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Décisions

Cass. com., 21 juin 2023, n° 22-11.439

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Vigneau

Rapporteur :

Guerlot

Cass. com. n° 22-11.439

20 juin 2023

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 7 décembre 2021), par un acte du 1er septembre 2014, la société Crédit agricole mutuel de Franche-Comté (la banque) a consenti à la société Newport & Co un prêt de 200 000 euros, garanti par les engagements de caution solidaires de M. [X] et de Mme [D], son épouse, séparés de biens, dans la limite, chacun, de 100 000 euros. La société Newport & Co ayant bénéficié d'une procédure de sauvegarde puis ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement Mme [D], qui lui a opposé la nullité de son engagement à la suite de la non-inscription par la banque d'un nantissement sur le fonds de commerce de la débitrice principale et de la décharge de M. [X], dont l'engagement avait été jugé manifestement disproportionné.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. Mme [D] fait grief à l'arrêt de déclarer mal fondé et de rejeter le moyen tiré de la nullité de l'acte de cautionnement, présenté par elle en cause d'appel, et, en conséquence, de la condamner à payer à la banque la somme principale de 100 000 euros, majorée des intérêts au taux légal, alors « qu'en cas de pluralité de cautions, dont l'une vient à disparaître ultérieurement, les autres cautions peuvent invoquer la nullité de leur engagement pour erreur sur l'étendue des garanties fournies au créancier, en démontrant qu'elles avaient fait du maintien de la totalité des cautions la condition déterminante de leur propre engagement ; qu'en rejetant le moyen de nullité pour erreur dont elle était saisie par Mme [D], au seul motif erroné que la décharge de son époux cofidéjusseur en vertu d'une décision ultérieure à la conclusion du cautionnement serait impropre à caractériser un vice du consentement à la date de cet acte, sans avoir recherché, comme elle y était invitée, si celle-ci n'avait pas fait de l'engagement de son époux à ses côtés une condition déterminante de son propre engagement, de sorte qu'elle ne se serait jamais portée unique garante des dettes contractées par la société dirigée par son époux si elle avait su l'inefficacité du cautionnement souscrit par ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1110 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

3. Il résulte de ce texte qu'en cas de pluralité de cautions, dont l'une vient à disparaître ultérieurement, les autres cautions peuvent invoquer la nullité de leur engagement pour erreur sur l'étendue des garanties fournies au créancier en démontrant qu'elles avaient fait du maintien de la totalité des cautions la condition déterminante de leur propre engagement.

4. Pour rejeter la demande d'annulation du cautionnement, l'arrêt, après avoir énoncé que l'existence d'un vice du consentement s'apprécie à la date de conclusion du contrat, retient que le fait que le cofidéjusseur ait été déchargé de son engagement par décision irrévocable du 22 juin 2021 est impropre à caractériser une erreur.

5. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme [D] n'avait pas fait du maintien du cautionnement souscrit par M. [X] la condition déterminante de son propre engagement, recherche qui aurait permis d'établir si le consentement de l'intéressée avait ou non été vicié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne la société Crédit agricole mutuel de Franche-Comté aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit agricole mutuel de Franche-Comté et la condamne à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.

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