CA Chambéry, 1re presidence, 19 novembre 2025, n° 25/00127
CHAMBÉRY
Ordonnance
Autre
N°MINUTE
HO25/038
COUR D'APPEL DE CHAMBERY
----------------
Première Présidence
ORDONNANCE
APPEL D'UNE DECISION DU JUGE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE STATUANT EN MATIERE D'HOSPITALISATION SANS CONSENTEMENT
du Mercredi 19 Novembre 2025
N° RG 25/00127 - N° Portalis DBVY-V-B7J-HZFX
Appelant
M. LE PREFET DE LA SAVOIE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
non comparant
appelés à la cause
ATMP DE LA SAVOIE (tuteur)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par M. [S] [H]
M. [F] [U], actuellement détenu à la maison d'arrêt de [Localité 3],
Sans domicile fixe
comparant sous escorte
assisté de Maître Mokrane OUAR, avocat désigné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY
CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE LA SAVOIE
[Localité 2]
non comparant
Partie Jointe :
Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites en date du 13 novembre 2025
DEBATS :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 19 novembre 2025 à 10h35 devant Madame Laetitia Bourachot, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière
L'affaire a été mise en délibéré au mercredi 19 novembre 2025 dans l'après-midi,
*****
Exposé du litige :
Par arrêté du 27 juillet 2023, le préfet du Bas-Rhin a ordonné l'admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète de M. [F] [U].
Par ordonnance du 04 août 2023, le juge des libertés et de la détention de Strasbourg a ordonné le maintien de l'hospitalisation complète de M. [F] [U].
Par arrêté du 22 août 2023, le préfet du Bas-Rhin a dit que la mesure de soins psychiatriques de M. [F] [U] est maintenue au titre de l'article L.3213-7 du code de la santé publique.
Par arrêté du 23 novembre 2023, le préfet de la Savoie a dit que l'intéressé serait à compter du jour de l'arrêté pris en charge dans le cadre d'un programme de soins, conformément à l'avis du collège de soignants du 21 novembre 2023.
Par arrêté du 31 octobre 2025, le préfet de la Savoie a ordonné la réintégration de M. [F] [U] en hospitalisation complète au centre hospitalier spécialisé de la Savoie.
Le certificat médical de réadmission en date du 31 octobre 2025 et le certificat mensuel du 03 novembre 2025 rédigés par le docteur [E] [C] mentionnaient que « Mr [U] présente une pathologie psychiatrique chronique, compliquée d'une consommation de toxiques, avec dans le passé de nombreuses décompensations avec symptômes psychotiques et troubles du comportement, avec hospitalisations dans divers hopitaux de France, souvent dans des contextes de rupture de traitement.
Avec la remise en place d'un traitement, le tableau clinique s'est amélioré, avec disparition des idées délirantes et des troubles du comportement, mais sans que Mr [U] ne perçoive le caractère pathologique des symptômes qu'il avait présenté lors des précédentes hospitalisations et la nécessilé de la poursuite des soins. Les soins pouvant se poursuivre en ambulatoire mais Mr [U] ne pouvant consentir aux soins, un programme de soins a été mis en place.
ll était stabilisé depuis plusieurs mois et s'est présenté à la consultation du 01 octobre 2025. Depuis, il n'est pas venu faire son injection retard. ll est injoignable par téléphone malgré plusieurs tentatives. Sa mère contactée par téléphone nous dit qu'il n'est plus au domicile et qu'elle n'a plus de nouvelle. ll logerait dans un hotel sans que l'on puisse confirmer cette information.
Au vu de ses antécédents et du risque de passage à l'acte en lien avec ses consommations de toxiques, une réintégration en hospitalisation complète est nécessaire afin de remettre en place un traitement et limiter les troubles du comportement.
En conséquence, les soins en programme de soins ambulatoire ne sont plus justifiés sous cette forme et doivent se poursuivre en hospitalisation complète ».
Par une requête reçue le 03 novembre 2025, le préfet de la Savoie a sollicité le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de M. [F] [U].
L'avis motivé à 12 jours du docteur M. [O] [N], en date du 04 novembre 2025, précise que « Au vu de ses antécédents et du risque de passage à l'acte en lien avec ses consommations de toxiques, une demande de réintégration en hospitalisation complète a été faite le 04/11/2025.
Toutefois, Mr [U] est venu faire son injection hier au CMP d'[Localité 4].
L'examen du patient n'est pas possible ce jour. Dans l'attente de pouvoir effectuer une évaluation du patient, les soins psychiatriques sur décision d'irresponsabilité pénale (122.1) en cours, sont justifiés et doivent se poursuivre en hospitalisation complète ».
Le collège de psychiatres, composé des docteurs [N], [J] et [V], a conclu le 07 novembre 2025 que « ll présente une pathologie psychiatrique chronique, compliquée d'une consommation de toxiques, avec dans le passé de nombreuses décompensations avec symptômes psychotiques et troubles du comportement, avec hospitalisations dans divers hopitaux de France, souvent dans des contextes de rupture de traitement.
Avec la remise en place d'un traitement, le tableau clinique s'est amélioré, avec disparition des idees délirantes et des troubles du comportement, mais sans que Mr [U] ne percoive le caractère pathologique des symptômes qu'il avait présenté lors des précédentes hospitalisations et la nécessité de la poursuite des soins. Les soins pouvant se poursuivre en ambulatoire mais Mr [U] ne pouvant consentir aux soins, un programme de soins a été mis en place. ll était stabilisé depuis plusieurs mois et s'est présenté à la consultation du 01/10/2025.
Depuis, il n'était pas venu faire son injection retard. N'étant pas joignable et du fait des antécédents, et du risque de passage à l'acte, nous avons sollicité une demande de réintégration en hospitalisation complète qui a été faite le 04/11/2025.
Toutefois, Mr [U] est finalement venu faire son injection le 5 novembre au CMP d'[Localité 4].
La procédure administrative de réintégration ayant été lancée, nous n'avons a priori pas d'autres alternatives que de réintégrer M. [U], mais ce dernier n'est pas joignable ».
Par ordonnance du 10 novembre 2025, le juge du tribunal judiciaire de Chambéry a ordonné la mainlevée de l'hospitalisation complète de M. [F] [U] au sein du centre hospitalier spécialisé de Bassens.
La décision a été notifiée le jour même au préfet de la Savoie.
Par courriel envoyé le 12 novembre 2025, ce dernier a interjeté appel de la décision en motivant sa demande sur l'absence de deux expertises psychiatriques.
Les convocations et avis d'audience ont été adressés aux parties conformément aux dispositions de l'article R 3211-19 du code de la santé publique.
A l'audience, M. [F] [U] indique qu'il n'est pas allé faire l'injection retard car il n'en avait pas envie et se sentait bien. Il souligne les importants effets secondaires du traitement qui lui donne notamment mal aux muscles et aux os et le ralentit. Il indique que lorsqu'il s'est rendu compte de son retard dans son traitement il est allé le faire. Il explique qu'il vit depuis trois mois dans un hôtel à [Localité 4] après avoir quitté le domicile de sa mère avec laquelle il ne s'entendait plus. S'agissant des faits l'ayant amené à être placé en détention provisoire, M. [F] [U] indique qu'il a braqué avec un pistolet à billes une personne dans la rue pour lui soutirer de l'argent, que cette dernière a refusé et qu'il est alors parti. Il explique qu'il avait besoin d'argent tant pour sa consommation de toxiques que pour se nourrir.
L'ATMP de la Savoie, tuteur de M. [F] [U], représentée par M [H], a indiqué que le comportement de M. [F] [U] s'est nettement amélioré lorsqu'il a emménagé avec sa mère qui l'a beaucoup soutenu pendant trois ans. Il indique cependant que la maladie reste très présente et que la mère de M. [F] [U] était épuisée notamment en raison de l'immaturité profonde que provoquent les troubles psychiatriques dont est atteint son fils. Le tuteur indique que la prison ne fait pas évoluer les choses et que M. [U] nécessite un accompagnement aux soins très ferme, qu'il est conscient de ses troubles mais pas du danger qu'il crée lorsqu'il arrête ses soins, qui est vulnérable à l'extérieur, qu'il a des dettes et pose des actes de plus en plus graves, qu'il est nécessaire qu'il soit à nouveau hospitalisé au centre hospitalier spécialisé.
Son conseil expose que les médecins sont favorables à une hospitalisation complète et que M. [F] [U] y est également favorable et qu'il est nécessaire de mettre fin à l'incarcération.
Le préfet de la Savoie n'était ni présent ni représenté.
Le Ministère Public, non comparant, a requis par écrit le 13 novembre 2025 l'infirmation de la décision déférée et le maintien de la mesure d'hospitalisation complète en l'absence d'expertise psychiatrique. Les réquisitions ont été mises à la disposition des parties avant l'audience.
Sur ce,
L'appel ayant été formé selon les formes et dans les délais prévus par la loi, il sera déclaré recevable.
En vertu de l'articel L.3213-7 du code de la santé publique, « lorsque les autorités judiciaires estiment que l'état mental d'une personne qui a bénéficié, sur le fondement du remier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre public, elles avisent immédiatement la commission mentionnée à l'article L. 3222-5 du présent code ainsi que le représentant de l'État dans le département qui ordonne sans délai la production d'un certificat médical circonstancié portant sur l'état actuel du malade. Au vu de ce certificat, il peut prononcer une mesure d'admission en soins psychiatriques dans les conditions définies à l'article L. 3213-1.
Toutefois, si la personne concernée fait déjà l'objet d'une mesure de soins psychiatriques en application du même article L. 3213-1, la production de ce certificat n'est pas requise pour modifier le fondement de la mesure en cours.
A toutes fins utiles, le procureur de la République informe le représentant de l'État dans le département de ses réquisitions ainsi que des dates d'audience et des décisions rendues.
Si l'état de la personne mentionnée au premier alinéa le permet, celle-ci est informée par les autorités judiciaires de l'avis dont elle fait l'objet ainsi que des suites que peut y donner le représentant de l'État dans le département. Cette information lui est transmise par tout moyen et de manière appropriée à son état.
L'avis mentionné au premier alinéa indique si la procédure concerne des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens. Dans ce cas, la personne est également informée des conditions dans lesquelles il peut être mis fin à la mesure de soins psychiatriques
en application des articles L. 3211-12, L. 3211-12-1 et L. 3213-8 ».
Aux termes de l'article L.3211-12 II du code de la santé publique :
« II. ' Le juge ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du présent code lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L. 3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcés sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens.
Le juge ne peut, en outre, décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du présent code.
Le juge fixe les délais dans lesquels l'avis du collège et les deux expertises prévus au présent
II doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'État. Passés (sic)
ces délais, il statue immédiatement ».
L'office du juge (et du premier président de la cour d'appel ou son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.
L'appréciation du bien-fondé de la mesure doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.
En l'espèce, M. [F] [U] a fait l'objet d'un classement sans suite pour cause d'irresponsabilité pénale concernant des faits de vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, fait punis par la loi de 10 ans d'emprisonnement. À la suite de cette décision, la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte par le préfet a été maintenue sous le régime spécifique de l'article L. 3213-7 du code de la santé publique, de sorte que la mainlevée de l'hospitalisation sous contrainte de M. [F] [U] ne peut intervenir qu'après la réalisation de deux expertises psychiatriques.
Les médecins psychiatres ayant eu connaissance du dossier médical de M. [F] [U] ont tous rendu un avis favorable à la poursuite de l'hospitalisation complète face à la récente instabilité de sa situation. Les certificats médicaux de réintégration, le dernier certificat mensuel du 3 novembre 2025, l'avis motivé du 4 novembre 2025 ainsi que l'avis du collège de psychiatre du 07 novembre 2025 soulignent le fait que M. [F] [U] présente une pathologie psychiatrique chronique, compliquée d'une consommation de toxiques, avec dans le passé de nombreuses décompensations avec symptômes psychotiques et troubles du comportement qui l'ont conduit à commettre des actes violents, que sa situation s'est récemment dégradée puisqu'il est désormais sans-domicile-fixe et ne répond pas aux sollicitations des médecins quoiqu'il se soit finalement présenté au rendez-vous pour son injection retard le 4 novembre 2025.
Les différents certificats médicaux mettent également en évidence le fait que le patient n'est pas en mesure de donner un consentement éclairé aux soins qui lui sont pourtant nécessaires.
Enfin, il apparaît que depuis la décision du juge de première instance M. [F] [U] est suspecté d'avoir commis de nouvelles infractions et a été placé en détention provisoire, ce qui confirme les éléments médicaux repris par la décision de réintégration en hospitalisation complète rendue par le préfet quant au risque d'atteinte aux personnes.
L'ensemble des débats confirme ces différents éléments.
Dès lors, l'état mental de M. [F] [U] impose toujours actuellement des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, ses troubles psychiques étant de nature à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte, de façon grave, à l'ordre public. En l'état actuel, il ne semble pas envisageable d'ordonner la mainlevée de la mesure de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner des expertises psychiatriques.
En conséquence, l'ordonnance du juge de première instance sera infirmée et le maintien de M. [F] [U] en hospitalisation complète sera ordonné.
Les dépens de l'instance resteront à la charge du Trésor Public.
PAR CES MOTIFS,
Nous, Laetitia Bourachot, conseillère déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Chambéry, statuant par ordonnance réputé contradictoire, après débats en audience publique, assistée de Sophie Messa, greffière,
DÉCLARONS recevable l'appel de M. Le préfet de la Savoie,
INFIRMONS l'ordonnance du juge du tribunal judiciaire de Chambéry,
Statuant à nouveau,
ORDONNONS le maintien de M. [F] [U] en hospitalisation complète sous contrainte en vertu de l'article L.3213-7 du code de la santé publique,
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public,
DISONS que la notification de la présente ordonnance sera faite conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.
Ainsi prononcé le 19 novembre 2025 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Laetitia BOURACHOT, à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Mme Sophie MESSA, greffière.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
HO25/038
COUR D'APPEL DE CHAMBERY
----------------
Première Présidence
ORDONNANCE
APPEL D'UNE DECISION DU JUGE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE STATUANT EN MATIERE D'HOSPITALISATION SANS CONSENTEMENT
du Mercredi 19 Novembre 2025
N° RG 25/00127 - N° Portalis DBVY-V-B7J-HZFX
Appelant
M. LE PREFET DE LA SAVOIE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
non comparant
appelés à la cause
ATMP DE LA SAVOIE (tuteur)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par M. [S] [H]
M. [F] [U], actuellement détenu à la maison d'arrêt de [Localité 3],
Sans domicile fixe
comparant sous escorte
assisté de Maître Mokrane OUAR, avocat désigné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY
CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE LA SAVOIE
[Localité 2]
non comparant
Partie Jointe :
Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites en date du 13 novembre 2025
DEBATS :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 19 novembre 2025 à 10h35 devant Madame Laetitia Bourachot, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière
L'affaire a été mise en délibéré au mercredi 19 novembre 2025 dans l'après-midi,
*****
Exposé du litige :
Par arrêté du 27 juillet 2023, le préfet du Bas-Rhin a ordonné l'admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète de M. [F] [U].
Par ordonnance du 04 août 2023, le juge des libertés et de la détention de Strasbourg a ordonné le maintien de l'hospitalisation complète de M. [F] [U].
Par arrêté du 22 août 2023, le préfet du Bas-Rhin a dit que la mesure de soins psychiatriques de M. [F] [U] est maintenue au titre de l'article L.3213-7 du code de la santé publique.
Par arrêté du 23 novembre 2023, le préfet de la Savoie a dit que l'intéressé serait à compter du jour de l'arrêté pris en charge dans le cadre d'un programme de soins, conformément à l'avis du collège de soignants du 21 novembre 2023.
Par arrêté du 31 octobre 2025, le préfet de la Savoie a ordonné la réintégration de M. [F] [U] en hospitalisation complète au centre hospitalier spécialisé de la Savoie.
Le certificat médical de réadmission en date du 31 octobre 2025 et le certificat mensuel du 03 novembre 2025 rédigés par le docteur [E] [C] mentionnaient que « Mr [U] présente une pathologie psychiatrique chronique, compliquée d'une consommation de toxiques, avec dans le passé de nombreuses décompensations avec symptômes psychotiques et troubles du comportement, avec hospitalisations dans divers hopitaux de France, souvent dans des contextes de rupture de traitement.
Avec la remise en place d'un traitement, le tableau clinique s'est amélioré, avec disparition des idées délirantes et des troubles du comportement, mais sans que Mr [U] ne perçoive le caractère pathologique des symptômes qu'il avait présenté lors des précédentes hospitalisations et la nécessilé de la poursuite des soins. Les soins pouvant se poursuivre en ambulatoire mais Mr [U] ne pouvant consentir aux soins, un programme de soins a été mis en place.
ll était stabilisé depuis plusieurs mois et s'est présenté à la consultation du 01 octobre 2025. Depuis, il n'est pas venu faire son injection retard. ll est injoignable par téléphone malgré plusieurs tentatives. Sa mère contactée par téléphone nous dit qu'il n'est plus au domicile et qu'elle n'a plus de nouvelle. ll logerait dans un hotel sans que l'on puisse confirmer cette information.
Au vu de ses antécédents et du risque de passage à l'acte en lien avec ses consommations de toxiques, une réintégration en hospitalisation complète est nécessaire afin de remettre en place un traitement et limiter les troubles du comportement.
En conséquence, les soins en programme de soins ambulatoire ne sont plus justifiés sous cette forme et doivent se poursuivre en hospitalisation complète ».
Par une requête reçue le 03 novembre 2025, le préfet de la Savoie a sollicité le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de M. [F] [U].
L'avis motivé à 12 jours du docteur M. [O] [N], en date du 04 novembre 2025, précise que « Au vu de ses antécédents et du risque de passage à l'acte en lien avec ses consommations de toxiques, une demande de réintégration en hospitalisation complète a été faite le 04/11/2025.
Toutefois, Mr [U] est venu faire son injection hier au CMP d'[Localité 4].
L'examen du patient n'est pas possible ce jour. Dans l'attente de pouvoir effectuer une évaluation du patient, les soins psychiatriques sur décision d'irresponsabilité pénale (122.1) en cours, sont justifiés et doivent se poursuivre en hospitalisation complète ».
Le collège de psychiatres, composé des docteurs [N], [J] et [V], a conclu le 07 novembre 2025 que « ll présente une pathologie psychiatrique chronique, compliquée d'une consommation de toxiques, avec dans le passé de nombreuses décompensations avec symptômes psychotiques et troubles du comportement, avec hospitalisations dans divers hopitaux de France, souvent dans des contextes de rupture de traitement.
Avec la remise en place d'un traitement, le tableau clinique s'est amélioré, avec disparition des idees délirantes et des troubles du comportement, mais sans que Mr [U] ne percoive le caractère pathologique des symptômes qu'il avait présenté lors des précédentes hospitalisations et la nécessité de la poursuite des soins. Les soins pouvant se poursuivre en ambulatoire mais Mr [U] ne pouvant consentir aux soins, un programme de soins a été mis en place. ll était stabilisé depuis plusieurs mois et s'est présenté à la consultation du 01/10/2025.
Depuis, il n'était pas venu faire son injection retard. N'étant pas joignable et du fait des antécédents, et du risque de passage à l'acte, nous avons sollicité une demande de réintégration en hospitalisation complète qui a été faite le 04/11/2025.
Toutefois, Mr [U] est finalement venu faire son injection le 5 novembre au CMP d'[Localité 4].
La procédure administrative de réintégration ayant été lancée, nous n'avons a priori pas d'autres alternatives que de réintégrer M. [U], mais ce dernier n'est pas joignable ».
Par ordonnance du 10 novembre 2025, le juge du tribunal judiciaire de Chambéry a ordonné la mainlevée de l'hospitalisation complète de M. [F] [U] au sein du centre hospitalier spécialisé de Bassens.
La décision a été notifiée le jour même au préfet de la Savoie.
Par courriel envoyé le 12 novembre 2025, ce dernier a interjeté appel de la décision en motivant sa demande sur l'absence de deux expertises psychiatriques.
Les convocations et avis d'audience ont été adressés aux parties conformément aux dispositions de l'article R 3211-19 du code de la santé publique.
A l'audience, M. [F] [U] indique qu'il n'est pas allé faire l'injection retard car il n'en avait pas envie et se sentait bien. Il souligne les importants effets secondaires du traitement qui lui donne notamment mal aux muscles et aux os et le ralentit. Il indique que lorsqu'il s'est rendu compte de son retard dans son traitement il est allé le faire. Il explique qu'il vit depuis trois mois dans un hôtel à [Localité 4] après avoir quitté le domicile de sa mère avec laquelle il ne s'entendait plus. S'agissant des faits l'ayant amené à être placé en détention provisoire, M. [F] [U] indique qu'il a braqué avec un pistolet à billes une personne dans la rue pour lui soutirer de l'argent, que cette dernière a refusé et qu'il est alors parti. Il explique qu'il avait besoin d'argent tant pour sa consommation de toxiques que pour se nourrir.
L'ATMP de la Savoie, tuteur de M. [F] [U], représentée par M [H], a indiqué que le comportement de M. [F] [U] s'est nettement amélioré lorsqu'il a emménagé avec sa mère qui l'a beaucoup soutenu pendant trois ans. Il indique cependant que la maladie reste très présente et que la mère de M. [F] [U] était épuisée notamment en raison de l'immaturité profonde que provoquent les troubles psychiatriques dont est atteint son fils. Le tuteur indique que la prison ne fait pas évoluer les choses et que M. [U] nécessite un accompagnement aux soins très ferme, qu'il est conscient de ses troubles mais pas du danger qu'il crée lorsqu'il arrête ses soins, qui est vulnérable à l'extérieur, qu'il a des dettes et pose des actes de plus en plus graves, qu'il est nécessaire qu'il soit à nouveau hospitalisé au centre hospitalier spécialisé.
Son conseil expose que les médecins sont favorables à une hospitalisation complète et que M. [F] [U] y est également favorable et qu'il est nécessaire de mettre fin à l'incarcération.
Le préfet de la Savoie n'était ni présent ni représenté.
Le Ministère Public, non comparant, a requis par écrit le 13 novembre 2025 l'infirmation de la décision déférée et le maintien de la mesure d'hospitalisation complète en l'absence d'expertise psychiatrique. Les réquisitions ont été mises à la disposition des parties avant l'audience.
Sur ce,
L'appel ayant été formé selon les formes et dans les délais prévus par la loi, il sera déclaré recevable.
En vertu de l'articel L.3213-7 du code de la santé publique, « lorsque les autorités judiciaires estiment que l'état mental d'une personne qui a bénéficié, sur le fondement du remier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre public, elles avisent immédiatement la commission mentionnée à l'article L. 3222-5 du présent code ainsi que le représentant de l'État dans le département qui ordonne sans délai la production d'un certificat médical circonstancié portant sur l'état actuel du malade. Au vu de ce certificat, il peut prononcer une mesure d'admission en soins psychiatriques dans les conditions définies à l'article L. 3213-1.
Toutefois, si la personne concernée fait déjà l'objet d'une mesure de soins psychiatriques en application du même article L. 3213-1, la production de ce certificat n'est pas requise pour modifier le fondement de la mesure en cours.
A toutes fins utiles, le procureur de la République informe le représentant de l'État dans le département de ses réquisitions ainsi que des dates d'audience et des décisions rendues.
Si l'état de la personne mentionnée au premier alinéa le permet, celle-ci est informée par les autorités judiciaires de l'avis dont elle fait l'objet ainsi que des suites que peut y donner le représentant de l'État dans le département. Cette information lui est transmise par tout moyen et de manière appropriée à son état.
L'avis mentionné au premier alinéa indique si la procédure concerne des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens. Dans ce cas, la personne est également informée des conditions dans lesquelles il peut être mis fin à la mesure de soins psychiatriques
en application des articles L. 3211-12, L. 3211-12-1 et L. 3213-8 ».
Aux termes de l'article L.3211-12 II du code de la santé publique :
« II. ' Le juge ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du présent code lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L. 3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcés sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens.
Le juge ne peut, en outre, décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du présent code.
Le juge fixe les délais dans lesquels l'avis du collège et les deux expertises prévus au présent
II doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'État. Passés (sic)
ces délais, il statue immédiatement ».
L'office du juge (et du premier président de la cour d'appel ou son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.
L'appréciation du bien-fondé de la mesure doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.
En l'espèce, M. [F] [U] a fait l'objet d'un classement sans suite pour cause d'irresponsabilité pénale concernant des faits de vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, fait punis par la loi de 10 ans d'emprisonnement. À la suite de cette décision, la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte par le préfet a été maintenue sous le régime spécifique de l'article L. 3213-7 du code de la santé publique, de sorte que la mainlevée de l'hospitalisation sous contrainte de M. [F] [U] ne peut intervenir qu'après la réalisation de deux expertises psychiatriques.
Les médecins psychiatres ayant eu connaissance du dossier médical de M. [F] [U] ont tous rendu un avis favorable à la poursuite de l'hospitalisation complète face à la récente instabilité de sa situation. Les certificats médicaux de réintégration, le dernier certificat mensuel du 3 novembre 2025, l'avis motivé du 4 novembre 2025 ainsi que l'avis du collège de psychiatre du 07 novembre 2025 soulignent le fait que M. [F] [U] présente une pathologie psychiatrique chronique, compliquée d'une consommation de toxiques, avec dans le passé de nombreuses décompensations avec symptômes psychotiques et troubles du comportement qui l'ont conduit à commettre des actes violents, que sa situation s'est récemment dégradée puisqu'il est désormais sans-domicile-fixe et ne répond pas aux sollicitations des médecins quoiqu'il se soit finalement présenté au rendez-vous pour son injection retard le 4 novembre 2025.
Les différents certificats médicaux mettent également en évidence le fait que le patient n'est pas en mesure de donner un consentement éclairé aux soins qui lui sont pourtant nécessaires.
Enfin, il apparaît que depuis la décision du juge de première instance M. [F] [U] est suspecté d'avoir commis de nouvelles infractions et a été placé en détention provisoire, ce qui confirme les éléments médicaux repris par la décision de réintégration en hospitalisation complète rendue par le préfet quant au risque d'atteinte aux personnes.
L'ensemble des débats confirme ces différents éléments.
Dès lors, l'état mental de M. [F] [U] impose toujours actuellement des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, ses troubles psychiques étant de nature à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte, de façon grave, à l'ordre public. En l'état actuel, il ne semble pas envisageable d'ordonner la mainlevée de la mesure de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner des expertises psychiatriques.
En conséquence, l'ordonnance du juge de première instance sera infirmée et le maintien de M. [F] [U] en hospitalisation complète sera ordonné.
Les dépens de l'instance resteront à la charge du Trésor Public.
PAR CES MOTIFS,
Nous, Laetitia Bourachot, conseillère déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Chambéry, statuant par ordonnance réputé contradictoire, après débats en audience publique, assistée de Sophie Messa, greffière,
DÉCLARONS recevable l'appel de M. Le préfet de la Savoie,
INFIRMONS l'ordonnance du juge du tribunal judiciaire de Chambéry,
Statuant à nouveau,
ORDONNONS le maintien de M. [F] [U] en hospitalisation complète sous contrainte en vertu de l'article L.3213-7 du code de la santé publique,
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public,
DISONS que la notification de la présente ordonnance sera faite conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.
Ainsi prononcé le 19 novembre 2025 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Laetitia BOURACHOT, à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Mme Sophie MESSA, greffière.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE