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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 21 novembre 2025, n° 25/01912

NÎMES

Ordonnance

Autre

CA Nîmes n° 25/01912

21 novembre 2025

COUR D'APPEL

DE [Localité 10]

4ème chambre commerciale

ORDONNANCE N° :

N° RG 25/01912 - N° Portalis DBVH-V-B7J-JTQR

Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de MONTPELLIER, décision attaquée en date du 11 Septembre 2020, enregistrée sous le n° 2007005969

S.A.S. THT BIO SCIENCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en

cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Sonia HARNIST de la SELARL HARNIST AVOCAT, avocat au barreau de NIMES - Représentant : Me Anne-dorothée DE BERNIS de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

Madame [B] [D]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER - Représentant : Me Nicolas JONQUET de la SCP SVA, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [Z] [C]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentant : Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER - Représentant : Me Nicolas JONQUET de la SCP SVA, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [W] [C]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentant : Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER - Représentant : Me Nicolas JONQUET de la SCP SVA, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [T] [C]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentant : Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER - Représentant : Me Nicolas JONQUET de la SCP SVA, avocat au barreau de NIMES

INTIMES

LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ

ORDONNANCE

Nous, Nathalie ROCCI, présidente de chambre, assistée de Isabelle DELOR, Greffier, présent lors des débats tenus le 06 Novembre 2025 et du prononcé,

Vu la procédure en instance d'appel inscrite au répertoire général sous le numéro N° RG 25/01912 - N° Portalis DBVH-V-B7J-JTQR,

Vu les débats à l'audience d'incident du 06 Novembre 2025, les parties ayant été avisées que l'ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2025,

Exposé du litige

La société THT, créée en 1992, est experte dans la conception, le développement et la fabrication d'implants médicaux et chirurgicaux.

La société Pro Concept, créée en 2002, est spécialisée dans le commerce de gros et de distribution de produits pharmaceutiques. Avant sa cession, Mme [R] [S], Mme [R] [D] et Messieurs [Z], [W] et [T] [C] en étaient actionnaires (ci-après les « Cédants » ou « Consorts [C] »). Il s'agissait d'une société familiale gérée par la belle-mère [R] [S], son époux [Z] [C], directeur commercial, les trois autres actionnaires étant les deux fils et la fille de [Z] [C].

Le 6 janvier 2006, les sociétés THT et ProConcept ont signé une lettre d'intention convenant des principales modalités de la cession, dont le prix (1.300.000 euros), le mode de paiement ainsi que la signature d'une convention de garantie de passif. La cession devait intervenir, au plus tard, le 31 janvier 2006, délai prorogé au 15 février 2006.

Le 15 février 2006, la société THT devenue THT Bio-Science a acquis la totalité des actions de la société Pro Concept chirurgical moyennant le prix de 1 300 000 euros. Une convention de garantie de passif a été conclue le même jour.

La société THT Bio-Science soutient qu'elle a découvert, postérieurement à la cession, des surfacturations réalisées par la société Bio Concept.

Elle expose que dix jours avant la signature de l'acte de cession, les parties sont convenues de rapprocher leur système de facturation, décision concrétisée par une convention de mandat et qu'il est apparu, postérieurement à la cession, que des produits non collagénés et donc tarifés et remboursés en moyenne pour 70 euros selon les décrets en vigueur, étaient en réalité vendus comme des produits collagénés, et donc tarifés et remboursés pour, en moyenne, 280 euros, soit trois fois plus cher.

La société THT Bio-Concept s'appuie sur l'audit qu'elle a fait réaliser par le cabinet PriceWaterHouseCoopers qui a évalué le trop perçu à son profit à la somme totale d'au moins 419 328, 59 euros.

La société THT Bio-Concept expose que ces surfacturations commises par Pro Concept avant la cession ont placé la société et son acquéreur dans une situation financière très délicate, les obligeant à réparer un lourd préjudice, en signant plusieurs protocoles avec les caisses victimes des surfacturations. Ces protocoles sont les suivants:

- un premier le 31 mai 2007 avec la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés pour la somme forfaitaire et définitive de 322.768,14 euros;

- un deuxième le 2 juillet 2007 avec la Caisse Centrale de la Mutualité Sociale pour la somme forfaitaire et définitive de 27.590,92 euros;

- un troisième le même jour avec la Caisse Centrale du Régime Social des Indépendants pour la somme forfaitaire et définitive de 14.707,56 euros.

La société THT Bio-Sciences a été placée en redressement judiciaire le 16 juillet 2014.

Une première plainte avec constitution de partie civile a été déposée le 23 mai 2006 par M.[A] [J], gérant de la société THT en son nom propre et ès qualités en tant que président directeur général de la sociétéTHT et président de la société Pro Concept du chef d'escroquerie, plainte régularisée par une seconde en date du 9 octobre 2007.

Parallèlement, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de [Localité 9] a, le 21 mars 2008, déposé plainte du chef d'escroquerie à l'encontre des cédants.

Le 29 janvier 2018, le tribunal correctionnel de Montpellier a relaxé M. [Z] [C] des chefs d'escroquerie et de présentation de comptes annuels inexacts, étant précisé que Mme [R] [S] était décédée entre temps.

Parallèlement et par assignation du 15 mars 2017, la société THT a saisi le tribunal de commerce de Montpellier aux fins de voir juger que le jeu de la convention de passif est acquis au profit de la société THT et de voir réduire en conséquence le prix de vente des actions de Pro Concept de 1 300 000 euros à 115 000 euros et notamment de faire fixer le montant du passif non comptabilité à 419 328, 59 euros.

Par jugement du 11 septembre 2020, le tribunal de commerce de Montpellier:

«

- Déclarait recevable la mise en 'uvre de la convention de garantie de passif dans la limite du remboursement de la somme de 365.066,52 euros effectué auprès de la CPAM ;

- Déboutait la société THT de l'ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions

- Fixait le prix de vente de la totalité des actions de la société PRO CONCEPT CHIRURGICAL à la somme de 934.933,48 euros,

- Déclarait que le solde de la vente de la totalité des actions de la société PRO CONCEPT CHIRURGICAL dû aux Consorts [C] s'élève à la somme de 834.933,48 outre les intérêts au taux légal depuis le 15 février 2006,

- Condamnait la société THT à payer aux Consorts [C] la somme de 834.933,48 outre intérêts au taux légal depuis le 15 février 2006, au titre du solde de la vente de la totalité des actions de la société PRO CONCEPT CHIRURGICAL,

- Fixait au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société THT, la créance au titre du solde de la vente de la totalité des actions de la société PRO CONCEPT CHIRURGICAL aux Consorts [C] pour un montant de 834.933,48 euros, outre intérêt au taux légal depuis le 15 février 2006,

- Disait qu'il n'y a pas lieu à fixation de dommages et intérêts au titre du non-paiement abusif des sommes dues au profit des Consorts [C],

- Ordonnait l'exécution provisoire du jugement,

- Condamnait la société THT à payer Consorts [C] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens dont frais de greffe liquidés et taxés à la somme de 306,82 euros toutes taxes comprises. »

La société THT a interjeté appel de jugement le 15 novembre 2020.

Par arrêt du 29 novembre 2022, la cour d'appel de Montpellier:

'- Infirme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 11 septembre 2020 et statuant à nouveau,

- Déclare l'intervention volontaire de la société Pro concept chirurgical en cause d'appel, recevable,

- Déclare irrecevables comme prescrites, les demandes de la société Pro concept chirurgical visant à la mise en 'uvre de la garantie d'actif et de passif, ainsi que ses demandes subsidiaires fondées sur l'erreur ou le dol,

- Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription relativement aux demandes de la société THT fondées sur l'erreur ou le dol,

- Au fond, déboute la société THT de l'ensemble de ses prétentions fondées sur l'erreur ou le dol, y compris les demandes aux fins de remboursement des dépenses engagées pour la mise en 'uvre de la convention de garantie et d'indemnisation d'un préjudice résultant de l'atteinte à l'image et à la réputation,

- Fixe comme suit la créance chirographaire des consorts [C] à la procédure collective de la SA Textile HI Tech, devenue la SAS THT Bio-science, au titre du solde du prix de cession des actions :

o [Z] [L], à la somme de 845 002 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2007,

o [W] [C], à la somme de 65 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2007,

o [B] [D], à la somme de 130 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2007 ;

o [T] [C], à la somme de 65 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2007,

- Rejette toutes autres demandes,

- Condamne la société THT aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer aux consorts [C] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ».

La SAS THT Bio-Science, la société [M] [I], prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société THT Bio-Science et la SAS Pro Concept Chirurgical ont formé un pourvoi en cassation.

Par un arrêt du 2 avril 2025, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 29 novembre 2022 entre les parties par la cour d'appel de Montpellier et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Nîmes.

Par conclusions d'incident, la société THT Bio-Science demande au président de la chambre commerciale de:

'A titre principal,

- JUGER recevable la demande de désignation d'expert ;

- DÉSIGNER tel expert qu'il lui plaira avec la mission :

- De prendre connaissance du dossier ;

- De se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'exécution de sa mission, et notamment la copie des éléments disponibles du dossier pénal ;

- En se basant sur une méthode d'évaluation similaire et les éléments disponible du dossier pénal à celle ayant servi à l'établissement du prix de cession de la société PRO CONCEPT à THT, établir

1. Une valorisation révisée de la société PRO CONCEPT en tenant compte des données chiffrées de refacturation disponibles à savoir :

o Le rapport d'évaluation et la note de synthèse sur les surfacturations de PriceWaterhouseCoopers du 25 avril 2006 et leurs annexes

o Le listing détaillé des surfacturations

o Les protocoles transactionnels signés avec les CPAM

2. Une valorisation du montant dû à la société THT au titre de la garantie d'actif et de passif résultant des surfacturations de janvier 2003 à janvier 2006

- DIRE que l'expertise sera mise en 'uvre et que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au secrétariat du greffe de la juridiction dans les six mois de sa saisine ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Présidente de la chambre estimait ne pas pouvoir statuer sur une telle demande :

- JUGER que la demande de désignation d'un expert judiciaire sera examinée par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond,

En tout état de cause,

- DEBOUTER Madame [R] [D], Monsieur [Z] [C], Monsieur [W] [C] et Monsieur [T] [C] de toutes prétentions et toutes réclamations qu'ils seraient susceptibles de faire valoir dans le cadre du présent incident ;

- RESERVER les dépens, en ce compris les frais de l'expertise'.

Par conclusions en défense à l'incident, Mme [R] [D], M. [Z] [O] [C], M. [T] [C] et M. [W] [C] demandent à la présidente de la chambre commerciale, au visa des dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile de:

'- DECLARER IRRECEVABLE la demande d'expertise de la société THT BIO-SCIENCE

- DEBOUTER la société THT BIO-SCIENCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- CONDAMNER la société THT BIO-SCIENCE au paiement de la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 aux concluants ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.'

Motifs

L'article 1037-1 du code de procédure civile énonce:

' En cas de renvoi devant la cour d'appel, lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l'article 906. En ce cas, les dispositions de l'articles 1036 ne sont pas applicables.

La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les vingt jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration, relevée d'office par le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président.

(...)

Les ordonnances du président de la chambre ou du magistrat désigné par le premier président statuant sur la caducité de la déclaration de saisine de la cour de renvoi ou sur l'irrecevabilité des conclusions de l'intervenant forcé ou volontaire ont autorité de la chose jugée. Elles peuvent être déférées dans les conditions du sixième alinéa de l'article 906-3.'.

L'article 906-3 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 énonce:

' Le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président est seul compétent, jusqu'à l'ouverture des débats ou jusqu'à la date fixée pour le dépôt des dossiers des avocats, pour statuer sur:

1° L'irrecevabilité de l'appel ou des interventions en appel;

2° La caducité de la déclaration d'appel;

3° L'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des l'article 906-2 et de l'article 930-1;

4° Les incidents mettant fin à l'instance d'appel.

Le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président statue par ordonnance revêtue de l'autorité de la chose jugée au principal relativement à la contestation qu'elle tranche. Cette ordonnance peut être déférée par requête à la cour dans les quinze jours de sa date selon les modalités prévues au neuvième alinéa de l'article 913-8.

Lorsque l'ordonnance a pour effet de mettre fin à l'instance, le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président statue sur les dépens et les demandes formées en application de l'article 700.

Dans les cas prévus au présent article et au septième alinéa de l'article 906-2, le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président est saisi par des conclusions qui lui sont spécialement adressées, distinctes des conclusions adressées à la cour.'

Conformément à l'article 16 du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023, ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er septembre 2024. Elles sont applicables aux instances d'appel introduites à compter de cette date et aux instances reprises devant la cour d'appel à la suite d'un renvoi après cassation lorsque la juridiction de renvoi est saisie à compter de cette même date.

Il est rappelé que dans le cadre d'une procédure sur renvoi après cassation, aucun conseiller de la mise en état n'est désigné, mais que la procédure est instruite sous le contrôle du président de chambre selon les modalités prévues par les dispositions des articles 906 et suivants du code de procédure civile.

Et en procédure à bref délai, l'étendue des pouvoirs du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, jusqu'à l'ouverture des débats ou jusqu'à la date fixée pour le dépôt des dossiers des avocats, est délimitée par l'article 906-3 du code de procédure civile.

La demande d'expertise n'entre pas dans les pouvoirs du président de chambre dans le cadre de la procédure à bref délai et seule la cour saisie au fond peut se prononcer sur une telle demande.

Il convient par conséquent de déclarer irrecevable la demande d'expertise de la société THT Bio-Science.

L'équité et la situation des parties commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, dans les limites du dispositif.

PAR CES MOTIFS

Nous, Nathalie Rocci, Président de chambre, statuant publiquement

Déclarons irrecevable la demande d'expertise formée la société THT Bio-Science

Condamnons la société THT Bio-Science à payer à Mme [R] [D], M. [Z] [O] [C], M. [T] [C] et M. [W] [C] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamnons la société THT Bio Science aux éventuels dépens de la présente procédure sur incident

Rappelons que la présente ordonnance peut être déférée à la cour dans les 15 jours à compter de ce jour.

La Greffière La Présidente

Copies délivrées aux avocats

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