CA Rouen, ch. soc., 20 novembre 2025, n° 24/03944
ROUEN
Arrêt
Autre
N° RG 24/03944 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JZ4G
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 20 NOVEMBRE 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE ROUEN du 17 Octobre 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. AUX DEMENAGEURS DE NORMANDIE SOCIETE NOUVELLE
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Lola CHUNET, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [N] [D]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Julien DETTORI, avocat au barreau de ROUEN
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-76540-2025-02599 du 27/05/2025 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
Association AFTRAL
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 23 Septembre 2025 sans opposition des parties devant Madame DE LARMINAT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame DE LARMINAT, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Monsieur LABADIE, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame KARAM, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 23 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 novembre 2025, puis prorogée au 20 novembre 2025
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 20 Novembre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame DE LARMINAT, Présidente et par Madame KARAM, Greffière.
***
Rappel des faits constants
M. [N] [D], né le 20 février 2001, a régularisé, le 23 août 2022, un contrat d'apprentissage avec la SARL Aux déménageurs de Normandie Société Nouvelle (société ADN), dont le siège social est situé à Couronne en Seine-Maritime, sur une période de deux ans, la fin de la période d'apprentissage était fixée au 31 août 2024. M. [D] bénéficiait d'une rémunération à hauteur de 75 % du SMIC la première année et de 85 % du SMIC la seconde année pour 35 heures de travail hebdomadaire.
En parallèle, M. [D] a intégré en septembre 2022 le centre de formation des apprentis (CFA) géré par l'association Aftral [Localité 8] afin de suivre un BTS gestion, transport et logistique associée.
Reprochant à M. [D] d'avoir agressé verbalement son enseignant, M. [S], le 28 février 2023, l'association Aftral [Localité 8] a prononcé une mesure conservatoire interdisant à l'apprenant l'accès à l'établissement jusqu'à la tenue d'un conseil de discipline initialement prévu le 7 mars 2023 mais reporté compte tenu de l'absence de M. [D] à la première convocation.
Le conseil de discipline s'est en définitive tenu le 20 mars 2023 et à l'issue de celui-ci, par décision notifiée par lettre recommandée du 21 mars 2023, il a été décidé de l'exclusion immédiate et définitive de M. [D] du CFA, dans les termes suivants : « Monsieur, par courrier du 13 mars 2023, vous avez été convoqué à un conseil de discipline qui s'est tenu le 20 mars 2023 en présence de :
M. [R] [H], directeur du centre,
M. [Z] [K], votre employeur,
M. [W] [E], votre formateur référent,
Mme [V] [L] [Y], assistante de direction.
Je vous prie de trouver ci-dessous la décision du conseil de discipline :
(pour rappel, nous vous avions convoqué à un premier conseil de discipline en date du 7 mars 2023 auquel vous ne vous étiez pas présenté)
Rappel des faits :
. agression verbale le 28 février 2023 vis-à-vis de votre enseignant M. [S], propos méprisants et insultants.
Au vu de ces faits et de votre comportement lors de ce conseil de discipline :
. vous ne cherchez pas à discuter, à échanger,
. vous réitérez vos propos insultants vis à vis de M. [S],
le conseil de discipline prononce votre exclusion immédiate et définitive du centre de formation [7] de [Localité 9].
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.
Signé [H] [R], directeur du centre
Copie : M. [K] [Z] - ADN »
A la suite de cette exclusion définitive, après un entretien préalable qui s'est tenu le 21 avril 2023, M. [D] s'est vu notifier par la société ADN son licenciement pour faute grave, par lettre datée du 28 avril 2023, dans les termes suivants :
« Monsieur,
Nous faisons suite à notre LRAR du 6 avril 2023 vous convoquant à un entretien auquel vous vous êtes présenté.
Pour les motifs évoqués dans cette lettre à savoir : « Nous déplorons votre exclusion du centre de formation du 21 mars 2023. »
Lors de cet entretien, nous avons entendu vos explications qui ne nous ont pas convaincues.
En conséquence, nous décidons de procéder à votre licenciement pour faute grave.
Votre solde de compte et les documents y afférents vous seront adressés par voie électronique.
De plus, vous avez cotisé au sein de l'entreprise à une couverture complémentaire prévoyance et santé collective.
La fin de votre contrat de travail ne remet pas en cause le bénéfice de ces couvertures en application de l'article 14 de l'Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2008.
Conformément à la loi de sécurisation de l'emploi, nous vous précisons le maintien à titre gratuit de la prévoyance et des garanties des frais de santé offertes par le contrat souscrit par l'entreprise pour une durée maximale de huit mois.
Pour bénéficier de la portabilité santé, vous devez formuler directement la demande d'ouverture des droits à la portabilité auprès de Colonna Facility via votre espace personnel et ensuite leur communiquer la notification d'ouverture de droits à l'allocation au retour à l'emploi (ARE) délivrée par Pôle emploi.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur, nos salutations distinguées. »
M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en contestation de son exclusion définitive du centre de formation et de son licenciement, par requête reçue au greffe le 27 octobre 2023.
La décision contestée
Devant le conseil de prud'hommes, M. [D] a présenté notamment les demandes suivantes :
- annuler la sanction disciplinaire notifiée par l'association Aftral [Localité 8] le 21 mars 2023,
- ordonner en conséquence sa réintégration au sein de l'association Aftral [Localité 8],
- condamner l'association Aftral [Localité 8] à lui verser les sommes suivantes :
. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
. 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance,
. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct pour harcèlement,
- dire et juger que le licenciement pour faute grave qui lui a été notifié par la société ADN est abusif,
- condamner en conséquence la société ADN à lui verser les sommes suivantes :
. 23 063,04 euros à titre de rappel de salaires,
. 2 306,30 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner solidairement la société ADN et l'association Aftral [Localité 8] à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'association Aftral [Localité 8] a, quant à elle, présenté les demandes suivantes :
- constater l'absence de contrat de travail la liant à M. [D],
- constater en conséquence son incompétence matérielle concernant la contestation de la mesure d'exclusion définitive prise à l'encontre de M. [D],
- constater la compétence du tribunal judiciaire de Rouen pour statuer sur cette sanction,
à titre principal,
- juger que la mesure d'exclusion définitive est fondée et proportionnée aux manquements de M. [D],
- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,
à titre subsidiaire,
- débouter la société ADN de sa demande subsidiaire tendant à la faire condamner à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
en tout état de cause,
- condamner M. [D] à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [D] aux entiers dépens.
Quant à la société ADN, elle a demandé au conseil de prud'hommes ce qui suit :
avant toute défense au fond,
- constater son incompétence matérielle,
- renvoyer en conséquence le demandeur à mieux se pourvoir à son encontre devant le tribunal judiciaire de Rouen,
à titre principal,
- juger que le licenciement est fondé,
- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,
à titre subsidiaire,
- condamner l'association Aftral à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
- condamner M. [D] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation a eu lieu le 30 novembre 2023. L'audience devant le bureau de jugement s'est tenue le 16 mai 2024.
Par jugement contradictoire rendu le 17 octobre 2024, la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Rouen :
- s'est déclaré matériellement compétente,
- a annulé la sanction disciplinaire notifiée par l'association Aftral [Localité 8] le 21 mars 2023 à M. [D],
- a ordonné la réintégration de M. [D] au sein de l'association Aftral [Localité 8],
- a condamné l'association Aftral [Localité 8] à verser à M. [D] les sommes suivantes :
. 1 000 euros au titre de la perte de chance,
. 200 euros au titre du préjudice moral,
- a ordonné l'exécution provisoire et condamné l'association Aftral aux intérêts légaux à compter de la décision,
- a dit et jugé que le licenciement de M. [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- a condamné la société ADN à verser à M. [D] les sommes suivantes :
. 23 063,04 euros à titre de rappel de salaires,
. 2 306,30 euros au titre des congés payés afférents,
- a condamné la société ADN à remettre à M. [D] ses documents de fins de contrat et ses bulletins de salaire, au besoin sous astreinte de 5 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents et à compter d'un mois après la notification du jugement et jusqu'à trois mois,
- a condamné la société ADN à verser à M. [D] une somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- a ordonné l'exécution provisoire et les intérêts au taux légal à compter du jugement,
- a débouté l'association Aftral de ses demandes tendant à voir juger que la mesure d'exclusion définitive est fondée et proportionnée aux manquements de M. [D], débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes, condamner M. [D] à lui verser une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamner M. [D] aux entiers dépens,
- a débouté la société ADN de l'ensemble de ses demandes,
- a débouté la société ADN de sa demande de condamnation de l'association Aftral à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
La procédure d'appel
La société ADN a interjeté appel du jugement par déclaration du 15 novembre 2024 enregistrée sous le numéro de procédure 24/03944.
Par ordonnance du 2 avril 2025, le premier président de la cour d'appel a rejeté la demande de la société ADN tendant à voir arrêter l'exécution provisoire du jugement dont appel et a condamné celle-ci à verser à M. [D] une somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.
Par ordonnance d'incident du 6 mai 2025, M. [D] a vu rejeter sa demande de radiation du rôle de l'affaire, faute pour la société ADN d'avoir exécuté le jugement frappé d'appel, celle-ci ayant justifié en cours de délibéré avoir exécuté la décision attaquée.
Par ordonnance rendue le 18 septembre 2025, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au mardi 23 septembre 2025, dans le cadre d'une audience rapporteur.
Prétentions de la société ADN, appelante
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 2 septembre 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société ADN demande à la cour d'appel de :
à titre principal,
- prononcer la nullité du jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 17 octobre 2024,
à titre subsidiaire,
- infirmer le jugement en ce qu'il :
. s'est déclaré matériellement compétent,
. a dit et jugé que le licenciement de M. [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
. l'a condamnée à remettre à M. [D] 23 063,04 euros à titre de rappel des salaires et 2 306,30 euros au titre des congés payés afférents,
. l'a condamnée à remettre à M. [D] ses documents de fins de contrats et ses bulletins de salaire au besoin sous astreinte de 5 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents et ce, un mois après la notification du jugement et jusqu'à trois mois, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,
. l'a condamnée à verser à M. [D] une somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
. l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
. l'a déboutée de sa demande de condamnation de l'association Aftral à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
statuant à nouveau,
avant toute défense au fond,
- se déclarer incompétent matériellement,
- renvoyer M. [D] en conséquence à mieux se pourvoir devant le tribunal administratif de Rouen,
à titre principal,
- constater que constituent des demandes nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile, les demandes suivantes formulées par M. [D] dans ses conclusions d'appel du 28 août 2025 :
« Condamner la société ADN à lui verser les sommes suivantes avec exécution provisoire et intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir :
. 17 441,42 euros pour perte de salaire,
. 5 000 euros pour résistance abusive, »
- prononcer en conséquence l'irrecevabilité de ces demandes nouvelles,
- juger que le licenciement est fondé,
- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,
à titre plus subsidiaire,
- condamner l'association Aftral à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
en tout état de cause,
- condamner M. [D] et l'association Aftral à lui payer chacun la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'instance
Prétentions de M. [D], intimé et appelant à titre incident
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 28 août 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, M. [D] demande à la cour d'appel de :
avant toute défense au fond,
- déclarer le jugement dont appel, parfaitement valable et exempt de toute nullité,
- se déclarer matériellement compétent,
- débouter la société ADN et l'association Aftral [Localité 8] de leurs demandes, fins et conclusions de ce chef,
au fond,
- dire et juger ses demandes parfaitement recevables et bien fondées,
- constater que la cour est saisie de l'entièreté de ses demandes,
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a fait droit à ses demandes initiales et le réformer pour le surplus, à savoir à l'encontre de l'association Aftral [Localité 8], notamment en ce que les premiers juges l'ont débouté de sa demande de dédommagement pour harcèlement moral et en ce que le quantum de la condamnation pour préjudice moral a été fixé à 200 euros,
- annuler la sanction disciplinaire notifiée par l'association Aftral [Localité 8] à son encontre le 21 mars 2023,
- ordonner en conséquence sa réintégration au sein de l'association Aftral [Localité 8],
- condamner l'association Aftral [Localité 8] à lui verser les sommes suivantes avec exécution provisoire et intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir :
. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
. 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance,
. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct pour harcèlement,
. 5 000 euros à titre de dédommagement pour refus de réintégration de la formation,
- dire et juger que le licenciement pour faute grave que lui a notifié la société ADN le 28 avril 2023 est sans effet et abusif,
- condamner en conséquence la société ADN à lui verser les sommes suivantes avec exécution provisoire et intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir :
. 23 063,04 euros brut au titre du rappel de salaire,
. 2 306,30 euros brut au titre des congés payés afférents,
. 17 441,42 euros à titre de perte de salaires,
. 5 000 euros pour résistance abusive,
- condamner la société ADN à lui remettre ses documents de fin de contrat et ses bulletins de salaire conformes, au besoin sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,
- débouter en tout état de cause la société ADN et l'association Aftral [Localité 8] de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner solidairement la société ADN et l'association Aftral à lui verser une somme de 3 000 euros en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Prétentions de l'association Aftral, intimée
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 3 septembre 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, l'association Aftral demande à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :
. s'est déclaré matériellement compétent,
. a annulé la sanction disciplinaire qu'elle a notifiée à M. [D] le 21 mars 2023,
. a ordonné la réintégration de M. [D] au sein de l'association Aftral [Localité 8],
. l'a condamnée à verser à M. [D] :
. 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance,
. 200 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
. l'a déboutée de ses demandes,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société ADN de sa demande de condamnation à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement,
- constater que la cour n'est pas saisie de l'appel incident de M. [D] en raison de l'absence d'indication des chefs du dispositif du jugement dont il demande la réformation,
- constater que la demande de M. [D] de condamnation de l'Aftral à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dédommagement pour refus de réintégration de la formation constitue une demande nouvelle et est à ce titre irrecevable,
statuant à nouveau,
avant toute défense au fond,
- constater l'absence de contrat de travail entre elle et M. [D],
- constater en conséquence son incompétence matérielle concernant la contestation de la mesure d'exclusion définitive prise à l'encontre de M. [D],
- juger que la mesure d'exclusion définitive est fondée et proportionnée aux manquements de M. [D],
- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,
- débouter la société ADN de sa demande subsidiaire tendant à la faire condamner à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
- condamner M. [D] à lui verser une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [D] aux entiers dépens.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la nullité du jugement
La société ADN demande à la cour de prononcer la nullité du jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 17 octobre 2024.
Elle fait valoir que le jugement ne contient aucune motivation, tant sur la question de la compétence que sur celle de l'appel en garantie, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, ce qui entraîne la nullité du jugement conformément aux dispositions de l'article 458 du même code.
Elle soutient, concernant précisément l'exception d'incompétence, que le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent pour statuer sur la décision d'expulsion de M. [D] du centre de formation, dans les termes suivants : « Il est fait état au dossier que le conseil de prud'hommes de Rouen en son audience de bureau de jugement du 21 décembre 2023, s'est déclaré compétent matériellement. La composition du bureau de jugement du 16 mai 2024 ne revient pas sur cette décision et déclare la présente juridiction matériellement compétente. », qu'il ne résulte cependant d'aucun élément du dossier que la juridiction, réunie en bureau de jugement le 21 décembre 2024, aurait rendu une décision sur la compétence, avec une motivation spécifique, que la juridiction qui se borne, dans son jugement du 17 octobre 2024, à se déclarer compétent pour statuer sur la décision d'expulsion définitive de M. [D] prononcée par l'Aftral, sans aucune analyse, ni indication des motifs qui auraient commandé le rejet de l'exception d'incompétence, encourt la nullité.
M. [D] oppose que cette demande d'annulation du jugement ne peut prospérer, faute d'avoir été sollicitée dans la déclaration d'appel.
L'association Aftral [Localité 8] ne se prononce pas sur ce point.
Sur ce,
L'article 562 du code de procédure civile dispose : « L'appel défère à la cour la connaissance des chefs du dispositif de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
Toutefois, la dévolution opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement. »
Aux termes de sa déclaration d'appel, la société ADN a demandé à la cour ce qui suit : « Il est interjeté appel et sollicité la réformation du jugement du 17 octobre 2024 rendu par le CPH de [Localité 8] en ce :
- qu'il s'est déclarématériellement compétent,
- a dit et jugé que le licenciement de M. [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- a condamné la société ADN à verser à M. [D] les sommes suivantes :
. 23 063,04 euros à titre de rappel de salaires,
. 2 306,30 euros au titre des congés payés afférents,
- a condamné la société ADN à remettre à M. [D] ses documents de fins de contrat et ses bulletins de salaire, au besoin sous astreinte de 5 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents et à compter d'un mois après la notification du jugement et jusqu'à trois mois,le consiel se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- a condamné la société ADN à verser à M. [D] une somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- a débouté la société ADN de sa demande de condamnation de l'association Aftral à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.'
La société ADN n'a pas sollicité l'annulation du jugement, mais uniquement sa réformation. Elle a, ce faisant, limité l'objet de son appel à la réformation des chefs de jugement critiqués.
La cour n'est dès lors pas saisie d'un appel tendant à l'annulation du jugement mais uniquement à sa réformation.
La société ADN oppose toutefois que l'article 901 du code de procédure civile n'a pas pour effet de priver la demande de nullité, d'effet, puisque la circulaire de présentation du décret n° 2023-1391 précise, s'agissant de ces dispositions, que « l'omission de la mention de l'objet de l'appel étant uniquement constitutive d'un vice de forme, celle-ci n'est toutefois assortie d'aucune autre sanction que celle de la nullité de la déclaration d'appel, prévue au premier alinéa de l'article 901 pour l'ensemble des mentions de la déclaration d'appel, sur justification d'un grief, conformément à l'article 114 ».
L'article 901 du code de procédure civile dispose : « La déclaration d'appel, qui peut comporter une annexe, est faite par un acte contenant, à peine de nullité :
1° Pour chacun des appelants :
a) Lorsqu'il s'agit d'une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
b) Lorsqu'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;
2° Pour chacun des intimés, l'indication de ses nom, prénoms et domicile s'il s'agit d'une personne physique ou de sa dénomination et de son siège social s'il s'agit d'une personne morale ;
3° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
4° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
5° L'indication de la décision attaquée ;
6° L'objet de l'appel en ce qu'il tend à l'infirmation ou à l'annulation du jugement ;
7° Les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est, sans préjudice du premier alinéa de l'article 915-2, limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement.
Elle est datée et signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision et sa remise au greffe vaut demande d'inscription au rôle. »
Ce moyen apparaît cependant inopérant, dès lors que M. [D] ne sollicite pas la nullité de la déclaration d'appel.
Il s'ensuit qu'il y a lieu d'écarter le moyen de l'appelant tendant à voir prononcer l'annulation du jugement.
En tout état de cause, l'appel-annulation entraînant impérativement un effet dévolutif pour le tout, la cour aurait été saisie de l'entier litige.
Sur la compétence matérielle
La société ADN soulève l'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes pour connaître du litige.
Elle soutient que celui-ci n'est pas compétent pour statuer sur la validité d'une sanction disciplinaire prononcée par un centre de formation professionnelle, dès lors que cette sanction n'est pas intervenue à l'occasion de l'exécution du contrat de travail mais résulte du comportement disciplinaire de l'apprenti au sein de l'établissement d'enseignement. Elle fait valoir qu'elle n'a pas de pouvoir dans ce cadre et qu'il serait donc problématique de lui reprocher, dans le cadre d'un litige prud'homal, une décision d'exclusion à laquelle elle n'a pas participé. Elle considère qu'il est évident que la remise en cause de notes ou d'autres sanctions prononcées par le conseil de discipline ne relève pas de la compétence de la juridiction prud'homale. Elle rappelle enfin que dans ses écritures de première instance, M. [D] remettait en cause uniquement la sanction disciplinaire et par voie de conséquence son licenciement, que sa contestation ne portait donc pas sur sa relation avec son employeur ou sur le non-respect de la procédure de licenciement.
Elle conclut à l'incompétence du conseil de prud'hommes et demande que le salarié soit renvoyé à mieux se pourvoir devant le tribunal administratif de Rouen, qui est, selon elle, la seule juridiction matériellement et territorialement compétente pour examiner les demandes formées.
L'association Aftral Rouen soulève également l'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes pour connaître du litige.
Elle fait valoir qu'en principe, la compétence matérielle du conseil de prud'hommes résulte de l'existence d'un contrat de travail, qu'il est constant qu'elle n'a jamais été liée à M. [D] par un contrat de travail, à qui elle dispensait uniquement une formation, que le conseil de prud'hommes n'est donc pas compétent.
Elle demande donc que M. [D] soit renvoyé à mieux se pourvoir devant le tribunal compétent s'il souhaite contester la sanction qu'elle a prise à son encontre.
M. [D] s'oppose à la demande.
Il rappelle qu'il a signé un contrat d'apprentissage, lequel a été rompu par le licenciement prononcé à son encontre, de sorte que, conformément à l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes est seul compétent pour connaître du litige.
Il considère que l'argumentation de la partie adverse est parfaitement inopérante et que la compétence du conseil de prud'hommes ne saurait souffrir d'aucune contestation.
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.
M. [D] présente, à l'encontre de l'association Aftral [Localité 8], les demandes suivantes :
- l'annulation de la sanction disciplinaire que l'association Aftral [Localité 8] lui a notifiée le 21 mars 2023,
- sa réintégration consécutive au sein de l'association Aftral [Localité 8],
- la condamnation de l'association Aftral [Localité 8] à lui verser les sommes suivantes :
. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
. 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance,
. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct pour harcèlement,
. 5 000 euros à titre de dédommagement pour refus de réintégration de la formation.
Il n'est pas discuté qu'aucun contrat de travail ne lie l'association Aftral [Localité 8] à l'apprenti. Dès lors, les demandes présentées par M. [D] à l'encontre de l'association Aftral Rouen ne relèvent pas de la compétence d'exception du conseil de prud'hommes.
En revanche, M. [D] a, dans la même instance, engagé une action à l'encontre de son employeur sur la base du contrat de travail qui les lie, cette action relevant, sans débat sur ce point, de la compétence du conseil de prud'hommes.
Dès lors, le conseil de prud'hommes n'était que partiellement incompétent, uniquement en ce qui concerne l'action diligentée par M. [D] en contestation de la sanction disciplinaire dirigée contre l'association Aftral Rouen.
L'association Aftral Rouen étant une personne morale de droit privé, en conflit avec une autre personne, physique ou morale de droit privé, cette action relevait de la compétence de principe des juridictions de l'ordre judiciaire et plus particulièrement du tribunal judiciaire de Rouen, juridiction de droit commun. Il convient dès lors d'infirmer le jugement sur ce point.
Cependant, la cour d'appel ayant plénitude de juridiction, ce principe lui permet de connaître des affaires qui auraient dû être portées devant un tribunal dont les appels relevaient de sa propre compétence.
Les alinéas 1 et 2 de l'article 90 du code de procédure civile disposent en effet : « Lorsque le juge s'est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en premier ressort, celui-ci peut être frappé d'appel dans l'ensemble de ses dispositions.
Lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente.
Il y a donc lieu d'examiner l'intégralité du litige.
La question du bien-fondé de la sanction disciplinaire commandant la légitimité du licenciement prononcé à l'encontre du salarié, il convient d'examiner d'abord les demandes de M. [D] présentées à l'encontre de l'association Aftral [Localité 8].
Sur l'exclusion définitive
M. [D] demande l'annulation de la sanction disciplinaire prononcée à son encontre par le centre de formation.
Il conteste les faits qui lui sont reprochés. Il reconnaît uniquement avoir demandé à M. [S] de se taire lorsque celui-ci lui a reproché à plusieurs reprises de prétendues absences injustifiées en lui disant : « tais toi ». Il prétend qu'aux termes du règlement intérieur, il ne s'agit pas d'une agression verbale mais éventuellement seulement d'une incivilité, qu'il faut au moins trois incivilités pour justifier une exclusion de l'établissement, qu'il n'a utilisé cette formule qu'à une seule reprise, qu'il ne peut donc lui être reproché une agression verbale comme cela est fait dans la notification de la sanction qui lui a été adressée.
L'association Aftral [Localité 8] soutient que la sanction qu'elle a été amenée à prononcer est parfaitement justifiée. Elle rappelle que, selon elle, M. [D] a adopté un comportement particulièrement violent le 28 février 2023 à l'égard de son enseignant, à son retour en cours après une longue absence pour maladie, en lui disant « ferme ta gueule et fais ton cours », que plutôt que de s'excuser, M. [D] a réitéré les insultes envers son enseignant et envers les membres du centre qui se réunissaient pour la deuxième fois pour un conseil de discipline. Elle considère que, face au comportement de M. [D], elle n'a eu d'autre choix que de prononcer son exclusion définitive, qui est selon elle une sanction fondée et proportionnée à la gravité du manquement.
La société ADN estime que M. [D] a effectivement agressé verbalement M. [S] à plusieurs reprises, notamment en lui disant « ferme ta gueule et fais ton cours », que contrairement à ce que soutient M. [D], il n'a pas dit « tais toi », ce qu'il a d'ailleurs reconnu devant Mmes [M], [V] [L] et M. [R], les nouvelles attestations qu'il produit en cause d'appel n'étant pas de nature à contredire les faits, qu'elle lui reproche encore d'avoir dit au directeur à propos de son enseignant « S'il continue, je vais l'accrocher », puis de ne pas s'être présenté devant le conseil de discipline le 7 mars 2023, montrant ainsi son mépris pour le centre de formation, et d'avoir, lors du conseil de discipline du 20 mars 2023, refusé de s'asseoir, s'être montré très agité, ne pas avoir cessé de couper la parole au directeur et d'avoir quitté la séance avant la fin, après avoir déclaré que M. [S] était un enseignant « de merde ».
Elle considère que la décision d'expulsion définitive était parfaitement justifiée au vu des trois agressions verbales et au moins trois incivilités relevées en l'espace de vingt jours.
Sur ce,
L'article R. 6352-3 du code du travail dispose : « Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par le directeur de l'organisme de formation ou son représentant, à la suite d'un agissement du stagiaire ou de l'apprenti considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence de l'intéressé dans la formation ou à mettre en cause la continuité de la formation qu'il reçoit. »
L'article 26 du règlement intérieur de l'Aftral énonce : « Tout manquement de l'apprenant à l'une des prescriptions du présent règlement intérieur général et en cas de fraude aux épreuves d'examen pourra faire l'objet d'une sanction.
Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par le directeur de l'organisme de formation ou son représentant, à la suite d'un agissement du stagiaire ou de l'apprenti considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence de l'intéressé dans la formation ou à mettre en cause la continuité de la formation qu'il reçoit.
Dans un premier temps en cas de comportement non conforme au règlement intérieur, l'apprenant sera reçu par le directeur de l'organisme de formation ou son représentant afin de faire un rappel des règles et des conséquences en cas de non-respect avant mise en 'uvre de l'échelle des sanctions.
Selon la gravité du manquement constaté, la sanction pourra consister :
a minima :
. un avertissement en cas d'une première incivilité,
. un blâme ou un rappel à l'ordre en cas d'une seconde incivilité en lien ou indépendante de la première,
. une mesure conservatoire temporaire en cas d'agression comportementale ou d'agression verbale tels que les injures, les insultes (d'ordre général, à caractère sexiste, raciste ou discriminatoire), les menaces ou intimidations,
. une remise à disposition temporaire à l'employeur,
. une mesure d'exclusion définitive pour toute agression physique (et ce dès le premier fait) ; en cas d'une seconde agression verbale, ou en cas d'une troisième incivilité » (pièce 12 de l'apprenti).
Par ailleurs, le règlement intérieur précise :
les incivilités désignent les manquements aux convenances et aux normes sociales qui régissent la vie en société et qui relèvent de la bienséance, de la politesse et plus largement du respect (exemple d'incivilités : impolitesse, moqueries, manifestations d'impatience ou mépris, retards multiples),
. les agressions comportementales correspondent aux vols, au harcèlement, aux menaces de chantage et aux actes de détérioration ou de destruction,
. les agressions verbales sont les injures, les insultes (d'ordre général, à caractère sexiste, raciste ou discriminatoire), les menaces ou intimidations,
. les agressions physiques sont la violence légère (bousculade), les coups et blessures ou encore les tentatives d'homicide.
S'agissant des faits ayant donné lieu à sanction, les parties s'accordent sur leur contexte, à savoir le retour de M. [D] en cours, le 28 février 2023, après une longue absence pour maladie et son arrivée avec un retard de 30 minutes, mais les versions divergent sur la teneur des propos échangés.
Selon le rappel des faits figurant dans le compte rendu du conseil de discipline, l'association Aftral [Localité 8] soutient que M. [D] a adopté un comportement déplorable vis-à-vis de son enseignant, M. [S], le mardi 28 février 2023 en salle de classe, qu'il a tenu des propos intolérables (agression verbale), que ce mardi 28 février, il est arrivé en retard en cours, à 13h45 au lieu de 13h15, que son enseignant lui a dit « jeune homme vous êtes en retard », qu'il a répondu « et alors ' », que son enseignant a alors dit « vous êtes en retard ! » attendant un mot d'excuses, que M. [D] a alors dit : « ferme ta gueule et fais ton cours ».
A l'appui de sa position, elle produit une attestation de M. [W], formateur, qui témoigne du comportement selon lui inapproprié et conflictuel de M. [D] dès le matin du 28 février 2023 en ces termes : « Après une longue période d'absence, [N] est revenu le jours des faits qui lui sont reprochés. Le matin même, il n'a communiqué avec personne et n'a fait qu'une croix en guide de signature. Je lui ai demandé s'il avait justifié de son absence auprès de [Y], il m'a répondu qu'il savait ce qu'il avait à faire. Il n'était pas ouvert à la discussion. Je n'ai donc pas insisté pour obtenir une autre signature ou un justificatif. » (pièce 5 du centre de formation).
Elle produit également une attestation rédigée par M. [S], en ces termes : « Je lui ai signalé qu'il était en retard. Je me suis vu répondre « ferme ta gueule et fais ton cours ». J'étais réellement très choqué. » (pièce 4 du centre de formation).
L'association Aftral [Localité 8] produit encore l'attestation de Mme [M], formatrice, laquelle indique : « Je suis donc allée personnellement dans la classe chercher l'apprenant. En arrivant, je lui ai demandé de venir avec moi dans le but de l'emmener voir la direction. Il m'a répondu très énervé qu'il refusait de sortir. J'ai dû insister à plusieurs reprises. Il a fini par accepter. J'ai demandé au délégué de section de nous accompagner. (') C'est le délégué qui a pris la parole à la demande de M. [D]. Le délégué nous a expliqué que M. [D] était arrivé en cours en retard et que M. [S] lui a dit « vous êtes en retard jeune homme » et M. [D] lui a répondu « ferme ta gueule et fait ton cours ». Il a confirmé devant nous que tout était exact. » (pièce 2 du centre de formation).
Elle produit ensuite une attestation de Mme [V] [L], assistante de direction, qui témoigne : « Il n'a pas nié les faits et ses propos : « ferme ta gueule et fais ton cours » parce que son enseignant lui faisait remarquer qu'il était arrivé en retard après la pause déjeuner. » (pièce 2 du centre de formation).
Elle produit enfin l'attestation de M. [R], directeur du centre, en ces termes : « Lors de l'agression du 28 février 2023 de M. [D] sur M. [S], j'ai reçu M. [D] dans mon bureau. Ce dernier a agressé verbalement M. [S] (ferme ta gueule) le ton est monté et ensuite M. [D] s'est tenu à à peu près 20cm de la tête de M. [S] dans un état d'énervement extrême.
M. [D] est arrivé dans mon bureau excessivement énervé, le dialogue fut compliqué. Pendant cette conversation, M. [D] a tenu des propos choquants à l'encontre de M. [S] (s'il continue, je vais l'accrocher).
Suite à ces propos et pour la mise en sécurité de mon personnel, une mesure conservatoire a été mise en place. » (pièce 12 du centre de formation).
Sur la base de ces attestations, l'association Aftral [Localité 8] soutient que le comportement de M. [D] a été inadmissible et justifiait une mesure d'exclusion définitive.
De son côté, M. [D] conteste les faits qui lui sont reprochés, reconnaissant seulement avoir demandé à M. [S] de se taire lorsque celui-ci lui a reproché à plusieurs reprises des prétendues absences injustifiées.
A l'appui de sa version des faits, M. [D] produit, en cause d'appel, le témoignage de M. [C], élève comme lui et présent au moment des faits, qui atteste en ces termes : « Lors du conflit qui est reproché à [N] envers M. [S] le 28 février 2023, [N] a en effet dit « tais toi » à M. [S] qui lui a encore fait une remarque sur sa maladie imaginaire et lui a reproché sa longue période d'absence. C'est à ce moment que M. [S] a quitté la classe et est parti chercher le directeur du centre M. [R].
Cependant, le directeur était absent du site ce jour-là et [N] n'a pas été reçu par ce dernier. La secrétaire a demandé à [N] de rentrer chez lui et que le directeur le contactera plus tard. Nous avons appris quelques semaines plus tard à la surprise générale de mes camarades que [N] avait été exclu définitivement du centre pour ce conflit. M. [R] faisait déjà courir le bruit à l'ensemble de la classe qui voulait exclure [N] définitivement de l'établissement et lui reprochait sa longue absence en remettant en doute sa maladie. [N] a toujours été un élève très respectueux envers le corps enseignant et apprécié par l'ensemble de ses camarades ['] » (pièce 21 du salarié).
Il produit également le témoignage de Mme [G], cadre commerciale au sein de l'association Aftral [Localité 8], qui, selon le salarié, aurait été victime de harcèlement de la part de M. [R], en ces termes : « En ce qui concerne [N], son nom était déjà ressorti lors de nos réunions car M. [R] souhaitait l'exclure depuis plusieurs mois déjà en raison de sa longue période d'absence [']. Le comportement colérique de M. [R] envers les apprentis a poussé la plupart des apprentis à quitter la classe « (pièce 22 du salarié).
Ces deux attestations apparaissent cependant d'une force probante très relative dès lors qu'elles émanent pour l'une d'un élève, qui a attesté deux ans après les faits en faisant état d'éléments factuellement inexacts, comme l'absence du directeur ce jour-là, et pour l'autre d'une salariée, manifestement en désaccord avec la direction, qui ne se prononce que sur le contexte des faits.
Elles ne sont en tout état de cause pas de nature à contredire les attestations produites par le CFA, lesquelles sont toutes concordantes, notamment sur l'emploi des termes « ferme ta gueule et fais ton cours », en ce que M. [D] a reconnu avoir utilisé précisément ces mots, juste après les avoir prononcés, étant observé que, selon ces mêmes témoignages, M. [D] n'a en plus pas nié ces faits avant la saisine du conseil ou pendant celui-ci.
Le compte rendu du conseil de discipline, qui s'est tenu le 20 mars 2023, fait état des circonstances suivantes : « M. [D] a mis un certain temps à s'asseoir, était agité, énervé. Il n'a pas cherché à échanger sur le sujet, coupant systématiquement la parole à M. [R] ou à M. [Z], lorsque ceux-ci voulaient l'entendre sur son comportement. L'échange a été bref, il a fini par dire que notre enseignant était un enseignant de « merde » avant de quitter le bureau de son propre chef en précisant « qu'il avait mieux à faire » » (pièce 8 du centre de formation).
MM. [R] et [W] attestent, s'agissant du déroulement du conseil de discipline, auquel ils ont participé tous les deux, du fait que M. [D] était très énervé, voire agressif, qu'il a réitéré ses propos à l'encontre de M. [S] et qu'il a décidé de partir sans attendre qu'on l'y invite (pièces 5 et 12 du centre de formation).
M. [D] soutient qu'en réalité, il a été maltraité au sein de l'établissement formateur et harcelé par le directeur du fait de ses absences pour maladie. Il relate que le 10 février 2023, le directeur a ouvertement remis en cause son arrêt de travail lors d'un conseil de classe, mentionnant sur son relevé de notes : « où êtes-vous ' », que déjà par le passé, le directeur avait pu montrer son agacement quant à ses arrêts pour maladie et les lui avait reprochés, tout en se moquant de lui, que cette situation explique très certainement qu'il ait pu dire à M. [S] « tais toi » lorsque ce dernier lui a reproché son absentéisme pour la énième fois en lui disant qu'il était « le malade imaginaire », que surtout, M. [R] a demandé des comptes à son médecin traitant, lequel est aujourd'hui parti à la retraite, lui réclamant de justifier les arrêts qu'il donnait à son patient et surtout, de cesser de lui en délivrer, qu'il a d'ailleurs adressé un courriel à M. [R] le 17 mars 2023, à ce sujet, lequel est demeuré sans réponse. Il considère que le directeur n'a nullement apprécié et a tout mis en 'uvre pour le renvoyer alors qu'il n'avait jamais jusqu'à présent eu de difficulté et n'était pas défavorablement connu au sein du centre de formation. Il dénonce l'acharnement de l'équipe administrative et des formateurs à son encontre.
Mais, outre que M. [D] ne produit aucune pièce utile pour prouver ses dires, le fait que le centre de formation aurait cherché à le faire partir ne serait en toute hypothèse pas de nature à justifier le comportement qui lui est reproché et qui seul a fondé la sanction contestée.
M. [D] déplore de façon inopérante que M. [Z], son tuteur, présent lors du conseil de discipline, n'ait pas témoigné, alors qu'il lui appartenait de produire un tel témoignage s'il l'estimait utile.
M. [D] dénonce qu'il n'a jamais pu consulter son dossier avant la séance devant le conseil de discipline et que ce droit préalable n'est mentionné ni dans convocation du 1er mars 2023 ni dans celle du 13 mars 2023, que les courriers de convocation ne mentionnent pas davantage qu'il avait le droit d'être assisté lors du conseil de discipline, que ce procédé est particulièrement déloyal mais aussi totalement contraire à ses droits les plus élémentaires, ce qui légitime, sur la base de ces seuls éléments, sa demande tendant à obtenir l'annulation de la décision litigieuse.
Il ne présente aucune argumentation juridique plus précise à l'appui de son moyen.
Le droit disciplinaire applicable au sein du CFA, ainsi que la procédure afférente, est régi par les articles R. 6352-3 et suivants du code du travail, lesquels prévoient qu'aucune sanction ne peut être infligée au stagiaire ou à l'apprenti sans que celui-ci ait été informé au préalable des griefs retenus contre lui, que lorsque le directeur de l'organisme de formation ou son représentant envisage de prendre une sanction qui a une incidence, immédiate ou non, sur la présence d'un stagiaire ou d'un apprenti dans une formation, il est procédé comme suit :
1° Le directeur ou son représentant convoque le stagiaire ou l'apprenti en lui indiquant l'objet de cette convocation. Celle-ci précise la date, l'heure et le lieu de l'entretien. Elle est écrite et est adressée par lettre recommandée ou remise à l'intéressé contre décharge ;
2° Au cours de l'entretien, le stagiaire ou l'apprenti peut se faire assister par la personne de son choix, notamment le délégué de stage. La convocation mentionnée au 1° fait état de cette faculté ;
3° Le directeur ou son représentant indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du stagiaire ou de l'apprenti.
L'employeur de l'apprenti est informé de cette procédure, de son objet et du motif de la sanction envisagée.
Si le droit à consultation préalable du dossier ne figure pas expressément dans les dispositions régissant la matière, la mention du droit de se faire assister par une personne de son choix doit en effet figurer dans la convocation.
Or, cette indication ne figure ni dans la première convocation en vue du conseil de discipline prévu le 7 mars 2023, ni dans celle en vue du conseil de discipline prévu le 20 mars 2023.
Pour autant, il ne s'agit pas d'une cause suffisante pour prononcer l'annulation de la sanction, tel que cela est demandé par l'apprenti, dès lors qu'il n'est pas établi que les intérêts du salarié ont été lésés, M. [D] n'alléguant ni ne justifiant d'aucun préjudice que lui aurait causé cette irrégularité. Ce moyen doit être écarté.
M. [D] considère, en dernier lieu, que le règlement intérieur ne permettait pas de prononcer son exclusion définitive au regard des faits visés dans la procédure, qui ne constituait pas une agression physique.
L'association Aftral [Localité 8] répond avec pertinence à ce sujet que le règlement intérieur se limite à indiquer une sanction minimale pour chaque type de manquement mais qu'elle reste libre de retenir toute sanction rendue nécessaire par le comportement de l'apprenant, en utilisant les termes « Selon la gravité du manquement constaté, la sanction pourra consister : a minima ».
L'ensemble de ces considérations conduit à retenir que la sanction prononcée, à savoir l'exclusion définitive de l'apprenti, était justifiée.
Il s'ensuit que M. [D] doit être débouté de sa demande contraire, ainsi que de ses demandes subséquentes, de réintégration et de dommages-intérêts pour préjudice moral, perte de chance et refus de réintégration de la formation, par infirmation du jugement entrepris, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité des demandes nouvelles en appel, celles-ci étant en toute hypothèse rejetées.
Sur la demande de M. [D] au titre du harcèlement moral
M. [D] sollicite, de façon autonome, l'allocation d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, à l'encontre du CFA, en dehors de tout contrat de travail.
L'association Aftral [Localité 8] oppose d'abord que la cour n'est pas saisie de l'appel incident de M. [D] en raison de l'absence d'indication des chefs du dispositif du jugement dont il demande la réformation.
Ce moyen doit toutefois être écarté dès lors que M. [D], aux termes de ses conclusions, demande de « confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a fait droit à ses demandes initiales et le réformer pour le surplus, à savoir à l'encontre de l'association Aftral [Localité 8], notamment en ce que les premiers juges l'ont débouté de sa demande de dédommagement pour harcèlement moral et en ce que le quantum de la condamnation pour préjudice moral a été fixé à 200 euros », répondant ainsi aux exigences de l'article 562 du code de procédure civile.
Sur le fond, M. [D] expose qu'il a souffert d'un covid long et a été contraint de s'absenter à plusieurs reprises, qu'il a ainsi manqué plusieurs heures de cours, chacune de ses absences étant justifiée par un certificat médical, que le CFA était parfaitement informé de ses ennuis de santé, qu'il n'a pourtant eu de cesse de lui reprocher ses absences et de remettre en cause la réalité de ses problèmes de santé alors même qu'il était investi et brillant dans ses études.
Il fait valoir que figure sur son bulletin scolaire, comme appréciation générale, « Où êtes-vous », ce qui est particulièrement méprisant et humiliant, qu'il a dénoncé en vain cette situation.
Il explique qu'il n'a pas réussi à ignorer ces remarques, ce qui l'a conduit, en dernier lieu, à s'opposer à son professeur, qui avait multiplié les remarques désobligeantes sur ses absences et son état de santé.
Il considère que cette situation lui a été particulièrement dommageable puisqu'il s'est senti humilié et n'a pas réussi à faire face aux moqueries et aux réflexions du corps professoral.
L'association Aftral [Localité 8] rétorque que M. [D] ne verse aucune pièce au soutien de son allégation, que bien en peine de démontrer un quelconque harcèlement à son encontre, le demandeur tente de modifier le déroulé des faits du 28 février 2023, en soutenant que les insultes qu'il a proférées auraient été la réponse aux nombreuses remarques désobligeantes sur ses absences et son état de santé de son enseignant alors que M. [S] lui a uniquement signalé sa demi-heure de retard sans aucune excuse.
Sur ce,
Il est constant que toute pratique de harcèlement, indépendamment des textes spécifiques du code du travail et du code pénal, engage la responsabilité civile de son auteur.
En l'espèce toutefois, au regard des développements précédents, M. [D] ne rapporte pas la preuve de faits de nature à caractériser l'existence d'un comportement harcelant de la part du CFA.
Il doit dès lors être débouté de cette demande, par infirmation du jugement entrepris.
Sur le licenciement
M. [D], qui poursuit l'annulation de son exclusion du CFA, soutient que son licenciement, prononcé en conséquence de cette exclusion, est sans fondement. Il fait valoir que la société ADN s'est hâtée de le licencier sans lui laisser le temps de trouver un autre centre de formation et que son employeur aurait pu le maintenir dans l'entreprise en l'employant en contrat à durée indéterminée, qu'il l'a au contraire immédiatement remplacé. Il souligne que la société ADN connaissait ses qualités professionnelles puisqu'elle l'a employé en contrat à durée déterminée avant de signer avec lui un contrat d'apprentissage. Il reproche à son employeur de ne pas lui avoir apporté le soutien dont il avait besoin, ce qui dénote selon lui un manque d'intérêt et de respect de l'employeur envers lui.
M. [D] conteste avoir abandonné son poste de travail. Il rappelle que ce motif n'est pas visé dans la lettre de licenciement et quoi qu'il en soit, il était en arrêt maladie à l'époque des faits, du 31 mars au 31 mai 2023, sachant qu'il a été licencié le 28 avril 2023.
La société ADN soutient, quant à elle, que le code du travail prévoit l'exclusion définitive de l'apprenti du centre de formation comme motif de rupture du contrat. Elle explique que le contrat d'apprentissage est intimement lié à la formation et ne peut être maintenu si l'apprenti n'a plus de centre de formation. Elle rappelle que M. [D] a été exclu par décision du 21 mars 2023 et que l'entretien préalable au licenciement a eu lieu le 21 avril 2023, soit un mois après, et qu'à cette occasion, M. [D] n'a pas fait état de recherches ou d'inscription à un autre centre de formation. Il considère que la rupture du contrat de travail est bien intervenue dans l'un des cas prévus par la loi et est donc parfaitement fondé.
L'association Aftral [Localité 8] ne se prononce pas sur cette question.
Sur ce,
L'article L. 6222-18-1 du code du travail dispose : « Lorsque le centre de formation d'apprentis prononce l'exclusion définitive de l'apprenti, l'employeur peut engager à son encontre une procédure de licenciement. Cette exclusion constitue la cause réelle et sérieuse du licenciement, qui est prononcé dans les conditions prévues par les dispositions du code du travail relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel. Le centre de formation d'apprentis ou l'apprenti peut saisir le médiateur mentionné à l'article L. 6222-39 et, pour les apprentis du secteur public non industriel et commercial, le service désigné comme étant chargé de la médiation.
A défaut pour l'apprenti d'être inscrit dans un nouveau centre de formation d'apprentis dans un délai de deux mois à compter de son exclusion définitive, son maintien dans l'entreprise est subordonné à la conclusion soit d'un contrat de travail dans les conditions du droit commun, soit d'un avenant mettant fin à la période d'apprentissage lorsque le contrat d'apprentissage est conclu pour une durée indéterminée. »
En application de ces dispositions, la société ADN pouvait valablement licencier M. [D] pour motif personnel.
La question de l'absence de M. [D], qui ne figure pas comme grief dans la lettre de licenciement, est sans incidence et, compte tenu de la chronologie de la procédure de licenciement, il n'est pas établi que l'employeur ait agi avec précipitation.
Il s'ensuit que M. [D] doit être débouté de sa demande tendant à voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il s'ensuit, par voie de conséquence, le rejet des autres demandes de M. [D] tendant à voir condamner son employeur à lui verser les sommes de 23 063,04 euros brut au titre du rappel de salaires, 2 306,30 euros brut au titre des congés payés afférents, 17 441,42 euros à titre de perte de salaires et 5 000 euros pour résistance abusive (qu'il ne motive pas dans ses écritures), sans qu'il n'y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité de ces demandes nouvelles en cause d'appel.
Le jugement sera infirmé de ces chefs, la demande de la société ADN tendant à obtenir la garantie de l'association Aftral [Localité 8] étant dès lors sans objet.
Sur les frais du procès
Tenant compte de la décision rendue, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a condamné la société ADN au paiement des dépens de première instance et à verser à M. [D] une somme de 1 300 euros au titre des frais irrépétibles.
M. [D], qui succombe dans ses prétentions, supportera les entiers dépens, de première instance et d'appel, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
M. [D] sera en outre condamné à payer à la société ADN une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 800 euros, ainsi qu'une somme de 500 euros à l'association Aftral [Localité 8] et sera débouté de sa propre demande présentée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,
ÉCARTE le moyen de l'appelant tendant à voir prononcer l'annulation du jugement, dont la cour n'est pas saisie,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rouen le 17 octobre 2024, excepté en ce qu'il a débouté la SARL Aux Déménageurs de Normandie société Nouvelle de sa demande de garantie à l'encontre de l'association Aftral Rouen,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que le conseil de prud'hommes de Rouen n'était pas compétent pour connaître des demandes opposant M. [N] [D] à l'encontre de l'association Aftral Rouen,
DIT que le tribunal judiciaire de Rouen était compétent pour en connaitre,
FAISANT dès lors application des dispositions de l'article 90 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [N] [D] de sa demande d'annulation de son exclusion définitive du centre de formation des apprentis de l'association Aftral [Localité 8],
DIT que la cour est saisie de l'appel incident de M. [N] [D],
DÉBOUTE M. [N] [D] de ses demandes subséquentes, de réintégration et de dommages-intérêts pour préjudice moral, perte de chance et refus de réintégration de la formation, ainsi que pour harcèlement moral, présentées à l'encontre de l'association Aftral [Localité 8],
DÉBOUTE M. [N] [D] de ses demandes présentées à l'encontre de la SARL Aux Déménageurs de Normandie société Nouvelle,
CONDAMNE M. [N] [D] au paiement des entiers dépens, de première instance et d'appel,
CONDAMNE M. [N] [D] à payer à la SARL Aux Déménageurs de Normandie société Nouvelle une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [N] [D] à payer à l'association Aftral [Localité 8] une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [N] [D] de sa demande présentée sur le même fondement.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Valérie de Larminat, présidente, et par Mme Fatiha Karam, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 20 NOVEMBRE 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE ROUEN du 17 Octobre 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. AUX DEMENAGEURS DE NORMANDIE SOCIETE NOUVELLE
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Lola CHUNET, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [N] [D]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Julien DETTORI, avocat au barreau de ROUEN
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-76540-2025-02599 du 27/05/2025 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
Association AFTRAL
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 23 Septembre 2025 sans opposition des parties devant Madame DE LARMINAT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame DE LARMINAT, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Monsieur LABADIE, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame KARAM, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 23 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 novembre 2025, puis prorogée au 20 novembre 2025
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 20 Novembre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame DE LARMINAT, Présidente et par Madame KARAM, Greffière.
***
Rappel des faits constants
M. [N] [D], né le 20 février 2001, a régularisé, le 23 août 2022, un contrat d'apprentissage avec la SARL Aux déménageurs de Normandie Société Nouvelle (société ADN), dont le siège social est situé à Couronne en Seine-Maritime, sur une période de deux ans, la fin de la période d'apprentissage était fixée au 31 août 2024. M. [D] bénéficiait d'une rémunération à hauteur de 75 % du SMIC la première année et de 85 % du SMIC la seconde année pour 35 heures de travail hebdomadaire.
En parallèle, M. [D] a intégré en septembre 2022 le centre de formation des apprentis (CFA) géré par l'association Aftral [Localité 8] afin de suivre un BTS gestion, transport et logistique associée.
Reprochant à M. [D] d'avoir agressé verbalement son enseignant, M. [S], le 28 février 2023, l'association Aftral [Localité 8] a prononcé une mesure conservatoire interdisant à l'apprenant l'accès à l'établissement jusqu'à la tenue d'un conseil de discipline initialement prévu le 7 mars 2023 mais reporté compte tenu de l'absence de M. [D] à la première convocation.
Le conseil de discipline s'est en définitive tenu le 20 mars 2023 et à l'issue de celui-ci, par décision notifiée par lettre recommandée du 21 mars 2023, il a été décidé de l'exclusion immédiate et définitive de M. [D] du CFA, dans les termes suivants : « Monsieur, par courrier du 13 mars 2023, vous avez été convoqué à un conseil de discipline qui s'est tenu le 20 mars 2023 en présence de :
M. [R] [H], directeur du centre,
M. [Z] [K], votre employeur,
M. [W] [E], votre formateur référent,
Mme [V] [L] [Y], assistante de direction.
Je vous prie de trouver ci-dessous la décision du conseil de discipline :
(pour rappel, nous vous avions convoqué à un premier conseil de discipline en date du 7 mars 2023 auquel vous ne vous étiez pas présenté)
Rappel des faits :
. agression verbale le 28 février 2023 vis-à-vis de votre enseignant M. [S], propos méprisants et insultants.
Au vu de ces faits et de votre comportement lors de ce conseil de discipline :
. vous ne cherchez pas à discuter, à échanger,
. vous réitérez vos propos insultants vis à vis de M. [S],
le conseil de discipline prononce votre exclusion immédiate et définitive du centre de formation [7] de [Localité 9].
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.
Signé [H] [R], directeur du centre
Copie : M. [K] [Z] - ADN »
A la suite de cette exclusion définitive, après un entretien préalable qui s'est tenu le 21 avril 2023, M. [D] s'est vu notifier par la société ADN son licenciement pour faute grave, par lettre datée du 28 avril 2023, dans les termes suivants :
« Monsieur,
Nous faisons suite à notre LRAR du 6 avril 2023 vous convoquant à un entretien auquel vous vous êtes présenté.
Pour les motifs évoqués dans cette lettre à savoir : « Nous déplorons votre exclusion du centre de formation du 21 mars 2023. »
Lors de cet entretien, nous avons entendu vos explications qui ne nous ont pas convaincues.
En conséquence, nous décidons de procéder à votre licenciement pour faute grave.
Votre solde de compte et les documents y afférents vous seront adressés par voie électronique.
De plus, vous avez cotisé au sein de l'entreprise à une couverture complémentaire prévoyance et santé collective.
La fin de votre contrat de travail ne remet pas en cause le bénéfice de ces couvertures en application de l'article 14 de l'Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2008.
Conformément à la loi de sécurisation de l'emploi, nous vous précisons le maintien à titre gratuit de la prévoyance et des garanties des frais de santé offertes par le contrat souscrit par l'entreprise pour une durée maximale de huit mois.
Pour bénéficier de la portabilité santé, vous devez formuler directement la demande d'ouverture des droits à la portabilité auprès de Colonna Facility via votre espace personnel et ensuite leur communiquer la notification d'ouverture de droits à l'allocation au retour à l'emploi (ARE) délivrée par Pôle emploi.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur, nos salutations distinguées. »
M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en contestation de son exclusion définitive du centre de formation et de son licenciement, par requête reçue au greffe le 27 octobre 2023.
La décision contestée
Devant le conseil de prud'hommes, M. [D] a présenté notamment les demandes suivantes :
- annuler la sanction disciplinaire notifiée par l'association Aftral [Localité 8] le 21 mars 2023,
- ordonner en conséquence sa réintégration au sein de l'association Aftral [Localité 8],
- condamner l'association Aftral [Localité 8] à lui verser les sommes suivantes :
. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
. 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance,
. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct pour harcèlement,
- dire et juger que le licenciement pour faute grave qui lui a été notifié par la société ADN est abusif,
- condamner en conséquence la société ADN à lui verser les sommes suivantes :
. 23 063,04 euros à titre de rappel de salaires,
. 2 306,30 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner solidairement la société ADN et l'association Aftral [Localité 8] à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'association Aftral [Localité 8] a, quant à elle, présenté les demandes suivantes :
- constater l'absence de contrat de travail la liant à M. [D],
- constater en conséquence son incompétence matérielle concernant la contestation de la mesure d'exclusion définitive prise à l'encontre de M. [D],
- constater la compétence du tribunal judiciaire de Rouen pour statuer sur cette sanction,
à titre principal,
- juger que la mesure d'exclusion définitive est fondée et proportionnée aux manquements de M. [D],
- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,
à titre subsidiaire,
- débouter la société ADN de sa demande subsidiaire tendant à la faire condamner à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
en tout état de cause,
- condamner M. [D] à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [D] aux entiers dépens.
Quant à la société ADN, elle a demandé au conseil de prud'hommes ce qui suit :
avant toute défense au fond,
- constater son incompétence matérielle,
- renvoyer en conséquence le demandeur à mieux se pourvoir à son encontre devant le tribunal judiciaire de Rouen,
à titre principal,
- juger que le licenciement est fondé,
- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,
à titre subsidiaire,
- condamner l'association Aftral à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
- condamner M. [D] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation a eu lieu le 30 novembre 2023. L'audience devant le bureau de jugement s'est tenue le 16 mai 2024.
Par jugement contradictoire rendu le 17 octobre 2024, la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Rouen :
- s'est déclaré matériellement compétente,
- a annulé la sanction disciplinaire notifiée par l'association Aftral [Localité 8] le 21 mars 2023 à M. [D],
- a ordonné la réintégration de M. [D] au sein de l'association Aftral [Localité 8],
- a condamné l'association Aftral [Localité 8] à verser à M. [D] les sommes suivantes :
. 1 000 euros au titre de la perte de chance,
. 200 euros au titre du préjudice moral,
- a ordonné l'exécution provisoire et condamné l'association Aftral aux intérêts légaux à compter de la décision,
- a dit et jugé que le licenciement de M. [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- a condamné la société ADN à verser à M. [D] les sommes suivantes :
. 23 063,04 euros à titre de rappel de salaires,
. 2 306,30 euros au titre des congés payés afférents,
- a condamné la société ADN à remettre à M. [D] ses documents de fins de contrat et ses bulletins de salaire, au besoin sous astreinte de 5 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents et à compter d'un mois après la notification du jugement et jusqu'à trois mois,
- a condamné la société ADN à verser à M. [D] une somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- a ordonné l'exécution provisoire et les intérêts au taux légal à compter du jugement,
- a débouté l'association Aftral de ses demandes tendant à voir juger que la mesure d'exclusion définitive est fondée et proportionnée aux manquements de M. [D], débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes, condamner M. [D] à lui verser une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamner M. [D] aux entiers dépens,
- a débouté la société ADN de l'ensemble de ses demandes,
- a débouté la société ADN de sa demande de condamnation de l'association Aftral à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
La procédure d'appel
La société ADN a interjeté appel du jugement par déclaration du 15 novembre 2024 enregistrée sous le numéro de procédure 24/03944.
Par ordonnance du 2 avril 2025, le premier président de la cour d'appel a rejeté la demande de la société ADN tendant à voir arrêter l'exécution provisoire du jugement dont appel et a condamné celle-ci à verser à M. [D] une somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.
Par ordonnance d'incident du 6 mai 2025, M. [D] a vu rejeter sa demande de radiation du rôle de l'affaire, faute pour la société ADN d'avoir exécuté le jugement frappé d'appel, celle-ci ayant justifié en cours de délibéré avoir exécuté la décision attaquée.
Par ordonnance rendue le 18 septembre 2025, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au mardi 23 septembre 2025, dans le cadre d'une audience rapporteur.
Prétentions de la société ADN, appelante
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 2 septembre 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société ADN demande à la cour d'appel de :
à titre principal,
- prononcer la nullité du jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 17 octobre 2024,
à titre subsidiaire,
- infirmer le jugement en ce qu'il :
. s'est déclaré matériellement compétent,
. a dit et jugé que le licenciement de M. [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
. l'a condamnée à remettre à M. [D] 23 063,04 euros à titre de rappel des salaires et 2 306,30 euros au titre des congés payés afférents,
. l'a condamnée à remettre à M. [D] ses documents de fins de contrats et ses bulletins de salaire au besoin sous astreinte de 5 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents et ce, un mois après la notification du jugement et jusqu'à trois mois, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,
. l'a condamnée à verser à M. [D] une somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
. l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
. l'a déboutée de sa demande de condamnation de l'association Aftral à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
statuant à nouveau,
avant toute défense au fond,
- se déclarer incompétent matériellement,
- renvoyer M. [D] en conséquence à mieux se pourvoir devant le tribunal administratif de Rouen,
à titre principal,
- constater que constituent des demandes nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile, les demandes suivantes formulées par M. [D] dans ses conclusions d'appel du 28 août 2025 :
« Condamner la société ADN à lui verser les sommes suivantes avec exécution provisoire et intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir :
. 17 441,42 euros pour perte de salaire,
. 5 000 euros pour résistance abusive, »
- prononcer en conséquence l'irrecevabilité de ces demandes nouvelles,
- juger que le licenciement est fondé,
- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,
à titre plus subsidiaire,
- condamner l'association Aftral à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
en tout état de cause,
- condamner M. [D] et l'association Aftral à lui payer chacun la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'instance
Prétentions de M. [D], intimé et appelant à titre incident
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 28 août 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, M. [D] demande à la cour d'appel de :
avant toute défense au fond,
- déclarer le jugement dont appel, parfaitement valable et exempt de toute nullité,
- se déclarer matériellement compétent,
- débouter la société ADN et l'association Aftral [Localité 8] de leurs demandes, fins et conclusions de ce chef,
au fond,
- dire et juger ses demandes parfaitement recevables et bien fondées,
- constater que la cour est saisie de l'entièreté de ses demandes,
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a fait droit à ses demandes initiales et le réformer pour le surplus, à savoir à l'encontre de l'association Aftral [Localité 8], notamment en ce que les premiers juges l'ont débouté de sa demande de dédommagement pour harcèlement moral et en ce que le quantum de la condamnation pour préjudice moral a été fixé à 200 euros,
- annuler la sanction disciplinaire notifiée par l'association Aftral [Localité 8] à son encontre le 21 mars 2023,
- ordonner en conséquence sa réintégration au sein de l'association Aftral [Localité 8],
- condamner l'association Aftral [Localité 8] à lui verser les sommes suivantes avec exécution provisoire et intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir :
. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
. 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance,
. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct pour harcèlement,
. 5 000 euros à titre de dédommagement pour refus de réintégration de la formation,
- dire et juger que le licenciement pour faute grave que lui a notifié la société ADN le 28 avril 2023 est sans effet et abusif,
- condamner en conséquence la société ADN à lui verser les sommes suivantes avec exécution provisoire et intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir :
. 23 063,04 euros brut au titre du rappel de salaire,
. 2 306,30 euros brut au titre des congés payés afférents,
. 17 441,42 euros à titre de perte de salaires,
. 5 000 euros pour résistance abusive,
- condamner la société ADN à lui remettre ses documents de fin de contrat et ses bulletins de salaire conformes, au besoin sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,
- débouter en tout état de cause la société ADN et l'association Aftral [Localité 8] de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner solidairement la société ADN et l'association Aftral à lui verser une somme de 3 000 euros en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Prétentions de l'association Aftral, intimée
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 3 septembre 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, l'association Aftral demande à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :
. s'est déclaré matériellement compétent,
. a annulé la sanction disciplinaire qu'elle a notifiée à M. [D] le 21 mars 2023,
. a ordonné la réintégration de M. [D] au sein de l'association Aftral [Localité 8],
. l'a condamnée à verser à M. [D] :
. 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance,
. 200 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
. l'a déboutée de ses demandes,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société ADN de sa demande de condamnation à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement,
- constater que la cour n'est pas saisie de l'appel incident de M. [D] en raison de l'absence d'indication des chefs du dispositif du jugement dont il demande la réformation,
- constater que la demande de M. [D] de condamnation de l'Aftral à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dédommagement pour refus de réintégration de la formation constitue une demande nouvelle et est à ce titre irrecevable,
statuant à nouveau,
avant toute défense au fond,
- constater l'absence de contrat de travail entre elle et M. [D],
- constater en conséquence son incompétence matérielle concernant la contestation de la mesure d'exclusion définitive prise à l'encontre de M. [D],
- juger que la mesure d'exclusion définitive est fondée et proportionnée aux manquements de M. [D],
- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,
- débouter la société ADN de sa demande subsidiaire tendant à la faire condamner à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
- condamner M. [D] à lui verser une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [D] aux entiers dépens.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la nullité du jugement
La société ADN demande à la cour de prononcer la nullité du jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 17 octobre 2024.
Elle fait valoir que le jugement ne contient aucune motivation, tant sur la question de la compétence que sur celle de l'appel en garantie, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, ce qui entraîne la nullité du jugement conformément aux dispositions de l'article 458 du même code.
Elle soutient, concernant précisément l'exception d'incompétence, que le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent pour statuer sur la décision d'expulsion de M. [D] du centre de formation, dans les termes suivants : « Il est fait état au dossier que le conseil de prud'hommes de Rouen en son audience de bureau de jugement du 21 décembre 2023, s'est déclaré compétent matériellement. La composition du bureau de jugement du 16 mai 2024 ne revient pas sur cette décision et déclare la présente juridiction matériellement compétente. », qu'il ne résulte cependant d'aucun élément du dossier que la juridiction, réunie en bureau de jugement le 21 décembre 2024, aurait rendu une décision sur la compétence, avec une motivation spécifique, que la juridiction qui se borne, dans son jugement du 17 octobre 2024, à se déclarer compétent pour statuer sur la décision d'expulsion définitive de M. [D] prononcée par l'Aftral, sans aucune analyse, ni indication des motifs qui auraient commandé le rejet de l'exception d'incompétence, encourt la nullité.
M. [D] oppose que cette demande d'annulation du jugement ne peut prospérer, faute d'avoir été sollicitée dans la déclaration d'appel.
L'association Aftral [Localité 8] ne se prononce pas sur ce point.
Sur ce,
L'article 562 du code de procédure civile dispose : « L'appel défère à la cour la connaissance des chefs du dispositif de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
Toutefois, la dévolution opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement. »
Aux termes de sa déclaration d'appel, la société ADN a demandé à la cour ce qui suit : « Il est interjeté appel et sollicité la réformation du jugement du 17 octobre 2024 rendu par le CPH de [Localité 8] en ce :
- qu'il s'est déclarématériellement compétent,
- a dit et jugé que le licenciement de M. [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- a condamné la société ADN à verser à M. [D] les sommes suivantes :
. 23 063,04 euros à titre de rappel de salaires,
. 2 306,30 euros au titre des congés payés afférents,
- a condamné la société ADN à remettre à M. [D] ses documents de fins de contrat et ses bulletins de salaire, au besoin sous astreinte de 5 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents et à compter d'un mois après la notification du jugement et jusqu'à trois mois,le consiel se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- a condamné la société ADN à verser à M. [D] une somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- a débouté la société ADN de sa demande de condamnation de l'association Aftral à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.'
La société ADN n'a pas sollicité l'annulation du jugement, mais uniquement sa réformation. Elle a, ce faisant, limité l'objet de son appel à la réformation des chefs de jugement critiqués.
La cour n'est dès lors pas saisie d'un appel tendant à l'annulation du jugement mais uniquement à sa réformation.
La société ADN oppose toutefois que l'article 901 du code de procédure civile n'a pas pour effet de priver la demande de nullité, d'effet, puisque la circulaire de présentation du décret n° 2023-1391 précise, s'agissant de ces dispositions, que « l'omission de la mention de l'objet de l'appel étant uniquement constitutive d'un vice de forme, celle-ci n'est toutefois assortie d'aucune autre sanction que celle de la nullité de la déclaration d'appel, prévue au premier alinéa de l'article 901 pour l'ensemble des mentions de la déclaration d'appel, sur justification d'un grief, conformément à l'article 114 ».
L'article 901 du code de procédure civile dispose : « La déclaration d'appel, qui peut comporter une annexe, est faite par un acte contenant, à peine de nullité :
1° Pour chacun des appelants :
a) Lorsqu'il s'agit d'une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
b) Lorsqu'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;
2° Pour chacun des intimés, l'indication de ses nom, prénoms et domicile s'il s'agit d'une personne physique ou de sa dénomination et de son siège social s'il s'agit d'une personne morale ;
3° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
4° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
5° L'indication de la décision attaquée ;
6° L'objet de l'appel en ce qu'il tend à l'infirmation ou à l'annulation du jugement ;
7° Les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est, sans préjudice du premier alinéa de l'article 915-2, limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement.
Elle est datée et signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision et sa remise au greffe vaut demande d'inscription au rôle. »
Ce moyen apparaît cependant inopérant, dès lors que M. [D] ne sollicite pas la nullité de la déclaration d'appel.
Il s'ensuit qu'il y a lieu d'écarter le moyen de l'appelant tendant à voir prononcer l'annulation du jugement.
En tout état de cause, l'appel-annulation entraînant impérativement un effet dévolutif pour le tout, la cour aurait été saisie de l'entier litige.
Sur la compétence matérielle
La société ADN soulève l'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes pour connaître du litige.
Elle soutient que celui-ci n'est pas compétent pour statuer sur la validité d'une sanction disciplinaire prononcée par un centre de formation professionnelle, dès lors que cette sanction n'est pas intervenue à l'occasion de l'exécution du contrat de travail mais résulte du comportement disciplinaire de l'apprenti au sein de l'établissement d'enseignement. Elle fait valoir qu'elle n'a pas de pouvoir dans ce cadre et qu'il serait donc problématique de lui reprocher, dans le cadre d'un litige prud'homal, une décision d'exclusion à laquelle elle n'a pas participé. Elle considère qu'il est évident que la remise en cause de notes ou d'autres sanctions prononcées par le conseil de discipline ne relève pas de la compétence de la juridiction prud'homale. Elle rappelle enfin que dans ses écritures de première instance, M. [D] remettait en cause uniquement la sanction disciplinaire et par voie de conséquence son licenciement, que sa contestation ne portait donc pas sur sa relation avec son employeur ou sur le non-respect de la procédure de licenciement.
Elle conclut à l'incompétence du conseil de prud'hommes et demande que le salarié soit renvoyé à mieux se pourvoir devant le tribunal administratif de Rouen, qui est, selon elle, la seule juridiction matériellement et territorialement compétente pour examiner les demandes formées.
L'association Aftral Rouen soulève également l'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes pour connaître du litige.
Elle fait valoir qu'en principe, la compétence matérielle du conseil de prud'hommes résulte de l'existence d'un contrat de travail, qu'il est constant qu'elle n'a jamais été liée à M. [D] par un contrat de travail, à qui elle dispensait uniquement une formation, que le conseil de prud'hommes n'est donc pas compétent.
Elle demande donc que M. [D] soit renvoyé à mieux se pourvoir devant le tribunal compétent s'il souhaite contester la sanction qu'elle a prise à son encontre.
M. [D] s'oppose à la demande.
Il rappelle qu'il a signé un contrat d'apprentissage, lequel a été rompu par le licenciement prononcé à son encontre, de sorte que, conformément à l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes est seul compétent pour connaître du litige.
Il considère que l'argumentation de la partie adverse est parfaitement inopérante et que la compétence du conseil de prud'hommes ne saurait souffrir d'aucune contestation.
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.
M. [D] présente, à l'encontre de l'association Aftral [Localité 8], les demandes suivantes :
- l'annulation de la sanction disciplinaire que l'association Aftral [Localité 8] lui a notifiée le 21 mars 2023,
- sa réintégration consécutive au sein de l'association Aftral [Localité 8],
- la condamnation de l'association Aftral [Localité 8] à lui verser les sommes suivantes :
. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
. 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance,
. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct pour harcèlement,
. 5 000 euros à titre de dédommagement pour refus de réintégration de la formation.
Il n'est pas discuté qu'aucun contrat de travail ne lie l'association Aftral [Localité 8] à l'apprenti. Dès lors, les demandes présentées par M. [D] à l'encontre de l'association Aftral Rouen ne relèvent pas de la compétence d'exception du conseil de prud'hommes.
En revanche, M. [D] a, dans la même instance, engagé une action à l'encontre de son employeur sur la base du contrat de travail qui les lie, cette action relevant, sans débat sur ce point, de la compétence du conseil de prud'hommes.
Dès lors, le conseil de prud'hommes n'était que partiellement incompétent, uniquement en ce qui concerne l'action diligentée par M. [D] en contestation de la sanction disciplinaire dirigée contre l'association Aftral Rouen.
L'association Aftral Rouen étant une personne morale de droit privé, en conflit avec une autre personne, physique ou morale de droit privé, cette action relevait de la compétence de principe des juridictions de l'ordre judiciaire et plus particulièrement du tribunal judiciaire de Rouen, juridiction de droit commun. Il convient dès lors d'infirmer le jugement sur ce point.
Cependant, la cour d'appel ayant plénitude de juridiction, ce principe lui permet de connaître des affaires qui auraient dû être portées devant un tribunal dont les appels relevaient de sa propre compétence.
Les alinéas 1 et 2 de l'article 90 du code de procédure civile disposent en effet : « Lorsque le juge s'est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en premier ressort, celui-ci peut être frappé d'appel dans l'ensemble de ses dispositions.
Lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente.
Il y a donc lieu d'examiner l'intégralité du litige.
La question du bien-fondé de la sanction disciplinaire commandant la légitimité du licenciement prononcé à l'encontre du salarié, il convient d'examiner d'abord les demandes de M. [D] présentées à l'encontre de l'association Aftral [Localité 8].
Sur l'exclusion définitive
M. [D] demande l'annulation de la sanction disciplinaire prononcée à son encontre par le centre de formation.
Il conteste les faits qui lui sont reprochés. Il reconnaît uniquement avoir demandé à M. [S] de se taire lorsque celui-ci lui a reproché à plusieurs reprises de prétendues absences injustifiées en lui disant : « tais toi ». Il prétend qu'aux termes du règlement intérieur, il ne s'agit pas d'une agression verbale mais éventuellement seulement d'une incivilité, qu'il faut au moins trois incivilités pour justifier une exclusion de l'établissement, qu'il n'a utilisé cette formule qu'à une seule reprise, qu'il ne peut donc lui être reproché une agression verbale comme cela est fait dans la notification de la sanction qui lui a été adressée.
L'association Aftral [Localité 8] soutient que la sanction qu'elle a été amenée à prononcer est parfaitement justifiée. Elle rappelle que, selon elle, M. [D] a adopté un comportement particulièrement violent le 28 février 2023 à l'égard de son enseignant, à son retour en cours après une longue absence pour maladie, en lui disant « ferme ta gueule et fais ton cours », que plutôt que de s'excuser, M. [D] a réitéré les insultes envers son enseignant et envers les membres du centre qui se réunissaient pour la deuxième fois pour un conseil de discipline. Elle considère que, face au comportement de M. [D], elle n'a eu d'autre choix que de prononcer son exclusion définitive, qui est selon elle une sanction fondée et proportionnée à la gravité du manquement.
La société ADN estime que M. [D] a effectivement agressé verbalement M. [S] à plusieurs reprises, notamment en lui disant « ferme ta gueule et fais ton cours », que contrairement à ce que soutient M. [D], il n'a pas dit « tais toi », ce qu'il a d'ailleurs reconnu devant Mmes [M], [V] [L] et M. [R], les nouvelles attestations qu'il produit en cause d'appel n'étant pas de nature à contredire les faits, qu'elle lui reproche encore d'avoir dit au directeur à propos de son enseignant « S'il continue, je vais l'accrocher », puis de ne pas s'être présenté devant le conseil de discipline le 7 mars 2023, montrant ainsi son mépris pour le centre de formation, et d'avoir, lors du conseil de discipline du 20 mars 2023, refusé de s'asseoir, s'être montré très agité, ne pas avoir cessé de couper la parole au directeur et d'avoir quitté la séance avant la fin, après avoir déclaré que M. [S] était un enseignant « de merde ».
Elle considère que la décision d'expulsion définitive était parfaitement justifiée au vu des trois agressions verbales et au moins trois incivilités relevées en l'espace de vingt jours.
Sur ce,
L'article R. 6352-3 du code du travail dispose : « Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par le directeur de l'organisme de formation ou son représentant, à la suite d'un agissement du stagiaire ou de l'apprenti considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence de l'intéressé dans la formation ou à mettre en cause la continuité de la formation qu'il reçoit. »
L'article 26 du règlement intérieur de l'Aftral énonce : « Tout manquement de l'apprenant à l'une des prescriptions du présent règlement intérieur général et en cas de fraude aux épreuves d'examen pourra faire l'objet d'une sanction.
Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par le directeur de l'organisme de formation ou son représentant, à la suite d'un agissement du stagiaire ou de l'apprenti considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence de l'intéressé dans la formation ou à mettre en cause la continuité de la formation qu'il reçoit.
Dans un premier temps en cas de comportement non conforme au règlement intérieur, l'apprenant sera reçu par le directeur de l'organisme de formation ou son représentant afin de faire un rappel des règles et des conséquences en cas de non-respect avant mise en 'uvre de l'échelle des sanctions.
Selon la gravité du manquement constaté, la sanction pourra consister :
a minima :
. un avertissement en cas d'une première incivilité,
. un blâme ou un rappel à l'ordre en cas d'une seconde incivilité en lien ou indépendante de la première,
. une mesure conservatoire temporaire en cas d'agression comportementale ou d'agression verbale tels que les injures, les insultes (d'ordre général, à caractère sexiste, raciste ou discriminatoire), les menaces ou intimidations,
. une remise à disposition temporaire à l'employeur,
. une mesure d'exclusion définitive pour toute agression physique (et ce dès le premier fait) ; en cas d'une seconde agression verbale, ou en cas d'une troisième incivilité » (pièce 12 de l'apprenti).
Par ailleurs, le règlement intérieur précise :
les incivilités désignent les manquements aux convenances et aux normes sociales qui régissent la vie en société et qui relèvent de la bienséance, de la politesse et plus largement du respect (exemple d'incivilités : impolitesse, moqueries, manifestations d'impatience ou mépris, retards multiples),
. les agressions comportementales correspondent aux vols, au harcèlement, aux menaces de chantage et aux actes de détérioration ou de destruction,
. les agressions verbales sont les injures, les insultes (d'ordre général, à caractère sexiste, raciste ou discriminatoire), les menaces ou intimidations,
. les agressions physiques sont la violence légère (bousculade), les coups et blessures ou encore les tentatives d'homicide.
S'agissant des faits ayant donné lieu à sanction, les parties s'accordent sur leur contexte, à savoir le retour de M. [D] en cours, le 28 février 2023, après une longue absence pour maladie et son arrivée avec un retard de 30 minutes, mais les versions divergent sur la teneur des propos échangés.
Selon le rappel des faits figurant dans le compte rendu du conseil de discipline, l'association Aftral [Localité 8] soutient que M. [D] a adopté un comportement déplorable vis-à-vis de son enseignant, M. [S], le mardi 28 février 2023 en salle de classe, qu'il a tenu des propos intolérables (agression verbale), que ce mardi 28 février, il est arrivé en retard en cours, à 13h45 au lieu de 13h15, que son enseignant lui a dit « jeune homme vous êtes en retard », qu'il a répondu « et alors ' », que son enseignant a alors dit « vous êtes en retard ! » attendant un mot d'excuses, que M. [D] a alors dit : « ferme ta gueule et fais ton cours ».
A l'appui de sa position, elle produit une attestation de M. [W], formateur, qui témoigne du comportement selon lui inapproprié et conflictuel de M. [D] dès le matin du 28 février 2023 en ces termes : « Après une longue période d'absence, [N] est revenu le jours des faits qui lui sont reprochés. Le matin même, il n'a communiqué avec personne et n'a fait qu'une croix en guide de signature. Je lui ai demandé s'il avait justifié de son absence auprès de [Y], il m'a répondu qu'il savait ce qu'il avait à faire. Il n'était pas ouvert à la discussion. Je n'ai donc pas insisté pour obtenir une autre signature ou un justificatif. » (pièce 5 du centre de formation).
Elle produit également une attestation rédigée par M. [S], en ces termes : « Je lui ai signalé qu'il était en retard. Je me suis vu répondre « ferme ta gueule et fais ton cours ». J'étais réellement très choqué. » (pièce 4 du centre de formation).
L'association Aftral [Localité 8] produit encore l'attestation de Mme [M], formatrice, laquelle indique : « Je suis donc allée personnellement dans la classe chercher l'apprenant. En arrivant, je lui ai demandé de venir avec moi dans le but de l'emmener voir la direction. Il m'a répondu très énervé qu'il refusait de sortir. J'ai dû insister à plusieurs reprises. Il a fini par accepter. J'ai demandé au délégué de section de nous accompagner. (') C'est le délégué qui a pris la parole à la demande de M. [D]. Le délégué nous a expliqué que M. [D] était arrivé en cours en retard et que M. [S] lui a dit « vous êtes en retard jeune homme » et M. [D] lui a répondu « ferme ta gueule et fait ton cours ». Il a confirmé devant nous que tout était exact. » (pièce 2 du centre de formation).
Elle produit ensuite une attestation de Mme [V] [L], assistante de direction, qui témoigne : « Il n'a pas nié les faits et ses propos : « ferme ta gueule et fais ton cours » parce que son enseignant lui faisait remarquer qu'il était arrivé en retard après la pause déjeuner. » (pièce 2 du centre de formation).
Elle produit enfin l'attestation de M. [R], directeur du centre, en ces termes : « Lors de l'agression du 28 février 2023 de M. [D] sur M. [S], j'ai reçu M. [D] dans mon bureau. Ce dernier a agressé verbalement M. [S] (ferme ta gueule) le ton est monté et ensuite M. [D] s'est tenu à à peu près 20cm de la tête de M. [S] dans un état d'énervement extrême.
M. [D] est arrivé dans mon bureau excessivement énervé, le dialogue fut compliqué. Pendant cette conversation, M. [D] a tenu des propos choquants à l'encontre de M. [S] (s'il continue, je vais l'accrocher).
Suite à ces propos et pour la mise en sécurité de mon personnel, une mesure conservatoire a été mise en place. » (pièce 12 du centre de formation).
Sur la base de ces attestations, l'association Aftral [Localité 8] soutient que le comportement de M. [D] a été inadmissible et justifiait une mesure d'exclusion définitive.
De son côté, M. [D] conteste les faits qui lui sont reprochés, reconnaissant seulement avoir demandé à M. [S] de se taire lorsque celui-ci lui a reproché à plusieurs reprises des prétendues absences injustifiées.
A l'appui de sa version des faits, M. [D] produit, en cause d'appel, le témoignage de M. [C], élève comme lui et présent au moment des faits, qui atteste en ces termes : « Lors du conflit qui est reproché à [N] envers M. [S] le 28 février 2023, [N] a en effet dit « tais toi » à M. [S] qui lui a encore fait une remarque sur sa maladie imaginaire et lui a reproché sa longue période d'absence. C'est à ce moment que M. [S] a quitté la classe et est parti chercher le directeur du centre M. [R].
Cependant, le directeur était absent du site ce jour-là et [N] n'a pas été reçu par ce dernier. La secrétaire a demandé à [N] de rentrer chez lui et que le directeur le contactera plus tard. Nous avons appris quelques semaines plus tard à la surprise générale de mes camarades que [N] avait été exclu définitivement du centre pour ce conflit. M. [R] faisait déjà courir le bruit à l'ensemble de la classe qui voulait exclure [N] définitivement de l'établissement et lui reprochait sa longue absence en remettant en doute sa maladie. [N] a toujours été un élève très respectueux envers le corps enseignant et apprécié par l'ensemble de ses camarades ['] » (pièce 21 du salarié).
Il produit également le témoignage de Mme [G], cadre commerciale au sein de l'association Aftral [Localité 8], qui, selon le salarié, aurait été victime de harcèlement de la part de M. [R], en ces termes : « En ce qui concerne [N], son nom était déjà ressorti lors de nos réunions car M. [R] souhaitait l'exclure depuis plusieurs mois déjà en raison de sa longue période d'absence [']. Le comportement colérique de M. [R] envers les apprentis a poussé la plupart des apprentis à quitter la classe « (pièce 22 du salarié).
Ces deux attestations apparaissent cependant d'une force probante très relative dès lors qu'elles émanent pour l'une d'un élève, qui a attesté deux ans après les faits en faisant état d'éléments factuellement inexacts, comme l'absence du directeur ce jour-là, et pour l'autre d'une salariée, manifestement en désaccord avec la direction, qui ne se prononce que sur le contexte des faits.
Elles ne sont en tout état de cause pas de nature à contredire les attestations produites par le CFA, lesquelles sont toutes concordantes, notamment sur l'emploi des termes « ferme ta gueule et fais ton cours », en ce que M. [D] a reconnu avoir utilisé précisément ces mots, juste après les avoir prononcés, étant observé que, selon ces mêmes témoignages, M. [D] n'a en plus pas nié ces faits avant la saisine du conseil ou pendant celui-ci.
Le compte rendu du conseil de discipline, qui s'est tenu le 20 mars 2023, fait état des circonstances suivantes : « M. [D] a mis un certain temps à s'asseoir, était agité, énervé. Il n'a pas cherché à échanger sur le sujet, coupant systématiquement la parole à M. [R] ou à M. [Z], lorsque ceux-ci voulaient l'entendre sur son comportement. L'échange a été bref, il a fini par dire que notre enseignant était un enseignant de « merde » avant de quitter le bureau de son propre chef en précisant « qu'il avait mieux à faire » » (pièce 8 du centre de formation).
MM. [R] et [W] attestent, s'agissant du déroulement du conseil de discipline, auquel ils ont participé tous les deux, du fait que M. [D] était très énervé, voire agressif, qu'il a réitéré ses propos à l'encontre de M. [S] et qu'il a décidé de partir sans attendre qu'on l'y invite (pièces 5 et 12 du centre de formation).
M. [D] soutient qu'en réalité, il a été maltraité au sein de l'établissement formateur et harcelé par le directeur du fait de ses absences pour maladie. Il relate que le 10 février 2023, le directeur a ouvertement remis en cause son arrêt de travail lors d'un conseil de classe, mentionnant sur son relevé de notes : « où êtes-vous ' », que déjà par le passé, le directeur avait pu montrer son agacement quant à ses arrêts pour maladie et les lui avait reprochés, tout en se moquant de lui, que cette situation explique très certainement qu'il ait pu dire à M. [S] « tais toi » lorsque ce dernier lui a reproché son absentéisme pour la énième fois en lui disant qu'il était « le malade imaginaire », que surtout, M. [R] a demandé des comptes à son médecin traitant, lequel est aujourd'hui parti à la retraite, lui réclamant de justifier les arrêts qu'il donnait à son patient et surtout, de cesser de lui en délivrer, qu'il a d'ailleurs adressé un courriel à M. [R] le 17 mars 2023, à ce sujet, lequel est demeuré sans réponse. Il considère que le directeur n'a nullement apprécié et a tout mis en 'uvre pour le renvoyer alors qu'il n'avait jamais jusqu'à présent eu de difficulté et n'était pas défavorablement connu au sein du centre de formation. Il dénonce l'acharnement de l'équipe administrative et des formateurs à son encontre.
Mais, outre que M. [D] ne produit aucune pièce utile pour prouver ses dires, le fait que le centre de formation aurait cherché à le faire partir ne serait en toute hypothèse pas de nature à justifier le comportement qui lui est reproché et qui seul a fondé la sanction contestée.
M. [D] déplore de façon inopérante que M. [Z], son tuteur, présent lors du conseil de discipline, n'ait pas témoigné, alors qu'il lui appartenait de produire un tel témoignage s'il l'estimait utile.
M. [D] dénonce qu'il n'a jamais pu consulter son dossier avant la séance devant le conseil de discipline et que ce droit préalable n'est mentionné ni dans convocation du 1er mars 2023 ni dans celle du 13 mars 2023, que les courriers de convocation ne mentionnent pas davantage qu'il avait le droit d'être assisté lors du conseil de discipline, que ce procédé est particulièrement déloyal mais aussi totalement contraire à ses droits les plus élémentaires, ce qui légitime, sur la base de ces seuls éléments, sa demande tendant à obtenir l'annulation de la décision litigieuse.
Il ne présente aucune argumentation juridique plus précise à l'appui de son moyen.
Le droit disciplinaire applicable au sein du CFA, ainsi que la procédure afférente, est régi par les articles R. 6352-3 et suivants du code du travail, lesquels prévoient qu'aucune sanction ne peut être infligée au stagiaire ou à l'apprenti sans que celui-ci ait été informé au préalable des griefs retenus contre lui, que lorsque le directeur de l'organisme de formation ou son représentant envisage de prendre une sanction qui a une incidence, immédiate ou non, sur la présence d'un stagiaire ou d'un apprenti dans une formation, il est procédé comme suit :
1° Le directeur ou son représentant convoque le stagiaire ou l'apprenti en lui indiquant l'objet de cette convocation. Celle-ci précise la date, l'heure et le lieu de l'entretien. Elle est écrite et est adressée par lettre recommandée ou remise à l'intéressé contre décharge ;
2° Au cours de l'entretien, le stagiaire ou l'apprenti peut se faire assister par la personne de son choix, notamment le délégué de stage. La convocation mentionnée au 1° fait état de cette faculté ;
3° Le directeur ou son représentant indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du stagiaire ou de l'apprenti.
L'employeur de l'apprenti est informé de cette procédure, de son objet et du motif de la sanction envisagée.
Si le droit à consultation préalable du dossier ne figure pas expressément dans les dispositions régissant la matière, la mention du droit de se faire assister par une personne de son choix doit en effet figurer dans la convocation.
Or, cette indication ne figure ni dans la première convocation en vue du conseil de discipline prévu le 7 mars 2023, ni dans celle en vue du conseil de discipline prévu le 20 mars 2023.
Pour autant, il ne s'agit pas d'une cause suffisante pour prononcer l'annulation de la sanction, tel que cela est demandé par l'apprenti, dès lors qu'il n'est pas établi que les intérêts du salarié ont été lésés, M. [D] n'alléguant ni ne justifiant d'aucun préjudice que lui aurait causé cette irrégularité. Ce moyen doit être écarté.
M. [D] considère, en dernier lieu, que le règlement intérieur ne permettait pas de prononcer son exclusion définitive au regard des faits visés dans la procédure, qui ne constituait pas une agression physique.
L'association Aftral [Localité 8] répond avec pertinence à ce sujet que le règlement intérieur se limite à indiquer une sanction minimale pour chaque type de manquement mais qu'elle reste libre de retenir toute sanction rendue nécessaire par le comportement de l'apprenant, en utilisant les termes « Selon la gravité du manquement constaté, la sanction pourra consister : a minima ».
L'ensemble de ces considérations conduit à retenir que la sanction prononcée, à savoir l'exclusion définitive de l'apprenti, était justifiée.
Il s'ensuit que M. [D] doit être débouté de sa demande contraire, ainsi que de ses demandes subséquentes, de réintégration et de dommages-intérêts pour préjudice moral, perte de chance et refus de réintégration de la formation, par infirmation du jugement entrepris, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité des demandes nouvelles en appel, celles-ci étant en toute hypothèse rejetées.
Sur la demande de M. [D] au titre du harcèlement moral
M. [D] sollicite, de façon autonome, l'allocation d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, à l'encontre du CFA, en dehors de tout contrat de travail.
L'association Aftral [Localité 8] oppose d'abord que la cour n'est pas saisie de l'appel incident de M. [D] en raison de l'absence d'indication des chefs du dispositif du jugement dont il demande la réformation.
Ce moyen doit toutefois être écarté dès lors que M. [D], aux termes de ses conclusions, demande de « confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a fait droit à ses demandes initiales et le réformer pour le surplus, à savoir à l'encontre de l'association Aftral [Localité 8], notamment en ce que les premiers juges l'ont débouté de sa demande de dédommagement pour harcèlement moral et en ce que le quantum de la condamnation pour préjudice moral a été fixé à 200 euros », répondant ainsi aux exigences de l'article 562 du code de procédure civile.
Sur le fond, M. [D] expose qu'il a souffert d'un covid long et a été contraint de s'absenter à plusieurs reprises, qu'il a ainsi manqué plusieurs heures de cours, chacune de ses absences étant justifiée par un certificat médical, que le CFA était parfaitement informé de ses ennuis de santé, qu'il n'a pourtant eu de cesse de lui reprocher ses absences et de remettre en cause la réalité de ses problèmes de santé alors même qu'il était investi et brillant dans ses études.
Il fait valoir que figure sur son bulletin scolaire, comme appréciation générale, « Où êtes-vous », ce qui est particulièrement méprisant et humiliant, qu'il a dénoncé en vain cette situation.
Il explique qu'il n'a pas réussi à ignorer ces remarques, ce qui l'a conduit, en dernier lieu, à s'opposer à son professeur, qui avait multiplié les remarques désobligeantes sur ses absences et son état de santé.
Il considère que cette situation lui a été particulièrement dommageable puisqu'il s'est senti humilié et n'a pas réussi à faire face aux moqueries et aux réflexions du corps professoral.
L'association Aftral [Localité 8] rétorque que M. [D] ne verse aucune pièce au soutien de son allégation, que bien en peine de démontrer un quelconque harcèlement à son encontre, le demandeur tente de modifier le déroulé des faits du 28 février 2023, en soutenant que les insultes qu'il a proférées auraient été la réponse aux nombreuses remarques désobligeantes sur ses absences et son état de santé de son enseignant alors que M. [S] lui a uniquement signalé sa demi-heure de retard sans aucune excuse.
Sur ce,
Il est constant que toute pratique de harcèlement, indépendamment des textes spécifiques du code du travail et du code pénal, engage la responsabilité civile de son auteur.
En l'espèce toutefois, au regard des développements précédents, M. [D] ne rapporte pas la preuve de faits de nature à caractériser l'existence d'un comportement harcelant de la part du CFA.
Il doit dès lors être débouté de cette demande, par infirmation du jugement entrepris.
Sur le licenciement
M. [D], qui poursuit l'annulation de son exclusion du CFA, soutient que son licenciement, prononcé en conséquence de cette exclusion, est sans fondement. Il fait valoir que la société ADN s'est hâtée de le licencier sans lui laisser le temps de trouver un autre centre de formation et que son employeur aurait pu le maintenir dans l'entreprise en l'employant en contrat à durée indéterminée, qu'il l'a au contraire immédiatement remplacé. Il souligne que la société ADN connaissait ses qualités professionnelles puisqu'elle l'a employé en contrat à durée déterminée avant de signer avec lui un contrat d'apprentissage. Il reproche à son employeur de ne pas lui avoir apporté le soutien dont il avait besoin, ce qui dénote selon lui un manque d'intérêt et de respect de l'employeur envers lui.
M. [D] conteste avoir abandonné son poste de travail. Il rappelle que ce motif n'est pas visé dans la lettre de licenciement et quoi qu'il en soit, il était en arrêt maladie à l'époque des faits, du 31 mars au 31 mai 2023, sachant qu'il a été licencié le 28 avril 2023.
La société ADN soutient, quant à elle, que le code du travail prévoit l'exclusion définitive de l'apprenti du centre de formation comme motif de rupture du contrat. Elle explique que le contrat d'apprentissage est intimement lié à la formation et ne peut être maintenu si l'apprenti n'a plus de centre de formation. Elle rappelle que M. [D] a été exclu par décision du 21 mars 2023 et que l'entretien préalable au licenciement a eu lieu le 21 avril 2023, soit un mois après, et qu'à cette occasion, M. [D] n'a pas fait état de recherches ou d'inscription à un autre centre de formation. Il considère que la rupture du contrat de travail est bien intervenue dans l'un des cas prévus par la loi et est donc parfaitement fondé.
L'association Aftral [Localité 8] ne se prononce pas sur cette question.
Sur ce,
L'article L. 6222-18-1 du code du travail dispose : « Lorsque le centre de formation d'apprentis prononce l'exclusion définitive de l'apprenti, l'employeur peut engager à son encontre une procédure de licenciement. Cette exclusion constitue la cause réelle et sérieuse du licenciement, qui est prononcé dans les conditions prévues par les dispositions du code du travail relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel. Le centre de formation d'apprentis ou l'apprenti peut saisir le médiateur mentionné à l'article L. 6222-39 et, pour les apprentis du secteur public non industriel et commercial, le service désigné comme étant chargé de la médiation.
A défaut pour l'apprenti d'être inscrit dans un nouveau centre de formation d'apprentis dans un délai de deux mois à compter de son exclusion définitive, son maintien dans l'entreprise est subordonné à la conclusion soit d'un contrat de travail dans les conditions du droit commun, soit d'un avenant mettant fin à la période d'apprentissage lorsque le contrat d'apprentissage est conclu pour une durée indéterminée. »
En application de ces dispositions, la société ADN pouvait valablement licencier M. [D] pour motif personnel.
La question de l'absence de M. [D], qui ne figure pas comme grief dans la lettre de licenciement, est sans incidence et, compte tenu de la chronologie de la procédure de licenciement, il n'est pas établi que l'employeur ait agi avec précipitation.
Il s'ensuit que M. [D] doit être débouté de sa demande tendant à voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il s'ensuit, par voie de conséquence, le rejet des autres demandes de M. [D] tendant à voir condamner son employeur à lui verser les sommes de 23 063,04 euros brut au titre du rappel de salaires, 2 306,30 euros brut au titre des congés payés afférents, 17 441,42 euros à titre de perte de salaires et 5 000 euros pour résistance abusive (qu'il ne motive pas dans ses écritures), sans qu'il n'y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité de ces demandes nouvelles en cause d'appel.
Le jugement sera infirmé de ces chefs, la demande de la société ADN tendant à obtenir la garantie de l'association Aftral [Localité 8] étant dès lors sans objet.
Sur les frais du procès
Tenant compte de la décision rendue, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a condamné la société ADN au paiement des dépens de première instance et à verser à M. [D] une somme de 1 300 euros au titre des frais irrépétibles.
M. [D], qui succombe dans ses prétentions, supportera les entiers dépens, de première instance et d'appel, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
M. [D] sera en outre condamné à payer à la société ADN une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 800 euros, ainsi qu'une somme de 500 euros à l'association Aftral [Localité 8] et sera débouté de sa propre demande présentée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,
ÉCARTE le moyen de l'appelant tendant à voir prononcer l'annulation du jugement, dont la cour n'est pas saisie,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rouen le 17 octobre 2024, excepté en ce qu'il a débouté la SARL Aux Déménageurs de Normandie société Nouvelle de sa demande de garantie à l'encontre de l'association Aftral Rouen,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que le conseil de prud'hommes de Rouen n'était pas compétent pour connaître des demandes opposant M. [N] [D] à l'encontre de l'association Aftral Rouen,
DIT que le tribunal judiciaire de Rouen était compétent pour en connaitre,
FAISANT dès lors application des dispositions de l'article 90 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [N] [D] de sa demande d'annulation de son exclusion définitive du centre de formation des apprentis de l'association Aftral [Localité 8],
DIT que la cour est saisie de l'appel incident de M. [N] [D],
DÉBOUTE M. [N] [D] de ses demandes subséquentes, de réintégration et de dommages-intérêts pour préjudice moral, perte de chance et refus de réintégration de la formation, ainsi que pour harcèlement moral, présentées à l'encontre de l'association Aftral [Localité 8],
DÉBOUTE M. [N] [D] de ses demandes présentées à l'encontre de la SARL Aux Déménageurs de Normandie société Nouvelle,
CONDAMNE M. [N] [D] au paiement des entiers dépens, de première instance et d'appel,
CONDAMNE M. [N] [D] à payer à la SARL Aux Déménageurs de Normandie société Nouvelle une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [N] [D] à payer à l'association Aftral [Localité 8] une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [N] [D] de sa demande présentée sur le même fondement.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Valérie de Larminat, présidente, et par Mme Fatiha Karam, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,