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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. civ., 20 novembre 2025, n° 25/01531

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Via La Plateforme Patrimoniale (SAS)

Défendeur :

Equance (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Torrecillas

Conseillers :

Mme Herment, Mme Carlier

Avocats :

Me Agier, Me Poquillon

T. com. Montpellier, du 6 mars 2025, n° …

6 mars 2025

EXPOSE DU LITIGE

La société Equance, immatriculée depuis le 12 mai 2005, a pour activités le conseil en investissement financiers, le courtage en assurances, le conseil en placement financiers et immobiliers, les transactions sur immeubles et fonds de commerce, les démarchages bancaires et financiers et le courtage en opérations de banque et en services de paiement.

La société Via la plateforme patrimoniale, immatriculée depuis le 19 février 2010, a parmi ses activités le conseil en gestion de patrimoine, le conseil en investissements financiers, le courtage en assurance, les transactions immobilières sur immeubles et fonds de commerce, l'intermédiation et le courtage en opérations de banques et services de paiement ainsi que le conseil juridique et la rédaction d'actes sous seing privé.

M. [S] [W], Mme [N] [W] et la société L'Open invest représentée par M. [S] [W] ont signé avec la société Equance des mandats d'agent commercial et d'agent commercial immobilier au cours de l'année 2012.

M. [M] [X] et la société Patrimonia expertise représentée par M. [M] [X] ont signé avec la société Equance des contrats de mandat d'agent commercial prenant effet respectivement au 1er août 2016 et au 30 octobre 2013.

M. [H] [D] et la société MD Consultant limited ont signé avec la société Equance des contrats de mandat d'agent commercial, d'agent commercial immobilier et d'intermédiaire en 2014 et 2020.

Le 2 mai 2024 a été immatriculée la société [Z] [P], ayant des activités de conseil en gestion de patrimoine, de conseil en investissements financiers et de courtage en assurance, créée par M. [S] [W], Mme [N] [W] et la société L'Open invest.

Le 23 mai 2024 a été immatriculée la société Patrimoine MD, ayant des activités de conseil en gestion de patrimoine, de conseil en investissements financiers, de courtage en assurance et d'intermédiation, ayant pour dirigeant M. [H] [D].

M. [M] [X] et la société Patrimonia expertise, M. [H] [D] et la société Consultant limited, ainsi que M. et Mme [W] ont pris acte de la rupture de l'ensemble de leurs contrats les liant à la société Equance en avril 2024 pour M. [X], la société Patrimonia expertise, M. [D] et la société Consultant limited, et en mai 2024 pour M. et Mme [W].

Par actes en date du 9 octobre 2024 pour les premiers, du 16 octobre 2024 pour les deuxièmes et du 8 novembre 2024 pour les derniers, M. et Mme [W] et la société L'Open Invest, M. [X] et la société Patrimonia expertise, et M. [D] et la société MD Consultant Limited ont fait assigner la société Equance devant le tribunal de commerce de Montpellier aux fins notamment de voir prononcer la nullité des mandats d'agents commerciaux conclus avec cette dernière, ainsi que la nullité des clauses de non concurrence, et d'obtenir sa condamnation à leur verser diverses sommes à titre de commissions restant dues et d'indemnités résultant de la résiliation des mandats pour fautes graves.

Indiquant que M. et Mme [W], la société L'Open Invest, M. [X] et M. [D] qui avaient signé avec elle des contrats d'agent commercial et d'agent commercial immobilier, contenant une clause de non-concurrence et une clause de non-sollicitation, entendaient récupérer l'entière clientèle qu'ils avaient développée pour elle pour la transférer auprès de la société Via la plateforme patrimoniale et désorganiser son activité au mépris de ces clauses et des règles de concurrence déloyale, et que depuis la fin des préavis des quatre mandataires, elle avait vu huit cent dix-huit contrats transférés ou en cours de transfert sans aucun motif, la société Equance a, par requête du 13 décembre 2024, sollicité du président du tribunal de commerce de Montpellier la désignation, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, d'un commissaire de justice chargé de se rendre dans les locaux de la société Via la plateforme patrimoniale et de procéder, notamment, à la recherche de tout document informatique contenant certains mots clés et de tout document relatif à des clients communs entre cette dernière et elle, et d'en prendre copie.

Aux termes d'une ordonnance en date du 17 décembre 2024, le président du tribunal de commerce de Montpellier a commis tout commissaire de justice territorialement compétent, le cas échéant accompagné de tout officier de police judiciaire territorialement compétent, d'un informaticien et d'un serrurier de son choix, avec pour mission, dans les deux mois de la date de l'ordonnance, de : - se faire remettre par la partie requérante, préalablement aux opérations de constat, la pièce 26, produite à l'appui de sa requête et correspondant à la liste de ses clients,

- se rendre et pénétrer dans les locaux de la société Via la plateforme patrimoniale sis [Adresse 4] ou en tout autre lieu où serait asurée la gestion administrative et/ou l'exploitation de la société,

- se faire remettre ou rechercher sur l'ensemble des matériels et systèmes informatiques (internes ou accessibles à distance) utilisés par la société Via la plateforme patrimoniale, ses salariés ou ses dirigeants, ainsi que sur l'ensemble des serveurs, postes informatiques, boites de messagerie ou d'archivage électronique et tout autre support interne ou externe de données informatiques également utilisés par la société Via la plateforme patrimoniale :

* les échanges de toutes nature et courriers électroniques créés, modifiés, adressés, remis, transférés ou réceptionnés, le cas échéant supprimés, entre le 1er juin 2023 jusqu'au jour des constatations et comprenant dans leur corps ou dans leur objet l'un au moins des mots clés suivants utilisés en lettres majuscules ou en minuscules, au singulier ou au pluriel, de manière abrégée ou déployée : Equance, [W], [X], [D], [Z] [P], Patrimoine MD et Patrimonial expertise,

* une copie du fichier clients de la société Via la plateforme patrimoniale, un extrait des factures ou comptes clients de la société Via la plateforme patrimoniale et/ou tout autre document permettant d'établir la liste des clients de la société Via la plateforme patrimoniale à la date des constatations, afin que le commissaire de justice puisse identifier et dresser la liste des clients communs avec ceux de la société Equance, tels que figurant en pièce 26 produite à l'appui de la requête,

* tous documents, toutes correspondances ou tous documents comptables, en ce compris électroniques, fichiers informatiques situés ou accessibles depuis lesdits locaux, quel qu'en soit le support physique ou informatique, relatifs à l'un ou plusieurs des clients communs précédemment identifiés, adressés, remis, transférés, échangés, supprimés, créés ou modifiés entre le 1er janvier 2024 et la date des constatations,

* tous documents, contrats, correspondances, bordereau de commission en ce compris électroniques, fichiers informatiques, situés ou accessibles depuis lesdits locaux, quel qu'en soit le support physique ou informatique, échangés ou conclus entre, d'une part la société Via la plateforme patrimoniale et d'autre part, M. [S] [W], Mme [N] [W], [Z] [P], M. [M] [X], la société Patrimonia Expertise, M. [H] [D], Patrimoine MD et MD Consultant Limited,

- prendre copie desdits documents et informations sur tout support de son choix,

- à l'issue des opérations, établir un document permettant l'identification des éléments appréhendés et le remettre à la partie auprès de laquelle il les aura obtenus,

- du tout dresser constat qui sera remis au requérant,

- tenir à la disposition de la partie auprès de laquelle il les aura obtenues, sur un support informatique adapté, une copie des pièces sequestrées.

Les 6, 16, 22 et 24 janvier 2025, le commissaire de justice mandaté a exécuté la mission qui lui avait été confiée et a procédé à la saisie dans les locaux de la société Via la plateforme patrimoniale.

Puis, autorisée par ordonnance du 25 janvier 2025, la société Via la plateforme patrimoniale a, par acte du 3 février 2025, fait assigner la société Equance en référé d'heure à heure devant le président du tribunal de commerce de Montpellier afin qu'il se déclare incompétent territorialement pour statuer sur la requête de la société Equance, qu'il rétracte en toutes ses dispositions l'ordonnance du 17 décembre 2024, qu'il juge nul et non avenu le procès-verbal de constat établi entre les 6 et 24 janvier 2025 par la SCP Duparc Flament, commissaires de justice, commis sur le fondement de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Montpellier du 17 décembre 2024 et qu'il ordonne la restitution immédiate à la société Via la plateforme patrimoniale de tous les documents, pièces, fichiers et informations appréhendés.

A titre subsidiaire, elle lui demandait de rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance du 17 décembre 2024 et de limiter le périmètre des mesures d'instruction aux seuls documents contenant le nom d'éventuels clients communs à Messieurs [D], [X] et [W] et à la société Equance et d'ordonner le maintien du séquestre entre les mains de la SCP Duparc Flament des documents et fichiers appréhendés jusqu'à ce que le juge du fond éventuellement saisi autorise leur communication.

Dans une ordonnance de référé rendue le 6 mars 2025, le président du tribunal de commerce de Montpellier a :

- confirmé la compétence territoriale de la juridiction montpelliéraine pour statuer sur la requête déposée par la société Equance le 13 décembre 2024,

- débouté la société Via la plateforme patrimoniale de sa demande de rétractation de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Montpellier au 17 décembre 2024,

- confirmé en conséquence cette ordonnance,

- ordonné le maintien du séquestre des documents et fichiers appréhendés entre les mains de la SCP Duparc et Flament jusqu'à ce que le juge éventuellement saisi autorise leur communication,

- débouté la société Via la plateforme patrimoniale de toutes ses demandes,

- condamné la société Via la plateforme patrimoniale à verser à la société Equance la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de la société Via la plateforme patrimoniale.

Par déclaration en date du 17 mars 2025, la société Via la plateforme patrimoniale a relevé appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées le 7 août 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la société Via la plateforme patrimoniale demande à la cour de :

- réformer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle :

* a confirmé la compétence territoriale de la juridiction montpelliéraine pour statuer sur la requête déposée par la société Equance,

* l'a déboutée de sa demande de rétractation de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Montpellier au 17 décembre 2024 et en conséquence, a confirmé cette ordonnance,

* l'a déboutée de toutes ses autres demandes,

* l'a condamnée à verser à la société Equance la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* a laissé les dépens à sa charge,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- déclarer incompétent territorialement le tribunal de commerce de Montpellier pour statuer sur la requête déposée par la société Equance,

En conséquence,

- rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance du 17 décembre 2024,

- prononcer la nullité du procès-verbal de constat établi entre les 6 et 24 janvier 2025 par la SCP Duparc Flament, commissaires de justice à Paris, commis sur le fondement de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Montpellier en date du 17 décembre 2024,

- ordonner la restitution immédiate à son bénéfice de tous les documents, pièces, fichiers et informations appréhendés,

- débouter la société Equance de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance du 17 décembre 2024,

- débouter la société Equance de l'intégralité de ses demandes,

- ordonner la restitution immédiate à son bénéfice de tous les documents, pièces, fichiers et informations appréhendés par le commissaire de justice,

A titre infiniment subsidiaire,

- limiter le périmètre des mesures d'instruction aux seuls documents contenant le nom d'éventuels clients communs à Messieurs [D], [X] et [W] et la société Equance,

- ordonner le maintien du séquestre entre les mains de la SCP Duparc Flament des documents et fichiers appréhendés jusqu'à ce que le juge du fond éventuellement saisi autorise leur communication,

En tout état de cause,

- condamner la société Equance à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et en cause d'appel,

- condamner la société Equance aux entiers dépens de première instance et en cause d'appel.

S'agissant de l'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Montepellier, elle rappelle les dispositions de l'article 42 du code de procédure civile et fait valoir qu'il est constant en jurisprudence que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur l'article 145 est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées.

Elle précise qu'en l'espèce, son siège était situé à [Localité 10] à la date de la requête et que les mesures autorisées par ordonnance du 17 décembre 2024 ont été exécutées au sein de son établissement secondaire situé à [Localité 6]. Elle ajoute si M. [W], M. [X] et M. [D] ont assigné la société Equance devant le tribunal de commerce de Montpellier, elle n'a pas été assignée en intervention forcée et que l'action engagée à l'encontre de la société Equance est fondée sur la responsabilité contractuelle et le droit des agents commerciaux, tandis que l'action en concurrence déloyale est fondée sur la responsabilité délictuelle, si bien qu'une demande reconventionnelle dirigée à son encontre dans le cadre des trois instances pendantes au fond serait manifestement irrecevable, en application de l'article 70 du code de procédure civile.

Elle ajoute que le dommage que la société Equance prétend avoir subi n'a pu se produire dans le ressort du tribunal de commerce de Montpellier puisque M. [W], M. [X] et M. [D] résident à l'étranger.

De plus, elle soutient que l'application des dispositions des articles 493 et 145 du code de procédure civile suppose que la société Equance puisse justifier de l'existence de motifs légitimes au soutien de sa demande, les doutes ou simples suppositions étant insuffisants, et que les mesures sollicitées ne portent pas une atteinte injustifiée au secret des affaires.

Elle fait valoir qu'en l'espèce, il n'existe pas de motif légitime, le requérant ne justifiant pas d'indices suffisants rendant vraisemblables les soupçons. Elle ajoute que la tierce complicité d'un concurrent implique que soit tranchée la question préalable de la violation d'un engagement de non-concurrence par l'agent prétendument débauché.

Elle précise qu'en l'espèce, elle n'est ni un mandant, ni un mandataire, se contenant de mettre à disposition de ses membres des services indispensables à la bonne pratique de conseillers en patrimoine et qu'elle ne saurait donc être comptable des agissements d'un de ses membres, dès lors que son activité consiste seulement à fournir des moyens d'exercice. Elle soutient qu'elle n'est jamais en contact direct avec le client du conseiller en gestion de patrimoine et qu'elle n'exerce pas elle-même cette activité réglementée.

Elle souligne également que la prétendue violation des clauses de non-concurrence par les consorts [D], [X] et [W] n'est pas susceptible de caractériser un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile, dès lors que ces clauses sont manifestement nulles, puisqu'elles ne sont pas limitées dans l'espace.

Elle soutient du reste qu'en vertu du principe de la liberté de la concurrence et de la liberté d'établissement, une entreprise commerciale ne peut se prévaloir d'aucun droit privatif sur ses clients et indique que la société Equance ne produit pas le moindre début de commencement de preuve d'un quelconque indice susceptible de justifier d'un soupçon de concurrence déloyale émanant de sa part.

En outre, elle indique qu'en l'espèce, le tribunal de commerce s'est déterminé par des considérations d'ordre générale mais n'a pas caractérisé concrètement les circonstances justifiant une dérogation au principe du contradictoire et que la société Equance n'invoque aucun indice concret.

De surcroît, elle rappelle les dispositions de l'article 875 du code de procédure civile et de l'article L. 151-1 du code de commerce et indique qu'il est constant en jurisprudence que le juge doit effectuer un contrôle de proportionnalité et rechercher un équilibre entre la nécessité de préserver ou recueillir des preuves avant tout procès et les atteintes au secret des affaires. Elle soutient qu'en l'espèce, l'ordonnance du 17 décembre 2024 ordonne des mesures d'instruction générales. Elle ajoute que le commissaire de justice instrumentaire a, entre les 6 et le 24 janvier 2025, procédé à la saisie de milliers de documents informatiques comprenant notamment de nombreux mails, des relevés de communication et des documents contractuels, et soutient que la société Equance cherche à obtenir des informations confidentielles sur elle.

A titre subsidiaire, elle invoque l'article R. 153-1 du code de commerce et précise qu'en l'espèce, les mesures exécutées par le commissaire de justice portent gravement atteinte au secret des affaires. Elle soutient que par conséquent, si la cour refusait de rétracter l'ordonnance, elle ne pourrait qu'ordonner le maintien du séquestre et devrait restreindre le périmètre des mesures ordonnées à la seule liste de clients communs aux consorts [D], [X], [W] et à la société Equance.

S'agissant des actes de concurrence déloyale, elle fait valoir que sans la démonstration de ce que le débauchage de l'un ou plusieurs membres de l'entreprise suscite un effet de désorganisation chez l'entreprise primitive, aucune faute ne saurait être constituée. Elle ajoute que la désorganisation implique un degré élevé de la gêne suscitée et se distingue de la simple perturbation. Elle soutient qu'en l'espèce, la société Equance ne rapporte pas le moindre commencement de preuve d'une quelconque désorganisation de son entreprise. Elle précise que de même, il n'est versé aux débats aucun courrier ou élément prouvant que M. [D], M. [X] et M. [W] auraient usé de man'uvres déloyales pour inciter les clients à poursuivre leur relation contractuelle directement avec eux ou les sociétés qu'ils ont créées, par son truchement.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées le 22 septembre 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la société Equance demande à la cour de :

- confirmer la compétence territoriale du tribunal de commerce pour statuer sur la requête qui a été déposée par la société Equance le 13 décembre 2024,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 6 mars 2025,

- débouter la société Via la plateforme patrimoniale de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- ordonner à la SCP Carole Duparc & Olivier Flament, commissaires de justice, de communiquer, dans un délai de 30 jours à compter du rendu de l'ordonnance à intervenir, les documents et pièces saisis et placés sous séquestre dans la limite du périmètre fixé par l'ordonnance rendue le 17 décembre 2024,

- condamner la société Via la plateforme patrimoniale à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens comprenant le coût de l'intervention de la SCP Carole Duparc & Olivier Flament.

S'agissant de la compétence territoriale du tribunal de commerce de Montpellier, elle fait valoir qu'aux termes d'une jurisprudence constante, le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées. Elle ajoute que selon l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Elle précise qu'en l'espèce, elle est déjà engagée dans une instance pendante devant le tribunal de commerce de Montpellier l'opposant à ses anciens madataires. Elle indique que dans ce cadre, elle sera recevable à former des demandes reconventionnelles, pour chacune des procédures, à l'encontre de ses anciens agents pour obtenir leur condamnation sur le fondement contractuel en cas de validité des clauses de non-concurrence, et que si le tribunal faisait droit à une demande indemnitaire des mandataires, elle solliciterait la compensation des sommes dues avec celles qu'elle aura obtenues en indemnisation de la concurrence illicite. Elle en déduit que le lien suffisant est parfaitement établi, que l'intervention forcée de la société Via la plateforme patrimoniale au litige, en qualité de tiers complice aux actes de concurrence déloyale, est recevable et que le tribunal de commerce est compétent pour connaître d'une demande reconventionnelle en concurrence déloyale contre les mandataires, ainsi que de l'assignation en intervention forcée contre la société la société Via la plateforme patrimoniale qui a récupéré sa clientèle.

S'agissant du motif légitime, elle indique que les activités de la société Via la plateforme patrimoniale et les siennes sont similaires et que son activité ne consiste pas à proposer des services tournés vers des moyens d'exercice à des gestionnaires de patrimoine juridiquement indépendants mais bien en une activité de gestionnaire de patrimoine à l'internationale.

Elle ajoute que tous les contrats de résiliation indiquent que les contrats seront suivis et gérés par la société Via la plateforme patrimoniale.

De plus, elle soutient que chaque clause de non-concurrence est limitée au secteur d'exercice de l'agent. Elle ajoute que tant l'action à l'encontre des anciens mandataires que celle à l'encontre de la société Via la plateforme patrimoniale relève de la juridiction commerciale.

En outre, elle fait valoir que pour ordonner une mesure d'instruction in futurum sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, il suffit simplement de démontrer l'existence d'un litige susceptible d'opposer les parties et non 'manifestement voué à l'échec' et que la jurisprudence rappelle régulièrement que le demandeur n'a pas à établir le bien-fondé de l'action en vue de laquelle la mesure d'instruction est sollicitée. Elle ajoute que le démarchage massif et systématique de la clientèle, désorganisant l'entreprise, caractérise des actes de concurrence déloyale et qu'en l'espèce, ce démarchage massif est caractérisé au vu du courriel adressé par Mme [W] le 3 septembre 2024 à l'ensemble de la clientèle et du nombre de contrats qui ont été détournés.

Concernant les circonstances justifiant de déroger au principe du contradictoire, elle fait valoir que le souci d'efficacité de la mesure sollicitée et la nécessité de provoquer un effet de surprise constituent une justification à l'absence de contradiction, dès lors qu'au cas d'espèce, les circonstances le justifient. Elle précise qu'en l'espèce, le circonstances de nature à justifier le recours à la procédure sur requête sont la fragilité intrinsèque des éléments de preuve que la mesure d'instruction a vocation à permettre d'appréhender, la gravité intrinsèque des griefs susceptibles d'être imputés aux mandataires contre lesquels la mesure est sollicitée et l'existence d'un risque élevé de concertation entre les protagonistes du dossier. S'agissant de la fragilité intrinsèque des éléments de preuve, elle indique qu'en l'espèce, la nature des données, documents électroniques et informatiques, dont la disparition pourrait être organisée dans une grande facilité et une grande rapidité, justifie la nécessité d'assurer l'efficacité de la mesure sollicitée, par le maintien d'un effet de surprise, et l'absence de contradiction. Concernant la gravité intrinsèque des griefs, elle explique que les actes déloyaux reprochés aux quatre mandataires sont graves, d'autant plus qu'ils sont susceptibles de recevoir une qualification pénale. Elle précise enfin qu'en cas de procédure contradictoire, les consorts [W], M. [D], M. [X] et la société Via la plateforme patrimoniale se seraient concertés.

Du reste, elle souligne qu'elle se désintéresse du taux de commission pratiqué par la société Via la plateforme patrimoniale avec ses partenaires et que la saisie autorisée est scrupuleusement limitée aux seuls éléments nécessaires à l'action envisagée.

En ce qui concerne la demande de séquestre, elle fait valoir que la société Via la plateforme patrimoniale ne démontre pas l'atteinte qu'elle risque de subir au secret de ses affaires et souligne que l'ordonnance de saisie ne permet la transmission à son bénéfice que des éléments en lien avec ses anciens mandataires ou ses clients. Elle ajoute qu'il n'y a lieu de restreindre les saisies aux seules personnes physiques alors que les consorts [W], M. [D], M. [X] exercent à travers leurs différentes sociétés créées spécialement pour réaliser ce détournement massif de clientèle.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la compétence matérielle du tribunal de commerce de Montpellier

En application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, 'S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.'

Le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées.

En l'espèce, par actes en date du 9 octobre 2024 pour les premiers, du 16 octobre 2024 pour les deuxièmes et du 8 novembre 2024 pour les derniers, M. et Mme [W] et la société L'Open Invest, M. [X] et la société Patrimonia expertise, et M. [D] et la société MD Consultant Limited ont fait assigner la société Equance devant le tribunal de commerce de Montpellier.

Trois instances sont donc pendantes devant cette juridiction dans lesquelles sont sollicitées, notamment, l'annulation de la clause de non-concurence figurant aux contrats liant la société Equance à M. [W], Mme [W] et la société L'Open Invest, et la société Equance à M. [D] et la société MD Consultant, ainsi que l'annulation des mandats d'agent commercial liant la société Equance à M. [X] et la société Patrimonia expertise.

Dans le cadre de ces instances, le tribunal de commerce est susceptible de connaître de demandes reconventionnelles d'indemnisation de la part de la société Equance contre les demandeurs fondées sur le non-respect des clauses de non-concurrence, lesquelles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Du reste, la société Equance justifie que par trois actes du 24 septembre 2024, elle a fait assigner la société Via la plateforme patrimoniale ainsi que la société Patrimoine MD, la société Via la plateforme patrimoniale ainsi que la société [Z] [P], et la société Via la plateforme patrimoniale seule, devant le tribunal de commerce de Montpellier afin d'obtenir la jonction avec les procédures l'opposant à M. [D] et la société MD Consultant limited, l'opposant aux époux [W] et l'opposant à M. [X] et à la société Patrimonia expertise, ainsi que leur condamnation in solidum au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant pour elle de la violation de la clause de non-concurrence et des actes de concurrence déloyale.

Au regard du lien entre ces instances et celles engagées par M. et Mme [W] et la société L'Open Invest, M. [X] et la société Patrimonia expertise, et M. [D] et la société MD Consultant Limited, des jonctions sont susceptibles d'intervenir et le tribunal de commerce est donc susceptible de connaître de demandes reconventionnelles contre la société Via la plateforme patrimoniale, lesquelles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Il s'ensuit que c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la compétence territoriale du juge des référés du tribunal de commerce de Montpellier devait être validée.

La décision sera confirmée à ce titre.

Sur la demande en rétractation de l'ordonnance rendue le 17 décembre 2024

Selon l'article 145 du code de procédure civile, 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.'

L'article 493 dispose que 'l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse'.

Selon les article 494 et 495, la requête et l'ordonnance doivent être motivées.

En application de l'article 496 alinéa 2 du même code, 's'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance'.

Il s'ensuit qu'il est nécessaire pour le requérant d'effectuer une double démonstration : celle de l'existence d'un motif légitime et celle de l'existence de circonstances spéciales ou à défaut d'un contexte particulier pour justifier une dérogation au principe fondamental du contradictoire, s'agissant de deux conditions de recevabilité cumulatives qui doivent exister au jour de la requête.

Sur l'existence d'un motif légitime

Pour que le motif de l'action soit légitime, la mesure demandée doit être pertinente et avoir pour but d'établir une preuve dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur. Ainsi, l'appelant ne doit ni disposer de preuves suffisantes, ni pouvoir rassembler les éléments nécessaires par elle-même. De plus, la mesure d'instruction doit être a priori de nature à influer sur la solution du litige potentiel.

Si l'application de ce texte n'implique aucun préjugé sur la responsabilité des personnes appelées comme parties à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé, encore faut-il constater qu'un tel procès soit possible, qu'il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, et que sa solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée.

Le requérant à la mesure d'instruction ne doit pas rapporter la preuve des faits qu'il recherche mais uniquement des éléments rendant vraisemblables ses allégations de faits commis à son préjudice pouvant justifier un procès futur.

En l'espèce, aux contrats d'agent commercial conclus entre la société Equance, d'une part, et M. [S] [W], Mme [N] [W], la société L'Open invest, M. [M] [X], la société Patrimonia expertise, M. [H] [D] et la société MD Consultant limited, d'autre part, figurent des clauses de non-concurrence aux termes desquelles il est stipulé que pendant l'exécution du contrat, l'agent commercial s'interdit, sauf accord préablable et écrit du mandant, toute activité se rapportant à la commercialisation de tout produit susceptible de concurrencer ceux dont la représentation lui est confiée. Il est également prévu qu'en cas de rupture, pour quelque cause que ce soit de son contrat, l'agent s'interdit, pendant une durée de deux ans à compter de la date de rupture effective, préavis exécuté ou non, de s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, sur le secteur géographique et auprès des clients d'Equance ainsi que des prospects initiés (contact courrier) à toute entreprise ou activité ayant trait à la distribution de produits similaires ou semblables à ceux distribués par la société.

Enfin, il est mentionné qu'il est expressément convenu que toute infraction à cette clause entraînera le versement au profit de la société de dommages et intérêts, dont le montant sera fonction du préjudice subi sans toutefois pouvoir être inférieur à celui correspondant à deux années de rémunération et ceci indépendamment de la cessation effective de l'activité interdite.

Il appartiendra au tribunal de commerce d'apprécier la validité de ces clauses. Mais, la cour observe que le secteur géographique d'application de ces clauses est précisé, puisqu'il est stipulé que l'agent s'interdit de s'intéresser à toute entreprise ou activité ayant trait à la distribution de produits similaires ou semblables à ceux distribués par la société, 'sur le secteur géographique', lequel est défini à l'article 2 du contrat de mandat d'agent commercial.

Il s'ensuit que ces clauses ne sont pas manifestement irrégulières et que toute action fondée sur leur non-respect n'est pas manifestement vouée à l'échec.

Il ressort des pièces versées aux débats que par lettre recommandée datée du 11 avril 2024, M. [M] [X] ainsi que la société Patrimonia expertise, invoquant diverses inexécutions graves et répétées de ses obligations contractuelles de la part de la société Equance, ont indiqué prendre acte de la rupture des contrats les liant aux torts de cette dernière.

Il est également établi que par lettres recommandées datées du 26 avril 2024, M. [H] [D] et la société MD Consultant limited, reprochant à la société Equance des manquements graves et répétés à ses obligations contractuelles, l'ont avisée qu'ils entendaient mettre fin aux mandats d'agent commercial les liant à elle.

De même, il est établi que par lettres recommandées datées du 3 mai 2024, M. [S] [W] et Mme [N] [W] ont informé la société Equance que ses manquements graves et répétées à ses obligations essentielles les contraignaient à rompre toute relation contractuelle.

De plus, il ressort du procès-verbal de constat établi par un commissaire de justice le 23 septembre 2024 que sur le réseau Linkedin, M. [H] [D], M. [M] [X] et M. [S] [W] se présentent comme exerçant une activité en gestion de patrimoine, pour les français vivant à l'étranger, à [Localité 9], à [Localité 8] et à [Localité 7], et font état de leur rapprochement avec la société Via la plateforme patrimoniale, dans le cadre d'une structure créée par eux, 'Via gestion privée internationale', dont l'activité est d'accompagner, de conseiller et de proposer des solutions adaptées à la gestion de leur patrimoine aux français expatriés.

Il résulte également des pièces produites que M. et Mme [W], M. [X] et M. [D] apparaissent sur le site de la société Via la plateforme patrimoniale en qualité de conseillers financiers en Europe, en Asie et au Moyen-Orient, dans le cadre de la structure Via gestion privée internationale.

Du reste, il est justifié d'un courriel adressé par Mme [W] le 3 septembre 2024, dans laquelle cette dernière explique que M. [S] [W] et elle ont décidé de poursuivre leur activité de gestion de patrimoine dans le cadre du cabinet Via gestion privée internationale, issu de leur collaboration avec la société Via la plateforme patrimoniale.

Certes, le listing de demandes de transferts de courtiers produit par l'intimée ne saurait être retenu à titre d'élément de preuve, en vertu du principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve à lui-même.

Mais, la société Equance verse également aux débats vingt-sept courriers datés des mois d'octobre et de novembre 2024, émanant de personnes domiciliées en Europe, au Japon, à Singapour, à [Localité 9], à [Localité 8] et en Arabie Saoudite, qui indiquent qu'elles souhaitent que leur investissement soit suivi par la société Via la plateforme patrimoniale en remplacement de la société Equance.

Ainsi, il est établi que moins de six mois après la rupture du contrat de mandat d'agent commercial les liant à la société Via la plateforme patrimoniale, M. et Mme [W], M. [X] et M. [D] proposent leurs services de conseiller en gestion de patrimone en Europe, en Asie et au Moyen-Orient dans le cadre de la structure Via gestion privée internationale sur le site de la société Via la plateforme patrimoniale et qu'un à deux mois plus tard, la société Equance a été informée de ce que certains de ses clients, en Europe, en Asie, ou au Moyen Orient, souhaitaient confier la gestion de leur investissement à la société Via la plateforme patrimoniale.

Or, la concordance dans le temps entre la rupture des contrats d'agents commerciaux avec la société Equance, le lancement par M. et Mme [W], M. [X] et M. [D] d'une nouvelle activité au sein de la société Via la plateforme patrimoniale et le transfert de clients de la société Equance vers la société Via la plateforme patrimoniale constitue des indices sérieux laissant présumer le non-respect des clauses de non-concurrence auxquelles ils étaient soumis et l'existence d'actes de concurrence déloyale de la part de M. et Mme [W], M. [X] et M. [D].

Du reste, la société Via la plateforme patrimoniale qui exerce des activités de conseil en gestion de patrimoine, conseil en investissements financiers, courtage en assurance, transactions immobilières sur immeubles et fonds de commerce, intermédiation et courtage en opérations de banques et services de paiement, lesquelles sont similaires aux activités de la société Equance, reconnaît être liée avec M. et Mme [W], M. [X] et M. [D] par un 'contrat de groupement VIA', dont l'objet est de 'définir un système de commercialisation de produits et/ou de services, basé sur une collaboration étroite et continue avec des entreprises indépendantes entre elles, et rattachées juridiquement et financièrement à l'entreprise dite 'mère' '.

Ce faisant, elle est susceptible de s'être rendue complice de la violation de leurs engagements contractuels par M. et Mme [W], M. [X] et M. [D], en les ayant aidé à enfreindre les obligations contractuelles de non-concurrence qui pesaient sur eux, étant observé qu'il ne saurait être exigé du demandeur à la mesure d'instruction qu'il rapporte la preuve de manoeuvres déloyales et établisse ainsi le bien-fondé de l'action en vue de laquelle la mesure d'instruction est sollicitée

Ainsi, s'il n'appartient pas au juge des référés de qualifier le contrat liant l'appelante à M. et Mme [W], M. [X] et M. [D], il résulte des éléments ci-dessus détaillés que toute action délictuelle à l'encontre de la société Via la plateforme patrimoniale n'est pas manifestement vouée à l'échec, et ce peu important que la société appelante ne soit pas elle-même en contact avec les clients et qu'il ne soit pas justifié en l'état d'une désorganisation de la société Equance.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré qu'il existait un motif légitime.

Sur la dérogation au principe de la contradiction

Le recours au juge des requête impose, selon les termes de l'article 493 précité du code de procédure civile, que les circonstances exigent que les mesures sollicitées ne soient pas prises à l'issue d'une procédure contradictoire.

Il appartient au juge de vérifier, même d'office, que sont exposées les circonstances, concomitantes à la requête, imposant que la mesure ne soit pas prise contradictoirement, ces circonstances devant être caractérisées dans la requête elle-même ou dans l'ordonnance prise sur la requête.

Dans sa requête, la société Equance fait valoir que la dérogation au principe du contradictoire est justifiée lorsque les documents visés par la mesure sont de nature informatique, au regard du risque évident de déperdition des preuves. Elle ajoute que la gravité des faits reprochés par elle peut justifier qu'il soit dérogé au principe de la contradiction. Elle soutient enfin que le risque de concertation entre les protagonistes du dossier, potentiellement susceptible d'accroître le risque de déperdition des preuves, constitue aussi une circonstances justifiant qu'il soit dérogé au contradictoire.

Dans l'ordonnance du 17 décembre 2024, le président du tribunal de commerce a estimé que les circonstances exigeaient pour la préservation des preuves dont il était sollicité la mise à dispositon que les mesures ne soient pas prises contradictoirement.

La cour observe qu'il ressort des éléments précédemment détaillés qu'il existe des soupçons d'actes de concurrence déloyale et que la responsabilité délictuelle de la société Via la plateforme patrimoniale est susceptible d'être recherchée.

Or, les pièces dont la société Equance sollicite la recherche par le commissaire de justice sont essentiellement des échanges électroniques ou des fichiers informatiques et il existe un risque de dépérissement des preuves inhérent à la nature même de ces données informatiques, pouvant être dissimulées ou supprimées aisément.

Au surplus, il existe un risque de concertation entre M. et Mme [W], M. [X] et M. [D] qui se sont associés dans le cadre d'une structure créée par eux, 'Via gestion privée internationale', et sont liés à la société Via la plateforme patrimoniale, qui est susceptible d'accroître le risque de déperdition des preuves.

Dans ces conditions, le risque de dissimulation et de dépérissement des preuves recherchées et la nécessité de ménager un effet de surprise sont caractérisées dans la requête et l'ordonnance rendue, et suffisent à caractériser des circonstances exigeant que la mesure réclamée ne soit pas prise contradictoirement. C'est à juste titre que le premier juge a statué en ce sens.

Sur le caractère proportionné de la mesure d'instruction

Constituent des mesures légalement admissibles des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi.

La proportionnalité s'apprécie à la lumière de la nécessité d'établir la preuve. Par principe, le secret des affaires, s'il doit être particulièrement protégé, n'est pas de nature à empêcher les mesures d'instruction limitées dans le temps et circonscrites à la seule recherche des éléments destinés à établir les preuves des soupçons de violation.

En l'espèce, il n'est donné mission au commissaire de justice de se faire remettre ou rechercher une copie du fichier clients de la société Via la plateforme patrimoniale, un extrait des factures ou comptes clients de celle-ci et/ou toute autre document permettant d'établir la liste de ses clients à la date des constatations, que pour lui permettre d'identifier et de dresser la liste des clients communs avec ceux de la société Equance.

Or, l'établissement de cette liste est essentiel à la détermination de l'existence d'un transfert de clientèle de la société Equance vers la société Via la plateforme patrimoniale, susceptible de caractériser des agissements constitutifs de concurrence déloyale.

Cette liste est également nécessaire à l'appréciation du préjudice éventuellement subi par la société Equance.

De plus, les documents, correspondances ou documents comptables que le commissaire de justice a pour mission de se faire remettre ne concernent que les clients communs éventuellement identifiés.

Du reste, la société Via la plateforme patrimoniale ne démontre pas en quoi la mission donnée à l'expert aurait un caractère trop général et ne rapporte pas la preuve d'une atteinte disproportionnée au secret de ses affaires, étant observé que les mesures sont circonscrites dans le temps, au vu des dates fixées, et dans leur objet, compte tenu des mots clés retenus, et proportionnées à l'objectif poursuivi.

Enfin, dans la mesure où il n'est pas contesté que la société [Z] [P], créée par M. [S] [W], Mme [N] [W] et la société L'Open invest, la société Patrimoine MD, créée par M. [H] [D], et la société Patrimonia expertise dont le dirigeant est M. [M] [X] ont également des activités de conseil en gestion de patrimoine, de conseil en investissements financiers et de courtage en assurance, similaires à celles de la société Equance, il n'y a lieu de limiter le périmètre des mesures ordonnées à la seule liste des clients communs à M. [D], M. [X], M. et Mme [W] et à la société Equance, mais il est au contraire utile de l'étendre à la liste des clients communs à ces sociétés et à la société Equance.

En conséquence, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête du 17 décembre 2024 et a débouté la société Via la plateforme patrimoniale de ses demandes tendant à la nullité du procès-verbal de constat établi entre les 6 et 24 janvier 2025 et à la restitution immédiate de tous les documents, pièces, fichiers et informations appréhendés, ainsi que de sa demande tendant à la limitation du périmètre des mesures d'instruction.

Sur la demande de maintien du séquestre

Selon l'article R. 153-1 du code de commerce, 'lorsqu'il est saisi sur requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ou au cours d'une mesure d'instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d'office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d'assurer la protection du secret des affaires.

Si le juge n'est pas saisi d'une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance en application de l'article 497 du code de procédure civile dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire mentionnée à l'alinéa précédent est levée et les pièces sont transmises au requérant.

Le juge saisi en référé d'une demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10.'

L'article L. 151-1 du code de commerce précise qu' 'Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants:

1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité;

2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret;

3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.

Aux termes de l'article L. 153-1 du code de commerce, 'Lorsque, à l'occasion d'une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d'instruction sollicitée avant tout procès au fond ou à l'occasion d'une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d'une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu'elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d'office ou à la demande d'une partie ou d'un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l'exercice des droits de la défense :

1° Prendre connaissance seul de cette pièce et, s'il l'estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l'avis, pour chacune des parties, d'une personne habilitée à l'assister ou la représenter, afin de décider s'il y a lieu d'appliquer des mesures de protection prévues au présent article ;

2° Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l'accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l'assister ou la représenter ;

3° Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée en chambre du conseil;

4° Adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires.'

Aux termes de l'article R. 153-5 du code de commerce, 'le juge refuse la communication ou la production de la pièce lorsque celle-ci n'est pas nécessaire à la solution du litige'.

Selon l'article R. 153-6 de ce code, 'le juge ordonne la communication ou la production de la pièce dans sa version intégrale lorsque celle-ci est nécessaire à la solution du litige, alors même qu'elle est susceptible de porter atteinte à un secret des affaires.

Dans ce dernier cas, le juge désigne la ou les personnes pouvant avoir accès à la pièce dans sa version intégrale. Lorsqu'une des parties est une personne morale, il désigne, après avoir recueilli son avis, la ou les personnes physiques pouvant, outre les personnes habilitées à assister ou représenter les parties, avoir accès à la pièce.'

Enfin, en application de l'article R. 153-7, lorsque seuls certains éléments de la pièce sont de nature à porter atteinte à un secret des affaires sans être nécessaires à la solution du litige, le juge ordonne la communication ou la production de la pièce dans une version non confidentielle ou sous forme d'un résumé, selon les modalités qu'il fixe.

En l'espèce, à partir du moment où le juge a été saisi de la demande de rétractation dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision, la société Via la plateforme patrimoniale est recevable à solliciter le maintien de la mesure de séquestre en invoquant le secret des affaires.

Il n'est pas contestable que les pièces séquestrées par le commissaire de justice sont susceptibles d'être protégées au titre du secret des affaires, pouvant contenir des informations confidentielles concernant notamment les conditions des contrats liant M. et Mme [W], la société [Z] [P], M. [H] [D], la société Patrimoine MD, M. [M] [X] et la société Patrimonia à leurs clients, dans le cadre de la structure Via gestion privée issue de leur rapprochement avec la société Via la plateforme patrimoniale.

Or, si la société Equance demande la mainlevée de la mesure de séquestre entre les mains de la SCP Duparc Flament, elle ne verse aux débats aucun élément permettant au juge des référés de statuer selon les modalités prévues aux articles R. 153-1 et suivants du code de commerce, qui ont pour seul objet que la communication ou la production d'une pièce, à l'occasion de l'exécution d'une mesure d'instruction ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ne porte pas atteinte à un secret des affaires.

En effet, il n'est justifié d'aucun élément permettant d'apprécier l'utilité des pièces saisies, ni dans quelle mesure elles sont susceptibles de porter atteinte au secret des affaires.

Dans ces conditions, la cour, comme le premier juge, ne disposant pas des éléments lui permettant d'aménager la production ou communication de pièces litigieuses et d'appliquer les dispositions applicables du code de commerce relatives à la protection du secret des affaires, la décision sera confirmée en ce qu'elle a ordonné le maintien de la mesure de séquestre entre les mains de la SCP Duparc & Flament jusqu'à ce que le juge éventuellement saisi autorise leur communication, et a débouté la société Equance de sa demande tendant à la communication des documents et pièces saisis.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Via la plateforme patrimoniale succombant en sa demande de rétractation et en son appel, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, sans qu'il n'y ait lieu d'y inclure le coût de l'intervention de la SCP Duparc et Flament, désignée par décision de justice, qui restera à la charge de la société Equance, la mesure étant ordonnée à la demande et dans l'unique intérêt de celle-ci.

La société Via la plateforme patrimoniale succombant, c'est à juste titre que le premier juge l'a condamnée également au versement d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La décision sera confirmée sur ce point, sans qu'il n'y ait lieu au regard des circonstances du litige à la condamner au paiement d'une indemnité complémentaire en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme la décision déférée en l'ensemble de ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la société Via la plateforme patrimoniale aux dépens de première instance et d'appel, desquels sera exclu le coût de l'intervention de la SCP Duparc & Flament.

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