Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 4-1, 21 novembre 2025, n° 22/06379

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 22/06379

21 novembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 21 NOVEMBRE 2025

N° 2025/233

Rôle N° RG 22/06379 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJKNP

Association CRECHES DU SUD

C/

[M] [H]

Copie exécutoire délivrée le :

21 NOVEMBRE 2025

à :

Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Anne laure GASPERINI, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 31 Mars 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/00323.

APPELANTE

Association CRECHES DU SUD, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [M] [H], demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Anne laure GASPERINI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice DURAND, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre

Monsieur Fabrice DURAND, Président de chambre

Monsieur Alexandre COURT DE FONTMICHEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2025

Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

1. L'association Crèches du Sud, immatriculée au RCS de [Localité 14] sous le n°341 176 444, développe et gère des établissements destinées à l'accueil de jeunes enfants dans le département des Bouches-du-Rhône.

2. Mme [M] [O] épouse [H], auxiliaire de puériculture principale de 2e classe territoriale des services municipaux de la ville de [Localité 15], a été placée en position de disponibilité le 15 août 2017 pour suivre son conjoint.

3. L'association Crèches du Sud a engagé Mme [H] en qualité d'auxiliaire puéricultrice au sein de l'établissement « Les Milles Pattes » à [Localité 3][Localité 12] par contrat à durée déterminée du 21 juillet 2017 prenant effet le 28 août 2017 jusqu'au 29 septembre 2017.

4. Par avenant du 2 octobre 2017, ce contrat à durée déterminé a été renouvelé jusqu'au 22 décembre 2017. Aux termes d'un autre avenant du 2 novembre 2017, Mme [H] était affectée à l'établissement « [Adresse 10] » à [Localité 3][Localité 12]. A compter du 23 décembre 2017, la relation de travail s'est poursuivie à durée indéterminée et à temps complet.

5. Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [H] était affectée à l'établissement « La Maison d'Angèle » et percevait un salaire mensuel moyen de 1 750,59 euros pour 151,67 heures travaillées.

6. La relation contractuelle est régie par la convention collective nationale des acteurs du lien social et familial : centres sociaux et socioculturels, associations d'accueil de jeunes enfants, associations de développement social local du 4 juin 1983 (IDCC n°1261).

7. Les rapports entre les parties se sont dégradés à partir de février 2020 au sujet notamment d'un jour de congé pour déménagement et d'un projet de mutation de Mme [H] à « La Maison d'Angelot » à [Localité 4] annulé par l'employeur le 4 mars 2020.

8. Mme [H] a été en arrêt de travail du 2 au 6 mars 2020 pour maladie. Cet arrêt a ensuite été plusieurs fois renouvelé à partir du 10 mars 2020 et sans interruption jusqu'au 15 novembre 2020.

9. Par courrier du 23 juillet 2020, Mme [H] a notifié à l'association Les Crèches du Sud sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

10. Au terme de son arrêt de travail, Mme [H] a mis fin à sa disponibilité le 16 novembre 2020 et intégré les services municipaux de la ville de [Localité 14] pour exercer à nouveau ses fonctions d'auxiliaire de puériculture de collectivité.

11. Par requête déposée le 24 février 2021, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de qualification de la rupture en licenciement nul à titre principal et en licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire et condamnation de l'association Crèches du Sud à lui payer diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire.

12. Par jugement du 31 mars 2022, la formation de départage du conseil de prud'hommes de Marseille a :

' condamné l'association Crèches du Sud à verser à Mme [H] la somme de 3 500,98 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis et 350,10 euros de congés payés afférents ;

' dit que ces sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2021 et ce jusqu'à parfait paiement ;

' condamné l'association Crèches du Sud à verser à Mme [H] les sommes de nature indemnitaire suivantes :

- 2 188,24 euros net d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 5 251,77 euros net de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' dit que ces sommes de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision et ce jusqu'à parfait paiement ;

' ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 29 juin 2021 sous réserve toutefois qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ;

' ordonné à l'association Crèches du Sud de remettre à Mme [H] un certi'cat de travail, une attestation Pôle-Emploi et un reçu pour solde de tout compte recti'é conformément aux termes de la présente-décision ;

' dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

' débouté l'association Crèches du Sud de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

' condamné l'association Crèches du Sud aux dépens ;

' condamné l'association Crèches du Sud à verser à Mme [H] la somme de 1 000 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile ;

' dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;

' débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

13. Par déclaration au greffe du 29 avril 2022, l'association Crèches du Sud a relevé appel de ce jugement.

14. Vu les dernières conclusions n°2 de l'association Crèches du Sud déposées au greffe le 12 septembre 2023 demandant à la cour de :

' réformer le jugement déféré dans son intégralité ;

Et par conséquent,

' ordonner le remboursement des sommes déjà perçues au titre de l'exécution provisoire par Mme [H], soit la somme de 5 650,36 euros ;

Et statuant à nouveau,

' juger que la prise d'acte de la rupture de Mme [H] s'analyse en une démission claire et non équivoque ;

Et par conséquent,

' débouter cette dernière de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, que ce soit au titre de la nullité ou du licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

A titre reconventionnel,

' condamner Mme [H] à verser à l'association Crèches du Sud les sommes suivantes :

- 3 500 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 3 500 euros de dommages-intérêts pour procédure manifestement abusive ;

- 1 100,85 euros de remboursement du trop-perçu ;

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner Mme [H] aux entiers dépens distraits au profit de MB Avocats ;

15. Vu les dernières conclusions de Mme [H] déposées au greffe le 17 octobre 2022 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

' la recevoir en ses présentes conclusions les disant bien fondées ;

' confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille le 31 mars 2022 en ce qu'il a :

- jugé bien fondée la prise d'acte de Mme [H] aux torts de l'association Crèches du Sud du 23 juillet 2021 ;

- fixé le salaire brut mensuel de Mme [H] à la somme de 1 750,59 euros ;

- condamné l'association Crèches du Sud à verser à Mme [H] les sommes de 3 500,98 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis outre 350,10 euros de congés payés ;

- dit que ces sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2021 et ce jusqu'à parfait paiement ;

- ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 29 juin 2021 sous réserve toutefois qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ;

- ordonné à l'association Crèches du Sud de remettre à Mme [H] un certificat de travail, une attestation Pôle-Emploi et un reçu pour solde de tout compte rectifiés conformément aux termes de la présente décision ;

- débouté l'association Crèches du Sud de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

- condamné l'association Crèches du Sud aux dépens ;

- condamné l'association Crèches du Sud à verser à Mme [H] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' réformer le jugement entrepris pour le surplus ;

Y ajoutant et statuant de nouveau,

Sur l'exécution contractuelle,

' juger que l'association Crèches du Sud a commis une faute en opérant sans prévenir la salariée une retenue de 1 000 euros sur le salaire du mois de mars 2020 au-delà de la fraction saisissable et sans lui laisser la part insaisissable du salaire, rendant ainsi bien fondé le grief formulé par la salariée au titre de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ;

Sur la rupture contractuelle,

' retenir une ancienneté de 2 ans et 8 mois à la date de la rupture effective ;

A titre principal,

' constater que la décision prise par l'employeur le 4 mars 2020 d'annuler la mutation de la salariée fait suite à l'arrêt de travail pour cause de maladie dont a fait l'objet Mme [H] le 2 mars 2020 ;

' constater que Mme [H] rapporte des éléments objectifs suffisamment précis et concordants permettant de présumer un motif discriminatoire ;

' constater que l'association Crèches du Sud ne rapporte pas la preuve contraire ;

' juger que l'annulation de la mutation est constitutive d'une discrimination à l'état de santé à l'endroit de Mme [H] ;

' requalifier la rupture du contrat de travail en un licenciement nul ;

En conséquence,

' condamner l'association Crèches du Sud lui payer les sommes de 2 333,99 euros net d'indemnité de licenciement et 10 502,94 euros net de dommages-intérêts pour la nullité dont le licenciement est entaché ;

A titre subsidiaire,

' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié la prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

' condamner l'association Crèches du Sud à payer à Mme [H] les sommes de 2 333,99 euros net d'indemnité de licenciement ;

' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association Crèches du Sud à lui verser 5 251,77 euros net de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et dit que ces sommes de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et ce jusqu'à parfait paiement ;

En tout état de cause,

' condamner l'association Crèches du Sud à lui remettre l'ensemble des documents sociaux de rupture rectifiés et conformes à l'arrêt à intervenir ;

' assortir cette condamnation d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

' débouter l'association Crèches du Sud de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

' condamner l'Association Crèches du Sud à payer à Mme [H] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure d'appel ;

' condamner l'association Crèches du Sud au paiement des entiers dépens ;

' dire que les sommes de nature indemnitaire mises à la charge de l'employeur par l'arrêt à intervenir porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

16. Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

17. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 11 septembre 2025.

MOTIFS DE L'ARRÊT

18. A titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, les demandes tendant simplement à voir « constater », « rappeler », « dire » ou « juger » sans formuler de prétentions ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'i1 soit tranché sur un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt.

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail,

19. Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d'une démission dans le cas contraire.

20. La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. C'est au salarié qu'il incombe d'établir les faits allégués à l'encontre de l'employeur.

21. L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Sur le grief de refus de congé le 2 mars 2020 pour déménagement,

22. Mme [H] n'a pas déposé de demande de jour de congé à l'occasion de son déménagement prévu le 2 mars 2020 au moyen du formulaire habituellement utilisé à cette fin au sein de l'entreprise (pièce Crèches du Sud n°10) accompagné des pièces justificatives de l'événement personnel motivant cette demande d'absence.

23. Aucune pièce du dossier ne fait apparaître que Mme [H] aurait clairement évoqué l'article VI-4 de la convention collective auprès de son employeur, ni qu'elle aurait justifié de sa situation donnant droit à un congé d'un jour pour déménagement et que l'association Crèches du Sud s'y serait opposée en refusant de mauvaise foi d'appliquer les dispositions conventionnelles.

24. Il est exact en revanche que le courriel de sa supérieure hiérarchique Mme [C] du 3 mars 2020 (pièce Crèches du Sud n°5) évoque un échange informel avec Mme [H] au sujet de sa demande de « lundi 2 mars de repos pour raisons personnelles. En effet, elle souhaitait accompagner ses enfants à l'école, les récupérer et en profiter pour déménager ».

25. Au regard du personnel limité dont elle disposait, Mme [C] a informé Mme [H] qu'elle ne pouvait pas l'autoriser à s'absenter le 2 mars 2020, le décret n°2000-762 du 1er août 2000 exigeant la présence au minimum de quatre professionnelles pour permettre à l'employeur de respecter ses engagements d'accueil des bébés qui lui sont confiés (pièces Crèches du Sud n°8).

26. L'association Crèches du Sud ne disposait pas d'autre solution en raison des contraintes réglementaires strictes précitées, s'agissant d'une demande présentée au dernier moment par Mme [H] le jeudi 27 février 2020 en vue d'une absence le lundi 2 mars 2020

27. L'employeur a alors proposé à Mme [H] le 27 février 2020 d'aménager ses horaires le 2 mars 2020 au lieu d'une absence la journée entière qui aurait mis la crèche en difficulté. Cet échange a donné lieu à un accord entre Mme [C] et Mme [H] limitant sa présence le 2 mars 2020 de 10h30 à 15h45 pour prendre en compte ses contraintes personnelles (pièce Crèches du Sud n°5).

28. Cet accord conclu entre les parties explique pourquoi Mme [H] n'a présenté aucune demande de congé pour déménagement et pourquoi l'employeur n'a formalisé aucun refus d'un tel congé, étant rappelé le caractère tardif de la demande de Mme [H] n'aurait en toute hypothèse pas permis à la directrice d'accorder ce jour de congé en dernière minute au regard des contraintes réglementaires imposant la présence de quatre professionnelles dans la crèche.

29. La cour d'appel ne partage donc pas l'analyse du premier juge qui n'a pas pris en compte l'accord intervenu entre les parties et a retenu à tort que l'association Crèches du Sud avait signifié à Mme [H] un refus abusif de congé pour déménagement en violation des dispositions de la convention collective.

30. En conséquence, ce premier grief n'est pas retenu.

Sur le grief de discrimination,

31. En application des dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé.

32. Aux termes de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

33. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

34. En l'espèce, Mme [H] fait valoir :

' que sa mutation à la crèche « Les Angelots » a été annulée le 4 mars 2020 sitôt qu'elle a été placée en arrêt maladie le 2 mars 2020 ;

' que les explications données par son employeur sur sa décision ont varié au fil de leurs échanges ;

' que son parcours professionnel, exempt de toute sanction, est exemplaire et sa motivation connue de sa hiérarchie ;

' que dès lors le revirement de l'employeur ne peut s'expliquer que par sa volonté de sanctionner son arrêt maladie et matérialise donc une discrimination illicite à son encontre.

35. Au soutien de ses affirmations, Mme [H] verse aux débats :

' son arrêt de travail du 2 mars 2020 au 6 mars 2020 (pièce n°12) ;

' le courrier du 4 mars 2020 par lequel son employeur l'informait de sa décision de maintien à la crèche « [Adresse 10] » et d'annulation de sa mutation prévisionnellement envisagée à compter du 16 mars 2020 pour des « raisons d'organisation interne » (pièce n°11) ;

' le courriel de la directrice des ressources humaines, Mme [S], du 9 mars 2020, invoquant « différents comportements qui ont été portés à notre connaissance ces dernières semaines et qui nous amènent à conclure que votre profil ne correspond pas à notre attente » (pièce n° 13) ;

' le courrier du directeur général, M. [P], du 20 mai 2020, reprochant à la salariée des remarques contraires aux valeurs de l'association et en particulier, d'avoir tenté le 27 février 2020 de faire pression sur sa directrice pour obtenir un jour de congé exceptionnel, ainsi que des retards les 7 et 20 février 2020 (pièce n°15) ;

' ses entretiens d'évaluation de 2018 et 2019 (pièces n°26-1 et 26-2).

36. Le 12 février 2020, l'association Crèches du Sud a donné à Mme [H] son accord de principe pour sa mutation dans l'établissement « Les Angelots » à [Localité 4] devant prendre effet « dès que votre remplacement sera assuré, prévisionnellement le 16 mars 2020 » (pièce Mme [H] n°10).

37. Mme [H] a été placée en arrêt de travail pour motif médical pour « dysthymie épuisement » le 2 mars 2020.

38. Le 4 mars 2020, l'employeur informait Mme [H] de l'annulation de sa mutation en ces termes : « Pour des raisons d'organisation interne, nous vous informons par la présente, que nous sommes contraints de vous maintenir en poste à la crèche « [Adresse 11][Localité 2]. De ce fait, votre mutation à la crèche « Les Angelots » à [Localité 4] prévisionnellement envisagée à compter du 16 mars 2020 est annulée. » (pièce Mme [H] n°11).

39. Au cours des échanges ultérieurs, l'association Crèches du Sud a justifié sa décision de maintenir Mme [H] en poste à la crèche « [Adresse 10] » par d'autres raisons liées au comportement de la salariée.

40. Ces faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte tenant à la décision de l'employeur intervenue le 4 mars 2020, seulement deux jours après son arrêt de travail pour motif médical le 2 mars 2020, d'annuler le projet de mutation de Mme [H].

41. Pour expliquer sa décision, l'association Crèches du Sud démontre que le 27 février 2020, Mme [H] a menacé sa directrice Mme [C] d'un arrêt maladie, ce qui a été interprété par l'employeur comme une tentative de pression de la part de la salariée (pièce Crèches du Sud n°5) :

« Lorsque j'ai averti [M] que je ne pourrai pas lui accorder son lundi de repos celle-ci m'a répondu « et si je plante ' si je ne viens pas ' » Je lui ai alors répondu que ça ne changeait rien à ma décision car en effet avec 14 bébés sur l'étage il fallait au minimum 4 professionnelles (') ». La directrice ajoute : « [M] m'a dit qu'elle ne souhaitait pas rentrer « dans le système où l'on s'arrête une semaine pour ne pas perdre sa prime pour rien ».

42. L'arrêt de travail de Mme [H] ayant précisément débuté le jour litigieux du 2 mars 2020, l'employeur a légitimement pu croire que la menace exprimée par sa salariée avait été mise à exécution, et ce en dépit de l'accord intervenu entre les parties pour organiser une présence limitée de Mme [H] le 2 mars 2020 permettant de respecter l'effectif minimal requis pour faire fonctionner la crèche.

43. La menace d'un arrêt de maladie de complaisance, y compris de la part d'une salariée jusqu'alors appréciée et qualifiée de « très bonne professionnelle » par l'employeur, constitue un comportement déloyal dont l'employeur est fondé à se prévaloir au soutient de ses décisions de gestion.

44. La cour partage donc sur ce point l'appréciation du premier juge ayant retenu que « ce n'est pas tant l'état de santé de Mme [H] qui a justifié la décision de l'employeur de ne pas lui accorder la mutation espérée, mais ce qu'il a pu interpréter comme la mise à exécution d'une menace résultant d'un chantage. »

45. Par ailleurs l'association Crèches du Sud justifie que deux autres salariées Mme [F] et Mme [G] travaillant à la crèche « [Adresse 10] » ont été arrêtées pour maladie à compter du 17 février 2020, ces arrêts survenant au sein d'un effectif déjà réduit du fait du congé maladie de Mme [R], du congé parental de Mme [T] et du congé maternité de Mme [E].

46. L'association Crèches du Sud démontre ainsi que sa décision du 4 mars 2020 d'annuler la mutation de Mme [H] n'était aucunement liée à son état de santé mais résultait d'un choix légitime de gestion consistant d'une part à renforcer l'effectif de la crèche « [Adresse 10] », d'autre part à ne pas muter dans un nouvel établissement une salariée ayant manqué à son devoir de loyauté et risquant de créer des difficultés au sein de l'équipe de la crèche « Les Angelots ».

47. En l'absence de toute discrimination, Mme [H] n'est donc pas fondée se prévaloir d'un licenciement nul, ainsi que l'a exactement retenu le premier juge.

48. En revanche, la cour ne partage pas le motif contradictoire du premier juge selon lequel « l'annulation de la mutation précédemment consentie à Mme [H] seulement 12 jours avant sa prise d'effet, alors que l'employeur n'était pas sans savoir que Mme [H] avait entrepris dans cette perspective un déménagement et des démarches pour scolariser ses enfants dans le village voisin de [Localité 17], caractérise une exécution déloyale et fautive du contrat de travail. »

49. En effet, la décision de l'association Crèches du Sud du 4 mars 2020 n'est pas fautive dès lors qu'elle est justifiée par deux arrêts maladie de salariées imprévus survenus le 17 février 2020 mais aussi par la déloyauté de Mme [H] elle-même qui s'est livrée à une forme de chantage envers son employeur assurant une mission de service public et se trouvant soumis à une réglementation stricte destinée à garantir la sécurité et la santé des bébés qui lui sont confiés.

50. La cour relève en outre que tous les contrats de travail et avenants signés par Mme [H] stipulent la clause de mobilité suivante :

« Toutefois, en raison des nécessités du service, le salarié pourra être amené à être muté, ce qu'il accepte dès à présent, dans tout lieu d'activité du secteur géographique où Crèches du Sud exerceront leur activité, soit à [Localité 16], [Localité 18], [Localité 8], [Localité 7], [Localité 14], [Localité 13], [Localité 9], [Localité 4] et [Localité 5]. »

51. L'association Crèches du Sud était donc autorisée à affecter Mme [H] dans ses établissements en fonction de ses contraintes propres de gestion, sous la condition de ne pas commettre d'abus de droit et de ne pas porter atteinte aux droits de sa salariée lors de la mise en 'uvre de cette clause de mobilité.

52. En l'espèce, les motifs précédents démontrent qu'un tel abus n'est pas démontré au regard des besoins impératifs en personnel et de l'attitude déloyale de Mme [H] qui a imposé le 4 mars 2020 à l'association Crèches du Sud de modifier son projet initial d'affectation de la salariée.

53. De surcroît, le projet de mutation communiqué à Mme [H] le 12 février 2020 mentionnait qu'il interviendrait sous réserve de son remplacement et à une date « prévisionnelle » du 16 mars 2020 qui n'a jamais été confirmée par l'employeur à la salariée.

54. Sans attendre la confirmation de cette mutation, Mme [H] a engagé prématurément dès le 12 février 2020 des frais de déménagement et des démarches administratives aux fins de rescolarisation de ses enfants. Mme [H] n'est donc pas fondée à imputer à l'association Crèches du Sud les éventuelles conséquences matérielles de décisions qu'elle a prises alors qu'elle n'avait pas reçu confirmation de sa mutation envisagée à [Localité 4].

55. Enfin, il convient de souligner que Mme [H] n'a pas déménagé en raison de ce projet de mutation notifié le 12 février 2020 mais avait déjà décidé de s'installer à [Localité 17] avec son nouveau compagnon de vie. Pour cette raison, elle avait elle-même demandé le 31 janvier 2020 à l'association Crèches du Sud une mutation aux fins de rapprocher son lieu de travail de sa nouvelle résidence familiale (pièce Crèches du Sud n°7).

56. Il se déduit des points précédents que l'association Crèches du Sud n'a commis aucun manquement contractuel en informant Mme [H] le 4 mars 2020 qu'elle renonçait à son projet de mutation à la crèche « Les Angelots » à [Localité 4].

Sur le grief tenant à une retenue de salaire en mars 2020,

57. La cour adopte les motifs pertinents du premier juge ayant retenu que ce grief n'était pas fondé.

58. En effet, l'association Crèches du Sud démontre avoir versé le 30 mars 2020 un acompte de 1 000 euros par virement sur le compte bancaire de Mme [H] (pièce n°9), acompte qu'elle était légitime à déduire du salaire de mars 2020.

59. En retenant intégralement la somme de 1 000 euros versée le 30 mars 2020 lors du paiement quelques jours plus tard du salaire complet du mois de mars 2020, l'association Crèches du Sud n'a pas violé les dispositions de l'article L. 3251-3 du code du travail ni les règles définissant la fraction saisissable du salaire. Il s'agissait en effet d'une simple avance versée quelques jours avant d'établir le bulletin de paie de mars 2020, opération légèrement retardée en raison des circonstances particulières liées à l'épidémie de Covid 19.

60. A titre surabondant, la cour relève que ce paiement d'une avance de 1 000 euros le 30 mars 2020 complété quelques jours après par le versement du solde du salaire du même mois de mars 2020 n'a causé aucun préjudice à Mme [H] qui a perçu l'intégralité du salaire dû par l'employeur.

Sur le grief tenant au défaut de versement du complément de salaire maladie,

61. Il ressort des pièces versées aux débats que l'association Crèches du Sud a perçu par subrogation les indemnités journalières dues à Mme [H] durant ses arrêts maladie du 2 au 6 mars 2020 puis du 10 mars au 24 juillet 2020.

62. Ces indemnités journalières dues à Mme [H] lui ont été reversées en août 2020. Ce retard est fautif de la part de l'association Crèches du Sud mais la gravité de cette faute est atténuée du fait de sa durée limité à quelques mois (étant précisé que Mme [H] a bénéficié du maintien de 73 % de son salaire jusqu'en avril 2020) et en raison des nombreuses difficultés administratives et comptables rencontrées durant la période épidémique par les entreprise et par les différents organismes sociaux.

63. Ce dernier grief tenant à un retard de versement des indemnités journalières est donc matériellement établi mais n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur entraînant les effets sans cause réelle et sérieuse invoqué à titre subsidiaire.

64. En conséquence le jugement déféré est infirmé en toutes ses dispositions ayant qualifié la rupture de licenciement sans cause réelle et sérieuse et ayant condamné l'association Crèches du Sud à payer à Mme [H] les sommes de 3 500,98 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 350,10 euros de congés payés afférents, 2 188,24 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement et 5 251,77 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

65. La rupture du contrat de travail de Mme [H] s'analyse en une démission et ses demandes d'indemnités de rupture doivent donc être toutes rejetées.

66. S'agissant de la demande de restitution des sommes que l'association Crèches du Sud affirme avoir réglées en exécution de la condamnation prononcée par le conseil de prud'hommes, il y a lieu de rappeler que le présent arrêt infirmatif, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées par l'appelant en exécution du jugement de première instance.

Sur les demandes reconventionnelles de l'employeur,

Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis,

67. En application de l'article III-7 de la convention collective, Mme [H] était soumise à un préavis de deux mois envers son employeur à l'occasion de sa démission le 23 juillet 2020 en vue de réintégrer la fonction publique territoriale le 16 novembre 2020.

68. Il ressort toutefois des pièces versées aux débats par Mme [H] qu'elle a été arrêtée pour motif médical jusqu'au 15 novembre 2020, c'est-à-dire exactement jusqu'à la veille de sa réintégration comme fonctionnaire territorial le 16 novembre 2020 au sein de la commune de [Localité 14].

69. La suspension du contrat de travail de Mme [H] pour raison médicale pendant l'intégralité de son préavis fait obstacle à la demande en paiement de l'indemnité compensatrice de 3 500 euros présentée par l'employeur.

70. En conséquence, le jugement déféré est confirmé en sa disposition ayant rejeté ce chef de demande.

Sur la demande de remboursement d'un trop-perçu de 1 100,85 euros,

71. La cour adopte les motifs exacts et pertinents du jugement qui doit être confirmé en sa disposition ayant rejeté cette demande, les justificatifs produits par l'association Crèches du Sud au soutien de sa demande étant insuffisamment probants.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

72. La preuve d'un abus du droit d'ester en justice de la part de Mme [H] n'étant pas rapportée, il y a lieu, par confirmation du jugement déféré, de rejeter la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par l'association Crèches du Sud.

Sur les demandes accessoires,

73. Le jugement déféré est infirmé en ses dispositions ayant statué sur les dépens et sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

74. Mme [H] succombe largement en appel et doit donc supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

75. L'article 699 du code de procédure civile dispose que la distraction des dépens est possible uniquement dans les procédures à représentation obligatoire et si elle est demandée.

76. Ce droit, dont le bénéfice est sollicité au profit de MB Avocats, sera ordonné conformément à l'article 699 du code de procédure civile, mais seulement sur les dépens d'appel, la représentation n'étant pas obligatoire devant le conseil de prud'hommes.

77. L'équité commande en outre, au regard des circonstances particulières de l'espèce, de condamner Mme [H] à payer à l'association Crèches du Sud une indemnité de 1 000 euros en première instance et de 1 500 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour sauf celles ayant rejeté les demandes de l'association Crèches du Sud d'indemnité compensatrice de préavis de 3 500 euros, de dommages-intérêts de 3 500 euros pour procédure abusive et de remboursement d'un trop-perçu de 1 100,85 euros ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

Dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission de Mme [M] [H] ;

Déboute Mme [M] [H] de sa demande contre l'association Crèches du Sud en paiement de la somme de 3 500,98 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis et de 350,10 euros de congés payés ;

Déboute Mme [M] [H] de sa demande formée à titre principal contre l'association Crèches du Sud en paiement des sommes de 2 333,99 euros net d'indemnité de licenciement et de 10 502,94 euros net de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

Déboute Mme [M] [H] de sa demande formée à titre subsidiaire contre l'association Crèches du Sud en paiement des sommes de 2 333,99 euros net d'indemnité de licenciement et de 5 251,77 euros net de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne Mme [M] [H] à supporter les entiers dépens de première instance ;

Condamne Mme [M] [H] à payer à l'association Crèches du Sud la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de remboursement des sommes déjà perçues au titre de l'exécution provisoire par Mme [M] [H] ;

Condamne Mme [M] [H] à supporter les entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Me Mickaël Benavï conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [M] [H] à payer à l'association Crèches du Sud la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site