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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 6 novembre 2025, n° 20/08117

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 20/08117

6 novembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 6 NOVEMBRE 2025

(n° , 42 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08117 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB56J

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mai 2020 - Tribunal de Commerce de Créteil - RG n° 2008F00614

APPELANTE

S.A.S. [46] prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 1]

[Localité 17]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro [N° SIREN/SIRET 14]

Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

Assistés par Mes Olivier DIAZ et Rosalie LECHAT, avocats au barreau de PARIS, toque : T03 et Me Gabriel HANNOTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R182

INTIMÉS

M. [Y] [Z]

[Adresse 6]

[Localité 21]

S.A.S. [52]

[Adresse 2]

[Localité 18]

Immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro [N° SIREN/SIRET 10]

S.A.S. [56]

[Adresse 4]

[Localité 20]

Immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro [N° SIREN/SIRET 11]

Représenté par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocate au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistés par Me Etienne RIONDET, avocat au barreau de PARIS, toque : R24

Mme [F] [Z]

De nationalité française

Née le [Date naissance 5] 1942 à [Localité 40] (56)

[Adresse 6]

[Localité 21]

Mme [E] [Z]

De nationalité française

Née le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 54]

[Adresse 16]

[Localité 12]

M. [P] [Z]

De nationalité française

Né le [Date naissance 19] 1978 à [Localité 54]

[Adresse 7]

[Localité 21]

Représentés par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

Assistés par Me Kyun Chan LEE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0202

S.A. [Z] [42] agissant poursuites et diligences de son mandataire ad-hoc, la S.C.I. [55] [A], représentée par Me [K] [A]

[Adresse 15]

[Localité 21]

Immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro [N° SIREN/SIRET 23]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée par Me François ALTMEYER, avocat au barreau de PARIS, toque : L99

S.A.S.U. [29] agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 22]

Immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro [N° SIREN/SIRET 13]

Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Assistée par Me Frédéric NAQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : B386

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Raoul CARBONARO, Président de chambre

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Caroline TABOUROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Raoul CARBONARO, président, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La société par actions simplifiée [46] est actionnaire de la société anonyme [27] anciennement dénommée [29] (anciennement dénommée [29], ci-après [Z] [42]), cotée sur le marché [39] depuis 1966 et dont le fondateur et président directeur général est M. [Y] [Z]. En juillet 2007, elle a acquis 5,99 % du capital de [Z] [42], pour un montant net de 17,5 millions d' euros. Elle a ensuite conservé la quasi-intégralité de ses titres [Z] [42]. Ce n'est que dans le cadre de l'offre publique de retrait initiée le 2 mars 2021 par [51], une société détenue par M. [Y] [Z], qu'elle a cédé la quasi-intégralité de sa participation. Aux termes de l'offre de retrait, elle bénéficie d'un complément de prix qui lui sera versé par [51] dans l'hypothèse où l'action présentée devant la cour prospérerait.

M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], son épouse, Mme [E] [Z], sa fille, et M. [P] [Z], son fils, sont ou ont été administrateurs membres du conseil d'administration de [Z] [42].

M. [Y] [Z] dirige en outre les sociétés civiles immobilières [52] et [56] d'autre part.

La SAS [29] est détenue à 100 % par la SA [Z] [42], qui la préside. M. [Y] [Z] est le président de la SA [27].

Dans le cadre de la gestion de la holding, il a été décidé que [29] céderait les murs de ses magasins aux sociétés civiles immobilières dont M. [Y] [Z] était le gérant, qui ne sont pas détenues par la SA [Z] [42].

La SAS [46] allègue qu'elle a progressivement découvert que M. [Y] [Z], ès-qualités de dirigeant de [Z] [42] et de [29] avait conclu de nombreuses conventions entre :

- d'une part, [Z] [42] ou [29], à l'époque la principale filiale du groupe coté [Z] [42] ;

- d'autre part, les sociétés [56], [50] et leurs filiales, sociétés patrimoniales de M. [Y] [Z] ;

et que M. [Y] [Z] se trouvait donc dans une situation de conflit d'intérêts dans la mesure où il a représenté deux parties aux intérêts antagonistes dans de très nombreuses transactions.

Considérant que M. [Y] [Z] a commis une faute de gestion en cédant à une société qu'il détient à 99,99 % une filiale de la société [29] à un prix qu'elle considère très largement inférieur à sa valeur réelle et élargissant ultérieurement ses demandes à trois autres cessions et plus généralement à la politique immobilière du groupe, la société [46] a assigné devant le tribunal de commerce de Créteil M. [Y] [Z], en sa qualité de président du conseil d'administration et Mme [F] [Z], son épouse, Mme [E] [Z], sa fille, ainsi que M. [P] [Z], en leur qualité d'administrateurs en responsabilité pour fautes de gestion, demandant la compensation du manque à gagner subi par la SA [Z] [42] à l'occasion de ces cessions.

Par un premier jugement en date du 13 septembre 2011, le Tribunal de commerce de Créteil a ordonné un sursis à statuer dans l'attente « des décisions de l'Autorité des Marchés Financiers et du Parquet de Paris, à la suite de sa saisine par l'Autorité des Marchés Financiers, le 9 juin 2010 ».

Par un jugement du 11 mars 2013, le tribunal statuant en premier ressort a :

Débouté M. [Y] [Z], la société [52] et la société [56], les sociétés [29], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] de leurs demandes de prononcer l'irrecevabilité des demandes de la SAS [46],

Débouté M. [P] [Z], la société [52] et la société [56] de leurs demandes de sursis à statuer,

Avant dire droit sur le fond, nommé en qualité d'expert Mme [W], avec mission de :

se faire communiquer par les sociétés [29] SA et [29] tous contrats portant sur des cessions immobilières entre lesdites sociétés et les sociétés [52] et [56],

analyser ces contrats pour déterminer si leurs conditions générales et les prix de cession correspondent aux règles habituelles pour ce type d'opérations et au prix de marché du moment,

se faire communiquer par les sociétés [29] SA et [29] tous contrats portant sur des cessions de contrats de crédit-bail immobilier aux sociétés [52] et [56],

analyser ces contrats pour déterminer si leurs conditions générales et les prix de cession correspondent aux règles habituelles dans ce type d'opération et au prix du marché du moment,

se faire communiquer la liste des magasins du groupe [29] dont les sociétés [52] et [56] sont les bailleurs,

analyser les baux commerciaux correspondants et indiquer s'ils respectent les conditions habituelles pour ce type de location commerciale et les prix de marché du moment où ils ont été conclus,

analyser en particulier les garanties qu'auraient pu fournir les sociétés [29] SA et [29] au titre de ces baux commerciaux et vérifier s'ils ressortent des conditions habituelles dans ce type de contrat,

dire si les loyers et charges sont révisés et payés conformément aux contrats,

entendre tout sachant,

dans l'hypothèse où il apparaîtrait que les contrats cités ci-dessus n'auraient pas respecté les conditions générales habituelles et les conditions de marché du moment où ils ont été conclus, établir la différence financière pour la durée ayant couru de la date de signature jusqu'au 31 décembre 2012,

établir la différence financière entre le 31 décembre 2012 et la date d'échéance des baux,

dans l'hypothèse où il apparaîtrait que les conditions des contrats n'ont pas été respectées, établir les conséquences financières de ce non-respect,

Autorisé l'expert à se faire assister, si besoin est, par tout sapiteur de son choix,

Dit que l'expert dressera de ses opérations un rapport qu'il déposera au greffe de ce tribunal dans un délai de neuf mois à compter de la consignation de la provision et que dans l'attente de ce dépôt, l'affaire sera inscrite au rôle des mesures d'instruction,

Dit que la SAS [46] devra consigner au greffe de ce tribunal dans un délai de deux mois du prononcé du présent jugement une provision de 20.000,00 euros à valoir sur la rémunération de l'expert ainsi qu'une somme de 110,00 euros au titre des frais de greffe ; et qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque,

Dit qu'en cas de difficultés rencontrées par l'expert dans l'accomplissement de sa mission, il en sera référé au juge chargé du contrôle des mesures d'instruction qui en suivra l'exécution,

Débouté la SAS [46] de toutes ses autres demandes concernant l'incident de communication de pièces.

Après le refus de la SAS [46] de verser une consignation complémentaire, l'expert a déposé son rapport en l'état le 19 juillet 2017.

Par jugement en date du 19 mai 2020, le tribunal :

Dit recevable à titre de demandes additionnelles les prétentions de la société [46], incluses dans ses « conclusions additionnelles » déposées à l'audience publique du 9 mars 2010 et déboute les parties défenderesses de leur demande de ce chef,

Dit prescrites toutes les conclusions de contrats de location non résiliables entre [29] et les sociétés dont M. [Y] [Z] est Président et propriétaire, intervenues plus de 3 ans avant le 9 mars 2010,

Dit prescrite la cession de la société [37] et toute opération décidée postérieurement au 9 mars 2010 intervenue plus de 3 ans avant le 19 juin 2018,

Dit la société [46] recevable à rechercher la responsabilité solidaire des membres du conseil d'administration de [29], pour les décisions prises entre le 1er avril 2004 et le 14 février 2011,

Dit mal fondée la société [46] en sa demande de dire et juger qu'en faisant acquérir un immeuble de bureau, les actifs de deux filiales d'énergie électrique et 99 magasins par les sociétés dont il est président et propriétaire, M. [Y] [Z] a commis des fautes de gestion engageant sa responsabilité en sa qualité de dirigeant de la société [Z] [42] et l'en déboute,

Dit mal fondée la société [46] en sa demande de dire et juger que Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] ont coopéré à des agissements fautifs engageant leur responsabilité à l'égard de la société [Z] [42] et l'en déboute,

Déboute la société [46] de sa demande de condamner solidairement M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à la société [Z] [42] la somme de 239 millions d' euros et une somme comprise entre 18 et 45 millions d' euros,

Déboute la société [46] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice financier,

Déboute la société [46] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

Déboute M. [Y] [Z], et les sociétés [56] et la société [52] de leur demande de condamner la société [46] à payer des dommages et intérêts à M. [Y] [Z] au titre du préjudice moral,

Déboute Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] de leurs demandes de condamner la société [46] à leur payer des dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne la société [46] à payer à chacun des trois défendeurs, M. [Y] [Z], la société [56] et la société [52] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboute M. [Y] [Z], la société [56] et la société [52] du surplus de leurs demandes,

Condamne la société [46] à payer à chacun des trois défendeurs, Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] la somme de 4 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboute Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] du surplus de leurs demandes,

Condamne la société [46] à payer à la société [27], la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboute la société [27] du surplus de sa demande,

Déboute la société [46] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

Condamne la société [46] aux dépens,

Liquide les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 1499,99 euros T.T.C (dont 20,00% T.V.A.).

Par déclaration formée par voie électronique le 26 juin 2020, la SAS [46] a interjeté appel du jugement critiquant l'entièreté de son dispositif.

Par ordonnance en date du 18 novembre 2021, le conseiller de la mise en état :

Constate qu'il a été déféré à la demande de communication de pièces et dit n'y avoir plus lieu de statuer sur cette demande,

Déclare irrecevables les prétentions nouvelles de la SAS [46] articulées dans ses conclusions du 25 septembre 2020 et du 16 août 2021 s'agissant :

sur la Cession de Nouvergies

o Juger que M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] ont commis des fautes de gestion engageant leur responsabilité en cédant [53] à un prix anormalement bas à M13, une société personnelle de M. [Z] ;

en conséquence,

o Condamner solidairement M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à [Z] [42] la somme de 91 295 719 euros à titre de dommages-intérêts ;

sur l'acquisition par M. [Z], via ses sociétés personnelles, du parc immobilier exploité par [Z] [42]

o Juger que M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] ont commis des fautes de gestion engageant leur responsabilité en faisant systématiquement acquérir les murs dans lesquels [Z] [42] exerçait ou comptait exercer son activité par les sociétés personnelles de M. [Y] [Z], et ce, aux frais de [Z] [42], via des loyers surévalués ;

o Juger que M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] ont commis des fautes de gestion engageant leur responsabilité en s'abstenant systématiquement et délibérément de respecter la procédure des conventions réglementées s'agissant des opérations litigieuses ;

en conséquence, et à titre principal,

o Juger qu'il en a résulté pour [Z] [42] une perte de chance de devenir propriétaire des murs dans lesquels elle exerçait son activité ;

o Condamner solidairement M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à [Z] [42] la somme de 488 millions d' euros à titre de dommages-intérêts ;

À titre subsidiaire,

o Juger que [Z] [42] a acquitté, année après année, des loyers surévalués, et ce, sans contrepartie ;

o Condamner solidairement M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à [Z] [42] la somme de 111 millions d' euros à titre de dommages-intérêts ;

Déboute la SA [Z] [42] de sa demande de déclarer irrecevables les demandes de la SAS [46] en son nom personnel,

Condamne la SAS [46] à payer à Mme [F] [Z], à Mme [E] [Z], à M. [P] [Z] et à la SA [Z] [42], chacun, la somme de 7000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS [46] à payer à M. [Y] [Z] la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens de l'incident seront joints aux dépens de la procédure au fond.

Par arrêt du 2 juin 2022, la cour statuant sur le déféré de cette ordonnance :

Infirme l'ordonnance en ce qu'a déclaré irrecevables comme nouveaux les moyens et prétentions relatifs à la cession de Nouvergies, et les moyens et prétentions relatifs à la violation de la procédure des conventions réglementées, et en ce qu'elle a condamné la SAS [46] à payer la somme de 7000 euros à chacun des administrateurs, Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z], et la somme de 5000 euros à M. [Y] [Z],

Statuant à nouveau,

Déclare ses moyens et prétentions recevables,

Se déclare incompétente pour connaître de la demande de dommages et intérêts formés par la société [29],

Réserve les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'examen au fond du dossier, dit que les dépens de l'incident seront joints aux dépens de la procédure au fond.

Par ordonnance en date du 25 mai 2023, le conseiller de la mise en état :

Rejette l'exception d'irrecevabilité de la demande de nomination d'un mandataire ad hoc fondée sur le fait qu'il s'agit d'une demande nouvelle,

Fait droit à la demande de désignation d'un mandataire ad hoc,

Désigne la SCP [G] et [A] prise en la personne de Me [A], administrateur judiciaire, avec comme mission :

o prendre connaissance de l'ensemble des écritures et pièces de la présente procédure, ainsi que de tous documents complémentaires,

o représenter [27] dans le cadre de la présente instance avec l'assistance du conseil de son choix,

o se faire remettre par les dirigeants de [27] ou ses employés, s'il estime opportun, tous documents et informations utiles à l'exercice de sa mission,

Dit que les frais et honoraires résultant de l'accomplissement du mandat ad hoc seront supportés par [27],

Ordonne le versement d'une provision de 10 000 euros à valoir sur les honoraires et frais du mandataire ad hoc directement entre les mains du mandataire,

Ordonne à la SAS [46] de verser ladite provision dans un délai de 15 jours à réception de la présente décision,

Dit que cette provision lui sera remboursée par la société [27] sur la preuve du versement de celle-ci entre les mains du mandataire ad hoc désigné, à première demande, et en tant que de besoin condamne la société [27] à rembourser à la SAS [46] la somme de 10 000 euros en cas de versement de cette somme mandataire ad hoc par la SAS [46],

Dit n'y avoir lieu d'ordonner une quelconque astreinte,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que les dépens de l'accident seront joints aux dépens du fond,

Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 7 septembre 2023 pour intervention volontaire du mandataire ad hoc.

Par arrêt rendu du 25 avril 2024, en suite du déféré de cette ordonnance, la cour :

Rejette la demande de nullité de la requête en déféré-nullité,

Déclare recevable la requête en déféré-nullité,

Rejette la demande de nullité de l'ordonnance du conseiller de la mise en état,

Laisse à chaque partie la charge de ses propres frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens du déféré-nullité seront joints aux dépens du fond.

Par conclusions n° 6 notifiées et déposées par voie électronique le 18 juin 2025, la SAS [46] demande à la cour de :

La juger recevable en son appel,

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

« Dit prescrites toutes les conclusions de contrats de location non résiliables entre [29] et les sociétés dont M. [Z] est Président et propriétaires, intervenues plus de 3 ans avant le 9 mars 2010,

Dit prescrite la cession de la société [37] et toute opération décidée postérieurement au 9 mars 2010 intervenue plus de 3 ans avant le 19 juin 2018 »,

« Dit mal fondée la société [46] en sa demande de dire et juger qu'en faisant acquérir un immeuble de bureau, les actifs de deux filiales d'énergie électrique et 99 magasins par les sociétés dont il est président et propriétaire, M. [Y] [Z] a commis des fautes de gestion engageant sa responsabilité en sa qualité de dirigeant de la société [Z] [42] et l'en déboute,

Dit mal fondée la société [46] en sa demande de dire et juger que Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] ont coopéré à des agissements fautifs engageant leur responsabilité à l'égard de la société [Z] [42] et l'en déboute,

Déboute la société [46] de sa demande de condamner solidairement M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à la société [Z] [42] la somme de 239 millions d' euros et une somme comprise entre 18 et 45 millions d' euros,

Déboute la société [46] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice financier,

Déboute la société [46] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral »,

« Condamne la société [46] à payer à chacun des trois défendeurs, M. [Y] [Z], la société [56] et la société [52] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile »,

« Condamne la société [46] à payer à chacun des trois défendeurs Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] la somme de 4 .000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile »,

« Condamne la société [46] à payer à la société [27] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société [46] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile »,

« Condamne la société [46] aux dépens »,

Et statuant à nouveau sur l'ensemble de ces points,

Sur la procédure,

Juger que les prétentions et moyens de la SAS [46] sont recevables et non prescrits,

En conséquence,

Rejeter les demandes tendant à ce que les prétentions et moyens de la SAS [46] soient déclarés irrecevables et prescrits ;

Au fond,

Sur les fautes commises au préjudice de [Z] [42],

Sur la Cession de [53]

Juger que M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] ont commis des fautes de gestion engageant leur responsabilité en cédant [53] à un prix anormalement bas à [52], une société personnelle de M. [Y] [Z],

En conséquence,

Condamner solidairement M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à [Z] [42] la somme de 91 295 719 euros à titre de dommages-intérêts,

Sur l'acquisition par M. [Y] [Z], via ses sociétés personnelles, du parc immobilier exploité par [Z] [42],

Juger que M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] ont commis des fautes de gestion engageant leur responsabilité en faisant systématiquement acquérir les murs dans lesquels [Z] [42] exerçait ou comptait exercer son activité par les sociétés personnelles de M. [Y] [Z], et ce, aux frais de [Z] [42],

Juger que M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] ont commis des fautes de gestion engageant leur responsabilité en s'abstenant systématiquement et délibérément de respecter la procédure des conventions réglementées s'agissant des opérations litigieuses,

En conséquence,

Juger qu'il en a résulté pour [Z] [42] une perte de chance de devenir propriétaire des murs dans lesquels elle exerçait son activité,

Condamner solidairement M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à [Z] [42] la somme de 488 millions d' euros à titre de dommages-intérêts,

2) Sur les fautes commises au préjudice de la SAS [46] à titre personnel,

Juger que M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] ont commis une faute engageant leur responsabilité en publiant des informations financières incomplètes et inexactes,

Juger qu'il en a résulté pour la SAS [46] une perte de chance de s'être abstenue d'investir dans [Z] [42] et de réaliser un autre investissement, ainsi qu'un préjudice moral,

En conséquence,

Condamner solidairement M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à la SAS [46] la somme de 21,1 millions d' euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ladite perte de chance,

Condamner solidairement M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à la SAS [46] la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

3) Sur l'appel incident des intimés

Juger, après avoir relevé d'office la tardiveté des conclusions notifiées par [29], que celles-ci sont irrecevables ;

Juger que les demandes indemnitaires formées par M. [Y] [Z], M13 et Primo Brico au titre d'une prétendue procédure abusive sont infondées ;

Juger que les demandes indemnitaires formées par Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] au titre d'un prétendu préjudice moral sont infondées ;

Juger que la demande indemnitaire formée par [29] au titre de l'engagement de la responsabilité extracontractuelle de [46] est infondée ;

Rejeter lesdites demandes indemnitaires ;

Débouter M. [Y] [Z], [52], [56], Mme [F] [Z], Mme [E]

[Z], M. [P] [Z], [Z] [42] et [29] de leurs appels incidents ;

En tout état de cause

Débouter M. [Y] [Z], M13, [56], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z], M. [P] [Z], [Z] [42] et [29] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Juger l'arrêt à intervenir commun et opposable à [Z] [42] ainsi qu'à [29] ;

Condamner solidairement les intimés à verser à la SAS [46] la somme de 150 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées et déposées par voie électronique le 12 décembre 2024, la SA [27] demande à la cour de :

Déclarer recevables et bien fondées les conclusions, fins, moyens et prétentions de [27], représentée par la SCP [G] et [A], prise en la personne de Maître [K] [A], ès qualités de mandataire ad hoc de [27] ;

En conséquence,

Sur les demandes de [46] portant sur la cession de [53],

Prendre acte que le mandataire ad hoc de [27] s'en remettra à l'analyse de la cour d'appel ;

Sur les demandes de [46] portant sur l'acquisition par les sociétés personnelles de M. [Y] [Z] du parc immobilier dans lequel [27] exploite son activité :

Confirmer, en l'état, à défaut d'une nouvelle expertise judiciaire, la décision rendue par le Tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a dit mal fondée [46] en ses demandes et l'en a déboutée ;

Débouter la SAS [46] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Sur le surplus,

Prendre acte que le mandataire ad hoc de [Z] [42] s'en remettra à l'analyse de la cour d'appel.

Par conclusions n° 4 notifiées et déposées par voie électronique le 1er juillet 2025, la société [52], la société [56] et M. [Y] [Z] demandent à la cour de :

Déclarer irrecevables les prétentions de la SAS [46], relatives à l'acquisition par M. [Z], via ses sociétés personnelles, du parc immobilier exploité par [Z] [42] tendant à solliciter la condamnation des intimés à somme de 488 000 000 euros ;

Juger prescrites et infondées les prétentions de la SAS [46] ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

« Dit prescrites toutes les conclusions de contrats de location non résiliables entre [29] et les sociétés dont M. [Z] est Président et propriétaires, intervenues plus de 3 ans avant le 9 mars 2010 et déboute les parties défenderesses de leur demande de ce chef.

Dit prescrites toutes les conclusions de contrats de location non résiliables entre [29] et les sociétés dont M. [Z] est Président et propriétaire, intervenues plus de 3 ans avant le 9 mars 2010.

Dit prescrite la cession de la société [37] et toute opération décidée postérieurement au 9 mars 2010 intervenue plus de 3 ans avant le 19 juin 2018.

Dit la société [46] recevable à rechercher la responsabilité solidaire des membres du Conseil d'Administration de [29], pour les décisions prises entre le 1er avril 2004 et le 14 février 2011.

Dit mal fondée la société [46] en sa demande de dire et juger qu'en faisant acquérir un immeuble de bureau, les actifs de deux filiales d'énergie électrique et 99 magasins par les sociétés dont il est président et propriétaire, M. [Y] [Z] a commis des fautes de gestion engageant sa responsabilité en sa qualité de dirigeant de la société [Z] [42] et l'en déboute.

Dit mal fondée la société [46] en sa demande de dire et juger que Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] ont coopéré à des agissements fautifs engageant leur responsabilité à l'égard de la société [Z] [42] et l'en déboute.

Déboute la société [46] de sa demande de condamner solidairement M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à la société [Z] [42] la somme de 239 millions d' euros et une somme comprise entre 18 et 45 millions d' euros.

Déboute la société [46] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice financier.

Déboute la société [46] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral.

Déboute Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] de leurs demandes de condamner la société [46] à leur payer des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Condamne la société [46] à payer à chacun des trois défendeurs, M. [Y] [Z], la société [56] et la société [52] la somme de 10.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et déboute M. [Y] [Z], la société [56] et la société [52] au surplus de leurs demandes.

Condamne la société [46] à payer à chacun des trois défendeurs Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] la somme de 4.000,00 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et déboute Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] du surplus de leurs demandes.

Condamne la société [46] à payer à la société [27] la somme de 6.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboute la société [Z] [42] du surplus de sa demande.

Déboute la société [46] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

Condamner [46] à verser à M. [Y] [Z] une somme de 250 000 euros à titre de réparation du préjudice moral ;

Recevoir M. [Y] [Z], la société [56] et [52] en leur demande et condamner la SAS [46] à verser à chacun la somme de 100 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société [46] en tous les dépens, y compris les honoraires de l'expert judiciaire, dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL [8], en la personne de Maître [L] [B], en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées et déposées par voie électronique le 30 avril 2025, Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] demandent à la cour de :

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 19 mai 2020 en ce qu'il a jugé comme suit :

« Dit prescrites toutes les conclusions de contrats de location non résiliables entre [29] et les sociétés dont M. [Z] est Président et propriétaire, intervenues plus de 3 ans avant le 9 mars 2010. »

« Dit prescrite la cession de la société [37] et toute opération décidée postérieurement au 9 mars 2010 intervenue plus de 3 ans avant le 19 juin 2018. »

« Dit mal fondée la société [46] en sa demande de dire et juger qu'en faisant acquérir un immeuble de bureau, les actifs de deux filiales d'énergie électrique et 99 magasins par les sociétés dont il est président et propriétaire, M. [Y] [Z] a commis des fautes de gestion engageant sa responsabilité en sa qualité de dirigeant de la société [Z] [42] et l'en déboute. »

« Dit mal fondée la société [46] en sa demande de dire et juger que Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] ont coopéré à des agissements fautifs engageant leur responsabilité à l'égard de la société [Z] [42] et l'en déboute. »

« Déboute la société [46] de sa demande de condamner solidairement M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à la société [Z] [42] la somme de 239 millions d' euros et une somme comprise entre 18 et 45 millions d' euros. »

« Déboute la société [46] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice financier. »

« Déboute la société [46] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral. »

« Condamne la société [46] à payer à chacun des trois défendeurs, M. [Y] [Z], la société [56] et la société [52] la somme de 10.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboute M. [Y] [Z], la société [56] et la société [52] du surplus de leurs demandes. »

« Condamne la société [46] à payer à chacun des trois défendeurs, Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] la somme de 4.000,00 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboute Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] du surplus de leurs demandes. »

« Condamne la société [46] à payer à la société [27], la somme de 6.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboute la société [Z] [42] du surplus de sa demande. »

« Déboute la société [46] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »

« Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement. »

« Condamne la société [46] aux dépens. »

« Liquide les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 1499,99 euros T.T.C (dont 20,00% T.V.A.). ».

Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 19 mai 2020 en ce qu'il a jugé :

« Dit la société [46] recevable à rechercher la responsabilité solidaire des membres du Conseil d'Administration de [29], pour les décisions prises entre le 1er avril 2004 et le 14 février 2011. »

« Déboute Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] de leurs demandes de condamner la société [46] à leur payer des dommages et intérêts pour procédure abusive. »

A titre principal :

Déclarer que les demandes de la SAS [46] sont irrecevables ;

Déclarer que les demandes de la SAS [46] sont prescrites ;

A titre subsidiaire :

Juger que Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] n'ont commis aucune faute susceptible d'engager leur responsabilité ;

Débouter la SAS [46] de l'intégralité de ses demandes ;

En tout état de cause :

Condamner la SAS [46] à payer à Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z], chacun, la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamner la SAS [46] à une amende civile du montant qu'il plaira à la cour de fixer ;

Condamner la SAS [46] à payer à Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z], chacun, la somme de 300 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SAS [46] aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées et déposées par voie électronique le 11 janvier 2023, la société [29] demande à la cour de :

Condamner la société [46] à verser à la société [29] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamner la société [46] à verser à la société [29] la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juillet 2025 pour une plaidoirie en audience le 11 septembre 2025.

SUR CE

I Sur l'action ut singuli :

11 Sur la recevabilité de l'action ut singuli à l'encontre des administrateurs :

Moyens des parties :

La SAS [46] expose qu'il ne fait aucun doute que les administrateurs de [27] ont qualité à défendre dans le cadre de la présente instance dès lors que l'action qu'elle a initiée à leur encontre se fonde sur l'article L. 225-251 du code de commerce ; le simple fait que les administrateurs n'aient pas siégé pendant la totalité de la période de mise en 'uvre du schéma immobilier litigieux ne saurait aboutir à l'irrecevabilité de la demande formée à leur encontre, et relève d'une défense au fond ; l'affirmation des administrateurs selon laquelle « dès lors que la faute alléguée est collective, qu'elle concerne solidairement l'ensemble des administrateurs, l'action n'est recevable que si elle est dirigée contre tous les membres du conseil d'administration ayant participé à ladite décision fautive » est dépourvue de fondement textuel, jurisprudentiel ou doctrinal ; elle se heurte à la disposition précitée qui admet un traitement différencié des administrateurs.

Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] répliquent qu'en application de l'article L. 225-252 du code de commerce, dès lors que la faute alléguée est collective, qu'elle concerne solidairement l'ensemble des administrateurs, l'action n'est recevable que si elle est dirigée contre tous les membres du conseil d'administration ayant participé à ladite décision fautive ; dans le même sens, la prétention émise contre un administrateur qui n'a pas participé à la décision prétendument fautive, notamment s'il n'était pas en fonction au moment des faits reprochés, est irrecevable ; ce défendeur est en effet dépourvu du droit d'agir au sens de l'article 32 du code de procédure civile ; Mme [F] [Z] a siégé au conseil d'administration du 2 avril 1992 au 14 février 2011 ; Mme [E] [Z] siège au conseil d'administration depuis le 2 avril 1992 ; M. [P] [Z] siège au conseil d'administration depuis le 1er avril 2004 ; en première instance, [46] a reproché aux intimés, la captation fautive de 101 opportunités d'affaires, entre 1996 et 2016 ; que selon la thèse alors développée, chacune de ces opérations, prise isolément, était fautive en raison d'un prétendu conflit d'intérêts ; dans ce cadre, le tribunal a fort justement retenu que la responsabilité solidaire des administrateurs intimés ne pouvait pas être recherchée pour toutes les opérations critiquées alors même qu'ils ne siégeaient pas tous au conseil d'administration de [Z] [42] pendant la période litigeuse ; le tribunal a ainsi considéré que la société appelante n'était recevable à rechercher la responsabilité solidaire des administrateurs intimés que « pour les décisions prises entre le 1er avril 2004 et le 14 février 2011 » dès lors que c'est sur cette seule période que les trois administrateurs intimés siégeaient ensemble au conseil ; qu'à l'exception de la cession de [53] qui est la seule opération critiquée isolément, l'appelante prétend engager la responsabilité solidaire des administrateurs intimés pour avoir coopéré à une faute de gestion globale qui consisterait à avoir mis en place une politique spoliatrice dont les contours ne sont pas clairement précisés ; à ce titre, l'appelante demande à la cour de « condamner non seulement M. [Y] [Z], mais également les administrateurs de son groupe familial, dont la complicité active ou passive a permis la poursuite de ce schéma spoliateur pendant vingt-cinq ans » ; à aucun moment, elle n'allègue une faute individuelle à l'encontre des trois administrateurs intimés qui serait distincte de la faute collective de l'ensemble des membres du conseil d'administration (dont ils n'étaient pas les seuls représentants) ; qu'elle prétend au contraire que le simple fait que les administrateurs intimés « ont siégé pendant la majeure partie de cette période » (et non l'intégralité) suffirait à mettre en cause leur responsabilité solidaire « sans avoir à démontrer la commission d'une faute individuelle de la part de chacun d'entre eux tout au long de la période soupçonnée » ;

Ils ajoutent qu'ils n'étaient pas les seuls membres du conseil d'administration au cours de la période litigieuse ; il est impossible de statuer sur une faute collective du conseil d'administration sans appeler dans la cause l'ensemble des administrateurs composant cet organe au jour de la décision en question ; admettre le contraire reviendrait à statuer sur la responsabilité d'administrateurs en leur absence puisque la cour de cassation retient que chaque membre de cet organe est présumé avoir commis une faute individuelle, solidairement avec les autres membres, lorsque le conseil d'administration prend une décision fautive ; il ne suffit pas d'invoquer la commission d'un soi-disant « manquement continu » pour mettre en cause la responsabilité d'un administrateur au titre de décisions du conseil d'administration auxquelles il n'a pas participé ; l'appelante n'identifie aucune des opérations qu'elle critique, de sorte qu'il est impossible de déterminer la période exacte à laquelle le « schéma immobilier litigieux » aurait été mis en place et si les administrateurs intimés avaient été en fonction lorsque les opérations critiquées ont été décidées ; cette imprécision quant à la faute alléguée a deux conséquences : elle porte atteinte aux droits de la défense des administrateurs intimés et elle rend impossible la caractérisation d'une qualité à défendre ; que les dispositions de l'article L. 225-251, alinéa 2, du code de commerce n'introduisent aucune dérogation aux articles 14 et 32 du code de procédure civile.

Réponse de la cour :

L'article L. 225-251 du code de commerce énonce que :

« Les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Si plusieurs administrateurs ou plusieurs administrateurs et le directeur général ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage. »

L'article L. 225-252 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, applicable au litige, ajoute que :

« Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120 soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués. »

L'action n'est recevable à l'encontre des personnes visées que si ces dernières avaient la qualité d'administrateur à la date des faits qui leur sont reprochés.

Commet une faute individuelle chacun des membres du conseil d'administration ou du directoire d'une société anonyme qui, par son action ou son abstention, participe à la prise d'une décision fautive de cet organe, sauf à démontrer qu'il s'est comporté en administrateur prudent et diligent, notamment en s'opposant à cette décision (Com., 30 mars 2010, pourvoi n° 08-17.841, Bull. 2010, IV, n° 69). Les fautes individuelles ayant abouti à une prise de décision dommageable par le conseil d'administration constituent une faute commune entraînant la responsabilité solidaire de ses auteurs, sauf à la juridiction saisie de déterminer ensuite la part de responsabilité de chacun.

Dès lors, contrairement à ce que les consorts [Z] soutiennent, la recevabilité de la demande de condamnation solidaire des administrateurs dont la responsabilité est recherchée pour leur faute individuelle ne nécessite pas la mise en cause de l'ensemble des membres du conseil d'administration alors même qu'une demande de condamnation solidaire serait formée à leur encontre.

La société appelante ne conteste pas que :

Mme [F] [Z] a siégé au conseil d'administration du 2 avril 1992 au 14 février 2011 ;

Mme [E] [Z] siège au conseil d'administration depuis le 2 avril 1992 ;

M. [P] [Z] siège au conseil d'administration depuis le 1er avril 2004.

Cependant, la démonstration d'une faute individuelle de chaque administrateur dans les prises de décision contestées est nécessaire, de telle sorte que les demandes dirigées à leur encontre ne sont recevables que dès lors qu'ils ont participé à une prise de décision qualifiée de litigieuse.

S'agissant de la vente de la société [53], cette cession est intervenue en deux temps, avec la conclusion d'une promesse de vente le 10 décembre 2006, puis la conclusion d'un contrat de cession le 15 janvier 2007, pour un prix de 3,7 millions d' euros. Les trois administrateurs en cause étaient membres du conseil d'administration à ces dates.

Il s'ensuit que l'action ut singuli est recevable à l'encontre des trois administrateurs en ce qui concerne cette vente.

S'agissant des autres opérations, dès lors que la société appelante allègue de différentes fautes commises sur l'ensemble de la période durant laquelle chacun des administrateurs a été en fonction, la demande est recevable, l'imputation des différentes fautes à chacun des administrateurs relevant d'une défense au fond.

Par conséquent, le jugement qui a partiellement déclaré irrecevables les demandes de la SAS [46] sera infirmé sur ce point.

12 Sur la contestation des opérations immobilières :

- Sur la recevabilité devant la cour de la demande tendant à la condamnation solidaire de M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à [Z] [42] la somme de 488 millions d' euros à titre de dommages-intérêts en suite de l'arrêt du 2 juin 2022 :

M. [Y] [Z], [52] et la société [56] exposent que sous couvert de la recevabilité de sa demande, l'appelante fait reposer l'élément causal essentiel de sa démonstration sur le montant surévalué des loyers ; on ne peut que considérer que dans le contexte de la demande de la SAS [46], les loyers surévalués sont la source et l'origine des « frais de [Z] [42] » qui ont permis l'acquisition de biens immobiliers ; les prétentions relatives à l'acquisition par M. [Z], via ses sociétés personnelles du parc immobilier exploité par [Z] [42], étaient déjà exposées, pratiquement dans les mêmes termes, en première instance ; après avoir rappelé que la société a indiqué dans un dire à l'expert du 16 juillet 2013 que la surévaluation des loyers abusifs était « un point hors du litige », position réitérée dans ses conclusions du 23 mars 2017, la cour, dans son arrêt du 2 juin 2022, juge que « la société [45] est par suite irrecevable à soulever ce moyen et cette prétention en cause d'appel, même à titre subsidiaire, alors qu'elle avait fait le choix de ne pas en débattre devant les premiers juges » ; qu'il s'agit donc d'une violation des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile.

Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] exposent que la SAS [46] ne peut présenter à nouveau cette demande devant la cour qui se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 2 juin 2022 ; elle ne peut en outre modifier ses prétentions dans des conclusions ultérieures, sauf à se heurter au principe de concentration des demandes fixées à l'article 910-4 du code de procédure civile ; la société n'a pas tiré les conséquences de la décision de la cour en se contentant de supprimer dans ses conclusions les termes « surévaluation des loyers » ; cependant, son argumentaire reste inchangé ; il tend donc à critiquer la prétendue acquisition par M. [Y] [Z], via des sociétés personnelles, du parc immobilier exploité par la SA [Z] [42] ; l'unique moyen attaché à la demande de condamnation d'un montant de 488 millions d' euros qui n'a pas encore été définitivement déclaré irrecevable est tiré de la procédure des conventions réglementées ; il n'y a pas de distinction entre le moyen tiré de la captation d'opportunités d'affaires et des conditions de fixation des loyers et celui afférent à la procédure des conventions réglementées, dès lors que cette violation de procédure aboutit, selon l'appelante, à une surévaluation de loyer qui a permis les acquisitions litigieuses ; la critique de [46] se résume en effet à soutenir que M. [Y] [Z] se serait constitué un patrimoine immobilier, aux frais de [Z] [42], en faisant supporter à cette dernière le coût du crédit-bail immobilier par le biais de loyers surévalués.

La SAS [46] réplique que les moyens au soutien de sa demande ne reposaient pas tous sur la surévaluation des loyers mais aussi sur la captation des opportunités d'affaires / manquement au devoir de loyauté, l'utilisation des moyens de [Z] [42] pour financer l'acquisition et la violation de la procédure des conventions réglementées ; elle a maintenu sa demande relative à la perte de chance de devenir propriétaire des locaux / pourcentage de la valeur du patrimoine immobilier et a retiré celle formée à titre subsidiaire tenant au remboursement du trop-perçu sur les loyers et de la demande relative à la minoration du prix de cession de [29] ; l'arrêt du 2 juin 2022 a déclaré irrecevable le seul le moyen tiré de la « surévaluation intentionnelle » des loyers et la prétention subsidiaire tendant à l'indemnisation d'un préjudice chiffré à 111 millions d' euros sont irrecevables ; elle a modifié le dispositif de ses dernières conclusions et retiré toute référence au moyen tiré de la surévaluation des loyers ainsi que sa demande subsidiaire d'indemnisation à hauteur de 111 millions d' euros ; la demande principale de réparation au titre de l'acquisition, par les sociétés de M. [Y] [Z], des locaux dans lesquels [Z] [42] exerçait son activité est maintenue car reconnue recevable par l'arrêt ; la cour a déclaré recevable le moyen tiré de l'inobservation de la procédure des conventions réglementées ; il ne saurait être soutenu que cette demande est irrecevable ; que les moyens tenant à la captation des opportunités d'affaires et à l'acquisition des biens immobiliers aux frais de [Z] [42], qui viennent au soutien de la demande relative au schéma immobilier litigieux, étaient développés dans les conclusions de première instance et le sont dans les conclusions d'appel n° 1 ; ils ne méconnaissent pas l'arrêt du 2 juin 2022 ; il ne s'agit pas de prétentions ; ils ne sauraient donc être jugés irrecevables sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile, qui s'applique uniquement aux demandes ; les intimés confondent en second lieu le moyen tiré de la surévaluation des loyers et les moyens conservés de la captation des opportunités d'affaires et de l'utilisation des moyens de [27] pour financer l'acquisition, qui sont indépendants.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile :

« A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »

Par ordonnance en date du 18 novembre 2021, le conseiller de la mise en état déclare irrecevables les prétentions nouvelles de la SAS [46] articulées dans ses conclusions du 25 septembre 2020 et du 16 août 2021 s'agissant de :

sur la Cession de Nouvergies

o Juger que M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] ont commis des fautes de gestion engageant leur responsabilité en cédant [53] à un prix anormalement bas à M13, une société personnelle de M. [Z] ;

en conséquence,

o Condamner solidairement M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à [Z] [42] la somme de 91 295 719 euros à titre de dommages-intérêts ;

sur l'acquisition par M. [Z], via ses sociétés personnelles, du parc immobilier exploité par [Z] [42]

o Juger que M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] ont commis des fautes de gestion engageant leur responsabilité en faisant systématiquement acquérir les murs dans lesquels [Z] [42] exerçait ou comptait exercer son activité par les sociétés personnelles de M. [Y] [Z], et ce, aux frais de [Z] [42], via des loyers surévalués ;

o Juger que M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] ont commis des fautes de gestion engageant leur responsabilité en s'abstenant systématiquement et délibérément de respecter la procédure des conventions réglementées s'agissant des opérations litigieuses ;

en conséquence, et à titre principal,

o Juger qu'il en a résulté pour [Z] [42] une perte de chance de devenir propriétaire des murs dans lesquels elle exerçait son activité ;

o Condamner solidairement M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à [Z] [42] la somme de 488 millions d' euros à titre de dommages-intérêts ;

À titre subsidiaire,

o Juger que [Z] [42] a acquitté, année après année, des loyers surévalués, et ce, sans contrepartie ;

o Condamner solidairement M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à [Z] [42] la somme de 111 millions d' euros à titre de dommages-intérêts ;

Il déboute la SA [Z] [42] de sa demande tendant à déclarer irrecevables les demandes de la SAS [46] en son nom personnel, condamne la société à payer à Mme [F] [Z], à Mme [E] [Z], à M. [P] [Z] et à la SA [Z] [42], chacun, la somme de 7000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société à payer à M. [Y] [Z] la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens de l'incident seront joints aux dépens de la procédure au fond.

Par arrêt du 2 juin 2022, la cour infirme l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 18 novembre 2021 en ce qu'il a déclaré irrecevables comme nouveaux les moyen et prétention relatifs à la cession de [53], et les moyen et prétention relatifs à la violation de la procédure des conventions réglementées, et en ce qu'elle a condamné la SAS [46] à payer la somme de 7000 euros à chacun des administrateurs, Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z], et la somme de 5000 euros à M. [Y] [Z] et les déclare recevables ainsi que les prétentions émises.

Sont donc déclarés irrecevables les moyens et prétentions liés aux prix et conditions des contrats de location, présentés en cause d'appel par l'appelante dans le cadre de son action ut singuli.

À cet égard, il sera rappelé les motivations de la cour qui rappelle que le moyen tiré de la surévaluation intentionnelle des loyers réclamés par les sociétés de M. [Y] [Z] afin de couvrir l'intégralité des coûts d'acquisition des locaux par lesdits sociétés apparaît pour la première fois dans les conclusions d'appel de l'appelante. Elle a jugé que ce moyen nouveau venant au soutien de la prétention tendant à l'indemnisation de la société [Z] [42] entrait dans le champ d'application des dispositions de l'article 563 du code de procédure civile. Elle a ajouté que la demande subsidiaire tendant à l'indemnisation des préjudices chiffrés à 111 millions euros tendait à la même fin que la prétention principale, soumises aux premiers juges, ce que permettent les dispositions de l'article 565 du code de procédure civile. La cour a enfin précisé que la société appelante avait renoncé de manière expresse à se prévaloir de la surévaluation des loyers.

S'agissant de la violation de la procédure relative aux conventions réglementées, la cour a retenu que le moyen était recevable dès lors qu'il est au soutien de la prétention tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de la captation d'opportunités d'affaires par M. [Y] [Z] résultant de l'acquisition par ces sociétés personnelles aux fins de mise à bail des locaux ou sont exploités les magasins de bricolage de l'enseigne [29].

L'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt non frappé de pourvoi s'impose.

Les moyens développés par l'appelante pour justifier de sa demande de condamnation à la somme de 488 millions de dommages-intérêts pour perte d'opportunités d'affaires ne repose pas exclusivement sur des moyens écartés par la cour mais aussi sur le caractère anormal des conventions dans leurs clauses juridiques, sur l'utilisation des moyens de la SA [27] pour financer l'acquisition et sur la violation de la procédure des conventions réglementées qui n'ont pas été écartés par la cour.

Dès lors, la demande relative à la condamnation solidaire au paiement de la somme de 488 millions euros, relativement à des moyens soulevés dès les premières conclusions d'appel est recevable, sous réserve de la prescription invoquée.

Sur la recevabilité de la demande formée au titre du préjudice subi par [27] à raison du schéma immobilier litigieux :

Moyens des parties :

La SAS [46] invoque la commission d'une faute des dirigeants de [27] dont il a résulté une perte de chance pour [27] de devenir propriétaire des murs dans lesquels elle et ses filiales exerçaient leur activité ; elle ne soutient pas que c'est [29] qui aurait été victime de cette perte de chance quand bien-même celle-ci a conclu les baux litigieux ; comme l'expose le cabinet [60] dans sa note complémentaire, le préjudice découlant des fautes de gestion commises par les dirigeants de [27] a été subi par [27], holding de tête qui consolide les activités de [29] ; le maintien d'une demande au titre de l'acquisition, par les sociétés de M. [Y] [Z], des locaux dans lesquels [Z] [42] exerçait son activité ne peut être critiqué ni sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile au motif qu'elle serait nouvelle (elle ne l'est pas), ni au regard de l'arrêt du 2 juin 2022 au motif qu'elle en méconnaîtrait la portée (l'arrêt a relevé la présence constante de cette demande en première instance comme en appel) ; elle est libre de développer tout moyen, autre que celui tiré de la surévaluation des loyers (auquel elle a seul expressément renoncé d'après l'arrêt de la cour du 2 juin 2022), au soutien de la demande de réparation au titre l'acquisition, par les sociétés de M. [Y] [Z], des locaux dans lesquels [Z] [42] exerçait son activité ; les moyens tenant à la captation des opportunités d'affaires et à l'acquisition des biens immobiliers aux frais de [Z] [42], qui viennent au soutien de la demande relative au schéma immobilier litigieux, étaient développés dans les conclusions de première instance et le sont dans les conclusions d'appel n° 1 ; qu'ils ne méconnaissent pas l'arrêt du 2 juin 2022 ; que l'arrêt du 2 juin 2022 l'a dit uniquement irrecevable à soulever le moyen tiré de la surévaluation des loyers et la prétention tendant à indemniser, sur ce fondement, un préjudice chiffré à 111 millions d' euros.

La SA [Z] [42] énonce que pour les mêmes motifs qu'exposés, elle ne se prononcera pas sur les demandes portant sur l'éventuelle faute qui aurait été commise par M. [Y] [Z] et correspondant à un préjudice qu'aurait subi l'appelante, et non [Z] [42], à savoir la publication d'informations financières incomplètes et inexactes ; elle s'en remet à l'analyse de la cour d'appel.

Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] répliquent que l'action ut singuli dans les sociétés anonymes est régie par l'article L. 225-252 du code de commerce qui habilite les actionnaires « à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués » ; dans la mesure où elle déroge au principe essentiel selon lequel « nul ne plaide par procureur », cette habilitation à agir pour le compte d'un tiers est d'interprétation stricte ; en l'espèce, la SAS [46] est actionnaire de [27] ; cependant, son action ut singuli vise à critiquer des contrats conclus par [29], filiale de [27], dont elle n'est pas actionnaire ; elle n'est pas habilitée à exercer une action ut singuli au nom de [29], ni à exercer une action visant à la réparation d'un préjudice découlant de celui de [29] ; les « baux litigieux » ont été conclus par [29] ; leur conclusion relève donc de la responsabilité des dirigeants de [29] ; ce simple constat doit conduire à déclarer l'action ut singuli irrecevable ; en outre, le préjudice découlant de la conclusion de ces « baux litigieux » se trouve au niveau du preneur à bail, c'est-à-dire au niveau de [29] ; le rapport [60] produit par l'appelante en atteste puisque celui-ci fonde son évaluation du préjudice « sur la base des loyers payés par [29] pour l'exploitation des magasins » ; l'action ut singuli de [46] ne poursuit pas la réparation du préjudice subi par [27] ; elle est donc irrecevable ; selon l'appelante, la société-mère serait recevable à réclamer le préjudice subi par sa filiale détenue à 100% ; une telle affirmation est contraire à la jurisprudence et au principe général selon lequel l'actionnaire n'est recevable à agir que pour réclamer un préjudice personnel et distinct de celui subi par la société.

Réponse de la cour :

Les dispositions de l'article L. 225-252 du code de commerce n'autorisent les actionnaires à exercer l'action sociale ut singuli qu'à l'encontre des dirigeants de droit de la société dont ils sont actionnaires.

En l'espèce, la SAS [46], en sa qualité d'actionnaire de la SA [27], a assigné son représentant légal et ses administrateurs pour obtenir l'indemnisation de la société dont elle est actionnaire du fait des décisions prises par ces derniers en conseil d'administration.

La SA [27] dont la société [29] était une filiale à 100% consolide dans ses comptes les résultats de cette dernière. Les décisions de vendre les murs des magasins ont été prises en conseil d'administration de la SA [29] devenue [27]. La responsabilité des dirigeants de la société mère SA [Z] peut donc être engagée s'il est démontré qu'ils ont pris une décision défavorable à cette dernière en décidant à leur niveau de la vente.

La demande est doit donc être déclarée recevable, la question de la réalité d'une faute et d'un préjudice relevant d'une appréciation au fond, sous réserve que la prescription invoquée ne soit pas acquise.

Sur la prescription des demandes au titre des opérations immobilières :

Moyens des parties :

La SAS [46] expose qu'en application des dispositions de l'article L. 225-24 du code de commerce, le point de départ du délai de prescription triennale de l'action en responsabilité du dirigeant d'une société anonyme est reporté à la date de révélation du fait dommageable lors que celui-ci a été dissimulé ; cette dissimulation doit présenter un caractère intentionnel ; l'intention de dissimuler peut résulter de comptes irréguliers mais aussi d'éléments extrinsèques au fait dommageable, à savoir la composition du capital et la structure des sociétés en cause révélant une collusion entre les associés et les dirigeants communs ou la clandestinité de l'opération, les associés, seuls susceptibles de dénoncer les faits, étant complices de l'infraction et n'ayant donc pas intérêt à informer le public à ce sujet ; la révélation du fait dommageable doit être complète et doit résulter notamment des détails des conventions, des prix de cession et, plus généralement de toutes informations permettant aux actionnaires de se faire une opinion sur la lésion des intérêts sociaux et sur l'intérêt personnel poursuivi par le mandataire social.

Elle ajoute qu'en l'espèce le schéma immobilier litigieux n'a été complétement révélé que le 25 août 2009, date de la communication au marché des 200 millions euros d'engagement locatif de [Z] [42] ; la commission des sanctions de l'AMF a relevé le caractère déterminant de l'information dissimulée par [Z] [42] et M. [Y] [Z] en évoquant « l'absence d'informations [de [Z] [42]] relatives aux engagements au titre des contrats de location » et « l'absence, l'inexactitude ou l'imprécision des informations relatives aux parties liées » ; la commission des sanctions a considéré à cet égard que « le public n'a[vait] pas été correctement renseigné sur les rapports locatifs existant entre les structures immobilières de M. [Y] [Z] et [29] » ; les enquêteurs de l'AMF ont souligné à plusieurs reprises l'importance des informations dissimulées par M. [Y] [Z] pour les investisseurs ; le caractère intentionnel de la dissimulation résulte de la sanction prononcée par l'AMF qui a été confirmée par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 7 novembre 2013 devenu définitif ; les informations occultées portaient sur la nature et le montant des engagements envers les parties liées ; elles étaient révélatrices de la situation de conflit d'intérêt dans laquelle M. [Y] [Z] se trouvait ; que le seul point sur lequel l'information comptable et financière diffusée par ce dernier portait sur le schéma immobilier litigieux ; il a systématiquement méconnu la norme IAS 24 sur les relations avec les parties liées jusqu'en 2007 et la norme IAS 17 sur les contrats de location jusqu'en 2009 ; [Z] [42] indiquait de façon trompeuse que les actifs immobiliers dans lesquels elle exerçait son activité de distribution étaient « loués selon des baux commerciaux classiques par des propriétaires bailleurs extérieurs au groupe », mention qui doit être lue au regard de l'absence de référence à des transactions avec des parties liées et qui suggérait au marché que M. [Y] [Z] et sa famille n'étaient pas des bailleurs du groupe ; le caractère intentionnel de la dissimulation se déduit de la collusion frauduleuse ayant uni M. [Y] [Z], son épouse, et leurs enfants, lesquels se partageaient les sièges du conseil d'administration de [Z] [42] au cours de la période litigieuse.

Elle ajoute que [Z] [42], représentée par la SCP [G] et [A] ès qualités de mandataire ad hoc, ne soutient plus dans ses dernières conclusions que les demandes formées dans les conclusions du 17 septembre 2019 au titre du schéma immobilier litigieux seraient prescrites, au motif qu'elles auraient été présentées plus de 3 ans après qu'elle a été en mesure de les introduire ; aucun autre intimé n'ayant soulevé cette fin de non-recevoir, la cour n'en est plus saisie ; en tout état de cause, les demandes formées dans les conclusions du 17 septembre 2019 au titre du schéma immobilier litigieux s'inscrivent dans le droit fil de celles qui ont déjà été formées au cours de l'instance, par les conclusions du 9 mars 2010 ; les conclusions du 17 septembre 2019 ne constituent donc pas le premier acte interruptif de prescription concernant les demandes relatives au schéma immobilier litigieux ; les demandes formées aux termes des conclusions récapitulatives du 17 septembre 2019 ont un objectif identique à celles présentées dans les conclusions additionnelles du 9 mars 2010, en ce qu'elles tendent à la réparation du préjudice subi par [27] à raison du schéma immobilier litigieux mis en 'uvre par ses dirigeants ; lorsque deux actions tendent à un seul et même but, l'interruption de la prescription s'étend de la première action à la seconde.

La SA [27] expose que son mandataire ad hoc ne doit se prononcer sur les moyens et arguments soulevés par les parties et ne formuler d'éventuelles demandes uniquement lorsque leur bienfondé ou leur rejet peuvent faire l'objet d'une analyse au regard de la conformité à l'intérêt social de [27] ; tel ne semble pas être le cas des exceptions de procédure et moyens procéduraux soulevés dont la question de la recevabilité ne saurait être tranchée par référence à la conformité à l'intérêt social de [27], à savoir, l'irrecevabilité des prétentions de la SAS [46] du fait de leur prescription et l'irrecevabilité des prétentions de ladite société qui seraient qualifiables de prétentions nouvelles.

M. [Y] [Z], [52] et la société [56] répliquent que l'appréciation du point de départ de la prescription relève du pouvoir souverain des juges du fond ; la charge de la preuve de la dissimulation incombe à celui qui l'invoque ; la jurisprudence rappelle le critère intentionnel de la dissimulation de manière systématique ; les deux assignations initiales du 21 mai 2008 et du 26 juin 2008, qui sont construites pratiquement sur le même modèle, énoncent une faute de gestion à l'encontre de M. [Y] [Z] au motif qu'il aurait cédé divers biens à un prix manifestement anormal à des sociétés dont il est président et propriétaire ; dans la seconde assignation, cette dernière phrase est déclinée pour deux autres biens, l'un à [Localité 58] et l'autre à [Localité 26] ; par conclusions du 9 mars 2010, qualifiées d'additionnelles, l'appelante abandonne les fondements tant juridiques que factuels énoncés initialement ; elle fait en outre pour la première fois état de demandes nouvelles : « Dire et juger qu'en faisant conclure des contrats de location non résiliables entre [29] et les sociétés dont il est le président et propriétaire dans l'intérêt exclusif de ces dernières et en utilisant le crédit et la garantie de [29] afin de se constituer un patrimoine immobilier aux charges et risques de [29], Monsieur [Y] [Z] a commis une faute de gestion engageant sa responsabilité en sa qualité de dirigeant de la société [29] » ; par voie de conclusions récapitulatives déposées à l'audience du 26 février 2020, l'appelante restructure et reformule une nouvelle fois sa demande ; elle soulève pour la première fois, par voie de conclusions du 9 mars 2010, des faits basés sur les contrats de location et les conventions locatives passés avec [29] d'une part et [52] et [56] d'autre part ; les faits et actes dont il est fait mention par la SAS [46] sont prescrits à cette date ;

Ils ajoutent qu'en l'espèce, depuis le début de ce procès, la SAS [46] avait connaissance des opérations qu'elle entend remettre en cause ; c'est précisément cette société qui a elle-même communiqué notamment les états financiers de la société [56] de 2001 à 2008 et [52] de 1998 à 2007 ainsi que d'autres documents ; il n'y a eu aucune dissimulation volontaire de la part des sociétés [29], [56] et [52], les états financiers de ces dernières mentionnaient expressément les opérations d'acquisition et de location ; à partir de 2009, les publications [29] étaient conformes aux prescriptions de l'AMF et que par dépôt au bulletin des annonces légales obligatoires du 31 août 2009a [29] a « révélé les informations nécessaires et omises en leur temps au titre des années 2005, 2006, 2007 et 2008 » ; la prescription est d'autant plus acquise que dans ses conclusions de première instance, la SAS [46] précise clairement qu'elle savait que les magasins du groupe étaient loués soit à [52], soit à la société [56] et ce dès 1997 ; elle l'écrit dans ses conclusions du 9 mars 2010 ; figure une note en bas de page, la note n°17 qui renvoie au rapport spécial des commissaires aux comptes de [29] du 29 avril 1998 pour l'exercice 1997 ; c'est donc d'un aveu de connaissance à l'époque des faits dénoncés aujourd'hui qui sont donc prescrits ; lors de l'introduction au second marché de la bourse de [Localité 54] le 18 juin 1996, la note de présentation présente clairement la stratégie immobilière adoptée par la société, à savoir l'exploitation des magasins dans des locaux majoritairement détenus par les sociétés personnelles de M. [Y] [Z] ; contrairement à ce qu'allègue l'appelante, cette information n'a suscité aucune objection de la part des investisseurs institutionnels ni de l'AMF à l'époque, alors même que le fonctionnement de la grande distribution fondé sur la séparation entre foncier et exploitation est parfaitement courant et communément admise dans le secteur ; cette note a été publiée avec le visa de la Commissions des Opérations de Bourse ; en annexe à cette note est joint le rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions réglementées pour l'exercice au 31 décembre 1995 ; que la note de présentation est datée du 18 juin 1996 soit plus de 11 ans avant que la SAS [46] entre au capital de la société [29] ; l'appelante qui est un investisseur professionnel averti en a nécessairement pris connaissance de façon approfondie ; qu'elle ne saurait prétendre que l'information sur les engagements locatifs aurait été dissimulée ou absente ; la structure immobilière du groupe était parfaitement décrite, conformément aux standards de l'époque pour un tel support.

Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] répliquent que la stratégie immobilière mise en 'uvre par la direction de [Z] [42] critiquée par l'appelante a été annoncée au marché dès son introduction en bourse, en 1996 ; pour soutenir le contraire, la SAS [46] se réfère à la décision la Commission des sanctions de l'AMF du 29 juin 2012 ayant retenu certains manquements aux normes comptables IAS 17 et 24 ; cependant, ces normes comptables ne sont entrées en vigueur qu'en 2005, soit de nombreuses années après le début de la dissimulation alléguée ; il est impossible de caractériser une dissimulation sur la base d'un manquement à une norme comptable qui n'existait pas au jour de la survenance du fait dommageable ; la Commission des sanctions de l'AMF n'a pas considéré que ces manquements comptables étaient intentionnels ; elle a, au contraire, relevé que les manquements étaient d'une « gravité relative » et qu'ils avaient été corrigés « avant même le déclenchement de la procédure d'enquête » ; les « opérations litigieuses » ont été constatées dans des procès-verbaux, de sorte qu'elles n'étaient aucunement dissimulées ; l'approbation de ces opérations par le conseil d'administration figurait également dans le rapport annuel 2004 publié par la société.

Réponse de la cour :

L'article L. 225-254 du code de commerce dispose que :

« L'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrit par dix ans. »

Le point de départ de la prescription ne peut être reporté à la date de la révélation du fait dommageable que dès lors que celui-ci avait été dissimulé.

S'agissant de l'action ut singuli, la société appelante ne saurait invoquer pour évoquer la dissimulation volontaire par le conseil d'administration et les dirigeants de la SA [27], alors dénommée [29], des opérations qu'elle conteste et portant atteinte à l'intérêt social, les normes IAS entrées en vigueur en 2005 qui n'étaient pas applicables sur la période antérieure.

Lors de l'introduction en bourse de la société [29], la documentation remise au public mentionne expressément que depuis 1993, il a été décidé de simplifier les structures de la SA [27] autour de deux pôles, un pôle commercial autour de [29] SA et un pôle exclusivement immobilier porté principalement par [52] qui reprend l'endettement et les crédits correspondants.

La société appelante a reconnu dans ses conclusions notifiées le 9 mars 2010, en page 10 que : « Il faut en effet remonter à l'état financier de 1997 pour découvrir qu'à cette époque (soit il y a

plus de dix ans), une partie des magasins du groupe étaient loués, non pas à des « bailleurs extérieurs '' comme indiqué en 2006, mais aux sociétés [50] et [56], soit les deux sociétés personnelles du Président de [29] »..

Dès lors, le premier état financier disponible postérieur à la documentation est conforme à ce qui avait été annoncé.

Les derniers comptes publiés, clos au 31 décembre 2004, avant l'introduction des nouvelles normes comptables sont certifiés par [48]. Il est ainsi indiqué en page 41 : « Nous n'avons pas d'observations à formuler sur la sincérité et la concordance avec les comptes annuels des informations données dans le rapport sur la gestion du groupe du conseil d'administration et dans les documents adressés aux actionnaires sa situation financière les comptes annuels ».

S'agissant des conventions autorisées en cours d'exercice, [48] mentionne le cautionnement donné par la SA [29] à [29] pour le paiement de toutes les sommes qui seraient dues au titre du crédit-bail consenti à cette dernière société le 21 juin 1996 pour le magasin de [Localité 33], modifié par avenant du 3 juin 1998, et pour toute la durée du crédit-bail augmenté de deux années à la société [41]. Il en est de même d'une garantie de [35] pour le paiement d'un prêt de 142 148 euros en capital des intérêts outre de caution donnée envers la [24] pour un montant de 3 200 000 euros au titre de l'ouverture d'une ligne spot.

Il y est de même mentionné la cession-bail d'un ensemble immobilier détenu par [29] à une société [25] d'un ensemble immobilier situé à [Localité 58] pour le prix de 2 millions euros pour une surface de 6380 m², rétrocédé en crédit-bail à la société [56] pour l'édification d'un immeuble à usage commercial qui a lui-même été loué à la société [29] moyennant un loyer annuel de 275 004 euros pour une surface de 10 079 m².

S'agissant du magasin de Beaune, le jugement du tribunal de commerce de Beaune du 23 juin 2004 a autorisé la cession de la société [30] à la société [29] ainsi que la cession des 95 parts sociales détenues par la première société et des 5 parts sociales détenues par la famille [V] au profit de la seconde. Il est complété par un jugement du 15 octobre 2004 ordonnant la continuation de l'activité de la SCI [28], propriétaire des murs. Par un second ce jugement du même jour, le tribunal de commerce, statuant sur une requête en omission de statuer, a autorisé la substitution à la société [29] d'une des sociétés immobilières du groupe [29]. L'acte de cession des 5 juillet et 7 juillet 2006 rapporte ces données.

Le fait de ne produire que trois délibérations du conseil d'administration au soutien de ses demandes, alors qu'elle était en mesure de produire sur l'ensemble des années 1996 et suivantes ou d'exiger la production des comptes publiés avec leurs annexes ne démontre pas la dissimulation des conventions passées, cette preuve appartenant à la SAS [46] et non aux parties intimées.

Au regard des pièces produites par la société appelante, la preuve que les comptes publiés avant la clôture de l'exercice 2005 étaient contraires aux normes comptables alors applicables n'est donc pas rapportée. Le seul rapport publié par les commissaires aux comptes en annexe des comptes sociaux pour l'année 2004 met en évidence l'existence des conventions mettant à exécution la décision annoncée dès 1996 par la société [29] devenue la SA [27] de scinder le patrimoine de la société [29] entre les actifs immobiliers détenus par des sociétés tierces filiales du groupe d'une part et l'activité commerciale d'autre part.

Il ne peut donc être reproché au dirigeant et aux administrateurs d'avoir dissimulé les opérations dont le principe est contesté, le seul fait d'être membres de la même famille ne constituant pas en soi une collusion frauduleuse et ne rapportant pas la preuve d'une dissimulation contredite par les conclusions et pièces déposées par l'appelante.

Le fait qu'ultérieurement, l'AMF ait sanctionné le président de la SA [27] pour ne pas avoir donné une information relative aux engagements au titre des contrats de location et aux parties liées pour les comptes clos des années 2006 à 2008 inclus ne peut pas avoir eu pour effet de faire courir un nouveau délai de prescription, s'agissant de l'action ut singuli.

Dès lors, la prescription a commencé à courir à compter de la réalisation de chaque opération réalisée antérieurement à la nécessaire application des nouvelles normes comptables.

La dernière opération dont l'existence est rapportée tient au rachat autorisé par le conseil d'administration du 17 décembre 2004 d'une parcelle terrain construite avec un magasin et toutes ses annexes par la société [31] à la société [43].

La SAS [46] ne démontre pas la date de réalisation effective de cette opération.

Dans le procès-verbal de l'assemblée générale mixte du 25 juin 2009 de la SA [29], devenue la SA [27], les dirigeants reconnaissent l'absence de respect de la norme IAS 24 au titre de l'exercice 2005, relative à l'information des parties liées. Pour autant, faute de produire les comptes 2005 et le rapport des commissaires aux comptes, qui n'ont pas été sanctionnés par l'AMF pour la violation de ces règles comptables, il ne peut être déduit de la seule absence d'évaluation des engagements de [29] et de [29] envers son dirigeant une volonté délibérée de dissimuler cette dernière opération.

Les conclusions du 9 mars 2010 déposées par la SAS [46] n'ont donc pas pu interrompre la prescription qui était déjà acquise.

La demande présentée est donc irrecevable. Le jugement sera infirmé en ce que les demandes ont été modifiées en cause d'appel et qu'il a statué au fond, la déclaration d'irrecevabilité excluant toute décision tranchant la question de fond. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la violation des dispositions relatives aux conventions réglementées, les fautes reprochées à l'encontre de M. [Y] [Z] et des administrateurs relativement à la gestion immobilière du groupe et la question de l'éventuel préjudice qui en résulterait pour la SA [Z] [42].

13 Sur la vente de [53] :

- Sur les fautes reprochées :

Moyens des parties :

La SAS [46] expose qu'en 1999, [Z] [42] a créé [53], société spécialisée dans l'acquisition et l'exploitation de centrales de production d'électricité éolienne en France et à l'étranger ; à la fin de l'année 2006, M. [Y] [Z] a décidé de céder [53] à [50], société dont il détient 99 % du capital et des droits de vote avec sa famille proche et dont il est le dirigeant ; cette cession est intervenue en deux temps, avec la conclusion d'une promesse de vente le 10 décembre 2006, puis la conclusion d'un contrat de cession le 15 janvier 2007, pour un prix de 3,7 millions d' euros (la « Cession de Nouvergies ») ; M. [Y] [Z] représentait à l'acte [Z] [42] comme M13 ; ces deux opérations ont été autorisées par le conseil d'administration de [Z] [42] à l'occasion de réunions ne réunissant que M. [Y] [Z] et son épouse ; la situation de conflit d'intérêts dans laquelle se trouvait M. [Y] [Z] a abouti à ce que cette cession intervienne dans des conditions aussi défavorables à [Z] [42] qu'avantageuses pour M13, à savoir sans mandataire ni expertise relative au prix de cession, sans mise en concurrence, et à un prix anormalement bas.

Elle précise au cas d'espèce que M. [Y] [Z] se trouvait dans une situation de conflit d'intérêts dans la mesure où il représentait dans cette opération le vendeur ([Z] [42]) et l'acheteur (M13) dont les intérêts étaient par nature antagonistes ; la situation de conflit d'intérêts était d'autant plus patente que cette opération a été « autorisée » dans le cadre de deux réunions du conseil d'administration qui n'était composé à ces occasions que de M. [Y] [Z] et de son épouse ; loin de respecter son obligation de loyauté en agissant dans l'intérêt de [Z] [42], M. [Y] [Z] a violé l'intérêt social de cette dernière ; il s'est d'abord abstenu de se déporter ou de confier une véritable mission à un tiers évaluateur, ou à un mandataire spécialisé dans la recherche d'acquéreurs en matière de cession d'entreprises ; les évaluations soumises à la cour par [27] révèlent que seul un exercice de valorisation sommaire a été mené, sans qu'une étude approfondie soit conduite ; en particulier, [Z] [42] n'a pas pris en compte le potentiel de développement de [53], pourtant considérable compte tenu de l'expérience acquise par celle-ci ; il a recouru à une procédure attentatoire aux intérêts de [27] dès lors que la cession est intervenue sans mise en concurrence qu'à elle seule cette circonstance est constitutive d'une faute qui engage la responsabilité de M. [Y] [Z] et des administrateurs de [27] ; il a ensuite fixé seul ' avec son épouse ' un prix de cession considérablement sous-évalué, à savoir 3,7 millions d' euros ; l'expert qu'elle a sollicité en première instance exposait que l'opération aurait pu « parfaitement se conclure à un prix compris entre 95 et 100 millions d' euros » ; son expert n'a jamais admis que le prix de vente reflétait la réalité de la valeur de la société, car ne prenant pas en compte son potentiel de développement ; cette cession a été décidée par M. [Y] [Z] ès-qualités de dirigeant du cédant et du cessionnaire, en considération de ses intérêts patrimoniaux, et ce, avec la complicité active de son épouse qui a approuvé cette opération, et avec la complicité passive de ses enfants qui n'ont pas daigné participer aux conseils d'administration réunis à cette occasion.

La SA [Z] [42] précise que le contrôle de la cour doit se limiter à la question de savoir si le processus qui a conduit à la décision de cession était régulier et si les conditions de la cession n'étaient pas contraires à l'intérêt social ; s'agissant de la régularité du processus ayant conduit à la décision de cession de Nouvergies, elle s'en remet à l'appréciation de la cour de céans ; la cession de [53] n'étant pas une convention interdite au sens de l'article L. 225-43 du Code de commerce, le simple fait qu'elle ait été conclue avec la société personnelle de M. [Y] [Z], lequel est également représentant de [Z] [42], ne saurait la rendre contraire, en soi, à l'intérêt social de la société ; il n'existait aucune obligation légale pour [Z] [42] de procéder à une mise en concurrence avant de procéder à la cession de sa filiale [53] ; si l'absence de mise en concurrence peut être prise en compte pour déterminer si les conditions d'une cession sont contraires à l'intérêt social , il ne s'agit pas d'un critère suffisant pour caractériser cette contrariété.

M. [Y] [Z], [52] et la société [56] répliquent qu'une faute prouvée doit être imputée au président directeur général pour voir sa responsabilité mise en jeu ; que c'est la concurrence déloyale et directe, qui caractérise le comportement fautif du dirigeant ; que la stratégie immobilière du groupe a toujours été organisée et conduite au bénéfice de [29] ; que la notion de conflit d'intérêts soulevée n'est pas définie ; pas plus l'AMF (qui a mené une longue enquête) que la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 7 novembre 2017 ne relèvent l'existence de conflit d'intérêts qui pourrait impliquer M. [Y] [Z] en sa qualité de Président ; le seul fait que puisse exister un conflit d'intérêt n'est pas en soi constitutive d'une faute.

Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] exposent que l'expertise privée avancée par l'appelante pour contester l'évaluation de la société, réalisée il y a 17 ans, n'a aucune valeur probante ; devant le tribunal, elle a fini par abandonner la critique du prix de cession de la société [53] dans ses dernières conclusions récapitulatives ; l'expertise n'est pas crédible ; la vente s'est opérée au prix du marché ; que le prix de cession de [53] a été déterminé sur la base de plusieurs études financières réalisées par des personnes indépendantes telles que le cabinet [38] ; que le cabinet [57] a également confirmé que le prix de cession était conforme au marché ; la prétendue sous-évaluation du prix de cession de [53] est donc infondée.

Réponse de la cour :

En application de l'article L. 225-38 3ème alinéa du code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, doivent être soumises au contrôle des conventions réglementées les conventions signées entre deux sociétés ayant des dirigeants communs, dès lors que l'une d'entre elles ne détient pas la totalité du capital de l'autre.

Une exception est admise par l'article L. 225-39 pour les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales.

En l'espèce, [29], devenue la SA [Z] [42], ne détenait aucune part de la société [52] au moment de l'opération litigieuse, mais avait un dirigeant commun M. [Y] [Z].

Le procès-verbal du conseil d'administration du 11 décembre 2006 autorise la signature de la promesse de cession de la totalité des actions de la SAS [53] soit 2 030 113 actions à [52], en application de l'article L. 225-38 du code de commerce relatif aux conventions réglementées. Le 15 janvier 2007, la cession est autorisée par le conseil d'administration au visa du même article. Il s'ensuit que les dirigeants de la société [29] ont admis le caractère non courant de l'opération.

En tout état de cause, la cession d'une filiale détenue à 100 % par le groupe ne saurait être assimilé à une vente usuelle dès lors qu'il s'agissait de se séparer d'une branche entière d'activité consolidée au sein de la société [29].

Pour autant, la délibération passée est irrégulière dès lors qu'en violation des dispositions de l'article L 225-40 du code de commerce, M. [Y] [Z], qui était le dirigeant commun aux deux sociétés, a pris part aux délibérations et aux votes.

Il a donc commis une faute, de même que Mme [F] [Z], son épouse, qui a voté ces délibérations irrégulières.

Mme [E] [Z] et M. [P] [Z], qui étaient à l'époque administrateurs, absents lors du vote, n'ont émis aucune protestation postérieurement aux deux conseils d'administration. Ils ne se sont donc pas comportés comme des administrateurs diligents et prudents. Leur faute doit donc être reconnue.

Sur le préjudice de [Z] [42] :

Moyens des parties :

La SAS [46] expose que la cession de [53] est intervenue à un prix près de 30 fois inférieur à celui qu'aurait pu obtenir [Z] [42] ; l'expert n'a jamais admis la contre valorisation émise par le cabinet missionné par M. [Y] [Z] partant du postulat que cette société aurait arrêté de se développer après la cession de ses titres ; au contraire, l'analyse des pièces avait permis à l'expert de conclure à une valorisation supérieure ; les comptes de Nouvergies révèlent que celle-ci dispose de participations dans 16 sociétés, dont 14 filiales à 100 % ; que le nom de ces filiales est particulièrement révélateur du développement de [53], qui n'a été valorisé ni par M. [Y] [Z], ni par son expert ; [Z] [42] a subi un préjudice de 91 295 719 euros à l'occasion de la cession de cette dernière.

La SA [Z] [42] réplique que, relativement au prix de cession, le dirigeant social et les administrateurs déposent des pièces justifiant du prix négocié ; elle s'en remet à l'appréciation de la cour.

M. [Y] [Z], [52] et la société [56] répliquent que la valorisation des actions a été effectuée dans des conditions professionnelles habituelles, sur la base d'indications fournies par des opérateurs sérieux et qualifiés ; le cabinet [T] et [D] a évalué une valeur cible compris entre 14 millions et 15 millions d' euros ; ces travaux rejoignaient les conclusions internes ainsi que celle d'un spécialiste des éoliennes, M. [N] ; la cession prenait effet à compter de la clôture de l'exercice en cours ; cette clause était conforme au fait que le prix convenu était égal à la valeur d'entreprise de la société [53] moins l'ensemble des dettes financières, telles qu'elles apparaîtraient dans les comptes définitifs de la société au 31 décembre 2006 ; la cession a été autorisée selon procès-verbal en date du 15 janvier 2007 après déduction des dettes financières et du compte courant et de la trésorerie ; la société [29] a été exonérée de toute garantie de passif ; l'acquéreur a fait son affaire de la sortie de la société du groupe et les conséquences relatives à l'absence d'intégration fiscale ; le travail opéré par le cabinet engagé par l'appelante a confirmé la valorisation de la société, sans avoir aucune connaissance des pièces ; après communication de celle-ci, il a confirmé sa valorisation ; il ne peut être reproché à [29] d'être sortie d'une activité qui ne relevait pas de son objet social.

Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] répliquent que le préjudice relativement à la vente de la société [53] n'est en rien démontré au regard du caractère très critiquable de l'expertise avancée par l'appelante ; les experts qu'ils ont consultés infirment largement les conclusions de ce rapport.

Réponse de la cour :

Au regard de la faute retenue à l'encontre de M. [Y] [Z] et des administrateurs, il appartient à la SAS [46] de démontrer l'existence d'un préjudice.

En l'espèce, le contrat de cession d'actions est consenti au prix de 3 704 181 euros.

Pour justifier du caractère insuffisant du prix, la société dépose un rapport d'expertise établi le 7 mai 2008 par le cabinet comptable [59]. Il indique qu'au jour de la vente, la société [53] avait un parc d'éoliennes représentant une puissance installée de 12 MW et un chiffre d'affaires de 2,1 millions euros pour une part de marché représentant 1 % du marché français. Il a procédé par voie d'analogie en étudiant des sociétés dont l'activité était comparable. Il a estimé l'existence d'une prime de contrôle dès lors que 100 % des titres avaient été vendus et une diminution de la valeur liée au fait que les titres ne sont pas cotés. Il en déduit une valeur induite minimale de 30 millions d' euros et une valeur d'entreprise maximale induite 208,30 millions euros dont il déduit les dettes financières nettes et la décote de 15 % pour absence de liquidités d'actifs induisant une valeur minimale des fonds propres de 17 millions euros et une valeur maximale des fonds propres de 83, 6 millions d' euros. Il indique que si la société [29] avait procédé à une simple scission, la valeur minimale de la société aurait été de 36,3 millions d' euros.

En utilisant la méthode par comparaison sur les cessions intervenues sur une période proche, le cabinet conclut à une valeur comprise entre 32 millions euros et 100 millions euros, au regard d'une transaction comparable entre [61] et la [34].

En conclusion générale, au regard des conditions climatiques françaises très favorables à l'exploitation d'éoliennes, du potentiel de croissance dans la branche et de l'existence d'un actif intangible d'une valeur exceptionnelle en 2006 et 2007 des entreprises qui avaient développé un savoir-faire éolien sur la période, l'expert-comptable estime, au regard des capacités de [29] de pouvoir initier des négociations avec des compagnies électriques européennes ou américaines et des affaires qu'elle brassait, que la valeur totale de l'entreprise se situe entre 95 et 100 millions d' euros.

Pour contester cette évaluation, il est produit une synthèse des valorisations pour une moyenne arrondie à 14 800 000 euros, les estimations ayant été proposées par notamment [T] [D]. De cette valeur, la société a déduit les dettes financières ainsi que la valeur du compte courant pour aboutir à un montant de la transaction de 3 704 181 euros. Pour autant, aucune explication n'est donnée sur les modalités par lesquelles ces calculs sont opérés sauf en ce qui concerne [T] et [D] qui a calculé en fonction d'un potentiel de nombre d'heures de vent compris entre 55 et 48% et un taux de rendement pour l'investisseur de 10 %.

Le cabinet [57] a établi un rapport d'évaluation au mois d'octobre 2008. Il indique qu'à la date de la cession, la société n'avait pas développé de projet éolien et, que depuis la cession, elle n'a pas plus développé de nouveaux projets. Le cabinet expose les conditions économiques d'exploitation liées au prix de rachat par EDF et aux conditions des baux emphytéotiques. Ce cabinet retient comme méthode d'évaluation celle des flux de trésorerie prévisionnelle, celle des multiples boursiers de sociétés cotées comparables et l'existence de transactions comparables.

L'entreprise est alors évaluée à 14, 8 millions d' euros, au milieu de la fourchette comprise entre 13, 6 millions euros et 16 millions d' euros.

Le cabinet précise en outre le 9 décembre 2010, qu'après recherche, il n'apparaissait pas de développement particulier de la société depuis sa vente.

Le cabinet [59] admet dans une correspondance du 3 novembre 2009 que dans l'hypothèse d'une absence de développement de la société à la date de la cession, la valeur de l'ordre de 16 millions d' euros peut avoir un sens.

La SAS [46] ne démontre pas qu'il existait réellement des projets de développement qui permettent de valider l'hypothèse de la valorisation retenue.

Aucune des estimations ne fait état de l'endettement de la société.

S'agissant du prix de cession, la société appelante ne dépose aucun élément pour remettre en cause les déductions opérées par [29] devenue [H] Group sur la valeur de la société vendue, de telle sorte qu'il n'est pas démontré le caractère anormalement bas du prix de vente et de préjudice pour la SA [27].

La demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.

II Sur les préjudices personnels de la SAS [46] :

Moyens des parties :

La SAS [46] expose qu'en application de l'article L. 225-251 du Code de commerce, les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables sociétés anonymes ; dès lors, la responsabilité des administrateurs peut être engagée alors même qu'ils ne pourraient être sanctionnés par l'AMF ; contrairement à ce qu'affirment les administrateurs, la jurisprudence de l'AMF n'exclut pas que les administrateurs puissent être tenus responsables des infractions aux dispositions du Règlement général de l'AMF en matière d'information réglementée ; qu'en application des dispositions des articles L. 225-35 et R. 232-3, il appartient ainsi aux administrateurs de s'assurer que les comptes annuels qu'ils présentent à l'assemblée générale des actionnaires et qui sont ultérieurement publiés dans le rapport annuel de la société sont réguliers ; l'information donnée au public par l'émetteur doit être exacte, précise et sincère ; le caractère exact, précis et sincère de l'information donnée au public doit notamment s'apprécier au regard des prescriptions des normes IAS, et notamment des normes IAS 17 et IAS 24, applicables aux sociétés cotées depuis le 1er janvier 2005 ; la mise en 'uvre de la responsabilité des administrateurs et du directeur général à l'égard des actionnaires agissant en réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi n'est pas soumise à la condition que les fautes imputées à ces dirigeants soient intentionnelles, d'une particulière gravité et incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales.

Elle ajoute qu'en l'espèce M. [Y] [Z] et les administrateurs de [Z] [42] ont commis une faute en publiant à plusieurs reprises des comptes méconnaissant les exigences du Règlement général de l'AMF ; à l'époque où elle est entrée au capital de la société [27], en violation des normes IAS 17 et IAS 24, les rapports annuels de [Z] [42] ne comprenaient aucune information concernant d'une part, ses engagements envers des parties liées et, d'autre part, ses engagements locatifs ; que les caractères incomplet et inexact de la communication financière de [27] ont donné lieu à une sanction prononcée par la commission des sanctions de l'AMF le 29 juin 2012 envers [Z] [42] et M. [Y] [Z] d'une part, à raison de « l'absence d'informations [de [Z] [42]] relatives aux engagements au titre des contrats de location », et, d'autre part, au titre de « l'absence, l'inexactitude ou l'imprécision des informations relatives aux parties liées » ; que la commission des sanctions de l'AMF a considéré que « le public n'a[vait] pas été correctement renseigné sur les rapports locatifs existant entre les structures immobilières de M. [Y] [Z] et [29] » et que « le manquement [était] donc caractérisé à l'égard tant de la société que de son dirigeant ; que la cour a confirmé la décision en rappelant la violation des normes IAS 17 et IAS 24 ;

Que son préjudice constitue un dommage autonome et distinct de celui de la société ; la perte de chance de l'investisseur doit s'apprécier « en fonction de l'importance qu'ont pu avoir les informations inexactes portées à la connaissance des tiers sur leur décision d'acquérir ou conserver les titres de la société concernée ; la conservation de ses titres par l'actionnaire n'est pas de nature à l'empêcher d'obtenir réparation ; que les caractères incomplet et inexact de la communication financière de [27] l'ont privée d'informations qui étaient essentielles à sa décision d'acquérir les titres [27] en juillet 2007, puis de les conserver ; l'information communiquée à l'occasion de l'introduction en bourse de [27] a non seulement ultérieurement disparu de la communication financière de la société, raison pour laquelle [27] et son dirigeant ont été condamnés, mais l'information financière publiée par [27] en 2005, 2006 et en 2007 jusqu'à l'offre publique de juin 2007 était surtout contradictoire avec ce qui avait été annoncé en 1996 ; cette information n'était que partielle en ce qu'elle ne portait que sur le volume des transactions envers les parties liées pour l'exercice 2006, sans indication sur la durée des engagements correspondants ; le cabinet [60] a établi qu'en suivant sa politique d'investissement habituelle pour investir les sommes qu'elle a investies dans [27], elle aurait bénéficié à la date de son premier rapport d'une plus-value latente de 28,9 millions d' euros correspondant à un rendement annualisé de 6,9 %, au lieu d'une plus-value latente de 2,1 millions d' euros correspondant à un rendement annualisé de 0,8 % ; l'apport par elle de ses titres à l'offre publique de retrait de [27] a permis à [60] de calculer sa plus-value définitive, sur la base du prix de rachat de ses actions dans le cadre de l'offre, à 7,4 millions d' euros ; dans son premier rapport, [60] en a conclu qu'en fonction du facteur de perte de chance retenu, le montant de son préjudice est compris entre 13,4 et 24,1 millions d' euros ; ce montant a été réévalué à une fourchette de 11,7 à 21,1 millions d' euros sur la base de la plus-value définitive ; concernant le facteur de perte de chance, [60] estime que la probabilité qu'elle se soit conformée à sa politique d'investissement habituelle et qu'elle eût réalisé un tel investissement est très élevée ; elle demande donc à la cour de retenir un facteur de perte de chance de 90 %, pour un préjudice de 21,1 millions d' euros ; comme l'expose l'addendum au Rapport [60], il lui était impossible de céder sa participation compte tenu de l'illiquidité du titre [27], dont elle n'est aucunement responsable ; que les administrateurs admettent eux-mêmes que « [46] était dans l'impossibilité de céder ses titres ».

Elle subit en outre un préjudice moral dès lors qu'elle a vu sa confiance trahie par la direction de [Z] [42], à raison de la diffusion par celle-ci d'informations financières incomplètes et inexactes ; il s'est également matérialisé par une atteinte à sa réputation dès lors qu'elle a procédé à un investissement important dans une société dont la gouvernance s'est révélée totalement déficiente et percluse de conflits d'intérêts dissimulés au marché ; il s'est aggravé à raison des agissements de M. [Y] [Z] en marge de la présente procédure judiciaire ; alors même que le jugement entrepris ne le prévoyait aucunement, M. [Y] [Z] a publié dans différents journaux un communiqué faisant état de ce jugement en l'intitulant de façon fallacieuse « publication judiciaire ».

M. [Y] [Z], [52] et la société [56] répliquent que le cabinet qu'ils ont consulté a conclu que « [60] ne démontre pas en quoi la politique immobilière mise en place par [Z] [42] et sa prétendue « dissimulation » a empêché [46] de céder ses titres [Z] [42] au bout de son prétendu cycle d'investissement de 1 an et 4 mois pour investir dans d'autres sociétés. » ; il mentionne à juste titre que [60] n'identifie aucune autre opportunité d'investissement précise et ne justifie absolument pas de l'existence d'une perte de probabilité d'investissement sur la période 2007 ' 2020 ; que rien ne justifie que la SAS [46] investit de manière risquée une partie de son portefeuille ; en outre elle ne justifie pas de façon cohérente du chiffrage du préjudice sollicité ; son cabinet d'expert soulève à juste titre que [60] ne démontre pas en quoi la politique immobilière mise en place par [Z] [42] et ses prétendues « dissimulations » a notamment grevé le taux de rendement annuel moyen à hauteur de 6,1% ; la société ne démontre pas plus l'existence de son préjudice moral, les publications reprochées ne présentant aucun caractère fallacieux ou dénigrant.

Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] répliquent que dans sa décision du 29 juin 2012, la Commission des sanctions de l'AMF a retenu que les informations communiquées par [29] et M. [Y] [Z] (et non par les Administrateurs Intimés) étaient, à certains égards, incomplètes au regard des normes IAS 17 et IAS 24 relatives aux engagements locatifs et aux relations avec les parties liées ; ces omissions, de parfaite bonne foi, s'expliquaient par le changement de normes comptables intervenu relativement récemment à cette époque, que d'ailleurs, la société avait immédiatement corrigé les omissions relevées ; ainsi, même si formellement, l'omission avait été constatée, la Commission des sanctions a considéré que les manquements retenus étaient d'une « gravité relative » et a relevé que la Société avait, « avant même le déclenchement de la procédure d'enquête », corrigé les omissions relatives aux normes IAS 17 et 24 ; compte tenu du caractère peu significatif des indications omises et de la durée des omissions, la Commission des sanctions a prononcé des sanctions pécuniaires relativement modestes à l'encontre de [29] (40.000 euros) et de M. [Y] [Z] (10.000 euros), sans commune mesure avec les prétentions extravagantes de l'appelante ; en outre, la Commission des sanctions n'a retenu aucun manquement à l'égard des commissaires aux comptes, contrairement à ce que l'appelante tente de faire croire ; la Commission des sanctions de l'AMF a expressément retenu que l'administrateur d'un émetteur n'a pas la qualité de dirigeant au sens de ce texte et ne saurait se voir imputer un manquement aux dispositions du règlement général de l'AMF.

Ils ajoutent que les deux décisions rapportées par l'appelante, au soutien de l'affirmation selon laquelle la jurisprudence de l'AMF n'exclurait pas la responsabilité des administrateurs en matière d'information financière, sont antérieures à la décision du 24 mai 2007, ci-avant exposée, qui retient que la responsabilité d'un administrateur ne peut pas être engagée sur le fondement de l'article 221-1 du règlement général de l'AMF ; elles ne sont donc pas susceptibles de la remettre en cause ; l'AMF retient justement que la responsabilité des administrateurs ne peut être engagée dès lors qu'il n'est pas démontré qu'ils aient eu le moindre rôle dans la communication incriminée, ce qui est le cas de l'espèce ; l'appelante se fonde sur l'article 221-1 du règlement général de l'AMF pour prétendre que les administrateurs intimés auraient commis une faute au titre de l'article L. 225-251 du code de commerce ; ainsi qu'il a été rappelé ci-avant, ces dispositions ne sont pas applicables aux administrateurs ; qu'il est dès lors impossible de leur imputer un manquement à ce titre.

Selon eux, l'engagement de la responsabilité des administrateurs sur le fondement de l'article L. 225-251 du code de commerce suppose de démontrer que les comptes n'étaient pas sincères et que les administrateurs ont agi de mauvaise foi ; la Commission des sanctions de l'AMF a jugé que les omissions reprochées n'avaient eu aucune incidence sur la fiabilité et la sincérité des comptes ; ainsi, au jour de son investissement, la SAS [46] était parfaitement informée de la stratégie immobilière de [27] ; celle-ci avait été annoncée au marché lors de l'introduction en bourse de la Société et, deux jours avant l'investissement de [46], l'AMF avait publié sur son site internet un rectificatif préparé par [27] contenant toutes les informations sur les parties liées ; si l'appelante a décidé d'acheter des actions [27] le jour du dépôt de l'OPAS, pour un prix supérieur à celui proposé dans le cadre de l'OPAS, c'est uniquement pour bloquer le retrait de la cote de la société ; la faute alléguée n'a donc aucun lien de causalité avec le préjudice réclamé ; qu'en tout état de cause, l'appelante ne peut se prévaloir d'aucun préjudice dans la mesure où son investissement lui a permis de réaliser une plus-value de 7,2 millions d' euros et qu'elle n'établit pas l'existence d'une opportunité spécifique d'investissement susceptible de générer un profit dont elle aurait été privée ;

Ils précisent que la SAS [46] n'explique pas en quoi elle aurait pu subir un préjudice moral, étant au demeurant rappelé qu'elle est une société de gestion de portefeuille et qu'elle prétend agir en tant que représentant d'un fonds commun de placement ; il est ensuite piquant de voir le représentant d'un fonds qui a pris une participation minoritaire pour empêcher le retrait de la cote et monnayer son rachat, prétendre que les dirigeants de [27] auraient trahi sa confiance, lui causant un préjudice moral important.

Réponse de la cour :

- Sur la faute :

Il est constant que la SAS [46] a investi dans le capital de la SA [27] par une action concertée le 25 juillet 2007, comme il résulte de la déclaration de franchissement de seuil publiée au bulletin officiel de l'AMF le 30 juillet 2007, lui conférant ainsi 5,99 % du capital et 3, 99 % des droits de vote.

Il a été retenu qu'à cette date, les comptes arrêtés au titre de l'exercice 2006 ne respectaient pas les deux obligations imposées par les normes comptables IAS 17 et 24, en ce que les tiers n'avaient pas connaissance de l'ampleur des engagements consécutifs à l'existence des baux et loyers, non plus que des incidences futures de la politique immobilière ayant consisté, pour [29], à exploiter la plupart des magasins de l'enseigne dans des locaux pris en location. Or, comme l'a rappelé la cour d'appel dans son arrêt du 7 novembre 2013, l'autorité des marchés financiers a relevé que le montant minimal des paiements futurs relatifs au contrat de « location simple » s'élevait, à moins d'un an, à 30 millions d' euros au 31 décembre 2006, soit près de 15 % des capitaux propres de [29]. La violation de la norme IAS 24 par absence de fourniture d'informations nécessaires pour attirer l'attention sur la possibilité que la position financière et le résultat puissent avoir été affectés par l'existence de parties liées et par les transactions et soldes avec celle-ci a été caractérisée par la cour du fait que la société n'avait pas fourni au public les informations particulières quant à ses relations avec les structures immobilières du groupe familial qui était bailleresse de 64 de ses magasins, au montant des soldes, à leurs termes et conditions ainsi que, pour chaque poste de bilan, à la répartition des montants à payer et à recevoir.

La cour approuve l'autorité des marchés financiers d'avoir souligné que, s'agissant d'une société dont la politique immobilière était presque entièrement tournée vers la location des bâtiments dans lesquelles elle exerçait son activité de distribution, l'information selon laquelle une part importante de ces bâtiments était louée auprès d'une partie liée était essentielle afin d'attirer la vigilance du marché sur la gestion d'éventuels conflits d'intérêts.

La cour a donc approuvé la décision ayant retenu sur le fondement de l'article 223-1 du règlement général de l'autorité des marchés financiers des manquements à l'obligation d'information exacte, précise et sincère.

La faute de M. [Y] [Z] est donc démontrée.

S'agissant de la responsabilité des administrateurs dans la publication financière exigée par l'AMF, il sera rappelé que les dispositions de l'article 221-1 du règlement général de l'AMF visent le dirigeant social et non les administrateurs. Pour engager la responsabilité de ces derniers au titre de l'article L. 225-251 du code de commerce, il appartient à la société appelante de démontrer que l'information financière incomplète traduisait l'existence de comptes ne présentant pas l'image fidèle de l'entreprise, approuvés à tort par les administrateurs ou, en cas d'absence d'abstention, sans protestations ultérieures de leur part (Com., 9 mars 2010, pourvoi n° 08-21.793, 08-21.547, Bull. 2010, IV, n° 48).

Il est constant que les administrateurs ne se sont pas opposés à la publication des comptes et les ont, à tout le moins, approuvés.

Il a été retenu par l'AMF, dans sa décision du 29 juin 2012, qu'il n'a jamais été allégué par la SAS [46], qui ne le fait pas plus à hauteur de cour que les comptes des exercices aient été irréguliers et auraient donné une fausse image du résultat des opérations de l'exercice ou de la situation financière de la société et de son patrimoine. Il n'est pas non plus retenu ni allégué que le montant chiffré des engagements futurs générés par la politique immobilière de [29] avait des effets sur le contenu et, dès lors, sur le montant et la nature des comptes.

S'agissant de l'année 2006, la même autorité dans cette décision, ne retient pas de grief lié à l'irrégularité des comptes, précisant que si une inexactitude a été relevée sur le montant des charges supportées vis-à-vis des sociétés liées, elle n'était pas, à elle seule, suffisamment significative au regard de la NEP 320 pour pouvoir être retenue.

Dès lors, il ne peut être reproché aux administrateurs d'avoir approuvé les comptes en conseil d'administration.

Les demandes dirigées à leur encontre doivent donc être rejetées.

S'agissant de la violation des règles relatives aux conventions autorisées, il sera rappelé que l'article L. 225-38 3ème alinéa du code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 applicable au litige, énonce que :

« Toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre la société et son directeur général, l'un de ses directeurs généraux délégués, l'un de ses administrateurs, l'un de ses actionnaires disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s'il s'agit d'une société actionnaire, la société la contrôlant au sens de l'article L. 233-3, doit être soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration.

Il en est de même des conventions auxquelles une des personnes visées à l'alinéa précédent est indirectement intéressée.

Sont également soumises à autorisation préalable les conventions intervenant entre la société et une entreprise, si le directeur général, l'un des directeurs généraux délégués ou l'un des administrateurs de la société est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, membre du conseil de surveillance ou, de façon générale, dirigeant de cette entreprise. »

Une exception est admise par l'article L. 225-39 pour les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales.

En l'espèce, la preuve a été rapportée d'une faute de M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] relativement à la conclusion de la vente de [53].

S'agissant des opérations immobilières, celles-ci se sont déroulées entre [29] et la société [52] et la société [56]. Il ne saurait être argué d'une interposition de personne dans la vente, dès lors que l'interposition visée par le texte est celle d'un tiers acquéreur destiné à cacher l'identité de l'acquéreur réel. Dès lors que la SA [Z] [42] était la dirigeante sociale de [29] et non M. [Y] [Z], et que les sociétés acquéreuses n'étaient pas dirigées par la société holding mais par M. [Y] [Z], les dispositions précitées ne sont pas applicables.

La faute ne saurait être constituée par la politique de la société d'externalisation de la propriété de ses biens immobiliers, dès lors qu'une entreprise est libre de sa gestion. Il appartient donc à la SAS [46] de démontrer que la politique menée a nui à l'intérêt social de la SA [Z] [42] qui a elle-même pris la décision ès-qualités de président de [29].

Or, en l'espèce, la preuve que les obligations contractuelles de [29] étaient désavantageuses n'est pas rapportée.

Le rapport d'expertise judiciaire déposé en l'état le 24 mars 2017 procède à une analyse détaillée des baux commerciaux sur l'ensemble des sites dont les contrats lui ont été fournis. L'expert fait état de l'ensemble des avenants. Il conclut au fait que les contrats soient tous de type classique est conforme aux usages en matière de baux commerciaux. Il ajoute que sur les avenants conclus en octobre et novembre 2010, un avantage spécifique a été accordé à la société [29] consistant de la faculté de résiliation du bail ou de la convention de sous-location en dehors des périodes triennales moyennant un préavis de six mois. Il a en outre été substitué à l'indice du coût de la construction, l'indice des loyers commerciaux.

La SAS [46] ne dépose aucune pièce discutant des clauses contractuelles, hormis la question des loyers.

S'agissant du prix des loyers qui serait décorrélés de la valeur locative pour couvrir les charges du crédit-bail, la société appelante propose une analyse, l'expert-comptable de cette dernière ne procède pas à l'analyse exigée par le Code de commerce pour la fixation des loyers commerciaux et ne propose ses conclusions que du fait d'une extrapolation, faute de démontrer, bail par bail, les conditions de l'article L. 145-33, à savoir, les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage. Dès lors, les conclusions du cabinet [60] ne sauraient être retenues.

Il n'apparaît donc pas de lésion de l'intérêt social de la SA [27].

Aucune faute dans la gestion immobilière ne peut donc être reprochée aux membres du conseil d'administration de la SA [27] et à son dirigeant social.

- Sur le dommage :

Le prix de vente de la société [53] ayant été jugé conforme aux prix du marché, aucune diminution de la valeur de la SA [27] n'en résulte.

Pour arguer de l'existence de son préjudice lié à une perte des possibilités d'investissement, la société appelante fait état d'une surévaluation des charges financières liées à des loyers aux clauses exorbitantes, procurant un avantage significatif aux sociétés propriétaires au détriment de la société locataire et, par voie de conséquence, de sa société mère.

Les moyens et prétentions relatifs à la surévaluation du prix des loyers ont été déclarés irrecevables. La preuve que les contrats de baux commerciaux contiennent des clauses exorbitantes procurant un avantage excessif au propriétaire n'est pas rapportée, au vu des constations opérées par l'expert judiciaire, notamment au regard des modifications contractuelles apportées permettant de mettre fin aux contrats à tout moment, sans indemnités.

À cet égard, le rapport d'expertise judiciaire déposé en l'état le 24 mars 2017 procède à une analyse détaillée des baux commerciaux sur l'ensemble des sites dont les contrats lui ont été fournis. L'expert fait état de l'ensemble des avenants. Il conclut au fait que les contrats sont tous de type classique est conforme aux usages en matière de baux commerciaux. Il ajoute que sur les avenants conclus en octobre et novembre 2010, un avantage spécifique a été accordé à la société [29] consistant de la faculté de résiliation du bail ou de la convention de sous-location en dehors des périodes triennales moyennant un préavis de six mois. Il a en outre été substitué à l'indice du coût de la construction, l'indice des loyers commerciaux.

Relativement à une éventuelle surévaluation des loyers, aucune pièce n'est versée.

En outre, l'apport à la société [52] et à la société [56] des murs des magasins dont les fonds de commerce étaient exploités par [29] a été effectué en échange de l'attribution à cette dernière des prix de vente. La SAS [46] ne conteste pas le développement du chiffre d'affaires de [29] lié notamment aux rachats de concurrents.

Il appartient donc à la société appelante de démontrer une perte de valeur de la SA [27] du fait que sa filiale [29] a vendu les murs des magasins sans qu'elle les rachète, la transmission de valeur devant nécessairement s'opérer moyennant le paiement du prix d'achat et des charges financières qui en découlaient.

Cette preuve ne résulte pas des pièces produites. En effet, la note de [60] sur le rendement immobilier par comparaison avec [47] n'est pas opérée sur un périmètre d'activité immobilière équivalent et se fonde sur une hypothèse de surévaluation des loyers, non recevable. En outre, la valeur résiduelle des biens en fin de contrat n'est pas déterminée, l'hypothèse extrapolée sur deux contrats d'un coût de levée d'option nul, étant contredite par la production d'autres contrats en défense, dans lesquels les levées d'options ont été faites à titre onéreux. Enfin, les préjudices tels qu'évalués par ce cabinet d'expertise comptable sont ceux de la filiale de la SA [27] et ne peuvent constituer le préjudice direct de cette dernière société. Il n'est pas procédé par ce cabinet à l'analyse des conséquences pour la holding, de l'opération d'externalisation, dans l'ensemble de ses conséquences.

Le préjudice ne peut donc résulter que du caractère incomplet des informations données aux marchés financiers qui auraient induit un investissement dont la rentabilité était inférieure à ce qui pouvait être attendu au regard des charges susceptibles de diminuer le rendement par action.

Ainsi, le préjudice ne saurait être la résultante de la politique immobilière, aboutissant à une diminution du rendement possible de l'action [29], mais de la perte de chance d'obtenir un rendement supérieur de son investissement si la société appelante, ayant eu connaissance de l'incidence réelle de la politique de la SA [29], devenue la SA [27], avait investi dans les actions d'une autre société.

Les critiques apportées en défense par le cabinet [36] sont donc pertinentes et doivent être retenues.

Il appartient donc à la société appelante de démontrer la différence de rendement entre l'investissement effectué et le rendement moyen des actions sur le marché financier où était cotée la société [29] et l'éventuelle perte financière liée à la revente de ses actions sur des valeurs comparables.

Pour asseoir son raisonnement relativement à la perte de chance, la SAS [46] produit le document de travail du cabinet [60], qui analyse la situation au regard d'une hypothèse de travail, à savoir l'opportunité d'un investissement similaire dans le secteur de la distribution emportant l'hypothèse d'une répartition dans le temps pour moitié sur des supports sans risque et pour moitié sur les supports à risque. Il estime que le rendement moyen dans le secteur de la distribution des investissements de sa cliente est de 25, 4 % par périodes d'investissement en moyenne dont la durée maximale est d'un an et quatre mois outre des investissements sans risque avec un roman de 2 % par an en moyenne sur une durée équivalente. Il estime le taux moyen de rendement annuel de l'action à 6,9 % en situation normale. La performance constatée de l'action [29] sur la période a été de 0,8 %.

S'agissant d'une perte de chance, il l'estime, au regard de l'activité de sa cliente, très élevée, au regard de la politique d'investissement constatée de celle-ci.

En réponse aux critiques apportées, le cabinet maintient son analyse en expliquant que le rapport déposé par le cabinet [36] pour le compte de la SA [27] ne critiquait pas la différence de rendement mais uniquement la durée des investissements. En réponse, le cabinet indique le manque de liquidité du titre qui ne permettait pas à sa cliente de céder ceux qu'elle détenait, ayant d'ailleurs conduit à une demande d'offre publique de retrait formée par trois actionnaires minoritaires.

Dans sa note complémentaire du 31 janvier 2023, établie à la suite de la cession des titres, ce cabinet établit un rendement réel de l'action annualisée de 2,2 % contre 6,8 % pour une société équivalente. Il en déduit un préjudice compris entre 11, 7 millions d' euros et 21, 1 million d' euros selon le facteur de perte de chance retenue entre 50 et 90%.

En réponse, le cabinet [36] précise d'une part que rien ne démontre l'impossibilité dans laquelle se trouvait la société de réaliser son investissement dans les durées habituelles. Il ajoute que rien ne prouve que des opportunités d'investissement existaient à l'époque autres que celles auprès de la SA [27]. Il remarque que sur la même période, les groupes [32] et Mr. [R] avaient perdu de la valeur, ce qui pour un investissement identique aurait conduit à des moins-values respectives de 14 millions d' euros et de 13, 3 millions d' euros.

Relativement à l'impossibilité de réaliser son investissement antérieurement à 2021, il convient de noter que l'investissement a été réalisé par la société appelante alors que la holding de la famille [Z] avait déposé une offre publique d'achat au prix de 52 euros l'action. La société qui détenait donc 5 % du capital de [29] se voyait opposer un bloc d'actionnaires détenant 87,48% des titres.

Dès lors, en investissant dans la société, dans ce contexte où les actionnaires voulaient sortir de la cotation en bourse la SA [27], la SAS [46] connaissait le risque lié à un manque de liquidité de ses titres. L'hypothèse d'une revente rapide sur les cycles avancés par le cabinet [60] n'est, de ce fait, pas confirmée.

Dès lors, il appartient à la SAS [46] de préciser celles des opportunités dans lesquelles il estimait pouvoir investir en lieu et place des actions de [29] et, sur la même période de possession, de préciser les plus-values ou les moins-values réalisées.

À cet égard, les valeurs de sociétés de distribution mises en avant par le cabinet [60] ne correspondent pas à la même période de référence ni au même type d'exploitation, ni aux mêmes cycles économiques, de telle sorte que la comparaison n'apparaît pas significative, notamment pour l'enseigne [62].

Il n'existe donc pas de preuve d'un lien de causalité entre le préjudice allégué tenant au moindre rendement des actions [29] par rapport à ce qui en était attendu au regard des engagements financiers liés à la politique immobilière de la société n'ayant pas donné lieu à l'information légale, et dont la SAS [46] n'avait pas connaissance à la date de son investissement, et la faute retenue tendant à l'absence de respect des obligations d'information des tiers au regard des normes.

Dès lors, les demandes indemnitaires formées par la société appelante doivent être rejetées.

Au regard de la politique d'investissement de la société appelante dans la SA [27], du manque de liquidité des titres, de l'absence de toute conséquence financière imputable aux fautes retenues et de l'absence de toute pièce justifiant de la preuve d'un préjudice moral, la demande indemnitaire formée sur ce point sera rejetée.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes indemnitaires formées à titre incident :

Moyens des parties :

M. [Y] [Z] expose que le préjudice moral subi par lui-même et les administrateurs de [Z] [42] est réel, sérieux et durable, et ne peut être écarté ; depuis plus de 17 ans, les dirigeants de la société, en particulier son Président fondateur, ont été publiquement accusés de fraude, de malhonnêteté, voire d'incompétence, dans une campagne judiciaire et médiatique systématique, dont les conséquences personnelles, professionnelles et réputationnelles ont été considérables ; il ne s'agit pas ici d'une simple contradiction procédurale ; que des courriers ont été adressés directement à l'ensemble des membres de la famille [Z], en dehors de tout cadre judiciaire, dans le but manifeste de créer des tensions internes ; la Brigade Financière a été saisie, après 8 années d'enquête qui s'est soldée finalement par un classement sans suite, confirmant l'absence d'infraction pénale, mais laissant des traces profondes sur le plan personnel et institutionnel ; des articles de presse ont relayé ce litige, semant le doute chez les collaborateurs, et compromettant l'image de la société ; lors des assemblées générales annuelles, le climat d'hostilité et de défiance imposé par l'appelante a obligé le groupe à faire appel à un sténotypiste et à un huissier de justice, uniquement pour garantir la validité des débats et sécuriser les procès-verbaux, ce qui illustre la gravité des tensions induites ; à 78 ans, M. [Z] a fait le choix de rester en fonction, non pas par confort ou ambition personnelle, mais par devoir, afin de ne pas laisser à ses enfants la charge d'un contentieux aussi lourd, qui dure depuis maintenant 17 ans ; il a dû porter seul l'ensemble de la stratégie de défense, tout en continuant à assurer la gestion du groupe dans un climat délétère et hostile ; Mme [Z], âgée de 83 ans, assiste depuis 17 ans à toutes les audiences et réunions concernant ce litige où elle est mise en cause depuis son commencement.

Il ajoute qu'il est tout aussi essentiel de rappeler le coût financier démesuré supporté au fil des années ; près d'un million d' euros a été consacré aux honoraires d'avocats, de conseils, d'experts judiciaires et privés, ainsi qu'aux frais annexes liés à la complexité de la procédure ; ce coût, assumé personnellement pour une part, illustre la lourdeur exceptionnelle de ce contentieux, tant sur le plan matériel que moral ; dans ce contexte, la demande d'indemnisation formulée par M. [Z] ne relève ni de la posture ni de l'exagération : elle correspond à une réalité humaine, morale et financière d'une rare intensité, que seule l'ampleur du préjudice subi peut justifier ; il est pour le moins paradoxal que, après avoir tiré tous les bénéfices économiques d'un placement qu'elle a conservé plus de dix ans, [46] vienne aujourd'hui instrumentaliser les juridictions de l'État pour tenter d'obtenir une compensation a posteriori, au titre d'une erreur d'appréciation stratégique qui lui est propre ; que cette procédure s'apparente ainsi à une man'uvre purement opportuniste, utilisant de manière abusive les moyens de la justice commerciale, dans le seul but d'obtenir un gain complémentaire, sans fondement réel, et au mépris des conséquences humaines, financières et institutionnelles qu'elle a provoquées chez les personnes qu'elle vise depuis près de deux décennies.

Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] exposent que la SAS [46] instrumentalise la justice depuis 2008 et sa quérulence a fait subir aux administrateurs intimés un préjudice important ; au regard de la durée de la procédure et du comportement particulièrement abusif de l'appelante qui ne cesse de se contredire, cette dernière devra être condamnée à payer à chaque administrateur intimé la somme de 200 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

La SAS [46] réplique que l'exercice d'une action en justice est susceptible de justifier l'allocation de dommages-intérêts uniquement lorsqu'il est démontré avec la certitude nécessaire que le requérant a commis une faute « tenant notamment à la malice, [la] mauvaise foi », à l' » erreur grossière équipollente au dol », ou encore à « une intention de nuire » ; à défaut de franchir ce standard de preuve élémentaire, les demandes des intimés fondées sur le prétendu caractère abusif de son action seront rejetées conformément à la jurisprudence ; les intimés n'établissent pas l'existence réelle d'un préjudice moral autonome, distinct du préjudice résultant de leur obligation de se défendre en justice ; les prétentions indemnitaires des intimés seront donc rejetées dans leur intégralité.

Réponse de la cour :

En la présente espèce, la preuve des griefs avancés par les intimés résulte de documents émanant de M. [Y] [Z] faisant part des menaces qu'il aurait reçues de la part du représentant de la SAS [46], le menaçant de rétorsion dans le cas où il ne donnerait pas son accord sur une demande de rachat des titres à un prix donné.

Les correspondances adressées par la SAS [46] à M. [Y] [Z] contestent les opérations et demandent une valorisation des actions pour obtenir un rachat au meilleur prix, de ce fait ne constituent que des mises en demeure ou des demandes d'explication et non des lettres de menaces. Aucun autre élément ne vient étayer cette affirmation. Les lettres adressées aux administrateurs mettent en cause la politique immobilière et la vente de [53]. Elles demandent des rencontres. Les tons de ces correspondances ne sont pas discourtois. Le dirigeant social et les administrateurs ne peuvent faire grief à un investisseur de contester leur politique, même de manière insistante.

La preuve que la présente instance constitue un abus de droit n'est pas rapportée.

S'agissant de la plainte pénale dirigée contre M. [Y] [Z], s'il est avéré que les comptes de la société n'ont pas été affectés par les manquements aux obligations d'information des tiers, et qu'ainsi aucune infraction n'a été commise au plan pénal, la faute de ce dernier a été reconnue tant par l'autorité des marchés financiers que par la cour d'appel de Paris statuant sur le recours seule décision de sanction.

Dès lors, aucune faute ne peut être imputée à la SAS [46]. Les demandes de dommages-intérêts seront donc rejetées.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la recevabilité des conclusions de [29] et les demandes qu'elle formule :

Moyens des parties :

La société [29] expose que l'insistance procédurale de la société [46] dirigée contre elle, laquelle n'est pas concernée par la procédure devant la cour, et contre qui aucune demande n'est formulée, est étonnante et lui cause un préjudice évident, puisqu'elle est contrainte de se faire représenter dans la procédure ; les dispositions de l'article 909 du code de procédure civile ne peuvent trouver application dès lors qu'aucune demande n'a été formulée par conclusions contre elle ; le calendrier de l'incident de procédure lui ayant été dénoncé par la société [46], elle était dans l'obligation de se faire représenter pour faire part à la cour de sa totale incompréhension de la démarche procédurale de l'appelante à son encontre ; lorsque le dossier se présente devant la cour, et même lorsque le tribunal de commerce de Créteil a statué, ses titres avaient déjà été rachetés par le Groupement [49] au travers de sa filiale [44] de la maison ; elle a pris connaissance des conclusions et des pièces échangées par les parties et notamment des différents rapports d'expertise communiqués par la société [46] (rapport [60]) et les intimés (rapport Eight Advisory) et tient à préciser que la cession de ses titres entre deux groupes de distribution concurrents a fait l'objet de vérifications et d'audit notamment en ce qui concerne les loyers pratiqués par les sociétés foncières de M. [Y] [Z] ; cette vérification était indispensable pour valoriser ses titres ; aucune irrégularité n'a été décelée.

La SAS [46] réplique que [29] était partie à l'instance devant le tribunal de commerce de Créteil ; elle est citée en tant que défenderesse par le jugement dont appel ; elle l'a dès lors visée dans sa déclaration d'appel du 26 juin 2020 et lui a signifié ladite déclaration le 18 septembre 2020 en application de l'article 902 du code de procédure civile, [29] n'ayant pas constitué avocat devant la cour à cette date ; elle a par ailleurs signifié ses conclusions d'appelante à [29] le 14 octobre 2020, conformément aux dispositions de l'article 911 du code de procédure civile ; il appartenait à [29] de conclure dans un délai de trois mois à compter de cette date, c'est à-dire avant le 14 janvier 2020 ; [29] ne s'est constituée que le 15 mars 2022 et n'a conclu tant sur le déféré que sur le fond que le 1er avril 2022 ; elle n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour conclure.

Elle ajoute au fond que [29] ne démontre toutefois ni la faute prétendument commise par elle, ni le dommage qu'elle aurait subi en conséquence de cette faute ; elle se contente de déplorer la prétendue « insistance procédurale » dont elle ferait preuve à son endroit ; il n'y a toutefois rien de fautif dans le fait de signifier à [29] la déclaration d'appel et ses conclusions d'appelante, conformément aux dispositions applicables.

Réponse de la cour :

En vertu de l'article 914 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, applicable au litige, seul le conseiller de mise en état est compétent, jusqu'à la clôture de l'instruction, pour déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 du code de procédure civile.

En l'espèce, alors que la cause de l'irrecevabilité des conclusions de la société [29] était connue lors de leur dépôt, la SAS [46] n'a pas saisi le conseiller de mise en état pour faire constater leur irrecevabilité du fait de l'attractivité de leur dépôt. Elle n'est donc pas recevable à le faire devant la cour.

Le litige étant étranger à la société [29], la SAS [46] n'avait aucune obligation de l'attraire à la procédure. Il interjetait appel à son encontre en contestant sa mise hors de cause, alors qu'aucune demande, même en déclaration de jugement commun, n'est formulée.

Cependant, faute de preuve d'un abus de droit, la demande de dommages-intérêts sera rejetée.

La SAS [46] qui succombe à titre principal sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement des sommes suivantes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qui s'ajouteront aux condamnations prononcées par le tribunal :

À M. [Y] [Z], [52] et la société [56], chacune, 15 000 euros ;

A Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z], chacun, 15 000 euros ;

A la société [29] : 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour :

DÉCLARE recevable l'appel de la SAS [46] ;

CONFIRME le jugement en date du 19 mai 2020, du Tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il :

DIT recevable à titre de demandes additionnelles les prétentions de la SAS [46], incluses dans ses « conclusions additionnelles » déposées à l'audience publique du 9 mars 2010

DIT prescrites toutes les conclusions de contrats de location non résiliables entre [29] et les sociétés dont M. [Y] [Z] est Président et propriétaire, intervenues plus de 3 ans avant le 9 mars 2010,

DÉBOUTE la SAS [46] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier,

DÉBOUTE la SAS [46] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral,

DÉBOUTE M. [Y] [Z] et la société [52] et la société [56] de leur demande de condamner la SAS [46] à payer des dommages et intérêts à M. [Y] [Z] au titre du préjudice moral,

DÉBOUTE Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] de leurs demandes de condamner la SAS [46] à leur payer des dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE la SAS [46] à payer à chacun des trois défendeurs, M. [Y] [Z], la société [56] et la société [52] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboute M. [Y] [Z], la société [52] et la société [56] et du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la SAS [46] à payer à chacun des trois défendeurs, Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] la somme de 4 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboute Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la SAS [46] à payer à la SA [27], la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboute la société [27] du surplus de sa demande,

DÉBOUTE la SAS [46] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement pour le surplus :

STATUANT à nouveau :

DIT la SAS [46] recevable à rechercher la responsabilité solidaire des membres du conseil d'administration de [29] devenue la SA [27], pour les décisions prises antérieurement au 1er avril 2004 pour les actes auxquels ils ont participé ;

DÉCLARE irrecevable la demande tendant à la condamnation solidaire de M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à [Z] [42] la somme de 488 millions d' euros à titre de dommages-intérêts pour la gestion immobilière du groupe ;

DIT que M. [Y] [Z] a commis une faute en participant au vote des résolutions autorisant la vente de la société [53] ;

DIT que Mme [F] [Z] a commis une faute en ne s'opposant pas au vote de M. [Y] [Z] dans la cadre de la vente de la société [53] ;

DIT que Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] ont commis des fautes en ne s'opposant pas a posteriori aux résolutions autorisant la vente de la société [53] ;

DÉBOUTE la SAS [46] de sa demande de condamnation solidaire de M. [Y] [Z], Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z] à verser à [Z] [42] la somme de 91 295 719 euros à titre de dommages-intérêts pour la vente de la société [53] ;

Y AJOUTANT :

DÉBOUTE la société [29] de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la SAS [46] à payer à :

À M. [Y] [Z], [52] et la société [56], chacune, 15 000 euros ;

A Mme [F] [Z], Mme [E] [Z] et M. [P] [Z], chacun, 15 000 euros ;

A la société [29] : 3 000 euros.

CONDAMNE la SAS [46] aux dépens ;

AUTORISE la SELARL [8], en la personne de Maître [L] [B], de recouvrer directement contre la SAS [46] ceux de dépens dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

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