CA Paris, Pôle 6 - ch. 7, 20 novembre 2025, n° 22/04777
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 20 NOVEMBRE 2025
(n° , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04777 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFUOL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F21/00377
APPELANTE
Madame [B] [Z] [O] ALCOCER
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Etienne BATAILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0320
INTIMÉES
S.A.S. INSTITUT EUROPEEN DES POLITIQUES PUBLIQUES - IEPP
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Sandrine GENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R012
S.E.L.A.R.L. 2M ET ASSOCIES Prise en la personne de Maître [A] ès qualité de « Commissaire à l'exécution du plan » de la « SAS INSTITUT EUROPEEN DES POLITIQUES PUBLIQUES IEPP »
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Sandrine GENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R012
S.C.P. BTSG Prise en la personne de Maître [Y] ès qualité de « Mandataire judiciaire » de la « SAS INSTITUT EUROPEEN DES POLITIQUES PUBLIQUES
IEPP»
[Adresse 10]
[Localité 8]
Représentée par Me Sandrine GENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R012
Association UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Stéphanie ALA, présidente de la chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre,
Madame Stéphanie ALA, présidente,
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller,
Greffière, lors des débats : Madame Estelle KOFFI
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Stéphanie ALA, présidente et par Madame Estelle KOFFI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [B] [Z] [O] [C] a été engagée, par contrat à durée déterminée, par la société Institut européen des politiques publiques le 14 septembre 2018 en qualité d'assistante administrative-accueil et plannings.
À compter du 14 décembre 2018, la relation contractuelle s'est poursuivie en contrat à durée indéterminée.
La société Institut européen des politiques publiques est un organisme de formation des élus.
Elle emploie moins de dix salariés.
La convention collective applicable est celle des organismes de formation du 10 juin 1988 (IDCC 1516).
Le 22 juin 2020, Mme [O] [C] a été placée en arrêt maladie.
Par courrier du 30 juin 2020, Mme [O] [C] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire fixé au 9 juillet 2020.
Par lettre du 3 juillet 2020, Mme [O] [C] a informé la société Institut européen des politiques publiques de l'impossibilité de se rendre à cet entretien en raison de son arrêt de travail.
Par courrier du 10 juillet 2020, la société Institut européen des politiques publiques a convoqué Mme [O] [C] à un nouvel entretien préalable fixé le 20 juillet 2020.
Par courrier du 5 août 2020, Mme [O] [C] a été licenciée pour faute grave.
Le 15 janvier 2021, Mme [O] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris pour que le licenciement pour faute grave soit requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse , que le statut cadre coefficient 450 soit appliqué à la relation de travail, ou subsidiairement le statut cadre coefficient 310, de demandes au titre de la rupture et de l'exécution de son contrat de travail, des demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou à titre subsidiaire pour violation de l'obligation de sécurité ainsi que de dommages et intérêts pour défaut de mutuelle et de prévoyance.
Par jugement du 14 septembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a prononcé le redressement judiciaire de la société IEPP et désigné M. [G] [E] en qualité d'administrateur, la SELARL 2M et associés prise en la personne de Me [F] [A] aux fins d'assister le mandataire judiciaire, la société BTSG prise en la personne de Me [W] [Y] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement rendu le 21 mars 2022, notifié le 25 mars 2022, le conseil de prud'hommes de Paris, a :
- débouté Mme [O] [C] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté l'Institut européen des politiques publiques, représenté par la société 2M et associés prise en la personne de Me [A] ès qualité d'administrateur judiciaire et la société BTSG prise en la personne de Me [Y] ès qualité de mandataire judiciaire, de la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de Mme [O] [C].
Le 21 avril 2022, Mme [O] [C] a interjeté appel de la décision.
Par jugement du 14 juin 2023, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de redressement pour la société Institut européen des politiques publiques et nommé la SELARL 2M et associés pris en la personne de Me [F] [A] en qualité de commissaire à l'exécution du plan en mettant fin à sa mission d'administrateur et désigné la société BTSG prise en la personne de Me [W] [Y] en qualité de mandataire judiciaire.
Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 9 juillet 2025, Mme [O] [C], appelante, demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, qui sont les suivantes :
* ordonner à l'Institut européen des politiques publiques de lui appliquer le statut de cadre coefficient 450 pour l'ensemble de la relation de travail ou, subsidiairement, le statut cadre coefficient 310,
* fixer sa créance au passif de l'Institut européen des politiques publiques aux sommes suivantes, avec opposabilité à l'AGS Ouest :
35 119,50 euros ou subsidiairement 8 044 euros à titre de rappel de salaires,
3 511,95 euros ou subsidiairement 804,47 euros au titre des congés payés afférents,
* requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* fixer sa créance au passif de l'Institut européen des politiques publiques aux sommes suivantes, avec opposabilité à l'AGS Ouest :
20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou, à titre subsidiaire, pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,
23 760 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
1 980 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
11 880 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
1 188 euros au titre des congés payés afférents,
3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de mutuelle et de prévoyance,
3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* ordonner la remise de bulletins de salaire et de documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision,
* assortir la décision à intervenir :
des intérêts au taux légal,
de la capitalisation des intérêts,
* condamner l'Institut européen des politiques publiques à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamner l'Institut européen des politiques publiques aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau,
- ordonner à l'Institut européen des politiques publiques de lui appliquer le statut de cadre coefficient 450 pour l'ensemble de la relation de travail ou, subsidiairement, le statut cadre coefficient 310,
- fixer sa créance au passif de l'Institut européen des politiques publiques aux sommes suivantes, avec opposabilité à l'AGS Ouest :
* 35 119,50 euros ou subsidiairement 8 044 euros à titre de rappel de salaires,
* 3 511,95 euros ou subsidiairement 804,47 euros au titre des congés payés afférents,
- requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- fixer sa créance au passif de l'Institut européen des politiques publiques aux sommes suivantes, avec opposabilité à l'AGS Ouest :
* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou, à titre subsidiaire, pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,
* 23 760 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 980 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 11 880 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 1 188 euros au titre des congés payés afférents,
* 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de mutuelle et de prévoyance,
- ordonner la remise de bulletins de salaire et de documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision,
- assortir la décision à intervenir :
* des intérêts au taux légal,
* de la capitalisation des intérêts,
- condamner l'Institut européen des politiques publiques à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'Institut européen des politiques publiques aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- confirmer le jugement entreprise en ce qu'il a débouté l'Institut européen des politiques publiques de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 23 juillet 2025, l'Institut européen des politiques publiques et la société 2M et associés, prise en la personne de Me [F] [A], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [O] [C] de l'ensemble de ses demandes,
En conséquence,
- juger Mme [O] [C] mal fondée en son appel,
- débouter Mme [O] [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner Mme [O] [C] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'Institut européen des politiques publiques,
- condamner Mme [O] [C] aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 10 juillet 2025, l'AGS , intimée, demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement entrepris,
- débouter Mme [O] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire,
- fixer au passif de la liquidation les créances retenues,
- dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L3253-19 du code du travail,
Dans la limite du plafond 5 toutes créances brutes confondues, à titre subsidiaire et à défaut des fonds disponibles :
- exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- exclure l'opposabilité à l'AGS de l'astreinte,
- rejeter la demande d'intérêts légaux,
- dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
La cour se réfère expressément aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens et des prétentions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2025.
MOTIFS
- Sur demande de rappel de salaire en conséquence d'une reclassification professionnelle
La salariée fait valoir que les missions qu'elle a été amenée à exercer ont été au-delà des stipulations de son contrat de travail. C'est ainsi qu'elle affirme avoir travaillé en complète autonomie, avec des responsabilités et des compétences en matière juridique, comptable, commerciale et logistique et inter filières. Elle revendique à ce titre l'application du statut cadre.
Elle souligne sa polyvalence, en affirmant qu'elle a été appelée en renfort sur les pôles commercial, diplômant, administratif et facturation, et fait valoir qu'elle a été " référent fonctions RH + juridique ", qu'elle a pris en charge la comptabilité de l'Institut européen des politiques publiques.
Elle met en avant son affectation de tâches relevant de la famille professionnelle " promotion, marketing et commercial " et " gestion administrative, logistique, financière et réglementaire ", ainsi que la charge de la responsabilité du pôle " langues ".
Elle soutient avoir été responsable des secteurs techniques, administratifs, financiers, commerciaux ou pédagogiques et souligne une disparité entre son statut et sa classification et la réalité de ses fonctions et de ses responsabilités, sollicitant à ce titre le bénéfice du statut cadre indice 450, subsidiairement le statut de cadre coefficient 310.
L'employeur rappelle que plusieurs critères permettent de caractériser un statut de cadre :
- le statut de cadre est attribué par le contrat de travail,
- le statut de cadre résulte de la classification de la convention collective,
- les fonctions exercées par le salarié comportent un pouvoir de commandement et une grande autonomie,
- les attributions du salarié comportent une grande expertise.
Il fait valoir d'abord qu'aucun document contractuel ne mentionne que la salariée relève du statut de cadre, celle-ci ayant été engagée en qualité d'assistante administrative relevant du statut technicienne qualifiée 2e degré non cadre, fonction mentionnée sur ses bulletins de salaires et son attestation pôle emploi.
Il fait valoir que sa classification de technicienne 2e degré est bien conforme aux dispositions conventionnelles au regard de son emploi d'assistante administrative.
Il affirme que les fonctions confiées à la salariée ne comportaient pas de pouvoir de commandement ni une grande autonomie ni une grande expertise.
Il souligne à ce titre que la salariée, lors de son embauche, n'avait pas d'autre expérience professionnelle que son alternance.
Il ajoute que la polyvalence mise en avant par la salariée est conforme au descriptif non-exhaustif de l'article 7 de son contrat de travail et conteste que celle-ci a été employée à commercialiser des ventes ou qu'elle aurait été en charge du pôle langue.
Il conteste tout pouvoir de commandement, pouvoir hiérarchique ou pouvoir décisionnaire attribué à la salariée.
L'AGS soutient que la salariée ne démontre pas qu'elle exerçait des responsabilités plus importantes qu'au niveau G, qu'elle avait une délégation directe de l'employeur, une large autonomie d'action ou un niveau d'expertise.
Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
En application de ce texte, il appartient au salarié d'établir que les fonctions qu'il exerce réellement correspondent à la classification qu'il revendique.
Le contrat de travail à durée déterminée conclu le 13 septembre 2018 stipule que la salariée occupera les fonctions d'assistante administrative-accueil et plannings, au niveau hiérarchique D2 et au coefficient de 220, statut technicienne qualifiée 2ème degré non cadre.
Il est précisé que la salariée aura pour fonction :
- accueil téléphonique et physique,
- accueil des formateurs et des stagiaires,
- gestion administrative des formations : réservations des salles, confirmation avec les formateurs préparation et envoi des convocations, impression des supports de formation, et des listes d'émargement, préparation des questionnaires d'évaluation,
- préparation des dossiers de financement de formation,
- facturation : saisie, édition et relance des factures,
- aide à la comptabilité,
- gestion des stocks: inventaire, commandes et rangement.
Il est indiqué que ces fonctions présentent un caractère évolutif.
Il convient de préciser que la relation de travail s'est ensuite poursuivie par contrat à durée indéterminée sans que les parties ne produisent d'écrit formalisant ce changement.
La salariée revendique un statut cadre au coefficient 450 ou à défaut 310.
Les règles de classification sont énoncées par l'article 20 de la convention collective qui se rapporte à la classification conventionnelle.
Il en ressort que l'échelle de classification comporte 31 paliers d'emploi auxquels correspondent des coefficients.
L'article 20.7.2. précise que le statut agent de maîtrise ou technicien est accordé aux salariés qui occupent un emploi se situant entre le coefficient 171 et le coefficient 349 inclus.
L'article 20.7.3. précise que le statut cadre est accordé aux salariés qui :
- occupent un emploi se situant au moins au coefficient 350 ;
- ou qui occupent un emploi se situant entre le coefficient 310 et le coefficient 349 inclus, sous réserve de satisfaire au moins deux des trois conditions suivantes :
- atteindre la marche 3 ou plus sur le critère management ;
- atteindre la marche 4 ou plus sur le critère ampleur des connaissances ;
- atteindre la marche 6 ou plus sur le critère autonomie.
La salariée a été engagée au coefficient 220 qui correspond à un emploi de technicienne palier 12.
Elle revendique un statut de cadre 450 qui correspond au palier 28 ( sur une échelle de 31) ou à défaut 310 qui correspond au palier 25.
Le coefficient est obtenu par l'addition d'un nombre de points correspondant à des marches prévues pour les critères suivants :
' l'autonomie qui comporte sept marches;
' le management qui comporte sept marches;
' le relationnel qui comporte sept marches;
' l'impact qui comporte quatre marches;
' l'ampleur des connaissances qui comporte six marches;
' la complexité et le savoir-faire professionnels qui comporte quatre marches,
outre des points de bonification en cas d'emploi interfilières c'est à dire un emploi relevant de plusieurs des filières suivantes :
' filière 1 : formation, accompagnement, ingénierie ;
' filière 2 : développement ;
' filière 3 : supports.
La salariée, qui indique que les missions qu'elle a accompli la font relever d'un coefficient 450 ou 310 décrit ses tâches sans les positionner au regard des critères de classification sus-énoncés ni expliquer de quelle manière elle serait susceptible de totaliser la différence de points entre son coefficient d'embauche et ceux qu'elle revendique à titre principal ou subsidiaire.
En outre, les pièces qu'elle produit aux débats ne permettent pas d'établir qu'elle était comme elle le soutient :
- chargée de conclure des ventes de formation en langues et de les suivre jusqu'à la délivrance de l'attestation de formation, les courriels versés à ce titre montrant qu'elle exécutait à ce titre les fonctions de secrétaire qui étaient les siennes,
- en charge de la partie des ressources humaines, le fait qu'elle soit désignée référent ne permettant pas en soit d'établir qu'elle était en responsabilité dans ce domaine,
- intervenue pour la comptabilité de deux sociétés, les courriels versés ne concrétisant aucune action de sa part en ce domaine.
Par ailleurs, elle affirme, sans aucune offre de preuve, qu'elle était en charge du pôle langue et en charge de l'organisation et du suivi des voyages des stagiaires ou formateurs de l'entreprise.
Les éléments qu'elle produit montrent au contraire que les missions qu'elle a réellement exercées correspondent en tout point aux tâches d'accueil et de secrétariat pour lesquelles elle avait été engagée.
Elle ne peut dès lors pas prétendre au coefficient 450.
Elle ne peut non plus prétendre au coefficient 310 étant ajouté que pour être cadre, un salarié au coefficient 310 doit satisfaire à au moins deux des trois conditions suivantes :
' atteindre la marche 3 ou plus sur le critère management ;
' atteindre la marche 4 ou plus sur le critère ampleur des connaissances ;
' atteindre la marche 6 ou plus sur le critère autonomie.
Ce que la salariée ne démontre pas.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de classification conventionnelle et des demandes de rappel de salaire et de congés payés en découlant.
- Sur le harcèlement moral et la violation de l'obligation de sécurité.
La salariée soutient qu'elle a travaillé au delà des tâches qui lui ont été confiées et a accompli un nombre important d'heures supplémentaires en contrepartie d'une faible rémunération.
Elle affirme que l'employeur a exercé des pressions afin de la déstabiliser et la pousser à reconnaître des agissements qu'elle n'avait pas commis dans le cadre d'un conflit qui opposait son employeur à M. [S], son concubin, et afin de lui faire quitter son poste, avec une proposition de poursuite de collaboration au titre d'un contrat d'apporteur d'affaires en statut précaire.
Elle soutient que c'est cette situation qui a conduit à son licenciement et que les pressions subies ont eu pour effet de dégrader son état de santé.
Elle indique que les agissements de l'employeur caractérisent l'existence d'une situation de harcèlement moral ou à titre subsidiaire constituent une violation de l'obligation de sécurité à laquelle il est tenu.
L'employeur réplique que la salariée n'apporte aucune preuve démontrant l'existence de faits précis et concordant laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Il ajoute qu'elle ne verse aucun élément établissant un lien entre son état de santé et ses conditions de travail.
L'AGS adopte la même position.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L.1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte des développements précédents que la salariée n'a pas accompli de tâches qui ne relevaient pas du périmètre de ses attributions.
Par ailleurs, la salariée affirme qu'elle a accompli de nombreuses heures supplémentaires sans présenter d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Il sera d'ailleurs observé qu'elle ne formule pas de demande de rappel d'heures supplémentaires.
Le courriel qui lui a été adressé par M. [K], directeur général le 18 juin 2020 ( pièce 33 de l'appelante) dans lequel il écrit' suite à notre entretien de ce jour, il faut te rapprocher de [M] pour formaliser ta demande de rupture conventionnelle. Par la suite, si tu le désires, nous pouvons te proposer un contrat d'apporteur d'affaires consistant à traiter à distance des appels sur la base de listes qualifiées. [M] et moi restons à ta disposition pour toute question' qui est le seul élément produit par la salariée, ne permet pas à lui seul et faute d'autres éléments d'établir, comme le soutient la salariée qu'elle a subi des pressions de la part de son employeur pour quitter l'entreprise et qu'ayant refusé le statut précaire d'apporteur d'affaires, elle a fait l'objet d'un licenciement. Il ne permet pas non plus d'établir, au vu du ton employé et sans plus d'élément de preuve, qu'il matérialise le souhait de l'employeur de voir la salariée prendre l'initiative d'une rupture conventionnelle.
Pour ce qui est des pressions que la salariée auraient subies en suite du conflit qui a opposé son employeur à son concubin, l'employeur ne conteste pas - et d'ailleurs cela figure dans la lettre de licenciement- l'existence d'entretiens au cours du mois de juin 2020.
Alors que l'employeur conteste formellement avoir exercé toute pression, la salariée ne verse aucun élément pour corroborer ses affirmations. A cet égard, il sera relevé qu'elle ne donne aucune information sur la suite réservée au dépôt d'une plainte contre son employeur pour chantage le 15 juin 2020 (pièce 20 de l'appelante). Il sera observé que les propos qu'elle prête à son employeur dans cette plainte reposent sur ses seules déclarations et qu'à la question de savoir pour quelle raison elle a déposé plainte elle a répondu ' C'est juste que mon avocat (....) m'a demandé de porter plainte pour me protéger'. En l'état, aucun élément ne permet de considérer que la salariée a fait l'objet de pressions afin de reconnaître des faits ou accepter un départ forcé.
Quant à la lettre du Dr [J] datée du 16 février 2020 adressant la salariée à un confrère dans les termes suivants ' Je vous adresse [O] [C] [B] Clair (....), pour suivi dans le cadre d'une détresse psychologique pour conflit au travail', elle ne fait que reprendre les déclarations de la salariée sans que le Dr [J] n'établisse personnellement de lien direct entre l'état de santé de la salariée et ses conditions de travail.
Au demeurant, et si besoin en est, il sera ajouté qu'en l'absence de faits matériellement établis, un document médical ne peut à lui seul permettre de retenir que le salarié présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Les éléments énoncés par la salariée n'étant pas matériellement établis et ne reposant pour la majorité que sur ses dires dépourvus d'offre de preuve, il ne peut être retenu qu'elle a été victime de harcèlement moral.
Les éléments développés au titre du manquement à l'obligation de sécurité étant identiques, il convient également de retenir qu'aucun manquement à ce titre ne peut être retenu contre l'employeur.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande au titre du harcèlement moral.
Ayant omis de statuer sur la demande de dommages et intérêts formée à titre subsidiaire au titre du manquement à l'obligation de sécurité, il y sera ajouté. La salariée est ainsi déboutée de sa demande de fixation au passif de la société de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.
- Sur le licenciement
Selon l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L.1235-2 du même code, la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
Selon l'article L.1235-1 du même code, à défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
La charge de la preuve de la faute grave pèse sur l'employeur.
La salariée a été licenciée pour faute grave par lettre du 5 août 2020 ( pièce 9 de l'intimé).
L'employeur écrit ' Nous avons récemment découvert que Monsieur [N] [S], apporteur d'affaires indépendant, dont vous êtes la conjointe, avait facturé à la société, à plusieurs reprises, des commissions portant sur des affaires qu'il n'avait pas apportées, d'un montant global de 7.159 euros TTC. Nous avons été alertés par la date de certaines de ces formations pour lesquelles il avait facturé ces commissions car elles étaient antérieures de plusieurs mois au démarrage de sa mission d'apporteur d'affaires.
Cette découverte nous a conduit à effectuer des investigations qui ont révélées que ces facturations indues portaient toutes sur des dossiers que vous aviez traités.
Il est apparu que c'est grâce à des informations que vous lui avez communiquées qu'il a facturé des commissions sur des dossiers en déshérence.
Il a alors facturé à notre société des commissions sur celles-ci, s'attribuant ainsi indûment ces dossiers et le chiffre d'affaires correspondant alors même qu'il n'avait accompli aucune prestation à ce titre.'
S'ensuivent des développements rappelant les étapes de la procédure de licenciement, la contestation que les entretiens des 15 et 18 juin 2020 constituaient des entretiens disciplinaires mais des discussions informelles ' dans le cadre des investigations menées, et de plus il ne vous a jamais été fait aucune pression pour vous imposer un rupture conventionnelle'.
La lettre se poursuit ' En toute hypothèse, nous ne pouvons tolérer de telles manoeuvres d'une part en ce que vous avez diffusé à un prestataire externe des informations internes et d'autre part dans le but de facturer indûment des commissions au détriment de la société et au profit de votre conjoint.
En conséquence, et après réflexions, nous sommes contraints de vous signifier la rupture de nos relations contractuelles à effet immédiat compte tenu de la nature et de la gravité des faits qui rendent votre maintien dans l'entreprise impossible'.
Il est ainsi reproché à la salariée d'avoir fait usage d'informations qu'elle détenait dans le cadre de ses fonctions au profit de son compagnon afin que celui-ci facture des prestations fictives à l'employeur.
L'employeur précise que M. [S], le concubin de la salariée, qui intervenait en qualité d'apporteur d'affaires indépendant, a indûment facturé à la société des commissions portant sur des affaires qu'il n'avait pas apportées. Il affirme que les dates de certaines formations pour lesquelles M. [S] avait facturé des commissions étaient antérieures de plusieurs mois au début de ses missions et que les dossiers avaient été traités par la salariée dans le cadre de ses missions administratives.
Il précise que la salariée, qui était alors chargée de saisir le dossier client dans le logiciel interne PGI, a frauduleusement affecté M. [S] en qualité d'apporteur de nombreuses formations qu'il n'avait pas apportées.
Il rappelle qu'à l'issue de l'entretien du 15 juin 2020, M. [S] a fait parvenir un avoir pour des sessions correspondant aux formations non apportées par lui et affirme que Mme [O] [C] a reconnu les faits.
Il soutient que ces faits étaient graves et rendaient impossible le maintien du contrat de travail.
Il conteste la justification apportée par la salariée selon laquelle M. [S] aurait supervisé les formations litigieuses et souligne n'avoir jamais demandé à M. [S] de superviser ces dossiers.
Il conteste que le licenciement ait été motivé par le refus de la salariée d'accepter une rupture conventionnelle.
L'AGS Ouest s'associe aux explications de l'employeur.
La salariée conteste les griefs qui lui sont reprochés.
Ainsi qu'il l'a été précédemment relevé, en l'absence de preuve sur la teneur des propos des parties au cours du mois de juin 2020, il ne peut être retenu, comme l'affirme l'employeur dans la lettre de licenciement et dans ses écritures, que les faits ont été reconnus par la salariée.
Pour ce qui est des faits, la salariée ne conteste pas :
- que c'est elle qui a inscrit informatiquement le nom de M. [S], son concubin, en face des sessions de formations litigieuses ( pièce 3 de l'intimé),
- les affirmations de l'employeur qui indique que M. [S] a signé avec lui un contrat d'apporteur d'affaire au mois de mai 2019 et que la collaboration effective a débuté entre le mois de juin et le mois de juillet 2019
Il ressort du tableau produit par l'intimé que :
- pour certaines formations la demande de signature et la date du devis sont antérieures à l'arrivée de M. [S] il en est ainsi des formations 660,825,835,872,1131,1152, 1156,1160, 1947,
- pour certaines formations, la période de formation a débuté avant l'arrivée de M. [S] il en est ainsi des formations 660,825,835,872,1131,
- pour certaines formations la période de formation facturée débute antérieurement à l'arrivée de M. [S] il en est ainsi des formations 660,825,835,872,1131,1152,1785.
La salariée critique le tableau produit par l'employeur en indiquant qu'il s'agit d'un tableau excel qu'il a lui même rédigé pour autant elle soutient dans ses écritures ' bien que ces sessions aient été créées par Madame [O] [C] antérieurement à l'arrivée de Monsieur [S], cela ne signifie pas qu'elles n'aient pas été supervisées par ce dernier.
En effet, en raison d'une mauvaise gestion par l'IEPP, de nombreux clients n'obtenaient aucune formation après avoir rempli les dossiers de formation par la CDC, et souhaitaient annuler leur demande de formation afin de se former auprès d'entreprises concurrentes de l'IEPP.
Cette dernière a alors chargé Monsieur [S], quelques temps après son arrivée, de reprendre contact avec ces clients afin de superviser leurs formations ce qu'il a parfaitement réussi et dont il justifie.
Dans ces conditions, l'IEPP ne rapporte pas la preuve que les formations litigieuses n'ont pas été supervisées par Monsieur [S] et que Madame [O] [C] aurait commis une faute en attribuant à ces derniers des formations en 'déshérence'.
La facture de Monsieur [S] est donc parfaitement justifiée.' ( page 12 des écritures de l'appelante).
Ces affirmations permettent de considérer que les mentions figurant sur la pièce 3 sont exactes.
Par ailleurs, elles permettent d'établir la réalité du grief reproché par l'employeur à la salariée suivant lequel elle a diffusé à un prestataire externe des informations internes.
Il sera rappelé que M. [S] était un apporteur d'affaires indépendant et qu'il a ainsi pu bénéficier par l'intermédiaire de sa concubine d'informations privilégiées pour poursuivre des affaires en cours sans en avoir été à l'origine.
Il sera ajouté que même si M. [S] a pu réaliser des prestations de formation, le tableau fait apparaître des périodes de formation antérieures à son arrivée qui ne correspondent pas à une prestation qu'il aurait effectivement assurée et pour lesquelles il a pourtant perçu des commissions.
Il ressort ainsi de l'ensemble de ces éléments que les manquements reprochés par l'employeur à la salariée sont établis.
L'utilisation et la diffusion par la salariée d'informations obtenues dans l'exercice de ses fonctions pour les communiquer à son concubin, apporteur d'affaires auprès de l'employeur qui a ainsi pu bénéficier de commissions alors qu'il n'avait pas apporté lesdites affaires et n'a pas effectué l'ensemble des prestations sur la période facturée, permet de considérer que ces manquements sont d'une gravité telle qu'ils rendaient impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise.
Pour ce qui est de la cause réelle du licenciement, si l'employeur a fait référence par courriel à une rupture conventionnelle avant d'engager la procédure de licenciement cette seule chronologie ne peut à elle seule permettre de considérer que la cause réelle du licenciement est le refus de la salariée d'accepter une rupture conventionnelle. Il sera rappelé qu'il a précédemment été retenu qu'aucun élément ne permettait de considérer que l'employeur avait exercé des pressions sur la salariée pour qu'elle quitte l'entreprise et accepte une rupture conventionnelle.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une faute grave et a débouté la salariée de toutes ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail.
- Sur l'absence de souscription de prévoyance
La salariée, qui réclame des dommages et intérêts en indiquant que l'employeur n'a pas souscrit de mutuelle et de prévoyance ne caractérise pas le préjudice qu'elle aurait subi.
En l'absence de preuve de l'existence d'un préjudice, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande.
- Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé sur les dépens et en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.
La salariée est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
DÉBOUTE Mme [B] [Z] [O] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que Mme [B] [Z] [O] [C] supportera la charge des entiers dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 20 NOVEMBRE 2025
(n° , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04777 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFUOL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F21/00377
APPELANTE
Madame [B] [Z] [O] ALCOCER
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Etienne BATAILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0320
INTIMÉES
S.A.S. INSTITUT EUROPEEN DES POLITIQUES PUBLIQUES - IEPP
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Sandrine GENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R012
S.E.L.A.R.L. 2M ET ASSOCIES Prise en la personne de Maître [A] ès qualité de « Commissaire à l'exécution du plan » de la « SAS INSTITUT EUROPEEN DES POLITIQUES PUBLIQUES IEPP »
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Sandrine GENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R012
S.C.P. BTSG Prise en la personne de Maître [Y] ès qualité de « Mandataire judiciaire » de la « SAS INSTITUT EUROPEEN DES POLITIQUES PUBLIQUES
IEPP»
[Adresse 10]
[Localité 8]
Représentée par Me Sandrine GENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R012
Association UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Stéphanie ALA, présidente de la chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre,
Madame Stéphanie ALA, présidente,
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller,
Greffière, lors des débats : Madame Estelle KOFFI
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Stéphanie ALA, présidente et par Madame Estelle KOFFI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [B] [Z] [O] [C] a été engagée, par contrat à durée déterminée, par la société Institut européen des politiques publiques le 14 septembre 2018 en qualité d'assistante administrative-accueil et plannings.
À compter du 14 décembre 2018, la relation contractuelle s'est poursuivie en contrat à durée indéterminée.
La société Institut européen des politiques publiques est un organisme de formation des élus.
Elle emploie moins de dix salariés.
La convention collective applicable est celle des organismes de formation du 10 juin 1988 (IDCC 1516).
Le 22 juin 2020, Mme [O] [C] a été placée en arrêt maladie.
Par courrier du 30 juin 2020, Mme [O] [C] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire fixé au 9 juillet 2020.
Par lettre du 3 juillet 2020, Mme [O] [C] a informé la société Institut européen des politiques publiques de l'impossibilité de se rendre à cet entretien en raison de son arrêt de travail.
Par courrier du 10 juillet 2020, la société Institut européen des politiques publiques a convoqué Mme [O] [C] à un nouvel entretien préalable fixé le 20 juillet 2020.
Par courrier du 5 août 2020, Mme [O] [C] a été licenciée pour faute grave.
Le 15 janvier 2021, Mme [O] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris pour que le licenciement pour faute grave soit requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse , que le statut cadre coefficient 450 soit appliqué à la relation de travail, ou subsidiairement le statut cadre coefficient 310, de demandes au titre de la rupture et de l'exécution de son contrat de travail, des demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou à titre subsidiaire pour violation de l'obligation de sécurité ainsi que de dommages et intérêts pour défaut de mutuelle et de prévoyance.
Par jugement du 14 septembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a prononcé le redressement judiciaire de la société IEPP et désigné M. [G] [E] en qualité d'administrateur, la SELARL 2M et associés prise en la personne de Me [F] [A] aux fins d'assister le mandataire judiciaire, la société BTSG prise en la personne de Me [W] [Y] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement rendu le 21 mars 2022, notifié le 25 mars 2022, le conseil de prud'hommes de Paris, a :
- débouté Mme [O] [C] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté l'Institut européen des politiques publiques, représenté par la société 2M et associés prise en la personne de Me [A] ès qualité d'administrateur judiciaire et la société BTSG prise en la personne de Me [Y] ès qualité de mandataire judiciaire, de la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de Mme [O] [C].
Le 21 avril 2022, Mme [O] [C] a interjeté appel de la décision.
Par jugement du 14 juin 2023, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de redressement pour la société Institut européen des politiques publiques et nommé la SELARL 2M et associés pris en la personne de Me [F] [A] en qualité de commissaire à l'exécution du plan en mettant fin à sa mission d'administrateur et désigné la société BTSG prise en la personne de Me [W] [Y] en qualité de mandataire judiciaire.
Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 9 juillet 2025, Mme [O] [C], appelante, demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, qui sont les suivantes :
* ordonner à l'Institut européen des politiques publiques de lui appliquer le statut de cadre coefficient 450 pour l'ensemble de la relation de travail ou, subsidiairement, le statut cadre coefficient 310,
* fixer sa créance au passif de l'Institut européen des politiques publiques aux sommes suivantes, avec opposabilité à l'AGS Ouest :
35 119,50 euros ou subsidiairement 8 044 euros à titre de rappel de salaires,
3 511,95 euros ou subsidiairement 804,47 euros au titre des congés payés afférents,
* requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* fixer sa créance au passif de l'Institut européen des politiques publiques aux sommes suivantes, avec opposabilité à l'AGS Ouest :
20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou, à titre subsidiaire, pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,
23 760 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
1 980 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
11 880 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
1 188 euros au titre des congés payés afférents,
3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de mutuelle et de prévoyance,
3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* ordonner la remise de bulletins de salaire et de documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision,
* assortir la décision à intervenir :
des intérêts au taux légal,
de la capitalisation des intérêts,
* condamner l'Institut européen des politiques publiques à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamner l'Institut européen des politiques publiques aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau,
- ordonner à l'Institut européen des politiques publiques de lui appliquer le statut de cadre coefficient 450 pour l'ensemble de la relation de travail ou, subsidiairement, le statut cadre coefficient 310,
- fixer sa créance au passif de l'Institut européen des politiques publiques aux sommes suivantes, avec opposabilité à l'AGS Ouest :
* 35 119,50 euros ou subsidiairement 8 044 euros à titre de rappel de salaires,
* 3 511,95 euros ou subsidiairement 804,47 euros au titre des congés payés afférents,
- requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- fixer sa créance au passif de l'Institut européen des politiques publiques aux sommes suivantes, avec opposabilité à l'AGS Ouest :
* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou, à titre subsidiaire, pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,
* 23 760 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 980 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 11 880 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 1 188 euros au titre des congés payés afférents,
* 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de mutuelle et de prévoyance,
- ordonner la remise de bulletins de salaire et de documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision,
- assortir la décision à intervenir :
* des intérêts au taux légal,
* de la capitalisation des intérêts,
- condamner l'Institut européen des politiques publiques à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'Institut européen des politiques publiques aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- confirmer le jugement entreprise en ce qu'il a débouté l'Institut européen des politiques publiques de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 23 juillet 2025, l'Institut européen des politiques publiques et la société 2M et associés, prise en la personne de Me [F] [A], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [O] [C] de l'ensemble de ses demandes,
En conséquence,
- juger Mme [O] [C] mal fondée en son appel,
- débouter Mme [O] [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner Mme [O] [C] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'Institut européen des politiques publiques,
- condamner Mme [O] [C] aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 10 juillet 2025, l'AGS , intimée, demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement entrepris,
- débouter Mme [O] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire,
- fixer au passif de la liquidation les créances retenues,
- dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L3253-19 du code du travail,
Dans la limite du plafond 5 toutes créances brutes confondues, à titre subsidiaire et à défaut des fonds disponibles :
- exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- exclure l'opposabilité à l'AGS de l'astreinte,
- rejeter la demande d'intérêts légaux,
- dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
La cour se réfère expressément aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens et des prétentions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2025.
MOTIFS
- Sur demande de rappel de salaire en conséquence d'une reclassification professionnelle
La salariée fait valoir que les missions qu'elle a été amenée à exercer ont été au-delà des stipulations de son contrat de travail. C'est ainsi qu'elle affirme avoir travaillé en complète autonomie, avec des responsabilités et des compétences en matière juridique, comptable, commerciale et logistique et inter filières. Elle revendique à ce titre l'application du statut cadre.
Elle souligne sa polyvalence, en affirmant qu'elle a été appelée en renfort sur les pôles commercial, diplômant, administratif et facturation, et fait valoir qu'elle a été " référent fonctions RH + juridique ", qu'elle a pris en charge la comptabilité de l'Institut européen des politiques publiques.
Elle met en avant son affectation de tâches relevant de la famille professionnelle " promotion, marketing et commercial " et " gestion administrative, logistique, financière et réglementaire ", ainsi que la charge de la responsabilité du pôle " langues ".
Elle soutient avoir été responsable des secteurs techniques, administratifs, financiers, commerciaux ou pédagogiques et souligne une disparité entre son statut et sa classification et la réalité de ses fonctions et de ses responsabilités, sollicitant à ce titre le bénéfice du statut cadre indice 450, subsidiairement le statut de cadre coefficient 310.
L'employeur rappelle que plusieurs critères permettent de caractériser un statut de cadre :
- le statut de cadre est attribué par le contrat de travail,
- le statut de cadre résulte de la classification de la convention collective,
- les fonctions exercées par le salarié comportent un pouvoir de commandement et une grande autonomie,
- les attributions du salarié comportent une grande expertise.
Il fait valoir d'abord qu'aucun document contractuel ne mentionne que la salariée relève du statut de cadre, celle-ci ayant été engagée en qualité d'assistante administrative relevant du statut technicienne qualifiée 2e degré non cadre, fonction mentionnée sur ses bulletins de salaires et son attestation pôle emploi.
Il fait valoir que sa classification de technicienne 2e degré est bien conforme aux dispositions conventionnelles au regard de son emploi d'assistante administrative.
Il affirme que les fonctions confiées à la salariée ne comportaient pas de pouvoir de commandement ni une grande autonomie ni une grande expertise.
Il souligne à ce titre que la salariée, lors de son embauche, n'avait pas d'autre expérience professionnelle que son alternance.
Il ajoute que la polyvalence mise en avant par la salariée est conforme au descriptif non-exhaustif de l'article 7 de son contrat de travail et conteste que celle-ci a été employée à commercialiser des ventes ou qu'elle aurait été en charge du pôle langue.
Il conteste tout pouvoir de commandement, pouvoir hiérarchique ou pouvoir décisionnaire attribué à la salariée.
L'AGS soutient que la salariée ne démontre pas qu'elle exerçait des responsabilités plus importantes qu'au niveau G, qu'elle avait une délégation directe de l'employeur, une large autonomie d'action ou un niveau d'expertise.
Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
En application de ce texte, il appartient au salarié d'établir que les fonctions qu'il exerce réellement correspondent à la classification qu'il revendique.
Le contrat de travail à durée déterminée conclu le 13 septembre 2018 stipule que la salariée occupera les fonctions d'assistante administrative-accueil et plannings, au niveau hiérarchique D2 et au coefficient de 220, statut technicienne qualifiée 2ème degré non cadre.
Il est précisé que la salariée aura pour fonction :
- accueil téléphonique et physique,
- accueil des formateurs et des stagiaires,
- gestion administrative des formations : réservations des salles, confirmation avec les formateurs préparation et envoi des convocations, impression des supports de formation, et des listes d'émargement, préparation des questionnaires d'évaluation,
- préparation des dossiers de financement de formation,
- facturation : saisie, édition et relance des factures,
- aide à la comptabilité,
- gestion des stocks: inventaire, commandes et rangement.
Il est indiqué que ces fonctions présentent un caractère évolutif.
Il convient de préciser que la relation de travail s'est ensuite poursuivie par contrat à durée indéterminée sans que les parties ne produisent d'écrit formalisant ce changement.
La salariée revendique un statut cadre au coefficient 450 ou à défaut 310.
Les règles de classification sont énoncées par l'article 20 de la convention collective qui se rapporte à la classification conventionnelle.
Il en ressort que l'échelle de classification comporte 31 paliers d'emploi auxquels correspondent des coefficients.
L'article 20.7.2. précise que le statut agent de maîtrise ou technicien est accordé aux salariés qui occupent un emploi se situant entre le coefficient 171 et le coefficient 349 inclus.
L'article 20.7.3. précise que le statut cadre est accordé aux salariés qui :
- occupent un emploi se situant au moins au coefficient 350 ;
- ou qui occupent un emploi se situant entre le coefficient 310 et le coefficient 349 inclus, sous réserve de satisfaire au moins deux des trois conditions suivantes :
- atteindre la marche 3 ou plus sur le critère management ;
- atteindre la marche 4 ou plus sur le critère ampleur des connaissances ;
- atteindre la marche 6 ou plus sur le critère autonomie.
La salariée a été engagée au coefficient 220 qui correspond à un emploi de technicienne palier 12.
Elle revendique un statut de cadre 450 qui correspond au palier 28 ( sur une échelle de 31) ou à défaut 310 qui correspond au palier 25.
Le coefficient est obtenu par l'addition d'un nombre de points correspondant à des marches prévues pour les critères suivants :
' l'autonomie qui comporte sept marches;
' le management qui comporte sept marches;
' le relationnel qui comporte sept marches;
' l'impact qui comporte quatre marches;
' l'ampleur des connaissances qui comporte six marches;
' la complexité et le savoir-faire professionnels qui comporte quatre marches,
outre des points de bonification en cas d'emploi interfilières c'est à dire un emploi relevant de plusieurs des filières suivantes :
' filière 1 : formation, accompagnement, ingénierie ;
' filière 2 : développement ;
' filière 3 : supports.
La salariée, qui indique que les missions qu'elle a accompli la font relever d'un coefficient 450 ou 310 décrit ses tâches sans les positionner au regard des critères de classification sus-énoncés ni expliquer de quelle manière elle serait susceptible de totaliser la différence de points entre son coefficient d'embauche et ceux qu'elle revendique à titre principal ou subsidiaire.
En outre, les pièces qu'elle produit aux débats ne permettent pas d'établir qu'elle était comme elle le soutient :
- chargée de conclure des ventes de formation en langues et de les suivre jusqu'à la délivrance de l'attestation de formation, les courriels versés à ce titre montrant qu'elle exécutait à ce titre les fonctions de secrétaire qui étaient les siennes,
- en charge de la partie des ressources humaines, le fait qu'elle soit désignée référent ne permettant pas en soit d'établir qu'elle était en responsabilité dans ce domaine,
- intervenue pour la comptabilité de deux sociétés, les courriels versés ne concrétisant aucune action de sa part en ce domaine.
Par ailleurs, elle affirme, sans aucune offre de preuve, qu'elle était en charge du pôle langue et en charge de l'organisation et du suivi des voyages des stagiaires ou formateurs de l'entreprise.
Les éléments qu'elle produit montrent au contraire que les missions qu'elle a réellement exercées correspondent en tout point aux tâches d'accueil et de secrétariat pour lesquelles elle avait été engagée.
Elle ne peut dès lors pas prétendre au coefficient 450.
Elle ne peut non plus prétendre au coefficient 310 étant ajouté que pour être cadre, un salarié au coefficient 310 doit satisfaire à au moins deux des trois conditions suivantes :
' atteindre la marche 3 ou plus sur le critère management ;
' atteindre la marche 4 ou plus sur le critère ampleur des connaissances ;
' atteindre la marche 6 ou plus sur le critère autonomie.
Ce que la salariée ne démontre pas.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de classification conventionnelle et des demandes de rappel de salaire et de congés payés en découlant.
- Sur le harcèlement moral et la violation de l'obligation de sécurité.
La salariée soutient qu'elle a travaillé au delà des tâches qui lui ont été confiées et a accompli un nombre important d'heures supplémentaires en contrepartie d'une faible rémunération.
Elle affirme que l'employeur a exercé des pressions afin de la déstabiliser et la pousser à reconnaître des agissements qu'elle n'avait pas commis dans le cadre d'un conflit qui opposait son employeur à M. [S], son concubin, et afin de lui faire quitter son poste, avec une proposition de poursuite de collaboration au titre d'un contrat d'apporteur d'affaires en statut précaire.
Elle soutient que c'est cette situation qui a conduit à son licenciement et que les pressions subies ont eu pour effet de dégrader son état de santé.
Elle indique que les agissements de l'employeur caractérisent l'existence d'une situation de harcèlement moral ou à titre subsidiaire constituent une violation de l'obligation de sécurité à laquelle il est tenu.
L'employeur réplique que la salariée n'apporte aucune preuve démontrant l'existence de faits précis et concordant laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Il ajoute qu'elle ne verse aucun élément établissant un lien entre son état de santé et ses conditions de travail.
L'AGS adopte la même position.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L.1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte des développements précédents que la salariée n'a pas accompli de tâches qui ne relevaient pas du périmètre de ses attributions.
Par ailleurs, la salariée affirme qu'elle a accompli de nombreuses heures supplémentaires sans présenter d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Il sera d'ailleurs observé qu'elle ne formule pas de demande de rappel d'heures supplémentaires.
Le courriel qui lui a été adressé par M. [K], directeur général le 18 juin 2020 ( pièce 33 de l'appelante) dans lequel il écrit' suite à notre entretien de ce jour, il faut te rapprocher de [M] pour formaliser ta demande de rupture conventionnelle. Par la suite, si tu le désires, nous pouvons te proposer un contrat d'apporteur d'affaires consistant à traiter à distance des appels sur la base de listes qualifiées. [M] et moi restons à ta disposition pour toute question' qui est le seul élément produit par la salariée, ne permet pas à lui seul et faute d'autres éléments d'établir, comme le soutient la salariée qu'elle a subi des pressions de la part de son employeur pour quitter l'entreprise et qu'ayant refusé le statut précaire d'apporteur d'affaires, elle a fait l'objet d'un licenciement. Il ne permet pas non plus d'établir, au vu du ton employé et sans plus d'élément de preuve, qu'il matérialise le souhait de l'employeur de voir la salariée prendre l'initiative d'une rupture conventionnelle.
Pour ce qui est des pressions que la salariée auraient subies en suite du conflit qui a opposé son employeur à son concubin, l'employeur ne conteste pas - et d'ailleurs cela figure dans la lettre de licenciement- l'existence d'entretiens au cours du mois de juin 2020.
Alors que l'employeur conteste formellement avoir exercé toute pression, la salariée ne verse aucun élément pour corroborer ses affirmations. A cet égard, il sera relevé qu'elle ne donne aucune information sur la suite réservée au dépôt d'une plainte contre son employeur pour chantage le 15 juin 2020 (pièce 20 de l'appelante). Il sera observé que les propos qu'elle prête à son employeur dans cette plainte reposent sur ses seules déclarations et qu'à la question de savoir pour quelle raison elle a déposé plainte elle a répondu ' C'est juste que mon avocat (....) m'a demandé de porter plainte pour me protéger'. En l'état, aucun élément ne permet de considérer que la salariée a fait l'objet de pressions afin de reconnaître des faits ou accepter un départ forcé.
Quant à la lettre du Dr [J] datée du 16 février 2020 adressant la salariée à un confrère dans les termes suivants ' Je vous adresse [O] [C] [B] Clair (....), pour suivi dans le cadre d'une détresse psychologique pour conflit au travail', elle ne fait que reprendre les déclarations de la salariée sans que le Dr [J] n'établisse personnellement de lien direct entre l'état de santé de la salariée et ses conditions de travail.
Au demeurant, et si besoin en est, il sera ajouté qu'en l'absence de faits matériellement établis, un document médical ne peut à lui seul permettre de retenir que le salarié présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Les éléments énoncés par la salariée n'étant pas matériellement établis et ne reposant pour la majorité que sur ses dires dépourvus d'offre de preuve, il ne peut être retenu qu'elle a été victime de harcèlement moral.
Les éléments développés au titre du manquement à l'obligation de sécurité étant identiques, il convient également de retenir qu'aucun manquement à ce titre ne peut être retenu contre l'employeur.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande au titre du harcèlement moral.
Ayant omis de statuer sur la demande de dommages et intérêts formée à titre subsidiaire au titre du manquement à l'obligation de sécurité, il y sera ajouté. La salariée est ainsi déboutée de sa demande de fixation au passif de la société de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.
- Sur le licenciement
Selon l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L.1235-2 du même code, la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
Selon l'article L.1235-1 du même code, à défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
La charge de la preuve de la faute grave pèse sur l'employeur.
La salariée a été licenciée pour faute grave par lettre du 5 août 2020 ( pièce 9 de l'intimé).
L'employeur écrit ' Nous avons récemment découvert que Monsieur [N] [S], apporteur d'affaires indépendant, dont vous êtes la conjointe, avait facturé à la société, à plusieurs reprises, des commissions portant sur des affaires qu'il n'avait pas apportées, d'un montant global de 7.159 euros TTC. Nous avons été alertés par la date de certaines de ces formations pour lesquelles il avait facturé ces commissions car elles étaient antérieures de plusieurs mois au démarrage de sa mission d'apporteur d'affaires.
Cette découverte nous a conduit à effectuer des investigations qui ont révélées que ces facturations indues portaient toutes sur des dossiers que vous aviez traités.
Il est apparu que c'est grâce à des informations que vous lui avez communiquées qu'il a facturé des commissions sur des dossiers en déshérence.
Il a alors facturé à notre société des commissions sur celles-ci, s'attribuant ainsi indûment ces dossiers et le chiffre d'affaires correspondant alors même qu'il n'avait accompli aucune prestation à ce titre.'
S'ensuivent des développements rappelant les étapes de la procédure de licenciement, la contestation que les entretiens des 15 et 18 juin 2020 constituaient des entretiens disciplinaires mais des discussions informelles ' dans le cadre des investigations menées, et de plus il ne vous a jamais été fait aucune pression pour vous imposer un rupture conventionnelle'.
La lettre se poursuit ' En toute hypothèse, nous ne pouvons tolérer de telles manoeuvres d'une part en ce que vous avez diffusé à un prestataire externe des informations internes et d'autre part dans le but de facturer indûment des commissions au détriment de la société et au profit de votre conjoint.
En conséquence, et après réflexions, nous sommes contraints de vous signifier la rupture de nos relations contractuelles à effet immédiat compte tenu de la nature et de la gravité des faits qui rendent votre maintien dans l'entreprise impossible'.
Il est ainsi reproché à la salariée d'avoir fait usage d'informations qu'elle détenait dans le cadre de ses fonctions au profit de son compagnon afin que celui-ci facture des prestations fictives à l'employeur.
L'employeur précise que M. [S], le concubin de la salariée, qui intervenait en qualité d'apporteur d'affaires indépendant, a indûment facturé à la société des commissions portant sur des affaires qu'il n'avait pas apportées. Il affirme que les dates de certaines formations pour lesquelles M. [S] avait facturé des commissions étaient antérieures de plusieurs mois au début de ses missions et que les dossiers avaient été traités par la salariée dans le cadre de ses missions administratives.
Il précise que la salariée, qui était alors chargée de saisir le dossier client dans le logiciel interne PGI, a frauduleusement affecté M. [S] en qualité d'apporteur de nombreuses formations qu'il n'avait pas apportées.
Il rappelle qu'à l'issue de l'entretien du 15 juin 2020, M. [S] a fait parvenir un avoir pour des sessions correspondant aux formations non apportées par lui et affirme que Mme [O] [C] a reconnu les faits.
Il soutient que ces faits étaient graves et rendaient impossible le maintien du contrat de travail.
Il conteste la justification apportée par la salariée selon laquelle M. [S] aurait supervisé les formations litigieuses et souligne n'avoir jamais demandé à M. [S] de superviser ces dossiers.
Il conteste que le licenciement ait été motivé par le refus de la salariée d'accepter une rupture conventionnelle.
L'AGS Ouest s'associe aux explications de l'employeur.
La salariée conteste les griefs qui lui sont reprochés.
Ainsi qu'il l'a été précédemment relevé, en l'absence de preuve sur la teneur des propos des parties au cours du mois de juin 2020, il ne peut être retenu, comme l'affirme l'employeur dans la lettre de licenciement et dans ses écritures, que les faits ont été reconnus par la salariée.
Pour ce qui est des faits, la salariée ne conteste pas :
- que c'est elle qui a inscrit informatiquement le nom de M. [S], son concubin, en face des sessions de formations litigieuses ( pièce 3 de l'intimé),
- les affirmations de l'employeur qui indique que M. [S] a signé avec lui un contrat d'apporteur d'affaire au mois de mai 2019 et que la collaboration effective a débuté entre le mois de juin et le mois de juillet 2019
Il ressort du tableau produit par l'intimé que :
- pour certaines formations la demande de signature et la date du devis sont antérieures à l'arrivée de M. [S] il en est ainsi des formations 660,825,835,872,1131,1152, 1156,1160, 1947,
- pour certaines formations, la période de formation a débuté avant l'arrivée de M. [S] il en est ainsi des formations 660,825,835,872,1131,
- pour certaines formations la période de formation facturée débute antérieurement à l'arrivée de M. [S] il en est ainsi des formations 660,825,835,872,1131,1152,1785.
La salariée critique le tableau produit par l'employeur en indiquant qu'il s'agit d'un tableau excel qu'il a lui même rédigé pour autant elle soutient dans ses écritures ' bien que ces sessions aient été créées par Madame [O] [C] antérieurement à l'arrivée de Monsieur [S], cela ne signifie pas qu'elles n'aient pas été supervisées par ce dernier.
En effet, en raison d'une mauvaise gestion par l'IEPP, de nombreux clients n'obtenaient aucune formation après avoir rempli les dossiers de formation par la CDC, et souhaitaient annuler leur demande de formation afin de se former auprès d'entreprises concurrentes de l'IEPP.
Cette dernière a alors chargé Monsieur [S], quelques temps après son arrivée, de reprendre contact avec ces clients afin de superviser leurs formations ce qu'il a parfaitement réussi et dont il justifie.
Dans ces conditions, l'IEPP ne rapporte pas la preuve que les formations litigieuses n'ont pas été supervisées par Monsieur [S] et que Madame [O] [C] aurait commis une faute en attribuant à ces derniers des formations en 'déshérence'.
La facture de Monsieur [S] est donc parfaitement justifiée.' ( page 12 des écritures de l'appelante).
Ces affirmations permettent de considérer que les mentions figurant sur la pièce 3 sont exactes.
Par ailleurs, elles permettent d'établir la réalité du grief reproché par l'employeur à la salariée suivant lequel elle a diffusé à un prestataire externe des informations internes.
Il sera rappelé que M. [S] était un apporteur d'affaires indépendant et qu'il a ainsi pu bénéficier par l'intermédiaire de sa concubine d'informations privilégiées pour poursuivre des affaires en cours sans en avoir été à l'origine.
Il sera ajouté que même si M. [S] a pu réaliser des prestations de formation, le tableau fait apparaître des périodes de formation antérieures à son arrivée qui ne correspondent pas à une prestation qu'il aurait effectivement assurée et pour lesquelles il a pourtant perçu des commissions.
Il ressort ainsi de l'ensemble de ces éléments que les manquements reprochés par l'employeur à la salariée sont établis.
L'utilisation et la diffusion par la salariée d'informations obtenues dans l'exercice de ses fonctions pour les communiquer à son concubin, apporteur d'affaires auprès de l'employeur qui a ainsi pu bénéficier de commissions alors qu'il n'avait pas apporté lesdites affaires et n'a pas effectué l'ensemble des prestations sur la période facturée, permet de considérer que ces manquements sont d'une gravité telle qu'ils rendaient impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise.
Pour ce qui est de la cause réelle du licenciement, si l'employeur a fait référence par courriel à une rupture conventionnelle avant d'engager la procédure de licenciement cette seule chronologie ne peut à elle seule permettre de considérer que la cause réelle du licenciement est le refus de la salariée d'accepter une rupture conventionnelle. Il sera rappelé qu'il a précédemment été retenu qu'aucun élément ne permettait de considérer que l'employeur avait exercé des pressions sur la salariée pour qu'elle quitte l'entreprise et accepte une rupture conventionnelle.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une faute grave et a débouté la salariée de toutes ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail.
- Sur l'absence de souscription de prévoyance
La salariée, qui réclame des dommages et intérêts en indiquant que l'employeur n'a pas souscrit de mutuelle et de prévoyance ne caractérise pas le préjudice qu'elle aurait subi.
En l'absence de preuve de l'existence d'un préjudice, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande.
- Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé sur les dépens et en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.
La salariée est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
DÉBOUTE Mme [B] [Z] [O] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que Mme [B] [Z] [O] [C] supportera la charge des entiers dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE