 1769, 3037, 3038, 3078, 3098, 3653, 3701, 3881, 3908, 3920 à 3922, 4059, 4079, 4686, 4923 et 7443.

41 Cotes 1770, 3038, 3056, 3077, 3098, 3259, 3260, 3655, 3701, 3702, 3881, 3908, 3914, 3917, 3922, 3935, 4080, 4081, 4695, 4699, 4703, 4707, 4711, 4923, 7355, 7405, 7443, 7660 et 7661.

42 Cotes 1770, 1771, 3038, 3077, 3098, 3099, 3656, 3657, 3702, 3908, 3917, 3922, 3945, 4690 et 4923.

43 Cotes 3102, 3103, 3656, 3657, 3702, 3908, 3922, 4690, 4923, 7405, 7444 et 7657.

44 Cote 7.

45 Cotes 7, 29 et 10891. Voir également : https://www.cegedim.fr/Communique/DP%20Docavenue%20et%20RDVm%C3%A9dicaux%20deviennent %20Maiia.pdf.

46 Cote 7.

47 Cotes 8 et 13988. Voir également : https://www.cegedim.fr/Communique/DP%20Docavenue%20et%20RDVm%C3%A9dicaux%20deviennent %20Maiia.pdf.

48 https://www.cegedim.fr/Communique/DP%20Docavenue%20et%20RDVm%C3%A9dicaux%20deviennent %20Maiia.pdf.

49 Cote 10868.

50 Les marques commerciales distribuées auparavant par ces sociétés (Maiia, MLM, Médimust, Simply Vitale, Kobus, etc.) perdurent. Cote 10868 ; voir également https://www.cegedim-sante.com/cegedim-sante/.

 51 https://www.cegedim.fr/Communique/Cegedim_CA_4T2024_FR.pdf.

52 https://suite.maiia.com/.

53 Cotes 7 et 8.

54 https://suite.maiia.com/solution/agenda-prise-de-rdv-en-ligne ; https://suite.maiia.com/solution-personnalisee/pratique/medecin. Voir également cote 10872 VC (12360 VNC).

55 Cote 2016 VC (14067 VNC).

56 Cotes 25 932 VC (27 220 VNC) et 25 940 VC.

57 https://www.lesechos.fr/start-up/next40-vivatech/french-tech-dogctolib-a-franchi-la-barre-des-300- millions-de-revenus-2108479.

58 Cote 2016 VC (14067 VNC). 59 Cotes 2386 VC (14160 VNC) et 4932 VC (14025 VNC).

60 Cotes 2016 VC, 2386 VC et 4932 VC (14067, 14160 et 14025 VNC).

61 Voir notamment les conditions générales d’utilisation des services de Doctolib : https://media.doctolib.com/image/upload/v1661263390/legal/B2C-CU-VDef-July-22-FR.pdf.

62 Les services et solutions décrits sont ceux existant à la date d’envoi de la notification de griefs.

63 https://info.doctolib.fr/simulateur-gain-activite/. Cotes 24532 à 24539. Voir également cotes 11488 à 11492 et 11502 à 11504

64 https://info.doctolib.fr/doctolib-patient/#questions-reponses. Cotes 14289 à 14296.

65 https://info.doctolib.fr/doctolib-patient/agenda-en-ligne/. Cotes 24472 à 24530.

66 https://info.doctolib.fr/doctolib-patient/prise-rdv-en-ligne/. Cotes 24472 à 24530.

67 https://info.doctolib.fr/doctolib-patient/#questions-reponses ; https://info.doctolib.fr/autre-specialite/.

Cotes 24472 à 24530.

68 Aux termes de la présente décision, la « plateforme Doctolib » désigne (i) le site Internet Doctolib à destination des professionnels de santé et autres clients « grands comptes » notamment via l’adresse pro.doctolib.fr et donnant accès aux services décrits aux paragraphes 50 et suivants, et/ou (ii) le site Internet www.doctolib.fr et l’application mobile à destination des patients et donnant accès aux services décrits aux paragraphes 43 et suivants.

69 Voir site Internet info.doctolib.fr et notamment : https://info.doctolib.fr/autre-specialite/. Cotes 24472 à 24530.

70 https://info.doctolib.fr/doctolib-patient/marketing-de-votre-organisation/. Cotes 24472 à 24530.

71 https://info.doctolib.fr/doctolib-patient/plus-large-reseau-reseau-de-professionnels-de-sante-en-france/. Cotes 24472 à 24530.

72 Cote 2020 VC (14071 VNC).

73 Voir notamment cotes 7, 2159, 2336, 2337, 2779, 2897, 2898, 3083, 3588 à 3598, 4110 VC (4331 VNC) et 10872 VC (12360 VNC), ainsi que https://www.hellocare.pro/tarifs-hellocare-pro-solution-teleconsultation[1]m%C3%A9decins-praticiens ; https://www.consulib.com/home .

74 Cote 10872 VC (12360 VNC).

75 Cotes 2779, 3588 à 3598.

76 Cotes 4934 VC (27162 VNC) et 24966 VC.

77 https://info.doctolib.fr/doctolib-medecin/. Cotes 24472 à 24530.

78 SaaS ou « Software as a Service », « logiciel en tant que service » (traduction libre). Le SaaS correspond à un modèle d'exploitation commerciale des logiciels qui implique qu’un utilisateur peut accéder à un logiciel via internet, sans avoir à l’installer sur son ordinateur. Voir en ce sens l’avis de l’Autorité n° 23-A-08 du 29 juin 2023 portant sur le fonctionnement concurrentiel de l’informatique en nuage, paragraphe 23.

79 https://info.doctolib.fr/doctolib-medecin/.

80 Cotes 25940 à 25942 VC.

81 Doctolib Team est devenu Doctolib Siilo en mai 2024.

82 L’Annuaire Santé est l’annuaire des professionnels et établissements de santé qui rassemble les répertoires sectoriels de référence des personnes physiques et morales – le répertoire partagé des professionnels intervenant dans le système de santé (RPPS), le répertoire ADELI, et le répertoire FINESS. Voir notamment https://esante.gouv.fr/produits-services/annuaire-sante.

83 https://info.doctolib.fr/doctolib-team/. Cotes 24472 à 24530.

84 https://info.doctolib.fr/doctolib-teleconsultation/. Cotes 24472 à 24530.

85 https://info.doctolib.fr/doctolib-teleconsultation/. Cotes 24472 à 24530.

86 Cotes 2023 VC (27134 VNC) et 24472 à 24530.

87 Cotes 25940 à 25942 VC.

88 https://info.doctolib.fr/doctolib-lecteur/. Cotes 24472 à 24530.

89 https://info.doctolib.fr/doctolib-lecteur/. Cotes 24472 à 24530.

90 Cotes 4934 VC (27162 VNC) et 24966 VC.

91 Cotes 11013 et 11014.

92 Cote 11014.

93 Voir notamment les cotes 24041 et 24043 VC (27274 VNC).

94 Cote 24043 VC (27274 VNC).

95 https://web.archive.org/web/20170419064808/https://www.mondocteur.fr/gestion-de-cabinet[1]medical/tarif.html ; voir également cote 4861.

96 https://web.archive.org/web/20170419181941/https://www.mondocteur.fr/gestion-de-cabinet[1]medical/fonctionnalites/web.html#sub-menu.

97 https://web.archive.org/web/20170419063848/https://www.mondocteur.fr/gestion-de-cabinet[1]medical/fonctionnalites/agenda-medical.html#sub-menu.

98 https://web.archive.org/web/20170419215637/https://www.mondocteur.fr/gestion-de-cabinet-medical/.

99 Cotes 24062 VC et 24063 VC (27275 VNC et 27276 VNC).

100 Cotes 2096 VC, 2097 VC (2953 et 2954 VNC), 2098, 2183, 2369 à 2371, 2786 VC (3281 VNC), 3059, 3078, 3079, 3926, 3927, 4130, 4316, 4317, 4352, 4387, 4876 VC (7587 VNC), 4879 et 7362 à 7364.

101 Le Regroupement Autonome des Généralistes Jeunes Installés ou Remplaçants (ReAGJIR) est un syndicat de jeunes médecins généralistes.

102 Cotes 4643 et 4644.

103 Cotes 13502, 13511, 13624, 15541, 21499, 21761, 21765, 22775 VC (27225 VNC), 22786, 22830, 23045,

23061, 24181, 24210 et 24230.

104 Présentation de septembre 2015, cote 24210.

105 Traduction libre. Cote 22414.

106 Cote 22715.

107 Les ventes « inbound » désignent les ventes directes engendrées par l'intérêt des clients pour l'entreprise, souvent en raison de sa position de leader sur le marché et des effets de réseau.

108 Traduction libre. Cote 21342.

109 Traduction libre. Cote 21363. Voir également les cotes 21378 et 21817.

110 Cote 13108.

111 Cotes 12992 et 12993.

112 Traduction libre. Cotes 12937, 12938 VC (26213 VNC) et 12939 VC (27244 VNC).

113 Cote 13538. Voir également cotes 12907, 12908 VC (26229 VNC), 12909, 12910 VC (26231 VNC), 21455 VC (26220 VNC), 23118 VC, 23119 VC (27249 et 27250 VNC) et 23246.

114 « Le gagnant prend tout », traduction libre.

115 Traduction libre Cote 13502. Voir aussi les cotes 13624, 13662 VC (27242 VNC), 15541, 15620, 21349, 21397, 21503, 21526, 22775 VC (27225 VNC), 22830 et 23045.

116 Cotes 24468 VC et 24469 VC (27272 et 27273 VNC).

117 Traduction libre. Cote 13295. Voir également cote 13307 VC (27253 VNC).

118 Cotes 13502, 13544 VC (27229 VNC) et 13547 VC (27230 VNC). Voir également cote 13839 VC (26247 VNC).

119 Cotes 22751, 22755 VC et 22756 VC (27278 et 27279 VNC).

120 Cote 13546. Voir également cote 22754.

121 Traduction libre de « tech firepower », cote 22751.

122 Cotes 24162 et 24170.

123 Cotes 13527 et 13528.

124 Cote 13211 VC (26155 VNC). Voir également cote 13681 VC (26268 VNC).

125 Cote 13599.

126 Cotes 13599 et 24192. Voir également cotes 21349, 21402, 21814 et 22414.

127 Cotes 13600 et 24193. Voir également cotes 21357 et 21811.

128 Traduction libre. Cote 12928.

129 « Doctolib a développé une API standardisée avec les logiciels de gestion de cabinet pour (1) augmenter la satisfaction client, (2) améliorer les performances commerciales et (3) augmenter l'ARPU [revenu moyen par utilisateur] (129€ vs 99€) », traduction libre. Cotes 13601 et 24194. Voir également cotes 21362, 21404, 21816 et 22414.

130 Cotes 21361, 21403, 21815, 22414 et 23096.

131 Cote 13624. Voir également cote 23045.

132 Cotes 2167, 2337, 2344, 2785 VC (3280 VNC), 3039, 3059, 3705, 3910, 3915, 3945, 4083, 4131, 4132, 4316, 4390, 4643, 4648, 4879, 7364, 7408 et 7659.

133 Cotes 12958, 12979, 12980, 23391 VC, 23392 VC (26858 et 26859 VNC), 23430, 23439 VC (26861 VNC), 23441, 23443, 23483, 23489, 23516 et 23868. Voir également, s’agissant des télésecrétariats et de leur clientèle, les cotes 3039, 3078, 3079, 3260, 3705, 3706, 3909, 3910, 4083, 4535, 7364, 23633 VC (26679 VNC), 23634 VC (26680 VNC) et 23639 VC (26681 VNC).

134 Cotes 12954 VC (26867 VNC) et 12955 VC (27345 VNC).

135 Cote 2167.

136 Bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement.

137 Cotes 22417 VC (26869 VNC), 22418 VC et 22419 VC (27346 et 27347 VNC) ; 22496, 22497, 22500, 22501 ; 15643 ; 21337 ; 12928 et 12929 ; 22800.

138 Voir aussi, à cet égard, cote 21693.

139 Cote 23183.

140 Cote 2389 VC (27136 VNC).

141 Cotes 2018, 2019 et 2389 VC (27131, 27132 et 27136 VNC).

142 Cote 2019 VC (27132 VNC).

143 Cote 13678. Voir également cote 21426.

144 Cotes 13590, 13591, 24162 à 24164, 24188, 24190, 24211, 24213 et 24230. Voir également cotes 12951 et 12952.

145 Cotes 13590, 13591, 13628 et 13648. Voir également cotes 12928, 22414, 22525, 22528, 22626 et 23043.

146 Cotes 22695 et 22697.

147 Cote 21349. Voir également les cotes 21397, 21342 et 21343.

148 Cotes 13117, 13119 et 13120.

149 Doctolib relevait également les chiffres suivants : 11 millions de visiteurs par mois pour 5,6 millions de patients munis d’un compte, 6 millions de rendez-vous en septembre 2017, 30 000 médecins et 800 établissements de santé clients pour un taux de churn de moins de 0,5 %. Cotes 21497, 21498, 21503, 21512 à 21514 et 21519.

150 Cote 22712.

151 Cote 13524.

152 Cote 13540.

153 Cote 13560.

154 Cote 13542. Voir aussi les cotes 13502, 13524, 13539 à 13541 et 13560 VC (27231 VNC), 23232VC et 23243 VC (27245 et 27246 VNC).

155 Traduction libre, cote 13560.

156 « Un coup de pouce majeur pour la portée Patient », traduction libre, cote 13208 VC (27233 VNC).

157 Cotes 13206 et 13208 VC (27233 VNC).

158 En particulier avec la Caisse nationale de l’Assurance Maladie, le ministère de la Santé et les syndicats des professionnels de santé, voir la cote 13215 VC (27237 VNC).

159 Cote 13214 VC (27236 VNC).

160 Cotes 13214 VC et 13215 VC (27236 et 27237 VNC). Sur ce point, voir également un échange entre commerciaux de Doctolib du 13 janvier 2021 : « J’adorerais identifier un centre bien vérolé dans lequel on n’a jamais réussi à rentrer, qui est équipé doctolib pour la vaccination. Quel pied dans la porte ! » ; « Peut on industrialiser une remontée dans un dash de tous les comptes clés […] qui étaient 100 % non clientes et qu’on a installé avec la vaccination ? Pour pouvoir aller les dérouiller après sur le BMS [Booking management Sofware] sur la partie consultation etc ? », cote 23320 VC.

161 Les chiffres cités ci-après sont tous issus de documents internes de Doctolib et sont sujets à variation selon le document considéré.

162 Cote 13551. Voir également cote 13839 VC (26247 VNC).

163 Cote 12879 VC (27252 VNC).

164 Cotes 13182 et 13184.

165 Cote 13820 VC (27256 VNC).

166 Cote 22521. Voir également la cote 22516.

167 Cote 23813 VC (27257 VNC).

168 14 % pour Clickdoc, 6 % pour Maiia, 1 % pour Qare. Voir la cote 24460 VC (27280 VNC).

169 Cote 24460 VC (27280 VNC).

170 Cotes 24468 VC et 24469 VC (27272 et 27273 VNC). Voir aussi la cote 13295.

171 Cotes 13206, 13207 à 13209 VC (27232 à 27234 VNC), 13220 VC (27238 VNC) et 13221 VC (27239 VNC).

172 Cotes 13214 VC (27236 VNC), 13215 VC (27237 VNC) et 13221 VC (27239 VNC).

173 Cotes 13209 VC (27234 VNC), 13217 VC (26159 VNC), 13220 VC (27238 VNC), 13221 VC (27239 VNC), 13248 VC (27260 VNC) et 13249 VC (27261 VNC).

174 Cotes 13208 VC (27 233 VNC) et 13209 VC (27234 VNC) et 13220 VC (27238 VNC).

175 C’est-à-dire le revenu récurrent produit chaque mois après prise en compte de la perte de clients.

176 Cote 4948.

177 Par exemple, « Contrat d’abonnement », « Conditions générales de vente et d’utilisation Doctolib », « Conditions générales d’utilisation des services de Doctolib », « Conditions Particulières d’abonnement au service de téléconsultation Doctolib », etc.

178 De 2013 à mai 2016, les conditions de « vente » et d’« utilisation » des services Doctolib étaient consignées dans un seul document ; à compter de mai 2016, les conditions d’« abonnement » et d’« utilisation » des services Doctolib figurent dans deux documents distincts, renvoyant l’un à l’autre.

179 Cote 4948.

180 Comme, par exemple, des conditions d’abonnement spécifiques, des contrats de partenariat ou encore des contrats-cadre, voir la cote 4948.

181 Jusqu’au 19 septembre 2023 pour les nouveaux utilisateurs et jusqu’au 4 octobre 2023 pour les utilisateurs existants, voir les cotes 28486 VC (29934 VNC) et 28791 à 28876. Doctolib a indiqué n’être pas parvenue « à identifier […] la version des conditions générales d’abonnement […] applicables entre le 18 mai et le 23 juin 2016 », voir la cote 10127 VC (11670 VNC).

182 Pour rappel, Doctolib a proposé un service de télésecrétariat médical entre 2014 et 2016, puis a noué des partenariats avec des entreprises de télésecrétariats. Cotes 11013 à 11015.

183 Cotes 2546, 2549, 2553, 2557, 2561, 2565, 2569 et 2574.

184 Cotes 2553, 2557 et 2561.

185 Cotes 5228, 5236, 5244, 5252 et 5259.

186 Cotes 5266 et 5267.

187 Cotes 5274 et 5282.

188 Cotes 5313, 5322 et 5331.

189 Cotes 5339, 5348 et 5371. La dernière version des Conditions contractuelles transmise aux services d’instruction par Doctolib, applicable à compter d’avril 2023, comporte cette même clause. Cote 10622.

190 Cotes 2545, 2548, 2552, 2556, 2560, 2564, 2569, 2573, 5228, 5236, 5244 et 5252.

191 Au même titre, par exemple, que la « diffusion d’informations illicites ou contraires à la déontologie » ou des « manquements graves auprès des patients ».

192 Cotes 5259, 5266, 5274, 5282, 5312, 5313, 5321, 5322, 5331, 5339, 5340, 5348, 5349, 5371, 5372, 10622 et 10623.

193 Cotes 489, 5272, 5281, 5311, 5320, 5329, 5336 et 5345.

194 Cotes 5368 et 10619.

195 Cotes 5273, 5274 et 5282. Il est précisé qu’à compter du 23 juin 2016, les Conditions contractuelles Doctolib prévoient à la fois que « Le Contrat d'abonnement est conclu pour une durée indéterminée » et que « Les offres de Doctolib étant conclues sans période minimale d'abonnement, le Contrat d'abonnement sera tacitement reconduit d'un mois sur l'autre ».

196 Cotes 5312, 5313, 5321, 5322, 5331, 5339, 5340, 5348, 5349, 5371, 5372, 10622 et 10623.

197 Cotes 5313 et 5322.

198 Cotes 5331, 5340, 5349, 5372 et 10623.

199 Voir, par exemple, les cotes 4959, 4960, 4962 et 4963 VC (14052, 14053, 14055 et 14056 VNC).

200 Cotes 4959 à 4966 VC (14052 à 14059 VNC).

201 Voir, par exemple, les cotes 6197 VC (8764 VNC), 6279 VC (8849 VNC), 6307 VC (8878 VNC),

6751 VC (14204 VNC), 6753 VC (14206 VNC) et 6768 VC (14221 VNC).

202 Doctolib a indiqué que certains clients dont elle a communiqué les contrats conclus avec Doctolib, étaient, au 6 mars 2023 « bénéficiaires » des services Doctolib, « cette indication signifi[ant] que : - l’entité est directement bénéficiaire des services en cause parce qu’elle a souscrit en son nom un contrat d’abonnement à nos services ; et/ou - l’entité est indirectement bénéficiaire des services en cause parce que des praticiens libéraux exerçant une partie de leur activité en son sein ont souscrit un contrat d’abonnement à nos services. Dans cette hypothèse, l’entité n’a pas signé de contrat avec Doctolib ». Cotes 10133 et 10134 VC (11676 et 11677 VNC).

203 Cotes 4955 à 4957 VC (14048 à 14050 VNC).

204 Cote 9794.

205 Cote 5929 VC (8487 VNC).

206 Cotes 4956 et 9757 VC (14049 et 14021 VNC).

207 Cotes 4953 à 4955 VC (14046 à 14048 VNC).

208 Cote 5616 VC (8164 VNC).

209 Cotes 5626 VC (8175 VNC) et 5636.

210 Cote 5798 VC (8352 VNC).

211 Les conditions d’abonnement annexées à ce contrat comportent également un article 17 « Clause d’exclusivité » prévoyant : « Pendant toute la durée du Contrat et dans le cadre de l'exercice de son activité sur le territoire français, l'Abonné s'interdit d'avoir recours, à des services concurrents aux Services proposés par Doctolib ». Cotes 5705, 5706 et 5733 VC (8256, 8257 et 8284 VNC).

212 Voir par exemple les cotes 6275 VC (8845 VNC), 6302 VC (27204 VNC) et 6522 VC (9096 VNC).

213 Voir par exemple les cotes 5635, 5721 VC (8272 VNC), 5926, 9793 et 6283 VC (8853 VNC).

214 Cotes 4948, 4959 VC (14052 VNC), 4960 VC (14053 VNC) et 10127 VC (11670 VNC), 10128 et 10129 à 10133 VC (11672 à 11676 VNC).

215 En termes de chiffre d’affaires.

216 Cotes 5474 à 5613 VC (8021 à 8028, 8030 à 8069, 8071 à 8082, 8084 à 8092, 8094 à 8102, 8108 à 8160 VNC) et 10144 à 10251.

217 Voir par exemple les cotes 5474 à 5613 VC (8021 à 8028, 8030 à 8069, 8071 à 8082, 8084 à 8092, 8094 à 8102, 8108 à 8160 VNC).

218 Voir par exemple les cotes 10356 VC (11816 VNC), 10357, 10365 et 10366.

219 Doctolib a indiqué que certains clients dont elle a communiqué les contrats, étaient, au 6 mars 2023 « bénéficiaires » des services Doctolib, « cette indication signifi[ant] que : - l’entité est directement bénéficiaire des services en cause parce qu’elle a souscrit en son nom un contrat d’abonnement à nos services ; et/ou - l’entité est indirectement bénéficiaire des services en cause parce que des praticiens libéraux exerçant une partie de leur activité en son sein ont souscrit un contrat d’abonnement à nos services. Dans cette hypothèse, l’entité n’a pas signé de contrat avec Doctolib ». Cotes 10133 et 10134 VC (11676 et 11677 VNC).

220 Cote 6116. Outre la clause d’exclusivité figurant à l’article 11 du contrat spécifique conclu avec ce client de Doctolib, les Conditions contractuelles Doctolib, qui comportent une clause d’exclusivité, font partie intégrante du contrat.

221 Cote 6214.

222 Cote 6507 VC (9080 VNC).

223 « BMS » ou « Booking management Sofware » désigne un logiciel de gestion des réservations, en l’occurrence, pour Doctolib, le service Doctolib Patient.

224 Traduction libre. Cote 24230.

225 « 100% des clients de Doctolib utilisent [la solution Doctolib Patient] comme leur outil de planification unique et quotidien. Une barrière clé à l'entrée et un atout décisif pour construire une expérience patient zéro défaut et en temps réel », traduction libre, cote 13624.

226 « Tous nos clients utilisent uniquement et exclusivement [la solution Doctolib Patient] pour 100% de leurs réservations : - Une barrière à l'entrée importante et des taux de désabonnement minimes », traduction libre, cote 21499. Voir également la cote 21526 qui reprend la citation de la présentation de mai 2016 (cote 13624).

227 « 100% des clients de Doctolib utilisent [la solution Doctolib Patient] comme outil unique et quotidien de planification, créant ainsi une forte adhésion au produit. Une barrière clé à l'entrée et un atout décisif pour construire une expérience patient sans défaut et pour lancer de nouveaux produits à l'avenir », traduction libre, cote 22775 VC (27225 VNC).

228 Cotes 21351 et 21360.

229 Le terme « allotement » désigne la situation dans laquelle un client a recours simultanément à un service Doctolib et à un service fourni par un autre opérateur. Voir notamment la cote 2032.

230 Cotes 24155 et 24156.

231 Cotes 12942 à 12944 (décembre 2016/janvier 2017), 13017 à 13022 (juin 2017), 13034 à 13036 (novembre 2016), 23806, 23807 et 23808 VC (27309, 27310 et 26572 VNC) (mars et avril 2019), 23984 et 23985 (juillet 2019).

 232 Cotes 23806 VC, 23807 VC (27309 et 27310 VNC) et 23808 VC (26572 VNC).

233 Traduction libre. Cotes 12937, 12938 VC (26213 VNC), 12939 VC (27244 VNC) et 12940.

234 Cote 22507.

235 Cote 24456.

236 Cotes 22699 à 22703.

237 Cotes 22699 à 22703.

238 Cotes 15446 à 15449.

239 Cotes 22699 à 22703.

240 Cotes 22699 à 22703.

241 Cotes 5272 et 5281.

242 Cote 22706.

243 Cotes 1324 à 1326.

244 Cotes 1454 à 1457

245 Cote 1456.

246 Cote 1456.

247 Cotes 4917 et 4918.

248 Cote 2341.

249 Voir les cotes 4446 à 4453.

250 Cote 4448.

251 Cote 13069.

252 Sic dans tout le courriel cité.

253 Cotes 13013 à 13015.

254 Cote 13868.

255 Cote 13063.

256 Une seule exception est mentionnée pour les orthodontistes, sous certaines conditions.

257 Cotes 23557 et 23558.

258 Cote 13081.

259 Idem.

260 Cote 23332 VC (27311 VNC).

261 Cote 15463.

262 Cotes 13029 et 13030.

263 Cote 23501.

264 Cotes 23746 VC (26597 VNC), 23747 VC (27312 VNC) et 23748 VC (27313 VNC) : « Script prise de rdv concurrence Docavenue non client Doctolib » : […] Vous ne pouvez pas utiliser Doctolib et la TCS [téléconsultation] Docavenue car sinon vous utiliseriez 2 agendas... (ex: double paramétrage de plages) ».

265 Les « Sales Bible » sont des documents internes à usage des commerciaux, régulièrement mis à jour, qui reprennent notamment les bonnes pratiques, des argumentaires de vente ainsi que les réponses aux objections courantes. Ils prévoient également des objectifs en termes de nombre de rendez-vous et de démarchage téléphonique.

266 Cote 13004 VC (27314 VNC).

267 Cote 13075.

268 Cote 23785.

269 Cote 13010.

270 Cote 22511.

271 Cote 23293.

272 Cote 13904 VC (26609 VNC).

273 Cotes 2022 VC (14073 VNC) et 2030.

274 Cote 2789.

275 Cote 2186.

276 Cote 2170.

277 Cote 2347.

278 Cotes 4879 et 4880.

279 Cote 4879.

280 Cote 4318.

281 Cote 4918.

282 Cote 4133.

283 Cote 4649.

284 Cote 4389.

285 Cote 3703.

286 Cote 4318.

287 Cote 4295.

288 Cote 23557.

289 Cote 13069.

290 Cotes 23519 et 23520.

291 Cote 13032.

292 Cote 13025.

293 Doctolib a indiqué : « [l]a période régie par les Conditions particulières d’utilisation du service de téléconsultation Doctolib » commence le 19 novembre 2018 et s’arrête le 16 janvier 2020. A partir de cette date, ce sont les CU [Conditions d’utilisation] qui s’appliquent ». Cote 4951.

294 Cotes 5285 à 5293.

295 Article 10.2 pour la version applicable du 6 septembre 2019 au 16 janvier 2020. Cotes 5291 à 5293.

296 Cotes 2738 à 2760.

297 Cotes 2684 et 2691.

298 Article 3 des versions applicables à compter de novembre 2020 et article 4 des versions applicables à compter de novembre 2021.

299 Cotes 2700, 2707, 2717 et 2727.

300 Article 4 des versions applicables à compter de janvier 2023 et article 3 des versions applicables à compter d’avril 2023.

301 Cotes 5353 et 10616.

302 Cotes 5313, 5322, 5331, 5340, 5349, 5372 et 10623.

303 Cote 9775 VC (27174 VNC).

304 Cote 12857 VC (27316 VNC).

305 Cote 24007. Voir également cote 23916 VC (27338 VNC).

306 Vente additionnelle uniquement (traduction libre).

307 Cote 24033.

308 Cote 24012.

309 Traduction libre. Cote 24024.

310 Pack (traduction libre).

311 Cote 24022.

312 Idem.

313 Cote 23877 VC (27315 VNC).

314 Cote 23949 VC (27302 VNC).

315 Cote 23871 VC (27282 VNC).

316 « Sales Bible » d’avril 2019. Cote 23992 VC (27304 VNC). Cet argumentaire figure dans d’autres « Sales Bible », tel que celui consacré à Compugroup (Clickdoc) – cote 23770 VC (27299 VNC). Voir également les « Sales Bible » de décembre 2020 (cote 23957 VC et 26705 VNC), de septembre 2019 (cote 23949 VC et 27302 VNC) et d’avril 2021 (cote 23853 VC et 27318 VNC).

317 « Sales Bible » de décembre 2020. Cote 23910 VC (27317 VNC).

318 « Sales Bible » de février 2021. Cote 23880 VC (27306 VNC).

319 « Sales Bible » d’avril 2020 (cote 23946 VC et 27307 VNC) et « Sales Bible » de septembre 2019 (cotes 23950 VC (26543 VNC) et 23951 VC (27303 VNC)).

320 Cote 23880 VC (27306 VNC).

321 Cotes 4943, 4976 VC (27364 VNC), 4977 VC (27165 VNC), 10139, 10140 VC (27366 VNC) et 10649 VC (27215 VNC).

322 Les explications de Doctolib à ce sujet figurent aux cotes 4943 et 10139 à 10140 VC (27366 VNC).

323 Cotes 4943, 4976 VC (27364 VNC), 4977 VC (27165 VNC), 10139, 10140 VC (27366 VNC) et 10649 VC (27215 VNC).

324 Les données transmises pour chaque année par Doctolib correspondent au nombre d’abonnés au 1er janvier de l’année indiquée. Cotes 4943, 4976 VC (27364 VNC), 10138 et 10139.

325 Cotes 2028 VC (14079 VNC) et 2029.

326 Cotes 23913 VC (26630 VNC) et 23988. Voir également cotes 23920 à 23937.

327 Cote 23884.

328 Cotes 23961 et 23962 VC (26650 et 26651 VNC).

329 Cote 23789 VC (26652 VNC).

330 Cote 2788.

331 Cote 4120.

332 Cote 3090.

333 Cote 2169.

334 Cotes 2372 et 2373.

335 Cote 2346.

336 Cote 4879.

337 Cotes 4354 et 4355.

338 Cote 4318.

339 Cotes 4913, 4914 et 4917.

340 Cote 4389.

341 Cote 2185.

342 Cote 4133.

343 Cote 4649.

344 Cote 2346.

345 Cote 4917.

346 Cote 24038 VC (27319 VNC).

347 Cotes 100 à 106, 107 VC (975 VNC), 410 à 412, 541 à 551 et 10894 à 10907.

348 Cote 2029.

349 Cote 3091.

350 Cote 4650.

351 Traduction libre. Cotes 21342 et 21343.

352 Traduction libre. Cote 15520.

353 Cotes 13117, 13119, 13120, 23325, 23326, 23361 à 23372, 23492, 23493, 23513, 23529, 23530, 23535 à 23537, 23541 à 23543, 23557, 23558 et 23560 à 23562.

354 Cotes 13117, 13119 et 13120.

355 Cotes 23833 et 23834. Voir également les cotes 15518 à 15520.

356 Cotes 15514, 15515 VC et 15516 VC (26484 et 26485 VNC).

357 Cotes 15453 VC (26486 VNC), 15454 VC (26487 VNC), 15455 VC, 15456 VC (27396 et 27291 VNC) et 15459 VC (27292 VNC).

358 Cotes 24040, 24041 et 24043 VC (27274 VNC).

359 Cote 2436 VC (27144 VNC).

360 Voir les éléments renseignés par le site Internet www.infogreffe.fr

61 https://about.doctolib.fr/news/doctolib-acquiert-mondocteur-pour-accelerer-la-transformation-des[1]cabinets-et-des-hopitaux/.

362 Cote 15520.

363 Traduction libre. Cote 22774.

364 Cotes 22790 et 22791.

365 Cotes 22799 et 22804 VC (27227 VNC).

366 Cotes 22776 VC (27226 VNC), 22799, 22804 VC (27227 VNC) et 22806.

367 Traduction libre. Cote 22430.

368 Cote 25168.

369 Cotes 15514 et 15515 VC (26484 VNC).

370 Cotes 15487, 15490 et 15493.

371 Cote 15490.

372 Cote 15504.

373 Cote 15504.

374 Cote 2435 VC (27143 VNC).

375 Cotes 7413 VC (25884 VNC), 7432, 7506, 9951, 10120, 10869 VC (12357 VNC), 10870 VC (12358 VNC), 11097 VC (25838 VNC), 11655, 11656, 13988, 14004, 14005 et 24966 VC.

376 Cotes 4976 VC (27364 VNC), 7414 VC (25885 VNC), 7415 VC (25886 VNC), 7416, 7432, 7433, 7506, 10121, 10124, 10138, 10139, 11097 VC (25838 VNC), 11649 VC (12352 VNC), 11656, 13988 et 13989. Ces données correspondent à des professionnels de santé ayant souscrit à titre individuel au service de prise de rendez-vous médicaux en ligne de chaque opérateur, mais sont également susceptibles d’inclure des structures (maisons de santé, pharmacies, etc.), dans le cadre desquelles exercent des professionnels de santé utilisateurs des services de prise de rendez-vous médicaux en ligne.

377 Cotes 7416, 7417 VC (25888 VNC), 7418 VC (25889 VNC), 7433, 7506, 10122, 10641 VC (27368 VNC), 11120 VC (12346 VNC), 11656, 12394, 13969 VC (25839 VNC) et 13989.

378 Cotes 3482 et 3483, 4976 VC (27364 VNC), 7432, 7433, 7468 VC (25875 VNC), 7501, 7639 VC (25891 VNC), 10121, 10124, 11097 VC (25838 VNC) et 11649 VC (12352 VNC). Ces chiffres correspondent à des professionnels de santé ayant souscrit à titre individuel au service de téléconsultation de chaque opérateur, mais sont également susceptibles d’inclure des structures (maisons de santé, pharmacies, etc.), dans le cadre desquelles exercent des professionnels de santé utilisateurs des services de téléconsultation.

379 Cotes 7433, 7434, 7469 VC (25876 VNC), 7502, 7639 VC (25891 VNC), 10122, 10640 VC (27367 VNC), 10873 VC (12361 VNC), 11097 VC (25838 VNC) et 12394.

380 Cote 28 435.

381 Cotes 28 435 à 28 437.

382 Cotes 28 435 à 28 437.

383 Cotes 28 437 et 28 438.

384 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 janvier 2007, Pharma-Lab, RG n° 2006/01498, p. 6. Voir également les arrêts de la cour d’appel de Paris du 2 septembre 2021, PMU, RG n° 20/09358, § 83 et du 27 mars 2025, Mobotix, RG n° 21/21452, §§113 à 115 ; l’arrêt de la Cour de cassation du 15 juin 1999, Lily France, n° de pourvoi 97-15.185 ; la décision de l’Autorité n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de matériel de motoculture, § 101 ; l’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Bordeaux, 8 avril 2014, n° 12/07271, Société Leroy Merlin c/DGCCRF, confirmée par la chambre criminelle de la Cour de cassation du 14 octobre 2015, pourvoi n° 14-83302 ;

385 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, La Banque Postale e.a, RG n° 2015/17638, paragraphes 107 et 110 et du 17 mai 2018, Umicore, RG n° 2016/16621, paragraphe 86.

386 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 juillet 2019, Janssen-Cilag, RG n° 18/01945, paragraphe 118. Voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, Société Crédit Lyonnais, RG n° 15/17638, paragraphes 105 à 110.

387 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 mai 2018, Umicore, RG n° 2016/16621, paragraphe 86. Voir également, Autorité, Rapport annuel pour l’année 2018, p. 119.

388 Arrêts de la Cour de cassation du 15 juin 1999, Lily France, pourvoi n° 97-15.185 et du 4 octobre 2017, pourvois n° 14-28.234, 14-29.273, 14-29.354, 14-29.482, 14-29.491, 14-29.509, 14-29.542, 14-50.076.

389 Cotes 2015 à 2034 VC et 14067 à 14085 VNC

390 Cotes 4930 à 7258 VC et 14024 et suivants VNC.

391 Cotes 11122 à 11486 VC et 14086 à 14158 VNC.

392 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 11 juillet 2019, Janssen-Cilag, RG n° 18/01945, § 118 ; du 17 mai 2018, Umicore, RG n° 2016/16621, § 86, et du 21 décembre 2017, Société Crédit Lyonnais, RG n° 15/17638, §§ 104 et suivants ; décisions de l’Autorité n° 17-D-25 du 20 décembre 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des dispositifs transdermiques de fentanyl, §§ 365 et suivants, n° 18-D-23 du 24 octobre 2018, précitée, §§ 106 et suivants ; n° 21-D-26 du 8 novembre 2021 relative à des pratiques mises en œuvre au sein du réseau de distribution des produits de marque Mobotix, §§ 124 et suivants et n° 24-D-06 du 21 mai 2024, précitée, §§ 265 et 266.

393 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 24 janvier 2006, Ordre des avocats au barreau de Marseille, RG n ° 05/14831, p. 4.

394 Voir les paragraphes 376 et suivants et 472 et suivants de la notification de griefs (cotes 27616 et suivants et 27641 et suivants VC ; 27874 et suivants et 27899 et suivants VNC).

395 Cote 28437.

396 Paragraphe 230 de la notification de griefs, cote 27567 VC (27825 VNC).

397 Paragraphes 336 et suivants de la notification de griefs, cotes 27605 à 27607 VC (27863 à 27865 VNC).

398 Cotes 21682 à 21685 VC et 21688 VC.

399 Communication de la Commission, Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, Journal officiel de l’Union européenne n° C 101 du

27/04/2004p. 0081 – 0096.

400 Arrêt de la Cour de justice du 9 novembre 1983, NV Nederlandsche Banden Industrie Michelin/Commission, aff. 322/81, Rec. 1983-03461, point 103.

401 Arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, n° de pourvoi 10-25.772, 10-25.775 et 10-25.882, page 6.

402 Communication de la Commission, Lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, précitée, point 44.

403 Communication de la Commission, Lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, précitée, point 96.

404 Cotes 4934 VC (27162 VNC) et 24966 VC.

405 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de justice du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche c/ Commission, 85/76, paragraphe 28. Voir aussi la Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit de la concurrence de l’Union (« Communication de la Commission sur la définition du marché en cause »), C/2024/1645, paragraphe 12.

406 Décision de l’Autorité n° 10-D-19 du 24 juin 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés de la fourniture de gaz, des installations de chauffage et de la gestion de réseaux de chaleur et de chaufferies collectives, paragraphe 159.

407 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de justice du 9 novembre 1983, NV Nederlandsche Banden Industrie Michelin c/ Commission, 322/81 paragraphe 37 et l’arrêt du Tribunal de l’Union du 25 mars 2015, Slovenská pošta c/ Commission, T-556/08, paragraphe 112.

408 Décision de l’Autorité n° 19-D-25 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des titres-restaurant, paragraphe 17.

409 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 novembre 2023, n° 20/03434, paragraphe 9 ; décision de l’Autorité n° 18-DCC-18 du 1er février 2018 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Concept Multimédia par le groupe Axel Springer, paragraphe 20.

410 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, 2020, point 599.

411 Décision de l’Autorité n° 18-DCC-18 du 1er février 2018, précitée, paragraphe 23.

412 Décision de l’Autorité n° 18-DCC-18 du 1er février 2018, précitée, paragraphe 29. Voir également la décision l’Autorité n° 19-D-25 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des titres-restaurant, paragraphes 412 et suivants et les Lignes directrices de l’Autorité relatives au contrôle des concentrations, 2020, point 599.

413 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, précitée, paragraphe 8.

414 Avis n° 14-A-15 du 9 octobre 2014 relatif à un projet de décret concernant l’obligation de certification des logiciels d’aide à la prescription médicale et des logiciels d’aide à la dispensation prévue à l’article L. 161-38 du code de la sécurité sociale, paragraphe 4 ; décision de l’Autorité n° 17-DCC-74 du 1er juin 2017 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Asten Santé par la société La Poste Silver, paragraphe 7.

415 Voir notamment les décisions de la Commission européenne n° M.2365 Schlumberger / Sema, 4 avril 2001 ;

M.6237 Computer Sciences Corporation / iSoft Group, 20 juin 2011.

416 Voir notamment les décisions de l’Autorité n° 09-DCC-93 du 31 décembre 2009 relative à l’acquisition par la société Bull SA d’actifs de la société Crescendo Industries, paragraphes 6-7 ; n° 17-DCC-74 du 1er juin 2017, précitée, paragraphes 8-9.

417 Décision de l’Autorité n° 17-DCC-74 du 1er juin 2017, précitée, paragraphes 11-12.

418 Entendus au sens large comme toute personne nécessitant le recours à un professionnel de santé.

419 Cote 28440 VC (29888 VNC).

420 Cotes 11133 à 11137 VC (14099 à 14101 VNC), 11138 VC, 11139 VC (14102 et 14103 VNC) et 11140 VC (14104 VNC).

421 En outre, [10-20] % des praticiens abonnés à Doctolib Patient décocheraient l’option « visibilité en ligne ».Cote 28628 VC (30076 VNC) (§§ 137 et 138 de l’Étude économique « Marchés »).

422 Cotes 28440 et 28441 VC (29888 et 29889 VNC).

423 Cote 28636 (§§ 163 à 165 de l’Étude économique « Marchés »).

424 Cote 28636 (§ 166 de l’Étude économique « Marchés »).

425 Cote 28637 VC (30085 VNC) (§§ 168 à 171 de l’Étude économique « Marchés »).

426 Cote 28638 VC (30086 VNC) (§§ 172 à 176 de l’Étude économique « Marchés »).

427 Cotes 13879 à 13883 et 13891 VC (27241 VNC).

428 Cotes 12922, 12923, 12951, 13508 à 13510, 13624, 13627, 13662 VC (27242 VNC), 13880, 13885 VC (26169 VNC), 22455, 22459 à 22469, 22477, 22481, 22482, 22527, 23042, 23044, 24162 et 24164.

429 Cotes 13502, 13624, 15541, 15620, 21349, 21397, 21503, 21526, 22477, 22775 VC (27225 VNC), 22830

et 23045.

430 Traduction libre. Cote 22414. Voir aussi les cotes 13502, 13511, 13624, 15541, 15620, 21342, 21343,

21349, 21397, 21499, 21503, 21526, 21761, 21765, 21787, 21797, 22775 VC (27225 VNC), 22779, 22830,

23045, 23061, 24181 et 24230.

431 Cotes 2096 VC, 2097 VC (2953 et 2954 VNC) et 2098, 2183, 2344, 2345, 2372, 2786 (3281 VNC), 3038, 3039, 3059, 3705, 3882, 3926, 4084, 4127, 4317, 4385, 4536, 4537, 4647, 4650, 4911, 7361, 7362, 7446 et 7644.

432 Cote 4127.

433 https://info.doctolib.fr/solution/developpement-patientele/.

434 Cotes 12869 à 12871, 22602, 22603, 22607, 22608, 22615 VC (27293 VNC), 22617 VC (27294 VNC), 23328 VC, 23329 VC (27295 et 27296 VNC), 23672 VC (27297 VNC), 23673 VC (27298 VNC), 23770 VC (27299 VNC) et 23992 VC (27304 VNC).

435 Cotes 22615 VC (27293 VNC), 22616 VC (26507 VNC) et 22617 VC (27294 VNC).

436 Traduction libre.

437 Traduction libre.

438 Traduction libre.

439 Traduction libre.

440 Traduction libre.

441 Traduction libre.

442 Traduction libre.

443 Cote 13882.

444 Cote 28683 VC (30131 VNC).

445 Cotes 28628 VC (30076 VNC) et 28713-28714 VC (30160-30161 VNC). Ce chiffre surestime par ailleurs le nombre de praticiens non intéressés par l’acquisition de patientèle, dans la mesure où sont pris en compte l’ensemble des professionnels de santé qui activent la règle bloquante pour les nouveaux patients « a minima un jour dans le mois ».

446 Cotes 28628 VC (30076 VNC) et 28713-28714 VC (30160-30161 VNC). Ce chiffre surestime de nouveau le nombre de praticiens désintéressés par l’acquisition de patientèle pour les mêmes raisons que celles évoquées à la note de bas de page précédente.

447 Étude de Doctolib reprise par Le Quotidien du Médecin : https://www.lequotidiendumedecin.fr/liberal/exercice/22-consultations-par-jour-de-17-minutes-en-moyenne[1]comment-travaillent-les-generalistes.

448 Cote 28639 VC (30087 VNC).

449 Décision de la Commission du 1er juin 2022, Oracle/Cerner, aff. M.10643.

450 Cote 28442.

451 Cotes 28442 et 28443 VC (29891 VNC).

452 Cotes 28600 à 28604 (§§ 45 à 52 de l’Étude économique « Marchés »).

453 Cotes 28442 et 28443 VC (29891 VNC).

454 Cote 28443 VC (29891 VNC).

455 Cegedim Santé distingue non seulement ses solutions selon les différents besoins du client professionnel de santé, mais opère également une distinction entre ses solutions logicielles de gestion de cabinet et les solutions en ligne relevant de la suite Maiia, chacun de ces outils étant commercialisés et utilisables de manière séparée.Pour les médecins, CompuGroup Médical France propose (i) les logiciels AxiSanté, HelloDoc ou Acteur.fr pour la gestion des dossiers patients ; (ii) la solution « CGM e Vitale » pour les besoins de facturation et de télétransmission ; (iii) la solution « ClickDoc Pro Agenda en ligne » pour la gestion de l’agenda et de l’activité au quotidien ; (iv) la solution « ClickDoc Pro RDV en ligne » pour permettre aux patients de prendre un rendez-vous en ligne avec une connexion possible aux logiciels de gestion de cabinet ; ou encore (v) la solution « ClickDoc Pro Téléconsultation » pour le suivi en consultation à distance des patients (voir la page internet des solutions dédiées aux médecins et proposées par CompuGroup Médical France : https://www.cgm.com/fra_fr/solutions/medecin.html).

456 Cotes 28447 VC (29895 VNC) et 28642 VC à 28644 VC (30090 VNC à 30092 VNC) (§§ 185 à 191 de l’Étude économique « Marchés »).

457 Les motifs de churn dit « « naturel » correspondent à des cessations d’activité (départs à la retraite, reconversion, déménagements, décès, etc.).

458 §§ 99 à 101 de l’Étude économique « Marchés ».

459 Cotes 3038, 3057, 3099, 3656, 3881, 3909, 3914, 3923, 3925, 7406 et 7658. Voir aussi l’étude de la DRESS précitée : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-10/er1245EMB.pdf.

460 Cotes 7, 29 et 10891. Voir également : https://www.cegedim.fr/Communique/DP%20Docavenue%20et%20RDVm%C3%A9dicaux%20deviennent%20Maiia.pdf.

461 Cotes 1771 à 1773, 3038, 3057, 3058, 3078, 3099, 3658, 3704, 3908, 3909, 3925, 3945, 4061, 4116 VC (4337 VNC), 4128, 4129, 4315, 4316, 4351, 4352, 4386, 4644, 4645, 4688 et 4924.

462 Cote 23183.

463 Décisions de l’Autorité n° 09-DCC-93 du 31 décembre 2009, précitée, §§ 6-7 ; n° 14-DCC-56 du 14 avril 2014, précitée, §§ 7-8 ; n° 15-DCC-100 du 22 juillet 2015, précitée, § 7 ; n° 17-DCC-17 du 7 février 2017, précitée, §§ 7-9 ; n° 17-DCC-74 du 1er juin 2017, précitée, §§ 8-9.

464 Cotes 28443 VC (29891 VNC) et 28611 (§§ 84 et 85 de l’Étude économique « Marchés »).

465 Cotes 28660 et 28661 VC (30109 VNC) (§§ 245 à 249 de l’Étude économique « Marchés »).

466 Cote 28661 VC (30109 VNC) (§§ 252 à 253 de l’Étude économique « Marchés »).

467 Cotes 2362 VC (3291 VNC) et 2363.

468 Cotes 7498, 7499 VC (7669 VNC), 7663 VC (12384 VNC), 7664 et 7665 VC (12386 VNC).

469 Les opérateurs Livi et Medadom ont également développé uniquement un service de téléconsultation médicale, sans investir dans l’activité de prise de rendez-vous médicaux en ligne.

470 Cotes 2183, 2370, 3088 et 4118 VC (4339 VNC). Voir également cote 4915.

471 Voir https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/teleconsultation-sur-whatsapp-le-patron-de-doctolib[1]stanislas-niox-chateau-abasourdi.

472 Voir notamment : https://esante.gouv.fr/produits-services/telesante/teleconsultation ; et l’arrêté du9 février 2024 approuvant le référentiel d’interopérabilité, de sécurité et d’éthique des systèmes d’informations de téléconsultation et définissant la procédure de délivrance du certificat de conformité des systèmes d’information des sociétés de téléconsultation en application du 3° de l’article L. 4081-2 du code de la santé publique.

473 Décision de la Commission européenne, M.7813 Sanofi / Google / DMI JV, 23 février 2016. Voir également décision de l’Autorité n° 17-DCC-74 du 1er juin 2017, précitée, § 14.

474 Cotes 11146 VC (14110 VNC), 11149 à 11151 et 11168.

475 Arrêt de la Cour de justice du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal BV/Commission, 27/76, point 65. Voir également l’arrêt du Tribunal du 18 septembre 2024, Qualcomm (prix d’éviction), T 671/19, point 303.

476 Ibid., point 66. Voir également l’arrêt précité Qualcomm (prix d’éviction), T 671/19, point 304.

477 Arrêts du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89, point 90 ; et du 18 septembre 2024, Qualcomm (prix d’éviction), T 671/19, point 304.

478 Arrêt de la Cour de justice du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C-62/86, Rec. P. I-3359, point 60. Voir également l’arrêt précité Qualcomm (prix d’éviction), T 671/19, point 305.

479 Arrêt de la Cour de justice du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, point 41 ; arrêtsdu Tribunal, Van den Bergh Foods/Commission, T-65/98, point 154 ; du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T-66/01, point 256 ; du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, point 100.

480 Arrêt du Tribunal du 11 décembre 2013, Cisco Systems, Inc. and Messagenet SpA vs European Commission, T-79/12, point 69. Voir également les arrêts du Tribunal du 30 janvier 2007, France Telecom vs Commission, T-340/03, points 107 et 108 et Qualcomm précité, T 671/19, point 304.

481 Arrêts précités de la Cour de justice 27/76, United Brands et United Brands Continental/Commission, EU:C:1978:22, point 122 ; et 85/76 Hoffmann-La Roche/Commission, EU:C:1979:36, point 48. Voir également l’arrêt du Tribunal précité Qualcomm (prix d’éviction), T 671/19, point 306.

482 Arrêt de la Cour de justice, 27/76 précité, United Brands et United Brands Continental/Commission, EU:C:1978:22, points 91 et 122.

483 Cote 28447 VC (29895 VNC).

484 Cotes 24113 VC, 24114 VC (27289 VNC), 24135 et 24136.

485 Cote 14010.

486 Cotes 4976 VC (27364 VNC), 7414 et 7415 VC (25885 et 25886 VNC), 7416, 7432, 7433, 7506, 10121, 10124, 10138, 10139, 11097 VC (25838 VNC), 11649 VC (12352 VNC), 11656, 13988 et 13989. Ces données correspondent à des professionnels de santé ayant souscrit à titre individuel au service de prise de rendez-vous médicaux en ligne de chaque opérateur, mais sont également susceptibles d’inclure des structures (maisons de santé, pharmacies, etc.), où exercent des professionnels de santé utilisateurs des services de prise de rendez[1]vous médicaux en ligne.

487 Les données transmises par Doctolib pour chaque année correspondent au nombre d’abonnés au 1er janvier de l’année indiquée : ainsi, les données renseignées pour 2014 correspondent au nombre d’abonnés facturés dans le courant du mois de janvier de l’année indiquée et ceux dont il est acté qu’ils seront facturés dans le courant du mois de février de la même année. Par conséquent, les données à retenir pour 2014 correspondent aux données renseignées pour janvier 2015 et ainsi de suite. Cotes 4943, 4976 VC (27364 VNC), 10138 et 10139.

488 Les données transmises correspondent à des estimations, accompagnées de réserves au regard du niveau d’information limité de Doctolib. Le chiffre indiqué pour l’année 2017 correspond au nombre de clients fin janvier 2018. Le chiffre indiqué pour l’année 2018 correspond au nombre de clients au 10 juillet 2018. Ces données correspondent à des estimations fournies par Doctolib, entreprise ayant racheté MonDocteur en 2018. Cotes 11655 et 11656.

489 Solocal a indiqué n’avoir pas conservé d’informations concernant le nombre de clients (total ou relatif au secteur médical) « compte tenu de l’arrêt de l’offre dédiée aux professionnels de santé ». Solocal a fourni une estimation, accompagnée de réserves liées à l’« ancienneté » des données, fondée « sur le nombre de clients créé chaque année et un taux d’actifs/inactifs basé sur le nombre correspondant à date ». Ainsi, pour 2023, Solocal a pris en compte le nombre de comptes santé actifs à date, dont elle a retranché le nombre de comptes créés en 2023 pour obtenir une estimation du nombre de comptes fin 2022. Elle a opéré ainsi pour chaque année. Ces données sont surestimées, car elles ne tiennent pas compte du nombre de clients ayant résilié leur abonnement et ayant cessé d’être facturés sur une année donnée, ni des comptes qui ne sont plus actifs. Enfin, ces données incluent les comptes actifs, qu’ils soient en abonnement payant ou qu’ils bénéficient de l’abonnement à 0 euro de PagesJaunesDoc. Cotes 7506, 12432, 12433, 14008 à 14010.

490 Les données pour chaque année correspondent aux différentes formules de CompuGroup Medical France : « Calendar Only (free) », « Freemium bundle » et « Paying bundle ». Cote 10124.

491 Ces données correspondent au nombre de clients de Docavenue/Maiia ayant souscrit (i) au service de prise de rendez-vous médicaux en ligne seul et (ii) aux deux offres incluant à la fois les services de prise de rendez[1]vous médicaux en ligne et les services de téléconsultation (offres « packagées » et « non packagées »). Cote 11649 VC (12352 VNC).

492 Au mois de février 2019, Docavenue a fait l’acquisition de la société L’accueil Web, gérant le site Internet www.rdvmedicaux.com. Au mois de mai 2019, les activités de L’accueil Web ont été transférées à Docavenue, devenue Cegedim Santé en janvier 2022. Les données présentées pour la période 2015 – 2018 ont été reprises ou reconstituées par Cegedim Santé sur la base de la due diligence opérée préalablement à l’opération d’acquisition de L’accueil Web. Ces données tiennent compte des clients professionnels de santé à titre individuel ainsi que des autres clients B2B grands comptes utilisateurs de l’outil de prise de rendez-vous médicaux en ligne RDV médicaux. Cotes 13988, 13989, 14004 et 14005.

493 Il est à noter que la solution Lemedecin.fr est proposée gratuitement aux professionnels de santé et ne génère donc aucun chiffre d’affaires. Par ailleurs, l’opérateur Solocal n’a pas été en mesure de communiquer le chiffre d’affaires généré par sa solution ClicRDV, étant précisé que l’une des offres proposées aux professionnels de santé entre 2015 et 2020, dénommée PagesJaunesdoc, correspondait à une offre « 0 euro » pour laquelle seul un tarif forfaitaire de 60 euros était facturé une seule fois en début d’abonnement. Cotes 7432, 7506, 14008 et 14009.

494 Cotes 7413 VC (25884 VNC), 7432, 7506, 9951, 10120, 10869 VC (12357 VNC), 10870 VC (12358 VNC), 11097 VC (25838 VNC), 11655, 11656, 13988, 14004, 14005 et 24966 VC. Ce tableau ne prend pas en compte la monétisation de Solocal - Click RDV qui n’a pas communiqué de données.

495 Ces données correspondent aux chiffres d’affaires réalisés en France liés à la solution Doctolib Patient. Cote 24966 VC.

496 Doctolib n’a pas pu procéder à une répartition du chiffre d’affaires par activité. À sa connaissance, la quasi[1]intégralité du chiffre d’affaires de MonDocteur était liée à son activité de prise de rendez-vous médicaux en ligne. Pour l’année 2018, le chiffre d’affaires est arrêté au 30 juin 2018. Cotes 11655 et 11656.

497 Ces données comprennent le chiffre d’affaires lié au service de prise de rendez-vous en ligne ainsi que le chiffre d’affaires lié à l’offre incluant le service de prise de rendez-vous en ligne et le service de téléconsultation. Cotes 10869 et 10870 VC (12357 et 12358 VNC).

498 Le chiffre d’affaires 2022 est provisoire, le bilan n’étant pas clos. Cote 10120.

499 Voir la note de bas de page 496. Cotes 13988, 14004 et 14005.

500 La solution de prise de rendez-vous en ligne de Lemedecin.fr est proposée gratuitement aux professionnels de santé et n’engendre ainsi aucun chiffre d’affaires. Cote 7432.

501 Solocal a indiqué ne pas pouvoir communiquer d’informations liées au chiffre d’affaires, dans la mesure où elle ne suit plus ces indicateurs « compte tenu de l’arrêt de l’offre dédiée aux professionnels de santé ». Cotes 7506, 14008 et 14009.

502 Cotes 7416, 7417 VC, 7418 VC (25888 et 25889 VNC), 7433, 7506, 10122, 10641 VC (27368 VNC), 11120 VC (12346 VNC), 11656, 12394, 13969 VC (25839 VNC) et 13989.

503 Les données transmises correspondent à des estimations, accompagnées de réserves au regard du niveau d’information limité de Doctolib. En outre, ces estimations ne concernent que certaines périodes de 2017 et 2018 : le chiffre de 2017 correspond au nombre de rendez-vous pris en janvier 2017. Le chiffre de 2018 correspond au nombre de rendez-vous pris en mars et mai 2018. Ces données parcellaires, non représentatives de l’activité réelle de MonDocteur, n’ont donc pas été prises en compte. Cotes 11655 et 11656.

504 Solocal a indiqué ne plus suivre cet indicateur « compte tenu de l’arrêt de l’offre dédiée aux professionnels de santé », mais a fourni une estimation dont le nombre serait, selon elle, nécessairement inférieur au nombre réel dans la mesure où les agendas inactifs depuis plus de deux ans ont été supprimés en 2022 ainsi que les rendez-vous associés. Cotes 7506, 12432 et 14008.

505 Les données pour l’année 2020 correspondent aux données de la période allant du mois d’avril au mois dedécembre, les données antérieures n’étant plus accessibles. Cote 12394.

506 Pour 2017, les données ne tiennent compte que du second semestre. Cotes 7416, 7417 VC, 7418 VC (25888 et 25889 VNC).

507 Voir la note de bas de page 496. Cotes 13988, 13989, 14004 et 14005.

508 Cotes 4 à 19, 20 VC (802 VNC), 21, 22 VC (804 VNC), 23 à 27, 2097 VC (2954 VNC), 2183, 2337, 2344, 2776 VC (3271 VNC), 2785 VC (3280 VNC), 2786 VC (3281 VNC), 3084, 3088 et 4116 VC (4337 VNC). Voir également cote 4453.

509 Voir notamment cotes 3926, 3927, 4085, 4127, 4129, 4130, 4385, 4387, 4388, 4643, 7361, 7363, 7364 et 7645.

510 Cotes 24162 à 24164, 24210, 24211, 24213 et 24230. Voir également cotes 23036 et 23037.

511 Cotes 13590, 13591, 13599, 13600, 13612, 13623, 13624, 13627, 13628, 21342, 21349 et 21397.

512 Cote 21522.

513 Cote 22712.

514 Cotes 13502, 13524, 13542 et 13560 VC (27231 VNC).

515 Cotes 1426, 13582, 22582 à 22584, 22593, 22603, 22630, 22710, 22717 VC (26527 VNC), 23032, 23033, 23186, 23871 VC (27282 VNC) et 23873 VC (26375 VNC).

516 Cote 1426.

517 Cote 22717 VC (26527 VNC).

518 Cote 28448 VC (29896 VNC).

519 Cotes 28646 à 28648 VC (30094 à 30096 VNC) (§§ 198 à 203 de l’Étude économique « Marchés »).

520 Praticiens qui combinent activité libérale et activité salariée dans un hôpital public ou dans une clinique privée.

521 Dans les zones rurales ou les régions où la population est majoritairement âgée, les patients tendent à préférer un contact direct ou téléphonique, rendant l’utilisation de plateformes en ligne moins pertinente.

522 Par exemple, certains généralistes, dentistes, ou infirmiers dont le travail peut reposer sur la prise en charge immédiate (urgences légères, prise en charge post-opératoire, etc.) ne fonctionnent pas toujours par rendez[1]vous programmés. D’autres professions comme les radiologues, biologistes et pathologistes peuvent être principalement sollicitées par l’intermédiaire de prescripteurs, tels que les médecins traitants ou spécialistes, plutôt que directement par les patients.

523 Cotes 3034 VC (25874 VNC), 5153, 7418 VC (25889 VNC), 7435 à 7439, 7503, 7504, 9952 à 9954, 10123, 11097 VC (25838 VNC), 11121 VC (12347 VNC), 11657, 13990 et 14273 à 14275.

524 Les données renseignées correspondent au trafic moyen mensuel. Cote 11121 VC (12347 VNC).

525 Les données pour 2019 concernent la période allant du mois d’août au mois de décembre. Cotes 9952 à 9954.

526 Les données pour 2018 ne concernent que les mois de novembre et décembre. Cote 11097 VC (25838 VNC).

527 Les données correspondent au nombre de visites et de téléchargements de l’application. Cote 3034 VC (25874 VNC).

528 Les données pour 2016 concernent la période du mois d’avril au mois de décembre.

529 Les données pour 2019 et 2020 ne sont pas disponibles, au total ou en partie. Cote 10123.

530 Les données renseignées correspondent au trafic mensuel moyen réalisé sur le site Internet. Cote 13990.

531 Données non disponibles – seule une estimation arrêtée au 7 juin 2018 et 10 juillet 2018 a pu être fournie. Ces données parcellaires, non représentatives de l’activité réelle de MonDocteur, n’ont donc pas été prises en compte. Cote 11657.

532 Données non disponibles. Cote 7418 VC (25889 VNC).

533 Les données pour 2017 concernent la période allant du mois de février au mois de décembre. Cote 7503.

534 Solocal a indiqué ne plus suivre certains indicateurs d’activité, « compte tenu de l’arrêt de l’offre dédiée aux professionnels de santé ». En particulier, elle a indiqué être dans l’impossibilité de retrouver les données relatives au trafic lié à l’activité de prise de rendez-vous médicaux en ligne. Cotes 7506 et 14001.

535 Cote 21349.

536 Cotes 2096 à 2098 VC (2953 et 2954 VNC), 2183, 2341, 2344, 2367 VC (3296 VNC), 2369, 2370, 2372, 2776, 2781, 2785, 2786 VC (3271, 3276, 3280, 3281 VNC), 3038, 3039, 3059, 3079, 3102, 3660, 3661, 3705, 3882, 3909, 3915, 3926, 3927, 3945, 4062, 4084, 4085, 4352, 4385, 4387, 4643 à 4647, 4689, 4876 VC (7587 VNC), 4877, 7361 à 7364, 7446, 7602, 7644 et 7645.

537 Cotes 2785 VC (3280 VNC), 3059 et 7645.

538 https://about.doctolib.fr/news/vaccination-contre-la-covid-19-doctolib-partenaire-officiel-de-letat-pour-la[1]prise-de-rendez-vous-en-ligne-et-la-gestion-des-centres-de-vaccination/. Voir également cote 13214 VC (27236 VNC).

539 Traduction libre. Cote 13208 VC (27233 VNC).

540 Cotes 4985 à 4987 VC (27166 à 27168 VNC), 10655 VC (27369 VNC), 10660 VC (27184 VNC), 10688 à 10691 VC (27185 à 27188 VNC), 10733 VC (27190 VNC) et 10735 à 10737 VC (27191 à 27193 VNC).

541 Décision de la Première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle du 25 septembre 2023, affaire R 290/2023-1, § 61.

542 Cotes 2096 VC, 2097 VC (2953 et 2954 VNC) et 2098, 2183, 2344, 2372, 2785 VC (3280 VNC), 2786 VC (3281 VNC), 3038, 3039, 3059, 3705, 3882, 3926, 3927, 4084, 4127, 4316, 4317, 4385, 4536 à 4538, 4643, 4644, 4647, 4650, 4879, 4911, 7361, 7362, 7446, 7644 et 14010.

543 Cote 28448 VC (29896 VNC).

544 Cote 23183.

545 Cotes 13502, 13511, 13624, 15541, 21499, 21761, 21765, 22775 VC (27225 VNC), 22830, 23045, 23061, 24164, 24181, 24210 et 24230.

546 Traduction libre. Cote 22414.

547 Cote 24008.

548 Cote 28658 VC (30106 VNC) (§ 237 de l’Étude économique « Marchés »).

549 Cote 28448 VC (29896 VNC).

550 Traduction libre. Cote 21363. Voir également cotes 21378 et 21817.

551 Traduction libre. Cotes 13642, 15538, 23075 et 24204.

552 Cotes 13558, 21693, 21695, 21696, 23088 et 23089.

553 Cotes 13207 VC (27232 VNC), 13208 VC (27233 VNC), 13560 VC (27231 VNC), 13595, 13614, 13627, 13630, 21519, 23183, 24201, 24219, 24225 et 24230.

554 Cote 28451.

555 Cotes 7432, 7498, 7499 VC (7669 VNC), 7639 VC (25891 VNC), 7663 VC (12384 VNC), 7664, 7665 VC (12386 VNC), 9951, 10120, 10869 VC, 10870 VC (12357 et 12358 VNC), 10922 VC (25877 VNC), 11097 VC (25838 VNC), 12438 et 24966 VC.

556 Ces données correspondent aux chiffres d’affaires réalisés en France liés à la solution Doctolib Téléconsultation. Cote 24966 VC.

557 Ces données correspondent (i) au chiffre d’affaires réalisé par DMS France lié à l’abonnement et à l’utilisation de la plateforme Livi par des professionnels de santé libéraux et (ii), à titre indicatif, au chiffre d’affaires intra-groupe correspondant aux sommes facturées par DMS France à l’association Actions Coordonnées de Santé, qu’elle détient à 100 %, pour des prestations de services incluant la fourniture de la technologie utilisée pour la réalisation d’actes de téléconsultation. Cotes 10922 à 10927 VC (25877 à 25880 et 25882 VNC).

558 Ces données correspondent (i) au chiffre d’affaires réalisé par Qare avec ses clients médecins libéraux ou salariés de structures autres que l’association Access Santé, dans le cadre de la fourniture de la solution technologique de téléconsultation pour la réalisation de téléconsultations ; et (ii) au chiffre d’affaires lié à la mise à disposition par Qare de la solution de téléconsultation et à la fourniture par Qare de prestations de services supports à l’association Access Santé. Cotes 7498, 7499 VC (7669 VNC), 7663 VC (12384 VNC), 7664 et 7665 VC (12386 VNC).

559 Ces données correspondent au chiffre d’affaires lié (i) au service de téléconsultation médicale de Docavenue/Maiia et (ii) à l’offre incluant à la fois les services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et les services de téléconsultation (offre « packagée »). Cotes 10869 et 10870 VC (12357 et 12358 VNC).

560 Une estimation de 1 041 professionnels de santé pour 2021 et 1 428 pour 2022.

561 Doctolib indique ne pas être en mesure techniquement de donner des estimations pour la période allant de 2019 à 2020. Cotes 10138, 10139 et 10639 VC (27212 VNC).

562 Cotes 3482 et 3483, 4976 VC (27364 VNC), 7432 et 7433, 7468 VC (25875 VNC), 7501, 7639 VC (25891 VNC), 10121, 10124, 11097 VC (25838 VNC) et 11649 VC (12352 VNC). Ces chiffres correspondent à des professionnels de santé ayant souscrit à titre individuel au service de téléconsultation de chaque opérateur, mais sont également susceptibles d’inclure des structures (maisons de santé, pharmacies, etc.), où exercent des professionnels de santé utilisateurs des services de téléconsultation.

563 Les données transmises pour chaque année par Doctolib correspondent au nombre d’abonnés au 1er janvier de l’année indiquée. Ainsi, les données renseignées pour 2019 correspondent au nombre d’abonnés facturés dans le courant du mois de janvier de l’année indiquée et ceux dont il est acté qu’ils seront facturés dans le courant du mois de février de la même année. Par conséquent, les données à retenir pour 2019 correspondent aux données renseignées pour janvier 2020, et ainsi de suite. Cotes 4943, 4976 VC (27364 VNC), 10138 et 10139.

564 Les données pour chaque année correspondent aux différentes formules de CompuGroup Medical France : « Video Consultation only », « Freemium bundle » et « Paying bundle ». Cote 10124.

565 Ces données correspondent au nombre de clients de Docavenue/Maiia (i) ayant souscrit au service de téléconsultation médicale et (ii) aux deux offres incluant à la fois les services de prise de rendez-vous médicaux en ligne et les services de téléconsultation (offres « packagée » et « non packagées »). Cote 11649 VC (12352 VNC).

566 Ces données couvrent le nombre de médecins utilisateurs de la solution Qare, ainsi que les médecins salariés de l’association Access Santé qui ne sont pas des clients de Qare à proprement parler, mais salariés de l’association elle-même cliente de Qare. Cotes 7498 et 7499 VC (7669 VNC).

567 Les utilisateurs de la solution de téléconsultation Livi sont quasi-exclusivement des salariés professionnels de santé de l’association Actions coordonnées de santé. En 2021, les utilisateurs comprenaient également des professionnels de santé libéraux. Cote 7468 VC (25875 VNC).

568 Cotes 7433 et 7434, 7469 VC (25876 VNC), 7502, 7639 VC (25891 VNC), 10122, 10640 VC (27367 VNC), 10873 VC (12361 VNC), 11097 VC (25838 VNC) et 12394.

569 Les données pour l’année 2020 correspondent aux données de la période allant du mois d’avril au mois dedécembre, les données antérieures n’étant plus accessibles. Cote 12394.

570 Pour 2019, ces données ne tiennent compte que du dernier trimestre. Cotes 7433 et 7434.

571 Cotes 13221 VC (27239 VNC), 23347 VC (27281 VNC), 23672 VC (27297 VNC), 23747 VC (27312 VNC) et 23871 VC (27282 VNC).

572 Cote 12879 VC (27252 VNC).

573 Cotes 13182 et 13184.

574 Cotes 22516, 22521 et 23813 VC (27257 VNC).

575 Cotes 28665 et 28666 VC (30114 VNC) (§§ 262 à 268 de l’Étude économique « Marchés »).

576 Cote 28450.

577 Cote 28451.

578 Cotes 4129 et 4132.

579 Cotes 4988 VC (27169 VNC) et 10703 VC (27189 VNC).

580 Cotes 2369 et 3525 à 3532.

581 Cotes 28450 et 28451.

582 Cotes 3525 à 3532.

583 Cotes 13546, 13560 VC (27231 VNC), 13820 VC (27256 VNC) et 22754.

584 Cotes 2095 VC (2952 VNC), 2183, 2370, 2371 et 4876 VC (7587 VNC).

585 Cote 2095 VC (2952 VNC).

586 Cote 2370.

587 Cote 4876 VC (7587 VNC).

588 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de justice du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche / Commission, 85/76, point. 91 ; du 3 juillet 1991, Akzo / Commission, C-62/86, EU:C:1991:286, point 69 ; du 16 février 2011, Konkurrensverket / TeliaSonera Sverige AB, C-52/09, point 27.

589 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice du 9 novembre 1983, Michelin / Commission, 322/81, point 57 et du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft / Commission, T-201/04, EU:T:2007:289, point 1070.

590 Arrêts de la Cour de justice, 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano S.p.A. et Commercial Solvents c/Commission, affs. 6/73 et 7/73, point 22 ; arrêt de la cour d’appel de Paris, 22 février 2005, JC Decaux, RG n° 2004/13460 ; décision de l’Autorité n° 17-D-08 du 1er juin 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport de voyageurs, paragraphe 107.

591 Arrêt de la Cour de justice du 14 novembre 1996, Tetra Pak International SA c/Commission, aff. C-333/94 P, point 25 ; Arrêt du TPICE du 17 septembre 2007, Microsoft Corp. c/Commission, aff. T-201/04, point 1344 ; décision de l’Autorité n° 21-D-11 du 7 juin 2021, précitée, paragraphe 366.

592 Arrêts de la Cour de justice du 17 février 2011, Konkurrensverket/TeliaSonera Sverige AB, précité,points 64 et 66 ; du 6 septembre 2017, Intel c/ Commission, aff. C-413/14 P, point 138 ; et du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., aff. C-307/18, point 154.

593 Arrêt de la Cour de justice du 17 février 2011, Konkurrensverket/TeliaSonera Sverige AB, précité, point 68.

594 Arrêt de la Cour de justice du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale SpA e.a. c/ Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato e.a., précité, point 61.

595 Orientations de la Commission européenne sur les priorités retenues pour l’application de l’article 82 du traité CE [article 102 du TFUE] aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes (2009/C 45/02), point 20.

596 Ibid, point 24.

597 Décision n° 12-D-29 du 21 décembre 2012, précitée, §§ 132 à 136.

598 Orientations de la Commission européenne sur les priorités retenues pour l’application de l’article 82 du traité CE [article 102 du TFUE] aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes (2009/C 45/02), point 20.

599 Orientations de la Commission européenne sur les priorités retenues pour l’application de l’article 82 du traité CE [article 102 du TFUE] aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes (2009/C 45/02), point 20.

600 Arrêts de la Cour de justice du 30 janvier 2020, Ceské drahy c/Commission, aff. C-538/18 P et C-539/18 P, point 70 ; du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale SpA e.a. c/Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato e.a, précité, point 53 ; du 19 janvier 2023, Unilever Italia Mkt. Operations Srl c/Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato, précité, point 41.

601 Arrêt de la Cour de justice du 19 janvier 2023, Unilever Italia Mkt. Operations Srl c/ Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato, précité, point 41.

602 Arrêts de la Cour de justice du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a. c/Commission, aff. C-549/10 P, points 20 et 21 ; du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., précité, point 162 ; du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale SpA e.a. c/ Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato e.a., précité, point 62 ; du 19 janvier 2023, Unilever Italia Mkt. Operations Srl c/ Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato, précité, point 45.

603 Arrêts de la Cour de justice du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a. c/Commission, précité, points 21 et 24 ; du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., précité, point 162 ; du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale SpA e.a. c/ Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato e.a, précité, point 63 ; du 19 janvier 2023, Unilever Italia Mkt. Operations Srl c/ Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato, précité, point 45.

604 Arrêt de la Cour de justice du 27 mars 2012, Post Danmark A/S c/Konkurrencerådet, aff. C-209/10, points 40 et 41.

605 Arrêt de la Cour de justice du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche & Co. AG c/ Commission, précité, points 89 et 90 ; du 3 juillet 1991, AKZO Chemie BV c/ Commission, précité, point 149 ; décision de l’Autorité n° 16-D-14 du 23 juin 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du zinc laminé et des produits ouvrés en zinc destinés au bâtiment, § 684.

606 Arrêt du Tribunal du 9 septembre 2010, Tomra Systems ASA e.a. c/ Commission, aff. T-155/06, point 59 ; décision de l’Autorité n° 16-D-14 du 23 juin 2016, précitée, § 685-686.

607 Arrêt de la Cour de justice du 28 février 1991, Delimitis c/Commission, aff. C-234/89.

608 Voir, en ce sens, l’arrêt du TPICE, 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum c/ Commission, aff. T-65/89, points 65 à 68.

609 Décision de l’Autorité n° 16-D-14 du 23 juin 2016, précitée, § 873.

610 Cote 28463.

611 Cotes 489, 5272, 5281, 5311, 5320, 5329, 5336 et 5345.

612 Cotes 5368 et 10619.

613 Cote 4879.

614 Cotes 13010, 24003 à 24005.

615 Cote 2341. Voir également cotes 4438 à 4453.

616 Cote 13868.

617 Cotes 24155 et 24156.

618 Cote 13081.

619 Cotes 13029 et 13030.

620 Cotes 4438 à 4453, 13010, 23785, 24003 à 24005 et 24038 VC (27319 VNC).

621 Cote 13069.

622 Cotes 22511 et 23293.

623 Cotes 13624, 24181, 24210 et 24230.

624 Cote 22507.

625 Cote 28475 VC (29923 VNC).

626 Cote 28475 VC (29923 VNC).

627 Cote 28476 VC (29924 VNC).

628 Le taux de churn annuel de Doctolib Patient est de 10-11 % depuis 2020. Celui de Doctolib Téléconsultation est de 11-23 % en 2022-2023. Ces taux seraient comparables voire supérieurs à ceux d’un opérateur mobile comme Orange présent sur un marché réputé très concurrentiel.

629 Le score « NPS » – Net Promoter Score, qui permet d’évaluer la satisfaction de la clientèle – de Doctolib se situe entre 30 et 40 au cours de la période 2021-2023, étant précisé qu’un score supérieur à 20 est considéré comme « très bon » et qu’un score supérieur à 50 est considéré comme « excellent ».

630 Cote 28715 VC (30162 VNC).

631 Clause par laquelle un contractant s’engage à obtenir l’accord d’un tiers à un acte juridique (article 1204 du code civil)

632 Cote 4976 VC (27364 VNC).

633 Voir note de bas de page n° 659.

634 Selon Doctolib, [confidentiel]. Source : pièce n° 4, annexe du Datapack de Doctolib, cote 29033 VC (cote 30323 VNC).

635 Cotes 28486 VC (29934 VNC) à 28488.

636 Cotes 2544, 2547, 2552, 2556, 2560, 2564, 2568, 2573, 2582, 2593, 2604 et 2646. Voir également cotes 2690, 2698, 2705, 2714, 2724, 2735, 5316, 5325, 5333, 5341, 5351, 5363, 5374 et 10625.

637 Cotes 2545, 2548, 2552, 2556, 2557, 2560, 2561, 2564, 2565, 2568, 2569, 2573, 2574, 2580, 2590, 2601, 2604, 2622, 2643, 2646, 2664, 2685, 2693, 2700, 2701, 2709, 2719, 2729, 5227, 5235, 5243, 5251, 5258, 5265, 5272, 5280, 5310, 5319, 5328, 5336, 5345, 5356, 5367, 5368, 10618, 10619 et 10630.

638 Cote 13075.

639 Voir notamment cotes 2102, 3703 et 4318.

640 Arrêt du TPICE, 17 septembre 2007, Microsoft Corp. /Commission, précité, points 842, 843, 852 et 859.

641 Voir arrêts du TPICE 30 septembre 2003 Michelin c/ Commission, T-203/01, points 237 à 239 ; 17 septembre 2007, Microsoft Corp. / Commission, précité, points 867 et 868, ainsi que le sommaire de l’arrêt, point 18. Voir également la décision de l’Autorité n° 22-D-05 du 15 février 2022 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport d'animaux vivants par fret aérien, paragraphe 376.

642 Arrêt de la Cour de justice, 14 novembre 1996, Tetra Pak International SA c/Commission, précité, point 37.643 Cote 28492.

644 Cote 23871 VC (27282 VNC).

645 Cotes 23949 VC (27302 VNC), 23950 VC (26543 VNC) et 23951 VC (27303 VNC).

646 Cote 23864.

647 Cotes 24015 et 24016 VC (26625 et 26626 VNC).

648 Cotes 28496 VC (29944 VNC) à 28498.

649 Il convient de relever qu’une partie des [confidentiel] nouveaux abonnés à Doctolib Téléconsultation et à Doctolib Patient au cours de l’année 2020 ont potentiellement, par la suite, pu résilier leur abonnement, notamment à l’issue de la période de gratuité de Doctolib Téléconsultation. Il peut néanmoins être observé qu’une fraction de ces abonnés, ayant mis fin à leur abonnement à Doctolib Téléconsultation, ont pu conserver leur abonnement à Doctolib Patient. En tout état de cause, l’hypothèse d’éventuels départs par la suite ne remet pas en question le constat que la vente liée a bien attiré [confidentiel] abonnés supplémentaires pour Doctolib Patient au cours de l’année 2020.

650 Cotes 2170 et 2186.

651 Voir notification de griefs, cotes 27944 à 27950.

652 Cotes 28501 et 28502.

653 Cote 28727 VC (30174 VNC).

654 Par exemple, DMS France (Livi) et Qare ne proposent pas de service de prise de rendez-vous médicaux en ligne aux professionnels de santé.

655 Le ministère de la santé a ainsi répertorié près de 150 solutions de vidéotransmissions : https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwjz14KBxJL-AhWPVKQEHdvoAhEQFnoECAYQAQ&url=https%3A%2F%2Fsante.gouv.fr%2FIMG%2Fxlsx%2Fediteurs_solutions_de_telemedecine.xlsx&usg=AOvVaw2qYzKT2EF0jMO7wgXF9-h4.

656 Cote 28727 VC (30174 VNC).

657 Voir, en ce sens, arrêts de la Cour de justice, 21 février 1973, Europemballage Corporation et Continental Can c/Commission, aff. 6/72, point 26 ; 15 mars 2007, British Airways c/ Commission, aff. C-95/04 P, point 57 ; 14 octobre 2010, Deutsche Telekom c/Commission, aff. C-280/08 P, point 173 ; 17 février 2011, Konkurrensverket/TeliaSonera Sverige AB, précité, point 26.

658 Décision de l’Autorité n° 21-D-11 du 7 juin 2021, précitée, §§ 369 et suivants.

659 Voir, en ce sens, le Rapport à la Commission européenne « Competition policy for the digital era » parJacques Crémer, Yves-Alexandre de Montjoye, et Heike Schweitzer (2019).

660 Voir par exemple l’arrêt de la Cour de justice, 25 mars 2021, Slovak Telekom a.s. c/Commission, aff. C-165/19 ; décision de la Commission, 27 juin 2017, Google Shopping, aff. AT.39740, confirmée pour l’essentiel par arrêt du Tribunal, 10 novembre 2021, aff. T‑612/17, Google LLC et Alphabet Inc. c./ Commission ; décision de l’Autorité n° 10-MC-01 du 30 juin 2010 relative à la demande de mesures conservatoires présentée par la société Navx et notamment son paragraphe 183 qui précise : « [c]ette situation peut par exemple apparaître lorsqu’une entreprise verticalement intégrée bénéficie d’un accès privilégié à certains biens ou services qu’elle contrôle en amont et qui sont utiles voire indispensables à l’exercice d’une activité aval sur laquelle elle est également présente. Un comportement de ce type relève de la catégorie des abus dits d’éviction, en ce qu’il découle en général de la stratégie d’une entreprise visant à tirer parti du pouvoir qu’elle détient sur un marché pour affaiblir un ou plusieurs de ses concurrents et à terme à les évincer ».

661 Arrêt de la Cour de justice, 14 octobre 2010, Deutsche Telekom c/Commission, précité, point 175.

662 Arrêt de la Cour de justice du 3 juillet 1991, Akzo/Commission, précité, point 70 ; arrêt du TPICE du 23 octobre 2003, Van der Bergh Foods c/Commission, aff. T-65/98, point 157 ; décision de la Commission du 2 octobre 2017, Baltic Rail, aff. AT.39813, points 182 à 201.

663 Arrêt de la Cour de justice, 21 février 1973, Europemballage Corporation et Continental Can c/Commission, précité, point 27 et 29 ; arrêt du TPICE, 12 décembre 2000, Aéroports de Paris c/Commission, aff. T-128/98, point 170.

664 Arrêt du TPICE, 17 juillet 1998, ITT Promedia NV c/Commission, aff. T-111/96, point 139.

665 Cote 23988.

666 Décision du Conseil de la concurrence n° 04-D-13 du 8 avril 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par la société des Caves et des Producteurs réunis de Roquefort dans le secteur des fromages à pâte persillée, § 68 ; décisions de l’Autorité n° 13-D-06 du 28 février 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le marché de la télétransmission de données fiscales et comptables sous format EDI à l’administration fiscale, § 187 ; et n° 17-D-25 du 20 décembre 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des dispositifs transdermiques de fentanyl, § 633, confirmée par arrêt de la cour d’appel de Paris, 11 juillet 2019, RG n° 18/01945, §§ 424 à 429.

667 Arrêts du TPICE 7 janvier 2004, Aalborg Portland A/S e.a. c/Commission, affs. Jointes C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, point 258 ; 12 décembre 2007, BASF AG et UCB SA c/ Commission, aff. jointes T-101/05 et T-111/05, points 179 et 181. Arrêt du TUE, 1er juillet 2020, AstraZeneca, aff. T-321/05, point 892, confirmé par un arrêt de la Cour de justice du 6 décembre 2012, aff. C-457/10 P. Arrêt de la Cour de justice, 19 décembre 2013, Siemens AG e.a. c/Commission, affs. jointes C-239/11 P, C-489/11 P et C-498-11 P, point 247. Décision de la Commission, 18 juillet 2018, Google Android, AT.40099, §§ 1337 et 1338 ; décision de l’Autorité n° 17-D-25 du 20 décembre 2017, précitée, § 635.

668 Arrêt du TUE, 12 juin 2014, Intel Corp. c/Commission, aff. T-286/09, point 1525 ; principe non remis en cause par l’arrêt de la Cour de justice du 6 septembre 2017, Inter Corp. c/Commission, aff. C-413/14 P ; décision de l’Autorité n° 17-D-25 du 20 décembre 2017, précitée, § 636.

669 Cotes 27934 à 27936.

670 Cotes 28528 et 12928 : « nous l’emportons en France, définitivement…nous avons verrouillé le marché des hôpitaux…nous avons maintenant une équipe de 140 All Blacks, nous avons l’équipe la plus agressive et les employés au plus fort esprit d’équipe…nous sommes clairement en voie d’être leaders à la fois en France et en Allemagne, etc. » Traduction libre (extraits, soulignement ajouté).

671 Cote 12989.

672 Cotes 28530 à 28533.

673 Cotes 28531 à 28533.

674 Cote 23951 VC (27303 VNC). Voir également cotes 22516 et 22521.

675 Cote 24230.

676 Cotes 2336, 2337 et 2340.

677 Cotes 2362 VC (3291 VNC) et 2363.

678 Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, article premier, 2) et 3).

679 Arrêt de la Cour de justice, 16 mars 2023, Towercast SASU c/Autorité de la concurrence, Ministre chargé de l’économie, aff. C-449/21.

680 Arrêt de la Cour de justice, 16 mars 2023, Towercast SASU c/Autorité de la concurrence, Ministre chargé de l’économie, précité, point 52.

681 Voir, en ce sens, arrêts de la Cour de justice, 21 février 1973, Europemballage Corporation et Continental Can c/Commission, précité, point 26 ; 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a. c/Commission, affs. C-395/96 P et C-396/96 P, point 113 ; et arrêt de la CJUE, 16 mars 2023, Towercast SASU c/Autorité de la concurrence, Ministre chargé de l’économie, précité, point 52.

682 Arrêt de la Cour de justice, 21 février 1973, Europemballage Corporation et Continental Can c/Commission, précité, point 29.

683 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 juin 2024, RG n° 20/04300.

684 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 juin 2024, précité, § 66. Voir également arrêt du Tribunal, 10 novembre 2021, Google LLC et Alphabet Inc. c./ Commission européenne, précité, points 438, 440, 441, 503 et 504 ; arrêts de la CJUE, 14 octobre 2010, Deutsche Telekom c/Commission, précité, points 250 à 254 ; du 17 février 2011, Konkurrensverket/TeliaSonera Sverige AB, précité, points 61 à 66 ; du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a. c/Commission, précité, point 68 ; du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale SpA e.a. c/ Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato e.a, précité, points 50, 54 à 58 et 61 ; du 19 janvier 2023, Unilever Italia Mkt. Operations Srl c/ Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato, précité, points 41 à 44, 51 et 52 ; et du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, points 129 et 130.

685 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 juin 2024, précité.

686 Cotes 28542 à 28544 et 28744 à 28745.

687 Cotes 28556 et 28759 VC (30206 VNC).

688 Cote 28556.

689 Voir, en ce sens, arrêts de la Cour de justice, 21 février 1973, Europemballage Corporation et Continental Can c/Commission, précité, point 26 ; 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a. c/Commission, précité, point 113 ; et 16 mars 2023, Towercast SASU c/Autorité de la concurrence, Ministre chargé de l’économie, précité, point 52.

690 Cotes 28555 et 28556.

691 Cote 28551.

692 Cote 28748.

693 Cotes 28551 à 28552 et 28748 à 28749.

694 Cotes 28553 à 28554 VC (30002 VNC) et 28749, 28750 VC (30197) à 28751.

695 Cotes 28751 à 28752 VC (30199 VNC)

696 Pour rappel, les parts de marchés en nombre de clients de Solocal (ClicRDV) doivent être relativisées dans la mesure où, comme précisé supra, Solocal n’a pu fournir de données précises relatives au nombre de clients de sa solution, compte tenu des incertitudes liées à l’ancienneté de données qui n’ont pas été conservées au cours du temps. Dès lors, ces données sont surestimées, car elles ne tiennent pas compte du nombre de clients ayant résilié leur abonnement et ayant cessé d’être facturés sur une année donnée, ni des comptes qui ne sont plus actifs. Enfin, ces données incluent les comptes actifs, qu’ils soient en abonnement payant ou qu’ils bénéficient de l’abonnement à 0 euro de PagesJaunesDoc. Cotes 7506, 12432, 12433, 14008 à 14010.

697 Cotes 15519, 15520 et 22774.

698 Traduction libre. Cote 22774.

699 Cotes 15501, 15502, 15508, 15509, 15510 et 15511 VC (26434 et 26435 VNC), 23826 à 23828, 24113 VC, 24114 VC (27289 VNC), 24115 à 24131 VC (26441 à 26457 VNC) et 24134 à 24153.

700 Cotes 15508, 15509, 15510 et 15511 VC (26434 et 26435 VNC).

701 Cotes 24135 et 24136.

702 Voir cotes 21342, 21343 et 21397.

703 Cotes 2336 et 2337.

704 Cotes 15511 VC (26435 VNC) et 13117.

705 Cote 28751.

706 Cote 28552.

707 De plus, il convient de noter qu’avant 2017, Doctolib ne gagnait que 1,7 point de parts de marché en 2015 et en perdait 7,8 en 2016. MonDocteur gagnait, quant à elle, 27,8 points en 2015 et n’en perdait que 2,3 en 2016.

708 Pour rappel, les données transmises correspondent à des estimations, accompagnées de réserves au regard du niveau d’information limité de Doctolib. Ces données correspondent à des estimations fournies par Doctolib, entreprise ayant racheté MonDocteur en 2018. Cotes 11655 et 11656.

709 Augmentation nette du nombre d’abonnés = nouveaux abonnés – résiliations.

710 En juillet 2018. En réalité, la fusion entre les deux plateformes ne commence qu’en septembre 2018, si bien que le nombre d’abonnés sur MonDocteur en septembre 2018 est probablement plus important que 8 200 praticiens et 100 établissements.

711 Cotes 13117, 13119 et 13120.

712 https://about.doctolib.fr/news/doctolib-acquiert-mondocteur-pour-accelerer-la-transformation-des[1]cabinets-et-des-hopitaux/.

713 Cotes 15519 et 15520.

714 Entreprise créée en 2012 en Pologne, présente dans 13 pays dont l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la Pologne, le Portugal et la République tchèque et qui se présente comme la 1ère plateforme mondiale de prise de rendez-vous médicaux en ligne. Elle n’est pas présente en France.

715 Cote 15520.

716 Cote 2435 VC (27143 VNC).

717 Cote 28547.

718 Cotes 28547 et 28548

719 Cotes 13119, 13120, 23325, 23326, 23361 à 23372, 23492, 23493, 23513, 23529, 23530, 23535 à 23537, 23541 à 23543, 23551, 23557 et 23560 à 23562.

720 Cotes 13117, 13119 et 13120.

721 Les DMR s’apparentent à des objectifs mensuels fixés pour les employés de Doctolib (cote 23051 VC).

722 Cotes 23361 à 23363.

723 Traduction libre. Cote 22774.

724 Traduction libre. Cote 22776 VC (27226 VNC).

725 Traduction libre. Cote 22790.

726 Traduction libre. Cote 22791.

727 Traduction libre. Cote 22799.

728 Cote 15514.

729 Voir cote 22767 VC.

730 Cote 22806.

731 Traduction libre. Cotes 15518 à 15520.

732 Cotes 25157, 25158 et 25168.

733 Cotes 15514 et 15515 VC (26484 VNC).

734 Cotes 15519 et 15520.

735 Cotes 28554 VC (30002 VNC) et 28661 à 28664 VC (30109 à 30112 VNC) et 28665.

736 Cotes 28553, 28554 VC (30002 VNC) et 28555.

737 Cotes 28756 et 28757 VC (30203 et 3024 VNC).

738 Cotes 28757 VC (30204 VNC) à 28759 VC (30206 VNC).

739 Cote 28557.

740 Cotes 28557 à 28558.

741 Traduction libre. Cote 15520.

742 Cote 15520.

743 Cotes 13501 VC et 13524.

744 Voir notamment cotes 1311, 2523 VC, 2524 VC (27365 VNC), 13160 VC (26249 VNC), 21930 et 21931 VC (27116 VNC).

745 Cote 28555.

746 Cote 13524.

747 Le point de comparaison utilisé dans l’Étude économique « Marchés », à savoir le taux de churn d'Orange sur le marché de la téléphonie mobile conduit à une conclusion opposée. Une analyse approfondie de la pièce fournie par Doctolib révèle que le taux de churn d'Orange (annoncé à 12 %) concernerait uniquement les départs sur le premier trimestre de l'année 2024. Par ailleurs, il convient de souligner une différence significative entre ces deux marchés ; certains forfaits mobiles d’Orange sont soumis à des engagements de durée sur 12 ou 24 mois, limitant la liberté de résiliation des clients, alors que les contrats proposés par Doctolib, comme mentionné dans l’Étude, sont résiliables à tout moment.

748 Traduction libre. Cote 22774.

749 Traduction libre. Cote 15520.

750 Cote 23183.

751 Cotes 2388 et 2389 VC (14162 et 14163 VNC).

752 Cote 23125 VC (27251 VNC).

753 Cote 21353.

754 Cote 22781.

755 Décisions de l’Autorité n° 12-D-12 du 11 mai 2012 relative à la situation du groupe Colruyt au regard du I de l’article L. 430-8 du code de commerce ; n° 22-D-10 du 12 avril 2022 relative à la situation de la société Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation au regard de l’article L. 430-8 du code de commerce ; n° 20-D-01 du 16 janvier 2020 relative à une pratique mise en œuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision numérique terrestre.

756 Cotes 28558 et 28559.

757 Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JOUE, 2003, L1, p. 1.

758 Cour de cassation, 29 juin 2007, société Bouygues Télécom, n° 07-10303.

759 Cour de cassation, 12 juillet 2011, Lafarge, n° 10-17482.

760 Voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de cassation du 22 novembre 2005, société Dexxon Data Media, n° 04-19102, de la cour d’appel de Paris du 28 janvier 2009, EPSE Joué Club, n° 2008/00255, page 20, et décision de l’Autorité n° 16-D-09 du 12 mai 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs des armatures métalliques et des treillis soudés sur l’île de la Réunion, paragraphes 426 et 427, confirmée sur ce point par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mars 2018, Sermetal Réunions e.a., n° 16/14231, paragraphes 140 et 156.

761 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 novembre 2023, RG n° 20/03434, n° 20/3438, n° 20/3454, n° 20/3470 (aff. jointes), paragraphe 599, et jurisprudence citée.

762 Cotes 28564 à 28567.

763 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 juin 1994, RG n° 93/18166 et décision du Conseil de la concurrence n° 99-D-04 du 16 janvier 1999 relative à la saisine de la SA Europe Régies.

764 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 mars 2014, RG n° 2013/00714.

765 Communiqué sanctions, point 27.

766 Communiqué sanctions, points 30 et 31.

767 Rapport annuel 2012 de l’Autorité, p. 232.

768 Cote 28658 VC (30106 VNC).

769 Cotes 28658 VC (30106 VNC) et 28659

770 Arrêts de la Cour de justice, 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano S.p.A. et Commercial Solvents c/ Commission, précité, point 51 ; et 3 juillet 1991, AKZO Chemie BV c/ Commission, précité, point 162 ; 14 octobre 2010, Deutsche Telekom c/ Commission, précité, point 275 ; décisions de l’Autorité n° 09-D-36 du 9 décembre 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par Orange Caraïbe et France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, § 446, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 juillet 2013, RG n° 2012/05160, p. 32 ; n° 22-D-05 du 15 février 2022, précitée, § 413.

771 S’agissant de pratiques d’exclusivité : décision du Conseil n° 04-D-13 du 8 avril 2004, précitée, § 72 ; décisions de l’Autorité n° 12-D-25 du 18 décembre 2012, précitée, §§ 677 et 678 ; n° 16-D-14 du 23 juin 2016, précitée, §§ 958 et suivants. S’agissant de pratiques de vente liée : arrêt du TPICE, 17 septembre 2007, Microsoft Corp. /Commission, précité, points 1351 et suivants ; décision de l’Autorité n° 22-D-05 du 15 février 2022, précitée, §§ 411 et suivants.

772 Voir en ce sens les paragraphes 147 et suivants.

773 Voir en ce sens les paragraphes 160 et suivants.

774 Cotes 28569 et 28570.

775 Cotes 28569 et 28570.

776 Cote 28570.

777 Cote 28571.

778 Voir en ce sens les paragraphes 445 à 448.

779 Voir en ce sens le paragraphe 642.

780 Cotes 28571 et 28572.

781 Voir notamment les décisions de l’Autorité n° 09-D-36 du 09 décembre 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par Orange Caraïbe et France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, paragraphe 449, n° 13-D-06 du 28 février 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le marché de la télétransmission de données fiscales et comptables sous format EDI à l’administration fiscale, paragraphe 235 et n° 23-D-14 du 20 décembre 2023 relative à des pratiques mises en oeuvre dans les secteurs des consoles statiques de jeux vidéo de huitième génération et des accessoires de contrôle compatibles avec la console PlayStation 4.

782 Voir par exemple les décisions de l’Autorité n° 12-D-10 du 20 mars 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de l’alimentation pour chiens et chats, paragraphe 251 et n° 21-D-26 du 8 novembre 2021 relative à des pratiques mises en oeuvre au sein du réseau de distribution des produits de marque Mobotix, paragraphe 328.

783 Voir notamment cotes 1426 et 22717 VC (26527 VNC).

784 Voir en particulier les échanges entre les dirigeants et la direction juridique de Doctolib concernant l’exclusivité et l’allotement aux paragraphes 198 à 207.

785 Communiqué sanctions, paragraphe 32.

786 Communiqué sanctions, paragraphe 33.

787 Communiqué sanctions, paragraphe 34.

788 Cotes 28572 à 28573.

789 Cour d’appel de Paris, 21 décembre 2017, RG n° 16/15499.

790 Cour de cassation, 8 novembre 2017, société Graham & Brown e.a, n° 16-17226.

791 Cotes 28574 VC (30022 VNC), 28575 et 28576 à 28577 VC (30024 à 30025 VNC).

792 En l’espèce, la valeur des ventes retenue étant la moyenne des valeurs des ventes correspondant aux exercices comptables des années 2017 à 2023, l’Autorité a pris en compte la moyenne de chiffre d’affaires consolidé de Doctolib sur cette même période pour déterminer le pourcentage de ventes réalisées en lien avec l’infraction dans le CA consolidé.

793 Communiqué sanctions, paragraphe 6.

794 Cour de justice, 16 mars 2023, Towercast, n° C-449/21.

795 Cour de justice, 21 février 1973, Europemballage Corporation et Continental Can Company Inc. contre Commission des Communautés européennes, affaire 6-72.

796 Cote 28569.

797 Cotes 28569 et 28570.

798 Cote 28572.

799 Cotes 28568, 28569 et 28572.

800 Communiqué sanctions, points 51 et 52.

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