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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 20 novembre 2025, n° 24/14792

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/14792

20 novembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 20 NOVEMBRE 2025

N°2025/647

Rôle N° RG 24/14792 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BOCWA

[M] [P]

S.A.S. [F]

C/

S.A.S. SPARK TECHNOLOGY FRANCE

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Pierre-Yves IMPERATORE

Me Florence BOUYAC

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du TJ de [Localité 5] en date du 05 Décembre 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/01986.

APPELANTS

Monsieur [M] [P],

né le 29 Septembre 1959 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et assistée par Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE

S.A.S. [F],

dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et assistée par Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

S.A.S. SPARK TECHNOLOGY FRANCE

dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Florence BOUYAC de la SELAS B & F AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Elodie FONTAINE de la SELAS B & F AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Jérémie NATAF, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Octobre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Gilles PACAUD, Président, et Mme Paloma REPARAZ, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Séverine MOGILKA, Conseillère rapporteur

Madame Paloma REPARAZ, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2025,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE :

La société anonyme (SA) Iqsim a été créée en 2009, notamment par monsieur [M] [P] qui en était le président du conseil d'administration et directeur général. Son activité consistait dans la création, le développement et la commercialisation d'équipements électroniques et de solutions informatiques appliquées aux télécommunications.

La société par actions simplifiées (SAS) [F] a été créée courant 2019, notamment par M. [P]. Un contrat de prestation de services a été conclu entre les sociétés Iqsim et [F], aux termes duquel cette dernière fournissait l'hébergement de la plate-forme du logiciel [Localité 6] Suite, un support pour les utilisateurs et clients de la plate-forme et la fourniture de cartes Sim à la demande.

Par jugement du tribunal de commerce d'Antibes en date du 17 novembre 2022, la société Iqsim a été placée en redressement judiciaire. Suivant jugement de cette même juridiction en date du 14 février 2023, son fonds de commerce a été cédé à la société par actions simplifiée Spark Technology France qui s'est, par ailleurs, engagée à reprendre 8 des 9 salariés de l'entreprise et à poursuivre divers contrats, dont celui conclu avec la société [F]. Le même jour, le tribunal de commerce d'Antibes a prononcé la liquidation judiciaire de la société Iqsim.

M. [P], qui a été embauché en qualité de salarié de la société Spark Technology France à compter du 15 février 2023, a été licencié pour faute grave le 23 juin 2023. Il a contesté ce licenciement et saisi le conseil des prud'hommes le 27 juillet 2023. La procédure est en cours.

Suivant délibération de l'assemblée générale du 1er juillet 2023, M. [P] a été désigné en qualité de président de la société [F].

Suite à des factures impayées, cette société a fait assigner la société Spark Technology France par acte de commissaire de justice en date du 6 septembre 2023, devant le tribunal de commerce de Nice, aux fins de la voir condamner, notamment, au paiement desdites factures et à mettre à sa disposition le logiciel Iron Suite pour la période du 1er septembre 2023 au 20 février 2024. Cette procédure est en cours.

Par requête en date du 2 octobre 2023, la société Spark Technology France a saisi le président du tribunal judiciaire de Grasse aux fins de voir désigner un commissaire de justice avec mission de se rendre au domicile de M. [P] (à défaut de pouvoir se rendre au siège social de la société [F] qui n'est qu'une simple boîte aux lettres) avec mission notamment :

- d'accéder aux ordinateurs, téléphones portables/smartphones, tablettes, clés USB et disques durs se trouvant au domicile de M. [P] ;

- de prendre copie de tous documents et messages électroniques à caractère non personnel échangés, dans la période comprise entre le 15 février 2023 et le jour du constat, entre ce dernier et les salariés de la société Spark Technology France, les clients de la société Spark Technology France ou les prestataires de la société Spark Technology France et entre M. [P] ou la société [F] avec les clients ou prestataires de la société Spark Technology France contenant divers mots clés listés dans la requête, de tous documents ou messages électroniques à caractère

non personnel relatifs aux relations entre M. [P] ou la société [F] et divers clients listés dans la requête, de tous documents et messages électroniques échangés par ou avec M. [P] à l'adresse courriel @ultiroam.com et contenant des éléments en lien avec l'activité d'Iqsim depuis sa reprise par la société Spark Technology France, permettant de prouver que M. [P] se fait passer pour le dirigeant d'IQSIM auprès des clients de la société Spark Technology France depuis le plan de cession, démontrant que M. [P] fait oeuvre de concurrence déloyale à l'encontre de la société Spark Technology France ou relatifs aux clients ou fournisseurs de la société Spark Technology France, de tous documents et messages électroniques relatifs à Iqsim et la société Spark Technology France ainsi qu'à Iqsim et [F] dont le libellé ou le contenu est lien avec le présent litige, de tous fichiers créés, téléchargés, partagés ou enregistrés sur la même période dont les propriétés indiquent que l'auteur, le propriétaire, une personne ayant modifié ou enregistré le document contiendrait les mots clés, séparés ou combinés : Spark, Iqsim, Box ou les noms des clients listés.

Par ordonnance datée du 19 octobre 2023, Mme la premère vice-présidente du tribunal judiciaire de Grasse a fait droit à ces demandes.

Suivant acte de commissaire de justice en date du 8 décembre 2023, M. [P] et la société [F] ont fait assigner la société Spark Technology France, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse (référé rétractation), à l'effet de voir, au visa des articles 496 et 497 du code de procédure civile :

1) In limine litis : sur l'incompétence du tribunal judiciaire de Grasse :

- dire et juger que l'acte de cession du fonds de commerce de la société Iqsim au bénéfice de la société Spark Technology France comprend une clause attributive de compétence au bénéfice du tribunal de Commerce d'Antibes pour tout litige s'y rapportant ;

- déclarer irrecevable la requête devant le tribunal judiciaire de Grasse ;

- renvoyer la société Spark Technology France à mieux se pourvoir ;

- rétracter l'ordonnance rendue par la présidence du tribunal judiciaire de Grasse à la requête de la société Spark Technology France ;

2) A titre subsidiaire : irrecevabilité de la requête in futurum sur le constat d'une procédure pendante au fond opposant les mêmes parties :

- dire et juger que les parties étaient engagées sur une procédure au fond devant le tribunal de Commerce de Nice antérieurement au dépôt de la requête in futurum ;

- renvoyer la société Spark Technology France à mieux se pourvoir ;

- rétracter l'ordonnance rendue par la présidence du tribunal judiciaire de Grasse à la requête de la société Spark Technology France ;

3) A titre très subsidiaire : rétractation de l'ordonnance querellée qui ne mentionne ni la légitimité du motif ayant présidé à la prescription des mesures réclamées, ni la nécessité de déroger au principe de la contradiction, étant observé qu'elle ne comporte pas non plus de renvoi au motif de la requête :

- dire et juger que l'ordonnance querellée ne mentionne ni la légitimité du motif ayant présidé à la prescription des mesures réclamées, ni la nécessité de déroger au principe de la contradiction ;

- dire et juger que l'ordonnance querellée ne comporte pas non plus de renvoi aux motifs de la requête ;

- rétracter l'ordonnance rendue par la présidence du tribunal judiciaire de Grasse à la requête de la société Spark Technology France ;

4) A titre très très subsidiaire : sur la justification imprécise et non circonstanciée par la société Spark Technology France du risque de disparition des preuves :

- dire et juger que la requête in futurum de la société Spark Technology France est imprécise et non justifiée sur le risque de disparition des preuves ;

- rétracter l'ordonnance rendue par la présidence du tribunal judiciaire de Grasse à la requête de la société Spark Technology France ;

5) A titre très très très subsidiaire : sur l'absence de motifs légitimes :

- dire et juger que la requête in futurum de la société Spark Technology France ne développe aucun motif légitime ;

- rétracter l'ordonnance rendue par la présidence du tribunal judiciaire de Grasse à la requête de la société Spark Technology France ;

6) A titre très très très très subsidiaire : sur le caractère mensonger des propos tenus par le requérant :

- dire et juger que la requête in futurum de la société Spark Technology France s'appuie sur des affirmations mensongères et en toutes hypothèses non avérées ;

- rétracter l'ordonnance rendue par la présidence du tribunal judiciaire de Grasse à la requête de la société Spark Technology France ;

7) A titre très très très très très subsidiaire : dans l'hypothèse où la présidence ne réserverait pas de suite favorable à la demande d'annulation de l'ordonnance :

- juger que les informations et documents appréhendés par le commissaire de justice demeureront consignés entre ses mains, sans faculté de communication à la société Spark Technology France et ce, dans l'attente d'une décision de justice qui devra être revêtue de l'autorité de la chose jugée après expiration ou purge de toutes les voies de recours exercées ou susceptibles de l'être ;

8) En tout état de cause :

- déclarer recevable la présente procédure ;

- débouter purement et simplement la société Spark Technology France de l'ensemble des demandes ;

- rétracter l'ordonnance rendue par la présidence du tribunal judiciaire de Grasse à la requête de la société Spark Technology France ;

En conséquence,

- condamner Spark Technology France au paiement de 10 000 euros d'amende au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- condamner Spark Technology France au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Agnetti Eric, Avocat ;

- ordonner l'exécution provisoire de l'ordonnance sur minutes.

Par ordonnance contradictoire en date du 5 décembre 2024, le juge des requêtes statuant en rétractation du tribunal judiciaire de Grasse a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Spark Technology France, tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du juge des référés ;

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. [P] et la société [F] et dit que le président du tribunal judiciaire de Grasse était compétent pour statuer sur la requête ;

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [P] et la société [F] tirée de l'irrecevabilité de la requête présentée par la société Spark Technology France sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;

- débouté M. [P] et la société [F] de leur demande de rétractation de l'ordonnance rendue par Mme la première vice-présidente du tribunal judiciaire de Grasse le 19 octobre 2023 sur requête de la société Spark Technology France ;

- déclaré M. [P] et la société [F] irrecevables en leur demande tendant à voir ordonner la consignation des informations et documents appréhendés entre les mains du commissaire de justice instrumentaire dans l'attente d'une décision de justice revêtue de l'autorité de la chose jugée ;

- déclaré M. [P] et la société [F] irrecevables en leur demande tendant à voir condamner la société Spark Technology France au paiement de 10 000 euros d'amende au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [P] et la société [F] aux entiers dépens ;

- condamné in solidum M. [P] et la société [F] à payer à la société Spark Technology France la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [P] et la société [F] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ce magistrat a, notamment, considéré que :

- aucune irrégularité ni irrecevabilité n'affectait le référé-rétractation initié par M. [P] et la société [F] dans la mesure où ils avaient initié cette procédure par voie d'assignation en référé devant le ou la présidente du tribunal judiciaire, qui avait rendu l'ordonnance sur requête critiquée, et où la procédure de référé était applicable dans le cas d'une demande de rétractation ;

- la requête déposée par la société Spark Technology France ne reposait pas sur des motifs relevant de l'interprétation ou de l'exécution de l'acte de cession intervenu avec la société Iqsim mais visait le comportement de M. [P] et des actes de concurrence déloyale qui lui étaient reprochés relevant de sa responsabilité extra-contractuelle de sorte que la clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de Nice invoquée n'avait pas lieu d'être appliquée ;

- la procédure initiée par la société [F] à l'égard de la société Spark Technology France portant sur des factures impayées et la poursuite du contrat de prestations de service n'avait pas le même objet que la requête qui visait des agissements de concurrence déloyale imputés à M. [P] ;

- l'instance prud'homale était afférente à la contestation du licenciement de M. [P] tandis que la requête portait sur des agissements de concurrence déloyale susceptibles d'engager la responsabilité personnelle de celui-ci sur le fondement de l'article 1240 du code civil, concernant également une période postérieure au licenciement ;

- l'ordonnance ayant été rendue au visa exprès de la requête et des pièces qui y étaient annexées et renvoyant ainsi nécessairement aux motifs développés dans la requête, le moyen tiré de l'absence de motivation de l'ordonnance sur requête en ce qu'elle ne mentionnait ni la légitimité du motif ayant présidé à la prescription des mesures réclamées, ni la nécessité de déroger au principe de la contradiction devait être écarté ;

- il existait des indices sérieux permettant de considérer comme vraisemblables les faits de concurrence déloyale, dénigrement ou parasitisme imputables à M. [P] et à la société [F], suspectés par la société Spark Technology France et ainsi un motif légitime à obtenir la mesure sollicitée, car :

- M. [P] avait contacté au mois de mai 2023 un partenaire ou client de la société Spark Technology France en vue de créer une société concurrente ;

- lors de son licenciement pour faute grave avec mise à pied immédiate, M. [P] avait refusé de remettre son téléphone portable professionnel et ne l'avait restitué que quelques jours plus tard, après en avoir effacé toutes les données, et il avait également refusé de communiquer les codes d'accès de son ordinateur professionnel qui ne comportait aucun élément professionnel récent ;

- en septembre 2023, le suivi de la plate-forme Box, serveur de la société, avait démontré que M. [P] s'était introduit sur la plate-forme, avait accédé à des fichiers de la société Spark Technology France contenant des données sensibles puis les avait supprimés ; il avait téléchargés des données de la plate-forme à plusieurs reprises ;

- le blog désigné par l'URL « blog.iqsim.com » renvoyait en fait vers les blogs de la société [F] ou de M. [P] et comportait l'exposé par ce dernier des griefs qu'il avait à l'encontre de la société Spark Technology France ;

- M. [P] se présentaite toujours, sur son profil Linkedin, comme le fondateur et dirigeant de Iqsim ;

- M. [P] avait adressés plusieurs messages à des partenaires de la société Iqsim ou la société Spark Technology France dans lesquels il communiquait sur son licenciement, sur ses relations avec cette dernière et ses dirigeants ;

- le non-respect du contradictoire était justifié par la nécessité de conserver un effet de surprise, les risques de dissimulation ou de destruction de documents nécessaires à l'action envisagée et l'impossibilité pour la requérante d'obtenir autrement les éléments de preuve recherchés, d'autant que M. [P] disposait d'une compétence particulière dans le domaine de l'informatique ;

- les mesures ordonnées n'étaient pas disproportionnées au regard des intérêts en présence ou ne porteraient pas une atteinte injustifiée au secret des affaires dès lors qu'elles étaient circonscrites dans le temps et limitées à certains documents.

Par déclarations transmises les 12 et 20 décembre 2024, M. [P] et la société [F] ont interjeté appel de la décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dument reprises.

Par ordonnance en date du 23 janvier 2025, les deux instances ont été jointes.

Par conclusions transmises le 29 septembre 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [P] et la société [F] demandent à la cour de :

- les recevoir en leurs appels et les déclarer bien fondés ;

- débouter purement et simplement la société Spark Technology France de ses demandes ;

- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Spark Technology France, tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du juge des référés ;

- réformer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. [P] et la société [F] et dit que le président du tribunal judiciaire de Grasse était compétent pour statuer sur la requête ;

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [P] et la société [F] tirée de l'irrecevabilité de la requête présentée par la société Spark Technology France sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;

- débouté M. [P] et la société [F] de leur demande de rétractation de l'ordonnance rendue par Mme la première vice-présidente du tribunal judiciaire de Grasse le 19 octobre 2023 sur requête de la société Spark Technology France ;

- déclaré M. [P] et la société [F] irrecevables en leur demande tendant à voir ordonner la consignation des informations et documents appréhendés entre les mains du commissaire de justice instrumentaire dans l'attente d'une décision de justice revêtue de l'autorité de la chose jugée ;

- déclaré M. [P] et la société [F] irrecevables en leur demande tendant à voir condamner la société Spark Technology France au paiement de 10 000 euros d'amende au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [P] et la société [F] aux entiers dépens ;

- condamné in solidum M. [P] et la société [F] à payer à la société Spark Technology France la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [P] et la société [F] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant de nouveau,

1) sur les moyens soulevés in limine litis :

a) sur l'incompétence du tribunal judiciaire de Grasse :

- dire et juger que l'acte de cession du fonds de commerce de la société Iqsim au bénéfice de la société Spark Technology France comprend une clause attributive de compétence au bénéfice du tribunal de commerce d'Antibes pour tout litige s'y rapportant ;

- déclarer irrecevable la requête devant le tribunal judiciaire de Grasse ;

- renvoyer la société Spark Technology France à mieux se pourvoir ;

- rétracter l'ordonnance rendue par la présidence du tribunal judiciaire de Grasse à la requête de la société société Spark Technology France en date du 19 octobre 2023 ;

b) sur l'irrecevabilité de la requête in futurum sur le constat d'une procédure pendante au fond opposant les mêmes parties :

- dire et juger que les parties étaient engagées sur une procédure au fond devant le tribunal de commerce de Nice antérieurement au dépôt de la requête in futurum, outre la procédure pendante par devant le conseil des prud'hommes de Grasse ;

- renvoyer la société Spark Technology France à mieux se pourvoir ;

- rétracter l'ordonnance rendue par la présidence du tribunal judiciaire de Grasse à la requête de la société Spark Technology France en date du 19 octobre 2023 ;

2) Sur le fond :

a ) à titre principal : rétractation de l'ordonnance querellée qui ne mentionne ni la légitimité du motif ayant présidé à la prescription des mesures réclamées, ni la nécessité de déroger au principe de la contradiction, étant observé qu'elle ne comporte pas non plus de renvoi au motif de la requête :

- dire et juger que l'ordonnance querellée ne mentionne ni la légitimité du motif ayant présidé à la prescription des mesures réclamées, ni la nécessité de déroger au principe de la contradiction ;

- dire et juger que l'ordonnance querellée ne comporte pas non plus de renvoi au motif de la requête ;

- rétracter l'ordonnance rendue par la présidence du tribunal judiciaire de Grasse à la requête de la société Spark Technology France en date du 19 octobre 2023 ;

b) à titre subsidiaire : sur la justification imprécise et non circonstanciée par la société Spark Technology France du risque de disparition des preuves :

- dire et juger que la requête in futurum de la société Spark Technology France est imprécise et non justifiée sur le risque de disparition des preuves ;

- rétracter l'ordonnance rendue par la présidence du tribunal judiciaire de Grasse à la requête de la société Spark Technology France en date du 19 octobre 2023 ;

c) à titre très subsidiaire : sur l'absence de motifs légitimes :

- dire et juger que la requête in futurum de la société Spark Technology France ne développe aucun motif légitime ;

- rétracter l'ordonnance rendue par la présidence du tribunal judiciaire de Grasse à la requête de la société Spark Technology France en date du 19 octobre 2023 ;

d) à titre infiniment subsidiaire : sur le caractère mensonger des propos tenus par le requérant :

- dire et juger que la requête in futurum de la société Spark Technology France s'appuie sur des affirmations mensongères et en toutes hypothèses non avérées,

- rétracter l'ordonnance rendue par la présidence du tribunal judiciaire de Grasse à la requête de la société Spark Technology France en date du 19 octobre 2023 ;

e) en toutes hyopthèses :

- rétracter l'ordonnance rendue par la présidence du tribunal judiciaire de Grasse à la requête de la société Spark Technology France en date du 19 octobre 2023 ;

En conséquence,

- condamner la société Spark Technology France à restituer les informations et pièces remises entre ses mains ;

- enjoindre à la société Spark Technology France de ne pas exploiter lesdites informations, ni les divulguer de quelque manière et ce, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard ;

- condamner la société Spark Technology France au paiement de 10 000 euros d'amende au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- débouter la société Spark Technology France de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la société Spark Technology France à 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens d'instance, ceux d'appel distraits au profit de Maître Pierre-Yves Imperatore, membre de la Selarl LX Aix en Provence, avocat associé, aux offres de droit.

Au soutien de leurs prétentions, M. [P] et la société [F] exposent, notamment, que :

- les faits invoqués dans la requête se rapportent à la cession du fonds de commerce de la société IQSIM au profit de la société Spark Technology France ;

- la requête vise d'ailleurs l'obtention de pièces en vue de prouver que M. [P] se fait passer pour le dirigeant de la société IQSIM auprès des clients de la société Spark Technology France depuis le plan de cession ;

- la clause attributive de compétence insérée dans l'acte de cession au profit du tribunal de commerce de Nice doit donc s'appliquer ;

- lors du dépôt de la requête, la société [F] avait déjà assigné, devant le tribunal de commerce de Nice, la société Spark Technology France qui avait mis fin unilatéralement au contrat ;

- la procédure prud'homale en contestation du licenciement de M. [P] était aussi initiée, procédure au cours de laquelle la société Spark Technology France a produit l'ordonnance du déférée ;

- ainsi, des procédures présentant des liens étant pendantes, il ne pouvait être fait droit à une mesure in futurum ;

- l'ordonnance sur requête ne mentionne ni la légitimité du motif ayant présidé à la prescription des mesures réclamées ni la nécessité de déroger au principe du contradictoire et aucun renvoi au motif de la requête ;

- la société Spark Technology France ne justifie pas du risque de disparition des preuves ;

- celle-ci ne justifie pas d'éléments justifiant de la réalité des faits allégués de sorte qu'elle ne dispose pas d'un motif légitime ;

- la mesure prise permet à la société Spark Technology France d'avoir accès à tous les échanges de la société [F], ce qui porte atteinte au droit à un procès équitable ;

- M. [P] n'a pas commis d'actes de dénigrement car il a rapporté des faits qui sont publiques et librement accessibles ;

- il n'a pas plus commis un pillage de données à des fins de détournement de clientèle : il n'est pas établi qu'il aurait vidé son téléphone portable ou son ordinateur ;

- il était propriétaire du blog de la société Iqsim, blog qui ne figure pas dans les éléments cédés à la société Spark Technology France de sorte qu'il ne peut être retenu une confusion, un plagiat ou piratage du site de cette dernière ;

- il ne peut y avoir de confusion dans le libellé de son curriculum vitae figurant sur linkedin et ainsi de parasitisme ;

- il n'a pas été en possession d'une tablette appartenant à la société Sparke Technology France ;

- les faits allégués de détournements de clientèles non étayés ne peuvent justifier une mesure d'instruction et faire dépendre en quoi que ce soit l'issue d'une éventuelle action.

En réponse à l'appel incident formulé par la société Sparke Technology France afférent au rejet de la fin de non-recevoir tiré du défaut de pouvoir juridictionnel du juge des référés, M. [P] et la société [F] soulignent qu'ils ont saisi le juge ayant rendu la requête au visa des articles 496 et 497 du code de procédure civile et que la demande en rétractation est appelée à une audience de référés.

Par conclusions transmises le 11 septembre 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Spark Technology France demande à la cour de :

- déclarer M. [P] et la société [F] irrecevables et mal fondés dans leur appel ;

Y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut

de pouvoir juridictionnel du juge des référé ;

- déclarer irrecevable la présente procédure pour défaut de pouvoir juridictionnel ;

En conséquence,

- débouter les appelantes de l'ensemble de leurs demandes ;

- confirmer l'ordonnance pour le surplus :

A titre subsidiaire,

- débouter les appelantes de l'ensemble de leurs demandes visant à déclarer la requête in futurum irrecevble ;

En tout état,

- condamner in solidum M. [P] et la société [F] au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, la société Spark Technology France fait, notamment, valoir que :

- la mesure d'instruction in futurum n'a pas pour objet de contester l'acte de cession ou de discuter son interprétation et concerne M. [P] qui n'est pas commerçant, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer la clause attributive de compétence prévue dans l'acte de cession de la société Iqsim ;

- la mesure d'instruction in futurum vise à établir la preuve d'actes déloyaux et frauduleux commis par M. [P] et [F], relevant de la responsabilité délictuelle, ce qui ne présente pas de lien avec le cadre contractuel de la procédure initiée devant le tribunal de commerce par la société [F] ;

- la procédure prud'hommale porte sur les conséquences de la rupture du contrat de travail et ne recouvre donc pas les griefs de concurrence déloyale et parasitisme invoqués au soutien de la mesure ;

- le juge des référés saisi par M. [P] n'a pas le pouvoir de se prononcer sur la rétractation de l'ordonnance sur requête ;

- elle justifie d'un motif légitime en raison :

- des actes de dénigrement commis à son encontre : M. [P] a tenté de jeter le discrédit à l'égard de la société en prenant contact avec ses clients et partenaires ;

- du pillage de données à des fins de détournement de clientèle : M. [P] a vidé son téléphone et son ordinateur, s'est introduit dans la plateforme de dossiers partagés, a téléchargé des données confidentielles et les a supprimées ;

- de la confusion, du plagiat et du piratage du site appartenant à la société Sparke Technology France : les clients, prospects et partenaires de la société Iqsim sont redirigés sur le blog personnel de M. [P] lorsqu'il consulte le site de la société ;

- du parasitisme : M. [P] se réclame encore fondateur et dirigeant de la société Iqsim et tire profit indument de la notoriété de la société Sparke Technology France ;

- les faits de concurrence déloyale sont plausibles ;

- la dérogation au principe du contradictoire était nécessaire au regard du risque de disparition de preuves compte tenu des compétences techniques et informatiques de M. [P] et de sa maîtrise des droits de la défense ;

- la mesure est strictement encadrée dans le temps et son objet.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 30 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constater', 'donner acte', 'dire et/ou juger' ou 'déclarer' qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d'appel.

- Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du juge des référés :

Aux termes de l'article 495 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au seul vu de la minute. Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée.

L'article 496 de ce même code dispose que s'il n'est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l'ordonnance n'émane du premier président de la cour d'appel. Le délai d'appel est de quinze jours. L'appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse. S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance.

Suivant l'article 497 de ce code, le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire.

En application de ces dispositions, la demande de rétractation est portée devant le juge qui a statué sur la requête dans le cadre d'un référé-rétractation qui est soumis à la procédure de référé.

En l'espèce, l'assignation délivrée par M. [P] et la société [F] est intitulée « assignation devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse, référé rétractation, articles 496 et 497 du code de procédure civile ». Elle donne assignation à la société Spark Technology France d'avoir à comparaître « par devant Madame ou Monsieur le président du tribunal judiciaire de Grasse, statuant en référé ». Les demandes figurant au dispositif, au visa des articles 496 et 497 du code de procédure civile, s'adressent à la présidence du tribunal judiciaire de Grasse.

Eu égard à l'intitulé de l'assignation, au visa des articles du code de procédure civile et à la présentation des demandes à la présidence du tribunal judiciaire qui est une formule manifestement maladroite renvoyant au président du tribunal ayant rendu l'ordonnance sur requête, la procédure initiée par M. [P] et la société [F] est un référé-rétractation.

Ce référé-rétractation s'exerçant suivant la procédure de référé, il a été présenté à une audience de référé.

Pour autant, il ne peut être déduit que le juge des référés a été saisi. Les formules figurant dans l'assignation ne sont pas équivoques. Elles visent un référé-rétractation s'exerçant devant le président du tribunal judiciaire de Grasse, suivant les règles de la procédure de référé.

Dès lors, le premier juge a, à juste titre, rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Spark Technology France, tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du juge des référés.

L'ordonnance déférée doit être confirmée de ce chef.

- Sur l'incompétence du tribunal judiciaire de Grasse :

En vertu de l'article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.

Suivant l'article L 211-3 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction.

En l'espèce, M. [P] et la société [F] invoquent l'application de la clause attributive de compétence figurant à l'article 30 des actes de cession des actifs de la société Iqsim qui stipule que « toutes les contestations qui pourraient naître au sujet de l'interprétation ou de l'exécution des présentes seront de la compétence exclusive du tribunal de commerce d'Antibes ».

Cependant, les actes de cession des actifs de la société Iqsim établis sur le fondement des dispositions des articles L 631-22 et R 631-42 du code de commerce et en application du jugement de plan de cession rendu par le tribunal de commerce d'Antibes en date du 14 février 2023, comme cela est mentionné dans l'intitulé, ont été signés par Maître [J] [S] prise en sa qualité d'administrateur judiciaire et M. [W] [Z] pris en sa qualité de président en exercice de la société Spark Technology France.

M. [P] et la société [F] ne sont pas parties aux actes de cession qui ne leur sont donc pas opposables. Ils ne peuvent revendiquer l'application à leur profit d'une convention qu'ils n'ont pas signée.

En tout état de cause, la clause attributive de compétence vise les litiges relatifs à l'interprétation des actes de cession des actifs de la société Iqsim ou leur exécution. Or, la requête aux fins d'obtenir une mesure d'instruction in futurum se fonde sur des comportements déloyaux et fautifs imputés à M. [P] et la société [F] tels que, notamment, l'usurpation de la qualité de dirigeants d'Iqsim auprès de clients, le détournement de clientèle, le dénigrement et le pillage de données stratégiques de la société Spark Technology France, ce qui est sans lien avec l'exécution des actes de cession s'inscrivant dans la procédure de liquidation judiciaire de la société Iqsim.

Dès lors, le président du tribunal judiciaire de Grasse était compétent pour statuer sur la requête présentée par la société Spark Technology France.

L'ordonnance déférée doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence du tribunal judiciaire de Grasse au profit du tribunal de commerce d'Antibes.

- Sur l'irrecevabilité de la requête in futurum sur le constat d'une procédure pendante au fond opposant les mêmes parties :

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Pour que le motif de l'action soit légitime, la demande de mesure d'instruction doit reposer sur des faits précis, objectifs et vérifiables qui permettent de projeter un litige futur, qui peut n'être qu'éventuel, comme plausible et crédible.

L'existence d'une instance en cours constitue un obstacle au prononcé d'une mesure d'instruction in futurum si l'instance au fond porte sur les faits, objet du litige dans la perspective duquel la mesure est sollicitée.

En l'espèce, au jour du dépôt de la requête aux fins d'obtenir la mesure d'instruction in futurum, deux procédures étaient pendantes : l'une devant le tribunal de commerce de Nice et l'autre devant le conseil de prud'hommes de Grasse.

- Sur l'irrecevabilité en lien avec la procédure pendante devant le tribunal de commerce de Nice :

Cette procédure oppose la société [F] à la société Spark Technology France.

L'assignation délivrée le 6 septembre 2023, produite aux débats, permet de relever que le litige est afférent à l'exécution d'un contrat de prestation de service liant initialement les sociétés [F] et Iqsim, poursuivi avec la société Spark Technology France dans le cadre de la cession des actifs de la société Iqsim. Ce contrat porte sur l'hébergement de la plateforme logicielle [Localité 6] Suite, le support des utilisateurs et clients de la plateforme ainsi que la fourniture de cartes Sim. La société [F] invoque des factures impayées et sollicite la poursuite du contrat dans le cadre de cette instance devant le tribunal de commerce.

L'objet de ce litige ne présente aucun lien avec la requête qui se fonde, comme mentionné précédemment, sur des comportements déloyaux et fautifs imputés à M. [P] et la société [F] s'inscrivant dans un contexte de concurrence déloyale, étrangers à l'exécution du contrat de prestation de service.

Aussi, aucune irrecevabilité de la requête in futurum ne peut être retenue en lien avec la procédure pendante au fond devant le tribunal de commerce de Nice.

L'ordonnance déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir en raison de la procédure pendante devant le tribunal de commerce de Nice.

- Sur l'irrecevabilité en lien avec la procédure pendante devant le conseil de prud'hommes de Grasse :

Cette procédure oppose M. [P] et la société Spark Technology France. Elle a pour objet la contestation du licenciement de M. [P] intervenu le 23 juin 2023.

A la lecture de la lettre de licenciement produite aux débats, il apparaît que cette mesure est fondée sur un comportement déloyal du salarié. La société Spark Technology France invoque, plus précisément, un détournement de clientèle en raison du contact avec un client pour lui proposer de créer une nouvelle société et de vendre les produits de la société indépendamment. Elle fait aussi état de la restitution du téléphone portable professionnel réinitialisé plusieurs jours après la demande lors de la mise à pied du salarié, de la restitution de l'ordinateur professionnel qui n'a pas été utilisé depuis 2020, du refus de communiquer les codes d'accès à ces équipements et subséquemment de l'absence d'accès à la prestation professionnelle de son salarié et aux clients avec lesquels il a travaillé.

Tant la requête aux fins de saisine du conseil de prud'hommes présentée par M. [P] que les conclusions récapitulatives n° 2 de la société Spark Technology France transmises dans le cadre de l'instance prud'homale confirment que le débat porte sur le comportement déloyal imputé au salarié et le détournement de clientèle.

Or, la requête présentée aux fins d'obtenir la mesure d'instruction in futurum est fondée sur les agissements déloyaux de M. [P]. Elle vise expressément les faits reprochés à M. [P] dans la lettre de licenciement : un démarchage actif de partenaires et des clients de la société afin de créer une société concurrente, la suppression de données contenues sur son téléphone portable et sur l'ordinateur professionnels, remis avec retard pour le premier et opposant un refus de communiquer les codes d'accès pour le second ( paragraphe 51 ).

Certes, la société fait aussi état de la diffusion à sa clientèle d'informations dénigrantes, d'une usurpation de l'identité du dirigeant de la société mais aussi d'une introduction sur le cloud de la société, du téléchargement de données et de la suppression de celles-ci sur le cloud, pour étayer une potentielle action en concurrence déloyale. Cependant, ces éléments font aussi partie des débats devant le conseil de prud'hommes comme cela résulte des conclusions de la société transmises dans le cadre de l'instance prud'homale.

Si la mesure d'instruction sollicitée ne concerne pas que M. [P] mais aussi la société [F], il doit être relevé que M. [P] est le président de la société [F] et que cette société est présentée comme étant la structure permettant l'exercice de la concurrence déloyale invoquée de sorte que les éléments recherchés à l'égard de la société sont aussi afférents à l'instance prud'homale.

Par ailleurs, la requête aux fins d'obtenir la mesure d'instruction in futurum, à laquelle il a été fait droit, limite la recherche des documents et messages électroniques sur la période du 15 février 2023 au jour du constat devant être réalisé entre les 5 octobre et 30 novembre 2023. Or, le contrat de travail liant M. [P] à la société Spark Technology France a débuté le 15 février 2023 pour prendre fin le 23 juin 2023. La période de recherche intègre donc toute la durée de la relation de travail.

La société requérante sollicite donc manifestement une mesure destinée à recueillir des éléments afférents à la concurrence déloyale, motif du licenciement de M. [P], ceci postérieurement à l'introduction de l'instance prud'homale.

Certes, la requête vise une période postérieure au contrat de travail mais les éléments pouvant être recueillis sont nécessairement de nature à confirmer ou infirmer les agissements invoqués sur la période antérieure et, à tout le moins, les contextualisent de sorte qu'ils concernent le procès en cours.

Au vu de ces éléments, la requête aux fins d'obtention d'une mesure d'instruction in futurum présentée par la société Spark Technology France a été déposée alors que l'instance prud'homale était déjà en cours et porte sur des faits qui sont débattus au cours de la dite instance. Aussi, il ne peut être retenu que l'exigence d'une saisine avant tout procès, condition de recevabilité de la demande, est remplie.

Dès lors, la requête aux fins d'obtention d'une mesure d'instruction in futurum présentée par la société Spark Technology France doit être déclarée irrecevable et l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Grasse rendue le 19 octobre 2023 à la requête de la société Spark Technology France rétractée.

Il échet également d'ordonner la restitution par la société Spark Technology France de l'ensemble des informations et pièces appréhendées par Maître [C] [T], dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance du 19 octobre 2023, qui lui ont été remises conformément au protocole transactionnel intervenu entre la société et Maître [T].

Tous les actes réalisés en exécution de l'ordonnance rétractée étant nuls en raison de la perte de fondement juridique, la demande présentée par M. [P] la société [F] tendant à voir enjoindre à la société Spark Technology France de ne pas exploiter lesdites informations, ni les divulguer de quelque manière et ce, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard, est sans objet.

- Sur la demande d'amende au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile :

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

Il convient de rappeler que le débat relatif au prononcé d'une amende civile ne peut être initié par les parties qui ne peuvent se prévaloir, sur ce point, d'aucun intérêt matériel ou moral.

Cette demande de M. [P] et la société [F] sera donc déclarée irrecevable.

Dès lors, l'ordonnance déférée doit être confirmée de ce chef de demande.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

L'ordonnance déférée doit être infirmée en ce qu'elle a condamné in solidum M. [P] et la société [F] aux dépens et à verser à la société Spark Technology France la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Spark Technology France qui succombe à l'instance doit être déboutée de sa demande formulée sur le fondement de ce texte. Il serait, en revanche, inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais non compris dans les dépens, qu'ils ont exposés. Il leur sera donc alloué une somme de 5 000 euros à ce titre.

La société Spark Technology France devra, en outre, supporter les dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Maître Pierre-Yves Imperatore, membre de la Selarl LX Aix en Provence, avocat associé.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Spark Technology France, tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du juge des référés ;

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. [P] et la société [F] et dit que le président du tribunal judiciaire de Grasse était compétent pour statuer sur la requête ;

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [P] et la société [F] tirée de l'irrecevabilité de la requête présentée par la société Spark Technology France sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile en raison de la procédure pendante devant le tribunal de commerce de Nice :

- déclaré irrecevable M. [M] [P] et la société [F] en leur demande tendant à voir condamner la société Spark Technology France au paiement d'une amende de 10 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable la requête aux fins d'obtention d'une mesure d'instruction in futurum présentée par la société Sparke Technology France en raison de la procédure pendante devant le conseil de prud'hommes de Grasse ;

Rétracte l'ordonnance en date du 19 octobre 2023 rendue par Mme la première vice-présidente du tribunal judiciaire de Grasse, commettant Maître [T] ;

Constate la perte de fondement juridique et donc la nullité de tous les actes en exécution de ladite ordonnance ;

Ordonne la restitution par la société Spark Technology France, à M. [M] [P] et la société [F], de l'ensemble des informations et pièces appréhendées par Maître [C] [T], dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance du 19 octobre 2023, qui lui ont été remises conformément au protocole transactionnel intervenu entre la société et Maître [T] ;

Rappelle qu'en raison de la perte de fondement juridique des actes réalisés en exécution de l'ordonnance rétractée, la société Spark Technology France ne peut exploiter ni divulguer les informations obtenues ;

Condamne la société Spark Technology France à verser à M. [M] [P] et la société [F] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Spark Technology France de sa demande présentée sur ce même fondement ;

Condamne la société Spark Technology France aux dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Maître Pierre-Yves Imperatore, membre de la Selarl LX Aix en Provence, avocat associé.

La greffière Le président

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