CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 novembre 2025, n° 22/19993
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mipnet Industries (SAS)
Défendeur :
Dassault Aviation (SA), Safran Aircraft Engines (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brun-Lallemand
Conseiller :
M. Richaud
Avocats :
Me Bassalert, Me Thomas, Me Guizard, Me Bordes, Me Etevenard, Me Raynaud
FAITS ET PROCÉDURE
La société Mipnet Industries (ci-après « Mipnet »), qui avait pour activité la conception et la fabrication de pièces et systèmes en matériaux composites destinés à l'industrie aéronautique, a été en relation d'affaires à compter de 2008 avec le constructeur aéronautique Dassault Aviation, dans le cadre d'un programme industriel de fabrication de pièces pour les avions d'affaires Falcon, s'agissant principalement des pièces « séries » des programmes F8X, F2000, F7X et F900EX.
Le 13 septembre 2010, la société Dassault Aviation et la société Safran Aircraft Engines (ci-après « Safran »), qui a notamment pour activité l'étude et la fabrication de tout appareils et dispositifs pour aéronefs, ont conclu un contrat portant sur le développement et la production du moteur Silvercrest, destiné à équiper le nouvel avion Falcon 5X de la société Dassault Aviation.
A l'occasion du lancement de ce nouveau programme F5X, Dassault Aviation a procédé à un appel d'offres pour l'attribution de la fabrication de plusieurs éléments et pièces de l'appareil, auquel Mipnet a participé. A l'issue, Mipnet s'est vue attribuer en 2012 la réalisation d'une vingtaine de pièces en série, ce qui lui a permis de réaliser désormais environ 30 % de son chiffre d'affaires avec Dassault Aviation.
Deux prévisionnels lui plus particulièrement été communiqués, le 4 avril 2014 annonçant 36 Falcon 5X jusqu'en 2017 et le 23 septembre 2014 évoquant 63 Falcon 5X jusqu'en 2018.
Par jugement du 24 septembre 2014, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Mipnet, en raison de difficultés financières liées à d'importants couts de R&D.
Pendant la période de sauvegarde, le volume des pièces fabriquées par Mipnet Industries pour Dassault Aviation n'a pas connu de variations significatives.
Au mois d'avril 2015, Mipnet Industries a annoncé qu'elle avait conclu un accord de partenariat avec le groupe britannique Senior Aerospace pour l'utilisation de son procédé RT2i, qui allait lui permettre de lui assurer « une capacité d'autofinancement supplémentaires pour développer de nouvelles applications de sa technologie RT2iTM ».
Le prévisionnel du 7 juillet 2015 qui lui a été communiqué par Dassault Aviation portait l'indication d'un nouveau report des sorties d'avions Falcon 5X avec un décalage jusqu'en 2019. Puis, par courrier du 9 octobre 2015, la société Dassault Aviation lui a demandé de geler ses activités associées à la production de pièces pour le Falcon 5X, en raison de « nouvelles et récentes difficultés techniques » liées au moteur Silvercrest développé par Safran.
Mipnet Industries a conservé un volume de commandes relativement stable, avec une augmentation de l'activité hors Falcon 5X.
Le 11 décembre 2015, le groupe Mipnet a publié un communiqué de presse annonçant « la signature d'un accord de développement avec le groupe Saint-Gobain pour l'utilisation du procédé RT2iTM dans la fabrication de radomes aéronautiques composites ».
Par jugement du 3 février 2016, le tribunal de commerce de Bordeaux a converti la procédure de sauvegarde dont la société Mipnet faisait l'objet en procédure de redressement judiciaire, « l'adoption d'un plan de sauvegarde (étant) manifestement impossible » dans le délai imparti et « des discussions (étant) en cours en vue d'une reprise de la société débitrice dans le cadre d'une procédure de RJ ».
Par courrier du 17 février 2016, la société Dassault Aviation a informé la société Mipnet que le gel d'une année annoncé en octobre 2015 était prolongé de quinze mois compte tenu des difficultés techniques rencontrées par la société Safran dans le développement du moteur Silvercrest.
Par jugement du 27 mai 2016, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
- arrêté un plan de cession en retenant l'offre formulée par la société Saint-Gobain Performance Plastique France (ci-après « Saint-Gobain »), laquelle impliquait la cession des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce appartenant à Mipnet Industries, ainsi que des stocks, et la reprise d'une partie du personnel ;
- prononcé la liquidation judiciaire de la société Mipnet ;
- désigné Me [L] en qualité de liquidateur.
En décembre 2017, la société Dassault Aviation a annoncé par communiqué de presse l'arrêt du programme Falcon F5X.
Le 5 septembre 2018, la société Dassault Aviation et la société Safran ont conclu un accord transactionnel.
Par acte du 8 avril 2019, Me [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mipnet, a assigné les sociétés Dassault Aviation et Safran devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir réparation du préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales.
Eu égard à la succession, non sujet à débat entre les parties, des liquidateurs judiciaires, lesquels ont valablement représenté la société Mipnet ès qualités tout au long de la procédure, la Cour fera, sauf dans le dispositif du présent arrêt, référence à la seule dénomination « Mipnet ».
Par jugement du 30 septembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit l'action de la société Mipnet recevable,
- débouté la société Mipnet de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Mipnet à payer aux sociétés Dassault Aviation et Safran la somme de 10.000 euros chacune, déboutant pour le surplus,
- condamné la société Mipnet aux dépens.
La société Mipnet, représentée par son liquidateur ès qualités, a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la Cour le 29 novembre 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées par la voie électronique le 5 mai 2025, la société Mipnet demande à la Cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° et L. 641-3 du code de commerce, de l'article 1240 du code civil et des articles 369 et 376 du code de procédure civile, de :
à titre liminaire,
- donner acte à la Selarl [Y] [E], mandataires judiciaires, prise en la personne de Me [E], de son intervention volontaire à la présente procédure, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Mipnet,
- débouter les sociétés Dassault Aviation et Safran de leur demande tendant à faire juger l'appel non soutenu,
au fond,
- confirmer le jugement du 30 septembre 2022 en ce qu'il dit l'action de la société Mipnet recevable,
- l'infirmer en ce qu'il a débouté la société Mipnet de l'ensemble de ses demandes,
ce faisant,
- constater que la société Dassault Aviation a commis une faute en dénonçant brusquement les relations commerciales établies avec la société Mipnet engageant sa responsabilité,
- dire que la société Safran a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société Mipnet en raison de ses manquements contractuels à l'égard de Dassault Aviation,
- condamner in solidum les sociétés Dassault Aviation et Safran au paiement de la somme totale de 1.114.650 euros avec intérêts au taux légal sur cette somme à compter du jugement jusqu'au jour du règlement définitif, étant précisé que, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, les intérêts échus deviennent eux-mêmes productifs d'intérêts au bout d'un an et ce, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant de la perte de marge,
- condamner in solidum les sociétés Dassault Aviation et Safran et Snecma au paiement de la somme de 2.505.949 euros avec intérêts au taux légal sur cette somme à compter du jugement jusqu'au jour du règlement définitif, étant précisé que, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, les intérêts échus deviennent eux-mêmes productifs d'intérêts au bout d'un an et ce à titre à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre des investissements effectués en pure perte,
- condamner les sociétés Dassault Aviation et Safran au paiement chacune d'une somme de 20.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées par la voie électronique le 12 mai 2025, la société Dassault Aviation demande à la Cour, au visa de l'article 442-6, I, 5° du code de commerce et des articles 31, 122, 542, 641, 700 et 958 du code de procédure civile, de :
à titre liminaire,
- juger que la société Mipnet n'a formulé aucune critique de la motivation du jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 septembre 2022,
- juger que l'appel n'est pas soutenu,
- rejeter l'ensemble des demandes de société Mipnet,
- rejeter l'appel interjeté par la société Mipnet à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 septembre 2022,
à titre principal,
- juger que la société Mipnet ne dispose pas d'un intérêt à agir à l'encontre de Dassault Aviation en raison de la cession de l'activité de la société Mipnet à la société Saint-Gobain France ordonnée par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 27 mai 2016,
- juger que l'action engagée par la société Mipnet est irrecevable en ce que cette dernière ne dispose d'aucun intérêt au succès de sa prétention,
- infirmer le jugement du 30 septembre 2022 en ce qu'il a dit l'action de la société Mipnet recevable,
statuant de nouveau,
- juger irrecevables l'ensemble des demandes de la société Mipnet,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Mipnet,
- rejeter l'appel interjeté par la société Mipnet à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 septembre 2022,
à titre subsidiaire,
- juger que les conditions pour engager la responsabilité de Dassault Aviation au titre de l'article L-442-6, I, 5° du code de commerce ne sont pas remplies,
- débouter la société Mipnet de sa demande de réparation au titre d'une prétendue rupture partielle brutale d'une relation commerciale établie,
en tout état de cause,
- débouter la société Mipnet de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la société Mipnet Industries à verser à la société Dassault Aviation la somme de 75.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Mipnet aux entiers dépens de l'instance.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées par la voie électronique le 13 mai 2025, la société Safran demande à la Cour, au visa des articles 1231-4, 1240 et 1353 du code civil et des articles 542, 641, 699, 700, et 958 du code de procédure civile, de :
à titre liminaire,
- juger que la société Mipnet n'a formulé aucune critique de la motivation du jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 septembre 2022,
- juger que l'appel n'est pas soutenu,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Mipnet,
- rejeter l'appel interjeté par la société Mipnet à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 septembre 2022,
à titre principal,
- confirmer le jugement rendu le 30 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Paris,
en tout état de cause,
- débouter la société Mipnet de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la société Mipnet à payer à la société Safran la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Mipnet aux dépens assortis du droit de les recouvrer directement au profit de Me Etevenard en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2025.
La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
***
MOTIVATION
1. Sur la recevabilité de l'action
Exposé des moyens
La société Dassault Aviation fait grief au jugement attaqué d'avoir déclaré l'action de la société Mipnet recevable alors que, compte tenu de l'effet du jugement du 27 mai 2016 du tribunal de commerce de Bordeaux, aux termes duquel la société Saint-Gobain a repris l'intégralité de l'activité de la société Mipnet, y compris auprès de la société Dassault Aviation, seul le repreneur disposait selon elle d'un intérêt à agir à l'encontre de la société Dassault Aviation au titre d'une prétendue rupture brutale d'une relation commerciale établie résultant de la suspension temporaire du programme Falcon F5X. Elle en déduit que la demande indemnitaire formulée à ce titre par la société Mipnet est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir.
La société Mipnet conteste cette fin de non-recevoir au motif que son action se fonde sur la décision prise par la société Dassault Aviation le 9 octobre 2015 de geler pour un an ses activités de production, laquelle équivaut à une décision de rupture des relations commerciales établies. Elle souligne qu'au jour de la rupture, qu'elle fixe au 9 octobre 2015, la société Mipnet était l'entité en relation d'affaires avec la société Dassault Aviation, et non la société Saint-Gobain, si bien que le fait générateur de responsabilité, à savoir la rupture brutale des relations commerciales établies, est antérieur à la cession d'activité intervenue par suite du jugement du 27 mai 2016 au profit de la société Saint-Gobain.
Réponse de la Cour
Conformément aux articles 30 à 31 du code de procédure civile, l'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention. L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir étant irrecevable.
En l'espèce, la société Mipnet, qui dit avoir entretenu des relations commerciales établies avec la société Dassault Aviation, allègue que le courrier du 9 octobre 2015 de l'avionneur, qui lui annonçait le gel des activités de production liées au programme F5X pour une durée d'une année, caractérise une rupture brutale partielle de leurs relations.
Or à cette date, la société Mipnet n'avait pas encore fait l'objet d'un plan de cession, lequel n'a été arrêté que par jugement du 27 mai 2016 du tribunal de commerce de Bordeaux.
Ainsi, la société Mipnet justifie d'un intérêt à agir en réparation du préjudice que, selon elle, la rupture brutale partielle de ces relations lui a causé.
En conséquence, ses demandes sont recevables, ainsi qu'en a jugé la juridiction de première instance.
2. Sur le caractère soutenu de l'appel
Exposé des moyens
La société Dassault Aviation fait valoir que la société Mipnet n'a développé dans le corps de ses premières conclusions aucune critique de la motivation du jugement attaqué, ni aucun moyen au soutien de sa demande d'infirmation de celui-ci. Elle souligne que la société Mipnet s'est contentée de reproduire les moyens développés en première instance sans faire référence au jugement et en déduit que la société appelante n'a pas respecté l'exigence édictée à l'article 542 du code de procédure civile.
La société Safran soutient que les conclusions d'appel de la société Mipnet, qui reprennent presque à l'identique celles de première instance, ne comportent ni la critique du jugement attaqué ni les moyens au soutien de sa demande d'infirmation de sorte que l'appel de la société Mipnet ne produit pas d'effet dévolutif.
En réponse, la société Mipnet relève que les dispositions issues des articles 542 et 954 du code de procédure civile n'imposent pas à l'appelant de prévoir dans l'énoncé de ses moyens une critique formelle du jugement dès lors que son annulation ou son infirmation sont évoquées dans le dispositif.
Réponse de la Cour
En application de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
Aux termes de l'article 954 du même code, les conclusions d'appel doivent formuler les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels elles se fondent. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. La Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. En outre, la partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
Il sera observé en complément que le non soutien d'un appel ne rend pas celui-ci irrecevable, l'appelant étant alors réputé acquiescer au jugement entrepris.
En l'espèce, la société Mipnet a interjeté appel le 29 novembre 2022 et transmis ses premières écritures le 27 février 2023 dans lesquelles elle a, aux termes du dispositif de ces dernières, conclu à l'infirmation du jugement entrepris et émis des prétentions en les étayant de moyens de fait et de droit servant à leur soutien, sans procéder par simple renvoi à ses conclusions de première instance.
La circonstance qu'au cas présent les moyens invoqués soient les mêmes que ceux développés en première instance et que la critique du jugement n'ait été qu'indirecte n'empêche pas la dévolution de s'opérer.
Il s'ensuit que l'appel est valablement soutenu.
3. Sur la rupture brutale alléguée des relations commerciales établies entre les sociétés Mipnet et Dassault Aviation
L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 applicable à la date de la rupture, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
- quant au caractère établi des relations commerciales
Exposé des moyens
La société Mipnet soutient avoir entretenu une relation commerciale établie avec la société Dassault Aviation depuis 2008, le caractère établi de cette relation ne pouvant être remis en cause par le recours à des appels d'offres. Elle affirme que la relation commerciale a présenté un caractère significatif, régulier et stable dans la mesure où depuis 2008, de nombreuses commandes étaient effectuées entre les parties, certaines dans le cadre d'accords de sous-traitance et d'autres dans le cadre de missions ponctuelles, faisant ainsi de la société Mipnet un partenaire commercial habituel de la société Dassault Aviation. Elle ajoute que les prévisionnels de commande transmis témoignent de l'intention des parties d'organiser, de pérenniser et d'accentuer leurs relations d'affaires sur le programme Falcon 5X. Elle observe que son chiffre d'affaires réalisé avec l'avionneur depuis 2008 a au demeurant été en progression constante jusqu'à 2015 et en déduit qu'elle pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une continuité du flux d'affaires avec cette dernière.
La société Dassault Aviation conclut à la précarité de leur relation commerciale excluant le caractère établi de celle-ci en raison de la nature des commandes attribuées à la société Mipnet. Elle explique que cette dernière a commencé en 2010 à fabriquer en faible quantité des pièces « séries » pour certains appareils de la famille Falcon après une mise en concurrence sur la base de devis jugés compétitifs. Elle expose en outre, s'agissant du programme F5X, qu'un certain nombre de pièces ont été attribuées à la société Mipnet par une procédure d'appel d'offres de sorte qu'elle ne pouvait prétendre à l'existence d'un courant d'affaires régulier, significatif et stable lui laissant augurer que cette relation avait vocation à durer.
Réponse de la Cour
La relation commerciale, pour être établie au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.
La relation commerciale doit faire naître, dans l'esprit des parties, une croyance légitime en sa poursuite (en ce sens Com., 18 mai 2010, pourvoi n° 08-21.681, Bull. 2010, IV, n° 89 ; Com., 27 mars 2019, pourvoi n° 17-18.047). Aussi, le recours systématique à un appel d'offres est exclusif de toute relation stable, dès lors qu'un concurrent soumis à la même demande peut être choisi et, qu'au lieu de stabiliser les relations commerciales, un tel mécanisme en consacre au contraire la précarité (en ce sens Com., 18 octobre 2017, pourvoi n° 16-15.138 ; Com., 7 décembre 2022, pourvoi n° 21-15.649 ; Com., 11 janvier 2023, pourvoi n° 21-18.299).
En l'espèce, il convient de constater, tout d'abord, qu'il n'est pas contesté que la relation commerciale entre les parties portait depuis 2008 sur la commande de pièces par la société Dassault Aviation à la société Mipnet pour différents programmes afférents à la fabrication des appareils de la famille des jets Falcon, notamment F8X, F2000, F7X et F900EX, suivant différents accords de sous-traitance entre les partenaires (piècces Mipnet n° et 6), et que si à compter du 9 novembre 2011 la société Dassault Aviation a introduit une procédure d'appel d'offres dite « SMS », il ressort des pièces versées aux débats qu'il n'y était pas fait recours pour l'ensemble des commandes pour les différents programmes de fabrication des appareils de la famille des Falcon, cette procédure n'ayant concerné que le programme FX5 dont la société Mipnet s'était vue attribuer une part en 2012.
Il doit être observé, ensuite, que le volume d'affaires généré entre les deux sociétés est le suivant :
- 35.820 euros HT en 2008 ;
- 94.051 euros HT en 2009 ;
- 206.140 euros HT en 2010 ;
- 269.949 euros HT en 2011 ;
- 1.191.188 euros HT en 2012 ;
- 754.763 euros HT en 2013 ;
- 1.178.996 euros HT en 2014 ;
- 1.029.303 euros HT en 2015 ;
- 479.060 euros HT en 2016 (sur la période de janvier à mai uniquement, la société Mipnet ayant été liquidée le 27 mai 2016).
Ce flux d'affaires qui présentait ainsi un caractère suivi et habituel, a connu une nette progression à partir de 2012, puis est resté stable jusqu'en 2015, année de notification du gel des activités du programme F5X.
Il convient de constater, en troisième lieu, que la part de la facturation sur le projet FX5 par la société Mipnet émise directement sur le client Dassault Aviation ne représentait que 19,39 % en 2012 (soit 348.189 euros HT) ; 16,65 % en 2013 (soit 225.655 euros HT) ; 28,44 % en 2014 (soit 693.808 euros HT) et 14,62 % en 2015 (soit 341.371 euros HT).
Il s'en déduit que la procédure d'appel d'offres introduite en 2012 ne concernait qu'une partie des prestations objet de la relation commerciale et que les commandes hors appel d'offre « SMS » sont toujours restées très majoritaires.
Au regard de ces éléments, la société Mipnet, à laquelle Dassault Aviation adressait par ailleurs des prévisionnels (pièces Mipnet n°38 et 39), pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son donneur d'ordre, de sorte que leur relation commerciale est établie au sens des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.
- quant à la notification de la rupture
Exposé des moyens
La société Mipnet fait grief au jugement attaqué d'avoir dit que l'annonce d'octobre 2015 n'a pas entraîné de diminution du flux d'affaires entre les parties alors que la décision prise par la société Dassault Aviation de geler les activités de production des pièces de l'avion Falcon F5X constitue une rupture partielle brutale des relations commerciales établies.
Elle fait valoir que l'intention de rompre la relation commerciale, fût-elle non caractérisée en l'espèce, n'est pas une condition requise par l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, de sorte que la décision de suspendre une relation commerciale, en ce qu'elle caractérise un changement substantiel unilatéral de la relation, peut constituer une rupture brutale partielle si celle-ci n'est précédée d'aucun délai de préavis. Il s'ensuit selon elle que le gel des commandes, qui a été décidé unilatéralement, sans délai de préavis notifié corrélativement, puis qui a été prorogé jusqu'en février 2016 puis jusqu'à l'arrêt total du programme Falcon F5X en décembre 2017, doit s'analyser en une rupture brutale partielle. Elle ajoute que la poursuite de relations commerciales postérieures entre les sociétés Saint-Gobain ayant repris son activité et Dassault Aviation, qui concerne la fabrication d'avions Falcon F6X, ne fait aucunement obstacle à la caractérisation de la brutalité de la rupture, puisqu'il s'agit d'un nouveau programme, développé dans le cadre d'un nouveau contrat.
La société Mipnet soutient enfin que l'annonce du gel de la production a nécessairement entrainé une diminution du flux d'affaires entre la société Dassault Aviation et la société Mipnet, alors même que celle-ci pouvait espérer une certaine continuité du flux d'affaires en considération du prévisionnel de sorties d'avions Falcon F5X jusqu'en 2017, 2018 et 2019.
En réponse, la société Dassault Aviation maintient tout d'abord que la décision par laquelle elle a temporairement suspendu le programme Falcon F5X ne constitue pas une rupture brutale de la relation commerciale, l'intention de rompre faisant défaut. Elle rappelle avoir par ailleurs poursuivi son activité dans le cadre d'un programme Falcon F6X avec la société Saint-Gobain par l'effet du plan de cession, élément permettant selon elle d'établir qu'aucune rupture de la relation commerciale n'est caractérisée en l'espèce, dans la mesure où un flux d'affaires s'est maintenu avec la société Saint-Gobain, laquelle avait, avant reprise, manifesté son intention de reprendre l'activité de la société Mipnet.
Dassault Aviation soutient, ensuite, qu'aucune rupture partielle ne peut être caractérisée dès lors qu'aucune diminution substantielle et délibérée du courant d'affaires entre les parties n'a pu être observée. Sa responsabilité ne saurait selon elle être engagée dès lors que la décision de suspension temporaire des commandes était liée à des circonstances opérationnelles tenant aux difficultés techniques rencontrées par la société Safran pour le développement du moteur Silvercrest, étant entendu par ailleurs qu'elle a permis à la société Mipnet de compenser l'absence temporaire de nouvelles commandes pour le programme Falcon F5X en réalisant un chiffre d'affaires stable sur la période. Ainsi qu'il ressort de l'attestation qu'elle produit (pièce n°6), sa direction des achats a au demeurant été en contact avec chaque fournisseur et s'est assurée de trouver dans chaque cas une solution adaptée en fonction des cycles de fabrication en cours et des prévisionnels sur les autres avions de la gamme Falcon dans l'attente de la reprise du programme Falcon 5X.
Réponse de la Cour
L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce sanctionne non la rupture mais sa brutalité, qui résulte de l'absence de préavis écrit ou de préavis suffisant, cette notification correspondant à l'annonce faite par un cocontractant à l'autre de sa volonté univoque de cesser la relation à une date déterminée, seule information qui peut permettre au partenaire délaissé de se projeter et d'organiser son redéploiement ou sa reconversion en disposant de la visibilité indispensable à toute anticipation. Le caractère prévisible de la rupture d'une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d'un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis (Com., 7 mars 2018, n°16-19.777). Ainsi, l'écrit par lequel une entreprise notifie son intention de ne pas poursuivre une relation commerciale établie ne fait courir le préavis dû à l'entreprise qui subit la rupture que s'il précise à quelle date la relation prendra fin (Com., 26 février 2025, n° 23-50.012). La brutalité de la rupture d'une relation commerciale établie doit par ailleurs s'apprécier à la date de la notification de cette rupture sans prendre en compte des éléments postérieurs à celle-ci (Com., 5 juillet 2017, n°16-14.201).
La rupture peut être totale ou partielle, la relation commerciale devant dans ce dernier cas être modifiée substantiellement (Com., 20 novembre 2019, n° 18-11.966).
La Cour retient au cas présent, en premier lieu, que le 9 octobre 2015, la société Dassault Aviation a écrit à la société Mipnet en ces termes :
« De nouvelles et récentes difficultés techniques ont été annoncées en septembre par SNECMA concernant le moteur Silvercrest. Cela conduit Dassault Aviation à décider de geler pour un an les activités de production associées à la fabrication du Falcon 5X.
En conséquence de quoi, nous demandons par la présente à votre Société, de geler immédiatement ses activités associées à la production des pièces ou d'éléments pour le Falcon 5X de telle façon à permettre à votre Société de reprendre ses activités de production, sans retard et / ou sans problème qualité. [']. »
Ce courrier, qui fait exclusivement référence au gel immédiat de la production des pièces pour le programme F5X afin de permettre à la société appelante de reprendre son activité sans retard, ne peut ainsi s'analyser comme la notification de la société Dassault Aviation de sa volonté de rompre, faute de formaliser le caractère inéluctable et univoque d'une rupture des relations commerciales établies.
Il s'ensuit que la rupture ne peut au cas présent résulter que d'une modification suffisamment substantielle de la relation commerciale, dans un sens défavorable à la société Mipnet, laquelle en l'état des éléments communiqués doit conduire à mettre en évidence une variation significative du flux d'affaires entre les parties, ce qu'il importe à la Cour d'apprécier.
Il sera observé en complément, à cet égard, que l'analyse de cette variation du flux d'affaires entre les partenaires doit porter sur la période ayant couru du 9 octobre 2015, date du courrier, au 27 mai 2015, date à laquelle des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce appartenant l'activité de la société Mipnet ont été cédés à la société Saint-Gobain. La circonstance que les relations commerciales aient perduré avec la société Saint-Gobain sur le programme F6X remplaçant le F5X sont en effet, contrairement à ce que soutient la société Dassault Aviation, sans incidence sur la caractérisation d'une rupture brutale partielle antérieure.
La Cour relève, en second lieu, qu'il est constant que postérieurement à l'annonce de gel de l'activité de production du programme F5X, le montant de la facturation relative à celui-ci émis par la société Mipnet à la société Dassault Aviation a drastiquement chuté pour atteindre 17.006 euros HT pour la période de janvier à mai 2016 alors que ce montant atteignait 341.371 euros HT pour l'année 2015 et 693.808 euros HT pour l'année 2014.
Cependant, la société Dassault Aviation qui soutient avoir, en contrepartie, augmenté ses commandes auprès de la société Mipnet pour les différents programmes de la famille des Falcon autre que le F5X afin de pallier aux défaillances de la société Safran et maintenir la stabilité de leur flux d'affaires, fait justement valoir que la variation du courant d'affaires s'apprécie en considération de la relation commerciale dans sa globalité, et non en se limitant à une partie des prestations, les commandes relatives au programme F5X n'ayant pas à être appréhendées de manière isolée.
Il s'évince sur ce point du rapport d'expert-comptable de la société Mipnet (pièce n°53) qu'ainsi qu'il a déjà été exposé, le volume d'affaire entre les parties a été de 479.060 euros HT entre la période de janvier et mai 2016, ce qui équivaut à un flux d'affaires global mensuel moyen de 95.812 euros HT. Ce même flux d'affaires s'est élevé à la somme de 85.775,25 euros HT en 2015 ; 98.249,67 euros HT en 2014 ; 62.896,92 euros HT en 2013 et 99.265,67 euros HT en 2012, si bien qu'aucune variation significative ne peut être caractérisée au cours des quatre années précédentes.
En outre, il ressort des débats qu'il n'incombait aucune obligation de commande minimum à la charge de la société Dassault s'agissant du programme F5X.
Il se déduit de l'ensemble qu'aucune modification substantielle du flux d'affaires global entre les parties n'est démontrée, de sorte qu'aucune rupture ne peut être imputée à la société Dassault Aviation.
Par conséquent, la Cour déboutera la société Mipnet de sa demande réparation du préjudice résultant de la rupture brutale de leur relation commerciale formulée à l'égard de la société Dassault.
La Cour la déboutera corrélativement de sa demande de condamnation de la société Safran en réparation du préjudice de gain manqué et de pertes subies résultant de la brutalité de la rupture des relations commerciales.
Le jugement entrepris est confirmé sur ce chef.
4. Sur la réparation du préjudice résultant du manquement allégué dans l'exécution du contrat signé entre les sociétés Dassault Aviation et Safran
Exposé des moyens
La société Mipnet soutient que la société Safran Aircraft Engines, à qui il avait été confié le développement du moteur Silvercrest pour les avions Falcon F5X, a commis des manquements dans l'exécution du contrat la liant à la société Dassault Aviation, lesquels lui ont causé un préjudice. Elle sollicite réparation du préjudice résultant de manquements à ce contrat dont il est tiers au regard de la jurisprudence posée par la Cour de cassation le 6 octobre 2006. Elle considère que ce sont ces manquements qui ont conduit la société Dassault Aviation à décider du gel des activités de production pour le programme Falcon F5X, le 9 octobre 2015. Observant que Safran a versé une indemnité de résiliation de 280 millions de dollars à Dassault Aviation, elle estime que la défaillance de Safran dans l'exécution de son contrat n'est pas sérieusement contestable.
Elle fait en outre valoir, s'agissant du lien de causalité entre ces manquements et le préjudice dont elle demande réparation, qu'en application de la théorie de l'équivalence des conditions, tout antécédant nécessaire au dommage en est une cause juridique.
En réponse, la société Safran observe, tout d'abord, que Mipnet ne démontre pas que Safran aurait commis un manquement au contrat portant sur la production du moteur Silvercrest. Elle expose avoir toujours contesté auprès de la société Dassault Aviation que l'arrêt du programme Falcon F5X ait pu relever de sa responsabilité, dans la mesure où les difficultés techniques qu'elle rencontrait ne remettaient pas en cause le calendrier du programme Falcon F5X mais retardaient seulement la date cible de certification. Elle ajoute que la conclusion d'un accord transactionnel est intervenue pour remédier au désaccord relatif aux conséquences du retard et de l'avancé du programme, et non pour y inclure une quelconque reconnaissance de responsabilité. Elle observe par ailleurs que le provisionnement dans ses comptes de pénalités contractuelles concernant le développement du moteur Silvercrest ne correspond pas à la reconnaissance de manquements contractuels, mais à une simple application des règles comptables.
La société Safran Aircraft Engines soutient, ensuite, que la société Mipnet ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre le prétendu manquement contractuel et les préjudices allégués. Elle fait valoir que l'établissement d'un tel lien suppose, selon la doctrine majoritaire, de se référer à la théorie de la causalité adéquate en vertu de laquelle le fait générateur de responsabilité doit avoir été de nature à produire l'effet réalisé. Or aucune continuité causale ininterrompue n'est démontrée entre les difficultés techniques concernant le moteur Silvercrest et les dommages allégués. La sauvegarde judiciaire ouverte en septembre 2014 au bénéfice de la société Mipnet ne peut être liée au premier retard de programme annoncé en octobre 2015, étant relevé par ailleurs que cette dernière n'a pas mis à profit sa longue période d'observation pour remédier à ses difficultés économiques structurelles. Il existe en outre une incohérence temporelle de la chaine causale présentée par la société Mipnet dès lors que celle-ci sollicite la réparation de la perte des investissements effectués entre mars 2012 et mai 2016 ainsi que de la perte de marge de 2015 à 2019.
Réponse de la Cour
La Cour de cassation juge que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Ass. plén., 6 octobre 2006, n° 05-13.255). S'il établit un lien de causalité entre ce manquement contractuel et le dommage qu'il subit, il n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement (Ass. plén. 13 janvier 2020, n° 17-19.963).
Au cas présent, en l'absence de tout élément versé aux débats permettant de connaitre les engagements respectifs contenus au contrat signé le 13 septembre 2010 entre Dassault Aviation et Safran, ainsi que les conditions et limites de la responsabilité s'appliquant dans les relations entre les contractants, aucun manquement contractuel ne peut être caractérisé.
Mipnet, tiers à ce contrat, ne peut dans ces circonstances invoquer utilement l'application du droit de la responsabilité délictuelle pour voir réparer le préjudice que lui aurait causé la société Safran.
Le jugement est confirmé par ces motifs substitués.
5. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement est confirmé s'agissant des dépens et frais irrépétibles de première instance.
En vertu de l'article L. 622-17 I du code de commerce auquel renvoie l'article L. 641-13 en matière de liquidation judiciaire, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance. Le critère de détermination du caractère postérieur ou antérieur des créances au sens du droit des procédures collectives est leur fait générateur ainsi que l'induit la référence expresse à leur naissance. La loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 a néanmoins ajouté un critère d'utilité au critère chronologique.
Introduite pour accroître l'actif de la société Mipnet, l'action était, en son principe, utile à la procédure collective et à la satisfaction des intérêts des créanciers. Aussi, les créances au titre des dépens et des frais irrépétibles, constituées par l'arrêt, peuvent être considérées comme nées pour les besoins du déroulement de la procédure.
La société Mipnet, partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, est condamnée, à hauteur d'appel, aux dépens et à payer les sommes de 10 000 euros à la société Dassault Aviation et de 8 000 euros à la société Safran sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,
Donne acte à Me [E], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mipnet, de son intervention volontaire,
Déboute la société Dassault Aviation et la société Safran de leur demande de voir juger l'appel « non soutenu »,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
Condamne la société Mipnet, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, à payer la somme de 10 000 euros à la société Dassault Aviation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Mipnet, prise en la personne de son liquidateur judiciaire à payer la somme de 8 000 euros à la société Safran au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Mipnet, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, aux dépens..