CA Basse-Terre, 2e ch., 20 novembre 2025, n° 25/00163
BASSE-TERRE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 529 DU 20 NOVEMBRE 2025
N° RG 25/00163 -
N° Portalis DBV7-V-B7J-DYWO
Décision attaquée : ordonnance de référé du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre en date du 8 janvier 2025, dans une instance enregistrée sous le n° 2024R00019
APPELANTE :
Madame [E] [J] veuve [Z]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Myriam WIN BOMPARD, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Assistée de Me Pascal LUCIANI, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. BCM, prise en la personne de Maître [W] [U],
[Adresse 4]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Michel PRADINES, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 8 septembre 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Frank Robail, président de chambre,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,
Mme Aurélia Bryl,conseillère.
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 20 novembre 2025
GREFFIER,
Lors des débats et lors du prononcé : Mme Sonia Vicino, greffière.
ARRÊT :
- contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
- signé par M. Frank Robail, président de chambre et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire. O, présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
Par ordonnance du 28 juin 2022, la présidente du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre, statuant sur requête déposée par Mme [Y] [Z], a désigné la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], afin d'assurer la direction, l'administration et la gestion de la SARL [K] & [F], dont les associées étaient Mme [Y] [Z] et sa mère, Mme [E] [J] veuve [Z], associée majoritaire.
Par ordonnance du 11 janvier 2023, la présidente du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre statuant en référé a rejeté le référé-rétractation formé par Mme [E] [J] veuve [Z] à l'encontre de l'ordonnance du 28 juin 2022, et l'a confirmée.
Sur appel interjeté par Mme [E] [J] veuve [Z], la cour d'appel de céans a, par arrêt du 14 décembre 2023, infirmé l'ordonnance du 11 janvier 2023, débouté Mme [Y] [Z] de sa demande tendant à la désignation d'un administrateur provisoire de la société [K] & [F] en lieu et place de son gérant en titre, et rétracté en conséquence l'ordonnance rendue le 28 juin 2022.
Par requête du 6 août 2024, la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, agissant en qualité d'administrateur provisoire de la société [K] & [F], a demandé au président du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre de constater la fin de sa mission au 14 décembre 2023 et de fixer le montant de ses honoraires, conformément aux dispositions de l'article R.814-27 du code de commerce.
Par ordonnance du 22 août 2024, la 'vice-présidente du tribunal judiciaire de Basse-Terre, par délégation de la présidente du tribunal mixte de commerce', a :
- constaté la fin de la mission confiée à la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], en qualité d'administrateur provisoire de la SARL [K] & [F], au 14 décembre 2023,
- fixé le montant de ses honoraires pour la période du 28 juin 2022 au 14 décembre 2023 à la somme de 45.000 euros, sur la base de 10 heures par mois au taux horaire de 250 euros HT, conformément aux dispositions de l'article R.814-27 du code de commerce,
- ordonné la notification de cette décision par lettre recommandée à la société [K] & [F] et à la SELARL BCM,
- taxé les dépens à la somme de 28,26 euros à la charge du requérant.
Par acte de commissaire de justice du 13 septembre 2024, Mme [E] [J] veuve [Z] a assigné la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, agissant en qualité d'administrateur provisoire de la SARL [K] & [F], devant la présidente du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre statuant en référé afin de voir rétracter l'ordonnance du 22 août 2024.
La SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], est intervenue volontairement à l'instance et a conclu à l'incompétence du juge des référés pour connaître de cette action, au profit du premier président de la cour d'appel.
Par ordonnance du 8 janvier 2025, après avoir constaté que la demande de rémunération de l'administrateur provisoire relevait du régime des ordonnances de taxe, dont le recours devait être formé devant le premier président, et non des ordonnances sur requête soumises au référé-rétractation, la présidente du tribunal mixte de commerce a statué en ces termes :
- 'nous déclarons incompétent,
- disons que le recours contre l'ordonnance prononcée le 22 août 2024 relève de la compétence du premier président de la cour d'appel de Basse-Terre,
- condamnons Mme [J] [E] veuve [Z] à verser à la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamnons Mme [J] [E] veuve [Z] au paiement des dépens de la procédure,
- rappelons que la présente décision est exécutoire de plein droit'.
Mme [E] [J] veuve [Z] a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 17 février 2025, en indiquant que son appel portait expressément sur chacun des chefs de jugement, littéralement reproduits.
La procédure a fait l'objet d'une orientation à bref délai avec fixation de l'affaire à l'audience du 8 septembre 2025, suivant avis du 20 mars 2025.
Le 26 mars 2025, l'appelante a fait signifier la déclaration d'appel, l'avis de déclaration d'appel et l'avis d'orientation et de fixation à bref délai à la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, qui a remis au greffe sa constitution d'intimée par voie électronique le 19 avril 2025.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 août 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience du 8 septembre 2025, à l'issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 20 novembre 2025.
Suivant note adressée aux parties par voie électronique (RPVA) le 18 septembre 2025, la cour les a invitées à présenter leurs observations, avant le 2 octobre 2025, sur les moyens suivants, qu'elle envisageait de relever d'office en présence d'une décision se prononçant sur la compétence, sans statuer sur le fond du litige :
- la caducité de la déclaration d'appel, sur le fondement de l'article 84 du code de procédure civile, faute pour l'appelante d'avoir saisi le premier président d'une demande en vue d'être autorisée à assigner à jour fixe,
- l'irrecevabilité de l'appel, sur le fondement de l'article 85 du code de procédure civile, faute pour l'appelante d'avoir motivé sa déclaration d'appel, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions qui lui étaient jointes.
Aux termes de ses observations remises au greffe le 20 septembre 2025, l'intimé a conclu à la caducité de la déclaration d'appel sur le fondement de l'article 84 du code de procédure civile et à son irrecevabilité sur le fondement de l'article 85 du même code.
Suivant observations remises au greffe le 1er octobre 2025, l'appelante a indiqué qu'elle s'en rapportait sur la caducité de la déclaration d'appel. Cependant, elle a demandé à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue d'une procédure engagée devant le premier président.
Les observations complémentaires de l'intimée, arrivées postérieurement au délai imparti, dont le report n'a pas été demandé, ne seront pas prises en compte, pas plus que celles de l'appelante datées du 8 octobre 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1/ Mme [E] [J] veuve [Z], appelante :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 juillet 2025, par lesquelles l'appelante demande à la cour :
- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- de débouter la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, de l'intégralité de ses fins, demandes et prétentions,
- de déclarer que la déclaration d'appel et ses premières conclusions d'appelante ont emporté effet dévolutif,
- de déclarer la cour de céans valablement saisie,
- de réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
- de juger que le président du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre est compétent pour connaître du recours en rétractation qu'elle a formé à l'encontre de l'ordonnance du 22 août 2024,
- de déclarer recevable et bien fondé son recours en rétractation,
- de juger qu'aux termes de l'arrêt rendu le 14 décembre 2023, la cour d'appel de Basse-Terre a débouté Mme [Y] [Z] de sa demande tendant à la désignation d'un administrateur provisoire de la société [K] & [F] et rétracté en conséquence l'ordonnance sur requête rendue le 28 juin 2022 par la présidente du tribunal mixte de commerce,
- de juger que la désignation de la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], en qualité d'administrateur provisoire de la SARL [K] & [F], est considérée comme n'ayant jamais existé,
- de juger que tous les effets de l'administration provisoire de la SARL [K] & [F] sont anéantis rétroactivement,
- de juger la perte de fondement juridique de la désignation de la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], en qualité d'administrateur provisoire de la SARL [K] & [F], et la nullité qui en découle,
- de juger que la désignation de la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], en qualité d'administrateur provisoire de la SARL [K] & [F], n'est jamais intervenue, de sorte qu'il ne saurait être fait droit à aucune demande de constatation de fin de mission de l'administrateur judiciaire, ni à aucune demande de fixation et versement d'honoraires,
- de juger que les agissements de la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], en qualité d'administrateur provisoire de la SARL [K] & [F], ont mis en péril cette dernière,
- de juger que la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, n'est pas fondée à demander la constatation de la fin de sa mission, ni la fixation d'honoraires,
- de juger que les circonstances ne justifiaient pas qu'il soit dérogé au principe du contradictoire,
- de rétracter l'ordonnance rendue le 22 août 2024 par la vice-présidente du tribunal judiciaire de Basse-Terre, par délégation de la présidente du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre,
- de débouter la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, de sa demande de constatation de fin de mission et de sa demande en fixation d'honoraires,
- de considérer qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [E] [J] veuve [Z] les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en justice afin de défendre ses intérêts,
- de condamner la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, à lui verser la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, aux entiers dépens, distraits au profit de Me Win Bompard, avocat postulant, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
2/ La SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, intimée :
Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 juillet 2025 et remises au greffe le 20 juillet 2025 en raison d'un dysfonctionnement du RPVA de la cour d'appel, par lesquelles l'intimée demande à la cour :
- de constater l'absence d'effet dévolutif des premières conclusions d'appelant de Mme [J] veuve [Z],
- de déclarer qu'en l'absence d'énonciation dans ses premières conclusions du 19 mai 2025 des chefs du dispositif de l'ordonnance critiqués, la cour n'est pas saisie,
- de condamner Mme [J] veuve [Z] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- à titre subsidiaire :
- de la déclarer tant irrecevable que mal fondée en son appel,
- de confirmer l'ordonnance 'du 22 août 2025" en toutes ses dispositions,
- de condamner Mme [J] veuve [Z] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la caducité de la déclaration d'appel :
En vertu de l'article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues par les articles 83 à 89 du même code.
L'article 84 prévoit que le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
L'alinéa 2 de cet article précise que l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire.
Enfin, l'article 85 rappelle qu'outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.
Nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948.
Il résulte de ces textes que, nonobstant toute disposition contraire, l'appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe et qu'en ce cas l'appelant doit saisir, dans le délai d'appel et à peine de caducité de la déclaration d'appel, le premier président de la cour d'appel en vue d'être autorisé à assigner l'intimé à jour fixe (2e Civ., 11 juillet 2019, pourvoi n° 18-23.617).
Il s'en déduit que, même lorsque la décision contestée est une ordonnance de référé, soumise par principe à la procédure à bref délai conformément à l'article 906 du code de procédure civile, le premier président doit être saisi à peine de caducité d'une demande en vue d'être autorisé à assigner à jour fixe lorsque l'ordonnance de référé contestée ne s'est prononcée que sur la compétence, sans statuer sur le fond du litige.
En l'espèce, aux termes de l'ordonnance critiquée, rendue le 8 janvier 2025, le juge des référés s'est contenté de se déclarer incompétent, sans statuer sur le fond. Le fait d'allouer une somme au titre des frais irrépétibles et de statuer sur les dépens n'est pas de nature à modifier la nature de la décision, qui statuait exclusivement sur la compétence.
L'appel interjeté à l'encontre de cette ordonnance devait donc être formé conformément aux dispositions des articles 83 à 85 précités.
Compte tenu du délai d'un mois supplémentaire dont bénéficiait Mme [J] veuve [Z] en vertu de l'article 644 du code de procédure civile pour interjeter appel, puisqu'elle réside à [Localité 6], son appel interjeté le 17 février 2025 à l'encontre de l'ordonnance rendue le 8 janvier 2025 était recevable au plan du délai pour agir.
En revanche, force est de constater que l'appelante n'a pas saisi le premier président de la cour d'appel d'une demande tendant à être autorisée à assigner à jour fixe, et qu'elle n'a pas non plus motivé sa déclaration d'appel.
Sa déclaration d'appel était donc caduque.
Le fait que la SARL [K] & [F] ait saisi le premier président d'une contestation de l'ordonnance rendue le 22 août 2024, conformément au dispositif de l'ordonnance de référé dont appel, n'est pas de nature à générer la moindre contrariété entre la décision qui pourra être rendue dans ce cadre et la présente décision de caducité de la déclaration d'appel.
En conséquence, le moyen tiré de la caducité ayant préalablement été soumis aux observations contradictoires des parties, la déclaration d'appel de Mme [J] veuve [Z] doit être déclarée caduque.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Mme [J] veuve [Z], qui succombe à l'instance d'appel, sera condamnée aux entiers dépens et déboutée subséquemment de sa demande au titre des frais irrépétibles.
En outre, l'équité commande de la condamner à payer à la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [U], la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare caduque la déclaration d'appel formée par Mme [E] [J] veuve [Z] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 8 janvier 2025 par le juge des référés du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre,
Condamne Mme [E] [J] veuve [Z] à payer à la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [U], la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel,
La déboute de sa propre demande à ce titre,
Condamne Mme [E] [J] veuve [Z] aux entiers dépens de l'instance d'appel.
Et ont signé,
La greffière, Le président
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 529 DU 20 NOVEMBRE 2025
N° RG 25/00163 -
N° Portalis DBV7-V-B7J-DYWO
Décision attaquée : ordonnance de référé du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre en date du 8 janvier 2025, dans une instance enregistrée sous le n° 2024R00019
APPELANTE :
Madame [E] [J] veuve [Z]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Myriam WIN BOMPARD, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Assistée de Me Pascal LUCIANI, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. BCM, prise en la personne de Maître [W] [U],
[Adresse 4]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Michel PRADINES, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 8 septembre 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Frank Robail, président de chambre,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,
Mme Aurélia Bryl,conseillère.
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 20 novembre 2025
GREFFIER,
Lors des débats et lors du prononcé : Mme Sonia Vicino, greffière.
ARRÊT :
- contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
- signé par M. Frank Robail, président de chambre et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire. O, présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
Par ordonnance du 28 juin 2022, la présidente du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre, statuant sur requête déposée par Mme [Y] [Z], a désigné la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], afin d'assurer la direction, l'administration et la gestion de la SARL [K] & [F], dont les associées étaient Mme [Y] [Z] et sa mère, Mme [E] [J] veuve [Z], associée majoritaire.
Par ordonnance du 11 janvier 2023, la présidente du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre statuant en référé a rejeté le référé-rétractation formé par Mme [E] [J] veuve [Z] à l'encontre de l'ordonnance du 28 juin 2022, et l'a confirmée.
Sur appel interjeté par Mme [E] [J] veuve [Z], la cour d'appel de céans a, par arrêt du 14 décembre 2023, infirmé l'ordonnance du 11 janvier 2023, débouté Mme [Y] [Z] de sa demande tendant à la désignation d'un administrateur provisoire de la société [K] & [F] en lieu et place de son gérant en titre, et rétracté en conséquence l'ordonnance rendue le 28 juin 2022.
Par requête du 6 août 2024, la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, agissant en qualité d'administrateur provisoire de la société [K] & [F], a demandé au président du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre de constater la fin de sa mission au 14 décembre 2023 et de fixer le montant de ses honoraires, conformément aux dispositions de l'article R.814-27 du code de commerce.
Par ordonnance du 22 août 2024, la 'vice-présidente du tribunal judiciaire de Basse-Terre, par délégation de la présidente du tribunal mixte de commerce', a :
- constaté la fin de la mission confiée à la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], en qualité d'administrateur provisoire de la SARL [K] & [F], au 14 décembre 2023,
- fixé le montant de ses honoraires pour la période du 28 juin 2022 au 14 décembre 2023 à la somme de 45.000 euros, sur la base de 10 heures par mois au taux horaire de 250 euros HT, conformément aux dispositions de l'article R.814-27 du code de commerce,
- ordonné la notification de cette décision par lettre recommandée à la société [K] & [F] et à la SELARL BCM,
- taxé les dépens à la somme de 28,26 euros à la charge du requérant.
Par acte de commissaire de justice du 13 septembre 2024, Mme [E] [J] veuve [Z] a assigné la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, agissant en qualité d'administrateur provisoire de la SARL [K] & [F], devant la présidente du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre statuant en référé afin de voir rétracter l'ordonnance du 22 août 2024.
La SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], est intervenue volontairement à l'instance et a conclu à l'incompétence du juge des référés pour connaître de cette action, au profit du premier président de la cour d'appel.
Par ordonnance du 8 janvier 2025, après avoir constaté que la demande de rémunération de l'administrateur provisoire relevait du régime des ordonnances de taxe, dont le recours devait être formé devant le premier président, et non des ordonnances sur requête soumises au référé-rétractation, la présidente du tribunal mixte de commerce a statué en ces termes :
- 'nous déclarons incompétent,
- disons que le recours contre l'ordonnance prononcée le 22 août 2024 relève de la compétence du premier président de la cour d'appel de Basse-Terre,
- condamnons Mme [J] [E] veuve [Z] à verser à la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamnons Mme [J] [E] veuve [Z] au paiement des dépens de la procédure,
- rappelons que la présente décision est exécutoire de plein droit'.
Mme [E] [J] veuve [Z] a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 17 février 2025, en indiquant que son appel portait expressément sur chacun des chefs de jugement, littéralement reproduits.
La procédure a fait l'objet d'une orientation à bref délai avec fixation de l'affaire à l'audience du 8 septembre 2025, suivant avis du 20 mars 2025.
Le 26 mars 2025, l'appelante a fait signifier la déclaration d'appel, l'avis de déclaration d'appel et l'avis d'orientation et de fixation à bref délai à la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, qui a remis au greffe sa constitution d'intimée par voie électronique le 19 avril 2025.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 août 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience du 8 septembre 2025, à l'issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 20 novembre 2025.
Suivant note adressée aux parties par voie électronique (RPVA) le 18 septembre 2025, la cour les a invitées à présenter leurs observations, avant le 2 octobre 2025, sur les moyens suivants, qu'elle envisageait de relever d'office en présence d'une décision se prononçant sur la compétence, sans statuer sur le fond du litige :
- la caducité de la déclaration d'appel, sur le fondement de l'article 84 du code de procédure civile, faute pour l'appelante d'avoir saisi le premier président d'une demande en vue d'être autorisée à assigner à jour fixe,
- l'irrecevabilité de l'appel, sur le fondement de l'article 85 du code de procédure civile, faute pour l'appelante d'avoir motivé sa déclaration d'appel, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions qui lui étaient jointes.
Aux termes de ses observations remises au greffe le 20 septembre 2025, l'intimé a conclu à la caducité de la déclaration d'appel sur le fondement de l'article 84 du code de procédure civile et à son irrecevabilité sur le fondement de l'article 85 du même code.
Suivant observations remises au greffe le 1er octobre 2025, l'appelante a indiqué qu'elle s'en rapportait sur la caducité de la déclaration d'appel. Cependant, elle a demandé à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue d'une procédure engagée devant le premier président.
Les observations complémentaires de l'intimée, arrivées postérieurement au délai imparti, dont le report n'a pas été demandé, ne seront pas prises en compte, pas plus que celles de l'appelante datées du 8 octobre 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1/ Mme [E] [J] veuve [Z], appelante :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 juillet 2025, par lesquelles l'appelante demande à la cour :
- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- de débouter la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, de l'intégralité de ses fins, demandes et prétentions,
- de déclarer que la déclaration d'appel et ses premières conclusions d'appelante ont emporté effet dévolutif,
- de déclarer la cour de céans valablement saisie,
- de réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
- de juger que le président du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre est compétent pour connaître du recours en rétractation qu'elle a formé à l'encontre de l'ordonnance du 22 août 2024,
- de déclarer recevable et bien fondé son recours en rétractation,
- de juger qu'aux termes de l'arrêt rendu le 14 décembre 2023, la cour d'appel de Basse-Terre a débouté Mme [Y] [Z] de sa demande tendant à la désignation d'un administrateur provisoire de la société [K] & [F] et rétracté en conséquence l'ordonnance sur requête rendue le 28 juin 2022 par la présidente du tribunal mixte de commerce,
- de juger que la désignation de la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], en qualité d'administrateur provisoire de la SARL [K] & [F], est considérée comme n'ayant jamais existé,
- de juger que tous les effets de l'administration provisoire de la SARL [K] & [F] sont anéantis rétroactivement,
- de juger la perte de fondement juridique de la désignation de la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], en qualité d'administrateur provisoire de la SARL [K] & [F], et la nullité qui en découle,
- de juger que la désignation de la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], en qualité d'administrateur provisoire de la SARL [K] & [F], n'est jamais intervenue, de sorte qu'il ne saurait être fait droit à aucune demande de constatation de fin de mission de l'administrateur judiciaire, ni à aucune demande de fixation et versement d'honoraires,
- de juger que les agissements de la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], en qualité d'administrateur provisoire de la SARL [K] & [F], ont mis en péril cette dernière,
- de juger que la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, n'est pas fondée à demander la constatation de la fin de sa mission, ni la fixation d'honoraires,
- de juger que les circonstances ne justifiaient pas qu'il soit dérogé au principe du contradictoire,
- de rétracter l'ordonnance rendue le 22 août 2024 par la vice-présidente du tribunal judiciaire de Basse-Terre, par délégation de la présidente du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre,
- de débouter la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, de sa demande de constatation de fin de mission et de sa demande en fixation d'honoraires,
- de considérer qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [E] [J] veuve [Z] les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en justice afin de défendre ses intérêts,
- de condamner la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, à lui verser la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, aux entiers dépens, distraits au profit de Me Win Bompard, avocat postulant, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
2/ La SELARL BCM, prise en la personne de Maître [W] [U], administrateur judiciaire, intimée :
Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 juillet 2025 et remises au greffe le 20 juillet 2025 en raison d'un dysfonctionnement du RPVA de la cour d'appel, par lesquelles l'intimée demande à la cour :
- de constater l'absence d'effet dévolutif des premières conclusions d'appelant de Mme [J] veuve [Z],
- de déclarer qu'en l'absence d'énonciation dans ses premières conclusions du 19 mai 2025 des chefs du dispositif de l'ordonnance critiqués, la cour n'est pas saisie,
- de condamner Mme [J] veuve [Z] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- à titre subsidiaire :
- de la déclarer tant irrecevable que mal fondée en son appel,
- de confirmer l'ordonnance 'du 22 août 2025" en toutes ses dispositions,
- de condamner Mme [J] veuve [Z] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la caducité de la déclaration d'appel :
En vertu de l'article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues par les articles 83 à 89 du même code.
L'article 84 prévoit que le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
L'alinéa 2 de cet article précise que l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire.
Enfin, l'article 85 rappelle qu'outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.
Nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948.
Il résulte de ces textes que, nonobstant toute disposition contraire, l'appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe et qu'en ce cas l'appelant doit saisir, dans le délai d'appel et à peine de caducité de la déclaration d'appel, le premier président de la cour d'appel en vue d'être autorisé à assigner l'intimé à jour fixe (2e Civ., 11 juillet 2019, pourvoi n° 18-23.617).
Il s'en déduit que, même lorsque la décision contestée est une ordonnance de référé, soumise par principe à la procédure à bref délai conformément à l'article 906 du code de procédure civile, le premier président doit être saisi à peine de caducité d'une demande en vue d'être autorisé à assigner à jour fixe lorsque l'ordonnance de référé contestée ne s'est prononcée que sur la compétence, sans statuer sur le fond du litige.
En l'espèce, aux termes de l'ordonnance critiquée, rendue le 8 janvier 2025, le juge des référés s'est contenté de se déclarer incompétent, sans statuer sur le fond. Le fait d'allouer une somme au titre des frais irrépétibles et de statuer sur les dépens n'est pas de nature à modifier la nature de la décision, qui statuait exclusivement sur la compétence.
L'appel interjeté à l'encontre de cette ordonnance devait donc être formé conformément aux dispositions des articles 83 à 85 précités.
Compte tenu du délai d'un mois supplémentaire dont bénéficiait Mme [J] veuve [Z] en vertu de l'article 644 du code de procédure civile pour interjeter appel, puisqu'elle réside à [Localité 6], son appel interjeté le 17 février 2025 à l'encontre de l'ordonnance rendue le 8 janvier 2025 était recevable au plan du délai pour agir.
En revanche, force est de constater que l'appelante n'a pas saisi le premier président de la cour d'appel d'une demande tendant à être autorisée à assigner à jour fixe, et qu'elle n'a pas non plus motivé sa déclaration d'appel.
Sa déclaration d'appel était donc caduque.
Le fait que la SARL [K] & [F] ait saisi le premier président d'une contestation de l'ordonnance rendue le 22 août 2024, conformément au dispositif de l'ordonnance de référé dont appel, n'est pas de nature à générer la moindre contrariété entre la décision qui pourra être rendue dans ce cadre et la présente décision de caducité de la déclaration d'appel.
En conséquence, le moyen tiré de la caducité ayant préalablement été soumis aux observations contradictoires des parties, la déclaration d'appel de Mme [J] veuve [Z] doit être déclarée caduque.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Mme [J] veuve [Z], qui succombe à l'instance d'appel, sera condamnée aux entiers dépens et déboutée subséquemment de sa demande au titre des frais irrépétibles.
En outre, l'équité commande de la condamner à payer à la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [U], la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare caduque la déclaration d'appel formée par Mme [E] [J] veuve [Z] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 8 janvier 2025 par le juge des référés du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre,
Condamne Mme [E] [J] veuve [Z] à payer à la SELARL BCM, prise en la personne de Maître [U], la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel,
La déboute de sa propre demande à ce titre,
Condamne Mme [E] [J] veuve [Z] aux entiers dépens de l'instance d'appel.
Et ont signé,
La greffière, Le président